Rapport d'information N° 222: Bilan des travaux de la Conférence intergouvernementale après le Conseil européen de Dublin (décembre 1996)
M. Christian de la MALENE, Sénateur
Délégation du Sénat pour l'Union européenne -Rapport d'Information 222 - 1996 / 1997
Table des matières
- I. LES PRIORITES DE LA FRANCE (DOCUMENT DU 18 NOVEMBRE 1995)
- II. LE PROJET DE TRAITE DE LA PRESIDENCE IRLANDAISE
- III. LA LETTRE FRANCO-ALLEMANDE
- IV. LES CONCLUSIONS DU CONSEIL EUROPÉEN DE DUBLIN
- EXAMEN PAR LA DELEGATION
- ANNEXES
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1),
sur le bilan des
travaux de la Conférence
intergouvernementale
après le Conseil européen de Dublin
(décembre 1996),
Par M. Christian de LA MALÈNE,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de
: MM. Jacques Genton,
président
; James Bordas, Claude
Estier, Pierre Fauchon, Philippe François,
vice-présidents
; Nicolas About, Michel Caldaguès, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul
Loridant,
secrétaires
; Robert Badinter, Denis
Badré, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M. Charles
Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Ambroise Dupont, Jean-Paul
Emorine, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Pierre Lagourgue,
Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel
Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud,
MM. Alain Richard, Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca
Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel
Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.
Mes chers Collègues,
Nous nous trouvons à peu près à mi-parcours de la
Conférence intergouvernementale (CIG) : c'est un moment opportun
pour faire le point sur l'état d'avancement de ses travaux. Pour cela,
nous pouvons nous appuyer sur plusieurs documents :
- tout d'abord, le document présenté par le Gouvernement, le
18 novembre 1995, qui définit "
les orientations de la
France pour la Conférence intergouvernementale
" et qui a
été bien accueilli au sein du Parlement ; à la
lumière de ce document, nous pouvons évaluer les travaux de la
CIG ;
- ensuite, le projet présenté au début du mois de
décembre 1996 par la présidence irlandaise en vue du Conseil
européen de Dublin. Ce document, intitulé "
Cadre
général pour un projet de révision des
traités
", est le résultat des six premiers mois de
négociations ;
- en troisième lieu, la lettre franco-allemande du
9 décembre 1996. Celle-ci a été rédigée
au vu du texte présenté par la présidence irlandaise, dans
le but de donner une nouvelle impulsion à la CIG ;
- enfin, la déclaration adoptée par le Conseil européen
de Dublin (13 et 14 décembre 1996).
I. LES PRIORITES DE LA FRANCE (DOCUMENT DU 18 NOVEMBRE 1995)
Ce document du Gouvernement assigne un double objectif
à la CIG : "
poursuivre l'approfondissement de l'Union
européenne tout en adaptant ses institutions au futur
élargissement
". Dans cet optique, il retient cinq
priorités :
-
" mieux appliquer le principe de subsidiarité,
-
" mieux associer les parlements nationaux à la construction
européenne,
-
" rendre les institutions plus efficaces,
- " donner corps à la politique étrangère et de
sécurité commune,
-
" répondre à l'aspiration de sécurité de
nos concitoyens en renforçant l'action de l'Europe dans le domaine de la
sécurité intérieure et de la justice ".
Ces priorités se traduisent dans un ensemble de propositions,
présentées en fonction des trois " piliers " de l'Union
européenne.
Pour le premier pilier (c'est-à-dire la Communauté
européenne proprement dite), le document propose tout d'abord :
- une meilleure pondération des voix au Conseil,
- un recours plus large à la majorité qualifiée pour les
décisions du Conseil, le " compromis de Luxembourg "
permettant en toute hypothèse à un Etat membre d'invoquer un
intérêt national très important pour différer le
vote et poursuivre la négociation. (Il convient par ailleurs de
souligner que la France considère que l'amélioration de la
pondération des votes est une condition de l'usage accru du vote
à la majorité qualifiée).
Le document propose également une réduction du nombre des membres
de la Commission européenne. Pour encadrer le rôle de celle-ci
dans les négociations commerciales internationales, il suggère
par ailleurs que des "
mandats précis et
impératifs
" lui soient "
systématiquement
donnés
".
Evoquant le Parlement européen, le document se prononce pour une
simplification des procédures législatives "
sans
modifier l'équilibre actuel des pouvoirs entre le Conseil et le
Parlement européen
".
Enfin, le document souhaite que les parlements nationaux veillent à une
meilleure application du principe de subsidiarité, dans le cadre d'un
"
organe regroupant des représentants des parlements
nationaux
". Cette formule, précise-t-il, "
pourrait
être mise en oeuvre à partir d'une institutionnalisation de la
COSAC
".
Pour le
deuxième pilier
, c'est-à-dire la politique
étrangère et de sécurité commune (PESC), le
document propose la désignation par le Conseil européen d'un
"
haut représentant
" de l'Union européenne qui
aurait
" un rôle d'animation et de
représentation
". Responsable devant le Conseil
européen, "
M. PESC
" devrait avoir une stature
politique plus qu'administrative.
Le document souhaite en outre que la CIG précise "
les
perspectives de définition d'une défense commune
", en
définissant "
les modalités de la subordination de l'UEO
à l'Union européenne
", en prévoyant "
un
mode de décision spécifique
" évitant la
paralysie du Conseil, et en permettant le développement des
capacités opérationnelles de l'UEO (le cas échéant
par le biais de coopérations renforcées entre certains Etats
membres).
Pour le
troisième pilier
(coopération dans le domaine de
la justice et des affaires intérieures), c'est une approche relativement
prudente qui est retenue. Au sujet des questions relatives à l'asile et
à l'immigration, le document observe que le traité de Maastricht
permet déjà une évolution vers les méthodes
communautaires ; en matière de coopération policière,
il préconise le maintien d'une approche intergouvernementale. En
revanche, le document suggère une réforme des modalités de
la coopération judiciaire, en avançant à cet égard
trois propositions :
- introduire, dans tous les domaines de la coopération judiciaire, un
droit d'initiative de la Commission européenne, coexistant avec celui
des Etats membres ;
- associer les parlements nationaux à l'élaboration des
textes ;
- prévoir la possibilité que les conventions conclues dans le
cadre du troisième pilier entrent en vigueur dès lors qu'elles
seraient ratifiées par un certain nombre d'Etats membres (elles seraient
alors seulement applicables à ces mêmes Etats).
Enfin, le document du Gouvernement se prononce pour l'insertion dans le
Traité d'une
clause générale de flexibilité
,
permettant
" aux Etats qui en ont la volonté et la
capacité de développer entre eux des coopérations
renforcées
".
II. LE PROJET DE TRAITE DE LA PRESIDENCE IRLANDAISE
Le projet présenté par la présidence
irlandaise n'est pas un projet complet. C'est un schéma, un
"
cadre général
" qui, dans certains cas,
propose une nouvelle rédaction des dispositions du Traité -en
indiquant si cette nouvelle rédaction bénéficie d'un large
accord ou bien n'a qu'une valeur très indicative- et, dans d'autres cas,
s'abstient de proposer un texte.
J'ai cherché à situer ce projet par rapport au document du
Gouvernement définissant les priorités françaises. Il
apparaît, tout d'abord, que le projet de la présidence irlandaise
contient des éléments " en plus " : il aborde
certains sujets que ne mentionnait pas le document français. Le projet
de traité présente en revanche certains
" trous " : il ne suggère pas de rédaction dans
certains domaines jugés très importants par le document
français. Sur d'autres sujets, le projet de traité donne ce que
j'appellerai des " coups de chapeau " : la portée de
ses
propositions paraît limitée. Enfin, dans certains domaines, le
projet de traité paraît devoir déboucher sur des
progrès, voire sur d'importantes avancées.
