4. L'inconnue des négociations commerciales internationales
L'extension de la PAC pourrait peut-être susciter, pour la Communauté en voie d'élargissement, plus de difficultés externes qu'internes.
Deux contraintes doivent en effet être prise en compte :
- l'extension de la PAC aboutira à des conséquences incompatibles avec les engagements pris dans le cadre des accords de Marrakech, non seulement par la Communauté (en termes de soutien global), mais aussi par les pays candidats. Ces derniers n'ont pas négocié de manière satisfaisante leurs droits commerciaux, en n'intégrant pas véritablement à leurs démarches la perspective de leurs adhésions ; ils disposent donc de droits très limités et, au surplus, déclarés dans des monnaies nationales qui ont tendance à se déprécier fortement.
- les partenaires commerciaux de la Communauté seront fondés à demander à celle-ci des compensations à l'élargissement sur la base de l'article XXIV-6 du GATT (qui reste valide dans le cadre de l'OMC). Une situation paradoxale est en train de se créer à cet égard dans certains secteurs, dans la mesure où. en l'absence de restitutions à l'exportation vers les PAECO dans ces secteurs, les opérateurs européens et notamment français ont tendance à négliger ces marchés, permettant aux opérateurs américains d'y pénétrer et de se constituer ainsi des références qui justifieront, le moment venu, des demandes de compensation.
Compte tenu de la date probable des premières adhésions, le problème se posera cependant moins en termes de compatibilité de l'extension de la PAC avec les accords de Marrakech et les règles du GATT qu'en termes généraux de compatibilité de la PAC avec une libéralisation accrue du commerce agricole international. La perspective de l'élargissement risque d'être le prétexte de nouvelles offensives contre la PAC, analogues à celles qui furent menées au début des années 1990, lors de la phase finale du cycle de l'Uruguay. Malgré l'intérêt politique qui s'attache, pour l'ensemble du monde occidental, au succès du processus d'élargissement, on ne peut s'attendre à une attitude complaisante de la part des Etats-Unis.
Les négociations dans ce domaine reprendront en effet en 1999, conformément à la « clause de rendez-vous » des accords de Marrakech, afin de « poursuivre l'objectif à long terme de réductions progressives et substantielles du soutien et de la protection » ; par ailleurs, la « clause de paix » inscrite dans les mêmes accords viendra à échéance en 2003. Les négociations d'élargissement auront donc pour toile de fond des négociations commerciales internationales dont elles seront par certains aspects un élément. Compte tenu de la tendance de certains États membres à donner inconditionnellement priorité au développement des échanges internationaux par rapport à la consolidation de l'Union élargie, cette situation réclamera de la part du Gouvernement la plus grande vigilance. Il convient d'espérer, à cet égard, une plus grande convergence entre la France et une Allemagne dont l'unification a sensiblement modifié les données agricoles.
Dans cette perspective, votre rapporteur approuve le principe suggéré par la Commission européenne, dans le « document de stratégie » précité, d'un « approfondissement » de la réforme de 1992. Développer, enrichir la réforme de 1992 n'est pas renier les objectifs fondamentaux de la PAC : approvisionner les consommateurs européens, contribuer à l'aménagement du territoire, être présent sur les marchés mondiaux ; c'est au contraire les poursuivre sous une forme adaptée aux évolutions du contexte européen et international. Sous cet angle, la question pourra se poser d'une éventuelle nouvelle baisse des prix institutionnels des céréales ; un assouplissement du système de prix du lait pourrait également être étudié.
Un approfondissement de la réforme pourrait au demeurant faciliter l'intégration des PAECO, à la condition de veiller, dans le cadre de la préparation à l'adhésion, à ce qu'ils prennent, dès maintenant, des orientations compatibles avec les buts poursuivis. La mise en place d'une régulation de l'offre laitière, particulièrement dans le cas de la Pologne, devrait constituer une démarche préalable à l'intégration ; de même, la recapitalisation du cheptel bovin devrait s'inscrire dans le cadre des équilibres généraux de la PAC, compte tenu des contraintes internationales.
En tout état de cause, il est difficile de ne pas se rallier à la conclusion du « volet agricole » de l'étude de l'OFCE : en définitive, les perspectives de réforme de la PAC « ne seront que très modérément influencées » par l'adhésion des PAECO considérée en elle-même (voir annexe, p. 67).