N° 5

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 octobre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la direction générale
de l'
aviation civile (DGAC) et la performance du contrôle aérien français,

Par M. Vincent CAPO-CANELLAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

I. LES PROTOCOLES SOCIAUX À LA DGAC : UNE PRATIQUE COÛTEUSE POUR UN BILAN DISCUTABLE

A. UN MODÈLE ATYPIQUE PROFONDÉMENT ANCRÉ DANS LA CULTURE DE LA DGAC

Depuis la fin des années 1980, la DGAC se livre de façon régulière à un exercice de contractualisation atypique au sein de la fonction publique : la négociation avec les organisations syndicales de conventions pluriannuelles appelées « protocoles sociaux ». Cette pratique est profondément ancrée dans la culture de la DGAC. La direction comme les organisations syndicales ne s'imaginent plus réellement fonctionner sans ces protocoles.

La vocation originelle de cette pratique était de favoriser la « paix sociale ». Dans un contexte caractérisé par un pouvoir de négociation affirmé des syndicats, ces accords devaient canaliser les revendications des personnels pour éviter des grèves coûteuses pour l'écosystème aérien. Un autre objectif poursuivi par les protocoles sociaux, de façon très secondaire cependant, était de promouvoir des mesures de productivité. Cet objectif aurait dû faire des protocoles des outils conçus dans une logique de « donnant-donnant ». Cependant, les précédents protocoles n'ont pas respecté ce principe et se sont traduits par l'octroi quasi unilatéral de nouveaux avantages catégoriels aux personnels de la DGAC sans véritable modernisation du contrôle aérien.

B. ALORS QUE LES ENJEUX, POURTANT CRUCIAUX, DE MODERNISATION ET DE PERFORMANCE ENVIRONNEMENTALE DU CONTRÔLE AÉRIEN ÉTAIENT MIS DE CÔTÉ, UNE ACCUMULATION DE MESURES CATÉGORIELLES SANS VRAIES CONTREPARTIES

La principale résultante des dix protocoles conclus entre la fin des années 1980 et 2023 a en effet été une inflation constante des charges de personnel de la DGAC. Les revalorisations systématiques des régimes indemnitaires, les créations de nouvelles primes et les réévaluations des grilles indiciaires ont conduit à une divergence notable entre les rémunérations des personnels de la DGAC et celles du reste de la fonction publique. En outre, plusieurs rapports de la Cour des comptes ont mis en évidence le coût, la complexité et le caractère parfois irrégulier des régimes indemnitaires de la DGAC. Une situation qui résulte très largement des mesures adoptées dans le cadre des protocoles.

L'essentiel des mesures catégorielles prévues par les protocoles se traduisent par des augmentations structurelles permanentes des charges de personnel de la DGAC. L'étude du coût structurel total des trois derniers protocoles révèle une tendance inflationniste marquée. Alors que l'augmentation permanente des charges de personnel annuelles résultant du protocole 2010-2012 s'était établie à 7,1 millions d'euros, elle a atteint 23,7 millions d'euros pour l'accord 2013-2015 puis 47,5 millions d'euros pour le protocole 2016-2019. Ainsi, les trois derniers protocoles se sont-ils traduits globalement par une augmentation annuelle pérenne des charges de personnel de la DGAC de près de 80 millions d'euros.

Au regard du coût des protocoles sociaux qui se cumulent d'année en année et de leurs multiples mesures catégorielles, les contreparties en matière de performance apparaissent bien maigres au rapporteur. Par ailleurs, si la DGAC a pu les lui lister, elle n'est pas en mesure d'en estimer l'efficience. Aucune évaluation digne de ce nom des protocoles passés n'a jamais été réalisée.

Coût annuel récurrent des huitième,
neuvième et dixième protocoles sociaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

II. LE NOUVEAU PROTOCOLE 2023-2027 DOIT ACCOMPAGNER LA RÉVISION STRATÉGIQUE AMORCÉE PAR LA DSNA

A. LA PERFORMANCE « MÉDIOCRE » DU CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS SUPPOSE DES ÉVOLUTIONS PROFONDES

Dans un rapport d'information de 2018, le rapporteur avait déjà souligné à quel point la performance du contrôle de la navigation aérienne en France était insuffisante. La DGAC reconnaît d'ailleurs que cette performance peut être considérée comme « médiocre en comparaison de celle de nos partenaires ». Élevés, les retards moyens par vol imputables à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) sont en hausse depuis la sortie de la crise sanitaire. Après une année noire en 2019, cet indicateur s'était artificiellement amélioré en raison de la chute du trafic aérien résultant de la crise. Il s'est de nouveau fortement dégradé, dépassant les 2 minutes en 2023. Les retards constatés en France représentent environ 35 % du total européen.

Ponctualité des vols en Europe (2022-2023)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Par ailleurs, si la productivité horaire des contrôleurs aériens français s'est améliorée ces dernières années, elle reste inférieure à la moyenne européenne et surtout aux performances de beaucoup de leurs homologues. Cette situation a de lourdes conséquences pour les compagnies aériennes : pour un vol, chaque minute de retard représente en moyenne un coût de 100 euros. En 2023, Air France - KLM a par exemple subi 815 000 minutes de retard dus au contrôle aérien, dont 75 % imputables à la DSNA, soit une perte d'environ 80 millions d'euros.

Les retards provoqués par le contrôle aérien sont dus pour une large part à l'incapacité de la DSNA à faire travailler assez de contrôleurs au moment des pics de trafic. Cette situation s'explique par une organisation du travail trop rigide. Dans ces conditions, une réforme ambitieuse de l'organisation du travail des contrôleurs aériens est incontournable pour que la performance de la DSNA puisse se rapprocher de celle de ses principaux homologues européens. À cet égard, dans un  rapport d'information présenté en 2023, le rapporteur avait salué l'amorce d'un revirement stratégique de la DSNA qui a formalisé un programme de long terme fondé sur trois piliers complémentaires : la modernisation technologique des outils du contrôle aérien, une restructuration du réseau de ses implantations territoriales et une réforme de l'organisation du travail des contrôleurs.

B. NÉGOCIÉ DANS LA DOULEUR, LE PROTOCOLE SOCIAL 2023-2027 DOIT ACCOMPAGNER LE VIRAGE STRATÉGIQUE DE LA DSNA

Entamées en 2019 puis suspendues par la crise sanitaire, les négociations d'un nouveau protocole social ont repris en janvier 2023 avant d'être ralenties par une série d'évènements extérieurs : conflit social lié à la réforme des retraites, remaniement ministériel, contrainte budgétaire accrue, etc. Un autre élément de contexte a perturbé le déroulement des négociations. Un rapport du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) a mis en évidence une pratique opaque d'auto-gestion du temps de travail des contrôleurs aériens : les « clairances ». Cette pratique officieuse bien que connue et tacitement tolérée par la DGAC, consiste, pour le chef d'équipe à autoriser certains contrôleurs à s'absenter sur leurs heures de service. Au-delà des enjeux sécuritaires, les clairances réduisent sensiblement le temps de travail effectif des contrôleurs qui avoisinerait les 24 heures hebdomadaires au lieu des 32 heures légales. Pour mettre un terme à cette dérive, conformément aux recommandations du BEA et de la Cour des comptes et à l'instar des pratiques en vigueur ailleurs en Europe, la DGAC s'est engagée à mettre en place un système de badgeage électronique à l'entrée du lieu de travail ainsi que sur la position de contrôle.

Après une rallonge de plusieurs dizaines de millions d'euros, les négociations ont fini par aboutir en avril 2024, dans la douleur et sous l'épée de Damoclès d'une menace de grève massive des contrôleurs dont les répercussions financières quotidiennes auraient avoisiné les 20 millions d'euros. À la différence notable de ses prédécesseurs, ce protocole comprend de véritables mesures de performance qui portent notamment sur une restructuration des implantations territoriales de la DSNA, des assouplissements de l'organisation du travail des contrôleurs et des équipes techniques ou encore une optimisation de la période de formation des contrôleurs. Pour accompagner le déploiement de ces mesures, le protocole 2023-2027 prévoit des contreparties financières (statutaires et indemnitaires) significatives pour l'ensemble des personnels de la DGAC. Au total, à l'horizon 2027, le rapporteur estime que cet accord augmentera de façon pérenne les charges de personnel de la DGAC à hauteur d'environ 100 millions d'euros par an.

En dépit de toutes ses réserves à l'endroit de cette pratique, le rapporteur reconnaît qu'aujourd'hui, dans le contexte et la culture qui est celle de la DGAC, le nouveau protocole est de nature à poursuivre l'oeuvre de révision stratégique de la DSNA. Le pire aurait été que ce programme soit coupé dans son élan, voire irrémédiablement abandonné. Pour traiter l'une des principales lacunes des précédents accords et compte-tenu des montants en jeu, le rapporteur estime qu'il est impératif que le protocole 2023-2027 fasse l'objet d'évaluations complètes et approfondies :

une première, dès 2026, pour s'assurer que les mesures de performance se déploient conformément à l'accord et que leurs résultats sont à la hauteur ;

une seconde, en 2028, afin de dresser un bilan coût-bénéfice objectif.

III. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME PLUS STRUCTURELLE

Ce n'est que par pragmatisme que le rapporteur a soutenu la conclusion du protocole 2023-2027 qui lui semble être « la moins mauvaise des solutions » dans le système actuel pour progresser sur le chemin de la remise à niveau de la DSNA. D'après-lui, la pratique protocolaire à la DGAC présente cependant de trop nombreux défauts pour qu'elle puisse résoudre de façon structurelle la problématique du défaut de performance des services du contrôle aérien.

A. UNE CONTRACTUALISATION TRANSPARENTE DE LA PERFORMANCE

Les acteurs du transport aérien réclament de façon unanime la formalisation transparente d'engagements de performance à long terme du contrôle aérien. Aujourd'hui personne ne dispose d'une vision précise sur les objectifs et les réalisations de la DGAC en la matière.

Le rapporteur partage cette préoccupation et recommande la formalisation d'un contrat d'objectifs et de performance pluriannuel élaboré avec l'ensemble des acteurs du transport aérien dans lequel la DGAC prendrait des engagements fermes de performance sur des horizons de long terme.

B. L'INTÉRÊT D'UNE RÉFORME STRUCTURELLE POUR RENDRE LA DSNA AUTONOME

Aujourd'hui, l'organisation du contrôle aérien en France se distingue de la plupart de celles en vigueur ailleurs en Europe sur deux aspects :

- d'une part la DSNA n'est pas une entité juridique distincte de l'État mais un simple service de la DGAC ;

- d'autre part elle n'est pas séparée de façon structurelle et juridique de son régulateur économique, la direction du transport aérien (DTA), qui appartient elle aussi à la DGAC.

Sur ce second point, dans ses rapports précités de 2018 et 2023, le rapporteur a déjà souligné à quel point la « séparation fonctionnelle à la française » entre la DSNA et son régulateur était insatisfaisante et déresponsabilisante. Il a acquis la conviction que seule une séparation juridique entre la DSNA et son régulateur économique pourra permettre la remise à niveau de la performance du contrôle aérien français et prévenir la répétition de ses dérives passées.

Dans cette perspective, l'autonomisation de la DSNA constitue, à terme, la voie à suivre. Cette voie est, selon le rapporteur spécial, dans l'intérêt du contrôle aérien comme des contrôleurs, notamment parce qu'elle permettrait réellement de reconnaître leurs spécificités. Elle contribuerait aussi à réduire les lourdeurs de décision inutiles, propres au fonctionnement de la DGAC et à son statut d'administration centrale, ou encore à installer avec les contrôleurs et leurs organisations syndicales un dialogue plus fin, plus technique et plus proche de leurs préoccupations.

Loin d'affaiblir la DGAC, le rapporteur est convaincu qu'une telle réforme lui redonnerait un nouveau souffle en la recentrant sur ce qui constitue sa vraie légitimité : ses missions régaliennes. Elle lui donnerait ainsi l'occasion de réaffirmer ce pouvoir régalien en toute indépendance.

Fort de ces convictions, le rapporteur recommande de créer sans délais une commission qui devrait se prononcer d'ici à la fin de l'année 2025 sur l'opportunité d'une réforme profonde de la gouvernance de l'aviation civile visant à rendre, d'ici à la fin de la décennie, la DSNA juridiquement indépendante de la DGAC.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : réaliser une première évaluation du protocole social 2023-2027 dès 2026 puis une évaluation indépendante, complète et approfondie à l'issue de sa période d'application, en 2028.

Recommandation n° 2 : instaurer un contrat d'objectifs et de performances pluriannuel de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans lequel elle s'engagerait sur des objectifs de performance de long terme.

Recommandation n °3 : créer immédiatement une commission élargie à toutes les composantes de l'État intéressées, au Parlement, aux organisations syndicales ainsi qu'à l'ensemble des acteurs du transport aérien qui aurait pour mission de se prononcer d'ici à la fin de l'année 2025 sur l'opportunité d'une réforme profonde de la gouvernance de l'aviation civile en France qui viserait à rendre, d'ici à la fin de la décennie, la DSNA structurellement et juridiquement indépendante de l'actuelle DGAC.

PREMIÈRE PARTIE
LES PROTOCOLES SOCIAUX À LA DGAC : UNE PRATIQUE COÛTEUSE POUR UN BILAN DISCUTABLE

I. UNE POLITIQUE TRÈS ANCRÉE DANS LA CULTURE DE LA DGAC

A. UN MODÈLE ATYPIQUE NÉ À LA FIN DES ANNÉES 1980

1. Une pratique révélatrice de la forte autonomie dont dispose la DGAC

Depuis la fin des années 1980, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) se livre de façon régulière à un exercice de dialogue social atypique au sein de la fonction publique : la négociation, avec les organisations syndicales représentatives de ses personnels, de conventions pluriannuelles qualifiées de « protocoles sociaux ».

Ces protocoles conduisent principalement à accroître les rémunérations des agents de la DGAC en leur accordant de nouveaux avantages catégoriels. À ce titre, le rapporteur note que la DGAC bénéficie d'une autonomie toute particulière en la matière au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Cette direction dispose en effet de son propre secrétariat général qui, en matière de ressources humaines et de règles statutaires ou indemnitaires, interagit de manière indépendante du ministère avec le guichet unique formé par la direction du budget et direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

En audition, la DGAFP a d'ailleurs indiqué au rapporteur que la pratique des protocoles sociaux pluriannuels était fortement corrélée et même conditionnée à l'autonomie des administrations concernées. La DGAFP explique ainsi le fait qu'outre la DGAC, seule la police nationale, qui dispose elle aussi d'une large autonomie au sein du ministère de l'intérieur, conduit de façon régulière une pratique comparable aussi développée.

2. Des accords sans valeur juridique mais au poids réel renforcé par des arbitrages politiques de haut niveau

La période de négociation des protocoles donne lieu à des discussions régulières entre la direction et les syndicats représentatifs des personnels de la DGAC. Ces discussions prennent plusieurs formes. Certaines réunions plénières, réunissant l'ensemble des organisations syndicales, sont dirigées par le directeur général en personne, d'autres, plus techniques sont pilotées par ses représentants. Enfin, des réunions bilatérales se tiennent également entre la direction et chacune des organisations syndicales. À travers cette organisation, la DGAC a indiqué au rapporteur « essayer de maintenir un niveau de dialogue constant » tout au long de la procédure de négociation.

En marge de ses discussions avec les syndicats, la DGAC échange également avec les services de la DGAFP et de la direction du budget. Les mesures catégorielles que la DGAC entend octroyer à ses agents dans le cadre des protocoles sont notamment soumises au guichet unique composé de la DGAFP et de la direction du budget. Les mesures qui composent les protocoles et leur coût font ainsi l'objet de discussions en réunions interministérielles entre le ministère en charge des comptes publics, le ministère chargé de la fonction publique et la DGAC. Enfin, à différents moments de la procédure, systématiquement avant la validation de l'accord final et principalement pour entériner le montant de l'enveloppe budgétaire qui lui sera allouée, l'arbitrage du cabinet du Premier ministre est requis.

Jusqu'au dernier accord finalisé en mai dernier, les protocoles sociaux de la DGAC n'avaient pas de valeur juridique. Ils n'étaient pas équivalents à un contrat susceptible d'être opposable devant une juridiction. Malgré tout, le portage politique dont ils faisaient l'objet, couronné par une validation du Premier ministre, et le spectre tant redouté par les décideurs de grèves des contrôleurs aériens renforçaient considérablement la valeur de ces accords et assuraient leur application stricte. Dans un rapport de 2021 consacré à la politique des ressources humaines de la DGAC1(*), la Cour des comptes notait à ce propos que ces caractéristiques conféraient aux protocoles « une force de fait supérieure à bien des engagements juridiques ».

Dépourvus de toute valeur contraignante, les protocoles sociaux ne sont ainsi pas juridiquement « autoportants » et nécessitent, pour pouvoir s'appliquer, de s'appuyer sur des textes réglementaires existants voire d'en produire de nouveaux. « En essayant d'utiliser le stock existant des règles indemnitaires des personnels techniques de la fonction publique », la DGAC a cependant indiqué en audition au rapporteur chercher à éviter au maximum d'avoir à produire de nouveaux textes réglementaires d'application spécifiques pour mettre en oeuvre des mesures prévues par des protocoles. De cette pratique pragmatique peut cependant résulter le dévoiement de la vocation de certains régimes indemnitaires (voir infra).

La mise en oeuvre des protocoles fait ensuite l'objet d'une procédure de suivi au sein d'un comité de suivi du protocole (CSP) qui associe la direction et les organisations syndicales signataires dudit accord. Cette instance se réunit au moins deux fois par an.

3. Une pratique qui fait figure d'exception au sein du paysage administratif français

La DGAFP a confirmé au rapporteur que l'exercice pratiqué par la DGAC était très atypique au sein de la fonction publique française. Des accords ponctuels, en réaction à des évènements et des situations exceptionnelles peuvent avoir un contenu assimilable aux protocoles sociaux. Cependant, ils n'ont pas la récurrence de ces derniers ni l'enracinement profond au sein de la culture de l'institution qui caractérise la pratique en vigueur au sein de la DGAC. Le meilleur exemple de ces accords ponctuels est probablement le « Ségur de la santé » qui a été négocié dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire due à la COVID-19.

Le modèle le plus proche de ce qui se pratique à la DGAC est probablement à rechercher au sein de la police nationale. À intervalles plus ou moins réguliers mais sans atteindre cependant la récurrence et le systématisme des protocoles de la DGAC, et là encore généralement en réaction à des évènements particuliers, la police nationale conclue, en concertation avec les organisations syndicales représentatives, des accords dont le contenu est assimilable à ce qui se pratique à la DGAC. De tels accords ont notamment été conclus en 2004, en 20162(*) puis en 20223(*).

B. UN OUTIL VISANT PRINCIPALEMENT À APAISER LE CLIMAT SOCIAL DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR LE FORT POUVOIR DE NUISANCE DES CONTRÔLEURS AÉRIENS

1. Acheter la paix sociale par peur des grèves du contrôle aérien

Dès son origine, la vocation première de la pratique des protocoles sociaux a été de favoriser la « paix sociale » au sein de la DGAC. Dans un contexte caractérisé par un pouvoir de négociation très affirmé des syndicats, ces accords ont ainsi pour fonction d'encadrer et de canaliser les revendications des personnels pour éviter au maximum que n'éclatent des conflits sociaux et des grèves particulièrement coûteuses pour l'écosystème aérien (voir infra).

Depuis qu'il se consacre aux sujets aériens, le rapporteur a eu maintes fois l'occasion de constater à quel point l'État peut se retrouver tétanisé par le pouvoir de nuisance des contrôleurs aériens. Cette situation donne aux organisations syndicales représentatives des personnels de la DGAC une force de négociation tout à fait particulière au sein de l'administration française.

Citant la DGAFP, la Cour des comptes soulignait à ce titre en 20214(*) que les contrôleurs aériens « disposent d'un pouvoir de négociation sans égal dans la mesure où le coût d'une journée de grève du contrôle aérien pour le BACEA est tel qu'il conduit à relativiser le coût des mesures catégorielles » généreuses octroyées de façon systématique dans les protocoles successifs.

Cette vocation initiale pacificatrice des protocoles sociaux de la DGAC reste très prégnante dans l'imaginaire et les représentations de l'ensemble des acteurs de l'institution. La direction de la DGAC comme les syndicats entendus par le rapporteur au cours de sa mission de contrôle lui ont ainsi rapporté que la période de transition entre la fin du dernier protocole, en 2020, et la conclusion du nouveau en avril dernier5(*), a été marquée par une recrudescence des tensions sociales au sein de l'institution. Les uns comme les autres en attribuent en partie la cause à l'absence de protocole.

En réponse au questionnaire du rapporteur, la DGAC soulignait ainsi, s'agissant de la période 2020-2023 : « les conflits sociaux ont été souvent le fait de mouvements « fonction publique » liés à la réforme des retraites, à la loi de transformation de la fonction publique ou encore aux sujets climatiques, mais l'absence de perspective immédiate d'un nouveau protocole a également exacerbé les tensions sociales concernant des sujets internes à la DGAC ».

Inversement, la DGAC a insisté auprès du rapporteur sur la diminution des mouvements sociaux ayant pour objet des sujets internes constatée selon elle au cours de la période d'application du dernier protocole (2016-2019).

De son côté, la DGAFP voit plutôt d'un bon oeil la pratique des protocoles sociaux de la DGAC dans la mesure où, selon son analyse, ils participent effectivement à encadrer les revendications des personnels et à canaliser les conflits sociaux.

2. Les gains de productivité : un objectif affiché mais trop longtemps délaissé

Un autre objectif poursuivi par les protocoles sociaux, de façon très secondaire cependant au moins jusqu'au dixième protocole, est de promouvoir la mise en oeuvre de mesures visant à accroître la productivité de la DGAC et, tout particulièrement, la performance des services du contrôle de la navigation aérienne, opéré par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA).

La poursuite de cet objectif aurait dû faire des protocoles des outils conçus dans une logique de « donnant-donnant », les nouveaux avantages catégoriels étant négociés en contrepartie de mesures destinées à améliorer la productivité de la DGAC et de la DSNA. Ainsi, comme la DGAC l'a souligné dans ses réponses au rapporteur, la pratique des protocoles devrait permettre en théorie de « concilier la continuité d'une activité très sensible au conflit social et une recherche permanente de meilleure performance et de modernisation ». Selon elle, dans l'idéal, cet outil devrait ainsi servir à « construire une stratégie sociale pluriannuelle » afin de « permettre la mise en oeuvre dans la durée d'améliorations de grande ampleur », c'est-à-dire « des réorganisations de services, et/ou d'organisation du travail ambitieuses de façon la plus apaisée possible ».

Pourtant, comme décrit infra, force est de constater que les précédents protocoles n'ont pas respecté ce principe de « donnant-donnant » et qu'ils se sont essentiellement traduits par l'octroi quasi unilatéral de nouveaux avantages catégoriels aux personnels de la DGAC. Ce constat est d'ailleurs partagé par nombre d'acteurs concernés.

Aucune véritable réforme structurelle d'ampleur visant à promouvoir la productivité de l'institution n'a jamais été portée par un protocole et il aura fallu attendre le dixième (le protocole 2016-2019) pour voir apparaître de premiers dispositifs réellement destinés à améliorer la performance du contrôle aérien à travers des expérimentations optionnelles d'optimisation de l'organisation du travail (voir infra).

Ce constat avait notamment fait dire au rapporteur, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 que « la logique initiale de « gagnant - gagnant » a été largement dévoyée et le résultat effectif a bien plus des airs de « gagnant - perdant » au détriment de la performance du contrôle aérien et in fine, de la compétitivité du transport aérien qui finance les services de la navigation aérienne »6(*).

C. UNE PRATIQUE TRÈS FERMEMENT ENRACINÉE AU SEIN DE L'INSTITUTION

Le rapporteur a pu constater à quel point la pratique des protocoles sociaux était profondément ancrée dans la culture et les représentations de l'ensemble des composantes de la DGAC. Cette constatation vaut tout autant pour la direction que pour les organisations syndicales représentatives des personnels. Les uns comme les autres ne s'imaginent plus réellement fonctionner durablement sans ces protocoles. La direction considère qu'elle ne peut maîtriser le climat social de l'institution, canaliser les revendications de ses agents et mettre en oeuvre la moindre réforme sans recourir à l'outil du protocole social. De leur côté, les organisations syndicales sont très attachées aux mesures catégorielles octroyées dans le cadre de ce modèle et qui doivent conforter le pouvoir d'achat des personnels. Elles soulignent à quel point les tensions sociales s'accroissent et deviennent difficilement contrôlables en l'absence de protocole.

À l'issue des dernières élections professionnelles en 2022, au niveau de la DGAC7(*), il existe cinq organisations syndicales représentatives des personnels de l'institution. Le syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA) est arrivé en tête avec 27,8 % des voix suivi de l'union syndicale de l'aviation civile - CGT (22,8 %), de l'UNSA - aviation civile (21,9 %), de FO - DGAC (17,1 %) puis du syndicat des personnels de l'aviation civile - CFDT (9,8 %). Il est à noter que le SNCTA est très majoritaire au sein des contrôleurs aériens puisqu'il a recueilli 60,2 % des suffrages du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) à l'occasion des dernières élections. Le syndicat UNSA est quant à lui majoritaire8(*) chez les ingénieurs de maintenances du corps des ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA) tandis que FO est très représentatif parmi le corps des techniciens supérieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC).

