Mission d'information effectuée en Israël et dans les Territoires palestiniens du 25 au 29 novembre 1996
MM. Bertrand DELANOË et Maurice LOMBARD, Sénateurs
Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport 159 - 1996 / 1997
Table des matières
-
- I. LE PROCESSUS DE PAIX : LA CONFIANCE ÉBRANLÉE
- II. LES INCERTITUDES DE LA SITUATION EN ISRAËL ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS
-
III. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE : UN RÔLE POSITIF À JOUER DANS LE PROCESSUS
DE PAIX
- A. LES DIVIDENDES DE LA PAIX AUJOURD'HUI MENACÉS ?
- B. UNE RELATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LES DEUX PARTIES : CONDITION NÉCESSAIRE POUR FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA FRANCE DANS CETTE RÉGION
- CONCLUSION
-
ANNEXE 1 -
PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION EN ISRAËL
(DU 25 AU 27 NOVEMBRE)
ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS
(DU 28 AU 29 NOVEMBRE) -
ANNEXE 2
COMPTE RENDU
DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION-
A. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS ISRAÉLIENNES
- 1. Entretien avec M. Dan Tichon, président de la Knesset
- 2. Entretien avec M. Shimon Pérès, ancien premier ministre, président du parti travailliste
- 3. Entretien avec M. Dan Meridor, ministre des Finances
- 4. Entretien avec M. Benni Zeev Begin, ministre de la science et de la technologie
- 5. Entretien avec M. Nissim Zvili, secrétaire général du parti travailliste israélien
- B. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS PALESTINIENNES
-
A. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS ISRAÉLIENNES
CARTES
Mesdames, Messieurs,
Le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens reste l'une des
clefs de la sécurité et de la stabilité au Proche-Orient.
Le blocage des négociations, la montée des tensions dont les
événements de septembre 1996 ont été les
révélateurs, risquaient de peser sur les relations entre
Israël et ses voisins. La reconnaissance du fait israélien par une
majorité d'Etats arabes, les promesses de développement
économique à l'échelle d'une région : toutes ces
évolutions liées au grand ébranlement consécutif
aux négociations d'Oslo et au-delà, sans doute, aux nouveaux
équilibres issus de l'après-guerre froide, sont, aujourd'hui, en
jeu.
La signature d'un accord sur Hébron le 15 janvier 1997 manifeste la
force de la logique de paix. Cependant de nombreuses incertitudes
demeurent : conditions du redéploiement militaire,
négociation sur le statut permanent. Le maintien du bouclage des
territoires constitue en outre un ferment d'explosion sociale dans les
territoires palestiniens.
L'Europe et la France, grande puissance méditerranéenne, ne
peuvent rester indifférentes aux risques présentés par la
situation actuelle.
D'une part, notre sécurité apparaît directement
concernée par les menaces d'une déstabilisation en
Méditerranée orientale qui, pour s'en tenir à ce seul
exemple, ferait le jeu des mouvements intégristes dont les ramifications
s'étendent bien au-delà du Proche-Orient.
D'autre part, et à supposer même que les risques puissent rester
circonscrits à la région, trois facteurs décisifs
justifient l'intérêt européen et français :
- la densité des relations humaines et économiques qui nous lient
à Israël ;
- le soutien apporté par les Européens aux aspirations des
Palestiniens et l'appui donné aujourd'hui à l'émergence
d'institutions et d'une économie palestiniennes ;
- les intérêts diplomatiques traditionnels (le Liban, notamment
pour la France).
La Conférence de Barcelone de 1995 a permis d'ailleurs de traduire ces
préoccupations sous la forme du partenariat
euro-méditerranéen. Elle n'a pas voulu séparer, et ce fut
d'ailleurs là son originalité, les enjeux économiques de
leur dimension politique. Nos partenaires ont souscrit à cette double
approche. Les accords d'association déjà signés (avec la
Tunisie, Israël, le Maroc) ou en passe de l'être en apportent
d'ailleurs le témoignage.
La perspective de l'examen par le Parlement de l'accord
euro-méditerranéen entre l'Union européenne et Israël
donne encore plus d'acuité à l'intérêt que
présente pour notre pays l'évolution préoccupante du
processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Le souci d'informer
la Haute Assemblée sur une situation complexe a ainsi guidé une
délégation de votre commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées lors
d'une mission en Israël et dans les territoires palestiniens du 25 au 29
novembre dernier.
A cette occasion, votre délégation a pu rencontrer, en
Israël, le Président de la Knesset, M. Dan Tichon, l'ancien premier
ministre et président du parti travailliste, M. Shimon
Pérès, plusieurs ministres, des parlementaires
représentant l'ensemble de l'éventail politique, et enfin des
hauts fonctionnaires. Dans les territoires palestiniens, votre
délégation a été reçue par M. Yasser Arafat,
président de l'Autorité palestinienne, ainsi que par certains de
ses ministres. Par ailleurs, des rencontres ont pu être
ménagées avec des acteurs de la vie économique et des
parlementaires.
M.Jean-Noël de Bouillane de Lacoste, ambassadeur de France à Tel
Aviv, MM. Stanislas de Laboulaye, Consul général de France
à Jerusalem et Christian Jouret, consul général adjoint
ont apporté un soutien constant à la délégation et
contribué de façon décisive au succès de cette
mission. Qu'ils en soient ici très vivement remerciés.
Votre délégation se félicite également de
l'initiative prise par l'Ambassade de France d'associer un diplomate allemand
au déroulement de la partie israélienne de cette mission et
souhaite que de telles expériences puissent être
renouvelées pour concrétiser le souci de rapprocher les
diplomaties européennes.
*
Afin de mieux évaluer les perspectives de paix, votre délégation, après avoir pris la mesure des acquis comme des risques qui pèsent aujourd'hui sur le processus lancé à Oslo, s'interrogera sur le rôle joué par l'évolution des situations intérieures en Israël comme dans les territoires palestiniens puis sur l'influence que peut exercer la communauté internationale et la France en particulier.
*
I. LE PROCESSUS DE PAIX : LA CONFIANCE ÉBRANLÉE
Bien que l'évolution du processus ouvert à Oslo continue de susciter aujourd'hui de profondes inquiétudes malgré l'accord sur Hébron signé en janvier 1997, il importe de prendre la mesure des progrès considérables accomplis depuis 1993.
A. TROIS ANNÉES MARQUÉES PAR DE PROFONDES AVANCÉES
Reconnaissance mutuelle des deux ennemis israélien et palestinien, autonomie, certes partielle, des territoires, mise en place d'institutions à Gaza et Jéricho : il paraît difficile de revenir aujourd'hui sur ces acquis, même si le processus n'est aujourd'hui qu'à mi-chemin du terme fixé par les accords d'Oslo.
1. Les accords d'Oslo : le principe d'une reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens
Au cours de la guerre des Six jours (juin 1967), Israël
s'était rendu maître d'un ensemble de territoires qui ont
porté ses limites bien au-delà des frontières de la
Palestine au moment du mandat britannique :
- les terres destinées, au terme du plan de partage de l'ONU de 1947,
à former un Etat arabe palestinien :
la bande de Gaza
sous
administration militaire égyptienne depuis 1949 (934 000 Palestiniens et
près de 5 000 colons répartis dans une vingtaine d'implantations
en 1995) et la
Cisjordanie
annexée par la Jordanie en 1950 (1,33
million de Palestiniens et 300 000 Israéliens installés dans 156
implantations en 1995).
- le
Golan syrien
, annexé le 14 décembre 1981 et
peuplé de 16 000 Syriens (principalement des Druzes) et de quelque 14
000 Israéliens installés dans 36 colonies ;
- la
péninsule du Sinaï
rendue à l'Egypte dans le
cadre du traité de paix du 26 mars 1979 signé à la suite
des accords de Camp David.
Au Proche-Orient, historiquement, deux conflits sont imbriqués, qu'il
faut prendre garde d'assimiler complètement.
Le premier oppose Israël et ses voisins arabes, le second met aux prises
Israéliens et Palestiniens. Certes, ces deux contentieux
présentent de multiples interactions. Cependant, ils ont, chacun, une
dynamique propre ; ils ne posent pas en effet des problèmes de nature
comparable : Arabes et Israéliens s'affrontent notamment sur des
frontières, Palestiniens et Israéliens s'opposent pour une
même terre.
Si le processus de paix ne soulève pas des enjeux identiques pour les
pays arabes et les Palestiniens, il a paru, à ses débuts,
animé d'un même élan et obéir aux mêmes
ressorts.
a) Une " nouvelle équation stratégique "
Bien que la visite historique d'Anouar el Sadate à
Jérusalem, le 19 novembre 1977, ait rompu avec le principe
même du rejet d'Israël, ouvert la voie et annoncé le grand
ébranlement des années 90, l'initiative égyptienne
était demeurée isolée. Le processus de paix n'a pu
s'instaurer, à l'échelle de la région dans son ensemble,
quinze ans plus tard, que dans un contexte international bouleversé.
Quels furent les éléments de cette nouvelle
" équation stratégique " (Thierry de Montbrial) ?
Trois facteurs principaux de changement sont sans doute intervenus. En premier
lieu, la
rivalité Est-Ouest
a tout à coup perdu son
acuité au Proche-Orient, à la suite de l'effondrement de l'URSS.
Dès lors, pour les pays arabes, l'immobilisme ne pouvait plus tenir lieu
de seule diplomatie possible vis-à-vis d'Israël. De son
côté, l'Etat hébreu se trouvait confronté depuis
1987 à
la révolte quotidienne des jeunes Palestiniens
(l'Intifada),
et commençait à se résigner à une
solution politique. Cette évolution levait une des hypothèques
les plus sérieuses à l'ouverture d'un dialogue entre Israël
et les Etats arabes attachés à la défense de la cause
palestinienne. Enfin
les Etats-Unis désormais maîtres du
jeu
dans la région pouvaient faire pression sur les
différents acteurs pour promouvoir un règlement
négocié et illustrer ainsi les vertus de la diplomatie
américaine dans le " nouvel ordre mondial ".
·
La Conférence de Madrid (30 octobre 1991)
La conférence de paix de Madrid fut le fruit de cette nouvelle donne
stratégique. Elle s'est ouverte le 30 octobre 1991 sous le coparrainage
des Etats-Unis et de la Russie, et a réuni autour d'une même table
Israël, la Syrie, le Liban, l'Egypte et une délégation
jordano-palestinienne. Les Européens se voyaient cantonnés
à un rôle d'observateur. Deux acquis se dégagèrent
des travaux de Madrid. D'une part,
les parties reconnaissaient pour base de
leurs discussions les deux résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies
:
-
la résolution 242
(1967) demandant le retrait des forces
israéliennes des territoires occupés et la reconnaissance
d'Israël par ses voisins arabes ;
-
la résolution 338
(1973) préconisant l'ouverture de
négociations permettant de mettre en oeuvre la résolution
précédente.
D'autre part, la conférence de Madrid a permis de mettre en place un
cadre durable pour des négociations bilatérales
(israélo-jordaniennes, israélo-libanaises,
israélo-syriennes et israélo-palestiniennes) et
multilatérales sur
cinq questions fondamentales : coopération
et développement économique, environnement, ressources en eau,
réfugiés, contrôle des armements et sécurité
régionale.
Cependant les négociations se sont enlisées. L'exclusion de l'OLP
(Organisation de Libération de la Palestine) du cadre des
négociations, à la demande des Israéliens, ne permettait
pas d'avancer sur la question palestinienne. Dès lors, les discussions
sur les autres sujets marquaient le pas. Il fallut la conjonction de trois
nouveaux facteurs d'évolution pour aboutir au processus d'Oslo.
·
Les négociations d'Oslo (été 1993)
Le pas décisif accompli par les négociations d'Oslo -la
discussion directe entre Israël et l'OLP de Yasser Arafat- consacra
l'évolution progressive des positions de chacune des deux parties. Du
côté palestinien, l'appui donné par M. Yasser Arafat
à Saddam Hussein, au moment de la guerre du Golfe, avait
singulièrement entamé son crédit auprès de la
communauté internationale et des Etats arabes en particulier. Une
nouvelle initiative dans le processus de paix pouvait rendre au chef de l'OLP
son rôle clé dans la région. Elle paraissait
également indispensable pour lever un coin d'espoir pour les
Palestiniens de l'intérieur que l'absence de toute solution politique
pouvait conduire vers des tendances extrémistes comme celles
incarnées par le Hamas (mouvement de résistance islamiste).
Du côté israélien, la montée de ces mouvements
à base politico-religieuse, d'abord considérés sans
défaveur comme un élément de division au sein de l'opinion
palestinienne, paraissait désormais menaçante pour la
sécurité d'Israël. Ce nouvel état d'esprit devait
trouver une traduction concrète à la faveur du nouveau contexte
politique instauré par la victoire du parti travailliste aux
élections de 1992 sur un mandat posant clairement la paix comme le moyen
d'assurer la sécurité. L'organisation de réunions
secrètes à Oslo en 1993 aboutit le 13 septembre à la
déclaration de principe.
Quelle que soit l'importance des facteurs dont l'influence vient d'être
rappelée, rien n'aurait été possible sans la
détermination de personnalités d'exception : Itzhak Rabin, Shimon
Pérès et Yasser Arafat. Du côté israélien,
" il fallait combiner l'imagination de Shimon Pérès et la
crédibilité d'Itzhak Rabin. Sans Shimon Pérès, il
ne se serait peut-être rien passé, sans Itzhak Rabin, ce qui s'est
passé n'aurait pas abouti " (Dominique Moïsi)
1(
*
)
.
b) La déclaration de principe de 1993 : la naissance d'un climat de confiance
Qu'elle soit invoquée pour en stigmatiser le
caractère vague ou pour en dénoncer les violations, la
déclaration de principe Israël-OLP signée à
Washington le 13 septembre 1993 demeure la référence centrale
dans les relations entre Israéliens et Palestiniens.
Certes le texte
vaut sans doute moins par son contenu que par ce qu'il consacre et ce qu'il
annonce. D'une part en effet il scelle le principe, essentiel,
d'un dialogue
direct
entre les deux acteurs principaux. D'autre part, s'il prend soin de
n'arrêter aucune option définitive sur l'avenir, il ouvre
cependant
un processus de négociation
et en fixe le cadre.
A cet égard, il consacre avant tout la reconnaissance mutuelle des deux
partenaires, mais il présente deux autres acquis incontestables.
En premier lieu,
il prévoit, à l'issue d'une période
transitoire n'excédant pas cinq ans, un accord permanent
reposant
sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de
l'ONU.
En second lieu, il prépare pendant cette période transitoire,
la mise en place d'une autonomie progressive d'une partie des territoires
palestiniens occupés en 1967
. A ce titre il fixe cinq étapes
principales :
-
le retrait des forces militaires israéliennes de la bande de Gaza
et de la zone de Jéricho
dans des conditions
déterminées par un accord signé dans les deux mois suivant
l'entrée en vigueur de cette déclaration de principe ;
-
le transfert d'autorité,
dès le redéploiement
militaire, du gouvernement militaire israélien et de son administration
civile aux Palestiniens désignés par l'OLP dans des domaines
précisément délimités (éducation et culture,
santé, affaires sociales, taxation directe et tourisme) ;
-
la signature d'un accord sur la période intérimaire
précisant notamment la structure d'un conseil élu pour les
Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza ;
-
l'élection du conseil
de l'autonomie dans les neuf mois suivant
l'entrée en vigueur de la déclaration de principe ; cette
institution chargée de l'ensemble des pouvoirs transférés
aux Palestiniens pourra en outre mettre en place les structures
nécessaires au développement économique et d'autre part
établir une " puissante force de police ", Israël
conservant une double responsabilité dans le domaine de la
défense et de la " sécurité globale " des
Israéliens ;
-
les négociations sur le statut permanent
prévues, au
plus tard, au début de la troisième année de la
période intérimaire ; elles doivent couvrir l'ensemble des
questions en suspens, en particulier
Jérusalem
,
les
réfugiés
,
les implantations
,
les arrangements de
sécurité, les frontières, les relations et la
coopération avec les autres Etats voisins.
En outre la déclaration de principe institue deux instances de
coopération commune : un
comité conjoint de liaison
pour
traiter de l'ensemble des questions d'intérêt commun et un
comité de coopération
économique
pour
développer des
programmes de développement commun.
Ce
dernier volet revêt une importance particulière comme en
témoignent les deux annexes qui lui sont consacrées.
Les deux parties s'engagent notamment à coopérer dans le cadre
des négociations multilatérales pour promouvoir un programme de
développement à l'échelle de la région.
L'économie constitue de la sorte le terrain privilégié
d'une oeuvre commune à concrétiser.
En un mot, la déclaration de principe ne contient aucun engagement sur
le devenir futur de l'entité palestinienne mais traduit une
volonté politique forte
. A cet égard le préambule
de la déclaration mérite sans doute d'être
cité : " (les parties conviennent)
de mettre fin à
des décennies de confrontation et de conflit, de reconnaître leurs
droits légitimes et politiques mutuels, de s'efforcer de vivre dans la
coexistence pacifique, la dignité et la sécurité, et
d'aboutir à un accord de paix juste, total et durable ainsi qu'à
une réconciliation historique ".
Le texte présente ainsi les forces et les faiblesses d'un
contrat de
confiance.
Les parties n'ont accepté de s'engager dans ce processus que parce qu'il
ne fermait aucune voie. "
Les accords obtenus durant la période
intérimaire ne doivent pas porter préjudice au résultat
des négociations sur le statut permanent, ou l'anticiper
(article
5) ". Mais cette indétermination, condition indispensable pour
qu'une dynamique de dialogue s'enclenche, ne permet pas d'opposer de garde-fou
quand le processus s'enraie faute d'une réelle volonté.
2. Un processus à mi-chemin du terme fixé par la déclaration de principe de 1993
Bien que de nombreux retards aient ralenti le rythme prévu, le processus de négociation a permis des avancées décisives.
a) L'accord sur Gaza et Jéricho du 4 mai 1994 : un premier jalon
L'accord sur le retrait des forces israéliennes, dont
la signature conditionnait le déroulement entier du processus
annoncé par la déclaration de principe, n'a pu être
signé au Caire que le 4 mai 1994, soit 5 mois après la date
initialement prévue (le 13 décembre 1993).
Cet accord dit " Gaza-Jéricho d'abord " (ou Oslo 1), ouvre
la
voie d'une part au redéploiement de l'armée israélienne
à Gaza et Jéricho et à l'entrée des forces de
police palestiniennes dans la zone évacuée, et d'autre part au
transfert partiel des pouvoirs civils de l'administration israélienne
aux autorités palestiniennes dont les membres étaient
désignés par l'OLP. Il marque ainsi officiellement
l'entrée en vigueur de la période intérimaire de cinq ans.
