Audition de M. Raymond-Max Aubert, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet, président
-
Nous commençons nos auditions sur le problème des
infrastructures routières. Cette question constitue certes une
préoccupation permanente pour tout élu local -et notre
collègue Boyer est celui qui est le plus directement à l'origine
de ces auditions, et je dois le remercier de sa suggestion-, mais s'inscrit
aujourd'hui dans la préparation du schéma national
d'aménagement du territoire. Conformément à ce qui avait
été prévu par la loi sur l'aménagement du
territoire, un nouveau schéma directeur est en préparation. Il
sera adopté par voie de décret, mais il faut en avoir
connaissance pour nous prononcer sur le schéma national.
C'est une bonne façon de l'éclairer que d'entendre le
délégué à l'aménagement du territoire.
Monsieur le Délégué, je ne sais pas dans quelle mesure
vous pouvez nous révéler les secrets du débat
interministériel, mais nous aimerions savoir quelles sont les
orientations que la DATAR a dans l'esprit, et si ces orientations se heurtent
ou non à des résistances de l'administration. Si vous me dites
qu'il n'y a aucune divergence de vue, je ne vous croirais pas ou je serais
très déçu, puisque nous comptons sur la DATAR pour
protéger les territoires enclavés, les zones oubliées, les
populations en décadence. Vous êtes donc notre porte-parole, notre
défenseur, parlez-nous du " combat héroïque " que
vous conduisez !
Avant de vous donner la parole, je vais demander à notre collègue
Boyer s'il a un mot à nous dire puisque c'est à sa demande que
nous avons organisé ces réunions.
M. Jean Boyer
. -
Alors que cette journée d'auditions sur
laquelle nous avons déjà pris un acompte substantiel, hier, sur
la politique d'investissements routiers en France, vient d'être ouverte,
je souhaite vous remercier, Monsieur le Président, d'avoir bien voulu
l'organiser très largement.
Ainsi se concrétise une suggestion que j'avais modestement émise
à la fin du mois de juin 1996, lorsque nous avions fait le point sur les
travaux du groupe de travail sur l'espace rural et sur le sous-groupe
" transports " que j'anime. Nous avons rencontré, à la
même époque, notre collègue M. Michel Rufin, le
Président Jean François-Poncet, et moi-même les
représentants de l'union des syndicats de l'industrie routière
française, l'USIRF, que nous allons d'ailleurs réentendre
aujourd'hui.
Je voudrais également vous remercier, Monsieur le Président, pour
la qualité des personnes que vous nous permettrez d'entendre et qui se
trouvent parmi les mieux placées pour nous aider à
réfléchir sur la politique d'investissement routière
française.
Cette journée, je me permets de l'affirmer, ne devra pas rester sans
suite. Aussi voudrais-je émettre une suggestion que j'avais
déjà esquissée en décembre dernier.
Nos travaux vont être denses et je propose qu'ils fassent l'objet d'une
publication sous la forme d'un rapport d'information du Sénat, à
couverture rouge. Si nos collègues en étaient d'accord, je serais
prêt à établir, sous la houlette du Président Jean
François-Poncet, la préface qui en serait en quelque sorte la
synthèse. Je vous soumets cette idée, il vous appartiendra d'en
prendre la décision.
Je me réjouis, quant à moi, que notre commission soit redevenue
pionnière sur ce sujet qui est au coeur de l'aménagement du
territoire. Personnellement, Monsieur le Délégué
général, je suis très heureux de vous voir, étant
donné que nous avons beaucoup travaillé ensemble. Nous allons
pouvoir vous poser des questions auxquelles vous répondrez certainement
avec toute la sincérité qui est la vôtre.
M. le Président
. -
J'avais oublié de vous dire
qu'à la suite de demandes qui nous ont été
adressées, nous avons invité l'ensemble des sénateurs
à nos réunions. Je voudrais ici saluer trois sénateurs qui
ne sont pas membres de notre commission : M. Henri Belcour de
Corrèze, M. Louis Souvet, et M. Marcel Lesbros.
Monsieur le Délégué, nous vous écoutons.
M. Raymond-Max Aubert
. -
Merci, Monsieur le Président. Je
vous remercie tout d'abord de m'accueillir devant votre commission. Vous avez
orienté les réflexions de votre journée sur le
problème des routes, mais puisque c'est le début de cette
journée, j'espère que vous me pardonnerez si, dans un premier
temps, je resitue ce problème important des routes dans un cadre plus
général d'aménagement du territoire. De ce point de vue,
si vous en êtes d'accord, je vais faire une présentation
très rapide et le mieux serait que je puisse répondre à
vos questions.
Dans cette présentation, je voudrais vous dire où en est la
réflexion du Gouvernement sur le schéma national puisque c'est au
fond le document de référence qui sera ensuite
décliné dans différents schémas sectoriels, dont
celui des routes, et peut-être également reprendre rapidement les
grandes priorités telles qu'elles sont arrêtées dans la
mouture actuelle du schéma national. A dire vrai, ces grandes
priorités ne vous étonneront pas beaucoup, Monsieur le
Président. Je dois vous dire que le texte que nous préparons
s'inspire largement des travaux des commissions thématiques mises en
place, dont l'une était présidée par M. Jean
François-Poncet et avait pour objet les réseaux et territoires.
Vous retrouverez largement, dans les priorités que je rappellerai tout
à l'heure, les suggestions et les propositions faites par M. Jean
François-Poncet et par certains d'entre vous.
Je voudrais simplement vous donner quelques principes et interrogations qui
pourraient inspirer notre dialogue.
Concernant la procédure elle-même, la loi d'orientation pour
l'aménagement du territoire a retenu le principe de la définition
d'un schéma national. La préparation de ce texte est maintenant
très avancée, puisque votre Président m'a invité
à vous dire toute la vérité. Après une phase
d'interrogation ou d'incertitude sur ce que devait être ce document, nous
en sommes aujourd'hui à une phase où les décisions
devraient être prises assez rapidement. Il ne s'agit d'ailleurs pas, dans
l'immédiat, de définir un projet de schéma national. C'est
une nuance que je voudrais introduire tout de suite : il s'agira d'un
simple avant-projet de schéma national. Comme vous le savez, ce texte,
dès qu'il sera adopté par le Gouvernement, fera l'objet d'une
concertation locale extrêmement poussée puisque le
législateur lui-même avait prévu 4 mois pour cette
concertation locale, sous la coordination des préfets de région.
Il s'agit bien d'un avant-projet qui, je l'espère, se nourrira des
suggestions, des critiques, des propositions faites pendant toute cette phase
de concertation.
Cela signifie aussi que lorsqu'il sera adopté, et j'espère
maintenant que l'on approche de son adoption, cet avant-projet ne se
transformera en véritable projet qu'au mois de septembre, octobre.
Ensuite, il fera l'objet d'un dépôt devant le Parlement. Ce texte
pourrait être éventuellement étudié par le Parlement
en fin d'année, et probablement pas avant.
Dans l'immédiat, le Gouvernement organisera un séminaire de
ministres, probablement vers la mi-mars, pour examiner le texte, tel qu'il lui
est proposé. En fonction des différentes orientations
arrêtées au niveau de ce séminaire gouvernemental, le texte
lui-même serait adopté en CIAT vers le début du mois
d'avril. Je suis toujours très gêné quand je donne ce genre
de prévision car j'ai toujours été démenti
jusqu'à présent. Vraiment, mon sentiment, aujourd'hui, est que
l'on approche du dénouement et que le Gouvernement proposera un
avant-projet à une large concertation aux alentours de début
avril. Voilà pour le calendrier.
Le schéma national sera un texte de portée assez
générale. Il ne sera pas accompagné de cartographie trop
précise. Cet exercice est renvoyé dans le cadre des
schémas sectoriels. De ce point de vue, il y a eu une interrogation sur
la méthode. Fallait-il d'abord définir des schémas
sectoriels et faire un schéma national qui soit la synthèse de
tous ces schémas sectoriels ? Les schémas sectoriels
interviennent dans le domaine des transports -route, fer, aéroports,
voies navigables, et ports-, mais ils interviendront également dans
d'autres secteurs comme les équipements culturels, l'organisation
sanitaire, l'éducation supérieure et la recherche. Est-ce que le
schéma national devait être la synthèse de ces
schémas sectoriels ou ces schémas sectoriels être des
déclinaisons du schéma national ?