La vision générale qu'ont les organisations syndicales de la pratique des protocoles sociaux n'est cependant pas parfaitement alignée. De façon générale, les syndicats confédérés ont à coeur de faire bénéficier l'ensemble des personnels de la DGAC des mesures catégorielles octroyées par les protocoles. À titre d'exemple, lors de leur audition, les représentants du syndicat des personnels de l'aviation civile (CFDT) ont témoigné leur attachement à ce que l'ensemble des personnels de la DGAC soient concernés par les protocoles sociaux. Ils ont indiqué au rapporteur défendre cette ligne de façon constante depuis la négociation du premier protocole. Inversement, le SNCTA, qui défend les intérêts des contrôleurs, s'accommoderait de protocoles restreints au périmètre de la seule DSNA.

Si les premiers protocoles sociaux étaient adoptés à l'unanimité des organisations syndicales, cette politique de la direction a évolué et les derniers protocoles n'ont été adoptés qu'à la majorité sans que l'ensemble des organisations syndicales représentatives n'en soient signataires. Le protocole 2006-2009 est le dernier à avoir été signé par l'ensemble des syndicats représentatifs de la DGAC. Le protocole 2016-2019 avait quant à lui été signé par tous les syndicats à l'exception de l'union syndicale de l'aviation civile - CGT. Le protocole 2023-2027 validé en mai 2024 a quant à lui été signé par le SNCTA, FO et la CFDT qui représentent à eux trois 55 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.

II. DIX PROTOCOLES DONT LA PRINCIPALE CONSÉQUENCE A ÉTÉ UNE INFLATION DES CHARGES DE PERSONNEL DE LA DGAC

A. UNE SUCCESSION DE DIX PROTOCOLES DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1980

Le premier des protocoles sociaux de la DGAC a porté sur la période 1988-1991. Son préambule soulignait que ses dispositions visaient à assurer « des améliorations significatives en matière d'effectifs, de conditions de travail, de formation, de rémunération et de déroulement de carrière ». Il insistait également sur l'unité de la DGAC précisant que ses dispositions « intéressent tous les corps dont elles soulignent la solidarité et la complémentarité ». Ce premier protocole prévoyait des recrutements et indiquait que, pendant sa période d'application, les personnels de la DGAC ne seraient « pas soumis à la règle du gel des emplois appliquée dans la fonction publique ». Ses dispositions avaient aussi vocation à préciser les conditions de création des corps d'électroniciens de la sécurité aérienne et d'officiers contrôleurs de la circulation aérienne.

Par ailleurs, comme l'ensemble de ses successeurs, ce premier protocole prévoyait une série de diverses « améliorations des conditions d'emploi, de rémunération et de carrière »9(*) des personnels de la DGAC : repyramidages de grilles de progression de carrière, amélioration des conditions d'avancement, notamment par la voie de la sélection professionnelle, rééchelonnement des grilles indiciaires, revalorisations des différents régimes indemnitaires existants, création d'une nouvelle indemnité spéciale de qualification versée aux contrôleurs chargés de donner en temps réel des instructions aux pilotes, etc.

Le deuxième protocole, qui s'est appliqué sur la période 1991-1994, annonçait lui aussi dans son préambule que « les dispositions du présent protocole d'accord prévoient des améliorations significatives en matière d'effectifs, de conditions de travail, de formation, de rémunération et de déroulement de carrière ». Comme son prédécesseur, ce nouveau protocole célébrait l'unité de la DGAC : « ces dispositions qui s'inscrivent dans le cadre de la fonction publique intéressent tous les corps de l'aviation civile dont elles soulignent la solidarité et la complémentarité et renforcent l'unité de l'aviation civile, marquée par la création d'un budget annexe de l'aviation civile ». Prévoyant de nouveaux recrutements, le protocole 1991-1994 précisait à l'instar de son prédécesseur que « les effectifs inscrits au budget annexe de l'aviation civile ne seront pas soumis, pendant les trois prochaines années, à la règle du gel des emplois appliquée dans la fonction publique ».

Ce protocole prévoyait également une série de dispositifs visant à augmenter la rémunération des agents de la DGAC et à faciliter leurs avancements de carrière : revalorisation des échelonnements indiciaires, augmentation du nombre de postes disponibles pour l'avancement à certains grades, augmentation de différentes primes, création de nouveaux régimes indemnitaires, etc.

Dans la droite ligne des deux premiers accords, les protocoles 1994-1997, 1997-2000, 2000-2003 et 2004-2007 prévoient une série de revalorisations des rémunérations des personnels de la DGAC, la création de nouveaux avantages catégoriels et des déroulements de carrières accélérés et facilités. Le protocole 1994-1997 avait aussi pour objet de préciser la procédure d'élaboration ainsi que la portée des protocoles et prévoyait la création d'un comité de suivi, dispositif qui sera pérennisé par les accords ultérieurs. Il envisageait enfin le lancement d'une « réflexion sur les conditions et l'organisation du travail dans les services d'exploitation de la navigation aérienne ». À partir de 1997, les protocoles prévoient par ailleurs systématiquement des augmentations des moyens budgétaires de l'action sociale de la DGAC. Le protocole 2000-2003 a eu pour objet d'organiser la démarche d'aménagement et de réduction du temps de travail (ARTT) à la DGAC. Le protocole 2007-2009 a quant à lui organisé la transformation de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) en service à compétence nationale (SCN).

Il aura fallu attendre le septième protocole (2007-2009) pour voir apparaître de premières timides mesures de contreparties destinées à améliorer la productivité de la DGAC. Ce protocole prévoyait ainsi des suppressions d'emplois dont le gain a toutefois été entièrement reversé aux personnels sous la forme de mesures catégorielles. Il esquissait également quelques mesures de réorganisations de services et d'externalisation. Concernant les services du contrôle de la navigation aérienne, il prévoyait le projet OPERA de réorganisation des approches de région parisienne ainsi que l'introduction d'une modeste mesure de flexibilité de l'organisation du travail des contrôleurs qui avait déjà été initiée dans le sixième protocole. Les chefs de centre pouvaient en effet désormais utiliser une vacation par contrôleur et par an pour faire face à un trafic aérien important, cette vacation étant compensée en période de moindre trafic. Cette mesure n'a cependant été mise en oeuvre que de manière limitée, seulement dans certains centres, et avec retard.

Le protocole 2007-2009 a par ailleurs été accompagné d'un accord limité au périmètre de la DSNA, dit « accord licence » qui a eu pour seule vocation d'apporter un complément de rémunération aux contrôleurs aériens dans le cadre de la mise en place de la licence européenne d'exercice de la fonction.

Se voulant, d'après son préambule, « plus exigeant en termes de performance et de gains de productivité » et prévoyant notamment des fermetures de services ou une mutualisation des fonctions supports, le protocole 2010-2012 rompt avec l'unanimité qui entourait les précédents accords. Il n'a été signé que par des organisations syndicales représentant environ un tiers des personnels de la DGAC. Davantage ciblé sur les services du contrôle de la navigation aérienne, ce protocole a néanmoins recueilli l'assentiment du SNCTA.

Dans l'objectif d'obtenir un accord majoritaire, la direction a plus largement réparti, au sein de l'ensemble des personnels, le bénéfice des mesures catégorielles prévues par le protocole 2013-2015. Aussi, ce dernier a-t-il été signé par l'ensemble des syndicats représentatifs à l'exception notable du SNCTA. Les importantes revalorisations indemnitaires contenues dans cet accord, dont les coûts sont présentés infra, devaient avoir pour contrepartie des suppressions d'implantations, des transferts d'activité au secteur privé ou encore une certaine modernisation des fonctions supports.

Le protocole 2016-2019, signé par toutes les organisations syndicales représentatives à l'exception de la CGT, s'est principalement caractérisé par l'introduction des expérimentations optionnelles d'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs aériens (voir infra) compensées financièrement pour les personnels concernés. Comme ses prédécesseurs, cet accord a prévu différents dispositifs qui ont eu pour objet de majorer la rémunération des personnels de la DGAC : revalorisations indemnitaires, extension contestable (voir infra) du champ des bénéficiaires de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), réévaluation des grilles indiciaires, mesures statutaires, emplois fonctionnels, dispositifs de fin de carrière, etc.

B. DES COÛTS ÉLEVÉS SANS VRAIES CONTREPARTIES EN TERMES DE PERFORMANCE

1. Un effet inflationniste sur les charges de personnel de la DGAC

La principale résultante de la succession de ces dix protocoles sociaux a été une inflation constante et rapide des charges de personnel de la DGAC. Les revalorisations systématiques des régimes indemnitaires, les créations de nouvelles primes et les réévaluations des grilles indiciaires qui se sont succédées au fil des protocoles a conduit à une divergence notable des rémunérations perçues par les personnels de la DGAC d'avec le reste de la fonction publique. Aujourd'hui, il est incontestable qu'à qualifications équivalentes, les agents de la DGAC bénéficient de conditions de rémunérations nettement plus avantageuses que celles en vigueur ailleurs dans l'administration française.

Depuis le début des années 2000, au gré de différents rapports, la Cour des comptes a très sévèrement critiqué le caractère déséquilibré de la pratique des protocoles sociaux à la DGAC, l'inflation constante des dépenses de personnel qui en a résulté et la façon dont les rémunérations en vigueur au sein de cette institution se sont écartées de celles qui prévalent dans le reste de la fonction publique.

Le jugement très sévère de la Cour des comptes
sur les premiers protocoles sociaux de la DGAC

Rapport de la Cour des comptes sur le contrôle de la navigation aérienne de novembre 2002 :

Dès 2002, la Cour des comptes se montrait extrêmement critique de la pratique des protocoles sociaux à la DGAC qu'elle qualifiait de « mode de relations sociales particulièrement coûteux ». Son appréciation de ce modèle atypique était très sévère : « les protocoles triennaux sont les outils d'un dialogue social déséquilibré aux conséquences financières très lourdes. Ils ne sont pas nés de la volonté d'une administration novatrice de promouvoir un dialogue social fondé sur des contrats d'objectifs en contrepartie desquels des avancées seraient consenties mais doivent leur institution et leur pérennisation à la possibilité pour les contrôleurs aériens d'empêcher la circulation aérienne au-dessus du pays et ont eu pour vocation implicite essentielle de maintenir la paix sociale au sein de la DGAC. Ces accords frappent par leur caractère unilatéral, les contreparties aux mesures en faveur des agents apparaissant extrêmement ténues. Leur durée brève et leur caractère pérenne crée aussi un climat de négociation et de surenchère permanents. Aucune évaluation d'impact, aucun bilan global de ces accords n'est produit ».

Elle dénonçait alors sans ménagement les quatre premiers accords qui avaient déjà été conclus à cette date : « les quatre protocoles suivants, de 1991, 1994, 1997 et 2000 ont constitué une accumulation de mesures tout à fait impressionnante, sans équivalent dans la fonction publique : refonte constante des statuts, création de nombreux emplois budgétaires, progression substantielle des rémunérations principales et accessoires, auxquelles ne répondent guère de contreparties en termes d'organisation du travail. De surcroît, ces mesures, ciblées au départ sur les corps spécifiques du contrôle aérien, ont généré un « effet de contagion » sur les autres corps de la DGAC ».

Au total, elle considérait alors que « les protocoles ont eu un impact considérable sur l'évolution des dépenses de personnel de la DGAC : au cours de la période 1994-2000, ils ont représenté un coût de 95,74 millions d'euros pour une progression globale des crédits votés de 184,46 millions d'euros et ont entraîné à eux seuls 52 % de l'augmentation des charges de personnel de la DGAC ».

Rapport public annuel 2010 de la Cour des comptes, février 2010 :

Dans son rapport public annuel de 2010, la Cour des comptes se montrait tout aussi critique à l'endroit de cette pratique qui, selon elle, invitait l'ensemble des personnels de la DGAC à la « surenchère » : « l'objet principal des protocoles demeure d'accorder des revalorisations statutaires et indemnitaires aux agents de la DGAC, et notamment aux personnels techniques. Les mesures obtenues par les contrôleurs aériens sont progressivement étendues aux autres agents, notamment techniques, de la DGAC ». Elle notait alors qu'au fil des protocoles « s'ajoute à l'augmentation incessante des avantages statutaires des corps techniques une croissance ininterrompue des primes accordées à l'ensemble des personnels de la DGAC (...). Si la surenchère en matière statutaire ne concerne que les corps techniques, en revanche le régime indemnitaire très favorable des contrôleurs aériens nourrit les revendications de l'ensemble des personnels de la DGAC ».

La Cour des comptes observait en 2010 que le protocole 2007-2009 ainsi que « l'accord licence » (voir supra) qui lui était associé avaient coûté à eux deux plus de 54 millions d'euros : « ce coût est notamment lié à des mesures indemnitaires très généreuses, en augmentation de 62,5 % par rapport au protocole précédent. Les années 2007 - 2009 ont ainsi été les plus coûteuses depuis l'origine des protocoles, en termes de mesures catégorielles ».

Source : rapports de la Cour des comptes

Dans son rapport de 2021 précité10(*), la Cour des comptes soulignait « les dépenses de personnel importantes » de la DGAC liées à des « rémunérations élevées ». Elle relevait que les protocoles sociaux sont tout sauf étranger à ce constat : « les grilles indiciaires et les dispositifs de primes diverses offrent aux agents de la DGAC des niveaux de rémunération élevés par comparaison au reste de la fonction publique et régulièrement accrus par les protocoles sociaux successifs ».

Depuis dix ans, les charges de personnel de la DGAC ont ainsi augmenté de 14 % tandis que le coût par équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT) progressait de 20 % sur la même période.

Évolution des charges de personnel de la DGAC (2013-2023)11(*)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performances du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA)

Évolution du coût par ETPT12(*) de la DGAC (2013-2023)13(*)

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performances du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA)

Dans son rapport précité de 2021, la Cour des comptes soulignait à quel point les niveaux de rémunérations des personnels de la DGAC étaient élevés en comparaison de la fonction publique en général ou du ministère de la transition écologique en particulier. La Cour des comptes estimait alors que l'ampleur de cet écart ne pouvait se justifier ni par l'âge des personnels, ni par les astreintes qu'ils supportent.

Comparaison de la rémunération annuelle moyenne14(*) des personnels de la DGAC
avec celle du ministère de la transition écologique et de la fonction publique
(2017)

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de 2021 de la Cour des comptes consacré à la politique des ressources humaines de la DGAC

2. Un paysage indemnitaire complexifié par les protocoles

Les rapports publiés par la Cour des comptes ont mis en évidence de façon récurrente le coût, la complexité et le caractère parfois irrégulier des régimes indemnitaires pratiqués par la DGAC. Elle a démontré que cette situation résultait très largement des mesures adoptées dans le cadre des protocoles sociaux qui « conduisent à une augmentation continue des avantages statutaires et indemnitaires »15(*).

En 2018, la Cour des comptes recensait 137 primes différentes à la DGAC contre 126 en 2010. Entre 2013 et 2018, le montant des primes versées aux personnels de la DGAC avait progressé de 10 % pour atteindre 412 millions d'euros, représentant en moyenne 35 % de leur coût salarial brut et plus de 50 % s'agissant des contrôleurs aériens.

Depuis 2017, la mise en oeuvre du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) et, pour les personnels dits techniques (les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, les ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne, les ingénieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile et les techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile), du régime indemnitaire simplifié technique (RIST)16(*), la DGAC a engagé un effort de simplification de son maquis indemnitaire, le rendant un peu plus lisible. Dans un rapport d'information qu'il a présenté en 201817(*), le rapporteur avait salué la mise en place de ce nouveau régime simplifié.

Les régimes indemnitaires en vigueur demeurent cependant encore largement perfectibles et le rapporteur encourage la DGAC à poursuivre et amplifier cette démarche de simplification, notamment en supprimant des dispositifs non indispensables.

3. Des protocoles très onéreux

L'essentiel des mesures catégorielles prévues par les protocoles, qualifiées de « soclées » par la DGAC se traduisent par des augmentations structurelles permanentes de ses charges de personnel. Ainsi, le coût de chaque protocole constitue une marche supplémentaire de hausse des dépenses de fonctionnement de la DGAC. Les coûts des différents protocoles se cumulent les uns les autres au fil des années.

Une analyse similaire peut être réalisée pour chaque protocole en particulier. En effet, les mesures catégorielles prévues par un protocole ne sont jamais déployées toutes en même temps et dans leur intégralité dès la première année d'application de l'accord. Elles sont mises en oeuvre progressivement au fil des exercices budgétaires couverts par le protocole en question et elles n'atteignent leur amplitude maximale structurelle qu'à l'issue de la période d'application de l'accord. La présentation que fait généralement la DGAC des coûts de leurs protocoles sociaux peut ainsi induire le lecteur en erreur puisqu'elle ne présente que les coûts supplémentaires annuels qui résultent du déploiement progressif des mesures prévues par ces accords. Ainsi, pour connaître le coût réel structurel d'un protocole social convient-il de cumuler année après année, les augmentations de coûts qu'il génère, là encore dans une logique de franchissement de marches successives en termes de hausses des charges de personnel de la DGAC.

L'étude du coût structurel total (c'est-à-dire à l'issue de leur déploiement complet) des trois derniers protocoles révèle une tendance inflationniste très marquée. En effet, alors que l'augmentation permanente des charges de personnel annuelles de la DGAC résultant du protocole 2010-2012 s'était établie à 7,1 millions d'euros, elle a atteint 23,7 millions d'euros pour l'accord 2013-201518(*) puis 47,5 millions d'euros pour le protocole 2016-2019.

Surcoûts annuels liés aux mesures du protocole social 2010-2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Surcoûts annuels liés aux mesures du protocole social 2013-2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Surcoûts annuels liés aux mesures du protocole social 2016-2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Cependant, comme indiqué supra, l'analyse des seuls surcoûts annuels générés par les protocoles est insuffisante et ce n'est qu'en cumulant les surcoûts annuels générés par chaque accord que l'on peut estimer leur coût réel. Ainsi, comme l'illustre le graphique ci-après, les trois derniers protocoles se sont-ils traduits globalement par une augmentation annuelle pérenne des charges de personnel de la DGAC de près de 80 millions d'euros.

Coût annuel récurrent des huitième, neuvième et dixième protocoles sociaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Le rapporteur a pu constater avec étonnement que la DGAC n'avait aucune idée précise du coût des accords antérieurs à 2010, c'est-à-dire des sept premiers protocoles ainsi que de l'accord dit « licence ». En effet, elle lui a signalé ne pas disposer de données relatives aux coûts de ces protocoles. Bien que difficilement justifiable, cette lacune est symptomatique et révélatrice de l'absence d'évaluation des protocoles et de la difficulté à faire émerger au sein de l'institution une véritable réflexion quant à l'efficience de cette pratique.

4. Des mesures de performance peu ambitieuses, trop rares et jamais évaluées

Au regard du coût des protocoles sociaux qui se cumulent d'année en année et de leurs multiples mesures catégorielles, les contreparties en matière de performance apparaissent bien maigres au rapporteur. Par ailleurs, si la DGAC a pu les lui lister, elle n'est pas en mesure d'en estimer la réelle efficience. En effet, aucune évaluation sérieuse des protocoles passés n'a jamais été effectuée si ce n'est, pour le dernier, une étude synthétique principalement consacrée aux expérimentations d'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs aériens.

Comme évoqué supra, le protocole 2004-2007 a ouvert la possibilité d'une vacation complémentaire par an en période de fort trafic compensée sur une autre période de l'année. Les protocoles 2007-2009 et 2016-2019 ont permis d'engager des réorganisations partielles des services de maintenance. Des restructurations d'implantations territoriales ont également été accompagnées par les mesures prévues par les protocoles 2007-2009, 2013-2015 et 2016-2019. Ainsi, d'après la DGAC, le protocole 2013-2015 aurait accompagné la fermeture de dix tours de contrôle de la DSNA19(*) et de onze délégations de la DSAC20(*).

Cependant, les trop rares mesures de productivité incluses dans certains protocoles ainsi que les objectifs qu'ils ont pu contenir n'ont pas toujours été concrètement mis en oeuvre sans que pour autant les mesures catégorielles prévues par les accords ne soient remises en question. Cette situation avait notamment été dénoncée en 2010 par la Cour des comptes21(*) : « les retards dans la mise en oeuvre des contreparties, voire l'absence de leur mise en oeuvre, expliquent que l'objectif de productivité que fixait le protocole 2004 - 2006 n'ait jamais été atteint. Pourtant, l'administration n'a tiré aucune conséquence de ce non-respect des termes du protocole. Elle a appliqué l'ensemble des mesures catégorielles qui étaient prévues et négocié en 2006 un nouveau protocole extrêmement favorable aux agents ».

DEUXIÈME PARTIE
LE NOUVEAU PROTOCOLE DE 2023-2027 DOIT ACCOMPAGNER LA RÉVISION STRATÉGIQUE AMORCÉE PAR LA DSNA

I. LA « SOUS-PERFORMANCE » DU CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS SUPPOSE DE PROFONDES ÉVOLUTIONS

A. UN CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS SOUS-PERFORMANT

1. Une performance « médiocre »
a) La France est responsable de 35 % des retards liés au contrôle aérien en Europe

Dans son rapport d'information de 2018 précité, le rapporteur avait déjà souligné à quel point la performance du contrôle de la navigation aérienne en France était « très insuffisante ». En réponse au rapporteur, la DGAC reconnaît d'ailleurs elle-même que la performance actuelle des services du contrôle aérien français peut être considérée comme « médiocre en comparaison de celle de nos partenaires ».

Élevés, les retards moyens par vol imputables à la DSNA sont repartis à la hausse depuis la sortie de la crise sanitaire. Après une année noire en 2019 (1,8 minute de retard), cet indicateur s'était artificiellement amélioré en raison de la chute du trafic aérien résultant de la crise. Il s'est de nouveau fortement dégradé en sortie de crise, dépassant les 2 minutes en 2023. 85 % des retards sont générés par l'activité dite « en-route », c'est-à-dire le contrôle des avions en survol. Au cours de cette dernière année, les grèves, en particulier issues du conflit lié à la réforme des retraites ont participé à dégrader davantage cet indicateur. Au cours de l'été 2023, le retard moyen par vol a même atteint 4 minutes.

Ces dernières années, l'indicateur de retard moyen est toujours resté nettement plus élevé que l'ambition européenne qui était de le ramener à 0,5 minute par vol opéré.

Délai moyen par vol en-route imputable aux services du contrôle aérien français (2001-2023)

(en minutes par vol)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Les vols traités chaque année par la DSNA représentent environ 30 % du trafic européen et 15 % des heures de vols contrôlées tandis que les retards constatés en France comptent pour environ 35 % du total européen, cette part variant globalement entre 20 % et 40 % selon les mois. Sur l'ensemble de l'année 2023, la France a ainsi été le principal contributeur aux retards dus aux services du contrôle de la navigation aérienne en Europe, à hauteur de 37 % devant l'Allemagne pour 26 %. Les centres de contrôle en route de la navigation aérienne (CRNA) de Reims et d'Aix-en-Provence sont parmi ceux qui génèrent le plus de retards en Europe.

Ponctualité des vols en Europe (2022-2023)

Source : rapport d'activité 2022-2023 de la DSNA

b) Bien qu'en amélioration, la productivité des contrôleurs français reste inférieure à celles de leurs principaux homologues en Europe

Si la productivité horaire des contrôleurs aériens français s'est nettement améliorée ces dernières années, passant de 0,78 vol contrôlé par heure en 2017 à 0,88 en 2022, elle reste encore inférieure à la moyenne européenne qui atteint 0,89 et surtout aux performances de beaucoup de leurs homologues, au premier rang desquels les contrôleurs du centre de Maastricht (2,02) mais aussi les Portugais (1,24), les Hongrois (1,12), les Britanniques (1,06), les Allemands (0,95), les Espagnols (0,95) ou encore les Italiens (0,91).

Productivité horaire des contrôleurs aériens en Europe (2022)

(en nombre de vol contrôlé par heure)

Source : ACE benchmarking report 2024 edition, Eurocontrol, mai 2024

Le rapporteur tient cependant à souligner qu'entre 2017 et 2022, la productivité horaire des contrôleurs aériens français s'est accrue de 13 % quand elle ne progressait en moyenne que de 1 % au niveau européen et que celle de leurs homologues allemands s'effondrait de 17 %. Il est essentiel que cette évolution encourageante se poursuive.

Évolution comparée de la productivité horaire des contrôleurs aériens (2017-2022)

(en nombre de vol contrôlé par heure)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports d'Eurocontrol

c) Un déficit de performance qui a de lourdes conséquences pour les compagnies

Lors des auditions que le rapporteur a conduit au cours de sa mission de contrôle, la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM) tout comme Air France - KLM ont déploré la performance insuffisante des services du contrôle de la navigation aérienne en France et les conséquences financières qui en résultent pour les compagnies. Pour un vol, chaque minute de retard représente en moyenne un coût de 100 euros. En 2023, Air France - KLM a par exemple subi 815 000 minutes de retard dus au contrôle aérien, dont 75 % imputables à la DSNA, soit une perte d'environ 80 millions d'euros pour la compagnie.

