B. L'INTERDICTION DES « OPÉRATIONS COMPENSÉES »
L'article 35 de l'avant-projet gouvernemental constituait une reprise des dispositions de la « loi des maxima ». L'application de cette dernière, aussi dite « loi du cadenas », se faisait de la manière suivante : le ministre des finances déclarait en séance qu'une proposition parlementaire avait pour conséquence une aggravation des charges publiques ou une diminution des ressources publiques. Il appartenait à la commission des finances de l'Assemblée de se prononcer sur l'applicabilité de la « loi des maxima » lorsque celle-ci était invoquée par le Gouvernement à l'encontre d'une initiative parlementaire. Si la commission des finances confirmait le plus souvent la position du Gouvernement, un conflit pouvait toutefois survenir sur l'applicabilité de la règle invoquée. Ainsi, le 22 juin 1950, Georges Bidault, président du Conseil, avait été amené à poser la question de confiance devant l'Assemblée sur l'application de la « loi des maxima » ; mis en minorité, le Gouvernement avait été contraint à la démission.
Cependant, ce dispositif présentait deux limites. Tout d'abord, il se heurtait aux principes constitutionnels, le Parlement ayant, sur le fondement de l'article 17 de la Constitution de 1946, l'initiative des dépenses14(*). Ensuite, la « loi des maxima » permettait des « opérations compensées », notamment dans le domaine des dépenses ; un parlementaire pouvait ainsi proposer une économie en contrepartie d'une dépense.
C'est pour cette raison que le texte soumis à la commission constitutionnelle du Conseil d'État les 25 et 26 août 1958 ne faisait plus référence à « une aggravation des charges publiques » mais à « la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Dès lors, une dépense publique nouvelle ne pouvait plus être compensée.
* 14 Aussi divers moyens étaient-ils utilisés par les membres de l'Assemblée nationale afin de contourner la limite posée au second alinéa de l'article 17 de la Constitution de 1946, notamment celui consistant à exercer des pressions sur le Gouvernement ou, à partir du vote du budget de 1952, à subordonner le vote du budget au dépôt, par le Gouvernement, d'une lettre rectificative portant augmentation des dotations de certains chapitres budgétaires : le Gouvernement était ainsi contraint à prendre l'initiative des dépenses nouvelles souhaitées par les parlementaires.