Finalement, la méthode adoptée a été la
définition d'un schéma national qui serait décliné
en schémas sectoriels. C'est dire que les schémas sectoriels et
en particulier, celui des routes, à mes yeux, ne pourra être
envisagé qu'après l'adoption du schéma national. Vous
voyez que cela reporte la définition du schéma sectoriel des
routes à l'année 1998.
Bref, les schémas sectoriels découleront du schéma
national. Le schéma national, dans sa forme actuelle, celle qui sera
soumise au séminaire gouvernemental, est un texte général
avec une loi d'adoption. Dans cette loi d'adoption, nous avons proposé,
dans un premier temps, que certaines dispositions véritablement
normatives soient intégrées dans le corps de la loi. La loi ne
serait pas simplement une loi de deux articles disant "le schéma
ci-annexé est adopté et un article d'exécution", mais ce
serait une loi plus nourrie qui retiendrait dans une dizaine d'articles les
principes normatifs qui devraient présider à l'élaboration
des schémas sectoriels. C'est du moins la position actuelle. C'est une
proposition qui n'est pas forcément accueillie avec un enthousiasme
marqué par les différents ministères. Il n'est donc pas
impossible que l'on revienne à une forme plus simple,
c'est-à-dire une loi d'adoption de deux articles et une discussion
portant sur le texte lui-même.
Dans un premier temps, nous nous étions dit que le fait de réunir
quelques principes normatifs forts dans la loi d'adoption pouvait être
utile pour guider le débat. Je ne suis pas certain que cette solution
sera finalement retenue. A mon avis, on aura le choix entre cette solution et
la solution d'une loi d'adoption en deux articles.
Concernant les grandes orientations actuellement retenues, je vous les rappelle
pour nourrir notre débat.
Les grandes priorités géostratégiques pour ce qui concerne
les infrastructures de transport sont tout d'abord de renforcer et diversifier
l'axe nord-sud en assurant la fluidité de l'axe
Lille-Paris-Lyon-Méditerranée. Cela suppose l'achèvement
des autoroutes A51 et A75. Cela suppose probablement de réaliser des
contournements, aussi bien routiers que ferroviaires, de l'Ile-de-France.
Créer des corridors de fret ferroviaire est un élément qui
apparaît comme une demande assez forte pour l'avenir.
L'axe nord-sud est un problème essentiel, c'est un axe en danger qu'il
faut traiter. Il faut développer deux axes : l'axe atlantique et
l'axe Rhin-Rhône. Cela suppose d'achever la rocade des estuaires. Pour
l'axe Rhin-Rhône, cela signifierait le TGV Rhin-Rhône.
Troisième grande priorité géostratégique,
l'émergence de l'axe sud européen, de la Catalogne à la
zone du Piémont et à la Lombardie, couvrant donc tout l'arc
méditerranéen. C'est l'un des grands axes structurants pour
l'avenir avec d'ailleurs le débouché du couloir rhodanien. Cette
priorité suppose de fluidifier le trafic de l'autoroute A9,
améliorer les traversées alpines et pyrénéennes,
réaliser les tunnels TGV et fret Perpignan-Barcelone, Lyon-Turin, et
achever la percée du Mercantour.
Quatrième grande priorité géostratégique :
créer les grands axes ouest-est pour relier la façade
Manche-Atlantique aux grands axes européens. Vous connaissez la A89 qui
est une transversale de Bordeaux à Clermont-Ferrand et qui
intéresse beaucoup le Massif Central. Il y a aussi la route centre
Europe atlantique, mais vous avez d'autres axes très importants comme Le
Havre vers Metz avec le contournement nord de Paris, et Nantes vers Belfort.
Enfin, l'axe Nantes-Méditerranée pourrait faire l'objet d'une
disposition spécifique dans le cadre du schéma sectoriel.
Voilà les cinq grandes priorités géostratégiques.
Il faut dire que ces priorités sont renforcées par d'autres
principes qui ont un effet direct sur les routes. Si l'on veut conforter des
places portuaires et aéroportuaires, il ne s'agit pas simplement de
développer les infrastructures, il faut aussi assurer leur desserte.
Pour ce qui concerne les ports, le schéma national retiendra deux grands
pôles portuaires à développer en priorité, dans le
cadre d'une politique générale de reconquête de l'espace
maritime : Le Havre et Marseille. Ces deux places portuaires que nous
voulons privilégier dans l'avenir supposent des dessertes
intérieures très importantes, à longue distance. C'est un
élément essentiel de réussite du développement de
ces pôles portuaires. Pour Le Havre, cela conduit à
développer à la fois sur le plan ferroviaire et sur le plan
routier, l'axe Le Havre-Metz qui passerait par le nord de Paris, mais à
développer également un axe Le Havre-Tours avec le contournement
sud de l'Ile-de-France. Ce sont deux axes nécessaires pour le
développement du complexe portuaire Rouen-Le Havre.
Pour ce qui concerne Marseille, il y a le couloir rhodanien qui est un
élément essentiel, mais il y aura évidemment l'arc
méditerranéen.
Concernant les aéroports, vous savez qu'en dehors même des grands
aéroports de la région parisienne, et du fait qu'un site est
réservé en Eure-et-Loir, l'une des volontés du
Gouvernement est de mettre en place des plates-formes aéroportuaires
à vocation internationale, bien entendu à Lyon-Satolas, mais
aussi à Marseille, Bordeaux, Nantes, Toulouse, Strasbourg, Mulhouse. Le
principal problème, dans cette perspective, c'est la desserte
routière de ces aéroports à partir de
l'agglomération concernée. Dans la perspective du schéma
routier, l'affirmation de grands pôles aéroportuaires aura une
implication au niveau des infrastructures routières et
autoroutières d'accompagnement.
Pour conclure, dans toutes ces réflexions, quelques grands principes
s'imposent.
Pour ce qui concerne les routes, un premier grand principe est d'assurer une
bonne insertion dans un espace européen. Ceci dit, je suis souvent
étonné de voir à quel point, quand on discute, en France,
du réseau autoroutier, on ne vous donne qu'une carte de France. C'est un
problème de fond. Il faut avoir, me semble-t-il, le réflexe
européen qui est évident. Il faut intégrer toutes ces
priorités dans un espace européen et assurer la continuité
des maillages européens à travers l'exercice national que nous
faisons.
Par ailleurs, et dans le même esprit, l'un des grands principes qui
oriente notre réflexion et qui avait d'ailleurs été
très précisément souligné par votre commission,
Monsieur le Président, est de privilégier la continuité
des axes plutôt que l'accumulation d'opérations ponctuelles.
Je dois dire que plus cette période de réflexion, pour aboutir au
schéma national et aux schémas sectoriels, se prolonge, plus les
décisions ponctuelles ont tendance à s'accumuler. Je ne suis pas
certain que ce soit le meilleur moyen de traiter le problème dans sa
cohérence, mais on ne peut empêcher le Gouvernement de fixer
quelques arbitrages sur des problèmes qui apparaissent chaque jour. Ces
arbitrages ponctuels ne sont cependant pas nécessairement la
méthode la plus satisfaisante pour aboutir à un schéma
général cohérent.
En outre, ces arbitrages ponctuels accaparent une partie des financements dont
vous savez mieux que quiconque qu'ils sont particulièrement
limités en ce moment.
Troisième grand principe. Quand on parle de désengorger les
grands axes comme ceux de Lille, Paris, Lyon, Marseille, il ne s'agit pas de le
faire en cumulant et en concentrant des infrastructures, mais de le faire par
des axes qui desserviront des zones moins bien irriguées. Le fait de
désengorger est aussi un moyen de mettre en place des infrastructures
d'aménagement du territoire.