Air France - KLM a ainsi alerté le rapporteur sur les efforts de productivité indispensables que le contrôle aérien français doit accomplir dans les prochaines années pour se mettre à niveau : « nous constatons que, malgré une légère amélioration depuis 2017, les performances opérationnelles de la DSNA demeurent insuffisantes pour fournir la capacité et les effectifs nécessaires pour répondre à la demande de trafic, particulièrement lors des pics d'activité, avec 50-60 % des retards sur juin - septembre »22(*).

d) Un défaut de performance qui s'explique principalement par l'incapacité de la DSNA à adapter sa capacité de contrôle au trafic

La DGAC a signalé au rapporteur que les retards générés par le contrôle aérien sont dus pour une large part au manque de contrôleurs en planification, c'est-à-dire à l'incapacité qu'a la DSNA à positionner suffisamment de contrôleurs et les heures de contrôles au moment où le trafic est le plus important. Cette situation provient d'une organisation du travail trop rigide de laquelle résulte une capacité très insuffisante de la DSNA à adapter et optimiser sa capacité de contrôle aux évolutions pourtant bien connues du trafic.

S'agissant du contrôle en-route, c'est-à-dire du contrôle effectué par les équipes des CRNA des avions en survol, il apparaît que, dans l'absolu, les effectifs actuels de contrôleurs devraient permettre de faire passer le trafic dans de bien meilleures conditions moyennant une plus grande souplesse d'organisation. C'est l'analyse qu'a présenté la DGAC au rapporteur dans les réponses écrites qu'elle lui a apporté : « l'offre de contrôle en-route de la DSNA, représentée par un nombre d'unités de contrôle simultanément disponibles par heure, devrait être de nature à largement couvrir le besoin global. En effet, si on compare cette offre à son utilisation réelle, on constate un écart conséquent et un taux d'utilisation qui s'améliore mais reste faible (55 % en 2023 pour une cible interne fixée à 75 %). Ainsi, malgré un potentiel d'offre de contrôle globalement satisfaisant, l'organisation du travail des contrôleurs ne possède pas la flexibilité nécessaire à positionner cette dernière en regard de la demande de trafic générant ainsi un volume de délai « Staffing » considérable ». La comparaison du potentiel de contrôle avec son utilisation effective, présentée dans le graphique ci-après, est à cet égard éloquente.

Comparaison du potentiel de contrôle disponible avec son utilisation effective (2021-2023)

(en heures de contrôle)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

D'après la DGAC, l'augmentation prévisible du trafic ainsi que sa nature sont susceptibles d'accroître ces difficultés dans les années à venir. En effet, selon les prévisions d'Eurocontrol, le réseau européen pourrait vraisemblablement devoir traiter 50 000 vols par jour en 2029, contre seulement 32 000 au cours de l'été 2024. En Europe, en moyenne, le trafic aérien devrait progresser de 2 % par an jusqu'en 2029. À cette échéance, les vols contrôlés en Europe pourraient dépasser les 12 millions par an contre 10,1 millions en 2023. La DSNA pourrait alors de devoir contrôler 3,8 millions de vols par an, contre 3,2 millions en 2023.

Dans ces conditions, la DGAC semble consciente qu'une réforme ambitieuse de l'organisation du travail des contrôleurs aériens est incontournable pour que la performance de la DSNA puisse se rapprocher de celle de ses principaux homologues européens : « ainsi, afin de pouvoir assurer les 50 000 vols par jours prévus en 2029 au niveau européen, soit probablement 15 000 vols par jour en France, il est nécessaire d'obtenir la flexibilité permettant d'optimiser l'utilisation du potentiel de contrôle et en améliorer le rendement »23(*).

2. Une organisation du travail excessivement rigide
a) De lourds handicaps lestent la performance du contrôle aérien « à la française »

En France, le contrôle de la navigation aérienne est réalisé par des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), qui exercent dans les CRNA et les centres d'approche, et des techniciens supérieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC), qui exercent dans certains centres d'approches et d'aérodromes. Dans les CRNA, les ICNA travaillent dans une salle de contrôle composée de plusieurs positions de contrôle et placée sous la responsabilité d'un chef de salle. Chaque position de contrôle est armée de deux contrôleurs, un contrôleur dit radariste et un autre dit organique.

Dans la mesure où le trafic aérien ne s'arrête jamais, la mission d'intérêt général de contrôle de la navigation aérienne induit une activité continue 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Des équipes constituées de contrôleurs aériens se relaient ainsi sur des positions de contrôle pour assurer la continuité du service. Ces conditions de travail supposent d'importantes sujétions et de fortes contraintes associées à de très lourdes responsabilités. Cette réalité justifie que le temps de travail des contrôleurs soit limité à 1 420 heures par an (au lieu de 1 607 pour le régime de droit commun), soit en moyenne 32 heures par semaine. Ces 1 420 heures se répartissent entre 1 312 heures de vacations de contrôle qui incluent des phases de pauses (de 25 % à 13 % selon les moments du jour et de la nuit) et 108 heures de formation continue.

Le rythme de travail de chaque équipe de contrôleurs est défini en cycles de 12 jours, le nombre de vacations sur le cycle étant égal à la moitié du nombre de jours du cycle, soit 6 jours, une règle dite du « un jour sur deux ». En 2018, le rapporteur notait que « cette règle a été mise en place pour limiter les trajets des contrôleurs entre leur domicile et leur travail, mais elle ne permet malheureusement pas toujours d'optimiser les tours de service ». Dans son rapport de 2021, la Cour des comptes a développé la même analyse : « l'organisation en 6 jours/12 s'est avérée d'une grande rigidité dans la gestion des équipes, la présence des agents un jour sur deux ne permettant pas de faire face aux pics de trafic saisonniers ou ponctuels ».

Les cycles comportent des plages d'activité la nuit, le dimanche et les jours fériés, qui ne sont pas rémunérées mais récupérées ultérieurement. La durée maximale des plages de travail des contrôleurs aériens, qualifiées de vacations est fixée à 11 heures pour les vacations de jour et à 12 heures pour les vacations de nuit, y compris 25 % de temps de pause. La durée de travail effectif théorique pendant les vacations de jour est donc de 8 heures 15 tandis qu'elle est de 8 heures pour les vacations de nuit. Toutefois, elles durent au total plutôt 8 à 9 heures en pratique, soit 6 heures à 6 heures 15 lorsqu'on déduit les temps de pause. Le temps de repos minimal entre deux vacations est de 11 heures. En vertu des règles européennes, chaque contrôleur doit réaliser au moins 200 heures de contrôle effectif par an afin de maintenir la validité de sa licence.

L'organisation du travail est très largement déléguée aux chefs d'équipes qui panifient les tours de service en tenant compte des prévisions de vols journalières, hebdomadaires et saisonnières et décident de l'adaptation du nombre de positions de contrôle ouvertes à la demande réelle du trafic. En France, le cycle de travail est principalement24(*) organisé en équipes25(*) alors qu'ailleurs en Europe, l'organisation en horaires individuels est souvent privilégiée. Chaque équipe alterne 3 jours de vacations, 3 jours de repos, 3 jours de vacations et 3 jours de repos par cycle de 12 jours. Le programme des équipes sert de base à l'organisation du travail des contrôleurs. Fixé à l'avance, il n'évolue qu'à la marge en cours d'année et même d'une année à l'autre.

Le rapporteur note que ce principe de « l'équipe », si caractéristique du contrôle aérien « à la française » est aussi l'un des principaux vecteurs de sa rigidité puisqu'il fait obstacle à toute gestion individualisée et optimisée des horaires de travail. Il n'est clairement pas le plus optimal en termes de performance. Les horaires et la gestion individualisés des contrôleurs, qui constituent la norme en Europe et qui sont notamment pratiqués dans le centre de Maastricht, le plus performant du continent, parce qu'ils offrent une plus grande flexibilité, sont beaucoup plus vertueux en matière de productivité.

Le rapporteur constate aussi qu'à ce handicap inhérent au contrôle aérien français s'ajoute la disparité des pratiques et des modes d'organisation d'un centre à l'autre, une autre spécificité qui affecte la performance de la DSNA.

Face aux évolutions et au développement du trafic aérien, la compagnie Air France - KLM a indiqué au rapporteur ne pas observer « les changements nécessaires pour s'y adapter dans l'organisation du travail des contrôleurs aérien »26(*). Elle précise que « la souplesse et la flexibilité des services de navigation aérienne en France restent très en deçà de ce qui serait requis ». Raison pour laquelle elle appelle de ses voeux à « des évolutions dans l'organisation du travail permettant une flexibilité du contrôle aérien pour faire face aux variations de trafic induites par les évolutions du marché ».

Le rapporteur l'avait déjà souligné dans son rapport précité de 2018 sur la modernisation de la DSNA, les rythmes de travail des contrôleurs aériens en France sont manifestement « inadaptés aux évolutions du trafic ». Rappelés ci-après, les constats qu'il avait alors dressés sont malheureusement toujours et plus que jamais d'actualité. Il avait notamment constaté que « la gestion des effectifs d'ICNA en salle de contrôle implique une suracapacité à certaines périodes de l'année ou de la journée, alors que la capacité est insuffisante à d'autres périodes. Il convient donc de mettre en place des mesures permettant d'offrir plus de capacités aux périodes de pointe, et moins en période creuse, sans modifier le nombre global d'heures travaillées ». Il affirmait déjà sa ferme conviction que « des gains de productivité et de capacité considérables peuvent être dégagés en revoyant en profondeur l'organisation du travail des aiguilleurs du ciel, aujourd'hui beaucoup trop figée et rigide ». Il ajoutait que « l'offre de capacités proposée par les contrôleurs aériens doit répondre à la demande des compagnies aériennes et s'adapter avec beaucoup plus d'agilité et de souplesse aux évolutions du trafic aérien, qui risquent de s'accentuer encore à l'avenir ». Le rapporteur regrette que la situation n'ait que si peu évolué depuis lors sur le front de l'organisation du travail des contrôleurs.

b) Faute de pouvoir payer ses contrôleurs autant que chez ses principaux partenaires en Europe, la France n'aurait-elle pas laissé s'installer une organisation du temps de travail sous-optimale ?

Si les performances des contrôleurs aériens français sont inférieures à celles de leurs principaux homologues et que leur organisation du travail est à ce point sous-optimale, leurs rémunérations, si elles apparaissent élevées à grade équivalent au sein de l'administration française, ne sont en réalité pas si importantes au regard d'autres pays comparables. Le rapporteur a tendance à considérer que ces deux éléments ne sont pas sans lien. Faute de pouvoir ou de vouloir payer ses contrôleurs autant qu'ailleurs la France n'aurait-elle pas fait plus ou moins sciemment le choix d'une organisation du temps de travail qui leur est plus favorable tout en étant si handicapante en termes de productivité pour la DSNA ?

Le salaire brut moyen annuel d'un ICNA est de l'ordre de 96 000 euros par an, soit environ 8 000 euros mensuels. Si elle semble élevée au premier abord en comparaison de postes affichant des grades équivalents au sein de la fonction publique, cette rémunération n'apparaît pas excessive au regard des pratiques observées chez nos principaux partenaires européens. Ainsi, au centre de Maastricht, le salaire brut annuel médian d'un contrôleur s'établit à 132 000 euros, un montant comparable à la rémunération moyenne d'un contrôleur allemand (130 000 euros). En Suisse, les rémunérations vont de 90 000 euros à 190 000 euros.

Tout en faisant le constat d'une rémunération des contrôleurs français globalement inférieure à celle de leurs principaux homologues en Europe, la DGAC a toutefois mis en garde le rapporteur sur les limites liées à ces comparaisons européennes : « les comparaisons sont toutefois délicates, les données fournies sur ce sujet étant peu précises et les règles de retenues de charges sociales et ou de déductions d'impôts, aussi complexes que diverses. Pour autant, il semble possible d'affirmer que les rémunérations des autres contrôleurs européens sont sensiblement plus élevées que celle des contrôleurs français »27(*).

Ce constat se retrouve dans les indicateurs utilisés par Eurocontrol, et notamment celui du coût d'emploi par heure de contrôle. D'après les données les plus récentes, datant de 2022, le coût d'une heure de contrôle en France s'élevait ainsi à 130 euros, soit un montant légèrement inférieur à la moyenne européenne (133 euros) et surtout nettement en dessous des niveaux atteints au centre de Maastricht (328 euros), en Allemagne (243 euros), en Suisse (229 euros), en Belgique (178 euros), en Autriche (177 euros), en Espagne (163 euros), au Royaume-Uni (158 euros) ou encore en Italie (153 euros).

Coût d'emploi du contrôle aérien par heure de contrôle (2022)

(en euros par heure de vol)

Source : ACE benchmarking report 2024 edition, Eurocontrol, mai 2024

3. Une loi récente a résolu le problème de la disproportion des conséquences sur le trafic de certaines grèves du contrôle aérien
a) Entre 2004 et 2016, la France a été responsable de 96 % des retards pour cause de grève en Europe

Au-delà des défauts de l'organisation du travail des contrôleurs, les conflits sociaux avaient historiquement des conséquences très lourdes pour l'ensemble du secteur du transport aérien.

D'après une étude de 201728(*) citée notamment par la Cour des comptes dans son rapport de 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC, les grèves du contrôle aérien français auraient, à elles seules, été responsables de 96 % des retards résultants de mouvements sociaux en Europe sur la période 2004-2016.

Dans son rapport précité de 2018, le rapporteur déplorait ainsi « que les grèves des contrôleurs aériens français perturbent autant le trafic aérien européen et donnent de leur profession une image très négative par ailleurs injustifiée ».

La DGAC considère ainsi qu'une journée de grève des services du contrôle aérien en France engendre une perte d'environ 14 millions d'euros pour les compagnies et de 3 à 5 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA)29(*).

b) En améliorant considérablement la prévisibilité des conflits sociaux, la loi du 28 décembre 2023 a permis de proportionner à l'ampleur réelle des grèves leurs conséquences sur le trafic

En 2018 déjà, dans son rapport d'information, le rapporteur soulignait que l'absence de préavis individuel de grève nuisait gravement à la prévisibilité de l'ampleur des mouvements sociaux affectant le contrôle aérien français. Dans ces conditions, faute d'être en mesure d'anticiper précisément l'ampleur d'une grève, par sécurité, afin d'assurer la continuité du service, la DGAC était conduite à annuler de nombreux vols de façon préventive et d'activer le dispositif de service minimum et ce, même si in fine le nombre effectif de grévistes ne le justifiait pas. Des contrôleurs étaient ainsi souvent réquisitionnés de façon disproportionnée. Par ailleurs, il pouvait arriver dans certains cas que, même en l'absence de gréviste dans un service, de nombreux vols qui auraient dû être traités par ce dernier soient annulés. Inversement, une sous-estimation des grévistes effectifs dans un centre par la DGAC a pu conduire à des annulations de dernière minute, « à chaud », extrêmement dérangeantes pour les compagnies et les passagers.

Le rapporteur notait ainsi que, faute d'obligation pour les contrôleurs de déclarer en amont leur participation à un mouvement de grève, « il demeure impossible de prévoir l'ampleur exacte de leurs grèves, ce qui peut conduire à des situations ubuesques, où quelques grévistes suffisent pour provoquer la mise en place du service minimum et de son système d'astreinte, sans parler des nombreux vols annulés alors qu'il y aurait eu suffisamment de contrôleurs pour permettre leur maintien ». Cette situation s'est répétée de façon quasi systématique au printemps 2023 lors du conflit social lié à la réforme des retraites, au point de susciter une exaspération inédite de l'ensemble de l'écosystème aérien. Le statu quo n'était plus tenable.

Aussi, en application de la recommandation qu'il avait formulée dès 2018 dans son rapport, le rapporteur a-t-il déposé en mai 2023 une proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic. Cette proposition de loi, définitivement adoptée le 15 novembre 202330(*), a créé une obligation de déclaration individuelle de participation au mouvement social à midi l'avant-veille d'une journée de grève. En améliorant leur prévisibilité, cette disposition doit faire en sorte qu'un mouvement de grève des contrôleurs aériens se traduise par une réduction du trafic proportionnée à l'ampleur de la grève.

Les différents mouvements de grèves d'ampleur modeste qui se sont développés depuis l'adoption de la loi n'ont pas affecté le trafic de façon disproportionnée comme cela aurait été le cas jusqu'en 2023, illustrant l'utilité d'une mesure saluée de manière quasi unanime par les acteurs du transport aérien.

B. LE PROTOCOLE SOCIAL 2016-2019 : DE PREMIÈRES MESURES VISANT À RENDRE LE CONTRÔLE AÉRIEN PLUS PERFORMANT

1. Des expérimentations bienvenues d'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs

Consciente de l'inadaptation de l'organisation du travail des contrôleurs, la DGAC a mis en oeuvre, dans le cadre du protocole social 2016-2019, un dispositif optionnel expérimental destinée à la rendre plus flexible31(*). Cette mesure, baptisée en interne « expérimentations RH » ou « expérimentation 7/12 », devait permettre d'atténuer la rigidité du cycle de travail des contrôleurs aériens afin de dégager de nouvelles possibilités d'adaptation des capacités de contrôle au niveau de trafic effectif.

Elle consistait en une remise en cause de la règle dite du « un jour sur deux » à travers la possibilité de réaliser non plus 6 mais 7 vacations au cours d'un cycle habituel de 12 jours lors des périodes de trafic les plus denses, c'est-à-dire principalement en été. Ces expérimentations étaient prévues pour rester neutres en termes de durée annuelle de travail. Aussi, ces vacations supplémentaires devaient être rattrapées lors de périodes plus calmes. Ces expérimentations ont par ailleurs été accompagnées par une diminution de la durée des vacations ainsi que par davantage de souplesse dans la gestion des débuts et fin de vacations ou des pauses.

Dans son rapport de 2018 précité, le rapporteur notait que « ces expérimentations constituent des contraintes sociales supplémentaires pour les agents concernés, car ils sont amenés à travailler plus fréquemment pendant les périodes de week-ends et de congés du reste de la population ». Aussi, des compensations financières ont été prévues pour accompagner leur mise en oeuvre à travers des majorations indemnitaires de 255 euros à 550 euros mensuels en fonction de l'option retenue parmi les trois proposées par la direction.

2. Des résultats encourageants qui confirment l'impératif de rendre plus flexible l'organisation du travail des contrôleurs

Ces expérimentations étaient purement optionnelles et chaque centre était libre de les pratiquer ou non. Bien qu'elles ne heurtaient pas de front l'organisation du travail, notamment en ne remettant pas en cause le principe de « l'équipe », la mise en oeuvre de ces expérimentations a été lente et a fait l'objet de contestations par certaines organisations syndicales. En 2016, seuls les CRNA de Reims et de Bordeaux sont entrés dans le dispositif. Entre 2017 et 2018 les centres de Roissy-Charles-de-Gaule, de Nice et de Lyon ainsi que le CRNA de Brest l'ont progressivement adopté. Il aura cependant fallu attendre janvier 2020 pour le CRNA d'Aix-en-Provence valide sa mise en oeuvre avant que celui d'Athis-Mons s'y rallie également. Aujourd'hui, parmi les principaux services de la DSNA, seul le centre d'Orly ne l'a pas adopté.

D'après la DSNA, en 2023, au sein des dix grands centres qui ont déployé les expérimentations32(*), 2 320 contrôleurs sont concernés par cette mesure pour un nombre annuel moyen de cycles avec une vacation supplémentaire (dits « cycles densifiés ») allant de 9 à 12 selon les services.

En 2018, le rapporteur avait souligné les premiers résultats prometteurs des « expérimentations RH ». Il avait alors appelé à les pérenniser et à les généraliser à l'ensemble des services de contrôle.

En 2019, une évaluation du protocole 2016-2019 a été réalisée par la DGAC. Elle mérite d'être souligné car c'est le premier réel exercice de cette nature qui a été mis en oeuvre s'agissant des protocoles sociaux. Cette évaluation avait pour principal objet de mesurer l'efficacité des expérimentations d'assouplissement des tours de service des contrôleurs aériens.

Dans ce bilan, la DSNA souligne les capacités de contrôle supplémentaire qui ont pu être déployées en période de trafic dense dans ses services grâce à ces expérimentations. Concrètement, ces capacités supplémentaires se sont traduites par l'augmentation du nombre de positions de contrôle ouvertes lors des périodes de pointes. La DSNA considère ainsi que dans un CRNA, « jusqu'à 2 voire 3 positions de contrôle armées supplémentaires » ont pu être « armées », ce qui correspond à « un accroissement par rapport à un tour de service classique de 10 à 15 %, voire 20 % ».

Le graphique ci-après illustre le phénomène pour le CRNA de Reims. La surface verte représente la capacité de contrôle supplémentaire33(*) qui a pu être activée au cours d'une journée de période de trafic dense grâce à la mise en oeuvre des expérimentations.

Capacités de contrôle renforcée par les expérimentations
au cours d'une journée au CRNA de Reims

(en UCESO)

CRNA : centre en-route de la navigation aérienne.

UCESO : unités de contrôle espace simultanément ouvrables.

TDS : tour de service.

Source : réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

En réponse aux questions écrites du rapporteur, la DGAC a également mis en exergue les résultats encourageants, en termes de flexibilité, de la mise en oeuvre des expérimentations : « des gains significatifs ont ainsi été obtenus. La réduction de la durée des vacations, combinée à l'augmentation de leur nombre, offre une plus grande flexibilité dans la programmation et a indéniablement permis de mieux adapter le tour de service aux variations du trafic dans un contexte d'accroissement global du trafic et de baisse des effectifs. La mise en oeuvre des expérimentations a permis une hausse de 15 à 20 % des positions de contrôle par rapport aux tours de service classiques ».

La DGAC estime que le déploiement des expérimentations a permis de réduire de façon sensible les retards dus à l'adaptabilité insuffisante des capacités de contrôle au nombre de vols à traiter (ou « staffing ») même si, sur certains centres, les effets ont pu être masqués par la progression importante du trafic : « une réduction significative des retards liés au staffing a pu être constatée pour la majeure partie des services alors que concomitamment l'effectif des contrôleurs qualifiés a diminué et le trafic a augmenté. Pour les services pour lesquels il n'a pas été constaté de diminution des délais, il est notable que l'expérimentation de l'organisation du travail a permis de contenir ces délais qui auraient été largement supérieurs en l'absence d'une adaptation du tour de service ».

D'après l'évaluation réalisée par la DGAC, le gain de capacités permis par les expérimentations aurait permis de réduire les retards générés par le CRNA de Bordeaux à hauteur de 47 % entre 2017 et 2018. Cependant, dans les CRNA de Reims et de Brest les effets des mesures ont été effacés par les hausses du trafic et l'accentuation de ses pointes.

Dans le bilan réalisé en 2019, la DSNA considérait ainsi que « globalement, cette nouvelle organisation a permis d'absorber la progression du nombre de vols contrôlés, notamment au moment des pointes de trafic estivales et contribué également à diminuer les retards ».

3. Un coût cependant loin d'être négligeable

Sur la période d'application du protocole, le montant annuel des indemnités versées est corrélé à la montée en puissance progressive du dispositif et à son extension aux différents centres de la DSNA. En 2019, d'après les éléments communiqués par la DGAC au rapporteur, son coût annuel avoisinait le 9 millions d'euros.

À l'issue de la période d'application du protocole et en raison du bilan positif de la mesure, la DGAC a négocié une prolongation du dispositif. Néanmoins, cette prolongation est intervenue au moment du déclenchement de la crise sanitaire. En 2020, en dépit de l'effondrement du trafic aérien lié à la crise, le dispositif a été artificiellement maintenu jusqu'au mois d'octobre, ce qui a conduit à un usage manifestement inapproprié d'argent public, le niveau de trafic aérien ne justifiant plus la mise en oeuvre de ce dispositif.

Les expérimentations ont repris en 2022 et leur coût annuel a alors nettement augmenté en raison de l'évolution des conditions de sa compensation financière pour les contrôleurs et de la revalorisation de celle-ci (voir infra). D'après les données communiquées par la DGAC au rapporteur, le coût pour la DGAC des indemnités versées dans le cadre de ces expérimentations a ainsi atteint 18 millions d'euros en 2023.

Indemnités versées chaque année dans le cadre des expérimentations d'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs aériens

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

De 2016 à 2019, dans la première version du dispositif, le coût par vacation complémentaire, c'est-à-dire par « cycle densifié », pour un contrôleur pouvait aller jusqu'à 750 euros.

Après la phase de suspension de la mesure au coeur de la crise sanitaire, elle a été rétablie pour la période 2022-2024. À cette occasion, les compensations financières accordées aux contrôleurs ont été significativement revalorisées. Désormais elles se composent à la fois d'une part fixe de 269,10 euros mensuels (à condition de réaliser au moins 4 cycles densifiés par an) et d'une part variable fonction du nombre de cycles densifiés et valorisée à hauteur de 807,30 euros par vacation complémentaire. Ainsi, pour un contrôleur qui réalise 4 cycles densifiés par an, le coût par vacation supplémentaire de la mesure s'établit désormais à 1 614,60 euros. Pour un contrôleur qui réalise 12 cycles densifiés par an, ce montant s'élève à 1 076,40 euros par cycle densifié.

