IV. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION EN 4 AXES : CLARIFIER, CONTRÔLER, INFORMER ET PROTÉGER
A. CLARIFIER LE CADRE JURIDIQUE POUR FACILITER LES CONTRÔLES
1. Régler la question de la microfiltration en conformité avec le droit européen
La rapporteure est convaincue de l'intérêt de clarifier la règlementation relative à l'usage de la microfiltration.
Ni la situation antérieure à 2023, reposant sur l'interprétation extensive d'un avis de l'AFSSA sur un dossier individuel, ni la situation actuelle où la microfiltration à 0,2 micron est utilisée en l'absence de norme précisant un seuil - et parfois en l'absence d'arrêté préfectoral - ne sont satisfaisantes.
Elle insiste donc sur la nécessité d'expliciter le seuil de coupure toléré par les autorités, en tenant compte des pratiques de nos voisins européens. Il lui semble qu'une harmonisation des règlementations et des pratiques relatives à la microfiltration serait une avancée pour les industriels français, dont une large partie de la production est exportée54(*).
Pour rappel, le rapport de l'Igas préconisait déjà [recommandation n° 5] : « Compte tenu des enjeux sanitaires, industriels et commerciaux et afin de limiter le risque de fraudes, adopter une position commune sur la filtration au niveau communautaire. Ce sujet pourrait être traité sans attendre une révision de la directive, à l'instar des travaux menés sur les critères permettant de caractériser la pureté originelle. À défaut, adopter une position commune au niveau national sur le seuil de coupure acceptable et respectant la logique propre aux eaux conditionnées (pureté naturelle associée à un faible niveau de traitement), l'inclure dans la règlementation et la faire appliquer ».
La rapporteure estime que cette recommandation est d'autant plus nécessaire que le rapport d'audit de la Commission européenne mené en mars 2024 a observé que l'usage de micropores à 0,2 micron, qui n'excluent pas une modification microbiologique de l'eau, n'est pas conforme au droit européen.
Pour ce faire, il est urgent d'achever la constitution du groupe technique national sur les eaux conditionnées par ailleurs préconisé par l'Igas réunissant la DGS, l'Anses et les ARS les plus concernées.
Sans attendre la révision de la directive 2009/54, ce groupe technique pourrait mener un dialogue avec ses homologues européens et interroger la Commission européenne sur l'opportunité de solliciter l'autorité européenne de sécurité sanitaire (EFSA), en vue d'adopter position claire sur le seuil de coupure de microfiltration permettant de respecter les critères de pureté originelle fixés par la directive de 2009.
Recommandation n° 1 :
Régler la question de la microfiltration en lien avec nos homologues européens : adopter une position claire et générale sur le seuil de coupure acceptable et organiser la mise en conformité des exploitants en conséquence.
2. Garantir la traçabilité de l'eau minérale naturelle
Le conditionnement d'EMN ou d'ES d'une part, et de boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA), d'autre part, sur les mêmes lignes de production suscite des difficultés pour les autorités de contrôle, d'autant plus compte tenu de la complexité de la tuyauterie des sites d'embouteillage et lorsque certaines désignations commerciales sont exportées vers des États où les règlementations relatives aux traitements sont différentes.
Bien que les BRSA soient hors du champ de la mission de l'Igas, son rapport recommandait de décrire précisément les modalités de gestion des sites embouteillant plusieurs désignations commerciales ou des BRSA, au regard des risques de mélanges et d'erreurs entre différentes eaux ne faisant pas l'objet des mêmes traitements55(*).
Afin de faciliter la conduite des contrôles, clarifier le cadre pour les exploitants et protéger les consommateurs, la rapporteure préconise de mener une campagne de contrôles ciblés sur cette problématique avant de compléter la règlementation afin de mentionner explicitement ce cas de figure au sein du code de la santé publique.
En lien avec la DGS et la DGCCRF, des lignes directrices devraient ensuite être publiées sur les éléments de preuve nécessaires pour démontrer la traçabilité de l'eau et les moyens de la contrôler. Comme rappelé par l'Igas, il est nécessaire que les arrêtés d'autorisation d'exploitation précisent les modalités techniques de démonstration de la traçabilité de l'eau et les mesures prises pour éviter les mélanges et les erreurs.
Recommandation n° 2 :
Garantir la traçabilité des eaux : réaliser une campagne de contrôles ciblés des sites conditionnant eaux de boissons et eaux minérales naturelles ou de source sur les mêmes lignes de production pour évaluer l'opportunité d'une évolution de la règlementation. Préciser les preuves de traçabilité à produire ainsi que les mesures à prendre pour éviter les mélanges et les erreurs, et s'assurer qu'elles soient décrites au sein des arrêtés d'autorisation d'exploitation.
* 54 Les deux tiers de la production de Perrier sont exportés. Danone exporte quant à elle 60 % de sa production d'eaux Volvic dont 58 % en Europe, et 60 % de sa production d'Évian dont 30 % en Europe.
* 55 Point iii de la recommandation n° 2 du rapport de l'Igas.