De ce point de vue, il est évident qu'il faut compléter le
réseau et retenir les normes fixées par la loi,
c'est-à-dire assurer un maillage tel qu'aucun point du territoire ne
sera à plus de 45 minutes ou à plus de 50 kilomètres
d'une autoroute ou d'une deux fois deux voies. C'est un principe clairement
posé par la loi d'orientation qui doit être retenu dans la future
définition du schéma routier.
Quatrième principe. C'est un point que les commissions
thématiques avaient souligné. Les contournements urbains doivent
maintenant être conçus à une distance suffisante des
grandes agglomérations. Les contournements urbains qui ont
enserré les agglomérations, jusqu'à présent, ont eu
des effets pervers en terme de développement urbain. Cela a
contribué à accentuer le développement en tache d'huile
des agglomérations, et ce n'est sûrement pas le meilleur des
développements que l'on puisse souhaiter. Ils doivent être
conçus de façon à éviter les grandes concentrations
urbaines.
Cinquième principe. Un schéma autoroutier ne vaut que s'il est
accompagné d'un réseau secondaire de qualité. Cela ne
relève pas forcément exclusivement du schéma national,
mais c'est une mobilisation de toutes les collectivités pour concourir
à la complémentarité des réseaux secondaires, en
particulier départementaux, par rapport au schéma national des
routes. C'est par exemple ce qui a été fait en Corrèze,
où nous avons un plan routier qui a anticipé la venue des deux
autoroutes A20 et A89.
Dernier point, et bien entendu j'aurais peut-être pu le citer dans des
priorités plus avant : limiter les nuisances, intégrer la
notion de développement durable, la notion d'insertion paysagère.
Au point de vue des nuisances, un schéma autoroutier, aujourd'hui, doit
être accompagné des mesures nécessaires pour réduire
l'impact sonore dans les traversées des régions assez
peuplées, pour limiter les impacts sur des espaces sensibles. Nous avons
les franchissements alpins qui vont se développer et il faut porter une
attention très particulière à cette insertion et à
cette qualité d'environnement.
Cet exercice pose une ou deux interrogations de fond.
La première est évidente, c'est l'opposition entre la
rentabilité des grands réseaux routiers et les impératifs
de désenclavement ou d'aménagement du territoire. Ce sont deux
notions qui se contredisent souvent. La rentabilité supposerait la
concentration des équipements sur certains grands axes, au
détriment de l'aménagement du territoire et en concentrant
l'activité des hommes sur des espaces restreints. Comment concilier une
rentabilité et des principes plus sains d'aménagement du
territoire ? Il y a un principe que tout le monde admet : il faut
prendre en compte les coûts externes en terme d'environnement de ces
infrastructures. De même, il faut prendre en compte les avantages sociaux
et collectifs retirés de ces équipements. Une approche moins
strictement économique doit donc être privilégiée,
si l'on veut concilier la nécessité d'une vue en termes
d'aménagement et de desserte du territoire avec une approche purement
économique et de taux de rentabilité.
Deuxième interrogation : l'intermodalité. C'est une approche
importante. Quand on est confronté à cette idée et
à cette nécessité sur le plan pratique, on
s'aperçoit qu'il y a un assez faible taux de substitution entre les
modes de transport. Le choix entre une desserte aérienne et une
autoroute ou entre une autoroute et un TGV sont des choix assez
théoriques. En fait, il y a une assez faible substitution entre les
modes de transport. Dans certains cas, ces substitutions sont réelles
car on peut avoir le choix entre le rail et l'autocar. Dans nos
départements, on le sait. C'est d'ailleurs un problème
suffisamment douloureux, parfois, pour les élus locaux. On peut avoir
des choix entre les modes de transport pour tout ce qui concerne le fret et les
marchandises en conteneurs.
Même si ces effets de substitution sont marginaux, il faut quand
même les prendre en compte dans l'analyse générale des
différents modes de transport. La rentabilité économique
tient parfois à très peu de choses. Si vous interrogez les
responsables des sociétés autoroutières -et je crois que
vous avez invité le Président de la société
autoroutière, Cofiroute- ils vous diront qu'avec une évolution de
trafic de 4 %, ils n'ont pas de crainte particulière pour l'avenir
et leur équilibre financier n'est pas menacé, mais que si cette
évolution de trafic devait se limiter à une évolution de
l'ordre de 2 %, ils passent dans le rouge d'ici 3 ou 4 ans. Dans ces
domaines, de simples infléchissements ont parfois des effets très
importants.
En tout état de cause, l'intermodalité est une approche
absolument nécessaire. Là où elle a les effets les plus
intéressants en terme d'aménagement du territoire, c'est à
travers les plates-formes multimodales. Le Gouvernement a confié une
mission au député M. Marc-Philippe Daubresse pour
réfléchir sur ce problème. Les conclusions du rapport
M. Marc-Philippe Daubresse devraient être connues le mois prochain.
Il y a peut-être un chaînon manquant dans ce qui était
prévu dans la loi d'orientation : c'est justement le fait
d'anticiper sur la future carte des plates-formes multimodales qui assureront
le rôle de jonction et de complémentarité des
différents modes de transport. Dans le rapport, tel qu'il est
actuellement préparé par M. Marc-Philippe Daubresse, on parle
d'une dizaine de terminaux multimodaux de caractère européen qui
mailleront le territoire et des plates-formes multimodales
d'intérêt national, en nombre plus important, mais qui ne sont pas
définies par M. Marc-Philippe Daubresse.
Cette carte du réseau des terminaux multimodaux est vraiment un
élément essentiel pour assurer une cohérence
générale, dans l'avenir, aux différents modes de
transports et aux différents schémas sectoriels qui devront
être adoptés par le Gouvernement.
Le schéma national ne fixera que les grandes orientations. En revanche,
j'imagine mal un débat au Parlement avec simplement un schéma
national liminaire, sans que certaines indications ne soient données aux
parlementaires sur les principales options qu'envisage le Gouvernement pour les
différents schémas sectoriels. En dehors même du principe
de la primauté du schéma national sur les schémas
sectoriels, il y a un dialogue entre le schéma national et les
schémas sectoriels. J'espère que nous serons en mesure, au moment
du débat sur le schéma national, de donner des orientations sur
les différents schémas sectoriels qui éclaireront les
dispositions que vous aurez adoptées dans le cadre du schéma
national.
M. le Président
. -
Je vous remercie. Je ferai deux brefs
commentaires avant de donner la parole à mes collègues.
Le premier concerne le schéma national. Le pré-projet que j'ai vu
est d'une généralité telle qu'il laisse en
réalité les administrations totalement libres de faire n'importe
quoi dans les schémas sectoriels qui, ne nous y trompons pas, sont
l'essentiel. Le schéma national, c'est de la littérature, les
schémas sectoriels, c'est la réalité.
Par conséquent, soyez convaincu que si le Gouvernement nous
présente un texte comme celui que j'ai vu, le Sénat le
réécrira. On ne peut pas faire moins de 10 pages sur les
infrastructures routières pour savoir à peu près où
vous allez les mettre et ce que vous allez faire. Soit on a ces
précisions soit on se moque du Parlement. Je suis clair là-dessus
et je pense être suivi sur ce point. C'est ma première
observation.
Par conséquent, en réalité, les schémas sectoriels
doivent être " corsetés ", sinon commençons par
les schémas sectoriels et, ensuite, on fera la littérature
à partir d'eux.
Deuxième observation. Dans le pré-rapport, je constate ce que
j'ai déjà constaté dans le groupe de travail que nous
avons fait : au fond, la France a rayé l'Espagne de la carte de
l'Europe. On connaît les relations est-ouest, on connaît la
Méditerranée, mais on ne connaît pas l'Espagne. Or, c'est
un pays en plein développement. On aurait le plus grand tort de
considérer que des pays comme la République tchèque, la
Pologne ou la Hongrie, vers lesquels on a le regard tourné, se
développeront plus vite que l'Espagne. L'Espagne fera partie de l'Union
monétaire à mon avis avant l'Italie. C'est un pays tout à
fait fondamental. Vous avez mentionné les percées
pyrénéennes, mais pas la façon dont elles sont
raccordées au centre de la France et de l'Europe. J'avais attiré
à plusieurs reprises l'attention sur ce problème, mais dans le
schéma, cet axe avait disparu. Je vous mets en garde, nous y veillerons
le moment venu.