C. L'AMORCE RÉCENTE D'UNE RÉVISION STRATÉGIQUE SALUTAIRE DE LA DSNA

Dans un rapport d'information consacré en 2023 à la modernisation des outils du contrôle aérien34(*), le rapporteur avait constaté et salué une amorce récente et salutaire de revirement stratégique de la part de la DSNA. Il a le sentiment que, depuis quelques années, plusieurs « tabous » commencent à « sauter » qu'il s'agisse de la modernisation technologique, de l'organisation du travail des contrôleurs, du suivi du temps de travail ou bien encore de la restructuration des implantations territoriales de la DSNA.

Il a notamment salué l'élaboration d'une stratégie cohérente de long terme qui s'appuie sur trois piliers interdépendants :

- la modernisation technologique des outils du contrôle aérien ;

- une restructuration du réseau des implantations territoriales de la DSNA ;

- une réforme de l'organisation du travail des contrôleurs aériens.

Le rapporteur estime qu'à condition de mener effectivement à bien, et de façon intégrale, cette réforme, la DSNA pourrait retrouver son rang au niveau européen et toute sa crédibilité, notamment auprès des décideurs politiques et en particulier du ministère chargé des comptes publics duquel dépend en partie les moyens qui lui sont alloués pour réaliser les investissements dont elle a tant besoin. Il note aussi que cette réforme s'inscrit dans l'objectif de décarbonation du secteur aérien. En effet, cette réforme conditionne l'amélioration de la performance environnementale du contrôle aérien de laquelle pourrait résulter une réduction jusqu'à 10 % des émissions de CO2 du secteur.

S'agissant de la modernisation technologique du contrôle aérien, le rapporteur avait ainsi pu constater en 2023 que la DSNA avait engagé son « aggiornamento » en s'attaquant à plusieurs faiblesses qui avaient conduit à faire dériver de manière inacceptable les principaux programmes en la matière : « un vrai changement de paradigme semble en effet émerger des dernières orientations stratégiques prises par la DSNA à travers un objectif de convergence et d'harmonisation des systèmes entre les différents centres et le renoncement à la logique du « sur-mesure », le principe d'achat de produits « sur étagère » et la volonté de mettre un terme au phénomène de sur-spécification pour (...) inscrire l'effort de modernisation de la DSNA dans de véritables feuilles de routes industrielles partagées avec d'autres PSNA afin de ne plus se laisser distancer »35(*).

La restructuration nécessaire du réseau des implantations territoriales de la DSNA n'est pas sans lien avec l'enjeu de modernisation technologique. En effet, au cours de la mission qu'il a conduite en 2023, le rapporteur a pris connaissance des travaux de réflexion menés par la DSNA sur sa capacité opérationnelle à assurer l'entretien et la modernisation de son réseau actuel de tours de contrôle et de centres d'approche. Aujourd'hui l'empreinte territoriale de la DSNA est particulièrement étendue. Elle compte 30 centres d'approche et 80 tours de contrôle. Or, ce réseau génère des coûts de structure élevés qui obèrent les capacités à le moderniser.

Au terme de sa réflexion, la DSNA en est venue à la conclusion que l'ampleur de son réseau territorial constituait l'un des freins à sa modernisation technologique. Elle avait alors exposé au rapporteur l'équation insoluble de la modernisation de ses implantations à réseau territorial inchangé. En effet, la durée de vie moyenne d'une tour de contrôle est de 40 ans. Avec un réseau de 80 installations la DSNA devrait alors en moderniser deux par an. Or, actuellement, elle n'en modernise péniblement qu'une seule tous les deux ans. Il lui apparaît ainsi irréaliste de pouvoir continuer à entretenir et moderniser efficacement un tel réseau. Ne pas le restructurer reviendrait à se résigner à sa dégradation progressive. Le constat est identique pour les centres d'approche.

Tout en mesurant l'extrême sensibilité de la question et de ses enjeux sociaux, qui doivent impérativement faire l'objet d'un accompagnement approprié, le rapporteur spécial convient ainsi que la modernisation des tours et des approches n'est possible qu'à condition de restructurer leurs réseaux. Cette restructuration devra nécessairement être précédée d'une phase de concertation approfondie.

La restructuration des implantations prévues dans le plan stratégique concerne aussi les centres de maintenance technique dont l'optimisation est également nécessaire pour améliorer la performance des services rendus par la DSNA.

Enfin, dans le prolongement des premiers assouplissements mis en oeuvre depuis 2016 et devant le constat manifeste que l'organisation du travail actuelle des contrôleurs ne permet plus de rendre un service performant et adapté au trafic aérien, la DSNA a clairement manifesté sa volonté de la réformer afin de la rendre plus flexible.

Le rapporteur a bien conscience que l'ensemble de ces évolutions sont tout sauf anodines pour la DSNA et qu'elles constituent un programme ambitieux et inédit susceptible, s'il est effectivement mené à bien, d'améliorer sensiblement la productivité des services du contrôle de la navigation aérienne.

De tels bouleversements, parce qu'ils remettent en cause certaines situations et certains acquis longtemps considérés comme « intouchables », ne peuvent s'envisager sans contreparties. Pour la DGAC, ces contreparties ne pouvaient qu'être portées par un nouveau protocole social qui, cette fois enfin, devait véritablement s'inscrire dans une logique de « donnant-donnant » en permettant le déploiement effectif des différentes composantes de cette réforme stratégique, au premier rang desquelles l'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs et les restructurations des implantations territoriales de la DSNA.

II. NÉGOCIÉ DANS LA DOULEUR, LE PROTOCOLE 2023-2027 DOIT ACCOMPAGNER LE VIRAGE STRATÉGIQUE DE LA DSNA

A. DES NÉGOCIATIONS LABORIEUSES

1. La chronique d'une négociation chaotique

C'est à la fin de l'année 2019, alors que le dixième protocole touchait à sa fin, que la DGAC a entamé avec les partenaires sociaux le processus de négociation d'un nouvel accord à portée quinquennale cette fois-ci, censé couvrir la période 2020-2024. Toutefois, la survenance de la crise sanitaire et les impacts considérables qu'elle a eu sur le transport aérien a conduit fort logiquement la DGAC à suspendre les négociations.

a) Un protocole négocié dans un nouveau cadre juridique : les accords collectifs de la fonction publique

Celles-ci ont repris trois ans plus tard, le 16 janvier 2023, au sein du comité social de réseau de la DGAC (CSA-R). La DGAC a profité de report des négociations pour inscrire le nouvel accord dans un nouveau cadre juridique, plus formel que par le passé, celui des accords collectifs dans la fonction publique. Ce cadre est fixé par l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique et son décret d'application du 7 juillet 202136(*).

De cette nouvelle réalité juridique résulte une pleine opposabilité du nouveau protocole quand ses prédécesseurs n'étaient que de simples « gentlemen agreement », des accords juridiquement non contraignants (voir supra).

La principale évolution de ce nouveau cadre juridique réside dans la possibilité d'inclure dans les accords des mesures réglementaires directement applicables en précisant leur calendrier prévisionnel de mise en oeuvre. La DGAC a donc annexé aux différentes versions du projet de protocole des modifications de textes réglementaires destinées à mettre en oeuvre les principaux éléments de l'accord. La DGAC estime que cette nouveauté a été l'une des causes de la longueur du processus de négociation : « la méthode consistant à écrire et négocier les dispositions réglementaires annexées à l'accord explique en partie l'allongement de la durée de négociation et diffère des pratiques suivies dans le cadre des protocoles précédents. Ces derniers étaient en effet limités à des accords de principe et ne comprenaient pas de textes annexés »37(*).

S'ils ont globalement plébiscité l'inscription du nouveau protocole dans ce cadre juridique, certaines organisations syndicales ont regretté que la direction n'ait pas fait le choix de négocier un accord de méthode en amont des négociations. Celui-ci aurait notamment permis que ses signataires s'accordent sur les grandes lignes et le périmètre couvert par le futur protocole avant d'entrer dans les discussions techniques. Lors de leurs auditions, les représentants de la CGT et de la CFDT ont notamment exprimé ce regret auprès du rapporteur. Ils estiment que l'absence d'accord de méthode préalable a pu également être un facteur d'allongement de la durée des négociations.

Ce nouveau cadre rendait également indispensable la validation préalable par les ministères chargés du budget et de la fonction publique des mesures catégorielles prévues par l'accord : « le nouveau cadre réglementaire implique également que les dispositions réglementaires relatives au déroulement de carrière des agents, à la promotion professionnelle et à la mise en oeuvre de politiques indemnitaires soient soumises à l'approbation préalable des ministres chargés du budget et de la fonction publique, ce qui implique le recueil en amont de l'avis de la DGAFP ou du guichet unique selon les cas »38(*).

Enfin, l'article L. 223-1 du code général de la fonction publique (CGFP) prévoit que les accords collectifs dans la fonction publique doivent, pour être valides, être signés par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés à l'occasion des dernières élections professionnelles.

b) Au cours de l'année 2023, en partie perturbé par des évènements extérieurs, le processus de négociation s'est enlisé

La direction avait alors l'ambition de parvenir à finaliser l'accord avant la fin de l'année 2023. Cependant, la complexité des discussions rendait cette perspective ambitieuse. Cette complexité résultait principalement du fait que les évolutions envisagées par la DGAC, en cohérence avec son projet stratégique, étaient d'une toute autre ampleur que celles prévues par les protocoles antérieurs.

Par ailleurs, après la crise sanitaire, d'autres évènements extérieurs sont venus perturber et freiner le processus de négociation. En lien avec le projet de réforme des retraites, la période de conflictualité sociale qui a émaillé le premier semestre 2023 a ainsi, aux dires de la DGAC, « considérablement ralenti » les discussions du fait notamment « de la multiplication des indisponibilités pour jours de grèves ».

Au début de l'année 2024, la longueur inhabituelle de la période de remaniement gouvernemental qui faisait suite à la nomination du nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, a également perturbé les négociations. En effet une période de flottement de plus d'un mois s'est installée avant qu'un ministre délégué aux transports soit effectivement nommé et plus encore pour que les cabinets ministériels soient pourvus. Faute de lisibilité quant à ses interlocuteurs au sein des cabinets ministériels, la DGAC a été amené à geler partiellement le processus de négociations.

c) Un dénouement final compliqué par la confrontation entre les prétentions des organisations syndicales et un contexte budgétaire national exceptionnellement contraint

Tandis que le coût des mesures catégorielles envisagées dans le cadre du protocole promettait d'être élevé compte tenu de l'ambition réformatrice portée par ce dernier, le contexte budgétaire national s'avérait quant à lui particulièrement défavorable. En effet, compte tenu de la dégradation importante et inattendue des comptes publics en 2023, le Gouvernement a pris en février 2024 un décret d'annulations de crédits afin de réaliser des économies en cours de gestion 2024 pour un montant inédit de 10 milliards d'euros39(*). Très vite il s'est avéré qu'en raison d'une exécution également décevante en 2024, ces annulations de crédits seraient insuffisantes pour éviter une dérive majeure des finances publiques. Il est alors apparu que des économies pour un montant au moins équivalent seraient nécessaires dès 2024 et qu'un nouvel effort plus important encore serait inévitable en 2025.

C'est pourtant bel et bien dans ce contexte que la direction de la DGAC a réclamé en interministériel une augmentation très substantielle, de plusieurs dizaines de millions d'euros, de l'enveloppe de crédits dédiée à couvrir les dépenses nouvelles qui résulteront des dispositions prévues dans le projet de protocole. La somme initialement débloquée au début des négociations avait en effet été très nettement sous-évaluée eu égard à l'ampleur des mesures catégorielles qui étaient envisagées dans le projet d'accord ainsi qu'à l'ambition de ce dernier.

Au total, quatre versions successives du projet de protocole ont ainsi été présentées aux organisations syndicales en mars, en mai et en novembre 2023 puis en janvier 2024. C'est à ce stade qu'il est clairement apparu, notamment au cours d'une réunion plénière qui s'est tenue le 15 janvier 2024, que l'ampleur des mesures de compensations financières réservées aux personnels de la DGAC dans le projet de protocole n'était pas suffisante pour que des organisations syndicales représentant plus de 50 % des personnels puissent le signer. Ce constat s'est confirmé au cours de deux séries de réunions bilatérales organisées par la direction avec les syndicats.

La DGAC résumait alors ainsi la situation : « si les principales réformes portées dans le projet de protocole sont acceptées si ce n'est a minima comprises par les organisations syndicales susceptibles de le signer, la discussion achoppe désormais sur la valorisation financière des contreparties sociales estimées insuffisantes compte tenu des ambitions affichées ».

La tension sociale était alors à son comble et un préavis de grève nationale a été déposé le 9 avril 2024, pour le 25 avril 2024, par le principal syndicat représentatif des contrôleurs aériens, le SNCTA.

La DGAC et ses partenaires en interministériel étaient confrontés à un dilemme :

soit rester dans le cadre de l'enveloppe budgétaire initiale et réviser à la baisse les ambitions réformatrices de l'accord, ce qui aurait conduit à remettre en cause le déploiement du plan stratégique de la DSNA ;

soit débloquer plusieurs dizaines de millions d'euros supplémentaires, dans un contexte budgétaire plus contraint que jamais, pour maintenir les ambitions du projet de protocole et les gains de productivité des services du contrôle de la navigation aérienne qu'il est censé générer.

Ces discussions tendues étaient par ailleurs conduites avec en toile de fond la menace d'un conflit social dur des contrôleurs aériens dont le coût global avoisinerait les 20 millions d'euros quotidiens.

Finalement, malgré les vents budgétaires contraires mais notamment par crainte des conséquences d'une grève des contrôleurs aériens, dont l'obligation de déclaration préalable introduite par la loi du 28 décembre 2023 avait permis au Gouvernement d'observer qu'elle serait massivement suivie, et avec la perspective des jeux olympiques de Paris, les crédits dédiés à financer les coûts du protocole ont été complétés pour permettre la finalisation du projet d'accord. Le préavis de grève nationale pour le 25 avril 2024 a été levé et le protocole a été signé en mai par le SNCTA, FO et la CFDT.

Cependant, la dernière phase de la négociation a été trop longue, le dénouement est arrivé trop tardivement et n'a pu empêcher une forte désorganisation liée à l'anticipation d'une grève dont l'impact promettait d'être massif. Ce retard a occasionné des perturbations et des vols ont dû être annulés. En a résulté une situation tout à fait paradoxale et incompréhensible pour les passagers dans laquelle, malgré un protocole conclu et un préavis de grève levé, certains vols n'ont pas pu être opérés. Compte-tenu de l'aboutissement des négociations, qui a conduit in fine à satisfaire les doléances financières des organisations syndicales, le rapporteur ne s'explique pas le délai qu'il a fallu au Gouvernement pour finaliser l'accord. Il a le sentiment que l'on aurait pu et que l'on aurait dû éviter à l'économie du transport aérien ces désagréments inutiles.

2. Le sujet sensible des « clairances » et du suivi du temps de travail a émergé au cours des négociations
a) Les clairances, une pratique opaque, illégale mais tacitement tolérée, remise en lumière en décembre 2023 par un rapport du BEA

Outre les différentes péripéties citées supra, un autre élément de contexte particulièrement sensible est venu interférer dans le cadre des négociations protocolaires.

Un rapport du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), paru en décembre 2023 au sujet d'un incident grave survenu le 31 décembre 2022 à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac40(*), a mis en évidence, d'un point de vue des risques qu'il faisait peser sur la sécurité du transport aérien, une pratique opaque d'auto-gestion du temps de travail des contrôleurs aériens connue sous le nom de « clairances ».

Cette pratique officieuse consiste, pour le chef d'équipe, en fonction du trafic anticipé, à autoriser à l'avance certains des contrôleurs de son équipe à s'absenter durant tout ou partie de leurs vacations. Dans son rapport de 2021 précité sur la politique des ressources humaines de la DGAC, la Cour des comptes en donnait la définition suivante : « les clairances consistent en l'octroi par le chef d'équipe, en période de faible trafic, d'autorisations d'absence à certains contrôleurs par rapport à la vacation théorique fixée pour l'équipe par le tour de service ».

L'activité d'une équipe de contrôleurs aériens pendant leurs vacations est encadrée en amont de celle-ci par un tableau de service qui « définit, pour chaque vacation, sur la base de l'historique des années précédentes, le nombre minimal de contrôleurs que l'encadrement considère comme nécessaire pour assurer dans de bonnes conditions de sécurité et de capacité le contrôle de la circulation aérienne »41(*).

Comme l'a démontré le BEA dans son rapport, en toute opacité, à la discrétion du seul chef d'équipe, de façon purement empirique, sans que cette pratique puisse être régulée ni même suivie de façon fiable par la direction, les clairances conduisent ainsi à remettre en cause le tableau de service des vacations des équipes de contrôleur et l'armement des positions de contrôle : « pour prendre sa décision sur les effectifs et les horaires des contrôleurs de son équipe, en amont de la prise de service, le chef de tour se fonde essentiellement sur son expérience personnelle, le trafic IFR42(*) et les conditions météorologiques prévus, ainsi que sur la connaissance des membres de son équipe. L'encadrement du centre de contrôle n'a aucune connaissance des décisions de réduction des effectifs de contrôleurs prises en amont des vacations par les chefs de tour. Dans ce mode de fonctionnement, l'adéquation entre le nombre de contrôleurs effectivement présents et le trafic réel ne repose plus sur le tableau de service, mais principalement sur l'appréciation personnelle du chef de tour, alors que cette adéquation est une composante essentielle du niveau de sécurité du service rendu ».

Dans son rapport, le BEA considère que la décision du chef d'équipe de réduire de moitié les effectifs qui composaient le tableau de service, en autorisant trois des six contrôleurs prévus à s'absenter, a pu jouer un rôle dans la survenance de l'incident grave du 31 décembre 2022. Or, s'agissant de la décision prise par le chef d'équipe, le BEA précisait que « cet arrangement a été fait sans information préalable vers l'encadrement du centre de contrôle. Ce mode de fonctionnement est connu par l'encadrement, qui n'a aucun moyen systématique d'en connaître l'ampleur ». Il ajoutait : « cette situation a été rendue possible en raison de la latitude implicitement laissée aux chefs de tour de gérer les effectifs sans respecter le tableau de service, et sans moyen de vérification extérieure de cette gestion par l'encadrement ».

Dans ce même rapport, le BEA affirmait que la pratique était généralisée au sein de la DSNA : « l'enquête a montré que ces pratiques dépassent, à différents niveaux, le cadre de l'équipe concernée par l'incident grave (...). Il a été établi que ces dérives sont généralisées et anciennes ». Il ajoutait que « cette situation, connue par la DSNA, est probablement le résultat d'une volonté de l'encadrement de maintenir une relative paix sociale ».

Dans son rapport, le BEA allait jusqu'à assimiler la pratique des clairances à « un consensus social, ancré depuis de nombreuses années à la DSNA, qui laisse perdurer une situation dans laquelle les équipes de contrôleurs organisent, en dehors de tout cadre légal, un niveau d'effectif présent généralement inférieur à l'effectif théoriquement déterminé comme nécessaire. Cette situation, hors du cadre légal, mais connue et tolérée implicitement, est de nature à interdire toute collecte officielle d'informations qui conduirait à identifier ces écarts y compris dans le cadre de l'analyse d'événements de sécurité. En effet, celle-ci doit s'inscrire dans un cadre de culture juste qui tolère des erreurs et déviations involontaires, mais qui ne peut tolérer des déviations répétitives et délibérées ».

Au-delà même du phénomène des clairances, c'est l'absence de traçabilité fiable de la présence des contrôleurs sur leur position de contrôle, y compris lorsqu'il s'agit d'analyser les raisons d'un incident, qui a tout particulièrement heurté le BEA. Il a ainsi pu constater que « la DSNA n'a pas de moyen à l'heure actuelle de connaître de manière fiable et objective l'armement des positions de contrôle et la présence des contrôleurs sur leur lieu de travail ».

Il constate en effet « l'absence d'outil pour collecter de manière fiable, automatique, et en temps réel, l'armement des positions de contrôle et le nombre de contrôleurs présents sur le lieu de travail et pour analyser la contribution potentielle de ces deux facteurs en cas d'événement de sécurité ». Pourtant, « ces analyses permettraient aux chefs de tour et à l'encadrement d'évaluer sur une base objective les besoins réels d'effectifs présents et d'armement des positions de contrôle en fonction des niveaux et des types d'activités aériennes prévues ou constatées ».

À ce jour, pour suivre le temps de travail de ses contrôleurs, la DSNA ne dispose que d'un système déclaratif de décompte des heures baptisé OLAF ATCO dont le BEA a pu souligner dans son rapport qu'il ne pouvait pas être considéré comme fiable. Dans son rapport de 2021 précité, la Cour des comptes déplorait notamment que « le contrôle de présence des personnels repose aujourd'hui encore uniquement sur les registres des vacations ou registre des heures de contrôle tenus localement et souvent de façon empirique par les chefs d'équipes ».

Le BEA notait par ailleurs dans son rapport que l'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) s'était émue, dans un audit daté de 2014, du fait que « le système de comptabilisation des heures réelles sur position par le système français ne remplissait pas les critères de fiabilité requis dans le cadre du renouvellement des licences ». Une réserve qu'elle a réitérée dans un autre audit de 2021 dans lequel elle indique que la DSNA n'est pas en mesure de démontrer la fiabilité du système déclaratif des heures réalisées sur les positions de contrôle. Cet audit a lui-même débouché sur une enquête de la DSAC qui a conclu, également en 2021 que « la DSNA n'était pas en mesure de démontrer que les heures de contrôle déclarées par les contrôleurs aériens (...) pour le suivi et la prorogation des licences avaient été effectivement réalisées ».

En réponse au questionnaire du rapporteur, la DGAC a reconnu le problème posé par les clairances ainsi que son incapacité à suivre avec fiabilité les heures de travail réalisées de façon effective sur les positions de contrôle. Elle a aussi admis que cette question avait été soulevée à plusieurs reprises par des organismes indépendants sans qu'une réponse adéquate ne lui soit apportée : « cette problématique de la vérification de l'armement des positions de contrôle avait déjà été mise en évidence à la suite d'audits menés par plusieurs organisations : AESA, DSAC ou bien encore Cour des Comptes. Des dispositifs avaient alors été mis en place par la DSNA pour y répondre. Cependant le rapport du BEA met clairement en lumière le fait que ceux-ci demeurent insuffisants, notamment parce qu'ils sont uniquement déclaratifs et que leur application est trop peu systématique. Sur la base de ce rapport du BEA, auquel la DSNA a apporté son concours en mettant à disposition des enquêteurs toutes les ressources disponibles concernant cet incident, la situation actuelle apparaît à tous égards inacceptables ».

Par comparaison notamment aux exigences faites aux compagnies aériennes en matière de sécurité, la FNAM a témoigné au rapporteur son indignation face à cette situation : « il apparaît inacceptable que la DGAC ne puisse disposer de l'information relative aux armements des différentes positions de contrôle. De manière plus générale, l'organisation du travail des contrôleurs aériens s'apparente à une forme d'auto-gestion qui paraît hautement critiquable en termes de sécurité des vols. La DGAC en tant qu'autorité de régulation ne tolèrerait pas une organisation du travail comparable au sein d'une compagnie aérienne ».

Pour régler les problèmes sécuritaires identifiés dans son rapport, le BEA a ainsi recommandé à la DSNA d'équiper ses centres de contrôle d'un moyen automatique et nominatif d'enregistrement de la présence des contrôleurs sur leur position de contrôle ainsi que sur leur lieu de travail.

b) La pratique des clairances réduit sensiblement le temps de travail effectif des contrôleurs

Au-delà des enjeux sécuritaires, la pratique des clairances conduit également à réduire sensiblement le temps de travail effectif des contrôleurs. Cette problématique avait déjà été mise en évidence par la Cour des comptes dans son rapport annuel publié en février 2010. Elle estimait alors que le phénomène de clairance était « massif », amenant les contrôleurs à bénéficier de « 56 jours d'absence officieux ».

Cependant, faute d'une mesure fiable du temps de travail effectif des contrôleurs, ces estimations restent par nature imparfaites et la Cour des comptes, à l'instar du BEA et de manière récurrente recommande à la DGAC de mettre en place un dispositif de suivi automatisé du temps de travail de ses personnels comme il en existe désormais dans la plupart des administrations. Elle a notamment réitéré cette recommandation dans son rapport de 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC : « la DGAC n'a pas mis en place de dispositif de décompte du temps de travail, comme l'ont fait la plupart des organismes publics, administrations centrales comprises, et privés. Aussi, rien ne permet de déterminer de façon fiable et objective le nombre d'heures réellement travaillées, leur répartition dans le temps, le nombre d'heures supplémentaires et le respect des périodes minimales de repos. Pourtant, la complexité du régime horaire justifie à lui seul un décompte des heures travaillées ».

