C. L'AMORCE RÉCENTE D'UNE RÉVISION STRATÉGIQUE SALUTAIRE DE LA DSNA

Dans un rapport d'information consacré en 2023 à la modernisation des outils du contrôle aérien34(*), le rapporteur avait constaté et salué une amorce récente et salutaire de revirement stratégique de la part de la DSNA. Il a le sentiment que, depuis quelques années, plusieurs « tabous » commencent à « sauter » qu'il s'agisse de la modernisation technologique, de l'organisation du travail des contrôleurs, du suivi du temps de travail ou bien encore de la restructuration des implantations territoriales de la DSNA.

Il a notamment salué l'élaboration d'une stratégie cohérente de long terme qui s'appuie sur trois piliers interdépendants :

- la modernisation technologique des outils du contrôle aérien ;

- une restructuration du réseau des implantations territoriales de la DSNA ;

- une réforme de l'organisation du travail des contrôleurs aériens.

Le rapporteur estime qu'à condition de mener effectivement à bien, et de façon intégrale, cette réforme, la DSNA pourrait retrouver son rang au niveau européen et toute sa crédibilité, notamment auprès des décideurs politiques et en particulier du ministère chargé des comptes publics duquel dépend en partie les moyens qui lui sont alloués pour réaliser les investissements dont elle a tant besoin. Il note aussi que cette réforme s'inscrit dans l'objectif de décarbonation du secteur aérien. En effet, cette réforme conditionne l'amélioration de la performance environnementale du contrôle aérien de laquelle pourrait résulter une réduction jusqu'à 10 % des émissions de CO2 du secteur.

S'agissant de la modernisation technologique du contrôle aérien, le rapporteur avait ainsi pu constater en 2023 que la DSNA avait engagé son « aggiornamento » en s'attaquant à plusieurs faiblesses qui avaient conduit à faire dériver de manière inacceptable les principaux programmes en la matière : « un vrai changement de paradigme semble en effet émerger des dernières orientations stratégiques prises par la DSNA à travers un objectif de convergence et d'harmonisation des systèmes entre les différents centres et le renoncement à la logique du « sur-mesure », le principe d'achat de produits « sur étagère » et la volonté de mettre un terme au phénomène de sur-spécification pour (...) inscrire l'effort de modernisation de la DSNA dans de véritables feuilles de routes industrielles partagées avec d'autres PSNA afin de ne plus se laisser distancer »35(*).

La restructuration nécessaire du réseau des implantations territoriales de la DSNA n'est pas sans lien avec l'enjeu de modernisation technologique. En effet, au cours de la mission qu'il a conduite en 2023, le rapporteur a pris connaissance des travaux de réflexion menés par la DSNA sur sa capacité opérationnelle à assurer l'entretien et la modernisation de son réseau actuel de tours de contrôle et de centres d'approche. Aujourd'hui l'empreinte territoriale de la DSNA est particulièrement étendue. Elle compte 30 centres d'approche et 80 tours de contrôle. Or, ce réseau génère des coûts de structure élevés qui obèrent les capacités à le moderniser.

Au terme de sa réflexion, la DSNA en est venue à la conclusion que l'ampleur de son réseau territorial constituait l'un des freins à sa modernisation technologique. Elle avait alors exposé au rapporteur l'équation insoluble de la modernisation de ses implantations à réseau territorial inchangé. En effet, la durée de vie moyenne d'une tour de contrôle est de 40 ans. Avec un réseau de 80 installations la DSNA devrait alors en moderniser deux par an. Or, actuellement, elle n'en modernise péniblement qu'une seule tous les deux ans. Il lui apparaît ainsi irréaliste de pouvoir continuer à entretenir et moderniser efficacement un tel réseau. Ne pas le restructurer reviendrait à se résigner à sa dégradation progressive. Le constat est identique pour les centres d'approche.

Tout en mesurant l'extrême sensibilité de la question et de ses enjeux sociaux, qui doivent impérativement faire l'objet d'un accompagnement approprié, le rapporteur spécial convient ainsi que la modernisation des tours et des approches n'est possible qu'à condition de restructurer leurs réseaux. Cette restructuration devra nécessairement être précédée d'une phase de concertation approfondie.

La restructuration des implantations prévues dans le plan stratégique concerne aussi les centres de maintenance technique dont l'optimisation est également nécessaire pour améliorer la performance des services rendus par la DSNA.

Enfin, dans le prolongement des premiers assouplissements mis en oeuvre depuis 2016 et devant le constat manifeste que l'organisation du travail actuelle des contrôleurs ne permet plus de rendre un service performant et adapté au trafic aérien, la DSNA a clairement manifesté sa volonté de la réformer afin de la rendre plus flexible.

Le rapporteur a bien conscience que l'ensemble de ces évolutions sont tout sauf anodines pour la DSNA et qu'elles constituent un programme ambitieux et inédit susceptible, s'il est effectivement mené à bien, d'améliorer sensiblement la productivité des services du contrôle de la navigation aérienne.

De tels bouleversements, parce qu'ils remettent en cause certaines situations et certains acquis longtemps considérés comme « intouchables », ne peuvent s'envisager sans contreparties. Pour la DGAC, ces contreparties ne pouvaient qu'être portées par un nouveau protocole social qui, cette fois enfin, devait véritablement s'inscrire dans une logique de « donnant-donnant » en permettant le déploiement effectif des différentes composantes de cette réforme stratégique, au premier rang desquelles l'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs et les restructurations des implantations territoriales de la DSNA.


* 34 Rapport d'information n° 758 (2022-2023) fait par M. Vincent CAPO-CANELLAS au nom de la commission des finances (1) sur les programmes de modernisation de la navigation aérienne 4-Flight, Co-Flight et Sysat, juin 2023.

* 35 Rapport d'information n° 758 de juin 2023 précité.

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