L'OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ,
UN
CAPITAINE QUI DOIT JOUER PLUS COLLECTIF
I. LA CRÉATION DE L'OFB PARACHÈVE LE PROCESSUS DE RAPPROCHEMENT DES OPÉRATEURS DE L'EAU, DE LA CHASSE ET DE LA BIODIVERSITÉ
Si le législateur ne l'a porté sur les fonts baptismaux qu'au 1er janvier 2020, l'Office français de la biodiversité (OFB) ne constitue pas pour autant un établissement public créé ex nihilo : il résulte de la fusion de plusieurs opérateurs préexistants, de même que son personnel est la somme de l'agrégation des agents des entités fusionnées. Sa création a été inspirée par la volonté d'un établissement qui fasse mieux que la somme des entités qu'il remplace, afin de promouvoir une approche intégrée et transversale visant à répondre aux défis environnementaux contemporains et réduire les pressions responsables de l'érosion la biodiversité1(*).
Loin de partir d'une « page blanche », l'OFB s'inscrit donc dans la continuité de l'histoire administrative des entités fusionnées : celle de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), ayant à peine trois années d'existence au moment de son absorption et elle-même produit de la fusion d'autres établissements publics, et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Le choix fait par le législateur de créer un établissement public sui generis a permis de mutualiser une expertise auparavant dispersée et de regrouper au sein d'une même structure des compétences dont la coordination était auparavant source de complexité.
Ce rapprochement s'est justifié par la volonté de favoriser l'émergence d'une expertise et de savoir-faire partagés, à même d'apporter des bénéfices significatifs pour la gestion et la protection de la biodiversité. Dans l'esprit du législateur, la vocation de l'établissement public ainsi créé ne consistait pas uniquement en la réunion de compétences spécialisées issues des entités fusionnées au sein d'un ensemble plus vaste : en faisant évoluer substantiellement ses périmètres d'intervention, ses missions et les pouvoirs de police des inspecteurs de l'environnement, l'intention était de créer un établissement puissant, unificateur et polyvalent, pour répondre plus efficacement aux enjeux protéiformes de la biodiversité.
A. LES RAISONS AYANT CONDUIT LE LÉGISLATEUR À FUSIONNER DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS SPÉCIALISÉS AU SEIN D'UN OPÉRATEUR GÉNÉRALISTE, TRANSVERSAL ET INNOVANT
Les débats parlementaires préalables à l'adoption de la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité2(*) font état d'un net consensus à propos de la nécessité de fusionner l'AFB et l'ONCFS, qui constituait pour de nombreux députés et sénateurs la suite logique du processus de rapprochement des opérateurs initié par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages3(*).
Le principe d'un établissement public ensemblier chargé de la préservation, de la gestion et de la sensibilisation des acteurs et du public à la biodiversité est alors perçu comme une évolution conforme « au sens de l'histoire », une réponse cohérente à l'acuité politique croissante des enjeux environnementaux et à l'urgence de préserver de la biodiversité d'un déclin préoccupant, présenté par de nombreux scientifiques comme la sixième extinction de masse4(*). L'idée de rassembler au sein d'un établissement unique l'ensemble des opérateurs de la biodiversité, pour éviter une dispersion de l'efficacité de leur action, n'était alors pas nouvelle : elle avait notamment été évoquée dès 2007, lors du Grenelle de l'environnement, et n'a cessé de mûrir depuis.
En 2019, le principe de la fusion de l'AFB et de l'ONCFS pour créer l'Office français de la biodiversité a recueilli l'approbation quasi unanime des parlementaires5(*). Pourtant, elle était encore jugée prématurée en 2016, comment l'ont illustré les débats parlementaires lors de la création de l'Agence française pour la biodiversité, à l'occasion de l'examen de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. La fusion de l'Onema, l'office national de l'eau et des milieux aquatiques, et de l'ONCFS, organisme chargé de la chasse6(*), est alors métaphoriquement dénoncée comme le « mariage de la carpe et du lapin ».