Des accords intervenus le 29 août 1994 et le 27 août 1995 permirent
de transférer des responsabilités en matière civile aux
Palestiniens des secteurs de Cisjordanie non concernés par l'Accord sur
Gaza et Jéricho.
Dès le 29 avril 1994, un " protocole sur les relations
économiques " entre Israël et l'OLP signé à
Paris, devait permettre un rapprochement entre les deux économies.
b) L'accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 sur la Cisjordanie et la bande de Gaza et la naissance d'institutions palestiniennes démocratiques
·
L'accord intérimaire de 1995
Le 28 septembre 1995, les négociations connaissent une autre
étape décisive avec la signature à Washington d'un nouvel
accord intérimaire dit " de Taba "
ou Oslo II portant
sur les modalités de mise en oeuvre de l'autonomie palestinienne.
L'accord prévoit
l'élection d'une autorité
palestinienne autonome
, le Conseil palestinien législatif, et du
Président (Raïs) de l'autorité exécutive du Conseil.
Il détermine également
les conditions de transfert
de
pouvoir
du gouvernement militaire et de l'administration civile
israéliens au conseil. Enfin et surtout il fixe les
modalités
du redéploiement militaire
et divise à cet égard la
Cisjsordanie en trois zones.
La zone A
comprend
les sept grandes villes palestiniennes
(Djénine, Qalqiliya, Tulkarm, Naplouse, Ramallah, Bethléem et
Hébron -sans la vieille ville-), soit 20 % de la population de la
Cisjordanie mais seulement 4 % du territoire. A l'exception d'Hébron,
dont l'évacuation est prévue en janvier 1997, l'armée
israélienne s'est retirée des six autres villes à la fin
de 1995. La sécurité intérieure, l'ordre public et les
affaires civiles ont été confiés à
l'Autorité palestinienne. Le statut de la zone A pourrait se comparer
aux zones autonomes de Gaza et de Jéricho si l'armée
israélienne ne conservait dans ces six villes un pouvoir d'intervention
dans le cadre de patrouilles conjointes.
La zone B
couvre la quasi-totalité des
450 villages
palestiniens de Cisjordanie
, soit environ 23 % de sa superficie. Elle se
distingue d'une part par le pouvoir plus limité de l'Autorité
palestinienne, responsable des pouvoirs civils et de l'ordre public, et d'autre
part par le droit unilatéral et permanent d'intervention de
l'armée israélienne chargée du maintien de la
sécurité.
Enfin
la zone C
représente 73 % de la superficie de la
Cisjordanie et couvre les zones non peuplées, les zones dites
stratégiques et les colonies. Cet ensemble reste placé sous le
contrôle exclusif d'Israël -à l'instar de la partie de la
bande de Gaza encore non évacuée (soit 30 à 40 % de ce
territoire)- bien qu'un calendrier ait prévu un redéploiement en
trois étapes tous les six mois, débutant six mois après
les élections palestiniennes. Cependant les Israéliens avaient
refusé de négocier les modalités de ce retrait jusqu'au
début de l'année 1997.
Dans le cadre de l'accord sur Hébron, la lettre d'assurance
américaine détermine un redéploiement dans les zones
rurales, en trois étapes de mars 1997 à la mi-1998, sans
préciser toutefois l'étendue et les conditions de ces retraits.
S'agit-il de redéploiements dans les zones B et C assimilées
dès lors au statut de la zone A ou, dans une perspective plus
restrictive, de transferts de parties de zone C en zone B ? Pour les
Palestiniens les retraits devraient concerner 90 % de la Cisjordanie avec une
présence israélienne maintenue dans les colonies et les sites
militaires. En revanche, selon certaines sources israéliennes, l'Etat
hébreu garderait le contrôle de 40 à 50 % de la
Cisjordanie. D'après la lettre d'assurance américaine, il
appartiendra à Israël de déterminer, seul, les
détails des redéploiements. Ces incertitudes apparaissent source
de nombreuses difficultés pour les discussions à venir.
Les zones A et B où s'exerce la compétence de l'Autorité
palestinienne constituent
un espace morcelé
en une centaine
d'enclaves entre lesquelles
la circulation demeure placée sous le
contrôle des Israéliens
, responsables par ailleurs du
contrôle des frontières extérieures (entre Gaza et l'Egypte
comme entre la Cisjordanie et la Jordanie).
·
Les élections palestiniennes du 20 janvier 1996
Le retrait, certes partiel, des territoires palestiniens, achevé
à la fin de l'année 1995, a levé l'obstacle à
l'organisation d'élections directes pour un Conseil palestinien de
l'autonomie, prévues, en principe, neuf mois au plus tard après
l'entrée en vigueur de la déclaration de principe, soit le 13
juillet 1994. Le Conseil d'autonomie et le président de
l'autorité exécutive ont pu être élus, en fait, le
20 janvier 1996 par la population palestinienne de Cisjordanie, de
Jérusalem (selon des dispositions particulières) et de la bande
de Gaza pour une période transitoire n'excédant pas cinq ans
à dater de la signature de l'accord sur Gaza et Jericho du 4 mai 1994.
M. Arafat a réuni plus de 88 % des suffrages. Le scrutin s'est
caractérisé par l'importance du taux de participation (entre 75
et 80 % en Cisjordanie et 93 % à Gaza) malgré le refus des partis
islamistes de prendre part au vote.
·
L'abrogation de la Charte palestinienne (24 avril 1996)
Le Conseil national palestinien, organe législatif de l'OLP s'est
résolu, conformément aux engagements souscrits dans l'accord
intérimaire, à abroger tous les passages de la Charte appelant
à la destruction de l'Etat d'Israël. Cette décision, acquise
par 504 voix de majorité (contre 54 voix et 14 abstentions), a permis en
retour au parti travailliste lors de sa convention, réunie le lendemain,
de lever son opposition à l'instauration d'un Etat palestinien.
Trois mois plus tard devait débuter à Taba, avec l'ouverture
officielle des négociations sur le statut permanent des territoires
autonomes, la dernière étape, décisive, du processus
initié à Washington. Ce statut, aux termes de la
déclaration de principe, devait entrer en vigueur avant le 4 mai 1999 et
régler l'ensemble des questions exclues des négociations de la
période intérimaire (Jérusalem, les colonies, les
réfugiés, les accords de sécurité, les
frontières, les relations de coopération).
Les négociations se sont effectivement ouvertes le 5 mai 1996 mais
ont été suspendues immédiatement compte tenu du contexte
électoral en Israël.
Elles devraient reprendre deux mois
après le redéploiement à Hébron.
A la suite de l'arrivée au pouvoir du Likoud, les discussions sur le
processus de paix n'ont pu être relancées que tardivement et dans
un climat de grande incertitude.
B. LES VOIES DIFFICILES DE LA NÉGOCIATION
1. Un contexte défavorable
Deux facteurs déterminants ont contribué à paralyser le processus de paix : la montée des violences et l'arrivée d'une nouvelle majorité en Israël.
a) La montée des violences
Nul ne doutait au moment de la signature de la
déclaration de principe de Washington que les extrémistes de tous
bords tenteraient de saboter le processus de paix. Le 4 novembre 1995, le
Premier ministre, Itzhak Rabin, a payé de sa vie son engagement pour la
paix. L'assassin, Yigal Amir, un étudiant de 25 ans, représentait
la frange la plus extrémiste de cette opposition israélienne,
marginale mais irréductible, au processus de paix, qui puise une partie
de ses forces dans les milieux religieux.
Les violences devaient trouver leur point d'orgue lors de la vague d'attentats
qui, entre le 25 février et le 4 mars 1996, coûtèrent la
vie à 66 civils israéliens. Fomentés par le Hamas, ces
actes terroristes illustrent du côté palestinien cette fois, le
fanatisme d'un groupe, ici encore marginal mais prêt à tout pour
briser la logique de la paix.
b) Une nouvelle donne politique en Israël
Les élections israéliennes du 29 mai 1996 ont
naturellement été dominées par l'impératif de
sécurité. M. Shimon Pérès, nommé Premier
ministre après l'assassinat de Itzhak Rabin, se trouvait, dans ce
contexte, moins à même de faire valoir les bénéfices
pourtant indiscutables, de son action en faveur de la paix.
Le double scrutin de mai donna une courte majorité de voix, d'une part
à M. Benyamin Netanyahou, chef du Likoud, premier chef de
gouvernement
directement élu au suffrage universel
(avec 50,3 %
des suffrages contre 49,7 % pour M. Pérès), et, d'autre
part, à une coalition de droite à la Knesset. Les prises de
position du gouvernement de M. Netanyahou ont ébranlé la
confiance entre les deux partenaires. L'immobilisme, voire la remise en cause
des acquis, ont mis à bout la patience des Palestiniens et
débouché sur les violences de septembre 1996.
·
Les prises de position sur l'avenir
Les
" directives du gouvernement d'Israël "
publiées en juin 1996 prennent en effet clairement position sur
plusieurs points.
En premier lieu, si le gouvernement se déclare prêt à
"
négocier avec l'Autorité palestinienne en vue d'aboutir
à un arrangement permanent à condition que les Palestiniens
respectent leurs engagements ",
il
" s'opposera à
l'établissement d'un Etat palestinien et au " droit au
retour " de populations arabes sur n'importe quelle partie d'Eretz
[grand]
Israël à l'ouest du Jourdain ".
En second
lieu,
" Jérusalem, la capitale d'Israël, est une ville
sacrée et indivisible et elle restera pour toujours sous la
souveraineté d'Israël ".
Enfin, le gouvernement s'assigne,
parmi ses priorités,
" le renforcement, l'élargissement
et le développement des implantations en Israël ".
Alors même que les accords d'Oslo avaient ménagé l'avenir
et laissé à dessein nombre d'incertitudes sur le contenu de
l'accord définitif -condition jugée indispensable pour favoriser
le processus de paix- le gouvernement rompt ainsi avec l'
"ambiguité
constructive
" chère à M. Pérès.
Pour l'ancien premier ministre, M. Rabin, la forme juridique de l'entité
palestinienne importait moins que
la démilitarisation et la
séparation des deux peuples coexistant dans la même
région
, cette division dut-elle entraîner la disparition de
colonies. Pour M. Netanyahou, hostile par principe à
l'établissement d'une frontière et au démantèlement
des colonies, le statut final se résume plutôt à un
régime d'autonomie des personnes, sur un territoire discontinu
,
dans le respect du contrôle israélien jusqu'au Jourdain.
·
De la défiance aux violences
Au dialogue a ainsi succédé un
climat de défiance
:
M. Netanyahou reproche aux Palestiniens de ne pas respecter les accords
passés, notamment les clauses relatives à la
sécurité. M. Arafat met au défi le premier ministre
israélien de préciser les dispositions violées et fait
valoir l'arrestation massive de suspects du Hamas, menée par les forces
de police palestiniennes, en coopération avec Israël.
Autre exemple : les Israéliens observent avec inquiétude que les
articles de la Charte de l'OLP hostiles à l'Etat israélien,
supprimés par le Conseil national palestinien, n'ont pas
été remplacés par des dispositions positives reconnaissant
Israël.
M. Netanyahou a jusqu'à présent maintenu la plus grande partie de
ses orientations initiales : report sine die des négociations sur le
statut permanent ouvertes le 5 mai 1996, levée de la construction du gel
dans les territoires, durcissement du contrôle israélien sur
Jérusalem...
La décision du gouvernement israélien d'ouvrir l'ancien tunnel
asmonéen longeant le site de la mosquée d'Al-Aqsa à
Jérusalem, a servi de détonateur aux
tensions
accumulées
. Elle a déclenché le 25 septembre une
protestation violente en Cisjordanie, à Gaza et à
Jérusalem au cours de laquelle 68 Palestiniens, 15 Israéliens et
3 Égyptiens ont trouvé la mort.
Le tournant pris par les événements a toutefois contraint les
deux parties à renouer le dialogue. Le ler octobre 1996, MM. Netanyahou
et Arafat ont rencontré le président Clinton et convenu de
poursuivre la négociation sur les points de l'accord intérimaire
encore en suspens. En outre, le président Ezer Weizman a reçu M.
Arafat lors de son premier voyage officiel en Israël, le 9 octobre 1996.
Enfin la signature d'un accord sur Hébron en janvier 1997, premier texte
signé entre un gouvernement du Likoud et l'Autorité
palestinienne, peut marquer un nouveau départ même si de nombreux
points demeurent en suspens.
2. La signature de l'accord sur Hébron : un nouveau départ pour le processus de paix ?
a) L'application des accords passés
Le respect des accords passés supposait, en premier
lieu, un retrait militaire d'Hébron. Prévu pour mars 1996 aux
termes de l'accord intérimaire, le redéploiement a
été différé jusqu'à la signature de l'accord
du 15 janvier 1997.
La ville d'Hébron se singularise, en effet, par la présence de
quelque 450 colons israéliens au sein d'une population palestinienne
estimée à plus de 100.000 personnes. Hébron abrite le
tombeau des patriarches (sépulture d'Abraham et de sa descendance
jusqu'à Jacob) vénérés par les juifs comme par les
musulmans. L'antagonisme israélo-palestinien, attisé encore par
le souvenir du massacre de la mosquée d'Abraham (l'assassinat par un
colon juif de 29 musulmans en prière) revêt donc ici une forte
dimension religieuse.
L'accord intérimaire, tenant compte de la situation particulière
de cette ville, n'avait prévu qu'un retrait partiel. Cependant la
division des responsabilités en matière de sécurité
devait rester sans conséquence sur le statut de la ville dont
l'unité demeurait préservée. Le gouvernement de
M. Netanyahou a souhaité entourer de garanties
supplémentaires le redéploiement militaire. La négociation
s'est déroulée dans des conditions difficiles . Les parties sont
finalement parvenues à un texte proche des termes de l'accord
intérimaire : l'armée israélienne se retirant des quatre
cinquièmes du territoire d'Hébron, placés sous le
contrôle de quatre cents policiers palestiniens.
Surtout, la partie palestinienne souhaitait qu'à l'occasion d'un accord
sur Hébron, Israël s'engage à poursuivre le processus de
paix. A cet égard, la négociation n'aurait sans doute pas abouti
sans les "lettres d'assurances" américaines sur les
redéploiements à venir dans les zones rurales et la "note pour
mémoire" sur les engagements futurs des parties. Six sujets restent en
effet à l'ordre du jour :
-
libération des prisonniers
selon les principes fixés par
l'accord intérimaire ;
- concrétisation du
droit de passage
entre Gaza et la Cisjordanie
fondé sur le principe d'unité territoriale entre ces deux
territoires, reconnu lors de précédents accords (avec toutes ses
implications, comme par exemple le droit pour les étudiants de Gaza
d'étudier en Cisjordanie) ;
-
levée des entraves
à l'aide internationale
(matériels bloqués, autorisations refusées...) ;
- respect du
volet économique des accords
qui entraîne la
levée du blocage, l'accès des travailleurs palestiniens en
Israël, la levée des obstacles à l'exportation et à
l'importation ;
- conclusion d'un accord pour
l'ouverture de l'aéroport de Gaza et la
mise en chantier du port
(pour lequel la France a prévu d'accorder
100 millions de francs) ;
- détermination d'une date pour
l'ouverture des négociations
sur le statut permanent.
La "note pour mémoire" comprise dans l'accord sur Hébron
prévoit l'ouverture de discussions immédiates sur le "passage
protégé" entre Gaza et la Cisjordanie pour les biens et personnes
palestiniens, ainsi que sur le port et l'aéroport de Gaza. Les
négociations sur le statut permanent reprendront dans les deux mois
suivant le redéploiement à Hébron.
Les Palestiniens s'engagent pour leur part à continuer leur lutte contre
le terrorisme, à compléter la révision de la charte
nationale de l'OLP, à respecter les limites des effectifs de police
(à 30.000 hommes), à s'abstenir de toute activité hors de
la zone autonome (notamment à Jérusalem) et enfin à
traiter les demandes d'extradition de suspects.
b) Le statut permanent
Les négociations sur le statut permanent devront
aborder, en principe, trois points particulièrement critiques : le
statut de Jérusalem, les implantations, les réfugiés.
·
Jérusalem
Aucun rapprochement ne s'est réellement dessiné sur la question
de Jérusalem entre Israéliens et Palestiniens depuis le
début des négociations. Pour comprendre l'ampleur du
différend, il convient de l'inscrire dans son contexte historique.
En 1947, le Conseil de sécurité avait prévu
(résolution 189) le partage de la Palestine " mandataire "
en
un Etat juif et un Etat arabe, Jérusalem constituant une entité
séparée ("corpus separatum") placée sous le contrôle
des Nations Unies. La première guerre israélo-arabe en
décida autrement : Jérusalem fut coupée en deux, sa partie
ouest annexée en 1949 par Israël qui en fit sa capitale, tandis que
la partie orientale revenait à la Jordanie.
En 1967, la guerre des "six jours" permit à Israël de
conquérir, avec la Cisjordanie, la partie orientale de Jérusalem
annexée le 28 juin 1967 (les limites de la municipalité passant
de 607 à 7285 ha).
Enfin, aux termes de la loi fondamentale du 30 juillet 1980, Jérusalem
devenait la "capitale éternelle d'Israël". Malgré la
condamnation du Conseil de sécurité (résolution 478 du 20
août 1980), Israël entreprit d'intégrer la ville à
l'Etat juif à travers notamment une ambitieuse politique de construction
: un cordon de quartiers modernes israéliens ceinturent désormais
la partie Est de la ville.
Parallèlement, les autorités n'ont accordé qu'avec une
extrême parcimonie des permis de construire aux Palestiniens (1 pour
1000). De la sorte 40 % des terrains situés dans les limites municipales
de Jérusalem appartiennent aux Israéliens et 25 % aux
Palestiniens - répartition inverse de celle qui prévalait en 1948.
L'équilibre démographique à Jérusalem Est a
progressivement évolué au profit des Israéliens
qui
représentent désormais 152 600 habitants de Jérusalem
contre 150 600 Palestiniens. Ces derniers ont conservé leur
nationalité et leur passeport jordaniens. A partir du printemps 1993,
l'accès à la ville comme à Israël est
subordonné pour les Palestiniens des territoires occupés ou
autonomes à la présentation d'un permis spécial.
En outre, les bouclages répétés des territoires
palestiniens achèvent de couper Jérusalem-Est de la partie
palestinienne pour conforter au contraire son intégration à
l'Etat d'Israël.
L'ouverture du tunnel sous le quartier arabe de Jérusalem, dans la nuit
du 23 au 24 septembre dernier, destiné à prolonger le Mur des
Lamentations sur quelque quatre cent mètres constitue le dernier
exemple, en date, de la volonté israélienne d'affirmer sa
souveraineté sur Jérusalem. Considérée comme une
provocation par l'opinion publique palestinienne qui y voit une atteinte au
statu quo de la cité, elle a suscité les émeutes les plus
meurtrières depuis 1967.
