2. La notion de perturbation comme obstacle à l'activité cynégétique dans un site du réseau Natura 2000
Comme il a été rappelé ci-dessus les
dispositions de l'article 6, alinéa 2, de la directive
92/43/CEE/Habitats naturels sont applicables, depuis juillet 1994, tant
sur les Zones de protection spéciale (ZPS) prévues par la
directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages que sur les Zones spéciales
de conservation (ZSC) qu'elle institue.
Cet article prévoit que les États membres prennent toutes
dispositions appropriées, dans les zones du réseau Natura 2000,
pour éviter les perturbations touchant les espèces pour
lesquelles les zones ont été désignées,
pour
autant que ces perturbations soient susceptibles d'avoir un effet significatif
eu égard aux objectifs de la directive
.
Si les chasseurs sont favorables à toutes les actions de
préservation ou de restauration des milieux, ils sont très
inquiets de l'interprétation pouvant être faite de la notion de
" perturbation " d'autant plus que la jurisprudence
communautaire
apparaît comme très restrictive. La véritable question est
de savoir si la chasse sera considérée ou non comme une
perturbation susceptible d'avoir un effet significatif eu égard aux
objectifs des directives.
Ainsi, dans le différend opposant les préfets de Loire-Atlantique
et Maine-et-Loire à diverses associations de chasseurs, le tribunal
administratif de Nantes a posé une question préjudicielle
à la Cour de justice des Communautés européennes (T.A. de
Nantes 3/12/92). La réponse de la Cour de justice en date du
19 janvier 1994 est très explicite et a priori condamne toute
action de chasse.
" Quant au premier inconvénient, il convient d'observer
que
toute activité de chasse est susceptible de perturber la faune
sauvage
et qu'elle peut, dans de nombreux cas, conditionner l'état
de conservation des espèces concernées, indépendamment de
l'ampleur des prélèvements auxquels elle donne lieu.
L'élimination périodique d'individus entretient en effet, parmi
les populations chassées, un état d'alerte permanent qui a des
conséquences néfastes sur de multiples aspects de leurs
conditions de vie.
Il y a lieu d'ajouter que ces conséquences sont particulièrement
graves pour les groupes d'oiseaux qui, durant la période de migration et
d'hivernage, ont tendance à se regrouper en bandes et à se
reposer sur des aires qui sont souvent très limitées ou
même enclavées. Les perturbations dues aux activités de
chasse poussent en effet ces animaux à consacrer la majeure partie de
leur énergie à se déplacer et à fuir, au
détriment du temps consacré à leur alimentation et
à leur repos en vue de la migration. Ces perturbations auraient des
répercussions négatives sur le bilan énergétique de
chaque individu et le taux de mortalité de l'ensemble des populations
concernées. L'effet de dérangement provoqué par la chasse
des oiseaux d'autres espèces est particulièrement important pour
celles dont la migration de retour est plus précoce. "
La Commission européenne dans un avis motivé adressé
à la France en septembre 1994 pour non respect des exigences de la
directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages notamment en ce qui concerne la chasse du
gibier d'eau à l'intérieur de la Zone de protection
spéciale de la Baie de Canche avait fait sienne la jurisprudence de la
Cour de justice, en dénonçant l'incapacité du Gouvernement
français à faire respecter la solution juridique qu'il avait
retenue pour transposer les obligations de la directive 79/409/CEE Oiseaux
sauvages sur ce site, à savoir l'instauration d'une réserve
naturelle sans droit de chasse.
Certes, la position de la Commission a évolué, à travers
des échanges de lettres entre le Commissaire européen et le
Ministre de l'Environnement, et à plusieurs occasions il a
été rappelé que la directive 92/43/CEE Habitats naturels
n'avait pas pour objectif de créer des sanctuaires où la chasse
ou toute autre activité pourrait être interdite a priori. Mais,
ces documents, s'ils engagent la Commission, n'ont néanmoins aucune
force juridique vis-à-vis de la Cour de justice.