Mon impression générale est celle d'un déséquilibre
dans la prise en compte des préoccupations en présence ; j'y
reviendrai au moment de conclure.
1. Les éléments " en plus "
a) Le projet de traité aborde la question des droits fondamentaux
En ce domaine, le projet de traité contient deux
nouveautés importantes :
La première est un article relatif à la
non-discrimination
. Il est ainsi rédigé :
" Dans le domaine d'application du présent traité (...)
le Conseil, statuant
à l'unanimité
sur proposition de la
Commission européenne et après
consultation
du Parlement
européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue d'interdire
toute discrimination fondée sur le sexe, la race, l'origine ethnique ou
sociale, les croyances religieuses, un handicap, l'âge ou l'orientation
sexuelle ".
Il n'y a donc pas d'obligation d'agir pour le Conseil et l'unanimité est
requise.
On peut remarquer que la plupart des discriminations visées par
l'article sont déjà interdites par les lois fondamentales des
Etats membres. L'article va cependant plus loin en mentionnant
"
l'âge
" et "
l'orientation
sexuelle
". Il est cependant difficile de savoir ce qu'il faut
entendre par l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'un ou
l'autre de ces deux critères.
La deuxième grande nouveauté au sujet des droits fondamentaux
concerne
l'égalité hommes/femmes
.
Le projet de traité autorise les Etats membres à prendre des
mesures dites de " discrimination positive " en faveur des
femmes. Il
s'agit d'une faculté donnée aux Etats membres, non d'une
obligation. Les Etats membres peuvent "
maintenir ou adopter des
mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés
à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par les
personnes du sexe sous-représenté ou à prévenir ou
compenser des désavantages dans leur carrière
professionnelle
".
En revanche, le texte ne retient pas deux propositions qui ont
été longuement discutées :
- l'adhésion de la Communauté à la Convention
européenne des droits de l'homme,
- l'adoption par la Communauté d'un catalogue de droits fondamentaux.
Ces deux propositions semblent donc désormais abandonnées.
b) Le texte traite de l'emploi
Le projet de traité prévoit l'insertion d'un
titre consacré spécialement à l'emploi dans le
Traité sur l'Union européenne. Il s'agit là d'une demande
forte de certains Etats, qui estiment que cela favorisera la ratification du
nouveau traité.
Le projet de traité prévoit les mesures suivantes :
- l'emploi est considéré comme une question
d'intérêt commun ;
- le Conseil élabore chaque année des "
lignes
directrices
" pour la politique de l'emploi ;
- chaque Etat membre doit rendre compte par un rapport annuel de sa politique
de l'emploi "
à la lumière
" de ces "
lignes
directrices
" ;
- le Conseil peut adresser des recommandations aux Etats membres, et
également adopter des "
actions d'encouragement
"
destinées à soutenir et compléter l'action des Etats
membres. Toute harmonisation des législations est explicitement exclue.
2. Les "trous"
Alors que la volonté de rendre les institutions plus
efficaces dans la perspective de l'élargissement est au coeur du
document français,
le projet de traité ne contient aucune
proposition élaborée au sujet des grandes questions
institutionnelles
: extension de la majorité qualifiée,
pondération des voix au Conseil, flexibilité
("
coopérations renforcées
"), composition de la
Commission, pouvoirs du Parlement européen. Sur ces points essentiels,
la négociation n'a pas véritablement progressé
jusqu'à présent.
Il est à noter que la question de la
flexibilité
apparaît de plus en plus centrale dans les débats : cependant, les
points de vue demeurent pour l'instant très éloignés.
Ainsi, le Royaume-Uni considère que toute coopération
renforcée doit être autorisée par le Conseil statuant
à l'unanimité : il serait alors bien difficile que des
coopérations renforcées voient le jour. Les pays du Benelux, pour
leur part, souhaitent que les coopérations renforcées
fonctionnent selon un modèle très proche du premier pilier, avec
un rôle très important pour la Commission européenne, le
Parlement européen et la Cour de justice : or, comme les
coopérations renforcées doivent principalement s'appliquer aux
deuxième et troisième piliers, de telles conditions
dissuaderaient la plupart des Etats de recourir à cette formule.
Cependant, comme l'a souligné M. Michel Barnier, à supposer
que le nouveau traité ne contienne pas les dispositions adéquates
pour la mise en place de coopérations renforcées, il restera
possible - même si cela n'est nullement souhaitable - de
développer ces coopérations en dehors du traité, comme
cela a été fait par le passé pour les accords de Schengen.
3. Les "coups de chapeau"
a) La subsidiarité
Alors que la subsidiarité venait en tête des
priorités retenues par le document français, le projet de
traité se borne à proposer de reprendre, dans un protocole,
l'essentiel des conclusions adoptées par le Conseil européen
d'Edimbourg, en décembre 1992... Comme ces conclusions excluaient toute
forme de contrôle spécifique de la subsidiarité, leur
inscription dans le traité ne serait nullement un progrès :
en réalité, il s'agit plutôt de réaffirmer le
statu quo
dans ce domaine.
Il est clair que les Etats les plus bénéficiaires des
interventions communautaires s'opposent fermement à une application plus
rigoureuse du principe de subsidiarité, craignant qu'elle
n'entraîne une remise en cause de certaines des subventions qu'ils
reçoivent. On ne peut donc espérer que les négociations
débouchent sur un quelconque progrès dans ce domaine.
b) Les parlements nationaux
Les dispositions concernant les parlements nationaux sont
plus
substantielles et constituent un certain progrès par rapport au texte en
vigueur, même si, manifestement, l'association des parlements nationaux
est loi d'être une priorité dans le projet de traité,
contrairement au document français.
Le projet de traité suggère qu'un protocole soit consacré
aux parlements nationaux. Il leur garantirait tout d'abord un délai
minimum de quatre semaines pour l'examen de toute " proposition
législative " de la Commission européenne transmise au
Conseil en vue d'une décision. (Une ambiguïté subsiste
toutefois sur la notion de "
proposition
législative
"). Le protocole reconnaîtrait par ailleurs
le rôle collectif des parlements nationaux dans le cadre de la COSAC,
notamment dans le cas des textes relevant du " troisième
pilier " de l'Union européenne.
Le texte précise toutefois que certains gouvernements restent
réservés sur la reconnaissance du rôle de la COSAC.
4. Les progrès
Sous cette rubrique, je classerai -avec beaucoup de réserves- les aspects du projet de traité concernant la PESC. Certes, le texte est loin de paraître pleinement satisfaisant, mais il contient quelques pas en avant dans le sens souhaité par le document français.
a) La politique étrangère et de sécurité commune
La proposition française de donner "
une voix
et un visage
" à la PESC a été partiellement
intégrée au projet de traité, sous la forme d'un nouveau
statut pour le secrétaire général du Conseil. Celui-ci
contribuerait à la préparation des décisions du Conseil
ainsi qu'à leur exécution, et participerait à la
représentation extérieure de l'Union européenne.
Le projet de traité prévoit en outre un nouveau type de
troïka pour représenter l'Union européenne. Celle-ci serait
représentée par l'Etat exerçant la présidence,
assisté par le secrétaire général du Conseil et par
le commissaire européen compétent.
Par ailleurs, une "
structure de planification et d'alerte
précoce
" serait mise en place auprès du
secrétaire général du Conseil. Son rôle serait
notamment de rapprocher les analyses et conceptions des Etats membres, de
manière à permettre à l'Union de réagir plus
rapidement de manière cohérente.
