II. DANS UN CONTEXTE DE MULTIPLICATION DES CRISES INTERNATIONALES, LE CDCS A BÉNÉFICIÉ D'UNE PROGRESSION CONTINUE DE SES MOYENS BUDGÉTAIRES ET HUMAINS
A. EN LARGE HAUSSE DEPUIS 2017, LE FINANCEMENT DU CDCS PARAÎT POUR LE MOINS ÉPARPILLÉ
1. Le centre de crise dispose d'enveloppes dédiées au sein des missions « Action extérieure de l'État » et « Aide publique au développement »...
a) Un financement de la mission de protection des ressortissants reposant en partie sur la dotation du CDCS au titre du programme 105
Au sein du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État », le centre de crise et de soutien bénéficie d'une enveloppe spécifique permettant de financer ses dépenses de fonctionnement, d'une part, et les opérations de protection des ressortissants, d'autre part. La mission d'aide humanitaire et de stabilisation est, quant à elle, portée par le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».
La dotation budgétaire du CDCS se décompose entre un montant de base, correspondant aux dépenses de fonctionnement du service, et d'une ligne de crédits relative à la gestion de crise, qui peut être réabondée en cours d'année en fonction des besoins. Une part minime (600 000 euros en 2023) de la dotation est constituée de subventions aux associations de victimes et d'aide aux victimes22(*).
Pour l'exercice 2024, la budgétisation présentée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères prévoit une répartition de la dotation comme suit : 1,6 million d'euros pour le renouvellement et la maintenance des réseaux de communication de sécurité autonomes ; 0,6 million pour les dépenses de fonctionnement courant ; 0,5 million pour le renouvellement des dotations des postes en équipement projetable ainsi que la fourniture de consommables médicaux ; 0,4 million pour la formation à la gestion de crise ; 0,35 million pour la constitution de stocks de sécurité pour les postes et enfin 1,5 million pour la gestion de crise.
Depuis 2013, date la plus antérieure des données transmises, la dotation du centre de crise et de soutien est en large hausse. Entre 2013 et 2024, l'enveloppe du CDCS est en effet passée de 1,89 million d'euros d'AE=CP à 5,15 millions d'euros en 2024, soit une multiplication par 2,7 des crédits alloués à ce service. De manière assez notable, le centre de crise et de soutien s'est trouvé préservé des différentes revues de dépenses et programmes d'économies ayant concerné le ministère de l'Europe et des affaires étrangères depuis 2008.
Pour autant, sur la période 2017-2024, cette dotation est relativement stable, notamment au regard des dépenses de fonctionnement du service. Ceci s'explique en partie par le fait que les dépenses relatives aux personnels affectés au CDCS ne sont pas intégrées dans cette enveloppe. Or, comme détaillé infra, le volume d'ETP du service a sensiblement progressé depuis 2017.
Évolution de l'enveloppe du CDCS au sein du
programme 105,
en distinguant dépenses de fonctionnement et
dépenses de crise entre 2017 et 2025
(en millions d'euros et en AE=CP)
Note n° 1 : le montant plus élevé de l'enveloppe du CDCS pour l'exercice 2017 s'expliquait par une dotation additionnelle de 1,63 million d'euros afin de répondre aux enjeux de sécurité de la communauté française à l'étranger, dans un contexte de menace terroriste renforcée.
Note n° 2 : pour l'exercice 2021, aucune ligne de crédits relative à la gestion de crise n'a été prévue dans la loi de finances initiale.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
S'agissant des dépenses de crise, l'enveloppe dédiée au CDCS se caractérise par une surexécution chronique des crédits. Pourtant, les moyens de la réserve de crise, à l'exception de l'exercice 2021, ont connu une progression constante. L'enveloppe dédiée est en effet passée de 0,5 million d'euros en 2019 à 1,5 million d'euros en 2023. Si le centre de crise et de soutien indique que cette augmentation traduit la prise en compte par le ministère des conséquences financières des crises internationales successives, il n'en demeure pas moins que les moyens de gestion de crise du service sont sous-budgétisés.
