B. UNE POLITIQUE DES RESSOURCES HUMAINES QUI PEUT ENCORE GAGNER EN EFFICACITÉ

1. Améliorer les conditions matérielles d'exercice des militaires

La rémunération est naturellement un facteur déterminant de recrutement et de fidélisation : le tassement des grilles indiciaires désincite à la progression, l'écart avec le reste de la fonction publique n'est pas à l'avantage de l'armée, et les comparaisons internationales ne sont pas favorables à l'armée française.

Le déploiement de la NPRM y a remédié, avec satisfaction semble-t-il, sans que tous ses effets - la fiscalisation des nouvelles primes, notamment - aient pu être encore précisément mesurés. Le plan « Fidélisation 360 », présenté par le ministre en mars 2024, promet en outre, notamment, la prise en compte d'une part de l'indemnitaire dans le calcul de la pension pour celles qui seront versées à compter de 2026.

Le respect du calendrier de mise en oeuvre des nouvelles grilles indiciaires restantes - fin 2024 pour les sous-officiers supérieurs, 2025 pour les officiers - sera un élément déterminant du moral, donc de la fidélisation des militaires.

Sur le plan indiciaire, le Gouvernement a tenu les promesses de la LPM en mettant à jour les grilles des militaires du rang et des sous-officiers subalternes en 2023. Celle des sous-officiers supérieurs doit l'être avant la fin de l'année, mais la publication du décret a été repoussé d'octobre à décembre 2024, pour une mise en paiement en 2025. Quant au projet de grille des officiers, attendu avant fin 2025, il n'a, semble-t-il, pas encore été présenté au guichet unique Bercy-DGAFP. Les rapporteures sont conscientes de l'état des finances publiques mais attirent l'attention sur l'importance du respect de la parole donnée aux militaires : un ajournement ou une révision a minima des grilles seraient à coup sûr désastreux en termes de fidélisation.

Les questions d'hébergement et de logement ont fait l'objet de plusieurs rapports d'évaluation récents. En dépit du plan famille, les programmes de construction restent insuffisants par rapport aux besoins, surtout en zone tendue, et l'état du parc est parfois très dégradé.

L'accompagnement des familles est par ailleurs perfectible. Les espaces ATLAS réunissent aujourd'hui en un lieu unique tous les interlocuteurs utiles de la défense, et des partenariats noués avec les autres administrations permettent d'y adjoindre de nombreux autres services. C'est l'interlocuteur idéal, mais leurs moyens, d'après le conseil supérieur de la fonction militaire, sont encore beaucoup trop faibles.

La mobilité est peut-être le facteur le plus important, puisqu'il surdétermine les contraintes d'hébergement. La mobilité découle certes de la disponibilité en tout lieu et en tout temps des militaires, et la rotation des postes garantit la progression des carrières. Mais c'est aussi l'une des sujétions qui affecte le plus directement la vie quotidienne du militaire et de sa famille, l'accès à la propriété, l'éducation des enfants, la prise en charge médicale, les aspirations du conjoint. Une étude récente d'une mutuelle de militaires a relevé que les conjoints de la population sondée, majoritairement des femmes, et bien que pour moitié diplômées d'un bac+2 à bac+5, déclarait à 63 % un statut d'ouvrière, employée ou technicienne. L'acceptation d'une forme de déqualification imposée par la mobilité du conjoint ne peut aller sans tensions.

Les colonels en service au 31 décembre 2022 ont connu, en moyenne, entre 8 et 10 mutations avec changement de résidence en moins de 30 ans de carrière.

Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire estimait en 2022 que des ajustements à la pratique restaient possibles : l'âge n'est pas assez pris en compte, non plus que l'ancienneté ; l'affectation privilégiée au plus près de la zone géographique souhaitée n'est pas encore la règle... Recourir davantage au télétravail dans les fonctions qui s'y prêtent, et réduire la mobilité géographique au strict nécessaire opérationnel devraient être des objectifs à regarder de plus près.

2. La formation et la gestion des ressources humaines

La fonction de recrutement pourrait sans doute gagner en efficacité. La procédure dure en tout de quatre à six mois, et le principal goulot d'étranglement se situe au niveau de l'aptitude médicale. La réforme prévue du service de santé des armées n'empêche pas d'imaginer un système plus ambitieux de réserve citoyenne pour absorber les flux. La communication des armées sur le recrutement est en outre puissante, mais extraordinairement foisonnante, et gagnerait à être centralisée sur un portail mieux identifié.

La promotion de la mixité est un autre chantier d'importance. Beaucoup a été fait en la matière, mais les discriminations et les violences peuvent rester un frein à l'engagement. Le rapport remis au ministre en juin dernier par le collège des inspecteurs généraux des armées doit être suivi d'effets. Les rapporteures s'interrogent toutefois sur l'opportunité de maintenir la cellule Thémis au sein du ministère, observant qu'en Allemagne, le « commissaire parlementaire aux forces armées » parvient à cumuler la connaissance du fonctionnement de l'institution et la fonction de destinataire des plaintes individuelles.

Les armées ont, par ailleurs, fait des efforts en matière de formation pour organiser des cursus précoces, grâce auxquels les militaires restent en moyenne 7 ans de plus dans l'armée que les autres. Cette politique suit toutefois, nécessairement avec retard, le rythme de déflation ou de reflation des effectifs, ce qui repose la question du modèle d'armée que la France se donne. L'école des mousses ou l'école militaire préparatoire technique sont, ainsi, des recréations d'établissements qui ont fermé dans les années 1980.

Enfin, la stratégie RH des armées pourrait être plus précisément pilotée. Comme elle est dépendante de la stratégie militaire elle-même, le rattachement très récent à l'état-major des armées d'un sous-chef chargé de la stratégie RH est une bonne chose. Les rapporteures préconisent toutefois de lui donner suffisamment de compétences administratives, statistiques, d'études sociologiques, pour affiner la connaissance des viviers, des tendances des jeunes générations, d'évaluations des politiques menées et de conduite du changement.

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