Malgré le manque d'informations fiables disponibles, le BEA indiquait dans son rapport que « les relevés réalisés par la DSNA lors de contrôles inopinés dans les centres de contrôle français montrent qu'au moins 15 % des contrôleurs devant être présents sur site d'après le tableau de service sont absents sur la durée complète de la vacation ».

D'après les éléments recueillis par le rapporteur, en pratique, en raison du phénomène des clairances, les contrôleurs ne réaliseraient en moyenne que 24 heures de travail hebdomadaires sur les 32 heures qu'ils sont légalement tenus d'effectuer.

Pour les contrôleurs et leurs organisations syndicales représentatives, cette situation bien connue et tolérée au sein de l'institution, même si elle restait jusqu'ici difficile à mesurer précisément, semble relever d'une forme de contrat social tacite qui compenserait le fait qu'ils sont en moyenne moins rémunérés que leurs homologues européens. Aussi, la remise en cause de ce pacte social tacite, même illégal, ne peut-elle, pour les syndicats s'envisager sans compensations financières.

c) Une prise de conscience salutaire et l'impératif de traiter le problème au plus vite et définitivement

Le 19 décembre 2023, avant même la publication du rapport du BEA, M. Clément Beaune, le ministre des transports de l'époque a adressé un courrier très ferme au directeur général de l'aviation civile, exigeant de mettre un terme à la pratique des clairances et à faire en sorte de s'assurer que les contrôleurs aériens effectuent leur nombre d'heures légal. Il soulignait ainsi que « l'incident survenu constitue le symptôme d'une défaillance à laquelle il faut remédier dans les meilleurs délais » et enjoignait le directeur général à mettre en place sous deux mois avec la DSNA « un plan d'actions assorti d'un calendrier ambitieux visant à mettre en oeuvre la recommandation du BEA ».

La DSNA a indiqué au rapporteur avoir pris de premières mesures d'urgence à compter du mois de septembre 2023, en amont de la publication du rapport du BEA. Il s'agit notamment de « recueillir de façon systématique, dans le cas d'un évènement de sécurité, tous les éléments concernant :

- la liste des agents prévus au tour de service ;

- l'ensemble des informations de contrôle d'accès ;

- l'armement réel des positions de contrôle ;

- les données relatives aux heures déclarées, à la validité des licences de contrôle, formations réalisées, temps de repos des agents en fonction au moment de l'événement de sécurité ».

En ce qui concerne la résolution structurelle de la problématique, la DSNA a confirmé au rapporteur que son plan d'action visait à mettre en place progressivement un système de badgeage électronique à l'entrée du lieu de travail ainsi que sur la position de contrôle comme, selon elle, « c'est déjà le cas dans la quasi-totalité des prestataires de navigation aérienne européens ».

S'agissant du temps de travail effectif des contrôleurs, la DGAC envisagerait de le porter de 24 à 28 heures hebdomadaires sans compensations financières, les 4 heures restantes pour atteindre les 32 heures légales pourraient être thésaurisées et donner droit à des congés en période de trafic peu dense.

La fin de la pratique des clairances et l'instauration d'un suivi électronique du temps de travail des contrôleurs ne figurent pas dans le protocole en tant que tel. Toutefois, le rapporteur note qu'elles n'ont pas pour autant été sans conséquences dans sa négociation et qu'elles ont nécessairement pesé dans l'équation globale de l'accord, conduisant à majorer en contrepartie les doléances de nature financière des organisations syndicales. Ainsi, même de façon indirecte, le sujet de la résolution du phénomène des clairances a-t-il nécessairement eu un effet inflationniste sur le coût des mesures catégorielles prévues dans le protocole.

d) Au-delà même de l'impératif de sécurité, le suivi du temps de travail effectif des contrôleurs est aussi un enjeu de performance pour la DSNA

La mesure effective du temps de travail au moyen d'un dispositif automatisé sera également un atout en matière de performance dans la mesure où elle permettra d'identifier avec précision les périodes de surcapacité et au contraire celles au cours desquelles l'effectif de contrôleurs devrait être complété pour répondre à la demande de trafic. Cette évolution est ainsi tout sauf anodine dans la perspective poursuivie par la DSNA d'accroître sa performance en améliorant sa faculté à adapter la capacité de contrôle aux évolutions du trafic.

Dans son rapport, le BEA soulignait également indirectement cet enjeu en notant qu'un suivi automatisé du temps de travail sur les positions de contrôle permettra « une vérification de l'adéquation entre les effectifs prévus par les tableaux de service et le trafic réellement rencontré, pour mieux planifier les effectifs en tactique et en stratégique, dans un contexte de complexification et d'évolution rapide du trafic ».

Enfin, de façon générale, les différents acteurs du transport aérien entendus par le rapporteur s'accordent à dire qu'une transparence accrue sur la performance de la DSNA et son suivi est indispensable. Or, il va de soi que la première étape à franchir pour tendre vers cet objectif est d'être en capacité de mesurer avec fiabilité le temps de travail de ses personnels. À l'instar du retard qui a été pris en matière de modernisation technologique, le rapporteur considère que la sensibilité du transport aérien est incompatible avec des modes de gestion des personnels « d'un autre âge » et aussi artisanaux que le décompte manuel et déclaratif des heures de travail. Sur ce plan également, le contrôle aérien français doit aligner ses pratiques sur celles de ses principaux homologues européens.

B. UN NOUVEAU PROTOCOLE SOCIAL DESTINÉ À ACCOMPAGNER LA RÉVISION STRATÉGIQUE DE LA DSNA

1. Si son objet principal est d'accompagner le virage stratégique de la DSNA, le protocole prévoit des mesures catégorielles étendues à l'ensemble des personnels de la DGAC
a) Des trajectoires de recrutements pour anticiper une importante vague de départ à la retraite

Par cohérence et en accord notamment avec la direction du budget, le nouveau protocole a été aligné sur la période budgétaire quinquennale couverte par la loi de programmation des finances publiques 2023-202743(*). Comme chacun de ses prédécesseurs, le protocole 2023-2027 réaffirme l'unité de la DGAC. Il indique que son contenu « se veut compatible » avec la stratégie de résorption progressive de la dette du BACEA « visant un en-cours de dette fin 2027 de 1,5 milliard d'euros ». Le rapporteur rappelle que cet engagement est primordial et qu'il ne doit pas rester une simple incantation. Comme il a pu le souligner dans son rapport d'information précité présenté en 2023, cet impératif conditionne la crédibilité de la DGAC ainsi que la trajectoire d'investissements pluriannuelle de la DSNA opportunément réévaluée à la hausse à compter de 2023.

Le protocole présente également la trajectoire prévisionnelle des emplois de la DGAC qui a été négociée avec la direction du budget. D'ici 2027, en anticipation notamment d'une vague importante de départs à la retraite de contrôleurs à la fin de la décennie, les schémas d'emplois annuels cumulés devraient conduire à une augmentation d'effectifs à hauteur de 327 ETP.

Trajectoire prévisionnelle du schéma d'emploi de la DGAC (2023-2027)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le protocole social 2023-2027 de la DGAC

Le protocole précise la décomposition de ce schéma d'emploi et notamment la montée en puissance progressive du recrutement d'ICNA sur la période : trois promotions de 32 élèves en 2023, quatre promotions de 32 en 2024, trois promotions de 40 et une de 32 en 2025 puis quatre promotions de 40 en 2026 et en 2027.

Trajectoire prévisionnelle de recrutements d'ICNA (2023-2027)

(nombre de nouveaux recrutements d'ICNA)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le protocole social 2023-2027 de la DGAC

À la faveur de cet effort de recrutement et pour tenir compte de la forte vague de départ à la retraite qui doit survenir à la fin de la décennie, le schéma d'emploi des ICNA sera positif sur la période. En revanche, en dépit de recrutements d'au moins 300 IESSA et de 200 TSEEAC entre 2023 et 2027, le schéma d'emploi de ces deux corps sera quant à lui globalement négatif sur la période couverte par le protocole.

b) Le coeur de l'accord : les mesures visant à rendre la DSNA plus performante

L'essentiel des mesures ayant vocation à améliorer la performance des services de contrôle de la navigation aérienne, l'enjeu principal du protocole 2023-2027, est présenté dans la cinquième partie de l'accord intitulée « les objectifs et réformes associées à l'axe 2 : accompagner la reprise du transport aérien dans une logique de service ». Ces mesures, qui sont décrites plus en détail infra, sont celles qui doivent permettre à la DSNA de déployer les premiers jalons de la réforme stratégique qu'elle a récemment initié (voir supra). Elles constituent le coeur du protocole, sa raison d'être et la légitimité des mesures catégorielles de compensations coûteuses qu'il prévoit également et qui sont présentées dans sa dixième partie : « les contreparties à impact salarial associées au présent protocole ».

L'introduction de cette cinquième partie du protocole précise ainsi que « les réformes décrites doivent permettre d'atteindre l'ambition d'une DSNA performante, moderne et écoresponsable ».

Un premier axe de réforme relève de « l'organisation des services » de la DSNA. Il fait référence à l'enjeu de restructuration de ses implantations territoriales. Sa mise en oeuvre complète doit s'étendre bien au-delà de la période couverte par le protocole, jusqu'à l'horizon 2035. Cet axe de réforme doit se traduire par la restructuration des centres qui opèrent le contrôle d'approche ainsi que des tours de contrôle et la remise en cause de la présence de la DSNA sur certaines plateformes aéroportuaires modestes dans la perspective de lui substituer des services dits AFIS (pour aerodrome flight information service) opérés par des prestataires certifiés qui délivrent des services d'information de vol et d'alerte.

Un deuxième axe de réforme à trait à l'évolution de l'organisation du travail des contrôleurs dans la perspective de la rendre plus flexible afin de mieux permettre à la DSNA d'adapter l'offre de contrôle à la demande de trafic aérien. Il s'est matérialisé par la révision, par un arrêté daté du 8 juillet 202444(*), d'un arrêté du 19 novembre 2002 relatif à l'organisation du temps de travail des contrôleurs aériens45(*). Pour mémoire, cet axe de réforme est absolument primordial eu égard aux conséquences extrêmement néfastes pour le transport aérien de la rigidité de l'organisation du travail des contrôleurs dont les principaux aspects ont été décrits supra. Le protocole en présente ainsi les enjeux : « les mesures décrites ci-après visent à apporter la flexibilité nécessaire et la robustesse souhaitable dans les modalités d'organisation et de planification des vacations de contrôle et de leur déroulement ». Les évolutions de l'organisation du travail prévues par le protocole se déclinent en deux catégories : des mesures obligatoires intégrées dans le « nouveau socle réglementaire » et des « dispositifs additionnels » optionnels.

Un troisième axe de réforme majeur concerne la filière technique. L'accord souligne que malgré la trajectoire prévisionnelle de recrutement et alors qu'il sera mobilisé par les programmes de modernisation des outils du contrôle aérien, les effectifs du corps des IESSA vont diminuer sur la période du protocole pour atteindre un point bas en 2026 quand bien même « l'effectif global des services techniques de la DSNA est déjà en-deçà du besoin ». Dans ce contexte, le protocole prévoit des mesures de réorganisation des services de maintenance ainsi qu'une évolution de l'organisation du travail de la filière technique de la DSNA.

L'optimisation du temps de formation et de qualification des ICNA ainsi que le projet de création d'un corps unique de contrôleurs de la circulation aérienne à l'horizon 2030, prévus par la neuvième partie du protocole, devraient aussi pouvoir générer des gains de productivité.

c) Le protocole prévoit d'importantes contreparties financières étendues à l'ensemble des personnels de la DGAC

La dixième partie du protocole présente quant à elle les « contreparties à impact salarial associées au présent protocole ». L'estimation de leur coût est présentée infra.

Sur le plan statutaire, l'accord prévoit ainsi une refonte de l'échelonnement indiciaire de la grille des ICNA et des IEEAC et des conditions d'accès aux grades d'avancement, une facilitation de l'accès aux emplois fonctionnels et un plan de requalification des personnels de la catégorie C (adjoints d'administration) vers la catégorie B (assistants d'administration).

En matière indemnitaire, le protocole entérine la création de la nouvelle prime d'intéressement46(*) expérimentée depuis un an47(*) et dont le coût s'est élevé à 7 millions d'euros en 2023. L'attribution de cette prime, qui peut atteindre 1 000 euros annuels, dépend de l'atteinte de critères collectifs de performance, environnementaux et sécuritaires. Après avoir été accordée dans un premier temps aux seuls ICNA, la DGAC a indiqué au rapporteur que la prime a été « généralisée à la majeure partie des personnels de la DGAC, du BEA et de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) ». La philosophie de ce nouveau régime indemnitaire est proche de celle qui prévalait pour la prime de partage de la performance en vigueur de 2014 à 2019. L'accord instaure également une nouvelle prime mensuelle48(*) de 80 euros à 450 euros pour reconnaître les sujétions liées à l'encadrement hiérarchique opérationnel. Il prévoit en outre une extension49(*) et une revalorisation de certains régimes indemnitaires50(*).

Le protocole détermine également les compensations financières des dispositifs de flexibilité de l'organisation du travail des contrôleurs. Ces compensations varient selon les options d'organisation du travail proposées dans le nouvel arrêté du 8 juillet 2024. L'option 1 prévoit notamment une part fixe mensuelle de 345 euros à laquelle s'ajoute 1 035 euros par cycle densifié. Les évolutions de l'organisation du travail des IESSA prévues dans le protocole sont également compensées à hauteur de 100 euros par mois auxquels s'ajoutent 250 euros le cas échéant au titre de dispositions qui relèvent du volontariat. L'accord prévoit aussi des compensations de flexibilité pour la filière technique afin de rémunérer les mesures optionnelles visant à rendre plus flexible l'organisation du travail des personnels concernés.

Des augmentations de rémunération spécifiques sont également prévues pour les personnels à statut du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTEC), des ouvriers d'État, des ouvriers des parcs et ateliers, des personnels navigants techniques ou encore des agents contractuels.

L'accord prévoit également les mesures d'accompagnement, notamment financières, des restructurations de services. Les restructurations des services de la DSNA font notamment l'objet d'une mesure de compensation spécifique plus intéressante que les dispositifs de droit commun existants dans la fonction publique. Cette prime, versée en une fois, qui est due en cas de fermeture de service entraînant une mobilité géographique, pourra s'élever entre 2 500 et 30 000 euros selon les situations.

Le protocole détermine aussi les conditions d'attribution d'un dispositif indemnitaire dit de « fidélisation » destiné à attirer des ICNA et des IESSA vers des centres qui souffrent d'un déficit d'attractivité. Ce dispositif concerne le centre d'Orly ainsi que les CRNA de Reims et d'Athis-Mons. Il se compose d'une prime mensuelle de 300 euros après quatre années de présence sur le site à laquelle s'ajoute, au-delà de dix ans de travail sur place, une prime annuelle pouvant s'établir de 1 200 euros à 40 000 euros selon l'ancienneté dans le centre.

2. Une série de dispositifs qui devraient améliorer la performance du contrôle de la navigation aérienne

Le rapporteur souligne que les protocoles sociaux ne peuvent être considérés comme une fin en soi. Ils ne se justifient que dans la mesure où ils permettent la mise en oeuvre de dispositifs permettant d'améliorer le service rendu par la DGAC et tout particulièrement de la DSNA en contrepartie des augmentations de rémunération conséquentes qu'ils prévoient. Cette pratique ne trouve une forme de légitimité qu'a la seule condition que cette philosophie de « donnant-donnant » soit respectée.

S'il est notoirement admis que cette logique n'a pas été respectée par les protocoles précédents manifestement déséquilibrés, le rapporteur entend les arguments sur lesquels s'appuie la DGAC pour affirmer que ce nouvel accord se distingue de ses prédécesseurs. Comme le directeur des services de la navigation aérienne (DSNA) de l'époque le lui a expliqué au cours de son audition, le rapporteur a conscience que ce protocole a été conçu d'emblée comme le principal vecteur du déploiement d'une véritable démarche stratégique visant à replacer progressivement la DSNA dans une position de maîtrise opérationnelle ainsi que sur une trajectoire de modernisation et d'amélioration du service rendu. Il est indéniable que ce nouvel accord comprend un nombre conséquent de mesures susceptibles de générer une amélioration non négligeable de la performance des services du contrôle de la navigation aérienne.

Le rapporteur mesure également le chemin parcouru. Beaucoup des mesures de performance contenue dans l'accord suscitaient encore des levées de boucliers infranchissables il y a de cela quelques années. Aujourd'hui, la révision stratégique portée par la DSNA n'est plus remise en cause en bloc. Sa nécessité est globalement admise et comprise. Cependant, si beaucoup s'y sont résolus, les partenaires sociaux exigent qu'elle soit accompagnée de compensations, principalement d'ordre financier.

Le rapporteur reconnaît qu'aujourd'hui, dans le contexte et la culture qui est celle de la DGAC, le nouveau protocole, aussi imparfait soit-il, est de nature à poursuivre l'oeuvre de révision stratégique de la DSNA. Le pire aurait été que ce programme de réforme vital pour l'avenir du contrôle aérien français soit coupé dans son élan, voire irrémédiablement abandonné.

a) Une optimisation de l'organisation du travail des contrôleurs

Dans le prolongement des premières expérimentations initiées dans le protocole 2016-2019, le coeur du nouvel accord tient aux évolutions de l'organisation du travail des contrôleurs, visant à la rendre plus flexible pour que la DSNA puisse davantage adapter la capacité de contrôle à la demande de trafic. Le protocole souligne ainsi que le nouvel arrêté relatif à l'organisation du temps de travail des contrôleurs prévoit des « dispositifs d'organisation du travail permettant de concentrer le travail en ayant plus de contrôleurs à la pointe en parallèle d'un mécanisme de récupérations, permettant de rediriger une partie des heures inutiles et actuellement non réalisées en période creuse vers des heures productives en période de trafic chargé ». Ces dispositifs ont pour vocation de rendre plus flexible l'organisation, la planification et le déroulement des vacations de contrôle. En matière d'organisation du travail des contrôleurs, le nouveau cadre proposé par le protocole prévoit ainsi une large « boîte à outil » de mesures qui se décline en deux composantes :

- d'une part un nouveau socle réglementaire obligatoire applicable à l'ensemble des organismes et personnels concernés ;

- d'autre part des dispositifs dits « additionnels » ou « optionnels » dont la mise en oeuvre s'effectue sur la base du volontariat au sein des services.

Le cumul de ces dispositifs doit permettre de rendre les tours de service plus flexibles et de densifier davantage les cycles de contrôle en période de trafic dense moyennant une compensation lors des phases plus calmes. Des restrictions de congés en périodes tendues sont également prévues. Globalement, et comme la DSNA l'a résumé au rapporteur, ces mesures doivent conduire les contrôleurs à « travailler davantage en été et moins en hiver, plus le week-end et moins en creux de semaine ».

Le rapporteur note cependant qu'en dépit des velléités de la DSNA, et compte tenu des réserves exprimées par les organisations syndicales, l'essentiel des évolutions relèvent encore de dispositifs optionnels et que les modifications du « socle réglementaire » ont été effectuées à « doses homéopathiques ».

La DGAC souligne néanmoins dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur que dans ce domaine, le protocole « revient sur des points vécus comme des acquis sociaux fondamentaux : cycle de travail, congés ou encore organisation en équipe ». Le rapporteur admet que certes, certains dispositifs introduits dans le cadre du protocole et qualifiés de « semi-individuels » descendent à un niveau inférieur à celui de l'équipe mais il constate que le principe de l'équipe, si caractéristique du contrôle aérien « à la française », n'en est pas pour autant fondamentalement remis en question. Il note en effet que même après application des dispositifs introduits par le nouveau protocole, la France restera encore très loin d'une organisation sous forme de « tours de services individuels » comme elle peut se pratiquer ailleurs en Europe. Le rapporteur observe que sur ce plan, malgré des avancées notables, le nouveau protocole ne prévoit pas de « révolution copernicienne » mais tout juste une forme « d'hybridation » du modèle de contrôle aérien français.

Pour autant, la DGAC estime que ces évolutions sont susceptibles d'améliorer très sensiblement le service rendu par le contrôle de la navigation aérienne et de réduire de façon substantielle les retards de vols au bénéfice de l'écosystème. Le protocole souligne ainsi que « l'objectif des mesures mises en oeuvre est de réduire les délais pour les compagnies aériennes de 1 million de minutes minimum en 2027 », ce qui représenterait alors une économie pour les compagnies d'environ 100 millions d'euros par an.

Au-delà des contrôleurs aériens, le protocole prévoit aussi une révision de l'organisation du temps de travail des services techniques. La flexibilisation de l'organisation du travail des ingénieurs de maintenance apparait notamment comme une nécessité pour absorber la charge induite par le déploiement des indispensables programmes de modernisation technologique dans un contexte d'effectifs contraints. Il s'agit ainsi, pour la DGAC, de « valoriser les sujétions afférentes non plus en récupérations, que le niveau des effectifs ne permet plus d'assumer, mais en primes »51(*). En outre, l'accord prévoit aussi « la mise en place de réserves d'intervention technique (RIT) permettant une mutualisation des ressources tout en garantissant l'intervention d'ingénieurs de maintenance sur l'ensemble de l'implantation territoriale, y compris la nuit et le week-end, en fonction de la gravité et de l'impact de la panne ».

b) Des restructurations du réseau des implantations territoriales de la DSNA

Pour la DGAC, une restructuration des implantations territoriales de la DSNA indissociable de la réforme stratégique plus générale de l'organisation et des services rendus par le contrôle de la navigation aérienne

La direction générale de l'aviation civile (DGAC) a engagé une réforme ambitieuse des services de la navigation aérienne afin d'accélérer la modernisation des systèmes de contrôle et d'améliorer la performance du service. Cette transformation est impérative compte tenu de l'évolution rapide des métiers de la navigation aérienne, des enjeux technologiques et des impératifs réglementaires et de sécurité. Elle doit s'opérer par ailleurs dans un contexte de désendettement du budget annexe de la DGAC, qui rend impérative la rationalisation d'une infrastructure de contrôle vieillissante afin d'assurer la soutenabilité des services de navigation aérienne totalement financés par les compagnies aériennes.

Dans ce cadre, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) doit accélérer la réorganisation de ses services dans l'objectif d'améliorer sa performance et sa résilience et pour permettre une modernisation technologique plus rapide tout en maîtrisant les coûts.

Source : réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

Le réseau des implantations territoriales des services de la DSNA est à ce jour très étendu, significativement plus que celui de ses homologues européens. D'après les données transmises par la DGAC au rapporteur, il se compose au total environ 700 sites dont 5 CRNA, 30 centres de contrôle d'approche et près de 80 tours de contrôle pour une surface cumulée de 330 000 m2 de bâtiments. Comme indiqué supra, cette situation génère des coûts de structure importants, entrave la modernisation des services et outils du contrôle aérien et participe à inscrire les infrastructures de la DSNA dans une inquiétante spirale d'obsolescence et de vétusté. Le rapporteur avait notamment pu prendre conscience de ce phénomène préoccupant au cours des travaux ayant conduit à la présentation de son rapport d'information de 2023 consacré à la modernisation des outils du contrôle aérien français.

Ainsi, la dimension qu'elle qualifie de « hors norme » du réseau territorial de la DSNA rend, selon la DGAC, « sa modernisation complexe et non homogène ». Dans le cadre de son programme de réforme, la DSNA s'est donc donnée comme priorité de « se doter d'organismes de taille critique »52(*).

Le programme de restructuration envisagé par la DSNA et esquissé dans l'accord concerne à la fois les centres de contrôle d'approche, les tours de contrôle et les services de maintenance technique.

(1) Un nombre de centres d'approches réduit de 40 % à l'horizon 2035

À l'horizon 2030, la DSNA entend ainsi réduire le nombre de ses centres d'approches métropolitains53(*) de plus de 40 %, en passant de 28 à 16 unités. Les premiers centres d'approche concernés, dès 2024, sont ceux de Metz-Nancy-Lorraine, de Deauville et de Rouen. Des études portant sur les approches de Biarritz et La Rochelle ont par ailleurs été engagées. En pratique, les activités des centres d'approche qui ferment sont reprises par d'autres, le périmètre des services rendus et les responsabilités exercées par la DSNA demeurant inchangés.

En parallèle, alors que d'après elle « le modèle d'un service d'information de vol rendu depuis chacune des approches montre ses limites et ne permet pas aujourd'hui de rendre un service 24 heures sur 24 »54(*), la DSNA, s'inspirant ainsi des pratiques en vigueur ailleurs en Europe, a décidé, d'ici dix ans, de centraliser le service d'information de vol sur deux centres d'information de vol, à Athis-Mons et Aix-en-Provence. Par ailleurs, ce service ne sera plus rendu par des ICNA, permettant ainsi de libérer des capacités de contrôle supplémentaires.

(2) 20 tours de contrôle en moins d'ici à 2034

La restructuration des tours de contrôle se distingue de celle des centres d'approche dans le sens où, dans ce cas de figure, c'est bien un resserrement du périmètre d'activité de la DSNA qui en résultera. Cet aspect a été souligné par la DGAC dans les réponses apportées au questionnaire du rapporteur : « contrairement au cas des approches où le contenu du service reste identique mais est assuré selon des modalités différentes, il s'agit ici, sur un certain nombre de terrains dont les caractéristiques de trafic ne justifient pas la présence d'un contrôle d'aérodrome, de substituer au service de contrôle aérien, d'information et d'alerte délivré par la DSNA un service d'information et d'alerte (dit service AFIS) mis en oeuvre par l'exploitant d'aérodrome ».