Cette sous-estimation conduit, en cours d'exercice, à des redéploiements de crédits pour compenser la hausse parfois massive des dépenses liées aux opérations de protection de nos ressortissants. Ainsi, à titre d'exemples, le MEAE a :
- abondé, au cours de l'exercice 2020, à hauteur de 36 millions d'euros la dotation du CDCS grâce à une avance mobilisée depuis la trésorerie des opérations de maintien de la paix afin de couvrir les dépenses additionnelles des opérations de rapatriement dans le contexte de la crise sanitaire23(*) ;
- obtenu en fin d'exercice 2023 un dégel de 7,5 millions d'euros pour abonder l'enveloppe du CDCS afin de couvrir le coût des opérations d'évacuation du Niger (2,7 millions d'euros) et d'Israël (4,8 millions d'euros)24(*).
Face à des situations extrêmes et difficilement anticipables comme les opérations d'aide au retour des ressortissants français durant la crise sanitaire, il est certain qu'une estimation adaptée de l'enveloppe budgétaire nécessaire est complexe. Néanmoins, la survenance régulière de crises consulaires au cours des exercices passés devrait inciter les gestionnaires budgétaires à une prévision plus fine des besoins de gestion de crise.
Exécution de la dotation du centre de crise et de soutien entre 2019 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
En complément de la dotation initiale, le financement des opérations de protection des ressortissants peut être complété a posteriori par des versements extérieurs, au travers de deux fonds de concours :
- un fonds de concours « Participations diverses aux dépenses du centre de crise et de soutien - P105 »25(*) qui correspond aux remboursements de passagers d'avions affrétés par le CDCS et aux remboursements d'assurance lors d'évacuations sanitaires. Sur l'exercice 2020, marqué par la crise sanitaire, ce fonds a perçu à ce titre 6,5 millions d'euros de remboursements ;
- un fonds de concours « Participation de la Commission européenne aux dépenses du centre de crise et de soutien - P105 »26(*) qui correspond aux remboursements de l'Union européenne au titre du mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MPCU), dont le fonctionnement est développé infra.
La participation des évacués au financement des opérations
Le coût financier conséquent des opérations de protection des ressortissants a conduit l'État à prévoir un mécanisme de responsabilisation des voyageurs et des professionnels du tourisme et de l'assurance avec la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, largement inspiré du dispositif de la loi n° 85-30 du 9 janvier1985 relative au développement et à la protection de la montagne dite loi « Montagne »27(*).
D'une part, l'article 22 de la loi du 27 juillet 2010 permet à l'État d'« exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu'il a engagées ou dont il serait redevable à l'égard de tiers à l'occasion d'opérations de secours à l'étranger au bénéfice de personnes s'étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d'une situation d'urgence, à des risques qu'elles ne pouvaient ignorer »28(*). Par exception, les journalistes ou personnes exposées à des crises graves sont donc exclues de ce dispositif.
D'autre part, son article 23 permet à l'État d'exercer une action récursoire à l'encontre des opérateurs ne respectant pas leurs engagements contractuels, et notamment l'obligation de prestation de voyage et celle de rapatriement, à l'égard des ressortissants français, forçant l'État à se substituer à eux dans l'organisation du rapatriement.
Pour autant, en dépit de ce cadre juridique dissuasif, les auditions menées avec le CDCS ont confirmé la persistance de comportements à risques. Des organismes de voyages organisés se sont en effet spécialisés dans les zones dangereuses, promettant une expérience atypique à leurs clients.
Par ailleurs, la crise sanitaire en 2022 a également donné lieu à une participation financière des personnes évacuées. Cette situation ne s'inscrivait toutefois pas dans le cadre des crises consulaires29(*). Le rapatriement des ressortissants correspondait en effet à un engagement du Président de la République, à l'occasion de son allocution du 16 mars 2020, d'une aide au retour des Français se trouvant à l'étranger. Le dispositif s'est traduit par l'affrètement d'avions sur le budget du MEAE. Les passagers se sont engagés, selon un prix fixé à l'avance, à rembourser une partie du coût du trajet.
Source : commission des finances
b) La mission humanitaire et de stabilisation s'appuie essentiellement sur le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), qui relève du programme 209
Si la dotation du CDCS sur le programme 105 correspond au financement de sa mission de protection des ressortissants, sa mission d'aide humanitaire et de stabilisation repose quant à elle sur un financement issu du programme 209 de la mission « Aide publique au développement » : le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS).