Sur la question des méthodes de décision, le projet de
traité prévoit que l'unanimité reste nécessaire
pour décider d'une action commune, avec toutefois la possibilité
d'une "
abstention constructive
" de la part de
certains Etats
membres. En revanche, si une action commune est décidée, les
mesures d'application sont normalement prises à la majorité
qualifiée ; toutefois, un Etat membre peut opposer son veto à une
mesure d'application en invoquant une "
raison de politique
nationale
".
b) Les autres questions liées aux relations extérieures
La CIG a longuement débattu de
l'octroi de la
personnalité juridique à l'Union européenne
, sans
parvenir à un accord. Le projet de traité suggère une
rédaction, mais précise dans un commentaire qu'un accord sur
celle-ci est peu probable. La CIG pourrait s'orienter vers une formule
pragmatique qui, sans accorder la personnalité juridique à
l'Union européenne, lui permettrait, au cas par cas, de conclure des
accords au nom de ses membres, sur la base d'une décision du Conseil
prise à l'unanimité.
La CIG a également examiné la question d'une
compétence exclusive
de la Communauté pour les
relations économiques extérieures
. Là
également, le projet de traité envisage une rédaction,
sans dissimuler qu'elle suscite des réticences chez plusieurs Etats
membres. La France est réservée sur la formule proposée,
qui donnerait à la Commission européenne un monopole sur les
négociations commerciales, y compris dans le domaine des services (ce
qui pourrait recouvrir des domaines tels que l'éducation et la
santé), de la propriété intellectuelle et des
investissements directs étrangers, et qui pourrait indirectement
accroître les compétences communautaires sur le plan interne.
c) La politique commune de défense
Le projet de traité mentionne "
la
définition progressive d'une politique de défense commune, dans
la perspective d'une défense commune
".
Il maintient en même temps la règle de l'unanimité pour les
décisions de l'Union ayant des implications militaires ou dans le
domaine de la défense.
Sur la question très débattue des relations entre l'Union
européenne et l'UEO, le projet de traité propose des
éléments de rédaction, mais en indiquant que la question
"
devra encore être débattue
".
Au total, on peut considérer que la négociation n'a pas fait,
pour l'instant, de progrès dans le domaine de la défense.
5. Les avancées
Les avancées concernent principalement le troisième pilier.
a) La libre circulation des personnes
Le projet de traité est très ambitieux dans ce
domaine, d'autant qu'il retient une acception particulièrement large de
la notion de " libre circulation ".
Il prévoit que le Conseil "
arrête les dispositions
appropriées
", dans un délai
d'un an
après
l'entrée en vigueur du nouveau traité, pour "
assurer
l'absence de tout contrôle des personnes, qu'il s'agisse de citoyens de
l'Union ou de ressortissants de pays tiers, lorsqu'elles franchissent les
frontières intérieures
".
Le Conseil doit,
dans le même délai
, arrêter les
"
dispositions appropriées
" concernant :
- les contrôles des personnes aux frontières extérieures,
- les règles relatives aux visas pour les séjours d'une
durée maximale de trois mois,
- les règles concernant la libre circulation des ressortissants des pays
tiers pendant une durée maximale de trois mois à compter de leur
entrée sur le territoire de l'Union.
Le projet prévoit en outre que le Conseil prend, dans un délai
de
deux ans
, "
des dispositions
" concernant
le droit
d'asile, le statut des réfugiés, la politique d'immigration, la
lutte contre l'immigration clandestine, et, dans un délai de
trois
ans
, des dispositions concernant les droits des immigrés en
situation régulière.
La procédure de décision n'est pas précisée par
le projet de traité
et les incertitudes sont nombreuses : le droit
d'initiative doit-il être réservé à la Commission
européenne, ou partagé entre celle-ci et les Etats membres ?
Quels doivent être les rôles respectifs du Parlement
européen et des parlements nationaux ? Quel type de contrôle
doit exercer la Cour de justice ? A quelle condition de majorité
doivent être prises les décisions ?
La présidence irlandaise suggère, pour le droit d'initiative et
pour les conditions de la prise de décision, une démarche
progressive vers la communautarisation. Pendant une période initiale, le
droit d'initiative serait partagé entre les Etats membres et la
Commission, puis il reviendrait à la seule Commission. Pendant une
période initiale, l'adoption se ferait à l'unanimité, puis
on passerait à la majorité qualifiée.
Le ministre des Affaires européennes a porté un jugement
sévère sur ces propositions lors de son audition par la
délégation le 29 janvier dernier, estimant que le projet
irlandais propose une "
marche forcée
" vers la libre
circulation des personnes entre les Quinze, "
solution inacceptable
pour la France si, concomitamment, n'est pas prévu un accroissement
réel des conditions de sécurité pour les citoyens. Or les
mesures d'accompagnement proposées dans le document de la
présidence irlandaise sont inférieures à celles qui sont
définies par l'accord de Schengen, puisque, par exemple, ne sont
évoquées ni la mise en oeuvre d'un système d'information
analogue au Système d'information Schengen, qui contient
déjà quatre millions de données sur les personnes
recherchées ou les automobiles volées, ni de dispositions sur
l'aménagement des aéroports. Il convient donc de compléter
les propositions irlandaises pour ne pas rester en deçà des
exigences posées par l'accord de Schengen et même aller plus loin
que ces exigences
. "
b) La justice et les affaires intérieures
Le projet de traité donne une définition
étendue des questions considérées comme
" d'intérêt commun " :
1) " toutes les formes de coopération policière,
notamment en vue de prévenir et de combattre le terrorisme et les autres
formes de criminalité internationale, y compris la coopération
par l'intermédiaire d'Europol et le développement de ses
capacités opérationnelles ;
2) " la lutte contre la traite d'êtres humains et les crimes commis
contre des enfants ;
3) " la lutte contre le trafic de drogue ;
4) " la prévention du racisme et de la xénophobie, et la
lutte contre ces phénomènes ;
5) " la coopération judiciaire en matière pénale ;
6) " la coopération judiciaire en matière civile et
commerciale ;
7) " l'harmonisation des règles applicables dans les Etats membres
aux conflits de droit et de compétence en matière civile et
commerciale ;
8) " la prévention de la corruption et de la fraude à
l'échelle internationale, ainsi que la lutte contre ces
phénomènes ;
9) " la coopération douanière ".
Le projet de traité prévoit par ailleurs une large gamme
d'instruments :
- les "
positions communes
" engageant les Etats
membres,
- les "
actions opérationnelles
",
- les " décisions-cadres " sur le rapprochement des
législations,
- les "
conventions
" (avec la possibilité de
prévoir que, lorsque la convention aura été adoptée
par un certain nombre d'Etats membres, elle entrera en vigueur pour ces
mêmes Etats membres).
Cependant, des incertitudes importantes subsistent également,
concernant notamment
le calendrier, la procédure de décision
et le rôle de la Cour de justice.
III. LA LETTRE FRANCO-ALLEMANDE
Ce document, présenté peu de temps avant le Conseil européen de Dublin, donne un éclairage sur certains des problèmes abordés par le projet de traité.
1. Le troisième pilier
La lettre franco-allemande se prononce ainsi pour le
développement d'Europol afin d'en faire "
un office policier
efficace doté de compétences opérationnelles
".
Elle souhaite également la disparition du droit d'asile politique dans
les rapports entre les Etats membres.
Surtout, elle avance des propositions concernant les
procédures de
décision :
- des "
procédures communautaires
" pourraient
être introduites par étapes ;
- dans les domaines "
communautarisés
", les Etats
membres conserveraient "
pour une période transitoire nettement
délimitée
" un droit d'initiative ; une " meilleure
forme d'association des Parlements nationaux " est également
mentionnée ;
- dans les domaines non communautarisés, les procédures
devraient être renforcées et permettre dans certains cas le vote
à la majorité qualifiée, ou la mise en place de
coopérations renforcées entre certains Etats membres (le
dispositif Schengen deviendrait alors une de ces coopérations
renforcées).