Dans le protocole, la DGAC souligne les difficultés rencontrées par certaines implantations aéroportuaires de la DSNA : « l'implantation territoriale de la DSNA en matière de services ATS (air traffic services)55(*) n'est plus adaptée à l'évolution du transport aérien et à la demande de trafic : la DSNA éprouve notamment certaines difficultés, compte tenu de la règlementation, pour répondre à la demande des exploitants d'une plus grande souplesse et réactivité en termes d'évolution des horaires » s'agissant notamment des vols charters ou d'évacuations sanitaires (EVASAN)56(*). L'accord prévoit ainsi que la présence de la DSNA sur certains aéroports sera amenée à être remise en question afin de lui substituer des services AFIS57(*) : « le développement des services AFIS montre qu'ils peuvent être adaptés sur de nombreuses plates-formes, y compris avec du trafic régulier et commercial. La DGAC va donc questionner la présence de la DSNA sur un certain nombre de plates-formes et accompagnera la mise en place de services AFIS là où ils sont les mieux adaptés ».

Les atouts des services AFIS selon la DGAC

Pour pallier ces difficultés, certains exploitants, ont mis en place un service AFIS en complément du service de contrôle rendu par la DSNA. Le service AFIS est effectivement en mesure de gérer tout type de trafic commercial ou non commercial, et n'est donc en aucun cas un frein à l'accueil de nouveaux usagers sur une plate-forme, d'autant qu'il bénéficie d'une certification par la DSAC, selon la réglementation européenne.

Ce service permet à l'exploitant d'aérodrome plus de souplesse dans le recrutement, la formation et la qualification des agents et sur les horaires d'ouverture qu'un service de contrôle, en étant capable de s'adapter rapidement à l'évolution du trafic.

Aujourd'hui, l'existence et le développement des services AFIS sur de nombreuses plateformes accueillant une grande diversité de types de trafic est une preuve de la cohérence de ce service sur ces plateformes.

Source : réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur

À ces enjeux, comme décrit supra, viennent s'ajouter l'impasse relative à la modernisation du réseau actuel de tours de contrôle et la spirale d'obsolescence qui en résulte.

La DSNA a ainsi pour ambition, entre 2028 et 2034, de réduire d'une vingtaine le nombre de ses tours de contrôle. Dans cette perspective, la DGAC entend conduire une démarche de concertation : « organisée par la DGAC sous l'égide des préfets concernés, elle associerait les exploitants d'aérodromes, les collectivités territoriales et les usagers des aérodromes concernés, sur la base d'une étude pour valider la possibilité du retrait du service de contrôle et ses modalités »58(*). Le rapporteur a noté que des discussions étaient déjà en cours pour les aérodromes de Châteauroux et Saint-Étienne.

Compte-tenu de l'extrême sensibilité de ce sujet, le rapporteur insiste sur le caractère déterminant de cette phase de consultation et de la démarche qui sera construite dans ce cadre. Cette dernière devra impérativement permettre de prémunir la DGAC de renoncements au cours d'opérations de restructurations qui auraient déjà été engagées, cette hypothèse, qui affecterait la crédibilité de l'ensemble du programme, constituant le pire des scénarios envisageable.

Le protocole prévoit un échelonnement dans le temps du programme de restructurations du réseau de tours de contrôle de la DSNA en trois phases :

- un premier groupe de centres pour lesquels le désengagement de la DSNA n'interviendrait pas avant 2028 ;

- un deuxième groupe à l'horizon 2031 ;

- et un troisième à partir de 2034.

L'accord prévoit des points d'étapes au plus tard les 1er janvier 2026 et 1er janvier 2029 avant de déterminer la composition des deuxième et troisième groupes.

(3) Un programme de régionalisation des services de maintenance

Dans le prolongement des mesures initiées dans le cadre du protocole 2016-2019, le nouvel accord prévoit une nouvelle phase de réorganisation des services de maintenance technique de la DSNA. Cette nouvelle phase s'inscrit dans un contexte difficile marqué, d'une part, par une forte mobilisation des services techniques en raison des programmes de modernisation et, d'autre part, par une contrainte forte sur les effectifs de la filière (voir supra).

Le protocole insiste sur cette contrainte d'effectifs qui touche actuellement la filière technique : « il est établi que les effectifs IESSA qualifiés dans les services techniques des services de la navigation aérienne vont continuer de diminuer pour passer par un point bas en 2026, à un niveau inférieur de 25 % au moins à l'effectif de référence établi en 2012 ».

Le protocole souligne que cette situation fragilise certains services de maintenance locaux « qui font face à plusieurs problématiques :

- le maintien des compétences tel que requis par la règlementation doit être assuré sur un périmètre d'activité varié en nombre de systèmes ;

- la tension sur les effectifs pour des entités comportant un nombre limité d'agents pose des difficultés de robustesse et de continuité de l'organisation mise en place ;

- les compétences existant dans ces maintenances pourraient également être très utiles sur un périmètre géographique plus étendu, sous réserve d'une évolution du niveau de service ».

Le même protocole signale que la continuité de services a pu être affectée par ces fragilités : « certains événements techniques montrent des défauts de robustesse sur l'organisation territoriale mise en place, en particulier compte tenu de l'impossibilité d'alimenter certaines maintenances à un niveau d'effectif suffisant ». La DGAC a notamment indiqué au rapporteur qu'un évènement de cette nature s'est produit sur le site de Brest au cours de l'été 2021. Une panne de la vigie frappée par la foudre un vendredi soir n'a pu être résolue que le lundi suivant faute de personnels en capacité d'intervenir le week-end, même s'agissant d'une panne critique.

Dans ces conditions, l'accord indique que « pour que la filière technique soit en mesure d'assurer la maintenance et la modernisation des systèmes, la DSNA va poursuivre les transformations nécessaires », ce qui suppose notamment « des travaux sur l'organisation des services techniques de la direction des opérations, incluant la fermeture des plus petites maintenances et une nouvelle définition du besoin opérationnel »59(*).

Le protocole acte ainsi le fait que « la DSNA va régionaliser son implantation territoriale au niveau de chaque siège de service de la navigation aérienne (SNA) et mettre en place des réserves d'intervention technique ». Pour la DGAC, cette nouvelle organisation doit permettre à la DSNA de disposer au sein de ces implantations « des effectifs et des compétences nécessaires pour être en mesure d'intervenir dans un délai maitrisé en cas de panne d'un système ayant un impact sur le transport aérien »60(*). L'accord prévoit que cette réorganisation, qui devrait se traduire par la fermeture de 7 sites, soit effective d'ici à 2027.

c) Une durée de formation raccourcie

En 2018, dans son rapport d'information précité, le rapporteur soulignait que la durée de la formation initiale des contrôleurs aériens français était particulièrement longue eu égard à leurs homologues européens. En effet s'il se félicitait alors « que les ICNA français reçoivent une formation initiale de très grande qualité » il estimait toutefois que « sa durée (5 ans sans compter les 2 ou 3 années de classes préparatoires) pose question, alors qu'elle est nettement plus courte chez certains de nos partenaires européens ». Alors que la situation n'a pas changé depuis, le rapporteur considère plus que jamais que le temps de formation des contrôleurs pourrait être optimisé, d'autant qu'il joue un rôle non négligeable en termes de performance des services français du contrôle de la navigation aérienne. En effet, les contrôleurs en formation initiale, par définition non encore opérationnels, représentent une part substantielle des effectifs et des charges de personnel de la DSNA. La FNAM a indiqué au rapporteur qu'elle partageait ses réserves en la matière : « la durée de formation initiale des contrôleurs aériens en France comme la durée d'adaptation à une nouvelle position de contrôle nuisent significativement à l'efficacité de la DSNA »61(*).

Récemment, dans son rapport de 2021 consacré à la politique des ressources humaines de la DGAC, la Cour des comptes à elle aussi pointé du doigt les enjeux de productivité associés à cette question : « la qualité de la formation reçue par les personnels de la DGAC est reconnue mais les modalités de la formation initiale des contrôleurs aériens doivent être repensées. D'une durée trop longue et d'un contenu trop étendu par rapport aux qualifications requises en première affectation, elle pèse sur le pilotage des effectifs : les décisions de recrutement ne produisent d'effet que cinq ans à sept ans plus tard et cet investissement initial n'exonère pas les personnels de nécessaires formations complémentaires lors de leurs prises de postes ultérieures. La réduction du temps de formation initiale, la spécialisation des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ou la limitation des qualifications délivrées devraient permettre à la DGAC de gagner en efficacité opérationnelle et en réactivité ». Dans ce rapport elle recommandait notamment à la DGAC de « reconsidérer la durée de la formation initiale des contrôleurs aériens en veillant prioritairement aux qualifications nécessaires au poste d'affectation ».

Le protocole prévoit deux mesures qui sont de nature à réduire le temps de formation des contrôleurs aériens français pour le rapprocher des standards européens :

la création d'une nouvelle filière de recrutement d'ICNA au niveau licence bénéficiant d'une formation adaptée pratique de 18 mois au maximum contre 24 à 36 mois pour la filière existante avec un objectif à terme de montée en puissance de cette nouvelle filière jusqu'à la moitié des nouveaux recrutements externes ;

l'optimisation du temps de formation et de qualification en centre opérationnel, avec un objectif de réduction de 20 % de la durée de formation.

Au total, la durée de formation globale des contrôleurs aériens pourrait être réduite d'environ un an.

d) La création d'un corps unique de contrôleurs d'ici la fin de la décennie

Le protocole social 2023-2027 prévoit que « la DGAC mettra en place un corps unique de contrôleurs de la circulation aérienne à l'horizon 2030 ». Cette perspective se réalisera notamment au moyen d'un plan de requalification des actuels TSEEAC contrôleurs pour qu'ils intègrent progressivement le corps des ICNA qui aura vocation à constituer le corps unique de contrôleurs à l'horizon de la fin de la décennie.

Selon la DGAC, la constitution d'un corps unique de contrôleurs permettra de faciliter les plans de restructurations territoriales des implantations de la DSNA, tout particulièrement s'agissant de centres d'approche et des tours de contrôle. Le corps unique permettrait de faciliter la gestion des mobilités géographiques et fonctionnelles de contrôleurs qui résulteront de ces restructurations. En outre, avec la mise en oeuvre de ce corps unique, la DGAC attend aussi « de forts gains de productivité » en matière de formation des contrôleurs.

3. Un coût légèrement inférieur à 100 millions d'euros par an à l'horizon 2027, a priori couvert par les redevances aériennes

D'après ses investigations et les éléments qu'il a pu recueillir au cours de ses auditions, le rapporteur estime qu'à l'horizon 2027, au terme de la période d'application du protocole, son coût annuel structurel pour la DGAC, sous forme d'une augmentation de ses charges de personnel, devrait approcher les 100 millions d'euros. Dans le cadre du système européen de régulation de la performance des prestataires de services de la navigation aérienne, ces dépenses supplémentaires seront intégrées dans le plan de performance de la DSNA pour la période 2025-2029 et, par voie de conséquence, incluses dans les redevances acquittées par les compagnies aériennes et donc, in fine, répercutées sur les passagers.

En contrepartie de cette augmentation pérenne de ses charges de personnel, à terme, d'après les estimations réalisées par la DGAC, les gains de productivité résultant de l'ensemble des mesures du protocole pourraient structurellement améliorer l'équation financière du BACEA62(*) pour un montant légèrement supérieur, à hauteur de 107 millions d'euros.

Toutefois, premièrement, le rapporteur rappelle que l'ensemble des mesures de performance prévues par le protocole n'ont pas vocation à s'appliquer sur la durée de celui-ci. Il en va notamment ainsi du principal pourvoyeur d'économies structurelles pour la DGAC, à savoir les projets de restructuration des implantations territoriales de la DSNA, dont le calendrier prévisionnel s'étale déjà au moins jusqu'en 2035. Aussi, cette estimation de l'amélioration de l'équation financière du BACEA de plus de 100 millions d'euros, quand bien même elle se réaliserait de manière effective, ne pourrait au mieux être constatée que dans plus de dix ans. À l'horizon 2027, le bilan financier du nouveau protocole sera ainsi négatif pour le BACEA.

Gains financiers attendus à terme par la DGAC après l'application intégrale
de l'ensemble des mesures de performance prévues
par le nouveau protocole social

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la DGAC

Deuxièmement, eu égard aux antécédents de la DGAC en la matière, le rapporteur ne peut qu'émettre de sérieux doutes sur cette évaluation prévisionnelle des gains qui pourraient résulter du protocole. S'il souhaiterait se montrer optimiste, il souligne que le passé ne plaide malheureusement pas en faveur de la DGAC. Si cette évaluation venait à se confirmer, ce serait bien la première fois qu'une prévision de gains de performance de la DGAC se réaliserait de façon effective dans les proportions initialement annoncées. Ces précautions conduisent le rapporteur à souligner que si les dépenses nouvelles qui résulteront du protocole sont certaines, l'ampleur des gains qu'il pourrait générer en contrepartie reste quant à elle hypothétique.

Toujours selon les estimations réalisées par la DGAC, à terme, du fait de l'amélioration de la qualité et de la performance du service rendu par le contrôle aérien français, le bilan financier pour les compagnies des mesures prévues par protocole pourrait être positif à hauteur d'environ 34 millions d'euros annuels. Mais ici encore, ce calcul intègre des dispositifs, à l'instar des restructurations de sites, qui ne porteront dans le meilleur des cas leur plein effet que dans plus de dix ans.

Le rapporteur rappelle que l'un des défauts majeurs des protocoles sociaux de la DGAC est que leur efficience n'a jamais été sérieusement évaluée. Jamais n'a réellement été mis en évidence la comparaison entre le coût des accords et les éventuels gains de productivité qu'ils ont pu générer. Il considère que cette situation n'est pas acceptable et qu'elle ne peut plus durer. Les montants en jeu dans ce nouveau protocole, sans commune mesure avec les précédents, en termes de coûts comme en termes de gains de performance espérés, rendent absolument impératif la réalisation d'évaluations quantitatives, détaillées et transparentes pendant la période de mise en oeuvre de l'accord ainsi qu'à son issue.

Ainsi, le rapporteur estime absolument indispensable de réaliser une première évaluation des conditions de mise en oeuvre et des incidences économiques et financières du protocole dès 2026. Cette première étude aurait vocation à s'assurer que les mesures destinées à générer de la performance se déploient bel et bien conformément aux termes de l'accord et que leurs résultats en matière de productivité sont à la hauteur des espérances et estimations prévisionnelles avancées par la DGAC.

Il estime par ailleurs qu'une évaluation indépendante, complète et détaillée devra être réalisée à l'issue de la période couverte par le protocole, c'est-à-dire en 2028. Cette étude devra dresser un bilan coût-bénéfice objectif du déploiement de l'accord, mettant clairement en balance les coûts supplémentaires qu'il aura occasionné et les gains de productivité qu'il aura permis de générer.

Recommandation n° 1 : réaliser une première évaluation du protocole social 2023-2027 dès 2026 puis une évaluation indépendante, complète et approfondie à l'issue de sa période d'application, en 2028.

TROISIÈME PARTIE
DÉPASSER LA PRATIQUE DES PROTOCOLES POUR ENVISAGER DES RÉFORMES BEAUCOUP PLUS STRUCTURELLES DU CONTRÔLE AÉRIEN

Le rapporteur reconnait que le nouveau protocole signé en mai dernier se distingue de ses prédécesseurs en ce sens qu'il comporte, pour une ampleur inédite, des dispositifs qui sont de nature à améliorer la performance du contrôle de la navigation aérienne. Compte-tenu de la culture, des représentations et de l'histoire de l'institution, à court-terme, faute de pouvoir faire mieux et différemment, la conclusion d'un nouveau protocole de cette nature était indispensable pour permettre au virage stratégique nécessaire amorcé par la DSNA de prospérer. Le plus mauvais des scénarios aurait été d'enrayer ce plan de réforme sans lequel le contrôle aérien français serait condamné à rester « l'homme malade » du ciel européen. Sur le plan de la performance de la DSNA, y compris environnementale, la procrastination n'est plus de mise et des réformes urgentes sont indispensables pour accompagner la progression et les évolutions du trafic.

Pour autant, le rapporteur souligne que ce n'est que par pragmatisme et non par adhésion à la pratique des protocoles qu'il soutient la conclusion de cet accord. Le protocole 2023-2027 lui semble être « la moins mauvaise des solutions » dans le système actuel pour progresser sur le chemin de la remise à niveau de la DSNA en matière de performance. En effet, d'après-lui, la pratique des protocoles, du fait de multiples défauts qui lui sont inhérents, a montré ses limites. Il a ainsi acquis la conviction qu'à elle seule, elle ne suffirait pas à replacer la DSNA dans les standards des prestataires de service de la navigation aérienne (PSNA) les plus performants, également sur le plan environnemental. Une telle remise à niveau, indispensable pour assurer la vitalité du secteur aérien en France, ne pourra d'après-lui être atteinte qu'à condition de mettre en oeuvre des réformes structurelles et de gouvernance beaucoup plus ambitieuses. Ces réformes supposent notamment que la DSNA dispose d'une autonomie bien supérieure à celle dont elle jouit aujourd'hui et que sa régulation économique soit assurée par un organisme qui soit à son endroit véritablement et structurellement indépendant.

I. LA PRATIQUE DES PROTOCOLES SE CARACTÉRISE PAR UNE SÉRIE DE DÉFAUTS RÉDHIBITOIRES

Comme il a pu le décrire dans les développements qui précèdent, le rapporteur considère que la pratique protocolaire à la DGAC présente de trop nombreux défauts pour qu'elle puisse véritablement résoudre la problématique du défaut de performance des services du contrôle de la navigation aérienne en France.

Jusqu'à aujourd'hui, la pratique des protocoles à la DGAC s'est essentiellement traduite par l'octroi d'une multitude de mesures catégorielles destinées à augmenter les rémunérations de ses personnels générant ainsi une inflation structurelle et très substantielle des charges de personnel.

Cette situation est amplifiée par le caractère unifié de la DGAC et le fait qu'historiquement, pour ne pas fragiliser sa cohésion interne, les mesures catégorielles prévues par les protocoles sont précautionneusement réparties entre l'ensemble de ses personnels. Ce phénomène que le rapporteur qualifie de « coût de l'unité de la DGAC » se traduit par un « saupoudrage » des mesures catégorielles qui conduit d'une part à en augmenter la facture totale et d'autre part à en réduire considérablement l'efficience du fait de l'impossibilité de pouvoir les concentrer sur des domaines où le potentiel de gains de performance est le plus significatif et le plus déterminant, au premier rang desquels les activités de contrôle de la navigation aérienne.

Cette situation génère aussi un phénomène que l'on pourrait qualifier « d'effet d'aubaine » qui conduit à ce que des personnels de la DGAC, pour des tâches, des missions et des responsabilités équivalentes, se trouvent être nettement mieux rémunérées que leurs homologues affectés au sein d'autres administrations. Le rapporteur note que cette situation pose également question en matière d'égalité et de justice sociale au sein de la fonction publique. Il souligne par ailleurs qu'alors que l'état des finances publiques est plus que jamais préoccupant, elle interroge aussi en termes de bon usage et d'efficience de la dépense publique.

En outre, le rapporteur a également pu constater que malgré ce traitement plus favorable que dans le reste de la fonction publique, cette pratique ne garantissait par la cohésion au sein de l'institution. En effet des catégories de personnel s'estimant moins bien traitées que d'autres au sein de la DGAC nourrissent des sentiments d'injustice et de frustration quand bien même pour des postes similaires leur situation s'avère être plus avantageuse qu'ailleurs dans l'administration. Aussi, le rapporteur constate-t-il que, sur ce plan, la DGAC semble dans une certaine mesure perdante sur les deux tableaux.

La multiplication des mesures catégorielles portées par les protocoles a également tendance à accroître la complexité du maquis des primes en vigueur à la DGAC. Par ailleurs, la Cour des comptes a aussi signalé dans ses rapports qu'elle a pu occasionner une forme de dévoiement de la vocation de certains régimes indemnitaires.

Dans son rapport de 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC, la Cour des comptes considérait ainsi que l'extension continue, au fil des protocoles, du périmètre des bénéficiaires de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) avait été trop loin et que « cette faible sélectivité » justifiait « un réexamen de ses conditions d'attribution ». La Cour des comptes démontrait alors que l'utilisation aléatoire du levier de la NBI dans les différents protocoles à des fins d'augmentation des rémunérations des personnels de la DGAC n'était pas compatible avec la vocation de ce régime indemnitaire spécifique : « les objectifs assignés à la NBI par la DGAC semblent fluctuants. Le principe d'une NBI liée non seulement aux fonctions mais aussi à l'expérience remonterait selon la DGAC au protocole de 1994 (...). De plus, il semble que l'âge (au-delà de 35 ans) soit le principal indicateur pour juger de l'expérience acquise. Enfin, un objectif de maintien de rémunération a pu aussi être ponctuellement poursuivi. Une telle mise en oeuvre de la NBI apparaît contraire aux objectifs de ce régime ».

Dans ce même rapport, la Cour des comptes épinglait aussi la régularité de la prime d'intéressement à la performance collective de services qui avait été mise en oeuvre dans le cadre des protocoles sociaux 2013-2015 et 2016-2019. Cette prime devait s'inscrire dans le cadre d'un décret du 29 août 201163(*) étendu à l'ensemble de la fonction publique d'État. La Cour des comptes sous-entendait que la DGAC s'était alors servie de cet outil dans le cadre de ses protocoles sociaux pour augmenter la rémunération de ses personnels sans que l'attribution de la prime soit véritablement conditionnée à l'atteinte d'objectifs. Cette pratique s'apparenterait à une forme de dévoiement de l'objet de ce nouveau régime indemnitaire. Elle écrivait ainsi que « la connexion entre cette prime et un réel effort (de la DGAC comme des agents) paraît de fait limitée, quasi inconditionnelle, ce qui pourrait être en contradiction avec l'esprit du décret ».

Si la pratique des protocoles sociaux, fermement ancrée dans les coutumes de l'institution, laisse à penser qu'elle fait l'unanimité en sa faveur, cette affirmation doit être nuancée tant les visions qu'en ont les uns et les autres sont différentes, voire opposées. En effet, s'ils sont considérés par la direction comme un moyen d'accompagner la mise en oeuvre de réformes, les protocoles sont avant tout perçus par les organisations syndicales comme un vecteur de maintien ou d'augmentation du pouvoir d'achat des personnels. Le rapporteur ne peut que regretter qu'au regard de leur déséquilibre, force est de constater que s'agissant des protocoles passés, la seconde vision s'est révélée beaucoup plus proche de la réalité que la première.

En effet, les mesures censées améliorer la performance de la DGAC se sont révélées beaucoup trop rares et bien trop modestes dans les protocoles précédents. Par ailleurs, ces protocoles n'ont jamais fait l'objet d'évaluation sérieuse et les éventuels gains de performance qu'ils auraient générés restent en conséquence inconnus et hypothétiques. Ainsi, la direction du budget semble n'avoir jamais rien reçu de probant en la matière de la part de la DGAC, y compris pour le dernier protocole.

De plus, le rapporteur note que l'effet d'apaisement social associé aux protocoles mérite également d'être relativisé, notamment car il ne conduit pas à limiter les conflits sociaux nationaux dits de solidarité dont les revendications portent sur un périmètre plus large ou extérieur aux activités propres à la DGAC. L'effet des protocoles est également limité sur certains conflits internes à la DGAC de nature et avec des revendications purement locales. Certaines mesures propres aux protocoles de nature optionnelle ont même pu paradoxalement être génératrices de nouvelles sources de conflictualité liées notamment au contexte syndical local. Les expérimentations d'assouplissement de l'organisation du travail prévues par le protocole 2016-2019 ont ainsi pu être créateurs de conflits au sein de certains centres de la DSNA. Dans son rapport de 2021 précité consacré à la politique des ressources humaines de la DGAC, la Cour des comptes soulignait ainsi que « s'agissant du maintien de la paix sociale, le protocole social 2016-2019 a été efficace pour les mouvements nationaux spécifiques à la DGAC, mais n'a pas empêché un conflit local très perturbateur en 2018, et reste sans effet sur les grèves dites de solidarité ».

En outre, la façon dont sont effectivement conduites les négociations pour aboutir à la signature d'un protocole semblent bien plus souvent relever de la tactique opportuniste que d'une véritable vision stratégique. En effet, la direction est amenée à élaborer différents scénarios, en intégrant telle ou telle mesure, visant telle ou telle catégorie de personnel, uniquement aux fins de réunir les signatures de syndicats représentants au moins 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Le rapporteur note que ce mode de fonctionnement conduit à fortement nuancer la capacité pour un protocole social à réellement porter une ambition stratégique et structurelle de long terme.