Cette enveloppe budgétaire constitue l'instrument de réaction rapide du ministère de l'Europe et des affaires étrangères face aux crises humanitaires. Il forme l'un des canaux de financement de l'aide humanitaire de la France, avec l'aide alimentaire programmée (AAP), les contributions volontaires aux Nations unies et le fonds Minka de l'Agence française de développement. Le CDCS définit l'aide alimentaire comme visant à « assurer l'assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit ». Ces besoins fondamentaux regroupent l'accès à l'eau, à des soins médicaux ou à la nourriture.
Doté de 200 millions d'euros en AE=CP dans la loi de finances initiale pour 2024, le FUHS permet de financer deux types d'actions :
- d'une part, la mise en oeuvre d'actions d'aide humanitaire (71,5 % des crédits exécutés en 2023), il peut s'agir de projets humanitaires d'urgence et à impact rapide pour répondre aux besoins essentiels des populations dans des temporalités courtes (entre 0 et 18 mois) ;
- d'autre part, le soutien à des actions de stabilisation (28,5 % des crédits exécutés), qui recouvrent toutes les actions qui participent du processus de sortie de crise à l'international. Ces actions recouvrent les projets participant au relèvement d'États en crise, par l'appui aux transitions politiques, la lutte contre les groupes terroristes ou la réhabilitation d'infrastructures et des activités économiques.
Depuis 2017, on observe un bondissement des crédits du FUHS. Doté de 49 millions d'euros de crédits de paiement en 2017, cet instrument représentait 285,2 millions d'euros en 2023, soit une multiplication par six de cette enveloppe.
Évolution du fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation entre 2017 et 2025
(en millions d'euros)
Note : les montants indiqués sont en exécution hors exercice 2024 et PLF 2025
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La croissance des moyens du FUHS s'inscrit dans la progression des financements humanitaires de la France depuis 2017. Le montant total de l'aide humanitaire français s'élevait en 2017 à 95 millions d'euros en cumulant les crédits du FUHS, de l'AAP et des contributions volontaires aux Nations unies. Elle atteignait 835 millions d'euros en 2023, soit une multiplication par près de neuf des moyens engagés et permettait à la France de figurer parmi les dix premiers bailleurs humanitaires mondiaux. Le fonds d'urgence humanitaire et de soutien a été relativement préservé des mesures de consolidation budgétaire dans le cadre du projet de loi pour 2025. Ce dernier, dans sa version initiale, déposée à l'Assemblée nationale, prévoyait ainsi une enveloppe de 220 millions d'euros en AE=CP.
À l'occasion de la conférence nationale humanitaire du 19 décembre 2023, le Président de la République a annoncé l'objectif de porter l'aide humanitaire française à un milliard d'euros en 2025. Les conclusions de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet 2023 ont repris cet objectif. Si, dans le contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a renoncé à cet engagement, l'évolution des crédits de l'aide humanitaire n'en illustre pas moins le dynamisme des crédits gérés par le centre de crise et de soutien.
La mise en oeuvre du FUHS, tant en matière d'urgence humanitaire que de stabilisation, se décline entre plusieurs modalités d'intervention pratiques. Il peut s'agir :
- de subventions à des organisations de la société civile ;
- de financements à des opérateurs publics (ex : Expertise France) ;
- de contributions à des organisations internationales, en particulier les entités relevant de la sphère onusienne et disposant de fortes capacités opérationnelles d'urgence comme le Programme alimentaire mondial (PAM) ;
- de financements à des partenaires privés ;
- d'achats de prestations et de financement des frais des gestion des interventions directes du CDCS dans le suivi des projets ;
- de délégations de crédits aux services de coopération et d'action culturelle (SCAC) présents dans les postes diplomatiques. Entre 8 et 10 % des financements aux ONG se fait ainsi par l'intermédiaires des postes diplomatique chaque année.