2. La PESC
La lettre franco-allemande insiste sur le rôle du Conseil européen, qui serait clairement chargé de déterminer les principes et les orientations générales de la PESC et de définir les domaines prioritaires de celle-ci. Elle souligne également que la personnalité chargée d'incarner la PESC doit avoir " l'envergure politique nécessaire ".
3. La politique commune de défense
La lettre franco-allemande se prononce pour " l'insertion progressive " de l'UEO dans l'Union européenne et pour une clause " d'action solidaire " entre Etats membres, qui " n'irait pas jusqu'à une obligation d'assistance militaire ".
4. Les questions institutionnelles
La lettre franco-allemande se prononce en faveur de quelques
grandes orientations :
- le principe de la flexibilité, notamment dans le cas du
3
ème
pilier,
- la généralisation du vote à la majorité
qualifiée, sous réserve "
d'exceptions
limitées
",
- une nouvelle pondération des voix au Conseil,
- une Commission plus réduite, avec "
un nombre de commissaires
inférieur à celui des Etats membres
" et une plus grande
autorité de son président.
IV. LES CONCLUSIONS DU CONSEIL EUROPÉEN DE DUBLIN
Principalement consacré à la mise en place de
l'euro, le Conseil européen de Dublin ne s'est guère
penché sur le projet de traité. Il a considéré que
le projet de traité irlandais constituera "
une bonne
base
" pour la suite des travaux. Ses conclusions soulignent
cependant
quelques points :
- la priorité accordée au renforcement du troisième
pilier,
- la nécessité d'aborder dans le futur traité toutes les
questions institutionnelles, y compris la flexibilité, la taille de la
Commission européenne et la pondération des voix au Conseil,
- la volonté de développer l'action extérieure de l'Union
et d'en renforcer la "
visibilité
".
A ce stade peu avancé des négociations, on ne peut tirer que des
enseignements limités :
- le renforcement du troisième pilier est un objectif qui recueille un
très large accord, même si un désaccord persiste sur les
modalités de ce renforcement ;
- quelques progrès ont été accomplis dans le sens d'une
PESC plus consistante ;
- sur les questions institutionnelles (y compris la mise en place des
" coopérations renforcées "), tout ou presque reste
à faire.
Il me semble que cet inégal avancement des travaux de la CIG traduit un
certain déséquilibre dans la prise en compte des
préoccupations en présence.
Les Etats qui avaient fait de la " communautarisation " du
troisième pilier leur priorité paraissent les seuls à
avoir été véritablement entendus, tant le bilan est
modeste dans la plupart des autres domaines. Tout se passe comme si la
Communauté européenne se dirigeait vers un nouvel accroissement
de ses compétences et vers un élargissement à de nombreux
autres pays, sans s'attacher effectivement à résoudre le
problème de l'efficacité et de la légitimité de ses
institutions.
La plupart des Etats membres persistent manifestement à ne pas souhaiter
l'affirmation de l'Europe comme grande puissance, au moment même
où les Etats-Unis s'efforcent de consolider leur
prépondérance dans le cadre du processus d'élargissement
de l'OTAN.
Il va de soi que le succès de la CIG suppose un effort de compromis de
la part de tous. Mais, pour que le compromis obtenu soit
équilibré, encore faut-il qu'il intégre l'ensemble des
préoccupations légitimes en présence.
Quoi qu'il en soit, il paraît probable que
" l'architecture "
de l'Union européenne ressortira de la CIG encore plus compliquée
qu'auparavant : des formules intermédiaires entre " méthode
communautaire " et " méthode
intergouvernementale " vont
se développer, et la coexistence entre des actions engageant tous les
Etats membres et d'autres n'engageant que certains d'entre eux deviendra
vraisemblablement plus fréquente. La construction européenne
apparaîtra sans doute plus que jamais évolutive et insaisissable.
EXAMEN PAR LA DELEGATION
La communication de M. Christian de La Malène
sur le bilan des travaux de la CIG à l'issue du Conseil européen
de Dublin a été entendue par la délégation lors de
sa réunion du 30 janvier 1997. Elle a donné lieu à un
débat.
M. Michel Caldaguès
a estimé que les lacunes du projet de
traité ne devaient pas conduire à sous-estimer la portée
de ce document. Les dispositions concernant les parlements nationaux
constituent un pas en avant non négligeable. Le nouveau profil
donné au secrétaire général du Conseil lui
permettra d'acquérir, compte tenu de sa permanence et de l'importance de
son rôle, une dimension politique. Les dispositions concernant le
troisième pilier sont d'une grande portée ; si bien qu'on peut se
demander quel rôle le législateur national conservera en
matière d'immigration puisque ses compétences en ce domaine,
déjà laminées par le contrôle de
constitutionnalité, seront par ailleurs en grande partie
transférées à l'échelon communautaire.
Puis, M. Michel Caldaguès a regretté l'insistance du Gouvernement
à vouloir réduire le nombre des membres de la Commission
européenne. Une telle réforme sera extrêmement difficile
à obtenir, alors que son utilité est incertaine ; il n'est pas
opportun d'en faire une priorité.
M. James Bordas
s'est déclaré préoccupé par
les contraintes de calendrier pesant sur les négociations, compte tenu
de l'ampleur des difficultés à résoudre.
M. Jacques Genton, président
, s'est félicité que le
projet de traité ait retenu, pour le secrétaire
général du Conseil, une conception proche de celle qui avait
été développée à la tribune du Sénat
lors du débat sur la politique étrangère commune.
Répondant à une question de M. Michel Caldaguès,
M.
Christian de La Malène
a indiqué que, si le
secrétaire général du Conseil se voyait reconnaître
ce nouveau " profil " prévu par le projet de traité, il
serait sans doute nécessaire de lui désigner un adjoint pour
exercer ses actuelles compétences administratives.
M. Pierre Fauchon
, sans porter d'appréciation sur le projet de
traité, s'est félicité que la communication de M.
Christian de La Malène ait permis aux membres de la
délégation d'avoir une vue synthétique de l'état
des négociations.
Plusieurs membres de la délégation ayant demandé que la
communication de M. Christian de La Malène soit
portée à la connaissance de l'ensemble des parlementaires,
M. Jacques Genton, président, a proposé sa publication comme
rapport d'information.
ANNEXES
I. ORIENTATIONS DE LA FRANCE POUR LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE DE 1996
I. CONCEPTION DE LA REFORME
Le Traité de Maastricht a prévu que certaines de ses dispositions
seraient revues lors d'une Conférence intergouvernementale (CIG) qui se
réunirait en 1996.
Cette conférence s'ouvrira dans quelques mois. Elle
précédera une série d'échéances très
importantes pour l'Union européenne, telles que l'élargissement
à certains pays d'Europe de l'Est et du Sud, le passage à la
troisième phase de l'Union économique et monétaire ou la
révision du financement de la Communauté.
Aussi l'objectif de la Conférence intergouvernementale est-il
double : poursuivre l'approfondissement de l'Union européenne tout
en adaptant ses institutions au futur élargissement.
Dans la grands négociation qui s'engage, il est temps que la France
prenne position. Notre pays doit en effet adopter une attitude dynamique et
ambitieuse en fixant un certain nombre d'objectifs de nature à faire
avancer la construction européenne, quelles que soient les
difficultés et les réticences prévisibles.
II. OBJECTIFS PRIORITAIRES POUR LA FRANCE
Nos priorités devraient se concentrer sur quelques objectifs simples qui
correspondent à l'attente de l'opinion publique et des Parlements
nationaux, et qui répondent au souci de rendre les institutions plus
efficaces, plus démocratiques, mieux adaptées à leur
mission et mieux à même d'apprécier et de résoudre
les problèmes concrets de nos compatriotes.