M. Raymond-Max Aubert
. -
J'ai bien conscience que l'avant-projet
de schéma national actuel est très général, mais
très sincèrement, j'attends beaucoup de la concertation locale
pour qu'il y ait des demandes et des remontées très fermement
exprimées. Dans notre réseau d'arbitrage interministériel,
on va nécessairement vers l'évacuation des problèmes. S'il
y a une remontée forte de demandes, ce sera un élément
très intéressant pour renforcer le texte au sortir de la
concertation.
Quand vous parlez de l'Espagne, il est vrai qu'aujourd'hui, nous avons retenu
l'arc méditerranéen, l'arc atlantique, mais pour l'instant, il
n'est pas retenu un axe de pénétration centrale. C'est un
thème qui doit remonter, en particulier lorsque le texte ira en
Midi-Pyrénées.
M. Francis Grignon
. -
Vous avez parlé de
développement durable et de plates-formes multimodales, mais vous n'avez
pas parlé de la possibilité de mettre des camions sur des trains.
Or, il est des axes où le problème se pose de façon
importante, par exemple, dans la vallée du Rhin. Est-ce que ces
possibilités sont examinées sérieusement ? A-t-on
fait des calculs globaux à ce niveau ?
M. Raymond-Max Aubert
. -
Le transport combiné est une
préoccupation très présente. Je vous indique d'ailleurs
que le FITTVN, le fonds créé pour ce qui concerne les transports
terrestres et les voies navigables, consacre une partie importante de ses
dotations au développement du transport combiné.
M. le Président
. -
Monsieur le
Délégué, il lui consacre une petite partie -ne dites pas
une partie importante- et il consacre la partie essentielle à compenser
les crédits budgétaires débudgétisés, ce
qui, en réalité, contourne la volonté du Parlement.
M. Louis Moinard
. -
Je me réjouis de l'importance
accordée dans le cadre de l'aménagement du territoire aux
infrastructures routières et autoroutières. On ne peut pas tout
faire en même temps, mais il ne faut pas faire d'abord des ronds-points
sans savoir où l'on va.
Comment le ministère de l'environnement est-il associé à
ces réflexions et à ces orientations ? Quelles sont vos
possibilités de lui faire passer la vitesse supérieure ? En
effet, j'ai connaissance d'un cas précis où l'on attend depuis
des mois un avis du ministère de l'environnement, alors qu'on sait
aujourd'hui la qualité et l'attention portées sur ces
schémas.
M. Jean-Pierre Vial
. -
J'interviens tout d'abord pour
déplorer que le schéma national ne donne pas suffisamment de
points forts.
Premier exemple : toute la partie sud semble non pas occultée, mais
ne pas faire apparaître suffisamment la partie Espagne et le raccordement
sur tout l'arc Méditerranée. Pour tous les grands
équipements autoroutiers et le TGV, c'est un réel problème.
Deuxième aspect : en ce qui concerne le transport combiné,
on semble manquer d'éléments et d'orientations sur le plan
national quand on travaille sur le plan régional. Je pense par exemple
au TGV Turin, dont on ne connaît pas les grandes orientations qui
permettront de prendre les décisions sur le plan local.
M. Roger Rinchet.
-
Mon collègue Vial a dit l'essentiel de
ce que je souhaitais dire, mais je voulais m'adresser à vous, Monsieur
le Délégué parce que cela m'est plus facile de le dire
à vous qu'aux personnalités qui viendront après.
On ne peut pas traiter le problème des transports par tranche. On ne
peut pas parler des autoroutes et des trains séparément. Il y a
des régions de France où l'on ne pourra faire passer d'autres
autoroutes et où il y aura saturation d'ici 5 ans. En Savoie,
l'autoroute qui va en Italie aura 1 million de camions par an, à la fin
du siècle. Il faudra vraiment traiter ce problème, mais si on
laisse faire, chacun défendra son point de vue et le fer sera battu. Il
faut une volonté ferme de l'Etat de rééquilibrer les
transports en France.
M. Fernand Tardy
. -
Vous avez beaucoup parlé des
infrastructures autoroutières dans le cadre de l'aménagement du
territoire. Il est vrai que c'est très important. On verrait mal que
l'A51 ne se termine pas, bien qu'il y ait beaucoup de difficultés. Mais
il y a quand même des infrastructures routières très
importantes, hormis les autoroutes : les GLAT, par exemple. Prenons
l'exemple de la GLAT qui, à partir de l'A51, doit rejoindre Nice et va
dégager toute la côte.
Tout cela forme un ensemble de travaux très important. Comment peut-on
financer cela ? Faudrait-il que les GLAT passent aussi avec des
concessions ? C'est possible, je ne le sais pas. Je ne vois pas comment,
dans les 20 ou 30 ans à venir, on va arriver à mailler
suffisamment correctement le territoire pour pouvoir dire que tout le monde est
desservi. C'est sur le plan financier que je voudrais quelques indications.
M. Bernard Hugo
. -
M. le Délégué nous a dit
que la priorité était dans un axe nord-sud et nous le savons fort
bien. Il y a donc l'autoroute A7, il y a maintenant l'A51, l'A75, mais il y a
une diagonale que vous n'avez pas mentionnée et qui est l'A79. Elle
apparaît sur les documents et passe par Satolas, Valence, Alès, et
dessert l'Ardèche. Ce projet d'autoroute assurera une liaison facile
avec l'Espagne. En effet, n'oublions pas que l'autoroute A7 va être
saturée. Elle est saturée à 60.000 véhicules par
jour et on prévoit 76.000 véhicules par jour dans 10 ans.
Par conséquent, c'est une autoroute importante qui rejoint les
préoccupations de l'aménagement du territoire puisque comme l'a
dit le Président Jean François-Poncet, il y a encore des
territoires enclavés et des zones oubliées. C'est le cas du
département de l'Ardèche et du Haut Gard. Est-ce un oubli ?
M. Jean Pépin
. -
Monsieur le Président, Monsieur le
Délégué, je ne vais pas revenir sur l'intérêt
soit des autoroutes soit des lignes ferroviaires, bref, tout ce qui concerne
les transports. La question que je voudrais poser est la suivante.
Pourrions-nous avoir une étude qui pose enfin le problème de la
rentabilité de l'aménagement du territoire ? Nous sommes
dans une phase où il faut tenir compte de la rentabilité des
équipements. A partir de là, c'est toujours le même
processus depuis 50 ans, mais on n'a jamais vu, de mémoire, une
volonté de renverser cette tendance ou de la corriger.
En raisonnant de la sorte -de façon très honnête mais
toujours inscrite dans la même logique que par définition,
l'aménagement du territoire n'est pas rentable- on concentre toujours
plus et on appauvrit toujours plus le tissu territorial. Or, au terme de
plusieurs décennies -cela peut paraître utopique, j'en conviens-,
est-on persuadé de la non rentabilité d'un aménagement du
territoire qui ne serait pas à caractère de concentration ?
L'un des problèmes qui nous est posé est celui des quartiers des
grandes villes, ces fameux quartiers si difficiles dans lesquels il faudra
casser les immeubles, reconstruire, redistribuer l'urbanisme, et pour lesquels
nous avons des problèmes sociaux et d'emploi posés d'une
façon majeure. Faisant le calcul du coût du chômage dans ces
secteurs, de ce qu'il faudra redistribuer en matière de logements et
reconstruire en matière d'urbanisme, est-on sûr que
l'aménagement du territoire qui serait mieux réparti dans le
tissu territorial ne coûte pas moins cher ?
