ANNEXES
I. ORIENTATIONS DE LA FRANCE POUR LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE DE 1996
I. CONCEPTION DE LA REFORME
Le Traité de Maastricht a prévu que certaines de ses dispositions
seraient revues lors d'une Conférence intergouvernementale (CIG) qui se
réunirait en 1996.
Cette conférence s'ouvrira dans quelques mois. Elle
précédera une série d'échéances très
importantes pour l'Union européenne, telles que l'élargissement
à certains pays d'Europe de l'Est et du Sud, le passage à la
troisième phase de l'Union économique et monétaire ou la
révision du financement de la Communauté.
Aussi l'objectif de la Conférence intergouvernementale est-il
double : poursuivre l'approfondissement de l'Union européenne tout
en adaptant ses institutions au futur élargissement.
Dans la grands négociation qui s'engage, il est temps que la France
prenne position. Notre pays doit en effet adopter une attitude dynamique et
ambitieuse en fixant un certain nombre d'objectifs de nature à faire
avancer la construction européenne, quelles que soient les
difficultés et les réticences prévisibles.
II. OBJECTIFS PRIORITAIRES POUR LA FRANCE
Nos priorités devraient se concentrer sur quelques objectifs simples qui
correspondent à l'attente de l'opinion publique et des Parlements
nationaux, et qui répondent au souci de rendre les institutions plus
efficaces, plus démocratiques, mieux adaptées à leur
mission et mieux à même d'apprécier et de résoudre
les problèmes concrets de nos compatriotes.
Ces objectifs pourraient être les suivants :
-
mieux appliquer le principe de subsidiarité,
-
mieux associer les Parlements nationaux à la construction
européenne,
-
rendre les institutions plus efficaces,
- donner corps à la politique étrangère et de
sécurité commune,
-
répondre à l'aspiration de sécurité de nos
concitoyens en renforçant l'action de l'Europe dans le domaine de la
sécurité intérieure et de la justice.
III. PROPOSITIONS
Le réalisme commande de conserver d'une manière ou d'une autre,
la distinction entre les trois grands domaines de coopération existant
qu'on appelle l'architecture " en piliers " : les
questions
communautaires, la politique étrangère et de
sécurité commune, le domaine des affaires intérieures et
de justice. En effet, les différences de régimes juridiques entre
ces trois domaines correspondent à une réalité. Ceci
n'exclut pas la possibilité d'évolutions institutionnelles
différenciées selon les matières concernées.
La Conférence ne doit ni rouvrir le dossier de l'Union Economique et
Monétaire, ni rediscuter les politiques communes.
Dans ces conditions, les propositions suivantes peuvent être
présentées.
1 -
Premier pilier
a) S'agissant du processus de décision au sein du Conseil, deux
adaptations devraient être introduites, notamment pour tenir compte des
élargissements récents et prochains.
- Premièrement, introduire une meilleure pondération des voix
au Conseil
, tenant compte des facteurs démographiques et
économiques, et de la contribution financière des Etats membres.
- Deuxièmement, élargir le champ d'application des
décisions pouvant être prise par vote. Dans une Europe
élargie, l'exigence du consensus est trop souvent un facteur de blocage.
Il va de soi que tout Etat membre pourrait continuer d'invoquer valablement, le
cas échéant, l'existence d'un intérêt national
très important justifiant de différer le vote et de poursuivre la
négociation (cf. le compromis " de Luxembourg ").
b) Dans le système communautaire, l'initiative revient à la
Commission. Or, avec les élargissements successifs et l'augmentation du
nombre des commissaires, les décisions, au sein de cette institution,
peuvent de moins en moins facilement être prises collégialement.
Cet état de fait a des conséquences sur l'ensemble du processus
de décision communautaire.
Si l'on veut rendre toute sa portée à la capacité
d'initiative et de décision de la Commission, les effectifs de celle-ci
devraient être réduits.