Les acteurs du monde cynégétique ont en effet longtemps été défavorables au principe de cette fusion, craignant que la chasse devienne le parent pauvre du nouvel établissement. Les chasseurs ont cependant fini par accepter la création d'un établissement qui ne soit pas dédié uniquement à la gestion et la régulation de leur activité, en contrepartie d'un renforcement des missions des fédérations de chasseurs en matière de gestion du patrimoine naturel et des activités de chasse et d'une baisse du prix du permis de chasser, de 400 à 200 euros. Lors de son audition par le rapporteur, la Fédération nationale des chasseurs a par ailleurs souligné que « laisser l'AFB d'un côté et l'ONCFS de l'autre n'avait pas de sens à l'heure où les moyens publics sont comptés ». Plusieurs parlementaires, à l'instar de la députée Frédérique Tuffnell, avaient résumé cette fusion entre la biodiversité et les chasseurs à travers l'éloquente formule de « mariage de raison, inéluctable et souhaitable, entre deux familles que l'on a trop longtemps et vainement opposées. »
1. Une volonté de simplification administrative et de lisibilité de l'action publique
L'idée maîtresse présidant à la création de l'Office français de la biodiversité était de « rassembler les opérateurs de l'État actifs en matière de biodiversité dans une seule et même entité, afin de simplifier et de renforcer les actions menées par l'État dans ce domaine », ainsi que l'a indiqué au cours de la discussion générale le rapporteur au nom de la commission Jean-Claude Luche lors de l'examen du projet de loi au Sénat7(*). Au cours des débats, plusieurs sénateurs ont salué la volonté de disposer du meilleur outil possible pour la biodiversité et se sont félicités de l'émergence d'un opérateur clé pour restaurer et protéger les milieux et les espèces de façon efficace.
Le législateur a considéré qu'un opérateur unique et une référence administrative facilement identifiable par l'ensemble des acteurs étaient nécessaires afin d'améliorer la lisibilité, la cohérence et l'efficacité de l'action publique en matière de préservation de la biodiversité. Les parlementaires ont affiché une nette volonté de réduire le nombre d'intervenants et de clarifier le paysage administratif avec un établissement à forte identité institutionnelle, un opérateur « coeur de réseau » faisant office de passerelle et de démultiplicateur de l'activité d'autres établissements publics et des services déconcentrés de l'État.
La création de l'OFB répond également à une préoccupation de lisibilité et de sécurité pour les usagers, qui n'ont plus affaire qu'à un seul organisme pour la majorité des prescriptions du code de l'environnement, dans le domaine de l'eau et de la nature. La dimension intégratrice de l'OFB a simplifié la compréhension du paysage administratif pour les acteurs, qui n'ont plus à se poser la question des compétences des établissements publics précédant sa création. Dans son rapport publié en juillet 2024 sur l'Office français de la biodiversité8(*), la Cour des comptes relève que la réunion de l'AFB et l'ONCFS « a constitué l'aboutissement de réflexions approfondies sur l'organisation des opérateurs publics de protection de la nature et des premières démarches de coopération qu'ils avaient entreprises. Elle visait à rassembler tant les actions territoriales de police et d'interventions que les expertises sur les différents milieux. L'objectif consistait à bâtir un grand opérateur de la biodiversité sur le modèle de l'Ademe, le grand opérateur de la transition écologique9(*). »
La mission d'information fait le constat que l'objectif poursuivi de simplification des opérateurs de l'État dans le domaine de la biodiversité et de la préservation des milieux naturels, dans un paysage autrefois jugé « foisonnant », source de complexité et de dispersion de moyens, a été atteint : l'OFB est devenu, en à peine quelques années, un opérateur connu et bien identifié pour son action par les acteurs dans les territoires pour mettre en oeuvre la stratégie nationale pour la biodiversité et son action de protection de la faune sauvage.
L'étude d'impact10(*) accompagnant le dépôt du projet de loi insistait sur les bénéfices attendus de la fusion des compétences et d'un établissement intervenant sur l'ensemble des composantes de la biodiversité : « la création d'un nouvel établissement, objet du projet de loi, permettra de rapprocher les expertises complémentaires des établissements au service de la reconquête pour la biodiversité, ainsi que de renforcer l'exercice de la police de l'environnement, mieux la répartir dans l'espace et dans le temps, tout en articulant la prévention et le contrôle ».
Sa centralité administrative, qui repose sur une logique d'intervenant unique et un positionnement comme opérateur tête de réseau, rassemble des moyens significatifs au service d'orientations stratégiques cohérentes, gagne en lisibilité et renforce la cohérence et l'expertise des stratégies nationales en faveur de la biodiversité, dont l'action est d'ailleurs saluée au niveau européen11(*).