J'aimerais qu'il y ait une étude assez étoffée sur cette
question, sinon avant, mais au moins pendant ou parallèlement à
un tel débat. Je travaille, en tant qu'élu local avec des
études mais aussi avec de l'intuition. Pourra-t-on avoir un jour un
grand rapport sur la rentabilité, sur trois décennies, de
l'aménagement qui consiste à concentrer les choses, tous
paramètres confondus ? Je ne suis pas persuadé de la
réponse et cette réponse m'intéresse.
M. le Président.
-
C'est une fort bonne question, mais
nous n'aurons pas le temps d'y répondre.
M. Jean Boyer.
-
Je voudrais simplement vous dire combien j'ai
partagé vos réactions brillamment musclées de tout
à l'heure. Si nous sortons de l'épure, il est
véritablement certain que dans cette maison, il y aura des
réactions aussi musclées que celles que vous avez faites,
Monsieur le Président.
On a beaucoup parlé de transfert des compétences de l'Etat vers
les régions en matière de transports routiers. Vous est-il
possible, Monsieur le Délégué, de nous dire si la
pensée évolue ou si au contraire elle est stagnante ?
M. Raymond-Max Aubert
. -
D'une manière
générale, toutes vos interventions vont dans le sens à la
fois des interrogations de la délégation à
l'aménagement du territoire, mais en même temps des idées
que nous essayons de faire passer dans un contexte interministériel qui
n'est pas toujours facile.
Je suis très heureux que vous exprimiez ces idées. D'une certaine
manière, je pense que vous pouvez nous aider à renforcer certains
aspects du schéma actuel qui vous paraissent insuffisants ou à
compléter les premières priorités envisagées par
les directions compétentes au niveau des schémas sectoriels. Vous
avez un rôle très important à jouer dans l'année qui
vient et qui devrait aboutir aux différents schémas sectoriels.
Pour ce qui concerne l'Espagne, il est difficile d'affirmer que les
débouchés sur l'Espagne ne sont pas pris en compte. Deux des
grands axes structurants qui seront clairement affichés au niveau du
schéma national sont d'une part, l'arc atlantique qui dessert toute la
côte atlantique espagnole, et d'autre part, l'arc
méditerranéen. Je comprends qu'il y a dans ce schéma une
défaillance au niveau central. C'est un message fort à faire
remonter au moment de la concertation au niveau des régions. Mais encore
une fois, l'Espagne en tant que telle n'est sûrement pas
négligée. Je vous indique que tous ces grands axes s'inscrivent
parfaitement dans la réflexion que nous menons actuellement au niveau du
programme de coopération européen.
Nous avons aussi une interrogation de fond sur l'évolution des fonds
structurels et l'infléchissement de l'utilisation des fonds structurels
avec la perspective de l'élargissement de l'Union aux pays de l'Europe
centrale et orientale. Ces grands espaces de cohérence, de
solidarité seront sûrement des éléments forts pour
la réorientation des fonds structurels. J'ai beaucoup de craintes sur le
maintien des objectifs 2 et 5B, à terme. Je vois mal comment ils
passeront le cap de l'élargissement, même s'il y a une phase de
transition de quelques années.
En revanche, l'Europe tiendra à maintenir des programmes de
solidarité au niveau des pays fondateurs, mais dans le cadre de ces
grands espaces de cohérence. C'est un exercice très important, y
compris pour l'évolution des actions et des financements
européens.
Vous avez évoqué l'environnement. J'ai eu l'impression que
beaucoup d'entre vous contestaient l'action du ministère de
l'environnement. Il m'a semblé que vous y voyiez plutôt un frein
à la mise en place des infrastructures nécessaires. Il faut
être quand même un peu mesuré et c'est en même temps
l'élu du Massif Central qui parle. Il me semble, malgré tout, que
l'on a fait beaucoup de progrès dans la bonne insertion des autoroutes
dans le paysage et dans l'environnement. On ne l'aurait pas fait s'il n'y avait
pas eu certaines administrations destinées à assumer le
rôle des "metteurs de bâton dans les roues", si j'ose dire. On a
maintenant une approche beaucoup plus complète de ce point de vue. Il
faut concevoir toutes nos grandes infrastructures, dans l'avenir, en
intégrant pleinement cette dimension de l'environnement et cette
nécessaire insertion dans les paysages.
Par exemple, l'autoroute A89 Lyon-Bordeaux sera l'autoroute du bois. Les
résultats seront très convaincants et porteront le
développement local de la filière bois du Massif Central. Je vous
signale que les préoccupations environnementales ne s'opposent pas
forcément à un développement économique sur des
pôles forts de certaines régions. Il est cependant vrai, dans
certains cas, qu'il ne faudrait pas que des querelles un peu trop exclusivement
environnementales bloquent les programmes nécessaires.
M. Fernand Tardy avait évoqué le problème des concessions
pour les grandes liaisons d'aménagement du territoire. Je ne me trompe
pas sur votre proposition : pourquoi ne pas concéder ? le seul
problème est qu'il est très difficile de concéder des
voiries de type grandes liaisons. Comment voulez-vous organiser ne serait-ce
que le péage ? Si vous commencez à organiser un
péage, vous aurez forcément des entrées limitées.
M. Fernand Tardy
. -
Comment les réaliser si l'Etat n'a pas
d'argent ?
M. Raymond-Max Aubert.
-
L'Etat n'a pas beaucoup d'argent, c'est
incontestable, mais il est exagéré de dire que l'Etat n'a pas
d'argent. Le gouvernement de M. Balladur avait, en 1994, pris les dispositions
pour accélérer la réalisation des programmes autoroutiers
de façon qu'ils soient terminés en 2004. Ceci supposait un
financement de 14 milliards de francs par an. On ne peut pas dire que nous
soyons totalement dénués de moyens. Concernant ces grandes
liaisons d'aménagement du territoire, on aurait pu penser à un
système concédé, mais pour l'instant, on n'a pas de
réponse technique à cette suggestion.
M. le Président
. -
Il faut conserver dans l'esprit la
question de notre collègue PEPIN car elle est au coeur de toute la
problématique de l'aménagement du territoire. Vous parlez du
développement durable, mais la durabilité est aussi dans les
coûts indirects reportés d'une urbanisation dont on n'a jamais
pris en compte les catastrophes qu'elle peut entraîner.
M. Raymond-Max Aubert
. -
Les coûts externes sont
malheureusement limités. Dans les coûts externes, il faudrait
considérer l'évolution du territoire avec la concentration
urbaine. C'est très difficile à définir, mais tout le
monde sent intuitivement qu'il y a là un véritable
problème.
M. le Président
. -
Je vous remercie. Nous aurons
sûrement l'occasion de vous voir souvent si le schéma sort.
Audition de M. Guy Maillard, Président de Cofiroute (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet, président
-
Nous recevons à présent le Président Guy Maillard.
Je ne vais pas, si vous le permettez, développer votre curriculum vitae,
si ce n'est pour dire que vous avez fait une bonne partie de votre
carrière dans la " préfectorale ", à la fois
outre-mer et, ensuite, en métropole. Tout cela pour terminer
secrétaire général de la ville de Paris et, de là,
vous êtes devenu Président de Cofiroute.
Je suggère que vous nous disiez un mot de Cofiroute. Comment Cofiroute
se situe-t-il dans le paysage des sociétés concessionnaires
d'autoroutes ? J'aimerais bien que vous répondiez à la
question de M. Fernand Tardy, mais pas tout à fait comme il l'a
formulée. Lorsque nous avons eu notre commission thématique
organisée par la DATAR, il nous a été dit par des gens qui
donnaient le sentiment de savoir de quoi ils parlaient -puisqu'il y avait
là des représentants du ministère des travaux publics- que
l'on pouvait imaginer un type d'autoroute dont les spécifications
seraient simplifiées, les contraintes allégées, et par
conséquent, le coût diminué ; tout en restant des
autoroutes à péage. On pourrait ainsi, disait on, espérer
économiser de l'ordre de 20 à 25 % de l'investissement, ce
qui permettrait de gagner en longueur.
