2. Un coût à prendre en charge
Les missions de service public de La Poste ont un coût qui doit être pris en compte dans la perspective d'une libéralisation partielle. Actuellement, les contraintes de desserte de l'ensemble du territoire et de la participation à l'aménagement du territoire donnent lieu à une contrepartie forfaitisée de la part de l'État, sous la forme d'un abattement de 85 % sur les bases d'imposition de la taxe professionnelle et des taxes foncières sur les locaux professionnels. Cette contrepartie représente une somme d'1,2 milliard de francs. C'est le dernier avantage fiscal dont bénéficie La Poste. Auparavant, elle bénéficiait également d'un taux dérogatoire de 4,25 % pour la taxe sur les salaires. À ce taux unique est venu se substituer le barème progressif de droit commun fiscal à partir du 31 août 1994. Dans ces conditions, le taux moyen de la taxe sur les salaires atteint désormais pour La Poste 9,20 %.
L'abattement sur la taxe professionnelle est aujourd'hui loin de compenser la charge de desserte de l'ensemble du territoire, qui s'élèverait à 3 milliards de francs environ. Ainsi, près de deux milliards restent à la charge de La Poste. En outre, le coût des facilités financières accordées aux organismes sociaux et aux particuliers les plus démunis, à des conditions très favorables, est estimé à 1,8 milliard de francs et ne fait pas l'objet d'une compensation.
La commission des Affaires économiques et du Plan du Sénat, dans l'avis qu'elle a récemment présenté sur le projet de loi de finances pour 1996, s'est inquiétée de cette situation : « à ne pas compenser le coût de ces tâches dans un environnement qui tend à devenir de plus en plus concurrentiel, l'État ne prend-il pas le risque de ne laisser à La Poste qu `une seule alternative : le déficit permanent -et les cruelles révisions qu il finira par imposer- ou l'ajustement continu de ses effectifs à la baisse » ( ( * )4).
À cet égard, il convient également d'évoquer le coût du transport de la presse, qui fait également partie des missions de service public. Les charges relatives au transport de la presse sont réparties entre la presse, l'État et La Poste. La Poste reçoit donc de la part de l'État une contrepartie pour faire face à une partie du coût de cette obligation. Dans le contrat de plan pour 1995-1997 cette aide a été fixée à 1,9 milliard de francs par an. En pratique, il faut souligner que, du fait de l'augmentation du coût du transport de la presse, la part de l'État dans le financement tend à diminuer au détriment de La Poste.
Enfin, il faut noter que le versement des pensions de retraite représente pour La Poste une charge annuelle qui dépassera probablement 12 milliards de francs en 1995, à laquelle il convient d'ajouter une somme de 2 milliards au titre de la compensation et de la surcompensation démographiques (La poste apporte une contribution au financement d'autres régimes de retraite).
La question du maintien des missions de service public de La Poste est aujourd'hui posée ; celles-ci ne peuvent être exercées que si elles font l'objet d'une juste compensation de la part de l'État. L'article 29 de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement du territoire a prévu que les conditions dans lesquelles l'État impose aux établissements, organismes et entreprises publics leurs charges résultant des objectifs d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers doivent être précisées dans les contrats de plan ou de service public des organismes concernés.
Par ailleurs, l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 prévoit que le Gouvernement devra déposer un rapport au Parlement avant le 31 décembre 1996 « retraçant les contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent à La Poste et les charges qui en résultent pour cet exploitant ». La présentation de ce rapport pourrait être l'occasion d'un débat sur les conditions dans lesquelles La Poste assume ses missions de service public et sur les moyens de garantir la pérennité de ces missions.
Cependant, il faut prendre conscience qu'il existe un lien étroit entre la réalisation du marché intérieur européen et le maintien de missions de service public étendues. Pour préserver l'équilibre financier de La Poste, il est indispensable de prévoir qu'un nombre suffisant de services lui soient réservés ; c'est la condition indispensable du maintien de la présence postale sur tout le territoire. C'est l'attachement à toutes les missions que je viens d'évoquer qui justifie le refus de la France d'une libéralisation trop poussée et non une quelconque crispation sur des monopoles corporatistes comme on le dit parfois.
* (4) Avis présenté au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur le projet de loi de finances pour 1996, Tome XXI, Technologies de l'information et Poste, M. Pierre HERISSSOS, 21 novembre 1995, n° 79.