N° 156
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires
économiques (1) sur le suivi
des
lois Egalim,
Par M. Daniel GREMILLET et Mme Anne-Catherine LOISIER,
Sénateur et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
L'ESSENTIEL
Comme chaque année, à l'issue du cycle de négociations commerciales, le groupe de suivi des lois « Egalim » a entrepris un travail d'évaluation de l'application des dispositions issues des lois de 2018, 2021 et 2023 à l'amont comme à l'aval agricole. Les spécificités du contexte - sortie d'une période de forte inflation des matières premières, crise agricole, tensions persistantes sur le pouvoir d'achat des Français et reconfiguration du secteur de la grande distribution - l'ont conduit cette année à formuler des recommandations en vue d'éventuelles évolutions du cadre juridique.
Créé dans la foulée de l'adoption de la première loi « Egalim » du 30 octobre 2018, le groupe de suivi des lois Egalim, mené par Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, s'inscrit dans le temps long. Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation d'un bouleversement du cadre des négociations commerciales et d'une complexification à l'heure où les acteurs sont en quête de stabilité juridique. Leurs recommandations visent avant tout à mieux appliquer et fluidifier la logique « Egalim » de construction du prix « marche en avant ».
Plus globalement, ils font le constat alarmant d'un décrochage de la ferme France dans les rayons, concomitant à deux phénomènes qu'ils jugent particulièrement préoccupants : l'affaiblissement de la sanctuarisation de la matière première agricole ainsi que la généralisation des centrales d'achat internationales qui contournent les lois « Egalim ».
I. LES LOIS EGALIM FACE AU CONTEXTE DE VOLATILITÉ DES PRIX ET AU DÉCROCHAGE DE LA FERME FRANCE
A. UNE LOGIQUE EGALIM MISE À L'ÉPREUVE EN 2022 ET 2023
1) La volatilité des prix a bouleversé les négociations commerciales
2022 et 2023 ont représenté une rupture avec la stabilité de la décennie de déflation des tarifs des produits alimentaires, postérieure à la loi de modernisation de l'économie de 20081(*) :
· En 2022, à la suite de l'inflation du coût des matières premières consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine, les tarifs négociés entre industriels et distributeurs ont rapidement été frappés d'obsolescence. Faute de déclenchement des clauses de révision automatique du prix, de nouvelles négociations ont eu lieu à l'été 2022.
· En 2023, le mécanisme inverse s'est produit : face au ralentissement de l'inflation et aux tensions sur le pouvoir d'achat des Français, le Gouvernement a demandé la réouverture des négociations avant de proposer un texte visant à avancer les négociations pour obtenir des baisses de prix un mois plus tôt que prévu.
Tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi ont fait le constat d'un climat de négociations particulièrement délétère au cours de ce cycle 2023-2024, caractérisé par le retour du rapport de force « pur et dur » : la pression déflationniste du Gouvernement de l'époque a conforté les demandes de baisses de tarifs des distributeurs.
Cette façon de procéder, partant du prix aval en déflation pour obtenir le tarif de l'industriel, est aux antipodes de la logique Egalim qui construit le prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole.
2) Le renversement de la « marche en avant » du prix a entraîné un affaiblissement de la sanctuarisation de la matière première agricole (MPA), pilier de la loi Egalim
Source : Ilec
En 2023-2024, les rapporteurs ont constaté que des hausses du coût des matières premières agricoles ont parfois abouti à... des baisses de tarifs ! Il s'agit d'une sanctuarisation artificielle de la MPA où la négociation se reporte sur d'autres postes de coûts, comme ceux des matières premières industrielles. Dans le cadre de l'option 3 de transparence sur la MPA, ont été rapportés des cas d'attestations où le tiers indépendant conclut à l'impossibilité de certifier que le prix de l'année n est au moins égal à celui de l'année n-1 majoré de la hausse imputable au coût de la MPA. Dans certains cas, des enseignes ont demandé aux fournisseurs d'acter par écrit que ces attestations avec observations ne remettaient pas les accords en cause.