L'appartenance " non négociable "
de Jérusalem
dans son ensemble à Israël fait aujourd'hui l'objet d'un large
consensus au sein de l'opinion israélienne quelles que soient, par
ailleurs, les appartenances politiques.
Les Palestiniens souhaitent de leur côté, avec une même
unanimité, que Jérusalem devienne la capitale de l'Etat auquel
ils aspirent, même si cette revendication, dans la formulation retenue
par la partie palestinienne, se borne à Jérusalem-Est.
M. Hassan Tahboub, titulaire du portefeuille des cultes au sein de
l'Autorité palestinienne, seul ministre officiellement installé
à Jérusalem, a plaidé devant votre
délégation pour une " coresponsabilité " des
Israéliens et des Palestiniens sur la ville sainte.
Comment, dès lors, sortir d'une impasse qui fait planer une lourde
hypothèque sur le processus de paix ?
Sans doute une première approche doit-elle s'attacher à
régler d'abord
le libre accès aux lieux de culte
de la
ville sainte des trois religions monothéistes. La dimension religieuse
ne constitue que l'un des aspects, certes capital, du problème de
Jérusalem. La question la plus difficile apparaît d'ordre
politique. Elle tient au statut des habitants arabes de la ville, de leurs
droits, de leurs institutions politiques et de leurs relations avec les
territoires palestiniens.
·
Les implantations israéliennes
Les implantations israéliennes
dans les territoires palestiniens
constituent, sans doute, à moyen terme, la menace la plus
préoccupante pour la paix.
C'est au lendemain de la guerre des "six jours" en 1967, que les
travaillistes,
alors au pouvoir, entreprirent un programme de construction dans
Jérusalem-Est et la vallée du Jourdain sans pouvoir
maîtriser par ailleurs le développement parallèle de
premières colonies à Hébron puis en
"Judée-Samarie". Cependant avec le retour au pouvoir du Likoud, cette
politique de colonisation fut systématisée afin de donner
à l'occupation israélienne un caractère
irréversible.
Les travaillistes, revenus au pouvoir en 1992, infléchirent ces
orientations. Certes, le gel décrété par le gouvernement
excluait Jérusalem, la vallée du Jourdain, les implantations
frontalières de la ligne verte et ne portait en outre que sur le soutien
financier apporté par l'Etat. Cependant aucune colonie nouvelle ne fut
créée.
Aujourd'hui les colonies israéliennes en territoires palestiniens
représentent près de 140 sites en Cisjordanie et une vingtaine
à Gaza. La population des colons (315.000 personnes) se répartit
assez inégalement. Une majorité (165.000) se concentre à
Jérusalem, l'autre partie (145.000 en Cisjordanie et 5.000 à
Gaza) réside dans des établissements de taille variable :
certains constituent de véritables villes (20.000 habitants à
Maaleth Adoumin, 15.000 à Ariel), tandis que d'autres ne sont que de
petites localités fortifiées. Si au sein de cette population
existent les ferments d'un nationalisme radical, certains colons accepteraient
sans doute un retour en contrepartie d'une indemnisation.
Le gouvernement actuel a annoncé sa volonté de construire plus de
10.000 nouveaux logements dans une centaine de colonies existantes à
Gaza comme en Cisjordanie, afin de porter la population juive des territoires
de 140.000 à 500.000 d'ici l'an 2000. En principe ce
développement devait passer par la
" densification "
des installations existantes mais depuis l'arrivée au pouvoir du
Likoud, deux colonies ont déjà fait l'objet d'une extension.
Ces orientations s'accompagnent en outre du
développement
, pour
les seuls Israéliens,
de routes de contournement
des zones
placées sous responsabilité palestinienne. Ces voies autour
desquelles les colonies sont appelées à se développer
naturellement selon le voeu exprimé par le premier ministre pourraient
à terme favoriser une unité territoriale des implantations.
Or, une telle orientation soulève une double objection de nature
juridique et politique. D'une part, en effet, la colonisation des territoires
occupés contrevient à la quatrième convention de
Genève sur la protection des populations civiles, pourtant
ratifiée par Israël, dont les dispositions interdisent notamment
toute modification de la composition démographique des territoires
occupés. D'autre part, bien que le principe du gel de la colonisation
n'ait pas été explicitement formulé pas les accords
d'Oslo, l'esprit de ces textes suppose que pendant la période
intérimaire,
les parties s'abstiennent de toute initiative
unilatérale
susceptible d'hypothéquer le processus de paix.
·
La question des réfugiés
L'impasse demeure également sur les autres sujets inscrits à
l'ordre du jour des négociations relatives au statut permanent.
Le
problème des réfugiés
(près de 3,2 millions de
Palestiniens recensés au Liban, en Jordanie, en Syrie et dans les
territoires occupés) reste entier. La plate-forme gouvernementale du
Likoud a exprimé son opposition à l'exercice d'un " droit au
retour " de populations arabes sur toute partie de la
" terre
d'Israël à l'Ouest du Jourdain ".
Alors qu'un règlement politique et diplomatique paraît
éloigné, les conditions de vie des réfugiés,
surtout dans les camps du Liban, apparaissent très difficiles. Dans ce
contexte, les difficultés financières de l'Office de secours et
de travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens au
Proche-Orient (OSTNU ou UNRWA en anglais) créé en 1948,
constituent un grave sujet de préoccupation. Cet organisme,
financé pour la quasi-totalité de son budget, par des donations
internationales volontaires, emploie près de 22 000 personnes
-médecins, infirmiers, enseignants, techniciens... En 1995 les
contributions sont passées de 268 à 235 millions de dollars. La
France a beaucoup tardé à verser sa contribution en 1996 (11,50
millions de francs contre 18,3 millions de francs en 1994).
*
De nombreuses incertitudes continuent de peser ainsi sur le
contenu d'un statut permanent. L'écart entre les positions en
présence apparaît aujourd'hui considérable : d'un
côté la revendication d'un Etat palestinien, de l'autre la
reconnaissance d'une autonomie très limitée. Trois années
suffiront-elles pour parvenir à un accord ? Depuis 1993, il ne faut pas
l'oublier, bien des changements, inconcevables quelques années plus
tôt, sont intervenus.
Aujourd'hui, afin de favoriser la perspective d'un règlement de paix
permanent, il importe avant tout que soit
relancée la dynamique de la
négociation israélo-palestinienne.
A cet égard, la
signature de l'accord sur Hébron constitue un signal encourageant.
Ainsi, la confiance, indispensable, pourrait être restaurée.
La relance du processus de paix demeure toutefois très dépendante
de l'évolution intérieure en Israël et dans les territoires
palestiniens.
*
* *
II. LES INCERTITUDES DE LA SITUATION EN ISRAËL ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS
Votre délégation s'est attachée, lors de sa mission, à s'informer sur les évolutions politiques et économiques qui pèseront de façon décisive sur le cours des négociations.
A. LES NOUVEAUX DÉFIS D'ISRAËL
En moins de deux décennies, Israël a connu de
profondes transformations : une modernisation économique rapide et
d'importantes vagues d'immigration -d'origine russe notamment.
Les Israéliens ont eux aussi changé. Sans doute conservent-ils un
attachement irréductible aux valeurs qui fondent leur identité,
mais ils aspirent désormais au mode de vie que connaissent toutes les
sociétés occidentales modernes. L'esprit pionnier s'est
émoussé. La sécurité, indispensable pour tirer
parti des fruits d'une croissance vigoureuse et mener une existence normale,
s'est imposée comme la préoccupation prioritaire de la population.
1. Quelle réponse apporter au souci prioritaire de sécurité ?
La modernisation de la société israélienne a suscité de nouveaux clivages et des réactions de refus. Dans l'ordre politique, les différences s'organisent autour de la réponse à apporter au souci de sécurité : pour les travaillistes, le processus de paix constitue la plus forte des garanties. Pour le Likoud, aujourd'hui au gouvernement, l'émergence d'un pouvoir palestinien est porteur de risques qu'il convient d'endiguer.
a) Les clivages de la société israélienne
L'appartenance de 80 % de la population au judaïsme, la
pratique généralisée de l'hébreu, les effets
indéniables de puissants facteurs d'intégration (au premier chef
le sionisme mais aussi l'école et l'armée), sont autant
d'éléments qui ont cimenté un puissant sentiment
d'identité nationale. Mais la société israélienne
connaît aujourd'hui plusieurs clivages.
De longue date, culture, modes de vie et pratiques religieuses séparent
les ashkénazes, originaires d'Europe centrale, des séfarades
venus principalement d'Afrique du Nord et installés d'ailleurs plus
tardivement en Israël. De nos jours, alors même qu'au fil des ans
des mariages ont permis de rapprocher les deux communautés, certains
décalages demeurent difficiles à surmonter. Ainsi, bien qu'ils
représentent la moitié de la population, les séfarades
comptent moins du quart des étudiants israéliens.
Cependant cette césure traditionnelle paraît désormais
présenter moins d'acuité que trois clivages dont
l'évolution s'avérera sans doute déterminante pour
l'avenir d'Israël.
En premier lieu,
les différenciations sociales
tendent à
s'accuser à l'heure où le pays a connu une croissance
supérieure à 6 % depuis 5 ans et constitue, avec un revenu par
habitant de 16 300 dollars, un pôle de prospérité au
Proche-Orient. En 1996, en effet, près de 20 % de la population vit en
dessous du seuil de pauvreté.
En outre, la société israélienne connaît un
phénomène de "communautarisation"
dont certaines formes
paraissent nouvelles. L'Etat juif compte depuis sa naissance une
minorité arabe
forte, aujourd'hui, de 850.000 personnes, soit 18
% de la population. Même si la plénitude des droits civiques lui
est reconnue, la communauté arabe est exemptée des obligations
militaires. En outre, elle reste en retrait par rapport au niveau de
développement économique de la population juive. Il convient en
particulier de souligner l'insuffisance générale des
équipements collectifs liés à la faiblesse des subventions
publiques accordées aux municipalités arabes.
Mais, désormais, la majorité juive apparaît elle-même
traversée par des divisions ethniques nées des
vagues
d'immigration successives
. L'Etat israélien s'est assigné la
vocation d'accueillir les juifs du monde entier. Ainsi, Israël s'est
enrichie de l'apport des juifs éthiopiens. Aujourd'hui au nombre de
80.000, ces derniers pourraient, grâce au dynamisme de leur
démographie, compter 250.000 personnes dans 25 ans. En outre,
près de 700.000 juifs russes se sont installés en Israël au
cours des 5 dernières années avec des motivations souvent plus
économiques que politiques. Peu soucieux d'apprendre l'hébreu,
leur intégration se révèle parfois problématique.
L'intégration de ces communautés et, bien sûr, au premier
chef celle de la minorité arabe, passerait-elle par la promotion d'une
identité qui ne se réclame pas de la seule judéité
mais repose également sur l'ensemble des facteurs qui distinguent
Israël de son environnement, qu'il s'agisse de la langue, de la
démocratie, du libéralisme et du degré de
développement économique ?
Toutefois, précisément, une telle orientation se heurte à
la pression des milieux religieux.
Le phénomène communautaire ne se résume pas aux seules
divisions ethniques, il se traduit aujourd'hui de plus en plus par
la
fracture qui sépare la partie laïque de la population du monde du
religieux ou "harerims"
dont le choix de vie -vouée à
l'étude du Talmud - les éloigne de la vie "dans le monde"
à travers le refus, notamment, du service militaire.
Le débat s'est récemment cristallisé sur le
problème de la rue Bar-ilan à Jérusalem, dont les partis
religieux réclament la fermeture pendant le shabbat alors même
qu'elle sert de voie de transit à quelque 60.000 automobilistes.
Après le rejet de ces prétentions par la Cour suprême, les
ultra orthodoxes ont jeté leur vindicte sur le président de cette
juridiction. L'atmosphère de haine a naturellement exacerbé
l'antagonisme avec les milieux laïcs.
Si, depuis plusieurs années, les religieux ne réussissent pas
à réunir plus de 15 % des suffrages, leur poids politique reste
déterminant dans la composition des équilibres gouvernementaux.
Plus généralement, ces clivages de la société
israélienne se retrouvent au sein du gouvernement et constituent une
hypothèque pour l'entreprise de modernisation politique tentée en
Israël dans la période récente.
b) La quête d'une modernisation politique
Le choix du
suffrage universel direct pour mode
d'élection du premier ministre
devait, dans l'esprit des initiateurs
de cette réforme adoptée en 1992 et applicable au scrutin de
1996, favoriser un effet de bipolarisation et rompre avec
l'éparpillement des voix, source de fragilité institutionnelle.
Cependant,
le maintien de la proportionnelle intégrale
pour les
législatives a, en bonne partie, effacé les effets attendus de
cette réforme. Le Likoud et le parti travailliste n'ont recueilli
à eux deux que 47 % des suffrages (soit 56 sièges) tandis que les
petits partis amélioraient leur audience et leur représentation
au sein de la Knesset (notamment les partis religieux avec 23 sièges,
soit un gain de 40 % par rapport à 1992).
Ces différents mouvements, avant tout soucieux de promouvoir les
intérêts qu'ils représentent, acceptent d'entrer dans toute
coalition qui prenne en compte leurs aspirations. Le morcellement de la
scène politique leur confère une influence sans commune mesure
avec leurs résultats électoraux.
Le gouvernement actuel ne dispose que d'une majorité théorique de
8 voix. Il associe aux représentants d'une droite dominée par le
Likoud, des ministres issus des trois partis religieux (Shass, Parti national
religieux, Parti unifié de la Torah), du groupe Yisrael Ba Aliya,
défenseur de la communauté d'origine russe et animé par
l'ancien dissident Nathan Chtcharanski, et enfin de la Troisième voie,
une dissidence du parti travailliste, hostile à la cession du Golan.
A la merci d'une défection de l'un de ses alliés, le gouvernement
de M. Netanyahou doit, en outre, concilier les tendances contradictoires des
uns et des autres. Les partisans du processus de paix comme M. Lévy,
ministre des affaires étrangères, ou M. Meridor, ministre des
finances, côtoient les défenseurs du mouvement des colons, tels
les anciens généraux Sharon et Eytan. Les trois partis religieux,
hostiles en général à toutes concessions aux Palestiniens,
s'opposent cependant à M. Eytan, chef de file du courant laïc quand
il s'agit des mesures de judaïsation. Les divergences ne se recoupent donc
pas toujours et cette situation ouvre une marge de manoeuvre à M.
Netanyahou mais le contraint également à un difficile exercice
d'équilibre. Or la cohésion du cabinet est menacée par
trois dossiers délicats : le processus de paix, les exigences des partis
religieux, le plan de réduction des dépenses publiques (et les
coupes qu'il prévoit en particulier sur les allocations familiales).
Le redéploiement militaire à Hébron donne un bon exemple
des difficultés auxquelles le gouvernement israélien peut se
trouver confronté de façon récurrente. Sept membres du
gouvernement ont refusé de joindre leurs voix aux onze ministres qui ont
approuvé l'accord sur Hébron.
Un gouvernement d'Union nationale permettrait-il d'éviter les
écueils et de franchir une passe dangereuse ?
M. Shimon Pérès plaide pour cette formule mais demeure
minoritaire, sur ce point, au sein du parti travailliste, qui
préfèrerait dans sa majorité, comme l'a indiqué
à votre délégation son secrétaire
général, M. Zvili, un soutien sans participation.
Au moment où votre délégation se trouvait en Israël,
le parti travailliste a adopté une formule de compromis pour la
succession de M. Pérès. Ce dernier demeurera à son poste
jusqu'au printemps 1997, date à laquelle les travaillistes
procèderont à l'élection de leur président. En
outre jusqu'en septembre de l'année 1997, M. Pérès est
assuré de diriger la représentation travailliste au sein de ce
gouvernement d'Union nationale dans l'hypothèse où
M. Netanyhaou devrait se résoudre dans l'intervalle à une
telle initiative.
L'avenir politique reste donc ouvert. M. Netanyahou n'est prisonnier de sa
coalition politique que dans une certaine mesure. D'autres formules
gouvernementales restent possibles.
D'après un récent sondage, rendu public le 8 décembre
1996, près de 58 % des personnes interrogées approuveraient la
formation d'un gouvernement d'unité nationale (contre 36 %
opposés à cette solution). C'est parmi les électeurs des
deux principaux partis que la proportion recueille l'adhésion la plus
forte (63 % chez les électeurs du Likoud, 64 % chez ceux du parti
travailliste).
2. La pérennité de la croissance en question
a) Une économie dynamique
Par le revenu par habitant (16 300 dollars en 1995),
Israël se classe au même rang que le Royaume-Uni. Israël
présente aujourd'hui les structures d'une économie moderne, fruit
d'une croissance ininterrompue depuis 1990.
·
Les bases de l'économie
L'agriculture qui emploie 5 % de la population active mais assure 9 % du
PNB se signale de longue date par ses résultats remarquables
malgré la rigueur des conditions naturelles. L'eau demeure ici en effet
une ressource rare -l'agriculture représente 75 % de la consommation
d'eau- et un enjeu stratégique. Le Golan constitue le château
d'eau d'Israël. Malgré ces contraintes, le secteur primaire peut se
prévaloir de la variété de ses productions et de sa
rentabilité dans de nombreux domaines : les rendements de lait
s'élèvent ainsi à 9 839 litres par an et par vache (contre
5 395 litres pour la France). Israël par ailleurs figure au premier rang
des producteurs mondiaux d'agrumes par habitant (995 000 tonnes).
Placées sous le régime de la
propriété
collective
, les terres relèvent du " Fonds national
juif ", l'exploitation en est confiée à part égale
entre des coopératives de production (les moshavim) et des
collectivités économiques dépositaires de l'ensemble des
ressources et des moyens de production (les kibboutzim).
Malgré les résultats obtenus, la balance agricole reste
déficitaire (de l'ordre de 949 millions de dollars, soit 1,2 % du PNB en
1994).
L'industrie occupe 28 % de la population active et contribue à hauteur
de 40 % au PNB. Le secteur des machines et matériels de transport
représente 31 % de la valeur ajoutée industrielle totale.
Les structures de production se singularisent ici encore par la part
réservée à la collectivité (55 % de l'appareil
industriel appartiennent au privé, 20 % à l'Etat et 25 % aux
coopératives, principalement à la centrale syndicale Histadrout).