Le financement de projets pilotés par des organisations de la société civile demeure la principale modalité de mise en oeuvre du fonds. Le CDCS a ainsi financé 248 projets au profit de 90 ONG en 2023, pour un montant total de 240,8 millions d'euros. Si le nombre de projets financés a progressé depuis 2015, lorsque le FUHS finançait un total de 138 initiatives, cette progression a été moins importante que celle des crédits du fonds. Il en résulte une progression du ticket moyen par projet financé, qui se situe à un peu plus d'un million d'euros. Comme le relevait le rapport d'évaluation du FUHS en 202030(*), le CDCS s'appuie en priorité sur des ONG de taille critique disposant de fortes capacités d'intervention. Au total sur la période 2015-2018, seulement 15 ONG bénéficiaient de près de 64 % des subventions du FUHS.
Les cinq premières ONG
bénéficiaires de versements au titre du FUHS
sur la
période 2011-2022
(en millions d'euros)
Principales ONG bénéficiaires de subventions au titre du FUHS |
Montants |
Solidarités International |
57,5 millions d'euros |
ACTED |
37,8 millions d'euros |
Première Urgence Internationale |
35,6 millions d'euros |
Humanité & Inclusion |
25,5 millions d'euros |
CARE France |
24 millions d'euros |
Source : commission des finances
La sélection des projets financés par le FUHS se fait sur une base annuelle, par une identification a priori des priorités. Environ deux tiers des financements sont alloués en début d'année, le tiers restant étant gardé en réserve pour financer une réponse rapide à de crises soudaines. Actuellement, les financements sont alloués sur une base annuelle. Toutefois, en réponse à une demande des organisations de la société civile, le CDCS envisage d'expérimenter, selon un modèle pratiqué par certains pays comme le Danemark, des financements pluriannuels.
La définition des priorités de financement du FUHS se fait en coopération avec les ONG bénéficiaires. Les auditions menées par les rapporteurs spéciaux auprès des principales ONG bénéficiaires de crédits du FUHS ont confirmé le rapport de confiance développé avec les services du centre des opérations humanitaires et de stabilisation du CDCS31(*). Par rapport à d'autres bailleurs humanitaires, la sélection des projets par le CDCS est relativement rapide. Une procédure d'urgence permet ainsi de débloquer des financements en 48 heures.
S'agissant de la sélection des projets financés par des crédits délégués aux ambassades, le CDCS a formalisé les pratiques des SCAC en proposant un manuel de procédures interne.
Il importe de souligner qu'au-delà du financement de projets ONG, 15 % des crédits du FUHS financent des interventions directes du CDCS et de l'aide en nature. Le centre ne constitue en rien un simple guichet mais également un opérateur de l'aide humanitaire.
Par ailleurs, au-delà de l'enveloppe initiale, les crédits du FUHS peuvent être abondés en cours d'exercice par la provision pour crises majeures, qui relève également du programme 209. Créé en 2022 et intervenant en complément des autres instruments d'aide humanitaire, la provision pour crises majeures est une réserve d'urgence. Elle permet au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de compléter les dotations initiales de ses enveloppes d'aide humanitaire lors de la survenance d'une crise soudaine. Dotée, lors de sa création en 2022 de 22,4 millions d'euros, cette enveloppe représentait un total de 270 millions d'euros en 2023. Son activation est visée par le directeur général de la mondialisation, responsable du programme 209, et validée par le directeur de cabinet du ministre.
Ventilation des crédits de la provision
pour crises majeures en abondement
du fonds d'urgence humanitaire et de
stabilisation sur l'exercice 2023
(en millions d'euros et en crédits de paiement)
Note : les abondements sont détaillés chronologiquement par date de l'autorisation de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères de recourir à cette réserve de crise.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les dimensions de cette réserve de crise, dont la ventilation échappe à l'autorisation parlementaire, ont été critiquées32(*). Le CDCS dispose d'une marge de manoeuvre considérable dans la conduite de ses opérations humanitaires. Si son activation n'est pas réservée au FUHS, elle aurait néanmoins potentiellement permis de doubler l'enveloppe initiale prévue en loi de finances pour 2023. Le centre de crise et de soutien, dans ses réponses au questionnaire de contrôle, défend la pertinence de cette enveloppe dont l'usage permet d'éviter un « effet d'éviction sur la programmation initiale définie en début d'année ». Il s'agit ainsi d'éviter les transferts de crédits en cours d'exercice pour pallier les besoins de financement liés aux crises internationales. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères défend, en contrepartie du principe d'ouverture de cette réserve de crise en début d'exercice, un engagement à annuler en fin d'année les crédits non consommés.
