PREMIÈRE PARTIE
LA NÉCESSITÉ DE RECOURIR À L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE POUR TRAITER DES DONNÉES TERRITORIALES MASSIVES

L'IA s'est imposée dans le débat public comme un axe de transformation majeure des activités économiques et bien au-delà. La révolution de l'IA pourrait marquer une troisième étape de la numérisation des territoires, après celle de l'apparition des ordinateurs (1ère étape) puis celle du développement d'Internet et des communications numériques (2ème étape).

En effet, l'IA offre une solution technologique pour répondre à l'explosion des données numériques. Elle permet d'accélérer leur traitement, voire tout simplement de le rendre possible, dès lors que les volumes à traiter dépassent les capacités traditionnelles dont nous disposons. Nous assistons aujourd'hui à un foisonnement d'initiatives et d'expérimentations d'applications de l'IA sur les territoires, menées par des acteurs extrêmement variés, pas seulement les collectivités territoriales.

I. LES TERRITOIRES, TERREAU FERTILE DES DONNÉES NUMÉRIQUES

A. LES DONNÉES SONT PARTOUT SUR LE TERRITOIRE

L'explosion des données numériques est un fait récent lié à la numérisation de la quasi-totalité des processus administratifs ou techniques mais aussi de l'ensemble des aspects de la vie quotidienne. Une note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de janvier 2023 donnait déjà une idée de l'ampleur du phénomène : à l'échelle mondiale, on produisait 2 zettaoctets (ZB) de données par an en 2016 et on devrait en être à 181 en 20251(*).

Beaucoup de ces données sont produites automatiquement, sans que l'on s'en aperçoive, à travers des objets connectés, notamment nos smartphones. Reliés en permanence à Internet, ils sont de véritables traceurs des déplacements de leurs propriétaires. Le développement d'une large palette d'objets connectés embarqués dans toute une série d'équipements enrichit sans cesse la production de données numériques géolocalisées.

Le territoire est ainsi de plus en plus « mis en données » pour être décrit, analysé sous différentes facettes à différentes échelles, l'échelle administrative de la commune étant le niveau de description le plus courant, même s'il existe des échelles plus fines.

La numérisation du territoire en tant que tel a par ailleurs fait d'immenses progrès. L'époque des cartes sous format papier en deux dimensions est désormais révolue. L'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est par exemple capable de fournir une cartographie extrêmement précise de l'ensemble du territoire national en trois dimensions, en combinant de multiples techniques, de la photo satellite à la détection par laser (Lidar).

Enfin, les données sont non seulement géolocalisées mais s'intègrent désormais dans une temporalité de l'immédiateté. Elles sont produites en temps réel pour permettre aux utilisateurs de ces données de disposer d'une connaissance sans délai des événements qui se déroulent sur le territoire et de s'y adapter instantanément. L'un des exemples les plus frappants est le guidage des conducteurs d'automobiles, qui ne dépendent plus d'une information trafic fournie par un média d'information traditionnel mais bénéficient directement d'algorithmes puissants qui calculent le meilleur itinéraire en fonction de la situation du moment sur les routes.

La connaissance de cet écosystème des données locales et son bon fonctionnement font l'objet d'un suivi par une instance, le Conseil national de l'information géolocalisée (CNIG), qui joue un rôle de coordination des territoires producteurs et utilisateurs de données numériques géolocalisées.

Le Conseil national de l'information géolocalisée (CNIG)

Le CNIG est une instance consultative placée auprès du ministre en charge du développement durable. Le secrétariat du CNIG est assuré par le Commissariat général au développement durable (CGDD).

Les données géolocalisées sont essentielles à la compréhension du territoire et au pilotage de l'action publique, mais elles sont souvent éclatées entre de nombreux acteurs.

Or, nous sommes à la fois utilisateurs et producteurs de données. Il est important d'organiser les données pour pouvoir les collecter et les réutiliser efficacement, dans le respect de règles techniques et éthiques.

Le CNIG organise la concertation entre producteurs de données et établit des standards et référentiels pour la production, la diffusion, l'utilisation et le traitement des données géolocalisées.

Par exemple, le CNIG fournit un standard pour les données d'accessibilité des cheminements en voirie, afin de permettre à des applications informatiques de calculer les itinéraires que peuvent emprunter les personnes à mobilité réduite. Le CNIG a également défini un référentiel permettant de mettre à disposition du public une carte actualisée des règles d'urbanisme au sein du géoportail de l'urbanisme.

Un pôle de coordination avec les territoires, constitué au sein du CNIG, est chargé de faire le lien avec des comités régionaux de l'information géographique (CRIG), de recueillir les besoins locaux ou encore de diffuser des recommandations et bonnes pratiques.


* 1  https://www.senat.fr/fileadmin/Office_et_delegations/OPECST/Notes_scientifiques/OPECST_note36.pdf

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