·
Une croissance remarquable
De 1990 à 1995, Israël a connu une croissance
régulière et forte de l'ordre de 6 % par an. Cette croissance
résulte d'une conjonction de plusieurs facteurs favorables :
-
l'assainissement des bases économiques
grâce au plan
d'ajustement mis en oeuvre de 1985 à 1990 qui a permis de juguler
l'hyperinflation, de limiter les déficits publics et enfin de ramener la
part de la dette extérieure à moins de 30 % ;
-
le dynamisme de la consommation
du fait des augmentations salariales
accordées dans le secteur public : entre 1990 et 1995 les salaires
publics ont progressé en moyenne de 4,7 % par an (avec des hausses de
9,4 % et de 6 % en 1994 et 1995) ; à l'inverse, dans le secteur
privé les salaires se sont réduits sur l'ensemble de la
période de 9,1 % en termes réels du fait, d'une part de l'afflux
de main-d'oeuvre, et d'autre part, de l'appréciation du shekel qui a
contraint les entreprises à rechercher des gains de productivité ;
-
la progression du taux d'investissement
aujourd'hui égal
à 25 % du PIB ; cette évolution doit beaucoup aux grandes
entreprises internationales soucieuses notamment de tirer parti du formidable
potentiel scientifique et technologique d'Israël ;
-
l'arrivée des immigrants russes
qualifiés et prêts
à accepter de bas salaires ;
-
la remise en cause de facto du boycott économique
décrété par la Ligue arabe en 1950.
La croissance soutenue garantit une situation proche du plein emploi. En effet,
malgré la présence de 200.000 travailleurs immigrés en
Israël et de 35 000 Palestiniens titulaires d'un permis de travail, le
taux de chômage ne dépassera pas 6 % en 1996 et sans doute 6,5 %
en 1997.
b) Une économie en transition
L'économie israélienne, malgré une
situation encore largement favorable, laisse paraître aujourd'hui des
signes de tension qui pourraient s'aggraver dans un contexte d'incertitudes
politiques. Les réformes entreprises par le gouvernement suffiront-elles
à surmonter ces difficultés ?
·
Les signes de tension
Un déficit commercial et une inflation élevée : ces deux
maux endémiques de l'économie israélienne paraissent
aujourd'hui prêts à se réveiller. Le maintien d'une
consommation importante dans un contexte d'activité désormais
ralentie constitue ici le principal facteur de risque.
L'inflation
s'est élevée à 12 % en 1996 contre 8 %
en 1995.
En conséquence,
la politique monétaire a pris un tour
restrictif
en 1994 et 1995. En juin 1996, les taux ont été
portés de nouveau à 17 %. La hausse des taux
d'intérêt s'est traduite mécaniquement par la baisse du
cours des actions et des obligations (les épargnants ont dès lors
arbitré au profit de placements à court terme et au
détriment d'une épargne longue orientée vers les fonds de
prévoyance et les fonds d'investissements).
La place financière de Tel Aviv a fait, à cette occasion,
démonstration de sa fragilité, liée à
l'étroitesse d'un marché dominé par le quasi-monopole de
l'Etat sur les émissions de titres longs et la
prépondérance des fonds de prévoyance et de placements
collectifs.
En outre cette politique monétaire a entraîné une
appréciation du shekel
qui risque ainsi de compromettre encore
davantage l'équilibre de la balance commerciale, déjà
hypothéqué par le dynamisme de la consommation. Au cours des neuf
premiers mois de l'année 1996,
le déficit commercial
s'est
accru de 12 % par rapport à la même période de 1995 pour
atteindre 8,2 milliards de dollars.
Le déficit de la balance des paiements (qui intègre notamment les
services) s'est également dégradé (de 4,2 milliards de
dollars en 1996, soit 4,5 % du PIB). Les recettes touristiques se sont
contractées de 16 % au cours du premier semestre 1996 à la suite
de la reprise des actes de terrorisme : entre février et juillet, le
nombre de touristes est passé de 170 000 à 130 000 par mois
tandis que parallèlement les Israéliens se déplacent de
plus en plus souvent hors de leurs frontières (de 500 000 en 1995, leur
nombre est passé à 1 million en 1996).
Pour remédier en partie au déficit courant, Israël a besoin
des
investissements étrangers
. Jusqu'à présent, ces
derniers n'ont pas fait défaut : les investissements directs (1,3
milliard de dollars) devraient dépasser le montant atteint en 1995, les
investissements de portefeuille pourraient s'élever quant à eux
à 1,5 milliard de dollars. L'ensemble des investissements des
non-résidents (près de 3 milliards de dollars) contribueraient
ainsi à financer la moitié du déficit courant. Toutefois,
ces flux restent étroitement dépendants de la confiance
qu'inspire Israël aux opérateurs étrangers. Or cette
confiance pourrait se trouver ébranlée si le processus de paix
devait continuer à connaître des retards.
A ces deux sujets de préoccupation s'ajoute l'incertitude que fait peser
la conjoncture immobilière
sur la pérennité de la
croissance. En effet si la baisse de 20 % des prix de l'immobilier
observée au cours des deux derniers mois devait se confirmer, elle
pourrait enrayer la croissance économique dont l'immobilier a
constitué l'un des principaux ressorts depuis cinq ans. En outre, une
telle inversion de tendance pèserait sur les banques largement
engagées dans ce secteur.
Il convient cependant de relever qu'une partie du secteur de la construction ne
dépend pas des lois du marché. Ainsi le gouvernement accorde son
soutien financier aux nouveaux immigrants à la recherche d'un logement.
Le développement des implantations relève principalement de fonds
privés même si les pouvoirs publics prennent en charge la mise en
place des infrastructures nécessaires.
·
Une adaptation suffisante
?
L'économie parviendra-t-elle à surmonter ces difficultés
et à poursuivre sur les tendances favorables qu'elle a connues
jusqu'à présent ? Le gouvernement israélien a entrepris de
réduire le déficit budgétaire et de lancer un programme de
privatisation. Cette double orientation suffira-t-elle ?
Le déficit budgétaire
devrait représenter 4 % du
PIB en 1996 contre 3,5 % en 1995. Même si cette dégradation
s'explique moins par des dépenses excessives que par des recettes
inférieures aux prévisions compte tenu du ralentissement de
l'activité, le gouvernement de M. Netanyahou a décidé de
procéder à d'importantes coupes budgétaires sur l'exercice
1997 afin de ramener la part des dépenses publiques au sein du PIB de 48
% à 46,7 %. L'effort devrait porter en particulier sur les
prestations sociales et les retraites. Le projet de budget se heurte à
une double opposition : politique et syndicale. M. Dan Meridor, le ministre des
finances, n'a d'ailleurs pas caché devant votre délégation
que des résistances s'exprimaient au sein même de la coalition au
pouvoir. Le débat budgétaire s'est achevé au début
de l'année 1997 à la suite de discussions très difficiles.
Depuis plusieurs années, Israël conduit une
réforme de
ses structures
dont le socle repose sur
la privatisation
des grandes
entreprises publiques (la compagnie aérienne El Al ou les
Télécom...). Cependant, alors que les cessions d'actifs publics
avaient rapporté 533 millions de dollars en 1995, quatre
opérations seulement auront été menées à
bien en 1996 pour un montant de 198 millions de dollars (la vente à des
investisseurs non-résidents de 16 % du capital de la banque Discount a
procuré à elle seule près de 160 millions de dollars).
S'il est encore trop tôt pour évoquer un mouvement de
défiance des investisseurs, ce risque, une fois de plus, ne peut
être totalement écarté.
L'économie israélienne a su tirer parti des promesses d'avenir
qu'ouvraient pour les investisseurs les développements du processus de
paix. La politique économique pourra-t-elle aujourd'hui compter sur ses
seuls mérites pour ranimer l'intérêt des investisseurs ?
B. LES TERRITOIRES PALESTINIENS : L'INCONNUE DE LA RÉACTION DE L'OPINION FACE À L'ÉVOLUTION DU PROCESSUS DE PAIX
Depuis 1993, les Palestiniens vivent une situation paradoxale : au moment même où ils obtenaient les moyens, certes limités, de retrouver prise sur leur destin, ils devaient subir une grave crise économique liée principalement à la politique de fermeture des territoires mise en oeuvre par Israël. Dans quelle mesure cette situation pourra-t-elle se perpétuer ? Tout dépendra des réactions de la population à la dégradation de leurs conditions de vie et de l'ascendant, aujourd'hui indiscutable, dont dispose M. Arafat sur son opinion publique.
1. L'émergence des structures institutionnelles malgré une autonomie limitée
a) Une autonomie limitée
L'autonomie des territoires palestiniens se trouve
bornée dans son principe : relations et sécurité
extérieures échappent à l'Autorité palestinienne.
Cette limitation n'empêche toutefois pas les responsables palestiniens de
déployer une intense activité internationale. Votre
délégation a d'ailleurs pu rencontrer l'un des plus
éminents acteurs de cette politique d'ouverture sur l'étranger,
M. Nabil Shaath, ministre de la planification et de la coopération
internationale. Toutefois, dans la zone B, la sécurité
intérieure elle-même ne relève pas de l'autorité
palestinienne mais dépend entièrement d'Israël.
En outre, aux termes de la déclaration de principe, l'Autorité
palestinienne ne peut prendre aucune décision sur les questions
abordées dans le cadre de la négociation sur le statut
définitif (Jérusalem, implantations, réfugiés).
Borné dans son principe, le régime d'autonomie, il convient de le
rappeler, l'est encore dans son champ géographique. Et cette restriction
vient comme redoubler la limitation des attributions de l'Autorité
palestinienne. En effet la zone A où les responsabilités
s'exercent en principe à leur plus haut degré ne couvre
guère que 5 % de la superficie de Gaza et de la Cisjordanie. La zone B
représente quant à elle 25 % de ces territoires. Au total,
le
tiers seulement des territoires palestiniens destinés, aux termes des
accords d'Oslo, à bénéficier du statut d'autonomie,
relèvent aujourd'hui effectivement de l'Autorité
palestinienne.
Encore les zones A et B constituent-elles un ensemble morcelé à
l'extrême, comme le montre très clairement la carte des
territoires palestiniens. Seule la bande de Gaza présente une certaine
continuité territoriale.
En Cisjordanie, les sept principales villes de la zone A et la multitude des
" confettis " territoriaux formés par les villages
palestiniens de la zone C, constituent autant d'enclaves dans un territoire
encore largement placé sous l'emprise d'Israël. Le retrait
militaire de certaines parties de la zone C à partir du 7 septembre 1996
aurait sans doute permis de dessiner une carte plus homogène. On le
sait, la mise en oeuvre du redéploiement a été
différée à septembre 1997.
b) La naissance d'une organisation démocratique, enjeu de la mise en place des institutions palestiniennes
Malgré ce morcellement, les territoires palestiniens
ont su se doter, depuis la mise en oeuvre des accords d'Oslo, d'une
réelle identité. Ce fait, surprenant si l'on devait s'en tenir
aux acquis, limités, en matière d'autonomie, s'explique sans
doute par un double facteur : la personnalité du président
Arafat, l'enracinement des institutions de l'Autorité palestinienne.
M. Arafat s'est imposé aujourd'hui comme seul interlocuteur capable
de parler au nom des Palestiniens sur la scène internationale. Cette
position, le président de l'Autorité palestinienne la doit
à la conjugaison de deux facteurs.
En premier lieu, le président Arafat peut se prévaloir
aujourd'hui
d'une double légitimité
, historique d'abord,
liée à son rôle dans l'Organisation de libération de
la Palestine, dont le comité exécutif est placé sous sa
présidence, démocratique ensuite, depuis son élection au
suffrage universel avec 88 % des suffrages le 20 janvier 1996, à la
tête de l'Autorité exécutive palestinienne.
En outre malgré les vicissitudes du processus de paix,
Yasser Arafat
a su conserver la confiance des Palestiniens.
Ainsi, les émeutes de septembre dernier provoquées par
l'ouverture du tunnel dans la vieille ville de Jérusalem paraissent, en
définitive, avoir renforcé l'autorité de M. Arafat aux
yeux des Palestiniens qui lui sont reconnaissants d'avoir pris le risque
d'ordonner aux forces de sécurité d'affronter Israël.
Doté d'une légitimité incontestable, investi de la
confiance de la population palestinienne, Yasser Arafat pourrait-il
céder à une tentation autoritaire ?
Un tel risque peut être conjuré par
la montée en
puissance de l'institution démocratique
dont se sont dotés
les territoires : le Conseil de l'autonomie, élu le 20 janvier 1996.
Cette institution réunit 88 représentants des résidents
palestiniens des territoires occupés et autonomes. Le dispositif
institutionnel présente aujourd'hui une certaine complexité
liée aux relations entre le Conseil et l'autorité
exécutive d'une part, les institutions de l'autonomie et l'OLP d'autre
part.
Les membres de l'Autorité exécutive sont choisis par son
président au sein du Conseil ou hors de cette instance (à
condition que le nombre des personnalités extérieures
n'excéde pas 20 % des effectifs de l'Autorité exécutive).
Le Président partage, avec le Conseil, le droit d'initiative
législative. Il promulgue les lois et prend les décrets
d'application des lois adoptées par le Conseil.
S'il n'existe pas de réelle coupure organique entre le Conseil
législatif et l'Autorité exécutive, les parlementaires
-votre délégation en a eu des témoignages- s'estiment
chargés d'un pouvoir de contrôle vis-à-vis de
l'exécutif.
En effet, bien que le Fatah, le mouvement politique de M. Arafat, dispose de 64
des 88 sièges du Conseil législatif, les parlementaires
paraissent se prononcer davantage en fonction de leurs convictions personnelles
que de consignes politiques. En outre, les élus indépendants ont
su faire entendre leurs voix ; quatre d'entre eux président d'ailleurs
des commissions.
La définition des procédures a déjà donné
lieu à quelques escarmouches : le Conseil législatif s'est
refusé à prêter serment au Raïs et a voté en
faveur de l'investiture individuelle des ministres. En outre, il a
rejeté en avril 1996 la tentative présidentielle de remettre en
cause l'immunité de certains des membres qui auraient critiqué
l'Autorité exécutive.
Bien qu'il n'ait adopté pour l'instant aucun texte législatif, le
Conseil palestinien s'est engagé dans deux chantiers d'importance :
l'élaboration de la constitution
d'une part, la rédaction
d'un texte relatif aux associations
d'autre part. Ce dernier projet, en
particulier, constitue un enjeu décisif : le tissu associatif a servi de
support aux aspirations palestiniennes, il offre encore un réseau et des
structures qui pallient les insuffisances d'un Etat en gestation. Le
régime réservé aux associations constituera le premier
témoignage décisif de la volonté de l'Autorité
palestinienne de s'engager dans la construction d'un Etat de droit.
D'après les informations que votre délégation a pu
recueillir, des discussions assez vives opposent sur ce sujet certains
élus du Conseil de l'autonomie, tenants d'une ouverture libérale,
et les représentants de l'exécutif, même si l'institution
parlementaire soucieuse de présenter un front uni laisse filtrer peu de
choses de la vigueur des débats.
Pour s'affirmer, le Conseil devra sans doute également marquer sa
distance avec les institutions de l'Organisation de libération de la
Palestine. L'OLP a assuré, depuis sa création en 1964, la
représentation de facto de 6 millions de Palestiniens des territoires
occupés comme de la diaspora. Ses institutions comprennent une
commission exécutive et le Conseil national palestinien qui tient lieu
d'organe législatif. Le risque de confusion avec l'Autorité
palestinienne paraît double. La présidence de l'Autorité
exécutive, comme celle de la commission exécutive de l'OLP,
revient à M. Arafat. De plus, aux termes de la loi électorale,
les membres du conseil législatif de l'Autorité palestinienne
siègent automatiquement au Conseil national palestinien.
Les membres du Conseil législatif se sont opposés au souhait de
M. Arafat de les intégrer au sein du conseil national palestinien
et de les lier ainsi aux décisions prises par cet organe.
L'OLP continuera de jouer un rôle décisif dans l'avenir, dans
la mesure où l'Autorité palestinienne ne dispose pas d'une
personnalité juridique internationale
. Il appartiendra donc à
l'OLP de négocier avec Israël sur le statut permanent prévu
par l'accord intérimaire.
L'émergence d'un pôle de vie démocratique constitue un
signal encourageant mais encore fragile. L'Autorité palestinienne
s'incarne encore pour une large part dans la personne de M. Arafat. Il y a
là pour les territoires un facteur de force mais aussi de
vulnérabilité dans un contexte politique et économique
très difficile.
L'audience des groupes extrémistes, et surtout du Hamas, le mouvement de
la résistance islamiste, n'a pas faibli. Ce mouvement, apparu au
début des années 1990, dénie aux juifs le droit de
disposer d'un Etat et considère toute négociation avec
Israël comme une trahison de la cause palestinienne. Il n'hésite
pas à recourir au terrorisme pour ruiner les chances de paix.
Près de 10 % des Palestiniens se reconnaissent dans ce parti,
responsable pourtant des attentats perpétrés contre Israël
dans les premiers mois de l'année 1996 et ainsi, du bouclage des
territoires par lequel Israël entend défendre sa
sécurité.
Les passions peuvent-elles s'apaiser au moment où la situation
désastreuse de l'économie palestinienne fait le jeu de tous ceux
qui sont décidés à rompre avec un processus de paix dont
ils n'ont jamais accepté les promesses ?
2. Les risques d'une explosion sociale
a) Un potentiel économique paralysé par le bouclage des territoires
Bien que dépourvus de richesses naturelles, les
territoires palestiniens ne sont pas sans atouts.
En premier lieu,
l'agriculture dégage des excédents
appréciables
pour certains produits tels que l'olive. Les fleurs et
certains fruits comme les fraises pourraient constituer par ailleurs une source
non négligeable d'entrées de devises, s'ils pouvaient être
exportés. Toutefois l'agriculture palestinienne manque d'eau : seuls
11,5 % des surfaces cultivées bénéficient de l'irrigation
(contre 47 % en Israël).
En second lieu, quelques sites privilégiés comme Bethléem
ou même Jéricho, présentent un potentiel touristique encore
insuffisamment exploité.
Les Palestiniens n'accueillent que 7 % des 2 millions de touristes qui se
rendent chaque année en Israël.
D'autre part, l'industrie s'est développée autour d'un nombre
restreint d'activités : le secteur du marbre et de la pierre emploie
près de 8 000 personnes et assure des exportations vers les pays
arabes et l'Italie.
Mais le principal atout de l'économie palestinienne réside sans
doute dans la qualité d'une main-d'oeuvre bien formée et la
présence de responsables dynamiques. Votre délégation a pu
s'entretenir longuement avec des représentants du secteur
économique privé palestinien et prendre la mesure, à cette
occasion, à la fois du remarquable esprit d'initiative et du sens des
responsabilités des chefs d'entreprise, mais aussi des
difficultés rencontrées, redoublées par les bouclages des
territoires. L'activité économique peut se déployer dans
des domaines requérant savoir-faire et expérience tels que la
pharmacie générique comme l'a expliqué à votre
délégation M. Khoury, directeur de la principale
société opérant dans ce secteur.
Enfin,
l'existence d'une diaspora palestinienne
constitue un atout
décisif, en raison d'une part du soutien financier qu'elle apporte aux
Palestiniens de l'intérieur et d'autre part, de l'ouverture
internationale que procure cette présence à travers le monde.