Par ailleurs, paradoxalement, comme le revendiquent d'ailleurs certaines organisations syndicales, la signature d'un protocole ne vaut pas nécessairement adhésion ni même validation de l'ensemble des mesures qu'il porte. Parfois certains syndicats justifient leur signature d'un protocole par le fait qu'ainsi ils pourront participer aux groupes de travail destinés à mettre en oeuvre certaines des mesures prévues par l'accord, le cas échéant pour infléchir ces dernières.

Les ultimes négociations devant aboutir à la finalisation des protocoles sont également souvent caractérisées par des psychodrames budgétaires interministériels sur fond de menaces de grève dure des contrôleurs aériens. Certains interlocuteurs interministériels regrettent que la DGAC arrive alors en réunion interministérielle avec une copie, dont le coût a souvent été majoré par rapport aux estimations initiales, qui est « à prendre ou à laisser », la pression étant parfois accentuée par un préavis de grève menaçant. Cette forme de « jeu d'acteurs » fait par ailleurs peser des risques financiers significatifs et bien réels sur l'économie du transport aérien qui se trouve alors malgré elle suspendue à ce dernier acte théâtral d'une pièce qui n'a souvent déjà que trop duré.

Un autre des défauts majeurs de la pratique protocolaire est que quand bien même elle affecte potentiellement très sensiblement l'ensemble de l'écosystème du transport aérien, principalement en raison de ses conséquences sur la performance du contrôle de la navigation aérienne, elle est cantonnée entre les quatre murs de la DGAC. Aucune concertation réelle n'est réalisée dans ce cadre avec les autres acteurs du secteur, notamment les compagnies ou les aéroports. Lors de son audition, le président de la FNAM a ainsi pu regretter cette « absence de transparence ». Il a alors signalé au rapporteur que son organisation n'était « ni informée, ni consultée » et que le processus était caractérisé par une « omerta complète ».

Enfin, la DGAC rencontre souvent des difficultés à faire coïncider la signature d'un protocole avec le processus européen de négociation des périodes de régulation de la performance des prestataires de services de la navigation aérienne, les périodes dites « RP ». Cette situation peut notamment conduire à affaiblir la position de la France dans ce processus et à affecter sa crédibilité auprès des instances européennes et de ses partenaires.

II. POUR VÉRITABLEMENT TRAITER LE PROBLÈME DE FOND DE LA SOUS-PERFORMANCE DU CONTRÔLE AÉRIEN, L'INTÉRÊT D'UNE RÉFORME PLUS STRUCTURELLE DE LA DGAC

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE VÉRITABLE CONTRACTUALISATION TRANSPARENTE CONCERNANT LA PERFORMANCE

Le rapporteur a pu constater au cours des auditions qu'il a conduites, que ce soit des représentants des aéroports ou des compagnies aériennes, que les acteurs de l'économie du transport aérien sont unanimes pour réclamer la formalisation concrète et transparente d'engagements de performance à long terme des services du contrôle de la navigation aérienne. En effet, aujourd'hui personne ne dispose de vision précise sur les objectifs et les réalisations de la DGAC en matière de performance. Cette lacune est également dénoncée de façon récurrente par la direction du budget ou la Cour des comptes. Une telle opacité n'est plus considérée comme admissible par le secteur qui estime que la DGAC devrait pouvoir exposer au grand jour l'ensemble de ses indicateurs de performance et prendre des engagements de long terme en matière de productivité et de qualité de service sur lesquels elle devrait rendre des comptes.

Cet enjeu a notamment été mis en exergue, au cours de son audition par le rapporteur et au nom du groupe Aéroports de Paris (ADP), par M. Régis Lacote, directeur de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Il avait alors souligné à quel point la contractualisation de long terme en matière de performance du contrôle aérien était absolument essentielle pour les aéroports. Malgré des négociations et des sollicitations récurrentes du groupe d'ADP, dans le cadre de son fonctionnement et de son environnement actuel, la DSNA n'a jamais pu satisfaire à ces demandes. M. Régis Lacote a ainsi regretté que les négociations n'aient jamais pu aboutir et qu'elles ne conduisent donc jamais à des engagements de la part de la DSNA. Il a souligné auprès du rapporteur que les seules ébauches d'engagements relèvent d'outils de planification informels non officiels qui dépendent entièrement de « la bonne volonté des uns et des autres ». Rien n'est formalisé en la matière. Il constate ainsi qu'avec la DSNA, s'il existe bien « un dialogue sur la performance », celui-ci n'est « pas engageant, ce qui le rend déresponsabilisant ». Dans un environnement et dans le cadre d'une gouvernance différents, d'autres PSNA européens, plus autonome que ne peut l'être la DSNA, sont quant à eux en mesure de prendre des engagements de performance contraignants avec d'autres acteurs du transport aérien, notamment les aéroports. M. Régis Lacote a notamment signalé au rapporteur l'exemple de l'aéroport d'Heathrow qui a pu conclure un contrat d'engagements de performance avec l'organisme de contrôle. En échange d'engagements de performance contraignants pris par ce dernier, l'aéroport londonien a ainsi contribué financièrement à la modernisation des outils de contrôle aérien. M. Régis Lacote résume ainsi la problématique actuelle : « quand on réfléchit à l'avenir c'est sur 25 ans mais on n'a pas d'interlocuteur à la DGAC pour être acteur de cette ambition ».

Le rapporteur partage entièrement cette préoccupation majeure des acteurs du transport aérien. Il recommande ainsi la formalisation d'un véritable contrat d'objectifs et de performance pluriannuel élaboré en concertation avec l'ensemble des acteurs du transport aérien et dans lequel la DGAC prendrait sur des horizons de long terme, à cinq, dix voire quinze ans, des engagements fermes en matière de performance. Une telle contractualisation de la performance permettrait notamment de donner aux acteurs du transport aérien une véritable visibilité pluriannuelle sur l'évolution des taux de redevances de navigation aérienne.

Recommandation n° 2 : instaurer un contrat d'objectifs et de performances pluriannuel de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans lequel elle s'engagerait sur des objectifs de performance de long terme.

B. L'INTÉRÊT D'UNE RÉFORME STRUCTURELLE DE L'ORGANISATION DE LA DSNA AFIN DE LA RENDRE PLUS AUTONOME

1. L'organisation et la gouvernance du contrôle aérien français font figure d'exceptions en Europe

Aujourd'hui, l'organisation et la gouvernance des activités du contrôle de la navigation aérienne en France se distinguent de la plupart de celles en vigueur ailleurs en Europe sur deux aspects majeurs :

- D'une part son prestataire de services de la navigation aérienne (PSNA), en l'occurrence la DSNA, n'est pas une entité juridique distincte de l'État et se trouve être un simple service64(*) intégré à la DGAC.

- D'autre part, la DSNA n'est pas séparée de façon structurelle et juridique de son régulateur économique, la direction du transport aérien (DTA), qui appartient à la même direction générale.

La France est en effet l'un des très rares pays en Europe (avec la Grèce et Chypre) et le seul des principaux pays aériens, dans lesquels les services du contrôle aérien sont exercés directement par une administration d'État n'étant pas juridiquement distincte de celui-ci. Ailleurs, dans le but d'améliorer la performance du contrôle aérien, cette mission est exercée sous le contrôle de l'État par un organisme public (établissement public ou entreprise publique) détenu à 100 % par l'État mais qui dispose d'une personnalité juridique propre.

Dans son rapport d'information présenté en 2018, le rapporteur avait déjà pu constater cette particularité française. Il écrivait alors : « il apparait clairement, au terme de cette brève énumération, que la DSNA est probablement, de tous les grands PSNA, celui qui est le moins indépendant de l'État et dont l'autonomie administrative et financière est la plus faible ».

S'agissant des conditions de la distinction entre le PSNA et son régulateur, si les normes européennes65(*), pour garantir l'indépendance de l'autorité nationale de surveillance (ANS), le régulateur au sens du droit européen, posent le principe d'une séparation, celle-ci peut n'être que fonctionnelle et non nécessairement juridique66(*). Afin de préserver l'unité de la DGAC, la France a fait le choix d'une simple distinction fonctionnelle au contraire de ses partenaires européens qui ont décidé de séparer juridiquement et structurellement leur PSNA de son régulateur. Contrairement aux organisations en vigueur ailleurs en Europe, en France un même service d'État, la DGAC est en charge à la fois de l'exploitation du contrôle aérien et, dans le même temps, de la surveillance qui s'exerce sur cette activité.

2. Son mode de régulation économique inadapté freine l'amélioration de la performance du contrôle aérien français

Dans ses rapports d'information précités en 2018 puis en 2023, le rapporteur a pu souligner à quel point la « séparation fonctionnelle à la française » entre le PSNA et son régulateur économique était insatisfaisante et déresponsabilisante.

Dans son rapport d'information de 2018, le rapporteur avait ainsi déjà souligné qu'il était « pour le moins circonspect quant aux garanties d'indépendance qu'offre la direction du transport aérien (DTA), dans l'organisation actuelle de la DGAC, pour opérer une régulation sérieuse de la DSNA ». Ses doutes ne se sont pas résorbés depuis, au contraire. Il considère toujours que les mobilités au sein de la DGAC, qui amènent à ce que des personnes puissent exercer alternativement à la DSNA puis à la DTA, passant ainsi du rôle de régulé à celui du régulateur, « n'offrent pas toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité qu'il est permis d'exiger » et qu'elles font peser « des risques d'autocensure ou de complaisance ».

En 2018, il en était arrivé à la conclusion qu'il fallait « considérablement renforcer la séparation fonctionnelle entre les directions de la DGAC et que différents scénarios doivent être étudiés pour qu'une séparation structurelle puisse à terme être envisagée ». Il estimait alors que cette séparation structurelle constituait « la condition sine qua non pour que la DSNA soit véritablement contrôlée et challengée, tant du point de vue économique que de son efficacité pure ».

Cinq ans plus tard, dans son rapport d'information de 2023, le rapporteur pointait également du doigt la responsabilité de l'organisation de la régulation économique de la DSNA en France dans le « fiasco » des programmes de modernisation des outils du contrôle aérien qui ont accumulé au fil des années des délais et des surcoûts considérables. Il soulignait ainsi que « le fait qu'aucune autorité n'ait été en mesure de « tirer le signal d'alarme » plus tôt pour imposer les révisions stratégiques qui s'imposaient constitue un dysfonctionnement évident ». Un véritable régulateur indépendant aurait dû jouer ce rôle et empêcher que ces programmes ne dérivent d'années en années aux dépens des finances publiques et de la performance du contrôle aérien. Le rapporteur indiquait alors avoir « acquis la conviction qu'un véritable régulateur indépendant de la DSNA aurait pu et dû dresser beaucoup plus tôt les constats qui s'imposaient afin de guider les décisions de la DSNA et d'éviter certains des surcoûts, retards, abandons constatés sur les différents programmes. Une régulation indépendante des performances de la navigation aérienne peut être un incitateur puissant à son retour puis à son maintien à un niveau d'excellence. Elle serait en mesure de poser un diagnostic objectif sur d'éventuelles nouvelles dérives ».

Les acteurs du secteur du transport aérien, au premier rang desquels les compagnies, partagent le scepticisme du rapporteur quant à la pertinence de l'organisation atypique de la régulation économique du contrôle aérien en France. Ils ont tendance à considérer que la capacité de la DTA à jouer un véritable rôle d'aiguillon en matière de performance du contrôle de la navigation aérienne est extrêmement fragilisée par le fait qu'elle appartienne à la même entité que la DSNA. De ce fait, la DTA serait naturellement et même inconsciemment plus encline à intégrer les contraintes de la DSNA et à lui fixer des objectifs de performance trop peu ambitieux.

Cette « séparation fonctionnelle à la française » est par ailleurs depuis longtemps « dans le collimateur » des instances européennes et a fait l'objet de fortes réserves tant de la part de la Commission européenne que de la Cour des comptes de l'Union européenne en raison de son insuffisance en matière de régulation de la performance des services du contrôle de la navigation aérienne. Dans un rapport de 201767(*), la Cour des comptes européennes pointait notamment du doigt les fragilités de la régulation à la française : « en France, l'ANS et le PSNA doivent faire rapport au même directeur général et partagent des ressources financières provenant d'un budget commun financé essentiellement par les mêmes redevances de navigation que l'ANS est chargée de surveiller en vertu de la réglementation ».

De façon récurrente, notamment dans ses notes d'exécution budgétaire annuelles, la Cour des comptes pointe les limites relatives à « une séparation fonctionnelle largement inachevée entre les fonctions de régulateur et d'opérateur ». Elle a dans le passé prôné « une réorganisation d'ensemble de la DGAC », consistant en une distinction entre d'une part ses activités de nature régalienne, c'est-à-dire essentiellement les missions de régulation économique et de surveillance exercées par la DTA et la DSAC, et d'autre part ses activités de prestations de services, c'est-à-dire l'exploitation du contrôle aérien opérée par la DSNA. Elle a également préconisé par le passé la « mise en place d'une structure distincte et bien identifiée qui exercerait la mission de contrôle aérien »68(*).

Le rapporteur a désormais acquis la ferme conviction que seule une séparation juridique entre la DSNA et son régulateur économique, la DTA, pourra permettre la remise à niveau de la performance du contrôle aérien français et prévenir la répétition de ses dérives passées, notamment s'agissant de ses grands programmes de modernisation technologique.

Deux options principales pourraient permettre de rendre effective cette séparation juridique :

soit rendre autonome, en dehors de la DGAC, les activités de régulation économique exercées aujourd'hui au sein de la DTA et, par cohérence la DSAC tout en maintenant à la DSNA son statut d'administration d'État dépourvue de personnalité juridique propre ;

soit, à l'instar du choix qui a été fait dans la quasi-totalité des autres pays en Europe et même dans le monde69(*), de faire de la DSNA une entité juridique propre, extérieure à la DGAC, sous la forme d'un établissement public voire d'une entreprise publique intégralement détenue par l'État.

Afin de mener à bien de façon plus efficace et plus efficiente les réformes profondes nécessaires pour significativement relever le niveau de performance des services du contrôle de la navigation aérienne en France, le rapporteur a le sentiment que l'autonomisation de la DSNA constitue, à terme, la voie à suivre. Cette perspective est selon lui dans l'intérêt du contrôle aérien comme dans celui des contrôleurs.

3. L'autonomie juridique de la DSNA serait dans l'intérêt du contrôle aérien, des contrôleurs et de la DGAC elle-même

Déjà en 2018, le rapporteur considérait que le statut juridique de la DSNA devait être à terme réformé tant « il contribue de toute évidence à l'inefficacité du système ». Il soulignait que ce sujet allait nécessairement se poser « tant le modèle français apparait de plus en plus en décalage avec celui, plus performant, de nos partenaires européens ».

La création d'une DSNA autonome qui disposerait de la personnalité juridique permettrait notamment d'aligner la gouvernance du contrôle aérien en France sur celle qui prévaut chez nos voisins, à savoir une véritable gouvernance technique, industrielle et stratégique plutôt qu'une gouvernance politique. Cette nouvelle gouvernance permettrait notamment de transformer la culture du contrôle aérien en France en franchissant une première étape préalable indispensable : la reconnaissance que le contrôle aérien relève d'une activité de production de services industriels de haute technologie.

Parce qu'elle seule permettrait réellement de reconnaître leurs spécificités, le rapporteur a en effet acquis la conviction que l'autonomisation de la DSNA serait dans l'intérêt du contrôle aérien et des contrôleurs eux-mêmes. Celle-ci permettrait notamment de réduire les lourdeurs de décision inutiles et propres au fonctionnement de la DGAC et à son statut d'administration centrale directement soumise à l'autorité hiérarchique de son ministre.

L'autonomie de la DSNA permettrait d'installer avec les contrôleurs et leurs organisations syndicales un dialogue plus fin, plus technique, plus proche de leurs préoccupations, de leurs besoins et de leurs aspirations. Ce dialogue exclusivement centré sur les enjeux du contrôle aérien, ne serait plus parasité par des considérations et des intérêts qui lui sont extérieurs. L'efficacité de ce dialogue serait améliorée par une simplification des circuits de décision qui ne conduiraient plus, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, à ce que les tutelles interministérielles voire même le cabinet du premier ministre aient à statuer sur des questions éminemment techniques qui n'ont pas vocation à être arbitrées par les décideurs politiques.

En corrigeant ces défauts inhérents au fonctionnement de l'organisation actuelle, l'autonomisation de la DSNA lui ouvrirait de nouvelles perspectives en matière de performance.

Une telle autonomie serait dans l'intérêt des contrôleurs aériens et de leur pouvoir d'achat dans la mesure où, libérée du « coût de l'unité » de la DGAC, la DSNA disposerait de marges de manoeuvre beaucoup plus larges, y compris budgétaires. Aujourd'hui noyés dans la DGAC, le contrôle aérien et les contrôleurs feraient l'objet, comme ailleurs en Europe, d'un cadre et d'un traitement permettant de reconnaître pleinement leurs particularités.

Loin d'affaiblir la DGAC, le rapporteur est convaincu qu'une telle réforme aurait vocation à lui redonner un nouveau souffle. En la déchargeant de la gestion quotidienne d'un prestataire de contrôle de la navigation aérienne, une activité de nature purement industrielle et commerciale, elle recentrerait la DGAC sur ce qui constitue sa vraie légitimité, à savoir ses missions régaliennes. Elle lui donnerait l'occasion de réaffirmer ce pouvoir régalien dans toute sa plénitude et dans toute son indépendance. Dans le domaine aérien, la DGAC redeviendrait le véritable bras séculier de l'État régulateur.

Fort de ces convictions, le rapporteur recommande au Gouvernement de créer sans délais une commission dont la lettre de mission serait de se prononcer d'ici à la fin de l'année 2025 sur l'opportunité d'une réforme profonde de la gouvernance de l'aviation civile en France qui viserait à rendre, d'ici à la fin de la décennie, la DSNA structurellement et juridiquement indépendante de l'actuelle DGAC.

La composition de cette commission devra nécessairement être très large pour intégrer à la réflexion l'ensemble des parties prenantes : les administrations d'État concernées, des parlementaires, les organisations syndicales représentatives des personnels de la DGAC ainsi que tous les acteurs de l'économie du transport aérien concernés par une telle réforme.

Recommandation n °3 : créer immédiatement une commission élargie à toutes les composantes de l'État intéressées, au Parlement, aux organisations syndicales ainsi qu'à l'ensemble des acteurs du transport aérien qui aurait pour mission de se prononcer d'ici à la fin de l'année 2025 sur l'opportunité d'une réforme profonde de la gouvernance de l'aviation civile en France qui viserait à rendre, d'ici à la fin de la décennie, la DSNA structurellement et juridiquement indépendante de l'actuelle DGAC.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 2 octobre 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la performance du contrôle aérien français.

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous allons maintenant entendre une communication de Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », sur son contrôle budgétaire portant sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la performance du contrôle aérien français.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Au printemps dernier, la DGAC a conclu avec les organisations syndicales représentatives de son personnel son onzième « protocole social ». J'avais suggéré, à la fin de l'année dernière, que la commission des finances m'autorise à exercer un contrôle budgétaire sur ce type de protocole, dont je pressentais les enjeux.

Cette pratique mérite en effet l'attention de la commission pour au moins deux raisons. La première est son impact tout sauf négligeable sur l'évolution des charges de personnel du budget annexe dont je suis le rapporteur. La deuxième est que cette pratique nous est présentée comme un facteur d'amélioration des performances de la DGAC, susceptible de réduire les retards de vols générés par le contrôle aérien et les difficultés dont se plaignent les compagnies comme les usagers.

Je précise d'emblée que je suis favorable au dialogue social et que la pratique du protocole a du sens. Il s'agit ici de mesurer son coût, son effet, son caractère dérogatoire, mais aussi ses conditions d'évaluation et d'encadrement.

À la fin des années 1980, la DGAC a donc inauguré une forme de dialogue social unique au sein de l'administration française : la négociation avec les organisations syndicales, à intervalles très réguliers, de conventions pluriannuelles appelées « protocoles sociaux ». Cette pratique est désormais profondément ancrée dans la culture de la DGAC. Ni la direction ni les organisations syndicales n'envisagent de s'en passer.

Vous connaissez le pouvoir de négociation - de « nuisance » parfois - des contrôleurs du ciel. Il est légitime de se demander si ces protocoles sont équilibrés, notamment dans la mesure où ils sont d'abord conclus avec les contrôleurs aériens avant d'être étendus à l'ensemble des personnels de la DGAC. Ce n'est pas un secret : la principale vocation de ces protocoles était de canaliser les revendications des contrôleurs afin d'éviter des grèves aux lourdes conséquences. Selon la DGAC, ces protocoles s'inscrivaient dans une logique de « donnant-donnant » : au-delà d'acheter la paix sociale auprès des contrôleurs, il s'agissait aussi, pour la direction, d'introduire des mesures de modernisation. D'un côté, des dispositions viseraient à augmenter les rémunérations des personnels, de l'autre, des mesures de performance et de productivité devaient être prévues.

Je suis au regret de vous apprendre ou de vous confirmer que cette logique vertueuse qui justifiait des protocoles sociaux coûteux n'est pas celle qui a prévalu par le passé. Dans les protocoles précédents, les concessions salariales étaient réelles, mais les effets en termes d'organisation et d'amélioration du service sont quasi invisibles. Tandis que les enjeux essentiels de modernisation et de performance du contrôle aérien faisaient du surplace, voire régressaient, les protocoles sociaux ont octroyé de façon quasi unilatérale et singulière dans l'administration française, une succession de mesures catégorielles avantageuses, parmi lesquelles des primes parfois spécifiques.

Il en a résulté pour la DGAC une inflation constante des dépenses de personnel et une complexification notable de son maquis indemnitaire. Autre conséquence : pour des fonctions similaires, un agent de la DGAC est aujourd'hui mieux payé qu'ailleurs dans la fonction publique. Cela tient à la raison que j'énonçais précédemment : les négociations se font dans un premier temps avec les contrôleurs avant d'être élargies aux autres corps, auxquels la direction doit également offrir, si elle veut aboutir à un accord majoritaire, des contreparties.

À eux seuls, les trois derniers protocoles se sont traduits par une augmentation pérenne de 80 millions d'euros de dépenses par an, supportées par le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) dont je suis le rapporteur. Par ailleurs, la DGAC n'est pas en mesure de fournir une évaluation du coût des huit premiers protocoles. Ce point nous interroge et nous paraît symptomatique d'une culture d'absence d'évaluation : la DGAC ne s'est jamais sérieusement questionnée sur cette pratique et, de fait, aucun protocole n'a fait l'objet d'une réelle évaluation.

Un examen de la situation actuelle mène au constat que les performances du contrôle aérien, que la DGAC considère elle-même comme « médiocres » en comparaison de celles de ses partenaires, ne sont pas à la hauteur. Le contrôle aérien français est à l'origine de plus d'un tiers des retards de vols en Europe. La productivité horaire des contrôleurs français est non seulement en dessous de la moyenne européenne, mais surtout nettement inférieure à celle de tous les pays comparables. Cette situation a des conséquences financières pour les compagnies, dans la mesure où les retards engendrent des coûts que l'on sait chiffrer.

Les causes des contre-performances du contrôle aérien français sont essentiellement à rechercher dans l'organisation du travail des contrôleurs. Des règles d'une trop grande rigidité empêchent la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) d'ajuster la capacité de contrôle à la réalité de l'évolution du trafic. Or cette évolution n'est pas linéaire, nous l'avons constaté notamment au moment du covid ou lors de certains week-ends. Certaines de ces règles, comme le travail en équipe ou celle du « un jour sur deux » créent une inertie que ne connaissent pas nos partenaires, chez qui les temps de travail sont davantage individualisés.

Cependant, j'ai pu vous rendre compte l'année dernière au cours d'un précédent contrôle que la DGAC connaissait des évolutions positives depuis quelques années. Des tabous commencent à sauter. La DSNA a engagé un revirement stratégique dont les trois piliers sont la modernisation technologique des outils du contrôle aérien, la restructuration du réseau des implantations territoriales et des infrastructures vieillissantes et, enfin, l'assouplissement de l'organisation du temps de travail des contrôleurs.

Entamées en 2019 puis suspendues par la crise sanitaire, les négociations du nouveau protocole social ont été conclues dans la douleur en avril dernier. Les discussions ont par ailleurs été perturbées par la mise en évidence d'une pratique non autorisée par les textes, appelée « les clairances ». Cette pratique permettait à des chefs de salle, au regard des prévisions de trafic du jour et de l'organisation du travail fixée à l'avance, de dispenser les contrôleurs de présence sur leur lieu de travail. En décembre 2023, dans un rapport sur un incident grave survenu un an plus tôt à Bordeaux, le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) avait pointé ce sujet. La Cour des comptes l'avait d'ailleurs fait dès 2010, mais cette question, qui concerne tout de même des personnes investies d'une mission de sécurité majeure, était passée sous les radars. Du fait de ces clairances, les contrôleurs ne réalisaient parfois - ou ne réalisent, les choses évoluent lentement - que 24 heures de travail hebdomadaires en moyenne au lieu des 32 heures légales, lesquelles se justifient par des conditions de travail difficiles.