Le fait est que quand on se promène à l'étranger, je pense
par exemple à l'Italie, on voit des deux fois deux voies beaucoup plus
modestes. Elles me paraissent, comparées aux nôtres,
médiocres, mais quand on n'a rien, on se contenterait volontiers de
quelque chose qui serait moins luxueux. On a le sentiment que la France s'est
dotée, en matière d'autoroutes, " de Rolls Royce ". Un
certain nombre d'entre nous seraient relativement heureux si on avait des Clio
adaptées aux moyens et aux ressources de la France du début du
XXIème siècle.
M. Guy Maillard
. -
Je vous remercie, Monsieur le
Président. J'interviens aujourd'hui en tant que Président de
Cofiroute, compagnie financière et industrielle des autoroutes, qui est
l'un des opérateurs en charge de réaliser le schéma
directeur autoroutier en France, et qui est l'un des concessionnaires
autoroutiers de l'Etat parmi d'autres, mais avec une particularité sur
laquelle je met tout de suite le doigt : c'est une société
à capitaux privés.
Je vous rappelle que dans les années 1970, le Gouvernement a voulu faire
participer des capitaux privés à l'effort national de
réalisation du réseau autoroutier. A cette époque, quatre
sociétés privées se sont vu accorder des concessions.
Trois d'entre elles sont mortes, preuve que l'exercice n'est pas si facile, et
la quatrième a survécu, c'est Cofiroute.
Cofiroute, aujourd'hui, s'inscrit dans un cadre régional très
précis. Au départ de l'Ile-de-France, elle dessert trois
régions : centre, Pays de Loire, et Poitou-Charentes. Comme toutes
les autres sociétés d'autoroutes, elle a commencé par la
réalisation des axes radiaux convergeant vers Paris. Pour nous, ce fut
l'autoroute A10 Paris-Bordeaux que Cofiroute a réalisée
jusqu'à Poitiers, et l'autoroute A11 Paris-Nantes que Cofiroute a
réalisée pour la plus grande partie.
A une certaine époque, Cofiroute n'était pas en état de
supporter le coût de la construction de la section Le Mans-Tours qui a
été confiée à une société
d'économie mixte. Ces deux branches ont été
complétées par deux rameaux, l'un qui, au départ du Mans,
va jusqu'en Bretagne et se raccorde au réseau routier breton, libre de
péage, c'est l'autoroute A81, et un second rameau, au départ
d'Orléans, va vers le Massif Central et vers Clermont-Ferrand que
Cofiroute a construit et exploite jusqu'à Bourges.
Aujourd'hui, nous avons dépassé ce stade et nous sommes en train
de mailler le réseau. Ce sont des autoroutes que l'on pourrait qualifier
d'autoroutes d'aménagement du territoire parce qu'elles desservent en
profondeur le tissu régional. Ce sont particulièrement deux
autoroutes qui entrent d'ailleurs dans une problématique
générale de desserte du territoire national : d'une part,
A28 pour la partie Alençon/Le Mans/Tours, qui est un des
éléments du grand contournement à l'ouest du bassin
parisien et, d'autre part, A85 Angers/Tours/Vierzon qui est un
élément de la grande transversale est-ouest dont se
préoccupe l'association atlantique Rhin Rhône. Il ne faut pas
oublier une troisième autoroute en Ile-de-France, celle-là
d'esprit tout à fait différent, c'est l'achèvement du
deuxième périphérique, A86, dont la réalisation a
été confiée à Cofiroute.
Voilà la configuration de notre réseau à l'heure actuelle.
Cofiroute est donc impliquée dans l'achèvement du schéma
directeur autoroutier, tel qu'il a été conçu en 1992. M.
Raymond-Max Aubert rappelait tout à l'heure qu'en 1994, le Gouvernement
a décidé de terminer le réseau, tel qu'il était
prévu par le schéma de 1992, à l'horizon 2005, ce qui
représente un effort important, puisqu'à l'origine, il y avait
5 ans de plus pour le réaliser. Le montant des investissements
correspondant à ces 2.500 kilomètres d'autoroute
s'élève à 140 milliards de francs, ce qui est une charge
extrêmement lourde sur le schéma autoroutier. Cofiroute est donc
en charge de réaliser une part importante de ce programme.
Le gouvernement a pris des dispositions, en 1994, pour contractualiser les
relations entre les sociétés autoroutières et l'Etat, sur
la base de programmes dont les plans de 5 ans définissaient
l'échéancier et le montant, ainsi que des normes
d'évolution tarifaire. Cofiroute, au titre du seul premier programme,
celui qui s'étend de 1995 à 1999, doit réaliser à
peu près 17,9 milliards, soit 25 % du programme d'investissement de
l'ensemble national pour la période.
On peut se demander comment on peut parvenir à réaliser un tel
effort. En quelques mots, je souhaiterais retenir votre attention sur ce point
en rappelant mon propos initial : Cofiroute est une société
privée. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cofiroute ne peut pas avoir
recours à la caisse nationale des autoroutes pour le financement de son
programme réalisé essentiellement sur emprunt. Cofiroute doit se
présenter sur le marché financier sous sa propre signature. La
concession qui est la garantie que Cofiroute est en mesure d'offrir à
ceux qui lui prêtent de l'argent, doit être assez solide pour
supporter un niveau d'endettement important. Cofiroute est dont obligée
de se porter sur le marché obligataire pour des montants très
importants, et d'une manière répétitive, tous les ans et
jusqu'au-delà de l'an 2000.
Cofiroute peut le faire, tout d'abord parce qu'elle s'appuie sur une concession
déjà développée dont le produit de péages
est de 3,9 milliards de francs. Ensuite, elle dispose de fonds propres
importants : 2, 5 milliards de francs ; ce que n'ont pas les
sociétés d'économie mixte, à mon avis pas
suffisamment capitalisées. Mais surtout, Cofiroute s'appuie sur un
contrat passé avec l'Etat qui définit d'une manière
très claire, au moins pour les 5 premières années, la
loi d'évolution tarifaire, et qui définit par ailleurs le
programme d'investissement, année après année, en ayant
soin, à tout moment, de veiller à ce que les ratios d'endettement
que toute société privée soumet pour se présenter
sur le marché financier, ne dérivent pas. Ces ratios sont
très rigoureux pour ce qui concerne Cofiroute. Par conséquent, le
marché financier et nous-mêmes sommes très attentifs
à tout ce qui serait de nature à dérégler le
dispositif prévu dans le contrat de plan.
Pourtant, il nous faut assumer un certain nombre de risques. En disant ceci, je
recoupe un certain nombre de choses que vous avez dites au cours de l'audition
de M. Raymond-Max Aubert. Quels sont les risques à assumer ?
Le premier, à mon avis, est celui du coût des travaux. Je rejoins
là ce que vous disiez, Monsieur le Président, c'est un risque
très sérieux, les autoroutes sont devenues très
sophistiquées. Y ont concouru des réglementations et des
législations nombreuses qui se surajoutent les unes aux autres. La
légitime préoccupation de l'environnement a conduit, par exemple,
dans le domaine de l'eau, et dans d'autres domaines, à raffiner en
introduisant des procédures qui interviennent postérieurement
à la déclaration d'utilité publique. Les élus
locaux savent bien que ce caractère répétitif des
enquêtes, générateurs d'ailleurs d'allongement des
délais d'exécution, donc de renchérissement des
coûts, crée un état permanent d'énervement autour de
la réalisation de ces grands équipements. C'est une chose dont
nous avons tous à souffrir et qui a des conséquences sur le
coût de la réalisation. Je ne pense pas qu'il puisse en être
autrement, mais il y a là une difficulté à assumer, et en
tout cas, un risque de coût important.
Vous évoquiez tout à l'heure, Monsieur le Président, la
possibilité d'avoir des autoroutes à géométrie
réduite. Je préfère dire des autoroutes à
géométrie évolutive. On peut parfaitement concevoir que
l'autoroute s'ajuste au flux de trafic prévu et, par conséquent,
adopte des caractéristiques géométriques
réduites : par exemple, la suppression de la bande d'arrêt
d'urgence. Faut-il en attendre des augmentations de l'importance que vous
dites ? Je ne me prononcerai pas sur ce point, mais cela va dans le bon
sens.
