III. LA GOUVERNANCE ET LA RÉGULATION DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Plusieurs initiatives ont été prises en matière de régulation de l'IA, à l'échelle de chaque pays à travers des stratégies nationales en IA, ainsi qu'au niveau international.
A. UNE STRATÉGIE NATIONALE POUR L'IA EN DEMI-TEINTE
Depuis 2017, la France a tenté de structurer une stratégie nationale mais le plan « France IA » lancé en janvier 2017 a été rapidement abandonné.
Un an plus tard, sur la base d'un rapport émanant de l'ancien président de l'Office, Cédric Villani, le Président de la République a annoncé le 29 mars 2018 une « stratégie nationale et européenne pour l'intelligence artificielle », qui visait à faire de la France un leader mondial en IA.
Cette stratégie a permis la labellisation de quatre Instituts Interdisciplinaires en Intelligence artificielle (3IA), le financement de chaires et de doctorats ainsi que l'investissement dans des infrastructures de calcul comme les supercalculateurs Jean Zay, inauguré en 2019, et Adastra, inauguré en 2023, et dont les performances atteignent respectivement 36,85 pétaflops et 74 pétaflops (Jean Zay devrait toutefois atteindre 125,9 pétaflops à la fin de cette année).
À titre de comparaison, l'entreprise d'Elon Musk xAI qui développe le système Grok s'est dotée du supercalculateur Colossus développant 3,4 exaflops, composé de 100 000 processeurs Nvidia Hopper 100. Sa taille devrait doubler d'ici quelques mois pour atteindre 200 000 processeurs. Le supercalculateur Jean Zay, après son extension prévue d'ici la fin de l'année 2024, sera quant à lui doté de 1 456 puces Nvidia Hopper 100.
D'autres limites de cette stratégie nationale en IA sont notamment relevées par la Cour des comptes dans un rapport d'avril 2023 qui fait apparaître :
- des résultats insuffisants, la France ayant continué à décrocher au niveau international depuis 2018 ;
- une coordination interministérielle insuffisante.
Le pilotage de la stratégie nationale en IA reste toujours défaillant en 2024 : le coordinateur rattaché initialement à la direction interministérielle du numérique et des systèmes d'information et de communication (DINSIC), puis à la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'économie, est sans autorité réelle sur la stratégie et sa mise en oeuvre. L'instabilité du titulaire de cette fonction et les vacances répétées du poste témoignent d'une mauvaise définition du rôle de ce coordinateur national. La stratégie demeure en réalité sans pilote, évoluant au gré des annonces de l'exécutif et des événements organisés autour de l'IA.
La Commission de l'intelligence artificielle a proposé en 2024 un investissement massif de 27 milliards d'euros sur cinq ans pour la formation, la recherche, et le développement d'un écosystème robuste en IA. La mise à disposition de sommes aussi conséquentes pour la stratégie nationale en IA semble peu probable. Lors du rassemblement des plus grands talents français de l'IA à l'Élysée le 21 mai 2024, le Président de la République a annoncé un plan d'investissement de 400 millions d'euros pour financer neuf pôles d'excellence en IA, comprenant les quatre anciens Instituts 3IA, l'objectif étant de passer de 40 000 à 100 000 personnes formées à l'IA par an. Il pourrait être judicieux de commencer par reconduire le programme Confiance.ai, peu coûteux pour les finances publiques (3,75 millions d'euros par an).