Ces objectifs pourraient être les suivants :
-
mieux appliquer le principe de subsidiarité,
-
mieux associer les Parlements nationaux à la construction
européenne,
-
rendre les institutions plus efficaces,
- donner corps à la politique étrangère et de
sécurité commune,
-
répondre à l'aspiration de sécurité de nos
concitoyens en renforçant l'action de l'Europe dans le domaine de la
sécurité intérieure et de la justice.
III. PROPOSITIONS
Le réalisme commande de conserver d'une manière ou d'une autre,
la distinction entre les trois grands domaines de coopération existant
qu'on appelle l'architecture " en piliers " : les
questions
communautaires, la politique étrangère et de
sécurité commune, le domaine des affaires intérieures et
de justice. En effet, les différences de régimes juridiques entre
ces trois domaines correspondent à une réalité. Ceci
n'exclut pas la possibilité d'évolutions institutionnelles
différenciées selon les matières concernées.
La Conférence ne doit ni rouvrir le dossier de l'Union Economique et
Monétaire, ni rediscuter les politiques communes.
Dans ces conditions, les propositions suivantes peuvent être
présentées.
1 -
Premier pilier
a) S'agissant du processus de décision au sein du Conseil, deux
adaptations devraient être introduites, notamment pour tenir compte des
élargissements récents et prochains.
- Premièrement, introduire une meilleure pondération des voix
au Conseil
, tenant compte des facteurs démographiques et
économiques, et de la contribution financière des Etats membres.
- Deuxièmement, élargir le champ d'application des
décisions pouvant être prise par vote. Dans une Europe
élargie, l'exigence du consensus est trop souvent un facteur de blocage.
Il va de soi que tout Etat membre pourrait continuer d'invoquer valablement, le
cas échéant, l'existence d'un intérêt national
très important justifiant de différer le vote et de poursuivre la
négociation (cf. le compromis " de Luxembourg ").
b) Dans le système communautaire, l'initiative revient à la
Commission. Or, avec les élargissements successifs et l'augmentation du
nombre des commissaires, les décisions, au sein de cette institution,
peuvent de moins en moins facilement être prises collégialement.
Cet état de fait a des conséquences sur l'ensemble du processus
de décision communautaire.
Si l'on veut rendre toute sa portée à la capacité
d'initiative et de décision de la Commission, les effectifs de celle-ci
devraient être réduits.
Au surplus, la réduction du nombre des commissaires facilitera le retour
à une plus grande cohérence et une plus grande discipline au sein
de l'institution. Il conviendrait de conforter cette évolution en
prévoyant aussi que des mandats
précis et impératifs
soient systématiquement
donnés à la Commission de
façon à mieux définir son rôle d'application des
orientations du Conseil. Ainsi, la Commission ne serait plus conduite, comme
elle le fait trop souvent actuellement, à aller au-delà des
mandats de négociation parfois trop généraux que lui fixe
le Conseil. Elle serait au contraire tenue de revenir devant le Conseil
dès lors qu'elle ne pourrait, sans dépasser son mandat,
poursuivre des négociations avec des pays tiers.
c) En ce qui concerne le Parlement européen, il conviendra de
simplifier les procédures législatives
sans modifier
l'équilibre actuel des pouvoirs entre le Conseil et le Parlement.
Par ailleurs, l'idée a été exprimée de plafonner
les effectifs du
Parlement européen
dans la perspective d'une
Union très élargie. Le cas échéant, cette
réforme devra être conduite en liaison avec la réalisation,
jusqu'ici toujours différée, du projet de procédure
électorale uniforme.
Il conviendra aussi de s'assurer du respect de la décision de 1992 sur
les lieux de travail du Parlement européen qui prévoit que les
sessions plénières de cette assemblée se tiennent à
Strasbourg.
d) Enfin, il faudra pleinement tenir compte de l'exigence des opinions
publiques et des Parlements nationaux qui veulent, face aux dangers d'une
Europe trop tatillonne, un respect plus strict et mieux organisé du
principe de subsidiarité.
Pour mettre en oeuvre cette orientation, il est souhaitable de créer un
organe regroupant des représentants des Parlements nationaux. Cette
instance serait consultée sur le respect du principe de
subsidiarité. Ce principe signifie que, lorsqu'un sujet est bien
traité au niveau national, il n'y a pas de raison de le
transférer au niveau communautaire. Les parlementaires nationaux sont,
sur ce point, les meilleurs juges.
Cette formule d'un Haut Conseil parlementaire, comprenant par exemple deux
représentants par Etat membre, pourrait être mise en oeuvre
à partir d'une institutionnalisation de la Conférence des organes
spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) qui
réunit depuis 1988, semestriellement, les commissions compétentes
des Parlements nationaux ainsi que des représentants du Parlement
européen.
2 -
Deuxième pilier
Dans le domaine de la politique étrangère et de
sécurité commune (PESC), qui n'appartient pas au domaine
communautaire mais à celui de la coopération
intergouvernementale, il importe de combler plusieurs lacunes dont souffre
l'Union.
a) Le système actuel de rotation semestrielle de la présidence
aboutit à priver l'Union de l'image forte qui lui est indispensable pour
s'affirmer sur la scène internationale.
Pour donner un visage à l'Union, une formule paraît
s'imposer : celle d'instituer un Haut représentant de l'Union avec
mandat de plusieurs années (3 ans ou 5 ans) et un rôle
d'animation et de représentation dans le domaine de la PESC.
Désigné par le Conseil européen, le titulaire de cette
fonction serait chargé de mener à bien toute tâche qui lui
serait confiée par le Conseil européen ou le Conseil.
Par ailleurs, pour conforter la position du Haut représentant et, plus
généralement pour faciliter l'émergence des positions de
l'Union, les moyens nécessaires devraient être mis à la
disposition de cette personnalité, de façon à lui
permettre de soumettre les propositions appropriées aux Etats membres.
Le Secrétariat général du Conseil pourrait être
renforcé à cette fin.
b) Il sera indispensable de clarifier la répartition des tâches
entre la PESC et les relations extérieures de la Communauté,
c'est-à-dire le lien entre la coordination des politiques
étrangères sur le mode intergouvernemental d'une part et le volet
externe des politiques communes d'autre part.
c) Enfin, la CIG devra fournir l'occasion de préciser les perspectives
de définition d'une défense commune en liaison avec les travaux
menés à ce sujet dans le cadre de l'UEO.
Des propositions devront être faites dans trois directions :
-
préciser les modalités de subordination de l'UEO à
l'Union européenne ;
- prévoir un mode de prise de décision spécifique sur les
questions de sécurité, de manière à ne pas
paralyser le Conseil ;
-
développer les capacités opérationnelles de l'UEO
(commandement, satellites, armement) en y introduisant la flexibilité
nécessaire pour permettre à certains Etats membres de s'unir dans
des coopérations plus poussées.
3.
Troisième pilier
La coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la
justice est essentielle car elle touche aux préoccupations quotidiennes
de nos concitoyens (criminalité, drogue, terrorisme, etc.). Elle
recouvre en fait trois catégories d'activités qu'il y a lieu de
distinguer.
S'agissant des questions relatives à l'asile et à l'immigration,
des dispositions sont déjà prévues pour permettre un
rapprochement avec la sphère communautaire. Il contiendrait d'y
réfléchir en prenant les précautions nécessaires.
En matière de coopération policière, la situation actuelle
- à savoir une coopération intergouvernementale et non
communautaire - paraît la plus conforme à l'état du droit
et des positions des Etats membres.