On peut parfaitement concevoir, pour les autoroutes qui n'ont pas et qui ne
sont pas susceptibles d'atteindre un niveau de rentabilité à un
terme proche, d'adapter la configuration au trafic et, par conséquent,
d'avoir des autoroutes à caractéristique réduite. Nous y
travaillons, c'est l'une de nos préoccupations.
Deuxième risque : le risque d'évolution du trafic. Certes,
sur le long terme, l'évolution du trafic ne nous paraît pas
être menacée, mais nous avons affronté des mouvements
conjoncturels. L'année 1996, à cet égard, a
été très révélatrice. Nous terminons
l'année 1996 avec un niveau d'intensité kilométrique sur
l'année, au niveau de l'année précédente. Nous
avons une courbe d'évolution plate, voire même
légèrement négative. L'exécution du schéma
autoroutier sur de si nombreuses années nous expose à des
incertitudes sur l'évolution du trafic. C'est l'un des risques que le
concessionnaire doit courir.
Troisième risque : le risque de l'instabilité fiscale.
L'équilibre de la concession est affecté par des
prélèvements fiscaux spécifiques. Je parle de
prélèvements spécifiques qui visent le secteur autoroutier
concerné. Nous en avons vu la manifestation très évidente
avec la fameuse taxe que nous appelons taxe d'aménagement du territoire,
alias taxe Pasqua, qui, pour l'année 1996, a imposé à
Cofiroute une charge de 288 MF. C'est un prélèvement très
important sur la société. Ce qui nous a encore plus
alarmés, c'est qu'à peine cette taxe avait-elle été
créée que l'année suivante, elle a été
doublée. Nous sommes donc très vigilants sur les risques de
dérives que ce dispositif est susceptible de générer.
Il existe d'autres risques fiscaux, celui de la TVA en particulier. Nous avons
une TVA qui n'en est pas une puisqu'elle n'est pas récupérable.
Elle est spécifique aux sociétés d'autoroutes. L'Europe
fait actuellement pression pour l'application d'une TVA de droit commun.
Grâce à un coefficient modérateur qui s'applique à
la TVA actuelle, le taux pour notre société est de l'ordre de
10 %. Ce taux pourrait être appelé à doubler si, sous
la pression des transporteurs européens, la TVA de droit commun est
appliquée au secteur autoroutier.
Il y a également la prise en charge des dépenses de gendarmerie
sur le réseau autoroutier ; mesure d'ailleurs condamnée et
annulée par le Conseil d'Etat, mais que l'Etat se propose de remplacer
par un autre dispositif.
Il existe donc tout un champ d'incertitudes fiscales que nous sommes
obligés de prendre en considération pour vérifier
qu'à tout moment, les fameux ratios ne divergent pas par rapport
à ce que le marché financier est disposé à
accepter.
J'en aurais terminé, si je ne devais me porter vers l'avenir. Il est
certain que le schéma autoroutier de 1992 n'est pas en soi
définitif. D'ailleurs, la loi d'aménagement du territoire a
prévu que ce schéma serait révisé et vous allez
bientôt en délibérer. Ce que je viens de dire sur la
sensibilité du secteur autoroutier à un certain nombre de
paramètres difficiles permet de dire qu'à l'heure actuelle, nous
ne sommes pas certains de pouvoir assumer de grosses charges nouvelles. Celles
que nous assumons à l'heure actuelle définissent un profil pour
l'équilibre des concessions très tendu.
Si les trafics augmentent d'une manière plus importante qu'en 1996 et
retrouvent la pente générale d'évolution du trafic que
nous avons connue dans le passé, et si les risques fiscaux ne sont pas
confirmés, on peut espérer assumer quelques
éléments supplémentaires. En effet, le schéma
directeur mérite sans doute quelques compléments.
Pour ne prendre que l'exemple de Cofiroute -et je parlais tout à l'heure
de la transversale est-ouest-, dans l'état actuel des choses, notre
transversale butte à Vierzon, c'est-à-dire à Bourges, mais
l'ambition finale est de poursuivre cette transversale jusqu'à l'axe
rhodanien, l'axe de la Somme et du Rhône. Il y a un certain nombre de
compléments, au-delà de Bourges, d'ores et déjà
intégrés dans la réflexion du ministère de
l'équipement. Je dis cela pour illustrer le fait que le schéma
directeur de 1992, même s'il est terminé par rapport à ce
qu'il était en 1992, mérite à présent quelques
compléments.
C'est là qu'intervient un grand débat dont je ne dirai qu'un
mot : le débat de l'intermodalité. Est-ce que le
développement de l'intermodalité est de nature à
infléchir sensiblement le dessin du schéma autoroutier
futur ? Franchement, pour ma part, je ne le pense pas. Bien que souhaitant
que se développent des conditions plus harmonieuses de
répartition du trafic de marchandises et de voyageurs entre l'autoroute
et le rail, le poids relatif de ces deux moyens de déplacement, à
l'heure actuelle, la supériorité écrasante de la route que
nous constatons aujourd'hui fait qu'il est difficile d'imaginer qu'un transfert
massif puisse changer les données de l'équilibre ou du
déséquilibre actuel.
Je vous rappelle qu'à l'heure actuelle, en ce qui concerne le trafic de
marchandises, 75 % du marché sont captés par la route dans
son ensemble.
Par ailleurs, concernant le trafic voyageurs, la répartition est environ
pour 80 % au bénéfice de la route. Tout ceci est
mesuré en tonnes kilométriques pour les marchandises et en
voyageurs/kilomètre pour la route. On pourrait concevoir d'autres moyens
de calculer la part respective dans le marché de la route et du rail,
mais toute autre méthode ne fait qu'alourdir la part de la route. Si
à la place des tonnes/kilomètre, on met la valeur
transportée, le chiffre d'affaires, on approche davantage des 90 %.
La part de la route est donc écrasante par rapport à la part du
rail. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire pour développer
d'autres moyens d'acheminer le flux des marchandises. On peut penser aux
transports combinés, mais il ne faut pas en attendre un changement de
fond de l'équilibre modal entre la route et le rail.
A l'horizon du prochain schéma directeur autoroutier qui devra
être préparé dans une optique intermodale, la part du rail
n'est pas de nature à diminuer les perspectives de développement
du réseau autoroutier.
M. le Président
. -
Merci beaucoup. Vous nous avez
éclairé de façon très intéressante.
Evidemment, j'avais conscience du fait que Cofiroute était la seule
société privée. C'est un élément important
du dispositif. Ce que vous nous avez dit, à la fois de la situation, du
caractère relativement tendu de l'équilibre, mais avec l'espoir
que la reprise économique entraînera une reprise du trafic, est
important.
Je voudrais vous faire une demande. Dans la perspective des travaux que nous
aurons à faire et des positions que nous aurons à prendre sur le
schéma national, j'aimerais bien que vous poussiez aussi rapidement que
possible vos études sur un axe deux fois deux voies
concédé mais simplifié, de façon que nous ayons une
idée des économies qu'il est possible de faire, en essayant
d'aller aussi loin que possible, étant entendu que l'adaptation
ultérieure de la voie à un trafic croissant représente
quelque chose de très intéressant.
Je pense, par exemple, à la possibilité de créer, entre
deux ou trois villes moyennes, une université éclatée.
Cette université ne peut vivre que si elle est reliée par des
voies rapides. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
Par conséquent, on peut rattacher toute une série de projets de
développement territorial à partir d'axes rapides, mais encore
faut-il qu'ils soient les plus économiques possible, sinon ils ne seront
pas réalisés.
Si vous pouviez nous aider dans cette évaluation, vous nous rendriez un
grand service.
M. Marcel Lesbros
. -
Je voudrais apporter un exemple pratique.