Contrairement à l'an passé, la hausse de MPA déclarée par les industriels n'a pas été couverte par la hausse des tarifs en 2024. Si les industriels opérant en lien avec des filières agricoles en France bénéficient d'une meilleure prise en compte de leurs besoins liés à la MPA, ils souffrent d'une prise en compte bien moindre des autres postes de coûts.
Ce contournement de la sanctuarisation de la MPA doit entraîner un renforcement des contrôles de la DGCCRF sur l'économie du contrat, au-delà du formalisme de ce dernier.
B. UN DÉCROCHAGE PRÉOCCUPANT DES MARQUES DE LA FERME FRANCE DANS LES RAYONS
Les rapporteurs s'alarment du décrochage des marques de la ferme France. Outre notre balance commerciale, il se matérialise dans les rayons par une progression des produits dont la matière première agricole est d'origine « Union européenne » (ou ailleurs), notamment au niveau des produits de marque de distributeur (MDD).
Après des années de retrait, la part de marché des produits sous MDD a augmenté et s'élève à 34 % en valeur. Le groupe de suivi a été alerté à plusieurs reprises sur le fait que le recul de la consommation en 2023 a plus fortement impacté les marques nationales que les MDD.
-3,5% |
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Part de produits de grande consommation MDD |
Part de produits premiers prix dans la grande
distribution |
Recul des produits de grande consommation en volume en 2023 |
dont évolution |
dont évolution |
Évolution des volumes des produits |
Certains acteurs l'ont expliqué par une décorrélation entre la hausse du tarif consentie à l'industriel et celle du prix de vente en rayon de certains produits de marques nationales, compensée par des baisses de prix de produits MDD - notamment dans le cadre du « panier anti-inflation ». Si le distributeur est maître de sa stratégie commerciale, il n'est pas acceptable que les industriels aient été désignés responsables de la dégradation du pouvoir d'achat des Français alors même que les évolutions de leurs tarifs ne reflétaient pas toujours celles des prix en rayon.
La progression des MDD n'est pas sans incidence sur l'origine des matières premières, chaque fournisseur étant libre de répondre aux appels d'offres internationaux des distributeurs. Cette guerre des prix au détriment des matières premières agricoles françaises confirme les doutes formulés dès l'examen de la première loi Egalim par le Sénat sur la stratégie de « montée en gamme » de l'agriculture française - doutes par ailleurs confirmés par la non-atteinte des objectifs de produits bios et de qualité dans la restauration collective publique.
Les rapporteurs préconisent l'instauration d'un observatoire des produits vendus sous marque de distributeur pour assurer un suivi de l'évolution de leur prix et de leur origine.
II. LES LOIS « EGALIM » SOUFFRENT D'UN DÉFICIT D'APPLICATION, VOIRE DE CONTOURNEMENTS
A. LA CONTRACTUALISATION ÉCRITE ET LES INDICATEURS SONT LOIN D'ÊTRE GÉNÉRALISÉS
1) En principe obligatoire, la contractualisation écrite n'est pas devenue la norme
Taux de contractualisation dans la filière
bovine
en 2023
Les rapporteurs déplorent que la contractualisation écrite, généralisée par la loi « Egalim 2 », soit faiblement appliquée. Au sein des filières soumises à l'obligation, c'est-à-dire la quasi-totalité des productions animales, la contractualisation est peu développée - hormis dans la filière laitière où la contractualisation est ancrée pour des raisons historiques. Dans la filière bovine, où elle a été généralisée à partir de 2022, le taux de contractualisation est passé de seulement 17 % en 2022 à 25 % fin 2023. Les rapporteurs appellent les interprofessions à poursuivre les efforts d'accompagnement à la contractualisation.
Pour les rapporteurs, davantage pourrait être fait, notamment au niveau des interprofessions, pour encourager la contractualisation écrite. La publication d'un bilan annuel des contrôles de la DGCCRF permettrait par ailleurs de mieux suivre la contractualisation.