Reste la coopération judiciaire sur laquelle certaines
améliorations devraient être apportées. En particulier,
pour stimuler le rapprochement des législations civiles et
pénales des Etats membres, trois propositions devraient être
étudiées.
a) La capacité de proposition de la Commission, qui fait la force du
premier pilier, pourrait être introduite dans le troisième,
sachant qu'elle y agirait concurremment avec les Etats membres.
b) Dans le cours même de l'élaboration des textes, une
participation des Parlements nationaux pourrait être organisée. En
particulier, le Haut Conseil parlementaire précité pourrait
être associé à la préparation des textes qui
intéressent le droit civil ou pénal, de manière à
permettre aux parlementaires nationaux de dire leur mot, en détail, sur
chacune des dispositions envisagées, alors qu'actuellement leur
intervention, limitée au cadre de la procédure de ratification,
ne leur permet de se prononcer qu'en bloc.
c) Il conviendrait enfin de réfléchir à une entrée
en vigueur des textes sans attendre le dépôt des instruments de
ratification de la totalité des Etats membres, formule existant en droit
international classique.
4 - Clause générale sur les coopérations renforcées
La Conférence Intergouvernementale a notamment pour objet de
préparer l'Union européenne à son futur
élargissement et d'adapter à cet objectif les institutions
actuelles. Il conviendrait donc d'introduire dans les traités une clause
de caractère général permettant aux Etats qui en ont la
volonté et la capacité de développer entre eux des
coopérations renforcées. On peut imaginer, pour y parvenir, que
certains Etats puissent présenter au Conseil des projets de
coopération qui, une fois approuvés par cette instance, seraient
considérées comme entérinées par l'Union
européenne. Un tel schéma présenterait l'avantage
d'introduire dans les traités la souplesse nécessaire sans pour
autant affaiblir la cohérence de l'Union.
Si l'ensemble de ces dispositions était adopté, l'Union
Européenne, en sortirait renforcée et serait en mesure de faire
face au futur élargissement, au terme duquel l'Europe changera de
dimension,
Les propositions qui précèdent représentent une
première contribution au débat. Elles seront, dans les semaines
qui viennent, enrichies à la lumière des consultations
engagées avec différentes personnalités politiques
françaises. Il s'agit également d'une discussion avec 1'Allemagne
et avec nos autres partenaires. C'est en effet à partir d'une
démarche franco-allemande, s'élargissant à tous les Etats
membres qui le souhaitent que nous réussirons la Conférence
intergouvernementale de 1996.
Cette Conférence n'est qu'une étape, mais une étape
importante dans le projet européen de la France, qui vise avant tout
à rapprocher l'Europe des citoyens et à replacer l'homme au coeur
de la construction européenne. L'Europe est aujourd'hui perçue
comme trop éloignée des attentes quotidiennes des
européens. Elle doit apporter des réponses à leurs
principales préoccupations : l'emploi, la paix, l'environnement et
la sécurité.
II. LETTRE FRANCO-ALLEMANDE DU 9 DECEMBRE 1996
Le Président de la Le Chancelier de la
République française République Fédérale
d'Allemagne
Paris, Bonn, le 9 décembre 1996
Monsieur le Président,
Les 13 et 14 décembre prochains, le Conseil européen se
réunira sous votre présidence à Dublin. Outre la
préparation de la troisième phase de l'union économique et
monétaire et la lutte contre le chômage, la conférence
intergouvernementale, qui est appelée à développer et
approfondir l'Union Européenne, sera le thème prioritaire de
notre rencontre. Nos considérations pourront s'appuyer sur les
excellents travaux préparatoires menés par la Présidence
irlandaise et sur les résultats de la réunion extraordinaire du
Conseil européen qui a eu lieu le 5 octobre 1996 à Dublin.
Sur cette base, nous avons bon espoir que notre réunion de Dublin nous
permettra de donner une impulsion décisive à la Conférence
intergouvernementale pour que, comme prévu, le processus
d'élargissement puisse effectivement commencer six mois après la
conclusion de la CIG en juin 1997.
A notre avis, lors du Conseil européen des 13 et 14 décembre
à Dublin, nous devrions concentrer nos délibérations
relatives à la Conférence Intergouvermementale sur trois
thèmes qui revêtent une importance particulière pour notre
objectif commun : la sécurité intérieure et
extérieure ainsi que les réformes institutionnelles.
Son Excellence Monsieur John BRUTON
Taoiseach
Président en exercice du Conseil Européen
I
Face à la menace croissante que la criminalité
internationale organisée, la mafia de la drogue et le terrorisme font
peser sur nos citoyens et nos institutions, il est déterminant, pour que
les peuples soutiennent la construction européenne, que nous puissions
créer ensemble un espace juridique européen commun capable de
garantir à la fois une plus grande liberté de circulation et plus
de sécurité aux citoyens.
A cet égard, les dispositions et les procédures actuelles
prévues par le Traité sur l'Union européenne et
régissant la coopération dans les domaines de la justice et des
affaires intérieures sont insuffisantes. De ce fait, les Etats membres
de l'Union Européenne sont appelés à concerter davantage
leurs politiques dans ce domaine et à apporter des réponses
communes.
Voilà pourquoi la réunion du Conseil européen de Dublin
devrait donner un signal clair indiquant que les Etats membres de l'Union
européenne sont décidés à contrer les menaces qui
pèsent sur la sécurité intérieure, par des accords
de large portée dans le cadre de la révision prochaine du
Traité. Pour y parvenir, nous proposons que le Traité fixe dans
ce domaine les objectifs prioritaires de l'Union et adapte en
conséquence ses moyens d'action. Il serait opportun que nous nous
entendions à Dublin sur les orientations fondamentales et que nous
donnions à la CIG mandat d'en négocier les détails.
1 - Notre objectif fondamental a été et demeure le
parachèvement de la libre circulation des citoyens à
l'intérieur de l'Union par la levée des contrôles aux
frontières. Cela présuppose un contrôle efficace des
frontières extérieures ainsi que toutes les autres mesures
nécessaires à la garantie de la sécurité des
personnes au sein de l'Union.
Il conviendrait à cette fin d'élaborer et d'appliquer une
politique commune relative au franchissement par les personnes des
frontières extérieures, aux visas, à l'immigration et
à l'asile ainsi qu'à la coopération douanière dont
la mise en oeuvre devrait cependant - notamment du point de vue de la
subsidiarité - rester en grande partie de la responsabilité des
Etats membres.
De plus, pour garantir la sécurité des citoyens et notamment pour
combattre efficacement la criminalité internationale organisée,
la drogue et le terrorisme, il est indispensable que les Etats membres
ratifient le plus vite possible la convention EUROPOL et appliquent rapidement
et pleinement les mesures prévues dans la déclaration de
Maastricht relative à la coopération policière. Par
ailleurs, nous devrions déterminer, dans le cadre de la
Conférence Intergouvernementale, les mesures et les étapes
intermédiaires permettant le développement d'EUROPOL pour en
faire un office policier efficace doté de compétences
opérationnelles. A cette fin, nous devrions nous entendre, dans le
Traité révisé, sur des objectifs clairs et fixer un
calendrier de mise en oeuvre progressive d'étapes concrètes. Au
terme d'un délai permettant une expérience suffisante, par
exemple cinq années, le Conseil examinera si les mesures adoptées
sont adéquates.
2 - Pour rendre plus efficace la lutte contre les formes graves de
criminalité transnationales, le terrorisme, la toxicomanie et le trafic
de drogue, les Etats membres doivent également se fixer comme objectif
le rapprochement et l'harmonisation progressive des dispositions normatives et
des pratiques existant dans ces domaines.
Une politique cohérente en matière de drogue de la part des Etats
membres de 1'Union européenne est une condition fondamentale pour
réussir dans la lutte contre la toxicomanie et le trafic international
et organisé de la drogue. C'est pourquoi nous devrions, au-delà
des mesures déjà arrêtées, convenir d'harmoniser
dans ce domaine tant les bases juridiques que les pratiques en matière
de lutte contre la toxicomanie et le trafic de drogue.