Ainsi les marchés extérieurs de l'entreprise de
médicaments génériques, Pharmacare -le Proche-Orient,
certains pays membres de la Communauté des Etats indépendants,
des pays africains-, reposent sur l'action, l'entregent et le dynamisme
économique des Palestiniens de la diaspora.
L'activité industrielle reste le fait de petites entreprises dont les
effectifs dépassent rarement plus de 100 personnes.
Non dépourvue d'atouts, l'économie palestinienne apparaît
cependant aujourd'hui exsangue.
b) Une économie exsangue
Les difficultés rencontrées ne sont pas toutes
liées au bouclage des territoires. Quatre autres facteurs principaux
peuvent être mis en avant.
·
Une situation de dépendance
En premier lieu, l'économie palestinienne se trouve dans un
étroite
dépendance
à l'égard d'Israël.
La vulnérabilité de la position palestinienne se décline
sur trois modes différents :
- le poids d'Israël avec lequel se font
90 % des échanges
commerciaux
et le lourd déficit commercial supporté par les
territoires ;
- l'orientation de l'industrie vers
la sous-traitance d'entreprises
israéliennes ;
-
la maîtrise exercée par Israël sur l'emploi des
Palestiniens
à travers les permis de travail octroyés (120
000 en 1993, 35 000 aujourd'hui).
En second lieu plusieurs années d'Intifada ont entraîné
la dégradation des infrastructures publiques
. Ainsi dans une
région où l'eau constitue une ressource de prix, l'état
détérioré des conduites d'eau entraîne la perte de
60 % des volumes transportés.
Ensuite,
les incertitudes du cadre juridique
, la fragilité des
structures administratives, constituent un handicap certain pour le
développement des entreprises palestiniennes.
Enfin, à rebours de l'esprit des accords d'Oslo où la
coopération économique devait jouer un rôle décisif,
Israël n'a pas hésité à multiplier
les entraves au
développement des territoires
: restriction à l'extension des
infrastructures, lourde taxation des activités et en particulier toutes
celles dont la concurrence pourrait menacer les produits israéliens,
réduction des terres disponibles du fait de l'extension des colonies.
·
La paralysie provoquée par les bouclages
Les bouclages des territoires constituent toutefois, de l'aveu de tous les
Palestiniens rencontrés, l'entrave la plus préoccupante pour
l'économie palestinienne Cette politique, décidée par
Israël pour se prémunir des menaces terroristes à partir de
1993, et maintenue jusqu'à présent malgré des
allégements ponctuels, se traduit sur le terrain par la mise en place de
postes de contrôle sur les voies d'accès entre les territoires et
Israël, d'une part, et sur les liaisons entre les grandes villes
palestiniennes au sein même des territoires d'autre part. Elle a
entraîné un ralentissement de l'activité et un
appauvrissement de la population des territoires.
La politique de fermeture des territoires traduit un net recul par rapport aux
résultats auxquels le groupe de négociation multilatérale
sur la coopération économique -mis en place à la suite de
la conférence de Madrid- était parvenu dès
l'été 1994 à Paris. Les parties s'étaient alors
accordées sur trois sujets principaux : dans le domaine agricole, libre
circulation des marchandises et quasi-abolition des taxes et droits de douane ;
pour les produits industriels, libre exportation sans accord préalable
des autorités palestiniennes ; dans le secteur bancaire, droit de
créer une institution qui corresponde, sans en porter le nom, à
une " banque centrale ".
L'activité économique s'est trouvée paralysée par
les bouclages consécutifs qui entravent tout à la fois
l'importation des produits nécessaires à l'industrie des
territoires et l'exportation des productions palestiniennes. Les entreprises
palestiniennes demeurent très dépendantes d'Israël pour
leurs approvisionnements.
Quant à la commercialisation des productions, qu'il s'agisse des
exportations ou de la vente dans les territoires, elle doit supporter
surcoûts (liés aux transbordements sur les camions
israéliens) et délais de toute sorte. Or dans la mesure où
les ventes se concentrent sur des produits périssables -fruits ou
fleurs- ces retards peuvent se traduire par des dommages irréparables
sur les marchandises.
D'après des sources palestiniennes,
les pertes directes
journalières
pour la seule bande de Gaza s'élèvent
à un million de dollars. S'ajoute en outre la baisse du prix des fruits
et légumes de l'ordre de 50 %.
Aux obstacles apportés à la circulation des marchandises, se sont
ajoutées
les entraves à la circulation des hommes
. Le
nombre de Palestiniens employés en Israël a chuté de 120 000
en 1993 à environ 35 000 aujourd'hui (17 500 pour Gaza, 17 500 pour la
Cisjordanie).
Bien que régulièrement annoncée depuis septembre,
l'augmentation de 50 000 autorisations de travail supplémentaires ne
s'est pas concrétisée.
Ainsi
le chômage
touche-t-il aujourd'hui, d'après
l'autorité palestinienne, 60 % de la population active à Gaza et
40 % en Cisjordanie. Le pouvoir d'achat s'est profondément
dégradé depuis le début de l'année 1996 : moins 10
% pour les Palestiniens qui continuent de travailler en Israël, moins 16 %
à Gaza et moins 23 % en Cisjordanie. Singulièrement,
malgré la disparité du revenu par habitant entre Gaza (600
dollars) et la Cisjordanie (800 dollars), la rive occidentale du Jourdain a
pâti plus fortement du bouclage qui interdit l'accès à
Jérusalem où se concentrent l'emploi et l'activité, tandis
que Gaza, du fait notamment de la présence des instances de
l'Autorité palestinienne et de son président,
bénéficie prioritairement de l'aide internationale.
Les entraves à la circulation des biens et des personnes ont
provoqué
une baisse de 25 % du produit national brut palestinien
depuis l'entrée en vigueur des accords d'Oslo
. Les effets de cette
récession ont été d'autant plus douloureux que dans le
même temps la population est passée de 2 à 2,6 millions
d'habitants. Le revenu par habitant s'est donc contracté de 40 % (de 2
425 dollars à 1 480 dollars).
La population a dû s'adapter à ces nouvelles conditions
d'existence. Les enfants travaillent ainsi de plus en plus tôt pour
tenter de compléter les revenus du foyer. Cette évolution est
lourde de conséquences pour l'avenir. Ne risque-t-elle pas en effet de
favoriser l'analphabétisme et de remettre en cause la position
avantageuse dont les Palestiniens peuvent êre fiers dans le domaine de
l'éducation ?
Bien que placés dans une position très précaire, les
Palestiniens ne sont pas réduits à la misère. L'aide
internationale représente en effet une ressource indispensable pour les
territoires autonomes.
·
Le concours indispensable de la communauté internationale
La communauté internationale s'était engagée sur un
montant de 1,4 milliard de dollars sur la période 1994-1995, mais
seulement 542 millions de dollars ont été effectivement
décaissés. En 1996, l'aide multilatérale s'est
élevée à 551,9 millions de dollars et à ce jour 49
% de cette somme ont été versés. En novembre dernier
à Paris, les donateurs ont confirmé leur engagement pour un
montant de 845 millions de dollars pour 1997 afin de financer principalement
les infrastructures (42 %) et les secteurs sociaux (32 %).
L'aide provient principalement de l'Union européenne (31 %),
des pays du Golfe (23 %) et des Etats-Unis (16 %).
Le budget de l'Autorité palestinienne, arrêté par la
Conférence de Paris pour 1996, avec l'accord des bailleurs de fonds,
s'élevait à 554 millions de dollars. Le déficit pourrait
dépasser 127 millions de dollars à la fin de cette année
(au lieu de 100 millions de dollars en 1995).
Si les recettes restent en deçà des espérances du fait
notamment des manquements israéliens aux engagements souscrits, par
exemple la
rétrocession promise des recettes ficales,
les
dépenses publiques
,
bien qu'elles ne représentent qu'une
part encore limitée du PNB (15 %), se sont accrues de 50 % depuis la
mise en oeuvre des accords d'Oslo. Cette tendance pourrait encore s'accuser
sous l'effet conjugué de la dégradation de la situation
économique liée aux bouclages et de la baisse de la dotation
destinée à l'UNWRA.
La communauté internationale et l'Europe en particulier, s'efforcent
de donner aux Palestiniens les moyens d'un développement
économique autonome. Aussi favorisent-elles les liens directs entre les
territoires palestiniens et le monde extérieur. La signature, à
la fin de l'année 1996, d'un
accord intérimaire d'association
entre l'Union européenne et l'Autorité palestinienne,
s'inscrit tout à fait dans cette perspective. Revu au terme d'un
délai de deux ans, il pose les bases d'une
libération
progressive
des échanges entre les deux partenaires pour les
produits agricoles et industriels. En outre, il prévoit le renforcement
de la coopération, en particulier dans le domaine de l'éducation.
La mise en place d'infrastructures donnant à l'économie
palestinienne l'assise nécessaire constitue une autre priorité.
Le port et l'aéroport de Gaza -construit mais empêché de
fonctionner faute des autorisations israéliennes- représentent
à cet égard les deux projets décisifs.
Le port
desservira, dans un premier temps, la seule bande de Gaza (300 000 tonnes) ; sa
profondeur devrait lui permettre à terme d'accueillir les gros navires
céréaliers. Le financement du port apparaît d'ores et
déjà assuré grâce aux concours de la France (20
millions de dollars), des Pays-Bas (25 millions de dollars) et de la Banque
Européenne d'Investissement (28 millions de dollars). Toutefois, le
décaissement de ces fonds demeure subordonné à la
conclusion d'un accord israélo-palestinien sur la construction.
Aujourd'hui, en effet, seules les études ont fait l'objet d'un accord
avec l'Etat hébreu. Bien que le Président Arafat et le Premier
ministre néerlandais aient posé la première pierre du port
le 18 janvier 1996, les négociations sur la construction ont dû
être suspendues après que le gouvernement israélien eut
décidé de différer l'application des dispositions de
l'accord intérimaire restant à mettre en oeuvre. Enfin, un
troisième accord sera nécessaire pour l'exploitation du port.
L'accord sur Hébron devrait permettre de relancer les discussions sur
ces différents points.
La France est appelée à jouer un rôle déterminant
auprès des deux parties pour que ce dossier essentiel pour le
développement économique des territoires puisse trouver une issue
favorable.
III. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE : UN RÔLE POSITIF À JOUER DANS LE PROCESSUS DE PAIX
Quelle influence l'environnement international exerce-t-il
sur
le processus de paix ? Il n'existe sans doute pas de réponse univoque
à cette question.
D'une part, le processus de paix n'a réellement avancé,
malgré la mobilisation de la communauté internationale et le
coparrainage de la Russie et des Etats-Unis, que lorsque les deux parties ont
entrepris de nouer un dialogue direct, dans le plus grand secret, à
Oslo. Les questions soulevées par la négociation
représentent en effet des enjeux vitaux pour les Israéliens comme
pour les Palestiniens. Des intervenants extérieurs peuvent
s'entremettre, favoriser le rapprochement. Sont-ils cependant vraiment en
mesure de faire pression ?
D'autre part, il faut également prendre la mesure des évolutions
de la société israélienne. L'esprit pionnier s'est
émoussé. Les Israéliens, comme toutes les populations
habituées à la prospérité et aux facilités
d'une société de consommation, s'accommodent moins des rigueurs
imposées par l'état de " forteresse
assiégée ".
Dans ce contexte, la pacification des relations avec une partie des Etats
arabes, la fin de l'ostracisme dont Israël demeurait la victime ont
répondu partiellement aux attentes de la population.
Le durcissement de la position de certains Etats comme l'Egypte ou la Jordanie,
avec lesquels Israël a signé des accords de paix, ne laissera pas
dès lors indifférent. La volonté de sécurité
intérieure et l'aspiration à la paix aux frontières ne
sont pas divisibles. L'une comme l'autre constituent des facteurs
décisifs de la confiance accordée par l'opinion au gouvernement.
L'environnement extérieur d'Israël s'inscrit dans trois cercles
distincts par la logique qui les anime : les pays arabes d'une part, l'Europe,
d'autre part, les Etats-Unis, enfin. L'Europe et son rôle dans le
processus de paix feront l'objet du rapport de notre commission qui sera
consacré à l'accord euro-méditerranéen entre
Israël et l'Union européenne. C'est la place de la France dans
cette région du monde qui retiendra ici notre attention.
A. LES DIVIDENDES DE LA PAIX AUJOURD'HUI MENACÉS ?
L'état de guerre larvée entre Israël et ses voisins privait les pays arabes de tout moyen de peser réellement sur l'évolution des relations israélo-palestiniennes. N'est-ce pas précisément au moment où l'Etat hébreu commence à bénéficier sur la scène internationale des dividendes procurés par le processus de paix, qu'il peut se montrer plus sensible aux souhaits des pays arabes modérés. Jadis, Israël n'avait rien à perdre, aujourd'hui les acquis des trois dernières années pourraient se trouver remis en question. Quel rôle peuvent jouer, dans ce contexte, les coparrains du processus de paix et, bien sûr, plus particulièrement les Etats-Unis ?
1. Les relations avec les pays arabes : espoirs et déceptions
a) L'acceptation du fait israélien dans la région
A la faveur du processus de paix, Israël a
amélioré ses relations avec certains pays arabes.
En premier lieu, Israël a pu signer avec la Jordanie, le 26 octobre 1994,
un traité de paix, le second conclu avec l'un de ses voisins
après l'accord israélo-égyptien de 1976.
Ce traité règle six questions principales :
- il fixe
la frontière
conformément au tracé du
mandat britannique "sans préjudice aucun du statut de tout territoire
passé sous contrôle militaire israélien en 1967"
entérinant ainsi la rupture des liens administratifs et juridiques entre
le Royaume hachémite et la Cisjordanie décidée par le Roi
Hussein en 1988 ;
- il répartit de façon équitable
les ressources en
eau
;
- il ouvre la voie à l'établissement de
relations
diplomatiques
complètes et à une coopération dans le
domaine de la sécurité fondée sur des mesures de confiance
mutuelle ;
- il favorise la
coopération économique
;
- il reporte la
question des réfugiés
(65 % de la
population jordanienne est d'origine palestinienne) à des discussions
conduites dans un cadre multilatéral ;
- il reconnaît le rôle historique de la Jordanie sur les sites
musulmans de Jerusalem.
En second lieu, Israël a pu obtenir une levée progressive du
boycott
voté par la Ligue arabe en août 1950. Les Etats
arabes avaient alors prohibé les échanges directs avec l'Etat
hébreu ainsi que toute relation avec des "sociétés ou
institutions étrangères qui contribuent à la consolidation
de l'économie israélienne". D'après des sources
israéliennes, ce boycott a représenté depuis sa mise en
oeuvre un manque à gagner de près de quarante milliards de
dollars.
La Jordanie a de facto renoncé au boycott en signant le traité de
paix avec Israël. Quant aux Etats membres du Conseil de coopération
du Golfe
2(
*
)
, ils ont cessé de mettre en
pratique le boycott indirect.
Ces changements de positions ont dessiné de nouvelles perspectives pour
une
économie de la paix
, dont M. Shimon Pérès s'est
fait l'ardent défenseur. Le développement des liens
économiques permettrait, à l'image de la construction
européenne au lendemain de la guerre, de créer des
solidarités nouvelles renforçant le processus de paix. La
Conférence économique, réunie à Casablanca à
l'automne 1994, a permis d'évoquer plusieurs projets liés
à ce dessein ambitieux : mise en chantier d'un gazoduc traversant la
péninsule arabique pour alimenter Israël, création d'une
banque régionale dotée d'un capital initial de 10 milliards de
dollars ...
b) Les promesses déçues
Les espoirs soulevés par cette " économie
de la paix" ne se sont pas -encore- concrétisés. La
Conférence du Caire organisée à la fin de l'année
1996 et destinée à renouveler l'exercice de Casablanca, s'est
d'ailleurs conclue par des résultats décevants. Trois facteurs
continuent d'hypothéquer des avancées réelles en
matière de coopération économique.
En premier lieu, à l'exception des monarchies du Golfe dont
l'économie est du reste déjà bien intégrée
à l'économie internationale, nombre d'Etats répugnent
encore à abandonner
le protectionnisme
et à exposer des
structures productives souvent fragiles aux risques de la concurrence.
Le commerce régional représente aujourd'hui des flux très
faibles. Les interlocuteurs israéliens de votre délégation
ont tous également regretté à plusieurs reprises que la
normalisation des relations au niveau gouvernemental soit restée sans
réel écho au sein des populations jordaniennes ou
égyptiennes.
En second lieu, Israël n'a toujours pas réglé ses
contentieux avec le Liban et la Syrie
. La paix avec cette dernière
passe par le règlement de la question du plateau du Golan. Les
Israéliens peuvent-ils abandonner un avantage stratégique certain
contre ce qui n'est qu'une promesse de paix ? Cette incertitude fondamentale
explique que les gouvernements successifs (Shamir, Rabin, Pérès)
se soient refusés à toute concession unilatérale sans
contrepartie en termes de garanties de sécurité et de paix
totale. Les positions de M. Netanyahou -dont le gouvernement compte plusieurs
représentants de la Troisième voie (associant des anciens
travaillistes hostiles à une restitution du Golan)- ne permettent pas
d'envisager, à ce stade, des évolutions rapides sur cette
question. La montée récente des tensions sur le terrain
(mouvements de troupes syriennes en septembre, auxquels ont répondu un
renforcement des forces israéliennes et l'organisation de manoeuvres) a
pu être maîtrisée. Elle pourrait toutefois conduire les
parties à mieux mesurer les risques encourus et, partant, à
infléchir leurs positions.
Enfin, les difficultés du processus de paix depuis l'arrivée au
pouvoir du Likoud risquent, en outre, de peser sur les relations entre
Israël et les pays arabes. Certes, M. Netanyahou paraît très
désireux de ne pas compromettre les bénéfices du processus
d'Oslo sur le plan régional : ses déplacements au Caire et
à Amman en témoignent.
Aucun front arabe anti-israélien ne s'est d'ailleurs formellement
reconstitué. La Ligue arabe a indiqué cependant, lors de sa
dernière réunion interministérielle, que la normalisation
des relations et la poursuite des négociations multilatérales
seraient remises en cause en l'absence de toute avancée dans le
processus de paix.
L'Egypte, par la voix du président Moubarak a condamné la
politique de renforcement des implantations israéliennes. Si la Jordanie
demeure soucieuse de tirer le meilleur parti de l'accord de paix avec
Israël,
elle doit tenir compte également des sentiments d'une
opinion encore largement hostile au rapprochement avec l'Etat
hébreu.
Les manifestations hostiles à l'organisation de la
première foire industrielle israélo-jordanienne à Amman en
janvier 1997 en ont d'ailleurs apporté le témoignage. Le Maroc et
la Tunisie ont pris également leurs distances.