À l'heure actuelle, outre une application lacunaire, de nombreuses filières sont exemptées, par voie règlementaire, de l'obligation de contractualisation écrite - notamment les productions végétales comme les céréales, le riz, le lin et le chanvre, les oléo protéagineux, les fruits et légumes, certains vins, plantes et les produits de l'apiculture. Néanmoins, certaines d'entre elles ont récemment indiqué être volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire.
Les rapporteurs accueillent positivement les demandes de filières volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire et préconisent à ce titre de réexaminer la liste des filières exonérées au niveau règlementaire, de même que le seuil de chiffre d'affaires d'exemption, notamment via un seuil par acheteur ou relation d'affaires.
2) Des indicateurs de référence peu généralisés malgré leur intérêt
Malgré une application encore lacunaire, il y a bien eu un « avant » et un « après » Egalim en ce qui concerne les dialogues entre les organisations de producteurs et les entreprises : les indicateurs fournissent une base de discussion ainsi qu'un référentiel fiable et objectif. Cependant, de nombreux indicateurs ne sont tout simplement pas publiés par les interprofessions, parfois faute d'accord entre les acteurs.
Les rapporteurs enjoignent les interprofessions à prendre leurs responsabilités pour publier ces indicateurs de référence.
B. LES CENTRALES D'ACHAT INTERNATIONALES POURSUIVENT LEURS CONTOURNEMENTS MALGRÉ LA LOI DU 30 MARS 2023
Au-delà d'un objectif de mutualisation des achats, les centrales d'achat basées à l'étranger sont devenues le moyen de contourner les lois Egalim, voire le support de pratiques commerciales abusives. Environ 20 % en valeur ou jusqu'à 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution en France pourraient être négociés à l'étranger. Les industriels sont de plus en plus nombreux à être convoqués par ces structures internationales qui ne se limitent plus aux multinationales, mais intègrent aussi des PME et ETI.
À ces centrales internationales d'achat s'ajoutent des centrales de services commerciaux, qui se superposent à des services déjà payés au niveau national et peuvent s'apparenter à un droit d'entrée en négociations sans contrepartie économique réelle. Pour les rapporteurs, la progression des centrales d'achat s'explique par deux raisons :
· d'une part, les distributeurs considèrent que ceux qui n'ont pas recours aux centrales basées à l'étranger subissent un désavantage concurrentiel ;
· d'autre part, malgré l'affirmation par la loi du 30 mars 2023 (Egalim 3)2(*) du caractère d'ordre public des dispositions du cadre Egalim, applicables à tout produit commercialisé sur le territoire français, leurs pratiques ne sont pas systématiquement sanctionnées.
Les rapporteurs saluent l'initiative européenne visant à créer un cadre commun de régulation des pratiques des centrales et à renforcer la coopération des autorités de répression des fraudes. Dans l'attente, il est nécessaire de ne pas amoindrir la portée de ce qui a été voté en 2023 et de systématiser les sanctions. Même en présence de suites contentieuses, les montants des amendes sont provisionnés par les distributeurs, immobilisant de la trésorerie.
Sans attendre l'aboutissement du projet d'Egalim européen, les rapporteurs appellent le ministre à prononcer systématiquement des sanctions à l'encontre des centrales étrangères qui ne respectent pas le cadre défini par les lois Egalim. Ils exhortent les entreprises à faire preuve de responsabilité en adoptant une charte visant à exclure les produits à forte composante de MPA des négociations avec les centrales d'achat internationales. Ils préconisent que la DGCCRF transmette chaque année au Parlement les données relatives aux négociations effectuées en droit étranger.
III. EN AMONT COMME EN AVAL, AMÉLIORER SANS RIGIDIFIER
Les rapporteurs estiment contradictoire le procès en inefficacité des lois Egalim en parallèle d'une volonté de certains de l'étendre à tous les débouchés de l'agriculture. Plutôt qu'un grand soir des négociations commerciales, alors que les acteurs sont encore en phase d'appréhension de dispositifs votés en 2023 et aspirent à la stabilité juridique, ils préconisent de renforcer l'application des lois Egalim et d'en améliorer certains paramètres.
