1.3 Des effluents encadrés par deux arrêtés du 21 novembre 1978

1.3.1 Le texte...

Les arrêtés définissant les limites applicables aux effluents liquides et gazeux du CEN-Saclay ainsi que leurs modalités de rejet et le contrôle de l'environnement ont été publiés au Journal officiel du 27 décembre 1978, régularisant ainsi une situation de fait puisque le centre fonctionnait déjà depuis plusieurs lustres.

La rédaction des arrêtés de rejet est classique : obligation de pratiquer des analyses préalables avant chaque rejet liquide, obligation de disposer de cuves et réservoirs d'entreposage pour chaque installation susceptible de produire des effluents, description du circuit autorisé pour les effluents, définition minimale des contrôles, indications de procédure sur la surveillance de l'environnement, intervention du laboratoire d'analyses tenue des registres de contrôle... Les rejets liquides comme gazeux doivent être répartis dans le temps de manière à ce que les activités rejetées au cours d'un mois ne dépassent pas un sixième des limites annuelles correspondantes.

Limites annuelles de rejet pour le CEN Saclay

Effluents liquides

Tritium 7 400 GBq

Radioéléments autres que tritium 37 GBq

Radioéléments émetteurs á 0,74 GBq

Effluents gazeux

Gaz autres que tritium 740 000 GBq

Tritium 555 000 GBq

Aérosols 37 GBq

Halogènes 18,5 GBq

" Ces limites ne représentent qu'un maximum en deçà duquel il y a lieu de maintenir l'activité rejetée toujours aussi basse que possible."

1.3.2... et l'explication de texte

Suite à ma visite sur le centre et à l'examen des arrêtés de rejet, je me suis interrogé sur quelques points à propos desquels j'ai demandé des précisions à R. MASSE, président de l'OPRI.

En matière de rejets liquides, j'ai souhaité savoir si le fait que les effluents du centre soient dirigés vers les étangs de Saclay avait eu une influence sur les prescriptions imposées par le SCPRI, rédacteur de l'arrêté correspondant. Mes hôtes de Saclay m'avaient en effet indiqué que les normes de rejets étaient très strictes pour le centre car ceux-ci s'effectuaient dans un « milieu fermé » et non une rivière ou la mer. Je m'étais laissé dire également que, à la création du centre, les concepteurs auraient souhaité tirer une canalisation jusqu'à la Seine. Ni le SCPRI ni l'IPSN n'ont considéré les étangs de Saclay comme un milieu clos mais comme un réservoir tampon s'écoulant vers la Bièvre par les rus de Saint Marc et, surtout, par celui de Vauhallan. Le volume annuel passant par ces exutoires est comparable à celui des rejets pratiqués par le centre. Le critère retenu pour déterminer les normes a donc été, comme pour les eaux non closes, défini par rapport à la « concentration maximale admissible » de l'époque, compte tenu de la dilution offerte par les étangs. L'objectif sanitaire était que, dans tous les cas, les eaux des étangs puissent être considérées comme potables du point de vue de la radioactivité.

J'ai également souhaité savoir pourquoi le mode de calcul des activités rejetées n'était pas explicité dans les arrêtés. On sait effectivement que les résultats des mesures en á total, â total ou par la somme des mesures ã des radioéléments pertinents sont souvent différents. R. MASSE reconnaît que le texte est peu explicite. "Il se prête donc à l'interprétation la plus rigoureuse : le nombre total de désintégrations par seconde doit être considéré, quel que soit le mode de retour à l'équilibre du noyau [atomique]. Dans les conditions de Saclay, une mesure / ? total approche d'assez près la mesure de l'activité totale. En pratique, il faut voir qu'outre les arguments sanitaires, le texte a été élaboré en tenant largement compte du retour d'expérience ; Saclay fonctionnait avant les arrêtés depuis fort longtemps ; une pratique validée par l'expérience (ce qui en établit la pertinence) et ne posant pas de problème sanitaire a donc été retenue dans le [texte] réglementaire. Pour ses propres besoins d'optimisation, l'exploitant suit depuis 1979 un certain nombre d'indicateurs â et ã, témoins des sources naturelles et artificielles usuelles attendues sur le site. "

Je me suis interrogé sur l'absence de limite d'activité volumique pour les radioémetteurs a, alors que les limites annuelles les distinguent des autres. R. MASSE considère aujourd'hui qu'il "aurait été préférable de fixer une limite d'activité volumique pour les émetteurs á ; néanmoins on se serait heurté à l'époque à un problème de seuil de détection qui aurait ôté toute signification pratique à la décision. De fait, les mesures d'activité volumique á qui ont été pratiquées régulièrement depuis 1979 par l'exploitant, au titre de la procédure ALARA, n'ont jamais atteint le seuil de détection."

En matière de rejets gazeux, je me suis étonné de la valeur plutôt élevée accordée par les autorités pour les "gaz autres que tritium" (740 TBq), surtout en comparaison avec le chiffre indiqué pour les rejets tritium (555 TBq) voire à l'autorisation accordée aux centrales nucléaires pour les gaz rares (une tranche de 900 MW est autorisée à rejeter 575 TBq). Il s'avère que les rejets gazeux autres que tritium sont essentiellement des gaz rares (en particulier l'argon 41) du gaz carbonique marqué au carbone 14, des produits à vie courte comme l'oxygène 15 et l'azote 13, des vapeurs métalliques ou métalloïdiques (mercure, arsenic, sélénium, iode...). "Les autorisations de rejets ont été définies en fonction des contraintes sanitaires et de l'existant au moment de l'étude : les valeurs choisies étaient en général inférieures aux rejets réels de l'époque (surtout dûs à l'argon 41 [du réacteur] EL3."

Sur la possibilité de procéder à des rejets gazeux en continu, je me suis également étonné de ce qu'une telle pratique est accordée à Saclay alors qu'elle est rigoureusement interdite pour les centrales nucléaires. R. MASSE pense que cette particularité provient peut-être du fait que les réacteurs d'étude et de recherche ont des contraintes différentes ^ des réacteurs de puissance, notamment vis-à-vis de leurs modalités de refroidissement. Là encore on ne peut exclure la volonté de ne pas remettre en cause une situation de fait déjà bien établie et qui a été estimée sans conséquence sur le plan sanitaire. En revanche, pour les réacteurs de puissance, il est possible que les autorités sanitaires aient voulu à l'époque du lancement du programme nucléaire français « prendre leurs marques » vis-à-vis de l'exploitant et éviter de laisser la porte ouverte à une pratique moins stricte que l'obligation de rejets discontinus. Mais ce ne sont là que des suppositions personnelles.

J'ai demandé pourquoi l'activité de l'iode 131 devait être mesurée spécialement (157 ( * )) et "dans tous les cas." R. MASSE m'a indiqué ne pas avoir trouvé de traces justifiant cette rédaction. La logique lui paraît être cependant : "l'iode est très efficacement arrêté par les filtres donc il doit être mesuré dans tous les cas : en tant qu' `indicateur de qualité du dispositif en fonctionnement normal, en tant qu'indicateur de risque en cas d'accident."

* 157 "Les rejets gazeux continus font au moins l'objet [...] pour les halogènes, d'un prélèvement continu sur adsorbants spécifiques, avec mesure de l'activité ã totale, de l'activité des radioéléments significatifs ainsi que dans tous les cas, de celle de l'iode 131" (arrêté « rejets gazeux », art. 4 )

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