Les monarchies du Golfe ont manifesté à leur tour leur
désapprobation. Le sultanat d'Oman dont le rôle pionnier
s'était traduit par l'ouverture d'un bureau commercial à Tel Aviv
a menacé de revenir sur cette décision. Le Conseil de
coopération du Golfe a condamné le 9 décembre dernier une
politique
"qui représente un véritable danger pour la paix et
un prélude au retour à la violence".
La signature d'un accord de coopération militaire entre Israël et
la Turquie en février 1996 n'a pas été remise en cause
mais elle doit se comprendre à la lumière de l'antagonisme entre
Ankara et Damas qui échappe à la logique du conflit
israélo-arabe.
Les Etats arabes modérés n'ont pas lancé d'anathème
: leur mise en garde n'en ont eu que plus de crédibilité. C'est
la légitimation de la place d'Israël dans la région qui est
en cause, et le gouvernement israélien peut difficilement ne pas en
tenir compte. La médiation du roi Hussein n'est sans doute pas
étrangère à la signature de l'accord sur Hébron.
Pour la première fois, la politique mesurée de la Jordanie comme
de l'Egypte paraît en mesure d'infléchir la position
israélienne dans la négociation avec les Palestiniens.
Même si la cause palestinienne n'est parfois mise en avant par certains
Etats arabes que pour des objectifs répondant à la défense
d'intérêts purement nationaux,
les progrès des
discussions israélo-palestiniennes demeurent la clef de la paix dans la
région
.
2. Le rôle contrasté des grandes puissances
a) L'effacement de la Russie de la scène régionale
La Russie n'a pas retrouvé son influence passée
dans la région. Elle continue toutefois de faire valoir le rôle de
co-parrain du processus de paix qui lui avait été reconnu lors de
la Conférence de Madrid de 1991. Son ambition se limite toutefois,
aujourd'hui, dans cette perspective, à encourager les parties à
formaliser leur engagement de respecter les accords de Madrid et ceux conclus
depuis lors sous l'égide des Etats-Unis et de la Russie
Moscou cherche à se faire entendre d'Israël. La présence
d'une forte communauté juive d'origine russe peut constituer à
cet égard un atout.
b) La position américaine : la fin de l'expectative
Les Etats-Unis ont, depuis l'effondrement de l'URSS,
retrouvé une influence incontestée au Proche-Orient. Leur
position diplomatique repose traditionnellement, d'une part, sur les relations
très privilégiées nouées avec Israël (auquel
Washington apporte une aide de 3 milliards de dollars par an -dont 1,8 milliard
d'aide militaire-) et, d'autre part, sur l'influence américaine dans les
pays arabes modérés. Elle leur permet de jouer
un rôle
de médiateur
qu'aucune autre puissance n'a aujourd'hui les
mêmes moyens d'assumer.
Il est vrai, par ailleurs que les Etats-Unis, en 1996, dans un contexte
marqué par l'échéance électorale
présidentielle, ont adopté une position d'attente à
l'égard des évolutions du processus de paix.
La diplomatie américaine s'est toutefois exprimée en faveur d'un
allégement du bouclage des territoires. Elle s'est par ailleurs
refusée à donner un nouvel élan aux négociations
multilatérales organisées dans le prolongement de Madrid, sans
avancées notables dans les discussions israélo-palestiniennes.
La réélection de Bill Clinton, la réorganisation de
l'équipe présidentielle avec la désignation de Mme
Madeleine Albright au poste de secrétaire d'Etat donnent aujourd'hui
à la diplomatie américaine tous les moyens de jouer un rôle
moteur dans le processus de paix.
L'accord sur Hébron où les Etats-Unis ont pris une part
décisive, constitue à cet égard un signal fort ; les
Américains renouent avec leur vocation de garant du processus de paix
que le parrainage des accords d'Oslo leur avait assignée.
B. UNE RELATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LES DEUX PARTIES : CONDITION NÉCESSAIRE POUR FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA FRANCE DANS CETTE RÉGION
La France peut contribuer utilement à un triple
objectif dans la région :
- contribuer au succès du processus de paix ;
- asseoir la légitimation de l'Etat hébreu dans la région ;
- favoriser la stabilisation de l'entité palestinienne.
Elle dispose à cet égard de plusieurs atouts :
- la qualité des relations qu'elle entretient avec les Etats arabes lui
permet de jouer en faveur d'Israël un rôle d'intercesseur
écouté ; au-delà, elle pourrait contribuer à un
déblocage du problème sud-libanais où le gouvernement
israélien s'est déclaré prêt à faire des
concessions territoriales ;
- elle peut encourager l'intégration régionale dans le cadre du
partenariat euro-méditerranéen ou des négociations
multilatérales lancées à la suite de la Conférence
de Madrid.
Pour faire valoir ces possibilités, la France doit entretenir une
relation équilibrée avec Israël et les territoires
palestiniens.
1. Les relations franco-israéliennes : un partenariat à développer
Israël et la France ont noué un partenariat
privilégié jusqu'en 1967. Par la suite, les relations
bilatérales ont traversé des moments difficiles sans toutefois
que jamais leur densité ne faiblisse. Cette proximité doit
beaucoup à la part jouée par les relations humaines.
Outre les liens profonds tissés par l'histoire, il existe aujourd'hui
entre nos deux pays une réelle convergence d'intérêts
stratégiques (montée de l'intégrisme en
Méditerranée, risque de prolifération...) et
économiques (l'Europe représente le premier partenaire
d'Israël en fournissant la moitié de ses importations et en
recevant 30 % de ses exportations).
Toutefois, les relations bilatérales se heurtent encore à
plusieurs handicaps : le soupçon, ravivé par la visite
présidentielle d'octobre 1996, d'une certaine partialité
française en faveur des Arabes, le partenariat privilégié
d'Israël et des Etats-Unis.
Aussi, pour surmonter ces difficultés, convient-il de faire fructifier
la richesse des liens humains et de développer trois différentes
formes de coopération.
a) La nécessaire intensification des formes de coopération existantes
.
Le poids du facteur humain
Les liens humains reposent d'une part sur la communauté juive en France,
la deuxième du monde par ses effectifs et, d'autre part, sur la
présence francophone en Israël. En effet, plus d'un
Israélien sur vingt a le français pour langue d'origine - tandis
que deux sur 10 le pratiquent à des degrés divers. Au total,
la francophonie concerne près de 500.000 personnes
. Cette
communauté francophone se compose pour une part essentielle des
personnes venues d'Afrique du Nord et de leurs enfants. Cependant parmi cette
population -composée quasi exclusivement de binationaux - les
générations nées en Israël délaissent parfois
le français - ignoré par 20 à 30 % de nos compatriotes.
Au-delà de la seule pratique de notre langue, votre
délégation a pu observer la familiarité du monde politique
et administratif israélien avec la société
française.
.
La coopération culturelle
Compte tenu de ces liens humains exceptionnels, on ne s'étonnera pas que
le domaine culturel constitue un champ privilégié de
coopération.
Celle-ci repose sur un réseau de centres culturels d'une densité
remarquable (Nazareth, Bersheva, Tel-Aviv, l'Alliance française de
Jérusalem et le centre culturel à l'Est, gérés l'un
et l'autre par le Consulat général à Jérusalem).
Cependant, soucieux d'élargir l'audience de la culture française,
notre pays s'efforce d'utiliser les relais que constituent le câble
(support des trois chaînes francophones : France 2, TV5 et Arte) et
même le réseau Internet.
Le souci de toucher un large public n'interdit pas une coopération de
haut niveau que traduisent l'organisation de nombreux colloques universitaires
et l'action d'institutions spécialisées telles que le centre de
recherche français de Jérusalem, placé sous la double
autorité du ministère des affaires étrangères et du
centre national de recherches scientifiques (CNRS), spécialisé
dans l'archéologie et les sciences sociales - notamment les
études juives.
Malgré ces acquis indéniables, une double incertitude pèse
sur notre coopération culturelle :
- la position du français
3(
*
)
comme
seconde langue pourrait se trouver menacée par le développement
d'ailleurs compréhensible de l'apprentissage de l'arabe dans les
années à venir ;
- le pouvoir attractif de la culture anglo-saxonne s'exerce sans
véritable contrepoids dans la société israélienne.
Aujourd'hui, Israël a vocation à participer au mouvement
francophone et la France pourrait s'employer à convaincre ses
partenaires de l'intérêt de compter l'Etat hébreu parmi les
membres actifs de la francophonie.
.
La coopération scientifique
La recherche scientifique constitue de longue date l'un des fleurons de notre
coopération. Aujourd'hui, après les Etats-Unis et l'Allemagne, la
France se classe au troisième rang des partenaires scientifiques
d'Israël.
La coopération scientifique bilatérale s'est principalement
nouée à travers deux instruments auxquels la France consacre 15
millions de francs par an :
-
l'association franco-israélienne pour la recherche scientifique et
technologique
(AFIRST) qui soutient les quatre grands programmes de
recherche conjoints d'une durée de deux ans (en 1996, les
matériaux avancés, l'immunologie et l'immunothérapie, les
autoroutes de l'information, la gestion de l'eau).
-
le cofinancement d'échanges de chercheurs
dans le cadre du
programme de projets concertés de coopération scientifique "Arc
en ciel" dans des domaines que ne couvre pas l'AFIRST.
A ce dispositif, il convient d'ajouter les nombreux accords signés
directement entre organismes de recherche français et israélien
(l'Institut Pasteur et l'Institut Weizmann, le CNRS et le ministère de
la science).
Par ailleurs, depuis la création en avril 1995 de
l'association
franco-israélienne pour la recherche industrielle et l'innovation
(AFIRII) la coopération s'est ouverte sur la recherche appliquée
et encourage notamment des partenariats technologiques entre petites et
moyennes industries françaises et israéliennes.
Le ministre de la science et de la technologie, M. Zeev Begin, aujourd'hui
démissionnaire, a confirmé à votre
délégation tout l'intérêt qu'il accordait à
la coopération entre nos deux pays. Toutefois, il ne faut pas se le
dissimuler, Israël s'interroge désormais sur ses contributions
financières dans le cadre de la coopération bilatérale au
moment où sa participation au quatrième programme de recherche de
l'Union européenne devrait s'élever à 30 millions
d'écus.
.
La coopération militaire
La coopération militaire peut se prévaloir d'un riche
passé. Depuis 1967, elle a perdu sa substance alors même qu'elle
demeure pour les Israéliens le véritable critère d'une
confiance mutuelle.
Les deux partenaires ont renoué un dialogue dans un cadre officiel
depuis 1994 avec des rencontres semestrielles. Les points de convergence ne
manquent pas. En particulier, Israël a paraphé en septembre dernier
le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et
donné ainsi un gage en faveur de l'apaisement des tensions
régionales.
b) Des échanges économiques encore trop modestes
Si nos échanges commerciaux paraissent en retrait par
rapport aux relations nouées entre Israël et ses autres partenaires
économiques, les investisseurs français ont montré ces
deux dernières années un mouvement d'intérêt pour le
marché israélien.
Les exportations françaises en Israël se sont stabilisées
autour de 5,6 milliards de francs. Nos entreprises n'ont pas encore pris la
mesure d'un marché dynamique, notre deuxième
débouché au Proche-Orient (derrière l'Arabie Saoudite)
mais
le premier en termes de solvabilité
, où nous avons
enregistré
un excédent de 1,9 milliards de francs
en 1995.
En effet, la part de la France dans les importations israéliennes ne
dépasse pas 5 % - si l'on exclut le commerce très
spécifique de diamants-. Notre pays se classe ainsi au cinquième
rang des fournisseurs derrière les Etats-Unis (21,7 %), l'Allemagne
(12,4 %), l'Italie (9,4 %) et le Royaume-Uni (8 %).
Nos investissements apparaissent également en net retrait par rapport
aux autres partenaires d'Israël. En 1995 et sur le premier semestre 1996,
les sociétés françaises n'ont investi que 50 millions de
dollars contre 200 millions pour les entreprises allemandes... et 2 milliards
pour les groupes américains. Cependant l'intérêt pour le
marché israélien s'est aiguisé comme peut en
témoigner l'
augmentation du nombre de nouvelles
délégations ou bureaux de représentation passés de
10 à 38 depuis 1995
. Plusieurs exemples illustrent l'intensification
des relations économiques :
GEC Alsthom
, après avoir
remporté plusieurs contrats d'équipements de centrales, de
sous-stations électriques et de matériel ferroviaire, participera
- ainsi que d'autres entreprises françaises - aux appels d'offre pour le
métro de Tel-Aviv et les lignes ferroviaires. Par ailleurs,
France
Telecom
paraît bien placé pour obtenir la licence de
communications internationales dans le cadre de la dérégulation
des télécommunications. La
Lyonnaise des Eaux
comme la
Compagnie générale des Eaux
préparent plusieurs
projets d'investissement dans le domaine du traitement et de la distribution de
l'eau.
Sans doute le développement de nos investissements en Israël
passerait-il aujourd'hui par une présence plus active des PME
françaises innovantes sur un marché dont le potentiel demeure
ignoré.
2. Les relations franco-palestiniennes : un lien très dense, ouvert sur l'avenir
Les Palestiniens considèrent la France comme un partenaire privilégié. Votre délégation en a eu maints témoignages au cours de sa mission. Notre pays se singularise en effet par la constance de son soutien au cours des deux dernières décennies. Cet appui présente une triple dimension : politique, institutionnelle, économique.
a) Un soutien politique et institutionnel
En premier lieu, notre pays a admis, l'un des premiers, la
représentativité de l'OLP et de son chef et a encouragé
les évolutions de leurs positions - la renonciation au terrorisme et la
volonté de paix - qui à partir de 1988 a valu à
l'organisation une reconnaissance internationale.
Le soutien français s'est manifesté très
concrètement quand la France a porté secours à Y. Arafat
à deux reprises, au moment de la guerre du Liban et lui a ainsi, sans
doute, sauvé la vie. Le fidélité de la France à sa
ligne de conduite -soutien à l'arrêt de la colonisation des
territoires, à la préservation de l'unité territoriale, au
règlement de la question des réfugiés, à la
création d'un Etat palestinien, rappelée avec éclat lors
de la visite du président de la République en octobre 1996 -vaut
à la France un très large crédit, d'ailleurs reconnu bien
au-delà des cercles du pouvoir.
Ce crédit toutefois n'est pas sans limite. Aux yeux des Palestiniens, la
France n'emploie pas tous les moyens en son pouvoir pour influencer
Israël. Les propos tenus à votre délégation par M. Y.
Arafat lors de l'entretien qu'il lui a accordé apparaissent sans aucune
ambiguïté à cet égard.
Le soutien politique se traduit sur le plan institutionnel à
Jérusalem, à travers les attributions du
Consulat
général de France
, comparables à celles d'une
ambassade, compétent sur la bande de Gaza, la Cisjordanie et
Jérusalem.
La coopération culturelle
traduit le souci d'inscrire dans la
durée l'influence que nous confèrent nos prises de position
politiques. Ainsi, notre diplomatie cherche à promouvoir le
français, promis à devenir la deuxième langue
étrangère dans les programmes de l'enseignement prévus
dans les années à venir. Dans cette perspective, les besoins de
formation en français pour les futurs enseignants apparaissent
considérables alors même que notre langue ne fait pas encore
l'objet d'un enseignement à un niveau approprié au sein de
l'université. Pour l'heure, les initiatives françaises n'ont pas
manqué dans le domaine scolaire avec la création d'une
filière bilingue au sein de quatre écoles pilotes choisies par
les autorités palestiniennes -deux à Gaza, une à Naplouse,
une à Bir Zeit). Onze enseignants et conseillers pédagogiques
coopèrent à cette action.
En outre, dans le cadre de la coopération culturelle, la France cherche
également à renforcer les structures de la future entité
palestinienne à travers la formation des cadres. Cette orientation s'est
manifestée notamment par la création du
centre de droit de
l'université de Bir Zeit
destiné à devenir le
principal organe de consultation législative et juridique des
territoires et par la mise en place d'un programme spécial de formation
des jeunes cadres palestiniens.
b) Une aide économique importante qu'il convient de conforter
Les
échanges commerciaux
, difficilement
séparables des échanges avec Israël, se caractérisent
par leur déséquilibre : les exportations françaises
s'élèvent sans doute à 250 millions de francs tandis que
les ventes de produits palestiniens en France ne dépassent pas 2
à 3 millions de francs. L'économie palestinienne relève
aujourd'hui, en effet, d'une logique d'aide. L'appui de la France s'est traduit
par un engagement financier de l'ordre de 385 millions de Francs en 1995 (115
MF pour les actions bilatérales et 155 MF pour l'aide
multilatérale) : cette aide classe notre pays au 6e rang des donateurs.
L'aide bilatérale présente deux volets principaux :
-
un soutien au secteur privé
(25 MF sur la période
1993-1996) à travers le financement de 11 projets dans les secteurs de
la santé (équipement des hôpitaux et industries
pharmaceutiques), tourisme (hôtels), agro-alimentaire et bâtiment ;
-
une aide au secteur public
(217,5 MF) : eau et assainissement,
équipement pour la police, la santé, les infrastructures
municipales et la télévision.
Le port de Gaza
constitue cependant le projet phare mais le montant qui
lui était destiné - 100 millions de francs - n'a pu être
décaissé faute des autorisations israéliennes
nécessaires.
Bien que soucieuse avant tout de concentrer son soutien sur des projets de
développement nécessaires au renforcement du cadre
économique et institutionnel de la future entité palestinienne,
la France a consenti, à titre exceptionnel, en 1995 un versement de 10
millions de francs pour financer le déficit budgétaire de
l'autorité palestinienne.
Parallèlement à l'aide bilatérale, les concours de la
France dans un cadre multilatéral revêtent deux formes principales
:
- une contribution, à hauteur de 19 % sur la période 1994-1998,
aux
actions communautaires
(dons de l'Union européenne et
prêts de la Banque européenne d'Investissements) soit 149 millions
de francs d'aide annuelle ;
- la participation au financement de l'
UNRWA
(11,5 MF en 1996).
Les fonds engagés de source bilatérale ou multilatérale
ouvrent de nombreuses opportunités pour les entreprises
françaises. Certains groupes intervenus dans les territoires à la
faveur des procédures de financement françaises ont pu faire
valoir leur savoir faire auprès des bailleurs de fonds
multilatéraux et des pouvoirs publics palestiniens. Ainsi, la Lyonnaise
des Eaux a été choisie par l'Autorité palestinienne de
l'eau pour améliorer les services d'eau et d'assainissement dans
l'ensemble de la bande de Gaza. Le contrat porte sur 9 millions de dollars.
D'autres perspectives intéressantes se présenteront à
l'avenir.
CONCLUSION
Dans l'hypothèse où le bouclage des territoires
se maintiendrait avec une même rigueur, et où le processus de paix
connaîtrait encore de nouveaux retards, la double impasse
économique et politique pourrait conduire la population palestinienne
à la désespérance.