A. DANS LES NÉGOCIATIONS AMONT, CRÉER LES CONDITIONS DE LA « MARCHE EN AVANT » DU PRIX SANS COMPLEXIFIER LA NÉGOCIATION
Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation de rigidifier les relations « amont », alors que la contractualisation est loin d'être généralisée. Bien sûr, il est souhaitable que le fournisseur de la grande distribution ait conclu son contrat avec l'amont agricole avant d'entrer en négociations avec les enseignes, afin de disposer du coût de la MPA et des indicateurs associés. Ce séquençage matérialise, en effet, la construction du prix « marche en avant ». Pour les rapporteurs, il est donc utile de rappeler ce séquençage qui est dans l'intérêt de toutes les parties, sans pour autant aller jusqu'à l'instauration d'une date-butoir « amont ».
Les rapporteurs recommandent que l'industriel mentionne, dans ses conditions générales de vente, les indicateurs utilisés à l'amont pour fixer le prix de la matière première agricole.
De nombreux acteurs auditionnés ont souligné que les acheteurs contestent parfois les indicateurs proposés par les producteurs pour chercher à imposer d'autres indicateurs, moins représentatifs de la réalité économique du producteur.
À l'heure actuelle, la proposition de contrat ou d'accord-cadre inclut obligatoirement un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts, mais la formule de détermination ou de révision du prix finalement négocié inclut aussi d'autres indicateurs, avec une pondération librement déterminée par les parties.
Afin de sécuriser les producteurs face à la volatilité des prix des produits agricoles et alimentaires, les rapporteurs recommandent qu'un poids prépondérant soit donné aux indicateurs de coûts de production dans les formules de détermination et de révision du prix. Ils recommandent par ailleurs de systématiser le recours aux indicateurs de référence proposés par le producteur au sein des propositions de contrat ou d'accord-cadre.
B. FLUIDIFIER LES NÉGOCIATIONS AVAL
1) La pertinence d'une date butoir « aval »
Les rapporteurs estiment que le principe d'une date « butoir » annuelle de conclusion des conventions entre industriels et distributeurs ne doit pas être remis en cause. Elle est désormais ancrée dans les pratiques des professionnels, facteur de stabilité juridique.
Sous réserve de disposer d'un délai de prévenance suffisant pour ne pas revivre l'impréparation du cycle 2023-2024, un délai de négociation de deux mois, jusqu'à fin janvier, serait pertinent : la négociation est souvent bloquée pendant un mois avant de s'accélérer juste avant la date butoir. Raccourcir la négociation permettrait d'alléger les ressources qu'une entreprise dédSie, un quart de l'année, à ces négociations commerciales.
Les rapporteurs préconisent de préserver le principe d'une date butoir fixe tout en prévoyant - pour les cycles postérieurs à 2025 - des négociations plus courtes, closes le 1er février. Plus souple que l'inscription d'un seuil de chiffre d'affaires dans la loi, la pratique de négociation anticipée des TPE et PME, déjà formalisée au moyen de chartes avec la grande distribution, doit être encouragée pour les entreprises volontaires.
2) Des clauses de révision qui doivent être améliorées au service de la sanctuarisation de la matière première agricole
Depuis la loi Egalim 23(*), les contrats amont et aval incluent une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole (MPA). Malgré leur intérêt démontré lors des récentes variations du coût des matières premières, leur fonctionnement demeure insatisfaisant. D'après le médiateur des relations commerciales agricoles, elles ont été activées dans seulement 20 % des cas en 2023.
Pour les rapporteurs, leur principal défaut tient à ce qu'elles ne sont pas soumises au principe de non-discrimination et font parfois l'objet d'une « négociation dans la négociation » visant la fixation de seuils très élevés de déclenchement ou l'utilisation d'indicateurs non-représentatifs des prix d'achat réels des industriels.