Plus généralement, nous devrions renforcer la coopération
policière et douanière, notamment pour lutter contre la fraude de
dimension internationale, contre la fraude aux dépens du budget
communautaire et contre les autres formes de contrebande et de trafic
illégal. Il convient de simplifier la coopération dans le domaine
pénal, notamment en développant l'entraide judiciaire en
matière pénale. En outre, il conviendrait de s'entendre sur un
socle commun minimal pour la qualification des infractions et des peines de
façon à mener un combat plus efficace contre la
criminalité et à parvenir à un niveau plus
élevé de sécurité.
De surcroît, il nous semblerait approprié de faire
reconnaître par la Conférence Intergouvernementale que le
caractère démocratique de nos sociétés et leur
commun attachement au respect des droits de l'homme ne devraient plus conduire
à invoquer valablement le droit d'asile politique entre Etats membres.
3 - Nous considérons en outre qu'il est important d'améliorer la
sécurité juridique des citoyens en matière civile et
pénale en rendant plus aisé leur accès à la justice
et en facilitant la reconnaissance et l'exécution des décisions
de justice ainsi que l'aide judiciaire civile et pénale.
Les Etats membres devraient coopérer plus étroitement et
rapprocher leurs dispositions législatives dans ces domaines.
Ils devraient également mettre en place des procédures communes
en matière d'entraide administrative et d'assistance juridique, afin
d'apporter des améliorations pratiques pour les citoyens, les tribunaux
et les autorités administratives.
4 - La réalisation de ces objectifs suppose une adaptation des
instruments et procédures existants.
La coopération des Etats membres de l'Union Européenne en
matière de justice et d'affaires intérieures est relativement
nouvelle. Aussi devons-nous continuer d'enrichir notre expérience avant
de pouvoir déterminer les domaines dans lesquels la communautarisation
serait la meilleure solution.
Dans la mesure où cela s'avérerait nécessaire pour
atteindre les objectifs énoncés précédemment, nous
devrions envisager - comme ce fut le cas dans le Traité de Rome - de
nous entendre sur des critères et un calendrier précis en ce qui
concerne le recours, dans les domaines de la justice et des affaires
intérieures, à des procédures communautaires qui seraient
introduites par étapes.
Pour les domaines qui seraient communautarisés, immédiatement ou
après une brève période de transition, il conviendrait de
prévoir - par dérogation aux procédures institutionnelles
normalement prévues au traité CE - un droit de co-initiative des
Etats membres pour une période transitoire nettement
délimitée. Il faudrait également, dans ce contexte, songer
à une meilleure forme d'association des Parlements nationaux.
S'agissant des domaines qui, dans un premier temps du moins, continueront de
relever de la coopération intergouvernementale, il conviendrait à
notre avis d'envisager une modification substantielle des règles de
procédure et des instruments juridiques existants. Cela vaut notamment
pour l'introduction du vote à la majorité qualifiée, la
création d'un instrument inspiré de la directive à
caractère obligatoire pour les Etats membres, la
généralisation du droit de co-initiative de la Commission ainsi
que la consultation du Parlement Européen. Par ailleurs, nous devrions
nous accorder sur des dispositions précises quant au rôle que
joueront la Cour de justice et les Parlements Nationaux dans ce domaine.
Il faudrait également, dans les domaines de la justice et des affaires
intérieures, prévoir la possibilité de pratiquer une
coopération renforcée, conformément, aux propositions
présentées le 17 octobre 1996 par l'Allemagne et la France,
sur la base de notre lettre commune du 6 décembre 1995. En
particulier, la coopération Schengen, ouverte en principe à tous
les Etats membres de l'Union européenne, pourrait faire l'objet d'un
protocole au Traité de l'Union, qui permettrait de l'inclure dans le
cadre institutionnel de l'Union Européenne, l'effet de ce protocole
restant bien sûr limité aux Etats membres participants.
II
L'approfondissement de la politique étrangère et
de sécurité commune constitue un autre volet essentiel de la
Conférence Intergouvernementale. Compte tenu des grands défis
internationaux auxquels l'Europe est confrontée, les dispositions du
Traité sur l'Union européenne ne se sont pas
révélées suffisantes, pour permettre à l'Europe de
parler d'une seule voix et d'être écoutée dans le monde.
Tous les Etats membres sont largement d'accord sur la nécessité
d'apporter d'urgence des améliorations à la politique
étrangère et de sécurité commune. Il s'agit en
premier lieu de renforcer l'effïcacité, la continuité, la
cohérence, la solidarité et la visibilité de la politique
étrangère et de sécurité commune. Pour ce faire, il
nous semble indispensable de convenir d'un concept global qui devrait notamment
comprendre les éléments suivants :
1 - Mise en place d'une structure permanente commune ("centre d'analyse de
planification") qui serait basée à Bruxelles, ferait partie du
secrétariat du Conseil, se composant de collaborateurs issus des Etats
membres, de la Commission, de l'UEO et du Secrétariat du Conseil. Cette
structure jouerait un rôle central dans la préparation et la mise
en oeuvre des décisions du Conseil et du Comité politique. Elle
devrait notamment présenter à ces organes des analyses, des
recommandations et des stratégies afin que les
délibérations des Ministres des affaires étrangères
se déroulent sur une base commune.
2 - C'est précisément dans la politique étrangère
et de sécurité commune qu'il convient d'accroître la
capacité d'action de l'Union Européenne, notamment dans la
perspective du prochain élargissement de l'Union, par une
efficacité plus grande des procédures décisionnelles et
par une mise en oeuvre plus déterminée de ces décisions.
Nous proposons à cette fin que :
Le Conseil européen détermine les principes et les orientations
générales de la politique étrangère et de
sécurité commune. Il pourrait également définir les
domaines prioritaires de la PESC. Il en découle à notre sens une
obligation pour les Etats membres d'agir en commun et de faire preuve de
solidarité politique dans la mise en oeuvre d'actions
européennes, ce qui implique que les Etats membres s'abstiennent
d'initiatives contraires à ces actions.
Il faudrait en outre prévoir des mesures destinées à
assouplir le principe du consensus. Il faudrait donc avoir davantage recours au
vote majoritaire dans le domaine de la PESC. Cela devrait être la
règle s'agissant de dispositions d'application. Le Conseil
Européen, qui représente l'expression suprême de la
volonté politique de l'Union, devrait cependant rester régi par
le principe du consensus. Il en est de même pour les décisions de
principe du Conseil et en général pour les secteurs de la
sécurité et de la défense.
Nous avons conscience des difficultés qu'il y a à
déterminer les délimitations nécessaires et à
trouver des règles praticables. C'est pourquoi, nous souhaitons que la
CIG élabore des solutions aussi pratiques et claires que possible.
Le processus de décision pourrait être simplifié
grâce à un accord de principe selon lequel une " abstention " dans
le domaine de la PESC ne fait pas obstacle à une décision dans le
cas où 1'unanimité est requise. Ainsi, chaque Etat membre
pourrait grâce à cette " abstention constructive " exprimer ses
réserves sur certaines décisions sans pour autant empêcher
l'action commune européenne.
3 - Nous avons en outre besoin de plus de continuité ainsi que d'un
" visage" et d'une " voix " pour la politique
étrangère et
de sécurité commune (PESC). Nos partenaires dans le monde se
demandent souvent qui est leur interlocuteur dus l'Union Européenne pour
les questions de politique étrangère. Nous proposons donc de
confier cette tâche à une personnalité
désignée d'un commun accord par les gouvernements des Etats
membres et possédant l'envergure politique nécessaire. Cette
personnalité serait responsable devant le Conseil. Elle ferait
régulièrement rapport au Conseil ainsi qu'au Conseil
européen, sur demande de celui-ci.