Compte tenu du contexte budgétaire restrictif, la provision pour crises majeures est prévue pour être supprimée dans le projet de loi de finances pour 2025 dans le cadre des importantes mesures d'économies opérées sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ». Si les rapporteurs spéciaux ne contestent pas la complexité de l'équation budgétaire, la suppression totale de cette enveloppe de crise risque de peser sur les moyens d'action du CDCS en cours d'année. Le financement de dépenses d'urgence humanitaire suite au déclenchement d'un événement grave, comme la décision en date d'octobre 2024 d'apporter 100 millions d'euros d'aide au Liban, devra alors reposer sur des ouvertures de crédits en cours d'année.
L'aide humanitaire des collectivités territoriales mise en oeuvre par le CDCS
Dans le cadre de leur action extérieure, les collectivités territoriales participent activement à la politique d'aide humanitaire, et plus largement d'aide au développement, de la France. L'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales dispose effectivement que « Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire ».
Si les collectivités peuvent soutenir des actions humanitaires directement par la voie de subventions, elles peuvent également faire transiter leur aide humanitaire par le centre de crise et de soutien, au travers du fonds d'action extérieure des collectivités territoriales (FACECO). Il s'agit d'un fonds de concours, géré par le CDCS.
Le mécanisme du fonds de concours offre trois avantages principaux :
- tout d'abord, il assure une mutualisation des contributions des collectivités volontaires ce qui, tout en permettant notamment aux petites collectivités de participer à une opération plus large, maintient une cohérence de l'action humanitaire de la France ;
- ensuite, la mise en oeuvre des fonds est assurée par le centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS), garantie d'expertise en matière humanitaire et assurant une forte réactivité de la réponse humanitaire ;
- enfin, le recours à ce dispositif permet de veiller à la bonne utilisation et à la traçabilité des financements apportés par les collectivités.
En outre, la mise en oeuvre des fonds donne systématiquement lieu à une communication mentionnant le soutien de la collectivité donatrice dans le bilan de l'opération.
Sur l'exercice 2023, les financements transitant par le FACECO se sont élevés à 6,1 millions d'euros. Ils ont été répartis sur des enveloppes dédiées à des zones géographiques destinataires (Ukraine, Turquie-Syrie, Maroc, Libye, Arménie). Le fonds de concours a été abondé par 726 collectivités territoriales.
Source : commission des finances
De même que pour les dépenses liées à la protection des ressortissants, trois fonds de concours permettent d'abonder les crédits gérés par le CDCS au titre de la conduite d'opérations humanitaires d'urgence :
- le fonds d'action extérieure des collectivités territoriales (FACECO), développé dans l'encadré infra ;
- le fonds de concours « entreprises » qui retrace les contributions du secteur privé au profit des opérations humanitaires du CDCS. Ce dernier dispose en effet de partenariats privilégiés avec les Fondations CMA-CGM, Airbus, Veolia, Foundation S (Sanofi), l'ONG Électriciens sans frontière, l'association Tulipe, et les entreprises Enedis, EDF, Nutriset ou Lactalis ;
- le fonds de concours « remboursements de la Commission européenne/MPCU » qui correspond aux remboursements de l'Union européenne au titre du mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MPCU), dont le fonctionnement est développé infra.
2. ...complétées par des avances issues d'autres missions du budget de l'État...
En complément de l'enveloppe allouée au CDCS au sein du programme 105 et du FUHS du programme 209, le financement des opérations d'urgence du CDCS peut s'appuyer sur des crédits extérieurs aux missions « Action extérieure de l'État » et « Aide publique au développement ». Si le ministère de l'Europe et des affaires étrangères assure en effet le chef-de-filât de la conduite de ce type d'opérations, d'autres départements ministériels interviennent dans leur conduite. Le ministère de l'intérieur et le ministère des armées sont particulièrement concernés dès lors que leur participation aux opérations d'évacuation ou d'assistance humanitaire implique de leur part des dépenses particulièrement lourdes. Cette participation est toutefois refacturée, a posteriori, au CDCS.
