LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Recommandation n° 1 : À l'occasion de la préparation annuelle de la loi de finances, prévoir une budgétisation plus réaliste des dépenses de gestion de crise du CDCS. Au stade de l'exécution, préciser l'ensemble des remboursements perçus et dues par le CDCS au titre de ses opérations (Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, CDCS).
Recommandation n° 2 : Encourager la réduction des délais de remboursement des dépenses éligibles au mécanisme de protection civile de l'Union européenne (CDCS, Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne).
Recommandation n° 3 : Poursuivre les efforts de prévention à l'égard du public, notamment en s'appuyant sur les élus des Français de l'étranger, en encourageant l'inscription consulaire au registre des Français établis hors de France et le recours au Fil d'Ariane (MEAE, CDCS).
Recommandation n° 4 : Valoriser le modèle du CDCS, par des actions de formation destinées aux services étrangers et par une traduction des « Conseils aux voyageurs » en anglais (MEAE, CDCS).
Recommandation n° 5 : Clarifier le mandat et les objectifs du fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation, en lien avec les autres instruments de l'aide humanitaire de la France (CDCS, MEAE).
I. LE CENTRE DE CRISE ET DE SOUTIEN CONSTITUE UN SERVICE ESSENTIEL À LA GESTION DES CRISES INTERNATIONALES
A. LA DUALITÉ FONCTIONNELLE DU CDCS, UNE SPÉCIFICITÉ HISTORIQUE QUI SE REFLÈTE DANS SON ORGANISATION
1. Un service né de la double volonté de professionnaliser les capacités d'urgence du Quai d'Orsay et de s'inspirer des méthodes de l'humanitaire
La création d'une structure dédiée à la gestion de crises au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) remonte à 1985 et à l'installation de la cellule d'urgence au sein du Quai d'Orsay. Les missions de ce service sont toutefois cantonnées au suivi des situations de crises internationales4(*).
En parallèle, un service de l'action humanitaire (SAH) est créé en 1993. Il constitue la traduction institutionnelle et opérationnelle d'un investissement croissant du ministère chargé des affaires étrangères dans le domaine de l'action humanitaire. La nomination en 1988 d'un secrétaire d'État chargé de l'action humanitaire, Bernard Kouchner, placé auprès du Premier ministre, avait initié un rapprochement entre le ministère des affaires étrangères et les sujets humanitaires. La présence de Bernard Kouchner, personnalité issue de la société civile et reconnue sur ces thématiques, dans plusieurs gouvernements successifs (comme secrétaire d'État chargé de l'action humanitaire de 1988 à 1992, ministre de la santé et de l'action humanitaire de 1992 à 1993, secrétaire d'État à la santé de 1997 à 1999, ministre délégué à la santé de 2001 à 2002 et ministre des affaires étrangères et européennes de 2007 à 2010), a été déterminante dans la structuration progressive des capacités de gestion de crise du Quai d'Orsay.
La naissance d'une structure dualiste, cumulant les missions d'une cellule de crise avec celles d'un service dédié aux urgences humanitaires, est concrétisée en 2002 avec l'intégration au sein d'une délégation à l'action humanitaire (DAH) de la cellule d'urgence et du service de l'action humanitaire. En juillet 2008, sous l'impulsion du ministre des affaires étrangères et européennes Bernard Kouchner, est créé le centre de crise (CDC), qui vient se substituer à ce service. Ce centre répond à la volonté du ministère de professionnaliser la réponse aux crises internationales et d'améliorer ses délais de réponse, en application des orientations fixées par le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France5(*). La première opération de grande envergure menée par le centre a été la réponse au séisme de 2010 à Haïti.
Les missions du centre de crise sont fixées au IV de l'article 3 du décret n° 2012-1511 du 28 décembre 2012 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères : « Le centre de crise et de soutien est chargé de la veille, de l'anticipation, de l'alerte et de la gestion des crises se déroulant à l'étranger et nécessitant soit une réaction à un événement menaçant la sécurité des ressortissants français à l'étranger, soit une action humanitaire d'urgence. Il est également chargé du soutien à la stabilisation post-crise.
« Il est compétent à l'égard de la sécurité des Français établis ou de passage à l'étranger. Il traite notamment les questions relatives aux décès, aux disparitions inquiétantes et aux prises en otage de Français à l'étranger.
« Il coordonne l'action des départements ministériels en matière de sécurité des Français à l'étranger ainsi que la réponse de l'État pour les opérations d'aide humanitaire d'urgence et de soutien à la stabilisation décidées par le Gouvernement. Dans les domaines de sa compétence, il assure les relations avec les autres acteurs de l'aide humanitaire internationale et la mobilisation de partenariats avec la société civile, les collectivités territoriales et les entreprises.
« Il participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière d'action humanitaire d'urgence et d'appui à la reconstruction »6(*).
Sa dénomination a été modifiée en 2015 pour devenir le centre de crise et de soutien (CDCS)7(*), afin de formaliser l'adjonction de la mission de stabilisation à ses compétences, effective dès 2014. La mission de stabilisation vise à « rétablir les conditions de viabilité minimales d'un État et de répondre aux besoins essentiels des populations »8(*). Elle s'insère entre la phase d'urgence et le basculement vers des actions d'aide au développement.
Depuis 2015, le CDCS assure également la direction de la cellule interministérielle d'aide aux victimes, dans l'hypothèse d'attaque terroriste sur le territoire français.