Ces clauses de révision automatique du prix devraient figurer dans les conditions générales de vente de l'industriel afin d'être soumises au principe de non-discrimination et d'être incluses au socle unique de la négociation. En conséquence, la clause de renégociation automatique, source de confusion et peu utilisée, pourrait être remplacée par une clause tenant compte de l'évolution du coût des matières premières industrielles.
3) Une avancée notable concernant les pénalités logistiques qu'il faut poursuivre
Les acteurs auditionnés par le groupe de suivi sont unanimes sur l'avancée qu'ont représentée les lois Egalim 2 et Egalim 3 en matière d'encadrement des pénalités logistiques : les déductions d'office ont quasiment disparu et la part de pénalités infligées sans justification a diminué. Des progrès restent à accomplir concernant la preuve du préjudice, rarement apportée, et l'interprétation parfois divergente entre distributeurs et fournisseurs, de l'assiette des pénalités et du taux que nous avons fixé en 2023, qui est un plafond et non un forfait.
Les rapporteurs recommandent de préciser encore davantage les modalités d'application de l'encadrement des pénalités logistiques et de renforcer les contrôles de la preuve du préjudice.
4) L'expérimentation du préavis en l'absence d'un accord : de premiers bons résultats
Introduite par la loi Egalim 3, l'expérimentation de la possibilité pour le fournisseur d'appliquer un préavis de rupture en l'absence d'accord entre les parties à la date butoir a joué son rôle. Ce préavis permet de corriger partiellement le rapport de force qui permettait au distributeur de rompre la relation commerciale en l'absence d'accord à la date butoir. Ce préavis ne doit pas placer une partie dans une situation plus favorable qu'une entreprise ayant conclu sa convention dans les délais : le prix appliqué doit tenir compte des « conditions économiques du marché » : le médiateur (saisi d'une quinzaine de cas) a ainsi demandé aux parties de lui transmettre les prix pratiqués par les autres fournisseurs ou enseignes - ce qui n'a pas posé de difficultés.
Les rapporteurs saluent ces premiers bons résultats qui plaident pour une prolongation.
C. MIEUX ÉVALUER LE RELÈVEMENT DU SEUIL DE REVENTE À PERTE (SRP + 10 %)
Les rapporteurs déplorent l'absence d'évaluation du SRP + 10 %, prolongé par la loi ASAP de 20204(*) jusqu'au 15 avril 2025. Ils rappellent la circonspection du Sénat dès 2018 sur ce dispositif inflationniste, qui n'a pas démontré son effet « en cascade » sur la rémunération du producteur. Le rapport d'évaluation remis au Parlement en mai 2024 ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de ce surplus de chiffre d'affaires après 2019. Malgré tout, les rapporteurs sont conscients des effets néfastes pour les agriculteurs d'une guerre des prix entraînée par la fin du SRP + 10 %, ce qui plaide pour sa prolongation.
Les rapporteurs demandent une évaluation des effets du dispositif, y compris sur les produits vendus sous MDD, préalable indispensable à une pérennisation.
Pendant du SRP + 10 %, l'expérimentation de l'encadrement des promotions a été prolongée jusqu'en 2026. Son extension à tous les produits de grande consommation a porté ses fruits et a permis, par exemple, une hausse du nombre de références en promotion ou le lancement de nouveaux produits sur des catégories habituellement très bataillées en promotion.
Les rapporteurs sont en faveur de la prolongation du dispositif au-delà de 2026. Ils mettent en garde contre le cagnottage, qui se développe en alternative aux promotions désormais encadrées sans avoir le même intérêt en termes de développement de volumes.
Enfin, les rapporteurs s'alertent de la hausse des dépenses publicitaires de la grande distribution ces dernières années : en 2023, les trois premiers annonceurs en France sont des distributeurs.
Les rapporteurs préconisent une évaluation des effets sur l'amont agricole de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires et des possibilités d'encadrement.
* 1 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 2 Loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
* 3 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
* 4 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.