Afin de mettre un terme à cette pratique, la DGAC s'est engagée à mettre en place un système de contrôle automatisé de la présence des contrôleurs sur leur lieu de travail. Si cette question n'a pas été officiellement incluse dans le dernier protocole - il était difficile d'admettre que l'on accordait des primes aux contrôleurs afin qu'ils réalisent le temps de travail attendu - elle aura eu tout de même un effet inflationniste sur le coût de l'accord. Au cours d'une dernière phase de négociations tendues, menée sous l'épée de Damoclès d'un préavis de grève, le précédent gouvernement a fini par accepter une rallonge de plusieurs dizaines de millions d'euros afin que le protocole soit signé par une majorité syndicale.

D'après les éléments que j'ai pu recueillir, les augmentations de dépenses de personnel pérennes prévues par cet accord devraient avoisiner à terme les 100 millions d'euros, contre 30 millions d'euros ou 40 millions d'euros en moyenne pour les protocoles précédents. À la différence des précédents, le dernier protocole en date, certes coûteux, présente néanmoins l'avantage de s'inscrire dans une logique de « donnant-donnant », qui comprend cette fois des objectifs de performance. La stratégie de navigation aérienne a été revue en profondeur et des dossiers difficiles touchant au quotidien et au vécu des contrôleurs ont été ouverts, sur l'organisation et le temps de travail, sur le raccourcissement de la durée de formation ou encore sur la restructuration du réseau. Les réformes doivent maintenant être menées et les deux réunions du comité de suivi du protocole qui ont lieu chaque année doivent permettre d'y veiller.

Je ne suis ni un thuriféraire de la pratique des protocoles sociaux à la DGAC ni un procureur. J'essaye d'être pragmatique. La priorité est l'amélioration de la performance du contrôle aérien. Cette dernière ne peut se faire que dans un cadre négocié et, j'ajoute, que dans un cadre environnemental. L'objectif est en effet de faire voler des avions dans de bonnes conditions, mais aussi de réduire les émissions de CO2.

Dans le contexte propre à la DGAC, je suis arrivé à la conclusion que le protocole 2023-2027 était sans doute la moins mauvaise des solutions. Malgré son coût, il doit en effet permettre de réaliser des changements à cadre constant. Le système interne de la DGAC est complexe : en quelque sorte, la DGAC se contrôle elle-même. Elle dispose d'une direction de contrôleurs, d'une direction du transport aérien censée analyser la performance, qui est au fond peu critique - nous n'en serions pas là sinon - et, enfin, d'une direction qui vérifie les procédures de sécurité des contrôleurs. Cette organisation ne garantit ni l'indépendance ni l'autonomie de chacune des directions.

L'arrêt des négociations du protocole aurait été le plus mauvais des scénarios. Je n'ai pas compris que le Gouvernement tarde à le conclure, ce qui a déclenché une grève. L'accord ayant été trouvé trop tard, les passagers ont subi des déboires.

Il faudra impérativement procéder à une évaluation claire de l'efficience du nouveau protocole, qui sera menée de manière indépendante. En effet, quelle que soit la grande rigueur de la DGAC et la qualité de ses personnels et de sa direction, le fait qu'elle continue de s'évaluer elle-même rendrait dubitatif.

Néanmoins, la pratique des protocoles a fait son temps et il faudrait sans doute engager une réforme structurelle plus ambitieuse, en négociant avec les personnels, afin d'améliorer le cadre dans lequel ils travaillent, de moderniser le contrôle aérien et de mieux prendre en compte les conditions environnementales.

À court terme, il faudrait assurer la transparence et la visibilité sur les engagements de performance du contrôle aérien, via un dispositif contractuel. Les compagnies en ont besoin et c'est également une nécessité du point de vue environnemental. À plus long terme, il conviendrait de mener une réforme plus profonde de l'organisation du contrôle aérien, qui diverge en France de celle d'autres pays comparables. En effet, la DSNA n'est pas une entité juridique distincte de l'État, mais un simple service de la DGAC. Or, les enjeux sociaux, politique et économiques sont tels que le cabinet du Premier ministre finit par être contraint de se pencher sur des détails d'organisation. Une DSNA plus autonome serait donc préférable. Cela irait dans l'intérêt non seulement du contrôle aérien, mais aussi des contrôleurs eux-mêmes, dont les particularités seraient mieux reconnues. En outre, la DGAC pourrait se concentrer sur ses missions régaliennes.

Cette réforme d'ampleur doit être menée avec prudence. Je recommande la création d'une commission temporaire qui rassemblerait l'ensemble des parties prenantes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souscris aux recommandations du rapporteur spécial, qui ont l'avantage de ne pas entraîner de coûts supplémentaires et d'être en nombre limité. Il est temps, en effet, de franchir le pas pour mener une réforme structurelle.

Augustin de Romanet, que nous avions entendu en audition au début de la crise sanitaire, prévoyait qu'il serait difficile pour le transport aérien de retrouver son rythme habituel avant 2025. Cela n'a pas été le cas, puisque la situation a été rétablie dès 2023.

M. Michel Canévet. - Je remercie le rapporteur spécial pour la qualité de son suivi. La médiocre performance de la DGAC nous désole, mais les propositions que nous venons d'entendre nous rassurent.

Le coût du protocole est estimé à 100 millions d'euros. Mais quel est l'ordre de grandeur de la masse salariale ? L'information nous permettrait d'évaluer l'évolution du coût.

Lorsque des protocoles sont signés, s'appliquent-ils forcément à l'ensemble des personnels de la DGAC ou bien n'y a-t-il que celui de la DSNA qui bénéficie, en l'occurrence, d'une revalorisation catégorielle significative ?

Le nouveau protocole prévoit une rationalisation de la carte des implantations du contrôle aérien en France. Or il faut veiller à ne pas déshabiller les territoires où se trouvent des installations aéroportuaires et y maintenir le personnel nécessaire pour assurer leur maintenance. En effet, les aléas climatiques font que tout ne peut pas être centralisé. Ainsi, à Brest, l'aéroport a dû rester fermé pendant plusieurs jours, à cause de deux pannes successives pour lesquelles il a fallu faire venir du personnel de maintenance de Rennes et de Paris.

Enfin, la recommandation d'envisager une réforme structurelle est pertinente. Ne faudrait-il pas la mettre en oeuvre très rapidement, dès le prochain projet de loi de finances ?

M. Marc Laménie. - Le rapporteur spécial a mené un travail d'investigation remarquable. En 2022, nous nous étions rendus sur le site de Roissy pour rencontrer des représentants du groupe ADP. Quelles interactions y a-t-il entre ce groupe et l'ensemble des acteurs de l'aviation civile, que ce soit dans les grands aéroports comme Roissy ou Orly, ou dans d'autres plus petits ? Un rapport d'information de 2018 avait déjà mis en évidence les dysfonctionnements de la DGAC.

De plus, combien d'emplois relèvent du contrôle aérien ?

Enfin, quelle forme juridique prendrait l'entité indépendante de la DSNA que vous proposez de créer ? S'agira-t-il d'une autorité administrative indépendante ?

M. Pascal Savoldelli. - Nous avons récemment examiné une proposition de loi visant à introduire une déclaration préalable chez les contrôleurs aériens. Je reste dubitatif sur les propositions qui viennent de nous être faites et je m'abstiendrai sur ce rapport. Certes, il faut légiférer, mais l'obligation de déclaration préalable individuelle a été instaurée sans que l'on diminue les conditions du service minimum. Le protocole social n'est que modestement encouragé alors que des questions d'organisation et de management sont posées.

Il faudrait aussi tenir compte de la recomposition de la représentativité syndicale des contrôleurs aériens, car elle fait varier les valeurs et les principes défendus.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, merci d'avoir rappelé qu'il faudrait déterminer le moment pour franchir le pas d'une réforme structurelle. Celle-ci ne pourra se faire que dans le dialogue social. En effet, les contrôleurs aériens ont le pouvoir d'arrêter le trafic, de sorte que les gouvernements successifs ont souvent été tétanisés.

Le coût du nouveau protocole n'a jamais été clairement établi, estimé à 70 millions d'euros selon la presse, alors qu'il est en réalité de 100 millions d'euros. Les salaires de nos contrôleurs aériens sont dans la moyenne, mais n'atteignent pas ceux qui se pratiquent dans les pays où le trafic aérien est plus important. Toute réforme est à prendre avec une infinie prudence et doit être envisagée dans le cadre du dialogue social.

Monsieur Savoldelli, un décret en Conseil d'État doit confirmer que les conditions du service minimum ont été abaissées. La DGAC a déjà mis cela en pratique ; il reste à l'inscrire dans les textes. C'est du moins ce que prévoit la loi du 28 décembre 2023.

Monsieur le rapporteur général, le trafic intérieur a fortement diminué et la France a réduit le nombre de ses liaisons. Certes, le trafic est reparti sur les moyens et longs courriers, mais la place de Paris connaît un problème de compétitivité.

Monsieur Canévet, le coût du protocole est de 100 millions d'euros et la masse salariale représente 1,2 milliard d'euros. Les compagnies aériennes paieront, mais le coût finira par se reporter sur les passagers. En Europe, la redevance n'est pas très élevée. Toutefois, les compagnies ne peuvent pas fournir un effort financier sans obtenir une garantie sur le service assuré.

Les protocoles concernent en général l'ensemble des personnels de la DGAC. Le seul protocole limité aux contrôleurs du ciel a résulté de l'échec de la négociation globale. Désormais, la loi permet des protocoles sociaux à l'échelle des administrations, de sorte que cette situation ne devrait pas se répéter.

En effet, la DGAC discute d'abord avec les contrôleurs du ciel. Or, bien que ces derniers représentent 60 % du personnel de navigation aérienne, ils ne représentent que 28 % à 30 % du personnel de la DGAC, donc il faut d'autres signataires à un accord. Il convient alors de se tourner vers les autres syndicats, qui représentent plutôt les autres types de personnel, et on leur accorde également des contreparties salariales, alors même qu'ils sont moins concernés par les évolutions négociées. C'est ainsi que les agents de la DGAC sont payés plus que ceux des autres directions générales.

En ce qui concerne la rationalisation, vous avez raison, monsieur Canévet, d'attirer notre attention sur le volet territorial. À ce jour, il existe trente centres d'approches différents ; c'est beaucoup. On peut donc sans doute les centraliser, afin qu'ils soient mieux organisés, mieux dotés en personnel, plus robustes techniquement et plus faciles à moderniser. Le principal problème réside dans les tours de contrôle relevant de la DGAC ; 80 tours, c'est énorme. Sachant que l'on peut en moderniser deux par an, il faudrait quarante ans pour les moderniser toutes, ce qui signifie qu'elles seraient toutes devenues obsolètes entre-temps. Ce sujet doit être négocié avec les collectivités, pour déterminer les services offerts et les modalités prévues, comme les services de type Aerodrome Flight Information Service (Afis) ou les primes de déplacement pour les contrôleurs. Ce sera très difficile, mais c'est nécessaire, car, sans cela, nous n'aurons que des tours obsolètes. Il existe déjà de nombreuses bizarreries, comme des systèmes fonctionnant encore avec des disquettes informatiques. La DGAC a enfin mis en avant le problème de rationalisation des tours.

Vous soulevez également la question de la grande panne de Brest ; à ma connaissance, les enseignements en ont été tirés. On a ainsi rationalisé les services et organisé une projection d'équipes de bon niveau quand ce type de panne se produit.

Monsieur Laménie, vous me demandez comment la DGAC et la DSNA travaillent avec les acteurs aéroportuaires. Leurs actions sont très imbriquées, mais les aéroports et les compagnies pointent un problème de visibilité. La descente continue, évoquée pour la région parisienne, la ponctualité ou encore la gestion des avions au sol supposent une vision à quinze ans. Les compagnies paient des redevances, les aéroports utilisent des services, mais aucun n'a réellement voix au chapitre. Le client final aimerait disposer d'un espace de discussion et ne pas se contenter de payer. Ce point reste donc à améliorer, dans la lignée des efforts déjà réalisés.

La DSNA compte 3 400 contrôleurs.

Vous me demandez en outre s'il faudrait créer une autorité administrative indépendante. Je ne le pense pas, mais le fait que la DGAC se contrôle et vérifie ses procédures de sécurité elle-même n'est pas sain. Si cela avait permis à la DGAC et à la DSNA de se moderniser, on s'en satisferait, mais ce n'est pas le cas. Nous avons eu la chance d'avoir, à la tête de la DGAC et de la DSNA deux directeurs modernisateurs, qui ont avancé dans le dialogue, mais ce ne sera pas toujours le cas et c'est en outre éreintant : ils ont conclu un protocole, mais maintenant tout commence, il faut le mettre en oeuvre. Par conséquent, si l'on ne dynamise pas le système pour vérifier la performance, nous aurons un problème. Pour ma part, je pense que la DGAC doit avoir un rôle régalien, réguler, vérifier les procédures. Si l'on ne s'y prend pas ainsi, tôt ou tard, nous aurons une autorité administrative indépendante...

Monsieur Savoldelli, sur le dialogue social et le service minimum, j'ai répondu. Je crois beaucoup au dialogue social, les choses ne peuvent évoluer qu'en discutant avec les syndicats. Je connais relativement bien ces derniers et je me permets parfois de jeter un pavé dans la mare, sinon on va au-devant de difficultés importantes.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie de cette communication, monsieur le rapporteur spécial.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

- M. Guillaume TINLOT, chef du service des politiques sociales, salariales et des carrières.

Direction du budget

- M. Laurent PICHARD, sous-directeur ;

- M. Nicolas FIEVET, adjoint au chef du bureau des transports ;

- Mme Margo CINTRAT, adjointe au chef du bureau des transports.

Direction générale de l'aviation civile (DGAC)

- M. Damien CAZÉ, directeur général de l'aviation civile ;

- M. Jean GOUADAIN, directeur de cabinet du directeur général ;

- M. Frédéric GUIGNIER, directeur des services de la navigation aérienne par intérim ;

- Mme Aline PILLAN, secrétaire générale ;

- M. Edouard GAUCI, adjoint à la secrétaire générale et sous-directeur des affaires financières et du contrôle de gestion ;

- Mme Françoise BUREAUD, sous-directrice des compétences et des ressources humaines ;

- M. David POILPOT, adjoint à la sous-directrice des compétences et des ressources humaines.

Direction des services de la navigation aérienne (DSNA)

- M. Florian GUILLERMET, directeur ;

- M. Frédéric GUIGNIER, directeur de la stratégie et des ressources.

Aéroports de Paris (ADP)

- M. Régis LACOSTE, directeur de Paris-CDG ;

- M. Mathieu CUIP, directeur des affaires publiques ;

- M. Paul BEYOU, responsable des affaires publiques nationales.

Air-France

- M. Alain-Hervé BERNARD, directeur général adjoint opérations et cargo ;

- M. Emmanuel PRIOUZEAU, responsable redevances aéronautiques ;

- M. Raphaël EYROLLE, responsable du pôle gestion du trafic aérien ;

- M. Aurélien GOMEZ, directeur des affaires parlementaires et territoriales ;

- M. Adrien EMERAUX, officier pilote de ligne Boeing 787, chargé de mission performance du contrôle aérien.

Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité (BEA)

- M. Rémi JOUTY, ancien directeur (jusqu'au 31 décembre 2023) ;

- M. Johan CONDETTE, chef du département investigations ;

- Mme Nathalie DE ZIEGLER, enquêtrice.

Fédération Nationale de l'Aviation et de ses Métiers (FNAM)

- M. Pascal DE IZAGUIRRE, président ;

- M. Laurent TIMSIT, délégué général.

Syndicat des Personnels de l'Aviation Civile (SPAC-CFDT)

- M. Aymeric BIDET, secrétaire national ;

- M. Jean-Christophe SALUSTE, secrétaire général.

Union Syndicale de l'Aviation Civile-CGT (USAC-CGT)

- M. Charles-André QUESNEL, ingénieur du contrôle de la navigation aérienne ;

- M. Éric OUANES, ingénieur électrotechnicien des systèmes de la sécurité aérienne ;

- M. Bruno CARBONE, technicien supérieur des études et de l'exploitation de l'aviation civile.

Syndicat National des Contrôleurs du Trafic Aérien (SNCTA)

- M. David GIRAUD, secrétaire national, ICNA au CRNA Est ;

- M. Yohann LE PETITCORPS, secrétaire national, ICNA à Roissy - Charles-de-Gaulle ;

- M. Stéphane ROZALEN, secrétaire national, ICNA à Marseille-Provence ;

- M. Guillaume SINTES, secrétaire national, ICNA au CRNA Sud-Est.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Réaliser une première évaluation du protocole social 2023-2027 dès 2026 puis une évaluation indépendante, complète et approfondie à l'issue de sa période d'application, en 2028

Ministère chargé des transports

2026 et 2028

Rapports

2

Instaurer un contrat d'objectifs et de performances pluriannuel de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans lequel elle s'engagerait sur des objectifs de performance de long terme.

Ministère chargé des transports et ministères économiques et financiers

2025

Contrat d'objectifs et de performances

3

Créer immédiatement une commission élargie à toutes les composantes de l'État intéressées, au Parlement, aux organisations syndicales ainsi qu'à l'ensemble des acteurs du transport aérien qui aurait pour mission de se prononcer d'ici à la fin de l'année 2025 sur l'opportunité d'une réforme profonde de la gouvernance de l'aviation civile en France qui viserait à rendre, d'ici à la fin de la décennie, la DSNA structurellement et juridiquement indépendante de l'actuelle DGAC

Ministère chargé des transports et ministères économiques et financiers

2024

Tous supports


* 1 La politique des ressources humaines de la DGAC, Cour des comptes, avril 2021.

* 2 Le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016.

* 3 Le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale 2022-2027, conclu à la suite de la concertation connue sous le nom du « Beauvau de la sécurité » et adossé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI).

* 4 Dans son rapport précité consacré à la politique des ressources humaines de la DGAC.

* 5 Une période de transition inhabituelle qui s'explique par la négociation laborieuse du nouveau protocole décrite infra.

* 6 Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Vincent CAPO-CANELLAS, fait au nom de la commission des finances, novembre 2022.

* 7 Élection au comité social d'administration (CSA) de la DGAC.

* 8 51,0 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.

* 9 Intitulé du chapitre III du protocole 1988-1991.

* 10 Sur la politique des ressources humaines de la DGAC.

* 11 Compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » inclus.

* 12 Équivalent temps plein annuel travaillé.

* 13 Compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » inclus.

* 14 Hors charges patronales.

* 15 Rapport de la Cour des comptes sur la politique des ressources humaines de la DGAC, 2021.

* 16 Régi par un décret unique n° 2016-1869 du 26 décembre 2016 fixant le régime indemnitaire applicable aux corps techniques de la direction générale de l'aviation civile.

* 17 Rapport d'information n° 568 (2017-2018) fait par M. Vincent CAPO-CANELLAS au nom de la commission des finances sur la modernisation des services de la navigation aérienne.

* 18 Ce protocole comportait également 4 millions d'euros de dépenses ponctuelles dites « non soclées ».

* 19 Angers, Angoulême, Calais, Cherbourg, Lannion, Le Havre, Le Mans, Mulhouse Habsheim, Valence, Vannes.

* 20 Aquitaine Sud, Auvergne, Basse et Haute-Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre, Hautes-Pyrénées et Gers, Languedoc-Roussillon, Lorraine-Champagne-Ardenne, Limousin, Poitou-Charentes.

* 21 Rapport public annuel 2010 de la Cour des comptes, février 2010.

* 22 Réponses écrites de la compagnie Air France - KLM au questionnaire du rapporteur.

* 23 Réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 24 Dans les principaux centres de contrôle classés A, B et C.

* 25 Composées d'au moins dix contrôleurs et deux chefs d'équipe.

* 26 Réponses écrites de la compagnie Air France - KLM au questionnaire du rapporteur.

* 27 Réponses écrites de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 28 Ricardo Energy and Environment (in conjunction with York aviation), Study on options to improve

ATM service continuity in the event of strikes-final report, 6 mars 2017.

* 29 À travers une baisse du montant de redevances perçues.

* 30 Loi n° 2023-1289 du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic.

* 31 Cette mesure faisait suite à un travail de réflexion engagé en 2014 sur l'organisation et les conditions d'exercice des métiers des ICNA ainsi qu'à la remise en mars 2015 d'un rapport de M. Jean-Michel Vernhes, président de l'Union des aéroports français (UAF).

* 32 Les 5 CRNA ainsi que les centres d'approche de Roissy-CDG, Lyon, Marseille, Nice et Montpellier.

* 33 En termes de secteurs aériens utilisables calculés en unités de contrôle espace simultanément ouvrables (UCESO).

* 34 Rapport d'information n° 758 (2022-2023) fait par M. Vincent CAPO-CANELLAS au nom de la commission des finances (1) sur les programmes de modernisation de la navigation aérienne 4-Flight, Co-Flight et Sysat, juin 2023.

* 35 Rapport d'information n° 758 de juin 2023 précité.

* 36 Décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique.

* 37 Réponses écrites de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 38 Réponses écrites de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 39 Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 40 Rapport d'enquête et de sécurité sur l'incident grave survenu entre l'AIRBUS A320 immatriculé OE-INE et le Robin DR400 immatriculé F-GTZY le 31 décembre 2022 sur l'aérodrome Bordeaux-Mérignac (33), bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), décembre 2023.

* 41 Rapport d'enquête et de sécurité du BEA de décembre 2023 précité.

* 42 Instrument flight rules.

* 43 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 44 Arrêté du 8 juillet 2024 relatif à l'organisation du temps de travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile assurant le service du contrôle dans les organismes de contrôle de la circulation aérienne et des instructeurs de formation pratique au contrôle de l'École nationale de l'aviation civile.

* 45 Arrêté du 19 novembre 2002 relatif à l'organisation du temps de travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile assurant le service du contrôle dans les organismes de contrôle de la circulation aérienne ou de coordination dans les détachements civils de coordination.

* 46 Dépendant de critères de performance, environnementaux et sécuritaires.

* 47 Elle est encadrée par trois textes réglementaires datés du 18 juillet 2023 : le décret n° 2023-616 du 18 juillet 2023 instituant à titre expérimental une prime de partage de la performance des services de la direction générale de l'aviation civile, du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile et de l'École nationale de l'aviation civile, l'arrêté interministériel du 18 juillet 2023 fixant le plafond annuel de cette prime de partage de la performance, par corps ou catégorie, entre 250 euros et 1 000 euros et l'arrêté du 18 juillet 2023 fixant le dispositif expérimental de cette prime de partage de la performance qui définit les conditions d'attribution de cette prime.

* 48 Intégrée au régime indemnitaire simplifié technique (RIST).

* 49 Du RIST et du RIFSEEP pour un coût évalué à 1,3 millions d'euros par an.

* 50 Notamment l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) revalorisée pour des montants allant de 40 euros à 180 euros mensuels selon les postes et le RIFSEEP revalorisé de 5 % en moyenne.

* 51 Réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 52 Réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 53 Hors Corse.

* 54 Protocole social 2023-2027.

* 55 Le sigle ATS désigne la palette des services délivrés par les services de contrôle de la navigation aérienne, à savoir les services de contrôle, d'information de vol et d'alerte.

* 56 En réponses au questionnaire du rapporteur, la DGAC a notamment apporté les précisions suivantes : « en raison de la réglementation stricte encadrant les tours de service des contrôleurs pour des impératifs de sécurité, conjuguée à la limitation des effectifs, le service de contrôle aérien rendu aujourd'hui sur un nombre significatif d'aérodromes ne peut plus répondre aux besoins des exploitants et de leurs clients (i.e. les utilisateurs de l'aérodrome), tant en termes d'amplitude horaire (impossibilité d'assurer un service 24h/24) que de flexibilité : ils ne permettent pas, par exemple, de gérer les vols intervenant en dehors d'horaires d'ouverture, comme les évacuations sanitaires ou vols retardés, par essence aléatoires ».

* 57 Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur, la DGAC rappelle que les services AFIS sont certifiés par la DSAC et « exécutés par des personnels qualifiés, ce qui permet de maintenir un niveau approprié de sécurité, adapté au niveau et à la mixité du trafic sur les terrains concernés ».

* 58 Réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 59 Protocole social 2023-2027.

* 60 Réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur.

* 61 Réponses de la FNAM au questionnaire du rapporteur.

* 62 Sous forme d'économies ou de recettes supplémentaires.

* 63 Le décret n° 2011-1038 instituant une prime d'intéressement à la performance collective des services dans les administrations de l'État.

* 64 Un service à compétence nationale.

* 65 Règlement (CE) n° 550/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 10 mars 2004 relatif à la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen.

* 66 Le règlement précité prévoit ainsi que « les autorités nationales de surveillance sont indépendantes des prestataires de services de navigation aérienne. Cette indépendance est réalisée par une séparation adéquate entre les autorités nationales de surveillance et ces prestataires, au moins au niveau fonctionnel ».

* 67 Rapport spécial n° 18/2017 « Le ciel unique européen : un changement d'ordre culturel, mais pas de véritable unification » (décembre 2017).

* 68 Rapport public thématique sur le contrôle de la navigation aérienne, Cour des comptes, novembre 2002.

* 69 Les Etats-Unis et la France constituant les deux principales exceptions à cette règle.

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