Ainsi, en fin d'exercice, le CDCS reverse aux ministères concernés les crédits correspondants. À titre d'exemple, lors de l'exercice 2022, les collaborations interministérielles du centre en matière humanitaire ont conduit à refacturer un montant de plus de 5,7 millions d'euros sur les crédits du FUHS. Il s'agissait notamment d'opérations de soutien à la sécurité civile en Ukraine, du déploiement d'unités de la sécurité civile française en réponse à des catastrophes naturelles à Madagascar, au Pakistan et au Tchad et de soutiens matériels et médicaux.
Un délai additionnel peut cependant être observé dans le remboursement des frais avancés par les autres ministères de la part du CDCS. L'exercice 2023 a ainsi été caractérisé par un nombre élevé de collaborations interministérielles avec 31 opérations conjointes réalisées par le CDCS, dont le déploiement de l'élément de sécurité civile rapide d'intervention médicalisée (ESCRIM) en Libye et l'intervention du porte-hélicoptère amphibie (PHA) Dixmude à Al-Arish en Égypte. Pour une grande partie des dépenses engagées par les ministères partenaires, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a fait le choix de reporter le remboursement des sommes avancées à l'exercice 2024 au lieu de les engager directement sur l'exercice 2023.
Ces avances et remboursements complexifient la lisibilité du financement des opérations d'urgence humanitaires. Elles apparaissent cependant incontournables du fait de la sollicitation des moyens d'autres ministères, sous la coordination du CDCS.
3. ...et par un mécanisme européen de solidarité financière
Dans la mise en oeuvre de sa mission de protection consulaire comme d'aide humanitaire, le CDCS peut recourir au mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MPCU). Cet instrument, créé en 2001 et dont la gestion est assurée par la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes (ECHO), vise à renforcer la coordination des États membres dans la réaction aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine.
Dans sa dimension financière, le MPCU permet la prise en charge partielle des frais de transport et d'opérations comme lors de la mobilisation de matériel et de personnel déployés sur les lieux d'une crise humanitaire ou d'une catastrophe naturelle33(*). Le MPCU peut prendre en charge 75 % des frais engagés, les 25 % restants demeurent à la charge de l'État membre.
Pour pouvoir bénéficier de cette aide financière, l'État membre menant une opération éligible au MPCU doit notifier sa volonté d'activer le mécanisme au plus tard quinze jours après le début de l'opération, mais toujours avant la fin de l'opération. La Commission européenne valide ou non la demande de subvention.
En matière de protection des ressortissants, le mécanisme de protection civile de l'UE s'articule avec le régime de protection consulaire de l'Union européenne. Le droit primaire de l'Union rattache à la citoyenneté européenne le droit pour tout ressortissant européen « de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont ils sont ressortissants n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État »34(*). La mise en oeuvre du droit à la protection consulaire est fixée, en droit dérivé, par la directive (UE) 2015/637 du Conseil du 20 avril 201535(*). En application de cette directive, le ou les États membres qui coordonnent et dirigent l'assistance aux ressortissants européens non représentés ou « État pilote »36(*), peuvent solliciter un soutien financier du MPCU.
De plus, l'État assurant les mesures de protection d'un ressortissant peut demander le remboursement des frais engagés à l'État dont ce ressortissant a la nationalité37(*). Lorsque le MPCU a également été activé, le remboursement de l'État dont le bénéficiaire de la protection a la nationalité est déterminée après déduction de la contribution de l'Union.
Exemples de recours au mécanisme de protection civile de l'Union européenne lors de crises consulaires
Contexte |
Nature de l'opération |
Date |
Coût total |
Montant pris en charge au titre du MPCU |
Pandémie de Covid |
Rapatriement de 370 000 ressortissants français |
2020 |
29 375 119 euros |
533 283 euros |
Éthiopie |
Évacuation d'environ 260 personnes (240 Français et ayants-droits et une vingtaine de ressortissants européens) |
2021 |
342 305 euros |
211 274 euros |
Niger |
Évacuation des ressortissants |
2023 |
2 747 163 euros |
2 060 372 euros |
Soudan |
Évacuation des ressortissants |
2023 |
839 000 euros |
329 858 euros |
Israël |
Évacuation des ressortissants |
2023 |
7 600 000 euros |
225 000 euros |
Note : s'agissant des opérations d'évacuation de ressortissants d'Israël, la demande de remboursement à la Commission européenne est en cours de traitement.