Conformément au schéma d'organisation gouvernementale pour la gestion de crise9(*), le CDCS assure la coordination sur les crises extérieures10(*). En cas de crise internationale, le CDCS organise régulièrement, en planification ou en conduite de crise, des réunions interministérielles associant les différents ministères concernés. Le CDCS participe aux cellules interministérielles de crise (CIC) aux côtés du cabinet du ministre des affaires étrangères.
2. Une organisation reflétant la dualité fonctionnelle du service et sa vocation de gestion de crise
L'organigramme du centre de crise et de soutien constitue la traduction organisationnelle de la dualité de mission de ce service. Le CDCS se décompose ainsi entre trois pôles principaux correspondant aux missions du service.
Premièrement, le centre de situation est chargé de la sécurité des Français à l'étranger et de la mise en oeuvre des réponses de première urgence face aux crises sécuritaires. Son action se décompose entre :
- une activité de veille et d'alerte informationnelle sur les facteurs potentiels de crise, d'une part, et de réponse au public et aux postes diplomatiques 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, d'autre part ;
- la réalisation d'une permanence et de missions pour le compte du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et des postes diplomatiques. Il s'agit en particulier de la réponse aux urgences protocolaires et consulaires comme les autorisations de survol ;
- une activité de planification, par un appui aux postes diplomatiques dans la préparation et la mise à jour de leurs plans de sécurité des communautés françaises à l'étranger. Les agents du centre de situation peuvent, dans cette perspective, opérer des missions sur place ;
- une mission de cartographie pour l'information du public et la conduite des opérations du CDCS sur le terrain ;
- l'animation du réseau de partenaires du CDCS (entreprises, opérateurs et organisations de la société civile) sur les thématiques de sécurité des ressortissants à l'étranger.
Organigramme du centre de crise et de soutien
Source : rapport d'activité 2023 du centre de crise et de soutien
Deuxièmement, le centre des opérations d'urgence est chargé de la planification et de la réponse aux crises consulaires, de la préparation à la gestion de crise des agents de l'administration centrale et des postes diplomatiques et consulaires, de l'activation des cellules de crise ainsi que du suivi des affaires individuelles sensibles à l'étranger.
Les agents du centre des opérations d'urgence peuvent, lors de la survenance d'une crise consulaire majeure, renforcer les équipes des postes diplomatiques et consulaires concernés. En fonction de la nature de la crise (naturelle ou politique), ces agents peuvent être renforcés par des personnels spécialistes issus d'autres ministères comme des psychologues de la cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP), des équipes de la gendarmerie nationale, de la police nationale ou des agents de la sécurité civile.
Troisièmement, le centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) constitue le service de réponse humanitaire d'urgence de l'État. Pour ce faire, le COHS assure :
- le pilotage et la gestion des crises humanitaires, par la définition des besoins et par des interventions au soutien des populations, soit par une aide bilatérale directe soit par des subventions à des organismes de la société civile ;
- la coordination entre le CDCS et les administrations (ministère des armées, ministère de l'intérieur, ministère de la santé) et les opérateurs (Agence française de développement, Expertise France) susceptibles d'intervenir au cours de la crise. Cette coordination intervient également avec les autres États bailleurs et la Commission européenne, notamment au travers de la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes, dite ECHO11(*).
Initialement désignée comme la mission pour l'action humanitaire, le COHS a intégré en 2019 la mission pour la stabilisation. Cette dernière, créée au sein de la direction générale de la mondialisation et rattachée au CDCS en 2014, était chargée de l'accompagnement des premières étapes de sortie de crises. Son intégration au centre de crise puis sa fusion avec la mission pour l'action humanitaire traduit la centralisation des capacités de suivi crise/post-crise au sein du CDCS.
Par ailleurs, le positionnement administratif du CDCS au sein du MEAE reflète également la souplesse de ses méthodes d'intervention et de décision. Le centre de crise est en effet directement rattaché au cabinet du ministre. Cette proximité dans l'organigramme du ministère se retrouve dans le positionnement géographique du service. Ce dernier est opportunément contigu aux locaux du cabinet du ministre chargé des affaires étrangères. Loin d'être anecdotique, cette proximité physique permet un accès facilité des différentes parties prenantes aux réunions des cellule de crise.
* 4 Alain Boinet, Benoît Mirbel, « Analyses et propositions sur l'action humanitaire dans les situations de crise et post-crises », rapport à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, mars 2010.
* 5 Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, 2008.
* 6 Dans sa version issue du décret n° 2022-1138 du 9 août 2022 modifiant le décret n° 2012-1511 du 28 décembre 2012 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.
* 7 Par le décret n° 2015-256 du 4 mars 2015 modifiant le décret n° 2012-1511 du 28 décembre 2012 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.
* 8 Cour des comptes, L'aide apportée par l'État au Liban depuis 2020, Exercices 2020-2022, audit flash, juillet 2023.
* 9 Circulaire de la Première ministre n° 6418/SG du 26 septembre 2023 relative à l'organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures.
* 10 En effet, selon l'article L. 1142-6 du code de la défense, le ministère chargé des affaires étrangères : « coordonne la gestion des crises extérieures ainsi que la planification civile de celles-ci avec le concours de l'ensemble des ministères et des services de l'État concernés ».
* 11 Pour European Civil Protection and Humanitarian Aid Operations.