3. La nécessité d'écarter tout risque d'investissement spéculatif et l'obligation de défendre l'intérêt général
L'accord du mois de novembre 1996 rend plus tangible que
jamais la réalisation du projet d'usine du nord, mais, paradoxalement,
constitue aussi un recul en ce qu'il laisse pour l'instant complètement
dans l'ombre les modalités de l'investissement devant être
effectué.
Dans ce contexte, l'Etat peut et doit entourer la transaction à venir
de garanties très strictes.
- A la suite de la publication du communiqué de presse commun des
ministères de l'Outre-mer et de l'Industrie, Eramet a ainsi
souhaité faire savoir que le conseil d'administration de la
société ne pourrait donner son accord à la
procédure de cession réciproque de titres d'exploitation
minière qu'une fois acquise la faisabilité d'une usine
métallurgique en province nord par la SMSP et Falconbridge.
Cette condition ne paraît pas exorbitante.
Il s'agit d'éviter que ne se reproduise l'épisode regrettable du
site minier de Goro, à l'extrême sud de la Grande Terre, dont les
titres d'exploitation ont été acquis par la société
canadienne Inco auprès du BRGM, sans aucune contrepartie. Depuis ce
transfert, Inco a gelé son investissement, attendant sans doute d'y voir
plus clair sur les perspectives d'exploitation du gisement que la
société détient au Labrador ainsi que sur la
faisabilité d'un projet de traitement hydro-métallurgique des
latérites de Goro.
Votre rapporteur a cependant relevé, en conclusion d'une lettre que lui
a adressée le président du directoire de la société
minière du sud Pacifique, l'engagement très ferme pris par la
SMSP et Falconbridge dans le cadre du précédent projet
(Tiébaghi) :
"SMSP et Falconbridge demandent seulement qu'on laisse au projet la
chance
de prouver sa faisabilité et d'arriver à une décision de
construction positive. Elles sont prêtes à engager cette
faisabilité, pour un montant de l'ordre de 3 milliards de francs
CFP, avec la seule garantie de pouvoir obtenir les gisements, pour des termes
convenus à l'avance, si la faisabilité est positive. Sinon, elle
en rendra la libre disposition à SLN, qui pourra reprendre le planning
d'exploitation qu'elle avait initialement prévue, avec une ouverture
dans 5 ans."
Il ne fait pas de doute que cet engagement pourrait être reproduit dans
le cadre de l'opération "Koniambo".
- Le rôle de l'Etat est également de garantir une bonne
gestion dans le temps de l'opération SMSP-Falconbridge :
*en soulignant auprès des calédoniens que, quelle que soit la
forme prise par l'investissement, celui-ci ne commencera à produire ses
effets qu'au début du siècle prochain (2003 dans le schéma
"Tiébaghi") ;
*en posant clairement à Falconbridge, mais aussi à la SLN sur
laquelle l'Etat conserve un contrôle indirect, la question de l'avenir du
traitement du nickel sur le territoire.
Depuis l'origine, en effet, la production calédonienne repose
très largement sur l'exploitation d'un minerai riche, la
garniérite, et facilement extractible. L'épuisement des
réserves imposera très vite de se tourner vers la
latérite, minerai moins riche, plus difficile à extraire, et dont
le traitement peut être assuré par un procédé
hydrométallurgique dont la mise au point reste à faire et dont
l'impact sur l'environnement apparaît d'emblée assez lourd.
L'échéance est à 25 ou 30 ans, date à
laquelle l'usine du nord conçue par la SMSP et Falconbridge cessera de
produire. Il n'est donc pas trop tôt pour s'en préoccuper.