Source : commission des finances d'après les données transmises par le CDCS
Concernant les enjeux consulaires, la mobilisation par la France du MPCU est relativement récente. À l'inverse, pour ses opérations humanitaires, le centre de crise et de soutien a recours à l'assistance du MPCU depuis 2020. En matière humanitaire, le montant cumulé des remboursements de la Commission européenne s'élevait à 5,7 millions d'euros entre 2020 et avril 2024, dont 4,8 millions d'euros depuis le début de la guerre en Ukraine. Sur le seul exercice 2023, le CDCS a déclaré 26 opérations au MPCU dont 19 ont donné lieu à une demande de remboursement.
Sur le plan de la nomenclature budgétaire, les remboursements de la Commission européenne au CDCS au titre du mécanisme de protection civile de l'Union sont retracés sur deux fonds de concours distincts : l'un abonde le programme 105 pour les opérations consulaires et l'autre abonde le programme 209 pour les opérations humanitaires.
Au total, la diversité des opérateurs et des financements en jeux complexifie la lecture des moyens mis en oeuvre par le centre de crise et de soutien. Si l'on prend l'exemple pratique38(*) d'une opération humanitaire coordonnée par le CDCS, au cours de laquelle intervient la sécurité civile, et dont la mise en oeuvre donne lieu à l'activation du MPCU, le schéma de financement suivant est mis en place :
- la Commission européenne rembourse le ministère de l'intérieur à hauteur de 75 % des dépenses éligibles au MPCU ;
- le MEAE rembourse le ministère de l'intérieur à hauteur de 25 % des dépenses éligibles (montant complémentaire du MPCU) ainsi qu'à hauteur des dépenses engagées non éligibles au MPCU.
Présentation simplifiée des canaux
de financement
de l'action du centre de crise et de soutien
Source : commission des finances
* 22 France victimes (FV), la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs (FENVAC) ainsi que l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT) en 2024.
* 23 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2020 - Mission Action extérieure de l'État, avril 2021.
* 24 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2023 - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.
* 25 Fonds de concours 1-2-00641 « Participations diverses aux dépenses du centre de crise et de soutien ».
* 26 Fonds de concours 1-1-00637 « Participation de la commission européenne aux dépenses du centre de crise et de soutien ».
* 27 Rapport n° 262 (2009-2010) fait par Joseph KERGUERIS au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, déposé le 3 février 2010.
* 28 À noter qu'à l'inverse, la jurisprudence est particulièrement restrictive s'agissant de l'engagement de la responsabilité de l'État fondé sur l'insuffisance ou l'inefficacité de la protection consulaire.
* 29 Cour des comptes, rapport public annuel - tome I - L'aide au retour des Français retenus à l'étranger par la pandémie de covid 19, janvier 2021.
* 30 Technopolis Group, Évaluation du Fonds d'urgence humanitaire 2015-2018, rapport final d'évaluation, août 2020.
* 31 Audition d'ACTED, de Première urgence internationale, de Handicap international et de Solidarités international, 3 mai 2023.
* 32 Annexe n° 4 au rapport (n° 128) de M. Jean-François HUSSON au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2024, faite par MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet sur les crédits de la mission Aide publique au développement et du compte de concours financier Prêts à des États étrangers, le 23 novembre 2023.
* 33 Décision n° 1313/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relative au mécanisme de protection civile de l'Union européenne.
* 34 Article 20, paragraphe 2, point c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), confirmé par l'article 46 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : « Tout citoyen de l'Union bénéficie, sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont il est ressortissant n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ».
* 35 Directive (UE) 2015/637 du Conseil du 20 avril 2015 établissant les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l'Union non représentés dans des pays tiers et abrogeant la décision 95/553/CE.
* 36 L'expression « État pilote » se réfère à un ou plusieurs États membres représentés dans un pays tiers donné et chargé de coordonner et de diriger l'assistance aux citoyens non représenté pendant des crises. Cette notion issue du droit souple a été codifiée en 2015 par la directive sur la protection consulaire.
* 37 Les mesures de transposition en droit interne figurent dans le décret n° 2018-336 du 4 mai 2018 relatif à la protection consulaire des citoyens de l'Union européenne dans des pays tiers.
* 38 D'après l'audition de la DGSCGC.