Concernant l'autoroute A51, la grande discussion était le passage de
l'autoroute par la vallée du Rhône et par Gap. Le ministre a
tranché pour le passage par Gap. Il s'agit d'une autoroute de
"montagne", mais on n'a eu le bénéfice de cette autoroute, dont
la réalisation est en cours, que parce que le Ministre Pons a
tranché en disant : nous allons faire avec les moyens que nous
avons ; nous avons une autoroute avec les caractéristiques de montagne,
c'est-à-dire moins onéreuse avec un tunnel au lieu de deux. C'est
une autoroute d'aménagement du territoire.
Je trouve qu'il est anormal de prélever systématiquement des
taxes fiscales, en matière d'aménagement du territoire, pour
renflouer d'autres transports, alors que les autoroutes ont d'abord pour
mission de faire des bénéfices pour investir. Le Gouvernement
devrait y réfléchir à deux fois.
M. Guy Maillard
. -
Nous sommes tout à fait à votre
disposition pour vous fournir les quelques idées que nous
élaborons sur les caractéristiques géométriques
qui, à la limite, ne seront pas perçues par les utilisateurs. Il
ne s'agit pas d'avoir des autoroutes au rabais, mais des autoroutes
susceptibles d'évoluer en fonction du trafic. Nous y travaillons
actuellement sur l'A28 Alençon/Le Mans/Tours. Je suis tout à fait
disposé à vous faire bénéficier de notre
expérience.
M. le Président
. -
L'expression "autoroute au rabais" ne
me gênerait pas, à partir du moment où les
précautions nécessaires auraient été prises pour
une adaptation ultérieure, et que ce ne soit pas une fois pour toutes.
Il existe des axes où il y a aujourd'hui 4.000 ou
5.000 véhicules/jour, bien loin des 10.000 véhicules/jour
considérés comme le plancher, et qui sont pourtant des axes
d'aménagement du territoire absolument vitaux.
M. Désiré Debavelaere
. -
Monsieur le
Président, je voudrais vous faire une remarque. Je suis toujours
effrayé quand j'arrive sur une autoroute car cela me donne l'impression
d'être en claustrophobie : canalisé d'un côté,
enfermé de l'autre avec du béton au milieu et, de l'autre
côté, des rambardes. J'habite le nord et on a souvent du
brouillard. Or, quand vous entrez sur l'autoroute A1, vous vous demandez
toujours si vous allez en sortir vivant. Avec le trafic de camions belges et
hollandais qui ne se privent pas d'aller vite, on est enfermé, il n'y a
aucune échappatoire possible vers la droite. Vous ne pouvez
peut-être même pas sortir, en cas de danger, sans franchir des
rambardes et des obstacles. Est-ce que l'autoroute est devenue un rail
fermé ? Est-ce qu'on peut faire abstraction, sur de longs parcours,
de l'enfermement que comportent ce genre de rambardes utilisées ?
M. Guy Maillard
. -
L'enfermement que vous percevez et que je
comprends est aussi la rançon de la sécurité parce que
l'autoroute est protégée des débouchés de toute
nature dont doit s'accommoder la route nationale. Je sais bien qu'il y a un
sentiment d'enfermement lorsqu'on circule avec un camion à sa droite ou
à sa gauche. Mais je le répète, la définition
même de l'autoroute est un itinéraire protégé, donc
d'une certaine manière, enfermé. S'il ne l'était pas, cela
créerait des dangers autrement plus graves, dangers qu'il nous arrive
d'ailleurs d'avoir à assumer. Par exemple, les traversées de
gibiers nous obligent à prévoir des grillages et des
clôtures sur des espaces assez longs.
Je n'ai malheureusement pas de réponse à la question que vous
posez.
M. Hilaire Flandre
. -
Peut-on espérer avoir un jour un
système de péage harmonisé sur l'ensemble du réseau
autoroutier ?
M. Guy Maillard
. -
Les sociétés d'autoroutes,
à la demande et à l'instigation du ministère de
l'équipement, développent actuellement une étude qui doit
déboucher sur un télé-péage
généralisé sur l'ensemble du réseau. Avec les
cartes de péage que vous acquérez sur le réseau de la
SANEF, vous pourrez sortir à n'importe quel point du réseau
national, que ce soit un réseau géré par Cofiroute ou par
un autre. C'est une recherche très longue et très difficile qui a
de multiples aspects, notamment l'aspect humain. Notre personnel des
péages est très inquiet de voir automatiser ce qui est son
métier actuel. Il y a donc des précautions à prendre. La
technique permet beaucoup de choses, mais le facteur humain est à
prendre en compte.
M. Jean Boyer
. -
Dans 20 ou 30 ans, je pense que le réseau
d'autoroutes sera complet car il faudra peut-être inventer du terrain
pour en faire d'autres. Que vont devenir les sociétés
autoroutières privées ou non privées ? Vont-elles
employer leur réserve à améliorer les réseaux
départementaux ?
M. Guy Maillard
. -
Je pense que les sociétés
d'autoroutes ont pour première ardente obligation de rembourser les
emprunts qu'elles ont contractés. Le problème que vous
évoquez est à une échéance assez lointaine.
Les sociétés d'autoroutes sont capables d'apporter un
savoir-faire très important dans la manière de manipuler les flux
qui parcourent les autoroutes. Cet aspect de l'exploitation, la
nécessité de l'exploitation du réseau autoroutier est un
problème qui ne finira pas avec les concessions actuelles. C'est quelque
chose de permanent pour lequel le savoir-faire des sociétés
d'autoroutes sera mobilisé.
Le terme des concessions a été étudié pour
permettre à chacune des sociétés de rembourser tous ses
emprunts au terme de sa concession. Quant à savoir ce que l'on fera
après, c'est un problème auquel je ne peux pas répondre.
Va-t-on maintenir le péage au-delà des concessions
actuelles ? C'est une question sur laquelle je ne peux avoir que des
idées mais pas plus que n'importe lequel d'entre nous. C'est d'ailleurs
une question sur laquelle j'ai envie de me tourner vers notre tuteur, M. le
Directeur des routes.
M. Bernard Joly
. -
Je voudrais justement profiter de la
présence du Président Maillard et de M. le Directeur des routes
pour demander comment se fait ce schéma autoroutier national. Est-ce que
l'aménagement du territoire y trouve davantage son compte que dans les
comptages futurs ?
M. Guy Maillard
. -
C'est une question à laquelle M.
Christian Leyrit répondra sûrement mieux que moi. La loi de
l'aménagement du territoire a prévu qu'au terme du schéma
autoroutier, chaque partie du territoire national ne devra pas être
éloignée de plus de 50 kilomètres d'un échangeur
autoroutier ou d'une gare TGV. Je suis moins orfèvre en la
matière pour répondre sur ce point. Le schéma autoroutier
a été taillé pour assurer une bonne desserte du territoire.
M. Jean Huchon
. -
Je fréquente assidûment Paris/Le
Mans/Angers où il y a un travail permanent de passage à trois
voies. Est-ce une décision de Cofiroute seule qui améliore et
finance son investissement ?
M. Guy Maillard
. -
C'est une décision prévue par le
traité de concessions de Cofiroute : à partir d'un certain
seuil, Cofiroute élargit. Je dois dire que Cofiroute anticipe aussi sur
les élargissements.
Actuellement, nous avons terminé l'élargissement à deux
fois quatre voies du tronc commun en Ile-de-France. Les autoroutes ont
été élargies à deux fois trois voies jusqu'à
Orléans en direction de Tours, et nous allons continuer. De même,
nous élargissons au-delà de Chartres.
M. le Président.
-
Merci beaucoup. J'aurais bien
aimé savoir si vous commercialisez ce savoir-faire à
l'étranger. Je pense notamment à des pays comme la Chine ou comme
l'Inde.
M. Guy Maillard
. -
Nous sommes présents dans beaucoup
d'endroits : en Californie, au Brésil, en Argentine, en Angleterre,
non pas comme investisseurs mais comme consultants.
M. le Président
. -
Est-ce que cela vous procure des
rentrées substantielles ?
M. Guy Maillard
. -
Cela nous permet de couvrir les frais de notre
action à l'international. C'est surtout un renvoi d'image remarquable
pour la France.