Au surplus, la réduction du nombre des commissaires facilitera le retour
à une plus grande cohérence et une plus grande discipline au sein
de l'institution. Il conviendrait de conforter cette évolution en
prévoyant aussi que des mandats
précis et impératifs
soient systématiquement
donnés à la Commission de
façon à mieux définir son rôle d'application des
orientations du Conseil. Ainsi, la Commission ne serait plus conduite, comme
elle le fait trop souvent actuellement, à aller au-delà des
mandats de négociation parfois trop généraux que lui fixe
le Conseil. Elle serait au contraire tenue de revenir devant le Conseil
dès lors qu'elle ne pourrait, sans dépasser son mandat,
poursuivre des négociations avec des pays tiers.
c) En ce qui concerne le Parlement européen, il conviendra de
simplifier les procédures législatives
sans modifier
l'équilibre actuel des pouvoirs entre le Conseil et le Parlement.
Par ailleurs, l'idée a été exprimée de plafonner
les effectifs du
Parlement européen
dans la perspective d'une
Union très élargie. Le cas échéant, cette
réforme devra être conduite en liaison avec la réalisation,
jusqu'ici toujours différée, du projet de procédure
électorale uniforme.
Il conviendra aussi de s'assurer du respect de la décision de 1992 sur
les lieux de travail du Parlement européen qui prévoit que les
sessions plénières de cette assemblée se tiennent à
Strasbourg.
d) Enfin, il faudra pleinement tenir compte de l'exigence des opinions
publiques et des Parlements nationaux qui veulent, face aux dangers d'une
Europe trop tatillonne, un respect plus strict et mieux organisé du
principe de subsidiarité.
Pour mettre en oeuvre cette orientation, il est souhaitable de créer un
organe regroupant des représentants des Parlements nationaux. Cette
instance serait consultée sur le respect du principe de
subsidiarité. Ce principe signifie que, lorsqu'un sujet est bien
traité au niveau national, il n'y a pas de raison de le
transférer au niveau communautaire. Les parlementaires nationaux sont,
sur ce point, les meilleurs juges.
Cette formule d'un Haut Conseil parlementaire, comprenant par exemple deux
représentants par Etat membre, pourrait être mise en oeuvre
à partir d'une institutionnalisation de la Conférence des organes
spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) qui
réunit depuis 1988, semestriellement, les commissions compétentes
des Parlements nationaux ainsi que des représentants du Parlement
européen.
2 -
Deuxième pilier
Dans le domaine de la politique étrangère et de
sécurité commune (PESC), qui n'appartient pas au domaine
communautaire mais à celui de la coopération
intergouvernementale, il importe de combler plusieurs lacunes dont souffre
l'Union.
a) Le système actuel de rotation semestrielle de la présidence
aboutit à priver l'Union de l'image forte qui lui est indispensable pour
s'affirmer sur la scène internationale.
Pour donner un visage à l'Union, une formule paraît
s'imposer : celle d'instituer un Haut représentant de l'Union avec
mandat de plusieurs années (3 ans ou 5 ans) et un rôle
d'animation et de représentation dans le domaine de la PESC.
Désigné par le Conseil européen, le titulaire de cette
fonction serait chargé de mener à bien toute tâche qui lui
serait confiée par le Conseil européen ou le Conseil.
Par ailleurs, pour conforter la position du Haut représentant et, plus
généralement pour faciliter l'émergence des positions de
l'Union, les moyens nécessaires devraient être mis à la
disposition de cette personnalité, de façon à lui
permettre de soumettre les propositions appropriées aux Etats membres.
Le Secrétariat général du Conseil pourrait être
renforcé à cette fin.
b) Il sera indispensable de clarifier la répartition des tâches
entre la PESC et les relations extérieures de la Communauté,
c'est-à-dire le lien entre la coordination des politiques
étrangères sur le mode intergouvernemental d'une part et le volet
externe des politiques communes d'autre part.
c) Enfin, la CIG devra fournir l'occasion de préciser les perspectives
de définition d'une défense commune en liaison avec les travaux
menés à ce sujet dans le cadre de l'UEO.
