D. MALGRÉ CETTE VOLONTÉ DE RENOUVEAU, UNE DIFFICULTÉ PERSISTANTE À AMÉLIORER LA PERCEPTION DE LA « POLITIQUE AFRICAINE » DE LA FRANCE
Les initiatives inscrites dans le cadre de l' « agenda transformationnel », la volonté de traiter des questions mémorielles difficiles ou encore la restitution des oeuvres d'art spoliées : ces démarches ont eu le mérite de manifester une volonté de renouveau et ont constitué un effort sans doute méritoire pour mettre à distance le legs du passé dans les relations chargées d'histoire entre la France et les pays africains.
Toutefois, un décalage s'est progressivement fait jour entre le grand nombre d'annonces et d'initiatives effectuées et la difficulté à les concrétiser sur le terrain. L'exemple du sommet Afrique-France de Montpellier, qui s'est tenu le 8 octobre 2021, dans le cadre de la mission confiée par le Président de la République à l'intellectuel Achille Mbembe en février de la même année, est à cet égard significatif : trois ans après sa tenue, rares sont les initiatives concrètes qui ont suivi, à l'exception de la fondation de l'innovation pour la démocratie et de la maison des mondes africains, encore à venir18(*).
Par ailleurs, la volonté d'associer davantage les sociétés civiles et les jeunesses africaines n'est nullement parvenue à atténuer l'image d'une pratique verticale et condescendante des relations avec les pays africains. L'attitude présidentielle jugée déplacée lors du sommet de Ouagadougou en 201719(*) ou la « convocation » des chefs d'État du Sahel à Pau en janvier 2020 ont ainsi finalement rendu vains les efforts pour rendre ces relations plus égalitaires.
La diplomatie féministe et la défense des minorités sexuelles ont également rencontré des difficultés dans un contexte de montée en puissance du souverainisme et d'une forme de panafricanisme très conservateur, étant parfois considérées - de plus ou moins bonne foi selon les cas - comme une forme d'ingérence dans les « manières de vivre » nationales ou plus généralement « africaines »20(*).
Le processus de restitution des oeuvres d'art est quant à lui largement considéré comme inachevé et certaines de ses modalités sont critiquées.
Les aspects mémoriels ont eu aussi suscité de nombreuses critiques. En particulier, les déclarations sur la colonisation et la guerre d'Algérie n'ont pas permis d'améliorer la relation franco-algérienne, qui s'est même encore considérablement dégradée en 2024 à la suite de la reconnaissance par la France du plan marocain pour la Sahara occidental comme la « seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», déclaration elle -même consécutive à une grave crise diplomatique avec le Maroc. De même, la reconnaissance de la part de responsabilité de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda a permis d'améliorer les relations avec ce pays, mais au prix d'une position plus compliquée dans le dossier de la crise du nord-est de la RDC.
Ainsi, la volonté de poser des actes dans le domaine mémoriel, si elle constitue peut-être un investissement pour le futur, s'est heurtée aux réalités diplomatiques ou aux tendances de fond de l'évolution des sociétés africaines. En outre, des déclarations perçues comme humiliantes ou arrogantes ont eu des effets négatifs qui sont allés à l'encontre de ces efforts (cf. ci-dessous).
* 18 La nouvelle institution a son logo, sa directrice (la journaliste et réalisatrice Liz Gomis), quelques salariés et une partie de son budget mais attend toujours un arbitrage sur l'emplacement de ses locaux. La Monnaie de Paris est évoquée, mais ce choix est très contesté.
* 19 Le président de la République avait fait une plaisanterie à propos du président burkinabé un moment sorti de la salle en suggérant qu'il était « parti réparer la climatisation ».
* 20 Cf. ci-dessous la partie relative au « sentiment anti-français ».