Cette situation ferait le jeu de tous les extrémismes et conduirait
à une reprise des violences. Il n'est pas difficile d'imaginer alors le
cycle néfaste qui pourrait se former : répression - fermeture
renforcée - redoublement des tensions. Les ressorts du processus de paix
ne seraient-ils pas dès lors définitivement brisés ?
La signature d'un accord sur Hébron en janvier 1997 vient de soulever un
nouvel espoir pour le processus de paix. La logique ouverte par les accords
d'Oslo, l'accord sur Hébron en témoigne, a pu surmonter le poids
des parti-pris idéologiques. Cependant, il ne faut pas se le dissimuler,
les questions extrêmement difficiles demeurent à négocier.
Dans quel état d'esprit les deux partenaires aborderont-ils les
échéances à venir ?
Le rôle majeur de l'opinion publique
Les responsables israéliens peuvent-ils renouer avec le grand dessein
qui conduisit aux accords d'Oslo ? Sans doute la
"révolution des
mentalités"
appelée de leurs voeux par Itzhak Rabin et Shimon
Pérès demeure inachevée. Fallait-il, comme l'a
indiqué M. Elie Barnavi devant votre délégation, forcer le
destin au moment d'Oslo et signer dans le même souffle un accord
permanent ? D'après lui, le choix d'un processus par étapes
donnait prise aux manoeuvres des adversaires de la paix. L'incertitude sur les
concessions nécessaires au terme de la période intérimaire
a entretenu les inquiétudes.
Mais l'opinion continue d'évoluer. Les risques actuels lui font mieux
percevoir les mérites de la paix, et au premier chef, sans doute, la
reconnaissance du fait israélien dans la région, garantie de la
sécurité aux frontières. En Israël même, la
poursuite du processus de paix demeure le meilleur gage d'une quiétude
que la fermeture des territoires ne peut procurer que dans le court terme :
l'opinion s'en convainc progressivement.
M. Netanyahou apparaît attentif aux aspirations des Israéliens. Il
s'est montré pragmatique et n'a pas craint d'affronter
l'hostilité de certains de ses alliés au gouvernement pour leur
imposer un accord sur Hébron. Il ne faut jamais l'oublier, c'est un
Premier ministre du Likoud, M. Begin, qui a signé les premiers accords
de paix avec l'Egypte.
Restaurer la confiance
Quels peuvent être aujourd'hui les moyens de relancer le processus de
paix ? Sans doute importe-t-il en premier lieu de promouvoir réellement
la coopération économique entre les deux parties, chantier encore
en jachère malgré la place que lui accordait la
déclaration de principes de 1993. Si les oppositions se cristallisent
aujourd'hui sur les questions d'ordre politique, qu'il faudra certes bien
aborder dans la perspective du statut permanent, le détour par
l'économie peut favoriser un déblocage des discussions.
La difficulté de la négociation, dès l'origine, s'est
trouvée résumée dans la formule "la paix contre les
territoires" : Israël doit consentir des sacrifices en termes de pouvoirs
et de territoires contre la paix. La dissymétrie des positions entre
Israël et ses voisins arabes, comme entre Israéliens et
Palestiniens peut expliquer bien des hésitations et nourrir bien des
soupçons.
Pour permettre à Israël d'avancer, il convient de lui donner tous
les gages qui fondent sa confiance et répondent à son souci
légitime de sécurité. Les Palestiniens s'étaient
engagés dans cette voie, notamment en montrant une grande fermeté
dans la lutte contre le Hamas au moment des attentats perpétrés
contre Israël au début de l'année 1996. Pour que la
confiance puisse se restaurer, les deux parties doivent accepter de renouer les
fils du dialogue . La signature de l'accord sur Hébron, si elle n'a pas
suffi à restaurer encore un climat de confiance, constitue toutefois une
promesse qui engage les deux partenaires.
Une présence française inscrite dans un souci
d'équilibre
Quelle place notre pays peut-il occuper dans le processus en cours ? Les
interlocuteurs israéliens de votre délégation ont
regretté, à des degrés divers, les orientations
adoptées par le Président de la République au cours de sa
visite dans la région en octobre dernier. A l'inverse, les
personnalités palestiniennes se sont félicitées des
positions prises par M. Jacques Chirac. M. Yasser Arafat a toutefois
observé, pour s'en étonner, que notre pays, et l'Europe en
général, hésitait à faire pression sur Israël,
notamment à travers des moyens économiques.
Si la France aspire à jouer un rôle de médiation dans cette
région, conforme à sa vocation de puissance européenne et
méditerranéenne et aux intérêts de sa diplomatie,
elle doit développer des relations équilibrées avec les
deux parties
.
Nos échanges comme notre coopération avec Israël demeurent
encore trop limités, alors même que nous nous devons de renforcer
notre crédibilité auprès d'Israël quand nous plaidons
pour le processus de paix.
S'agissant des territoires palestiniens, l'appui accordé au renforcement
d'institutions démocratiques apparaît inséparable de l'aide
économique destinée à forger les bases d'un futur Etat.
Tout mérite d'être fait par ailleurs pour favoriser l'autonomie
économique des territoires : développement des infrastructures
(port et aéroport de Gaza) et des échanges directs entre les
territoires et le reste du monde. Votre délégation se
félicite à cet égard de la signature d'un accord
intérimaire entre l'Union européenne et l'OLP.
La France ne peut être absente d'une scène où se joue la
stabilité d'une région avec laquelle elle a tissé de
longue date des liens historiques et humains d'une rare intensité, et
qu'un proche avenir promet en outre à une intégration plus forte
encore avec les économies européennes.
Pour préserver ou restaurer son influence, notre pays doit s'attacher
à se faire entendre des différentes parties en présence.
Il y a là pour notre diplomatie un défi qui mérite
d'être relevé.
ANNEXE 1 -
PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION EN
ISRAËL
(DU 25 AU 27 NOVEMBRE)
ET DANS LES TERRITOIRES
PALESTINIENS
(DU 28 AU 29 NOVEMBRE)
- Lundi 25 novembre
21 heures : dîner à Jérusalem avec M. Elie Barnavi,
professeur d'université, M. Jean-Noël de Bouillane de Lacoste,
ambassadeur de France en Israël et M. Stanislas de Laboulaye, consul
général de France à Jérusalem.
- Mardi 26 novembre
10 heures : visite de AVX, fabrique de microprocesseurs.
11 heures 30 : entretien avec M. Nissim Zvili, secrétaire
général du parti travailliste.
12 heures 30 : entretien avec M. Dan Tichon, Président de la Knesseth.
13 heures : déjeuner offert par M. Rafael Edry, Président du
groupe d'amitié Israël-France. Participation de MM. Avraham Porat
(Meretz) et Aviner Hai-Shaki (Parti National Religieux).
14 heures 30 : visite de la Knesseth.
15 heures : visite au Yad Vashem.
- Mercredi 27 novembre
10 heures - 11 heures 45 : réunion de travail dirigée par M.
Michael Bavli, Directeur général adjoint au ministère des
Affaires étrangères.
12 heures : entretien avec M. Dan Meridor, Ministre des Finances.
13 heures : déjeuner offert par M. Zvi Tenney, Directeur d'Europe pour
les questions économiques au ministère des Affaires
étrangères.
16 heures : entretien avec M. Benny Zeev Begin, Ministre de la Science et de la
Technologie.
18 heures : entretien avec M. Shimon Pérès, Président du
parti travailliste à Tel-Aviv.
20 heures : dîner offert par M. l'Ambassadeur Jean-Noël de Bouillane
de Lacoste avec des membres du corps diplomatique de l'Union européenne.
- Jeudi 28 novembre
9 heures 30 : entretien avec M. Nabil Shaath, Ministre de la planification et
de la coopération internationale, à l'American Colony, à
Jérusalem.
11 heures : entretien avec M. Yasser Arafat, Président de
l'Autorité palestinienne, à Jéricho.
18 heures : entretien avec MM. Bishara Daoud et Mitri Abou Aita, membres du
Conseil législatif palestinien, à Bethléem.
20 heures : entretien avec M. Bassam Khouri, industriel (médicaments
génériques), et d'autres chefs d'entreprise palestiniens à
Ramallah.
Vendredi 29 novembre
10 heures : entretien avec M. Hassan Tahboub, Ministre des Cultes, à son
domicile, à Jérusalem.
11 heures : entretien avec M. Thierry Béchet, représentant de la
Commission européenne, à Jérusalem.
12 heures : déjeuner à la résidence du Consul
général, à Jérusalem.
ANNEXE 2
COMPTE RENDU
DES ENTRETIENS DE LA
DÉLÉGATION
A. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS ISRAÉLIENNES
1. Entretien avec M. Dan Tichon, président de la Knesset
Revenant sur le déplacement du président de la
République française en Israël, M. Dan Tichon a jugé
qu'il s'agissait d'une bonne visite.
Après s'être étonné que le Président Jacques
Chirac n'ait pas prévu, à l'origine, prononcer un discours devant
la Knesset, M. Dan Tichon a souligné le rôle et l'importance de la
Knesset dans la vie politique israélienne.
Il a ajouté qu'elle constituait la seule instance parlementaire
démocratique au Moyen-Orient. Il a noté à cet égard
que le gouvernement serait obligé de soumettre à la Knesset le
résultat auquel il aboutirait avec les Palestiniens sur Hébron et
que sa responsabilité pouvait être engagée sur ce sujet.
M. Dan Tichon a ensuite présenté l'organisation de la Knesset. Il
a indiqué que l'Assemblée formait une seule Chambre, comprenait
120 membres, 66 députés appartenant à la coalition et 52
à l'opposition, 2 députés fluctuant entre majorité
et opposition. Il a ajouté que l'objectif de passer de 52 à 61
députés constituait la fondement du jeu politique en Israël.
M. Dan Tichon a présenté l'ensemble des partis
représentés à la Knesset :
- au sein de la coalition gouvernementale : le Likoud (23 sièges), le
Guesher (5 sièges), Tsomet (droite nationaliste - 4 sièges), le
Shass (Parti religieux orthodoxe séfarade - 10 sièges), le parti
national religieux (9 sièges), le Parti du Judaïsme unifié
de la Torah (Parti religieux orthodoxe ashkénaze - 4 sièges), le
parti d'Israël par l'Aliya (Parti des immigrants russes 7 sièges),
la Troisième voie (dissidents du Parti travailliste opposés
à la cession du Golan - 4 sièges)
- à l'extrême droite, le Moledet (2 sièges)
- dans l'opposition : le Parti travailliste (34 sièges), le Meretz
(coalition composée du Mouvement pour le droit des citoyens, du Mapam et
du Shinui - 9 sièges), le Hadash (Front démocratique pour la paix
et l'égalité, communiste - 5 sièges), le parti
démocratique arabe (4 sièges).
M. Dan Tichon a souligné que sa préoccupation à court
terme portait sur le comportement des citoyens arabes et leur radicalisation
politique.
Le président de la Knesset a souligné que le Likoud, comme le
parti travailliste, cherchait à mettre en oeuvre le processus de paix
mais sans mettre l'accent sur les mêmes aspects. D'après lui, le
Likoud souhaitait parvenir à la paix en mettant l'accent sur la
sécurité et la prudence observée apparaissait
indispensable pour ne pas commettre d'erreurs qui pourraient être
payées d'un prix très lourd à l'avenir.
Il a souligné que nous entrions maintenant dans une étape
critique de la négociation et s'est étonné que l'on n'y
soit pas parvenu plus tôt. Il a relevé que de nouveaux
délais provoquaient des tensions mais que certaines mesures prises par
l'OLP apparaissaient préoccupantes et méritaient une
réponse.
M. Dan Tichon a relevé que la situation au Proche-Orient, et ses
subtilités, n'étaient pas toujous bien comprises en Europe et en
France.
Il a affirmé cependant son total optimisme sur l'évolution du
processus de paix en soulignant que le Likoud parviendrait à la paix
avec ses propres méthodes et que les accords tiendraient compte de la
sécurité.
Abordant ensuite l'accord d'association entre l'Union européenne et
Israël, M. Dan Tichon a souligné qu'il avait été l'un
de ceux qui avaient participé au débat parlementaire sur la
ratification du précédent accord de 1975. Il a
considéré que si l'accord avait été envisagé
de façon très positive à l'époque, il n'avait pas
permis d'obtenir des résultats très marquants pour le
développement du commerce israélien en Europe. Il s'est
demandé si on avait pris la mesure exacte des raisons pour lesquelles
les résultats n'avaient pas été à la hauteur des
espérances et si ces facteurs avaient été pris en compte
dans le nouvel accord.
Il a regretté pour sa part que l'accord n'aille pas plus loin et ne
prévoit pas un statut de membre associé à l'Union
européenne.
M. Dan Tichon a enfin conclu sur les relations entre Israël et les Etats
de la région en rappelant les espoirs qu'avait soulevés la
Conférence du Caire de 1994.
Il a observé cependant que les accords économiques signés
avec l'Egypte n'avaient pas permis de développer les échanges
après 17 ans de paix. Sans doute, a-t-il remarqué, 60 % des
importations israéliennes d'essence proviennent d'Egypte. De même,
le nombre de touristes israéliens en Egypte progressait, mais toutes ces
relations demeuraient sans réciprocité. Le Président
Anouar al-Sadate avait été le premier et le dernier dirigeant
arabe à se rendre à Jérusalem. Il a relevé qu'il
n'y avait pas de relations sportives et que la dernière rencontre entre
une équipe égyptienne de hand-ball et une équipe
israélienne s'était conclue par des violences.
Il s'est demandé enfin pourquoi le Proche-Orient, qui pourrait tant
gagner à développer ses relations avec Israël n'avait pas su
tirer parti du processus de paix.
2. Entretien avec M. Shimon Pérès, ancien premier ministre, président du parti travailliste
M. Shimon Pérès a tout d'abord indiqué
qu'il ne pouvait y avoir de paix sans concessions.
Il a regretté que M. Netanyahou ait pris plusieurs décisions
(ouverture du tunnel sous l'esplanade des mosquées, renégociation
du redéploiement à Hébron...) qui, sans permettre aucun
gain en termes politiques, ont au contraire placé Israël dans une
position difficile, tant à l'égard des Palestiniens qu'à
l'égard de la communauté internationale.
Après avoir exprimé l'espoir que puisse être trouvée
une solution au problème d'Hébron, M. Shimon Pérès
a insisté sur la difficulté que présenteraient les futurs
thèmes de la discussion, qu'il s'agisse du statut permanent ou de la
négociation avec la Syrie.
Il s'est déclaré convaincu que M. Benyamin Netanyahou souhaitait
obtenir un accord sur Hébron bien que l'absence de confiance mutuelle
constituait, aujourd'hui, un handicap majeur.
M. Shimon Pérès a répondu à M. Maurice Lombard qui
l'interrogeait sur le rôle de l'économie dans le processus de paix
que l'on observait le passage d'un monde ennemi vers un monde de menaces
où l'intégrisme et les armes nucléaires constituaient
aujourd'hui les vrais dangers. Il a souligné qu'on ne pouvait
arrêter l'intégrisme par les armes mais plutôt par
l'amélioration de la situation économique et l'éducation.
A M. Delanoë qui l'interrogeait sur la situation dans les territoires
palestiniens, M. Simon Pérès a précisé que les
aspects politiques et économiques étaient étroitement
liés. Il a souligné la gravité du chômage et
insisté sur la nécessité de développer les
industries à Gaza et en Cisjordanie. Il a précisé en outre
que le gouvernement d'Israël devait favoriser l'ouverture du port de Gaza.
Après que M. Delanoë se soit interrogé sur un
éventuel durcissement de la position de Yasser Arafat, M. Shimon
Pérès a répondu que les deux parties devaient satisfaire
les attentes de leurs opinions respectives. Il a noté que si l'existence
d'un ennemi commun unifiait, la paix changeait la donne et introduisait de
nouvelles contraintes politiques.
S'il était vrai, a observé M. Shimon Pérès, que les
relations d'Israël avec les pays arabes se dégradaient, la
clé du problème au Proche-Orient restait la relation entre
Israël et les Palestiniens. Si le monde arabe aidait les Palestiniens
comme la Diaspora juive soutenait Israël, a-t-il ajouté, une partie
des problèmes économiques des territoires pourrait se trouver
résolue.
M. Shimon Pérès a souligné enfin que l'Union
européenne et les Etats-Unis devaient s'associer pour conduire une
politique concertée.
Il a précisé en effet que si l'OTAN n'avait plus de
véritable objet dans sa sphère géographique actuelle, le
Proche-Orient posait un défi demeuré sans réponse qui
pouvait appeler une réponse atlantique à la fois sur les plans
politique et économique. Il s'est dit persuadé à cet
égard que les Américains commençaient à comprendre
la nécessité d'une présence européenne.
3. Entretien avec M. Dan Meridor, ministre des Finances
M. Dan Meridor a d'abord précisé que la visite
des sénateurs français intervenait à un moment dramatique
dans le processus de paix.
Il a relevé que plusieurs problèmes se posaient avec une
particulière acuité, notamment la question de Jérusalem et
des réfugiés.
Il a ajouté que, dans l'immédiat, l'un des problèmes
importants auxquels il se trouvait confronté était la
réduction du déficit budgétaire. Il avait l'espoir,
cependant, que le projet de budget puisse être adopté avant la fin
de l'année et permette de réduire de façon drastique le
déficit malgré les difficultés que pouvait soulever cet
effort de rigueur au sein même d'une majorité de coalition
composite.
Le ministre des finances a insisté ensuite sur l'importance du volet
économique du processus de paix. Il a admis les conséquences
très difficiles des bouclages des territoires sur l'économie
palestinienne, tout en soulignant que ce dispositif était inspiré
par des raisons de sécurité. Il a souhaité que ces mesures
puissent faire l'objet d'allégements et s'est déclaré
prêt à aller à Ramallah pour rencontrer ses interlocuteurs
palestiniens.
M. Dan Meridor a insisté sur la nécessité de mettre en
oeuvre des zones industrielles communes entre Gaza et Israël, avec
l'assistance de la Banque mondiale. Il a également noté
qu'Israël envisageait une augmentation du nombre de permis de travail pour
les Palestiniens, sous réserve d'une amélioration des relations
entre les deux parties.
Le ministre des finances a déploré que les Palestiniens aient
interrompu le dialogue en septembre et a craint que la situation actuelle ne
conduise au désespoir les masses palestiniennes.
M. Bertrand Delanoë a alors souhaité connaître la position du
gouvernement israélien sur le développement économique des
territoires, en particulier la mise en oeuvre du chantier du port de Gaza, la
délivrance des autorisations nécessaires concernant
l'aéroport de Gaza et l'ensemble des décisions permettant la
libre circulation des productions palestiniennes.
M. Dan Meridor a précisé qu'il n'avait pas d'opposition de
principe sur ces différents points. Il a relevé que les dossiers
du port, comme de l'aéroport de Gaza, étaient
réglés mais que les conditions de sécurité,
s'agissant notamment de l'aéroport, ainsi que les problèmes
douaniers, devaient être réglés dans l'esprit des accords
signés. Il a souligné que le dialogue devait être
relancé de façon impérative.