Des propositions devront être faites dans trois directions :
-
préciser les modalités de subordination de l'UEO à
l'Union européenne ;
- prévoir un mode de prise de décision spécifique sur les
questions de sécurité, de manière à ne pas
paralyser le Conseil ;
-
développer les capacités opérationnelles de l'UEO
(commandement, satellites, armement) en y introduisant la flexibilité
nécessaire pour permettre à certains Etats membres de s'unir dans
des coopérations plus poussées.
3.
Troisième pilier
La coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la
justice est essentielle car elle touche aux préoccupations quotidiennes
de nos concitoyens (criminalité, drogue, terrorisme, etc.). Elle
recouvre en fait trois catégories d'activités qu'il y a lieu de
distinguer.
S'agissant des questions relatives à l'asile et à l'immigration,
des dispositions sont déjà prévues pour permettre un
rapprochement avec la sphère communautaire. Il contiendrait d'y
réfléchir en prenant les précautions nécessaires.
En matière de coopération policière, la situation actuelle
- à savoir une coopération intergouvernementale et non
communautaire - paraît la plus conforme à l'état du droit
et des positions des Etats membres.
Reste la coopération judiciaire sur laquelle certaines
améliorations devraient être apportées. En particulier,
pour stimuler le rapprochement des législations civiles et
pénales des Etats membres, trois propositions devraient être
étudiées.
a) La capacité de proposition de la Commission, qui fait la force du
premier pilier, pourrait être introduite dans le troisième,
sachant qu'elle y agirait concurremment avec les Etats membres.
b) Dans le cours même de l'élaboration des textes, une
participation des Parlements nationaux pourrait être organisée. En
particulier, le Haut Conseil parlementaire précité pourrait
être associé à la préparation des textes qui
intéressent le droit civil ou pénal, de manière à
permettre aux parlementaires nationaux de dire leur mot, en détail, sur
chacune des dispositions envisagées, alors qu'actuellement leur
intervention, limitée au cadre de la procédure de ratification,
ne leur permet de se prononcer qu'en bloc.
c) Il conviendrait enfin de réfléchir à une entrée
en vigueur des textes sans attendre le dépôt des instruments de
ratification de la totalité des Etats membres, formule existant en droit
international classique.
4 - Clause générale sur les coopérations renforcées
La Conférence Intergouvernementale a notamment pour objet de
préparer l'Union européenne à son futur
élargissement et d'adapter à cet objectif les institutions
actuelles. Il conviendrait donc d'introduire dans les traités une clause
de caractère général permettant aux Etats qui en ont la
volonté et la capacité de développer entre eux des
coopérations renforcées. On peut imaginer, pour y parvenir, que
certains Etats puissent présenter au Conseil des projets de
coopération qui, une fois approuvés par cette instance, seraient
considérées comme entérinées par l'Union
européenne. Un tel schéma présenterait l'avantage
d'introduire dans les traités la souplesse nécessaire sans pour
autant affaiblir la cohérence de l'Union.
Si l'ensemble de ces dispositions était adopté, l'Union
Européenne, en sortirait renforcée et serait en mesure de faire
face au futur élargissement, au terme duquel l'Europe changera de
dimension,
Les propositions qui précèdent représentent une
première contribution au débat. Elles seront, dans les semaines
qui viennent, enrichies à la lumière des consultations
engagées avec différentes personnalités politiques
françaises. Il s'agit également d'une discussion avec 1'Allemagne
et avec nos autres partenaires. C'est en effet à partir d'une
démarche franco-allemande, s'élargissant à tous les Etats
membres qui le souhaitent que nous réussirons la Conférence
intergouvernementale de 1996.
Cette Conférence n'est qu'une étape, mais une étape
importante dans le projet européen de la France, qui vise avant tout
à rapprocher l'Europe des citoyens et à replacer l'homme au coeur
de la construction européenne. L'Europe est aujourd'hui perçue
comme trop éloignée des attentes quotidiennes des
européens. Elle doit apporter des réponses à leurs
principales préoccupations : l'emploi, la paix, l'environnement et
la sécurité.