Cette personnalité assisterait le Conseil pour toutes les questions de
la PESC, dirigerait la structure commune de travail. Elle assurerait, en
étroite coopération avec la Présidence et le Commissaire
chargé des relations extérieures, la représentation
extérieure de l'Union européenne dans les cas où le
Conseil et, le cas échéant, le Conseil européen lui
confieront des mandats précis. Cette personnalité prendrait part
avec droit de parole aux réunions de tous les organes de l'Union
européenne compétents en la matière et pourrait
éventuellement assurer la présidence du Comité politique.
En proposant la nomination d'une personnalité pour la PESC, nous
n'entendons pas créer d'institution nouvelle qui s'ajouterait aux
structures existantes. Aussi conviendrait-il, de notre point de vue, de
réfléchir à deux possibilités :
- soit créer une fonction spécifique, la personnalité
l'exerçant devant travailler en étroite coordination avec le
Secrétaire général du Conseil ;
- soit placer cette personnalité à la tête du
Secrétariat général du Conseil. Dans ce cas, il
conviendrait de redéfinir le statut et les fonctions du
Secrétaire général et de confier à un
Secrétaire général adjoint les tâches classiques du
poste de Secrétaire général.
4 - Dans ce contexte, nous devrions également nous demander si une
politique étrangère et de sécurité commune
renforcée n'exige pas une réforme du système de la "
Troïka", qui ne pourra pas subsister sous sa forme actuelle compte tenu de
notre proposition. La représentation extérieure de l'Union pourra
être assurée selon un schéma reposant sur une
étroite coopération entre la Présidence, la
personnalité chargée de la PESC et le Commissaire chargé
des relations extérieures. La future Présidence pourrait y
être pleinement associée. Il devrait être en outre
envisageable que la composition de la représentation extérieure
de l'Union européenne puisse varier suivant les questions, les besoins
du moment et les compétences respectives de chaque institution.
Afin d'assurer la cohésion générale de la politique
extérieure de l'Union, la Commission sera pleinement associée
à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la PESC. En
conséquence, elle devrait apporter toute sa contribution à
l'application des décisions du Conseil européen et du Conseil
dans ce domaine.
5 - Nous souhaitons également le développement de structures
communes dans le domaine de la sécurité et de la défense,
ainsi que le resserrement des liens entre une UEO plus opérationnelle et
l'Union européenne, avec pour objectif l'insertion progressive de l'UEO
dans l'Union européenne. Il faudrait que la Conférence
intergouvernementale convienne, dans le cadre d'une approche par phases, de
dates-objectifs définies pour certaines étapes.
Nous proposons une obligation générale d'action solidaire, par
l'insertion d'une clause dans le Traité de Rome, qui n'irait pas
jusqu'à une obligation d'assistance militaire. Cette clause
s'accompagnerait d'une disposition qui ancrerait "les missions de
Petersberg"
de l'UEO dans le traité sur l'Union européenne. Il conviendrait
aussi de reconnaître une compétence d'orientation
générale au Conseil Européen par rapport à l'UEO. -
Dans ce domaine également, l'introduction de "l'abstention
constructive"
pour les mesures communes pourrait renforcer l'efficacité et la
capacité d'action.
III
Les avancées que nous proposons, aussi bien dans le
domaine intérieur qu'en politique étrangère ouvrent la
perspective d'un renforcement majeur du rôle de l'Union
Européenne. Pour que celle-ci soit à même de le remplir le
mieux possible, il devient indispensable de développer encore les
dispositions institutionnelles, surtout dans la perspective de
l'élargissement.
Nous avons conscience que ces questions complexes nécessiteront des
débats approfondis dans les mois qui viennent. Nous plaçons au
premier plan de ces débats les questions suivantes, qui à notre
avis, devraient avoir une importance particulière et pour lesquelles
nous présentons les premières suggestions qui suivent :
1 -
Le Conseil
Pour rendre plus efficace le processus de décision au sein de l'Union,
le Conseil devrait recourir dans toute la mesure du possible au vote à
la majorité qualifiée pour statuer sur les propositions qui lui
sont soumises. S'agissant des exceptions limitée à cette
règle, qui devront être énumérées, il
conviendrait d'en discuter les détails dans les mois qui viennent.
La pondération des voix au Conseil - compte-tenu notamment de la
perspective de l'élargissement - devrait être revue pour garantir
un équilibre représentatif des Etats membres.
2 -
La Commission
La Commission devra voir également garanties sa capacité d'action
et son efficacité. C'est pourquoi, dans la perspective de
l'élargissement de l'Union, nous considérons qu'il n'est pas
pensable de conserver sa composition actuelle La taille future de la Commission
devrait correspondre à ses principales fonctions. Elle compterait de
toute manière un nombre de Commissaires inférieurs à celui
des Etats membres.
Il faudra en outre renforcer l'autorité du Président sur les
autres membres du Collège.
3 -
Le Parlement Européen
S'agissant du Parlement Européen, le nombre actuel de procédures
devrait être réduit et ces procédures devraient en tout cas
être simplifiées.
Il faudrait en outre examiner dans quelle mesure la procédure de
codécision pourrait être étendue à d'autres domaines.
4 -
Association des Parlements nationaux
En vue d'améliorer l'ancrage démocratique de l'Union
Européenne, nous pensons qu'il est nécessaire d'associer plus
étroitement les Parlements nationaux au processus d'intégration
européenne. Une disposition dans ce sens devrait être reprise dans
le Traité révisé. Cela vaut d'abord pour les secteurs
relevant jusqu'ici en premier lieu des Parlements nationaux.
Nous sommes disposés à examiner toutes propositions visant une
association collective, comme celle qui vient d'être
présentée par la Conférence réunissant les
commissions spécialisées des parlements nationaux des Pays
membres de 1'Union européenne et du Parlement européen (COSAC).
Il faudrait également voir si la création d'une commission
commune comprenant un nombre égal de membres du Parlement
européen et des Parlements nationaux ne constituerait pas une solution
adéquate.
Monsieur le Président,
En soumettant ces réflexions communes, l'Allemagne et la France
souhaitent contribuer à faire avancer les négociations de la
Conférence Intergouvernementale dans trois domaines décisifs pour
poursuivre l'approfondissement et le renforcement de l'Union Européenne
et de ses Etats membres. Nos citoyens attendent à juste titre que nous
apportions ensemble lors de la Conférence Intergouvernementale des
réponses aux questions urgentes actuelles. Nous considérons que
les domaines de la sécurité intérieure et
extérieure ainsi que les réformes institutionnelles sont tout
particulièrement concernés. Si nous ne parvenons pas à des
décisions communes dans ces domaines, nous exposerons l'ensemble de la
construction européenne à de grands dangers et n'assumerons pas
notre responsabilité à l'égard des
générations à venir.
Il va de soi qu'à côté des thèmes centraux que sont
la sécurité intérieure et extérieure et les
réformes institutionnelles, d'autres thèmes aussi importants pour
le développement de l'Union Européenne doivent faire l'objet de
notre attention.
Ainsi, nous pensons qu'une application plus concrète et un renforcement
du principe de subsidiarité, que l'amélioration de l'ancrage
démocratique, qu'une Union européenne plus proche du citoyen sont
indispensables. Par ailleurs, nous estimons qu'une plus grande
flexibilité et une coopération renforcée entre plusieurs
Etats membres s'imposent à l'avenir. Nous nous félicitons du
débat engagé sur ces problèmes par la présidence
sur la base des propositions franco-allemandes.
Soyez assuré, Monsieur le Président, que l'Allemagne et la France
soumettent ces propositions afin que la Conférence Intergouvernementale
puisse s'achever d'ici fin juin 1997 comme convenu et aboutir à des
résultats substantiels pour notre ambition commune. Nos deux
gouvernements seront toujours disposés à contribuer ensemble aux
progrès de l'Union européenne.
Nous nous permettons de transmettre également ce message aux autres
membres du Conseil Européen.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre
haute considération.
Jacques CHIRAC Helmut KOHL