M. Maurice Lombard a proposé que la délégation
sénatoriale se fasse l'écho de cette offre de dialogue
auprès de ses interlocuteurs palestiniens.
Evoquant les relations entre Israël et l'Europe, M. Dan Meridor a d'abord
noté que l'Etat hébreu avait entretenu des relations
privilégiées avec la France jusqu'en 1967 et qu'il s'était
tourné ensuite vers les Etats-Unis mais que de nouveaux changements
s'étaient produits dans les dernières années.
Il a souligné la proximité non seulement géographique,
mais culturelle de l'Europe et signalé sa préoccupation à
l'égard de l'américanisation de la culture israélienne.
Il a considéré que l'Europe avait des intérêts au
Proche-Orient, même si Israël n'avait pas toujours été
satisfaite des positions prises par l'Union européenne. Il a
relevé qu'il appartenait aux Israéliens et aux Palestiniens de
trouver, par un dialogue direct, une solution à leurs problèmes,
et noté à cet égard que les avancées du processus
de paix avaient reposé sur une relation à laquelle ne pouvait se
substituer aucune médiation.
Toutefois il a ajouté que les pays arabes hostiles à la paix
pouvaient, et devaient être sensibilisés aux intérêts
d'Israël par l'Union européenne.
M. Dan Meridor a souligné qu'il importait de développer les
relations économiques avec la France en regrettant que les hommes
d'affaires entre les deux pays ne se connaissent pas assez encore.
Il a indiqué que l'immigration russe avait constitué le plus
important défi auquel la société israélienne avait
été confrontée depuis dix ans, mais que cet apport humain
avait également illustré la raison d'être de l'Etat juif.
M. Dan Meridor a conclu en insistant sur la bonne volonté d'Israël
et sur l'importance de la prise de risques consentie afin d'obtenir la paix et
la stabilité.
La réalité n'avait pas toujours été à la
mesure des espoirs, a-t-il reconnu en citant la montée de
l'intégrisme islamiste et du nationalisme arabe.
Il a regretté à cet égard que le Président Hafez
el-Assad n'ait donné aucun signe d'ouverture malgré les offres de
négociation israéliennes.
4. Entretien avec M. Benni Zeev Begin, ministre de la science et de la technologie
M. Begin a d'abord souligné devant la
délégation les succès accomplis par Israël dans le
domaine scientifique, malgré un contexte difficile de terrorisme et de
conflits (les scientifiques ne peuvent commencer leurs études
qu'à l'âge de 21 ans après avoir accompli leurs obligations
nationales, et sont tenus ensuite de servir dans la réserve à
intervalles réguliers) : création d'une université
hébraïque, importance des publications scientifiques (qui ont
progressé de près de 30 % en cinq ans), mise au point de
satellites spatiaux ...
M. Begin a observé que dans le domaine scientifique, Israël et
les pays européens avaient noué de longue date un partenariat
privilégié. Il a rappelé qu'Israël avait
apporté une contribution financière importante pour pouvoir
participer au quatrième programme-cadre de recherche et de
développement (" 4ème PCRD ") de l'Union
européenne.
A M. Maurice Lombard qui l'interrogeait sur la part respective de l'Etat, de
l'Université et des entreprises dans le financement de la recherche, M.
Begin a relevé que le secteur privé prenait en charge moins de 40
% des dépenses de recherche, à la différence de la
situation européenne où la part de l'industrie dans le
financement de la recherche-développement dépassait 50 %. La
recherche fondamentale, a-t-il ajouté, relevait quasi exclusivement de
l'Etat, tandis que les universités décidaient, selon leurs
propres priorités, de l'allocation de leur budget de recherche.
M. Begin a précisé, à l'intention de M. Bertrand
Delanoë, que le gouvernement israélien, s'il tenait à
préserver la liberté scientifique des savants, avait choisi
cependant de fixer plusieurs domaines privilégiés qu'il soutenait
en priorité (l'informatique, l'électronique, la biotechnologie et
les matériaux avancés). Il a relevé, s'agissant des
relations franco-israéliennes, que des programmes communs ainsi que des
échanges de chercheurs avaient pu être organisés dans le
cadre de l'Association franco-israélienne pour la recherche scientifique
et technologique (AFIRST). Il a souhaité que la coopération entre
nos deux pays puisse servir à Israël de "tremplin" pour une
association avec d'autres pays européens. Les relations les plus
anciennes, a-t-il ajouté, avaient été tissées avec
l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
M. Begin, en conclusion, a rappelé l'intensité des relations
israélo-françaises jusqu'en 1967. Il s'est réjoui que les
Européens attachent une importance désormais déterminante
au partenariat scientifique noué avec Israël et souhaité que
cette coopération puisse échapper aux controverses politiques.
5. Entretien avec M. Nissim Zvili, secrétaire général du parti travailliste israélien
Evoquant en premier lieu les retards dans la mise en oeuvre
du
processus de paix, M. Nissim Zvili a d'abord souligné que la situation
commençait à devenir dangereuse et qu'elle plaçait, en
particulier, M. Arafat dans une position délicate vis-à-vis des
Palestiniens.
En l'absence de résultats préalables obtenus par la
négociation, une rencontre entre M. Netanyahou et le président de
l'Autorité palestinienne ne lui paraissait pas souhaitable pour ne pas
courir le risque d'afficher un échec.
Le secrétaire général du Parti travailliste a fait part de
son optimisme sur deux des prochaines étapes du processus de paix : le
redéploiement militaire israélien dont l'ampleur restait à
négocier, et l'ouverture de discussions sur le statut permanent. Il a
souligné que les implantations, constituaient en revanche, à
l'heure actuelle, un problème très difficile. Il a observé
que, dans l'esprit de M. Netanyahou, le statut permanent des territoires
palestiniens ne se distinguait pas de l'autonomie déjà
accordée et il a souhaité que la droite évolue en faveur
d'une véritable séparation entre Israël et les territoires
palestiniens.
Revenant sur la fermeture des territoires, M. Zvili a précisé que
cette politique visait à rassurer la population israélienne mais
qu'elle ne saurait être, ni pour la droite ni pour la gauche, une
solution. Il a relevé que la main-d'oeuvre palestinienne employée
en Israël constituait une ressource de grande qualité et que le
recours aux travailleurs immigrés pourrait soulever, à terme, des
problèmes pour l'Etat hébreu.
M. Zvili a souligné l'importance qu'il convenait d'accorder à
l'aide au développement économique des territoires palestiniens.
Il a insisté en particulier sur le dynamisme et la qualité des
chefs d'entreprise palestiniens. La construction d'un port à Gaza
pouvait cependant, d'après lui, fournir aux Palestiniens la tentation
d'accroître leur capacité militaire. Il ne répondait pas,
en outre, à un réel besoin économique dans la
région, même s'il satisfaisait à l'aspiration d'une
autonomie économique.
Evoquant une rencontre entre des délégations de la Knesset et du
conseil législatif palestinien, M. Zvili a précisé que la
classe politique de son pays commençait à s'habituer à la
nouvelle donne introduite par le processus de paix. De son point de vue, les
avancées du processus de paix n'apparaissaient pas irréversibles.
Toutefois, si le gouvernement actuel d'Israël s'engageait
réellement en faveur du processus de paix, le Parti travailliste serait
prêt à le soutenir. M. Zvili a rappelé à cet
égard le précédent constitué par le soutien
apporté par les travaillistes au gouvernement, minoritaire, de M. Begin
en 1978. En revanche, tout recul du gouvernement sur le processus en cours
entraînerait l'opposition du Parti travailliste.
M. Zvili a souligné qu'une crise serait inévitable si le
gouvernement devait continuer à baser son action sur son
idéologie ou sa plate-forme politique. La négociation supposait
un accord politique avec les Palestiniens et le Likoud devrait prendre une plus
juste mesure des marges de manoeuvre don il disposait vis-à-vis des
Palestiniens.
Abordant ensuite la situation du Parti travailliste, M. Zvili, a relevé
que si le Parti travailliste parvenait à unifier les différentes
sensibilités politiques qui le composaient et réussissait
à proposer une réelle alternative, il pouvait espérer
revenir au pouvoir dans un délai rapide
M. Zvili a précisé la position de M. Shimon Pérès
en indiquant que le président du Parti travailliste pensait parvenir,
dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale, à former une
majorité en faveur du processus de paix. M. Zvili a noté que,
pour sa part, il ne croyait pas à cette formule : la marge de manoeuvre
laissée à M. Pérès serait nécessairement
plus étroite que celle dont il disposait avec M. Rabin. D'après
lui, les travaillistes seraient obligés de quitter le gouvernement
d'Union nationale quelques mois après sa formation.
M. Zvili a relevé que M. Barak représentait, au sein du Parti
travailliste, la tendance d'Itzhak Rabin et qu'il se situait plutôt
" à droite " vis-à-vis du processus de paix. Les
travaillistes demeuraient toutefois pragmatiques : l'évolution du parti
sur la formation, désormais admise, d'un Etat palestinien ainsi que son
évolution sur le plateau du Golan en témoignait. M. Barak pouvait
également évoluer, tout en donnant peut-être plus de poids
aux éléments de sécurité.
M. Zvili a ensuite évoqué l'impact du voyage du Président
de la République française en Israël, en soulignant que les
déclarations de M. Chirac ne permettaient pas de penser qu'il
observait une position de neutralité dans le processus de paix. Il a
regretté cette situation en faisant valoir que la France pouvait jouer
un rôle très utile dans la région, notamment
vis-à-vis de l'Irak, de la Syrie et du Liban. Il s'est
référé à la position des Etats-Unis soucieux, avant
tout, de soutenir les positions acceptées par les parties
israéliennes et palestiniennes. Il a précisé que l'Europe
avait un rôle important à jouer en faveur du développement
économique des territoires palestiniens. Il a relevé que les pays
arabes avaient implicitement décidé de geler les relations
économiques avec Israël tant qu'aucune avancée n'avait
été enregistrée sur le processus de paix. Les Etats
arabes, a-t-il rappelé, ont toujours établi un lien entre la
sphère économique et politique, même si les
Israéliens récusent cette relation.
Il a relevé, pour conclure, que dans la vie politique israélienne
et notamment les élections, les facteurs économiques jouaient un
rôle beaucoup moins important que les enjeux liés à la
sécurité et à la paix.
B. ENTRETIEN DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS PALESTINIENNES
1. Entretien avec M. Yasser Arafat, président de l'Autorité palestinienne
M. Yasser Arafat a d'abord indiqué à M. Maurice
Lombard, qui l'interrogeait sur les perspectives du processus de paix, que le
gouvernement israélien demeurait prisonnier de son programme
électoral. Il a regretté qu'Israël récuse une
intervention internationale, et notamment européenne. Il a
observé que les propos d'ouverture tenus par M. Netanyahou à ses
différents interlocuteurs, MM. Chirac, Moubarak, le roi Hussein de
Jordanie, n'avaient pas été suivis d'effet.
M. Yasser Arafat a relevé que l'Europe, premier partenaire
économique d'Israël, n'utilisait pas la carte économique
pour influencer les Israéliens. Il a souligné à cet
égard que si l'Etat israélien n'avait aucun doute sur la
reconduction des différents accords qui le liaient à l'Europe, il
n'avait aucune raison de prendre en considération les positions
politiques européennes.
A M. Delanoë, qui souhaitait savoir si la solution ne passait pas par la
signature d'accords bilatéraux avec les représentants
palestiniens, comparables à ceux conclus avec Israël, M. Yasser
Arafat a relevé que, pour l'heure, seul un accord intérimaire
était envisagé entre l'Union européenne et les territoires
palestiniens. Il a ajouté que les exportations palestiniennes
demeuraient subordonnées à un passage par les territoires
israéliens ou égyptiens tant que le port de Gaza restait à
l'état de projet faute des autorisations israéliennes
nécessaires. M. Yasser Arafat a précisé que les fleurs
cultivées sur les territoires finissaient en pâture pour les
animaux parce qu'elles ne pouvaient être exportées. Il a
noté que l'économie palestinienne perdait de la sorte plusieurs
millions de dollars par jour, au risque de susciter une explosion sociale dans
les territoires. Il a observé que le calme et la patience auxquels il
appelait les populations rencontreraient bientôt leurs limites.
Le président de l'Autorité palestinienne a indiqué
à M. Maurice Lombard, qui l'interrogeait sur la position des Etats-Unis,
que le président démocrate confronté à un
Congrès dominé par les Républicains, pouvait rencontrer
certaines difficultés à arrêter la position
américaine au Proche-Orient.
M. Bertrand Delanoë a noté qu'une intensification de la
coopération entre l'Union européenne et les territoires
palestiniens pouvait conforter la place de ces derniers dans la région.
M. Yasser Arafat a observé que la Palestine figurait parmi les membres
de plein droit de la Ligue arabe et de la Conférence islamique. Il a
rappelé que le processus de paix avait favorisé la position
diplomatique d'Israël à travers le monde, de la Chine au
Sénégal.
Après que M. Lombard lui ait fait part du souhait manifesté
devant la délégation par M. Dan Meridor, ministre des finances
israélien, de renouer le contact avec la partie palestinienne, le
président de l'Autorité palestinienne a souligné que
beaucoup de rencontres avaient déjà eu lieu sans résultat.
Il a relevé que les difficultés économiques constituaient
un terreau favorable pour le développement de tous les fanatismes, et
rappelé les propos de Henry Kissinger, selon lesquels il ne pouvait y
avoir de paix pour le peuple israélien sans que la paix ait
été faite avec les Palestiniens.
M. Yasser Arafat a précisé, à l'intention de M. Bertrand
Delanoë, qu'Israël souhaitait s'écarter des engagements
contenus dans l'accord initial signé sous le co-parrainage des
Etats-Unis et de la Russie, en présence de M. Felipe Gonzales,
représentant de l'Union européenne, et approuvé par la
Knesset. D'après le président de l'Autorité palestinienne,
cette position s'expliquait par la volonté du gouvernement
israélien de surenchérir sur les concessions déjà
accordées par les Palestiniens. M. Yasser Arafat a cité à
cet égard les positions défendues par Israël dans les
négociations sur Hébron. Les Palestiniens devaient-ils demeurer
désarmés dans le cadre de patrouilles conjointes avec les
Israéliens, s'est interrogé M. Yasser Arafat en affirmant qu'il
voulait éviter les risques d'une humiliation pour les forces
palestiniennes.
2. Entretien avec M. Nabil Shaath, ministre de la planification et de la coopération internationale
M. Nabil Shaath s'est d'abord félicité des
progrès remarquables des négociations pour la signature d'un
accord d'association intérimaire entre l'Union européenne et
l'OLP. Il a relevé que l'Europe, et la France en particulier,
constituait le meilleur soutien des Palestiniens dans le processus de paix. Il
a souligné que la visite du président Chirac avait tout à
la fois soulevé des espérances et suscité la patience
nécessaire pour poursuivre dans les voies de la paix.
M. Nabil Shaath a craint que l'accord sur Hébron, lorsqu'il sera
signé, demeure sans lendemain. Il a ajouté que M. Arafat avait
rencontré des colons juifs installés à Hébron, et
qu'il s'apprêtait à recevoir des membres du Likoud,
témoignant ainsi d'une volonté d'ouverture vers la paix,
d'ailleurs partagée par les Israéliens.
M. Nabil Shaath a toutefois souligné l'importance des blocages qui
demeuraient. Il a attiré l'attention sur l'aéroport de Gaza qui
attend les autorisations nécessaires pour fonctionner et le port, pour
lequel les financements sont déjà trouvés mais qui demeure
à l'état de projet, faute d'un aval israélien.
M. Nabil Shaath a relevé que les positions européennes
présentaient des nuances : l'Allemagne et, dans une moindre mesure, les
Pays-Bas, paraissent les plus réticents à exercer une pression
sur Israël. Le Royaume-Uni, comme l'a d'ailleurs laissé entendre
son ministre des affaires étrangères, M. Malcolm Rifkind, lors
d'une récente visite en Israël et dans les territoires
palestiniens, a exprimé sa réprobation sur la politique de
développement des colonies et évoqué la perspective d'un
Etat palestinien. Ainsi les Britanniques se rapprochaient des positions
françaises, tout en marquant leur souci de ne pas se trouver en
opposition avec les Etats-Unis.
3. Entretien avec M. Hassan Tahboub, ministre des cultes
Après avoir rappelé que la présence des
Palestiniens à Jérusalem pouvait se prévaloir de
près de 5 000 ans d'ancienneté, M. Hassan Tahboub a
rappelé la dimension religieuse que revêtait Jérusalem pour
les musulmans. Il a souhaité que Jérusalem puisse être une
ville ouverte et que les Palestiniens puissent exercer la souveraineté
sur la partie de la ville qui leur revient, même s'il ne doit pas y avoir
de séparation entre la ville juive et la ville arabe.
M. Hassan Tahboub a précisé qu'il était le seul ministre
de l'Autorité palestinienne à résider à
Jérusalem et qu'il se voyait à ce titre dénier toute
reconnaissance de la part d'Israël, qui toutefois ne prendrait pas le
risque d'une expulsion.
Le ministre des cultes a souligné que l'accès aux lieux saints
était rendu extrêmement difficile par la fermeture des
territoires, et que seuls les résidents à Jérusalem
pouvaient accéder librement aux lieux de culte, sous réserve
toutefois des mesures de sécurité prises par les autorités
israéliennes. Il a précisé à cet égard que
les doubles nationaux pouvaient être contraints de choisir entre
l'accès à Jérusalem et la remise de leur passeport aux
autorités israéliennes.
M. Hassan Tahboub a indiqué que Jérusalem, selon lui, ne devait
pas être divisée même si elle devenait la capitale de deux
Etats. La cohabitation entre populations demeurait possible dans une ville qui
pourrait être régie sous un régime inspiré par un
statut de " copropriété ".
Le ministre des cultes a évoqué les difficultés de la vie
quotidienne des Palestiniens et le besoin d'un soutien européen et en
particulier d'une aide de la France -notre pays demeurant, d'après lui,
le meilleur défenseur des intérêts palestiniens. Il a
rappelé, pour conclure, que les Palestiniens nourrissaient trois
aspirations fondamentales : vivre en paix, en justice, et en tant que nation.
Il a souhaité enfin que les partenaires d'Israël puissent appeler
l'Etat hébreu au seul respect de ses engagements.
1
B. Kodmani-Darwish et D. Moïsi,
Arabes et Israéliens : la paix avant la réconciliation, in
Politique étrangère, hiver 93/94.
2
Le Conseil de coopération du Golfe regroupe l'Arabie
saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweit, Oman et Qatar.
3
Jusqu'à la première guerre mondiale, le
français constituait dans la Palestine mandataire la première
langue d'enseignement au sein des écoles juives.