III. CONFRONTÉ À UNE EXTENSION CONTINUE DE SES COMPÉTENCES ET DE SES MOYENS, LE CENTRE DE CRISE ET DE SOUTIEN DOIT VEILLER À CONSERVER SA SPÉCIFICITÉ
A. SI LES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES CONTRAIGNENT SES DÉPENSES, LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS DU CDCS DOIT ÊTRE CLARIFIÉ
1. L'enveloppe budgétaire du CDCS doit être plus réaliste au niveau de la budgétisation et faire l'objet d'une clarification de ses canaux de financement au stade de l'exécution
S'agissant de la mission de protection consulaire, compte tenu de la surexécution chronique de la dotation du CDCS sur le programme 105, il paraît nécessaire de prévoir au stade de l'examen du projet de loi de finances de l'année, une prévision plus réaliste du montant des dépenses de gestion de crise. Si par nature, le montant exact de ces dépenses est imprévisible, les estimations des exercices passées se sont révélées clairement sous-évaluées.
Par ailleurs, la complexité du financement des opérations d'urgence assurées sous la conduite du CDCS, impliquant des avances et remboursements aux autres ministères impliqués, est incontournable. Pour autant, il paraît nécessaire que les parlementaires disposent, dans l'exercice de leur mission de contrôle du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, d'une information claire et détaillée quant à ces circuits de financements. Or, le montant et la nature des refacturations opérés par d'autres départements ministériels au CDCS ne sont pas détaillés dans les documents budgétaires. Ces informations pourraient apparaître dans les rapports annuels de performance annexés au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.
Recommandation n° 1 : À l'occasion de la préparation annuelle de la loi de finances, prévoir une budgétisation plus réaliste des dépenses de gestion de crise du CDCS. Au stade de l'exécution, préciser l'ensemble des remboursements perçus et dues par le CDCS au titre de ses opérations (MEAE, CDCS).
2. Au niveau européen, une plus grande efficacité de la solidarité européenne doit être recherchée
Deux limites à l'efficacité de la coopération européenne en matière de protection des ressortissants peuvent être mises en avant.
En premier lieu, les auditions menées auprès du centre de crise et de soutien ont souligné l'existence de comportements non-coopératifs de la part d'États-membres de l'Union européenne. Ces pratiques consistent essentiellement pour un État, lors du déclenchement d'une crise, à évacuer le personnel de son ambassade et à faire reporter sur d'autres États, en premier lieu la France, le soin d'opérer l'évacuation de ses ressortissants à l'occasion de l'aggravation de la crise. Le CDCS a été récemment confronté à ce comportement de « passager clandestin » lors de la crise en Haïti au cours de l'année 2023.
Dès 2013, la Cour des comptes, dans un rapport sur la sécurité des Français à l'étranger, alertait sur ce refus de coopération de la part de certains partenaires : « dans un contexte de restriction budgétaire qui concerne tous les États-membres de l'Union, depuis le traité de Lisbonne, le risque est grand de voir des pays réduire leur protection et leur réseau en sachant que la France est susceptible de prendre le relais pour leurs concitoyens »39(*).
Cette tentation du passager clandestin est d'autant plus importante en raison de l'image d'excellence du centre de crise et de soutien, d'une part, et du fait que la France assure le rôle d'« État pilote » dans un grand nombre d'États tiers, d'autre part. En effet, en l'état actuel du droit de l'Union, seul un nombre limité d'État assume les missions d'« État pilote » (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas), en particulier depuis le départ du Royaume-Uni40(*). Selon le CDCS, la France se retrouve ainsi chef de file dans trois quarts des situations de crise dans des États tiers41(*).
Ce déficit de coopération pourrait en partie être pallié par le projet de révision de la directive (UE) 2015/63742(*), actuellement en cours d'examen au Parlement européen. La proposition législative vise à mettre en oeuvre les conclusions de la « boussole stratégique » de l'Union43(*), adoptée en 2022, qui recommandait de renforcer les mécanismes de réaction de crise de l'Union. La directive de 2015 serait modifiée notamment pour :
- préciser le contenu des plans d'urgence consulaires conjoints ;
- améliorer la circulation des informations entre les États membres et les institutions de l'Union ainsi que les informations fournies aux citoyens de l'Union, quant à leurs déplacements dans les pays tiers ;
- rationaliser des dispositions relatives au remboursement des coûts résultant d'une protection consulaire. Le droit proposé prévoit ainsi que l'État assurant la protection consulaire puisse adresser directement sa demande de remboursement au ressortissant européen bénéficiaire et non plus à l'État dont il a la nationalité ;
- réviser la définition de la notion d'« État pilote » afin d'y inclure davantage d'États membres et de mieux répartir la charge de la protection consulaires des citoyens européens non représentés.
En tout état de cause, les comportements non-coopératifs de certains États membres ne doivent pas occulter le bon état des relations du CDCS avec ses homologues européens. Un partenariat avec le ministère allemand des affaires étrangères prévoit ainsi la présence au sein du service d'un diplomate allemand en échange.
En second lieu, les versements de l'assistance financière du mécanisme de protection civile de l'Union européenne sont sujets à des retards depuis les dernières années. Ceci s'explique par la difficulté de la direction générale ECHO de la Commission européenne à traiter l'ensemble des demandes d'activation du MPCU en raison d'un sursaut du nombre de demandes. Au cours de l'exercice 2022, le MPCU a été activé à 232 reprises dont 126 pour la seule crise ukrainienne. Pour l'année 2023, une partie des versements du MPCU au bénéfice des opérations humanitaires du centre de crise a du être reporté à l'exercice 2024.
Recommandation n° 2 : Encourager la réduction des délais de remboursement des dépenses éligibles au mécanisme de protection civile de l'Union européenne (CDCS, Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne).
* 39 Cour des comptes, La sécurité des Français à l'étranger, observations définitives, 2015.
* 40 EU-CITZEN, « Consular Protection of Unpresented EU Citizens in Third Countries - Effectiveness and Future of the EU Citizenship Right to Consular Protection Outside the EU », Madalina Moraru, 2021.
* 41 Audition du CDCS, 4 avril 2024.
* 42 Proposition de directive du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/637 établissant les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l'Union non représentés dans des pays tiers et la directive (UE) 2019/997 établissant un titre de voyage provisoire de l'Union européenne (COM (2023) 930).
* 43 Conseil de l'Union européenne, « Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense - Pour une Union européenne qui protège ses citoyens, ses valeurs et ses intérêts, et qui contribue à la paix et à la sécurité internationales », 2022.