B. LES VOIES DIFFICILES DE LA NÉGOCIATION
1. Un contexte défavorable
Deux facteurs déterminants ont contribué à paralyser le processus de paix : la montée des violences et l'arrivée d'une nouvelle majorité en Israël.
a) La montée des violences
Nul ne doutait au moment de la signature de la
déclaration de principe de Washington que les extrémistes de tous
bords tenteraient de saboter le processus de paix. Le 4 novembre 1995, le
Premier ministre, Itzhak Rabin, a payé de sa vie son engagement pour la
paix. L'assassin, Yigal Amir, un étudiant de 25 ans, représentait
la frange la plus extrémiste de cette opposition israélienne,
marginale mais irréductible, au processus de paix, qui puise une partie
de ses forces dans les milieux religieux.
Les violences devaient trouver leur point d'orgue lors de la vague d'attentats
qui, entre le 25 février et le 4 mars 1996, coûtèrent la
vie à 66 civils israéliens. Fomentés par le Hamas, ces
actes terroristes illustrent du côté palestinien cette fois, le
fanatisme d'un groupe, ici encore marginal mais prêt à tout pour
briser la logique de la paix.
b) Une nouvelle donne politique en Israël
Les élections israéliennes du 29 mai 1996 ont
naturellement été dominées par l'impératif de
sécurité. M. Shimon Pérès, nommé Premier
ministre après l'assassinat de Itzhak Rabin, se trouvait, dans ce
contexte, moins à même de faire valoir les bénéfices
pourtant indiscutables, de son action en faveur de la paix.
Le double scrutin de mai donna une courte majorité de voix, d'une part
à M. Benyamin Netanyahou, chef du Likoud, premier chef de
gouvernement
directement élu au suffrage universel
(avec 50,3 %
des suffrages contre 49,7 % pour M. Pérès), et, d'autre
part, à une coalition de droite à la Knesset. Les prises de
position du gouvernement de M. Netanyahou ont ébranlé la
confiance entre les deux partenaires. L'immobilisme, voire la remise en cause
des acquis, ont mis à bout la patience des Palestiniens et
débouché sur les violences de septembre 1996.
·
Les prises de position sur l'avenir
Les
" directives du gouvernement d'Israël "
publiées en juin 1996 prennent en effet clairement position sur
plusieurs points.
En premier lieu, si le gouvernement se déclare prêt à
"
négocier avec l'Autorité palestinienne en vue d'aboutir
à un arrangement permanent à condition que les Palestiniens
respectent leurs engagements ",
il
" s'opposera à
l'établissement d'un Etat palestinien et au " droit au
retour " de populations arabes sur n'importe quelle partie d'Eretz
[grand]
Israël à l'ouest du Jourdain ".
En second
lieu,
" Jérusalem, la capitale d'Israël, est une ville
sacrée et indivisible et elle restera pour toujours sous la
souveraineté d'Israël ".
Enfin, le gouvernement s'assigne,
parmi ses priorités,
" le renforcement, l'élargissement
et le développement des implantations en Israël ".
Alors même que les accords d'Oslo avaient ménagé l'avenir
et laissé à dessein nombre d'incertitudes sur le contenu de
l'accord définitif -condition jugée indispensable pour favoriser
le processus de paix- le gouvernement rompt ainsi avec l'
"ambiguité
constructive
" chère à M. Pérès.
Pour l'ancien premier ministre, M. Rabin, la forme juridique de l'entité
palestinienne importait moins que
la démilitarisation et la
séparation des deux peuples coexistant dans la même
région
, cette division dut-elle entraîner la disparition de
colonies. Pour M. Netanyahou, hostile par principe à
l'établissement d'une frontière et au démantèlement
des colonies, le statut final se résume plutôt à un
régime d'autonomie des personnes, sur un territoire discontinu
,
dans le respect du contrôle israélien jusqu'au Jourdain.
·
De la défiance aux violences
Au dialogue a ainsi succédé un
climat de défiance
:
M. Netanyahou reproche aux Palestiniens de ne pas respecter les accords
passés, notamment les clauses relatives à la
sécurité. M. Arafat met au défi le premier ministre
israélien de préciser les dispositions violées et fait
valoir l'arrestation massive de suspects du Hamas, menée par les forces
de police palestiniennes, en coopération avec Israël.
Autre exemple : les Israéliens observent avec inquiétude que les
articles de la Charte de l'OLP hostiles à l'Etat israélien,
supprimés par le Conseil national palestinien, n'ont pas
été remplacés par des dispositions positives reconnaissant
Israël.
M. Netanyahou a jusqu'à présent maintenu la plus grande partie de
ses orientations initiales : report sine die des négociations sur le
statut permanent ouvertes le 5 mai 1996, levée de la construction du gel
dans les territoires, durcissement du contrôle israélien sur
Jérusalem...
La décision du gouvernement israélien d'ouvrir l'ancien tunnel
asmonéen longeant le site de la mosquée d'Al-Aqsa à
Jérusalem, a servi de détonateur aux
tensions
accumulées
. Elle a déclenché le 25 septembre une
protestation violente en Cisjordanie, à Gaza et à
Jérusalem au cours de laquelle 68 Palestiniens, 15 Israéliens et
3 Égyptiens ont trouvé la mort.
Le tournant pris par les événements a toutefois contraint les
deux parties à renouer le dialogue. Le ler octobre 1996, MM. Netanyahou
et Arafat ont rencontré le président Clinton et convenu de
poursuivre la négociation sur les points de l'accord intérimaire
encore en suspens. En outre, le président Ezer Weizman a reçu M.
Arafat lors de son premier voyage officiel en Israël, le 9 octobre 1996.
Enfin la signature d'un accord sur Hébron en janvier 1997, premier texte
signé entre un gouvernement du Likoud et l'Autorité
palestinienne, peut marquer un nouveau départ même si de nombreux
points demeurent en suspens.