2. La recherche de l'efficience par la mutualisation
Outre sa volonté d'améliorer la lisibilité de l'action publique environnementale, le législateur a été animé du souhait de réunir l'expertise complémentaire des deux établissements afin de doter le nouvel opérateur de compétences techniques sur l'ensemble des milieux naturels et des compartiments de la biodiversité, à travers le décloisonnement des missions et la mise en commun des expertises des anciens agents de l'AFB et de l'ONCFS. Véritable « couteau suisse » de la gestion de la biodiversité, l'OFB constitue une agence à vocation systémique et « tout terrain », intégratrice des expertises et bénéficiant d'un double ancrage, national et territorial.
L'OFB concrétise ainsi l'ambition de faire monter en puissance un opérateur qui soit en mesure d'appréhender la biodiversité dans tous ses aspects et ses composantes, terrestres, aquatiques et marines. Le périmètre des politiques publiques en matière de biodiversité se caractérise en effet par sa vastitude : milieux aquatiques, marins et terrestres, littoraux, parcs et réserves ; espaces naturels, agricoles et forestiers, urbains, périurbains et ruraux ; chasse et pêche ; usage des produits phytopharmaceutiques, pollutions, espèces protégées et lutte contre le trafic illégal d'espèces, etc. C'est la raison pour laquelle le champ de compétences matériel de l'OFB porte sur l'ensemble des milieux et des pressions pesant sur la biodiversité : le législateur a considéré que c'était la condition nécessaire pour que l'établissement public puisse jouer son rôle d'ensemblier et générer les synergies attendues de la fusion.
Le législateur, en accompagnant la création d'un établissement ayant peu d'équivalents dans le paysage administratif, a rassemblé des moyens administratifs épars en les réunissant au service d'orientations stratégiques convergentes, pour doter l'OFB d'une masse critique de moyens humains et budgétaires. Ainsi que le résume l'étude d'impact accompagnant le dépôt du projet de loi, cette évolution administrative visait à « consolider la réorganisation des opérateurs de l'eau et de la biodiversité afin d'améliorer leur coordination dans les domaines stratégiques de la mise en oeuvre de la police environnementale, notamment dans les territoires ruraux, et de la connaissance de la biodiversité ».
L'OFB répond également à une volonté de rationalisation de l'action de l'État en faveur de l'environnement, en recherchant une efficience accrue, des économies d'échelle et une meilleure coordination administrative. Les gains d'efficacité sont particulièrement marqués dans le pilotage des systèmes d'information dans le domaine de la biodiversité12(*) et des gains qualitatifs sont à noter en termes d'expertise et de connaissance des espaces et des espèces, d'exercice de la police de l'environnement et d'appui aux politiques publiques grâce au décloisonnement des opérateurs.
Le législateur a en effet souhaité optimiser le dimensionnement de cet établissement public, afin de renforcer sa présence de terrain, dans l'espace et dans le temps et apporter un appui technique efficace aux services de l'État. Pour ce faire, l'addition des moyens humains des deux établissements publics au moment de la fusion a été décidée13(*), ce qui a conféré à l'OFB un dimensionnement significatif dès sa création, avec plus de 2 600 équivalents temps plein travaillés et une répartition territoriale effective de ses agents, même si la stabilité de ces moyens doit être relativisée au regard des changements de périmètre, dans la mesure où elle s'est accompagnée d'une progression du nombre et de la finalité des missions dévolues à l'établissement public. Pour le législateur, la création de l'OFB ne se limitait pas à l'intégration d'un opérateur dans un autre : elle devait s'accompagner d'une ambition nouvelle et de moyens d'action repensés.
En contrepartie et fort logiquement, la réforme mise en oeuvre par le législateur a créé de fortes attentes des acteurs, qu'il s'agisse des gestionnaires d'aires protégées, des élus locaux, mais également du monde économique. Entendu par le rapporteur, le Medef a salué la création et l'action de l'OFB, qui « participe par ses missions à l'évolution des pratiques visant à la transition de notre économie, indispensable pour la pérennité de nos entreprises ». Grâce à son expertise complète, certaines entreprises identifient l'OFB comme un acteur pouvant contribuer à favoriser leur montée en compétences et accompagner les évolutions des modèles économiques, dans une perspective de croissance durable et en évitant les phénomènes de mal-adaptation.
Cet enrichissement des missions et les attentes suscitées par la création de l'OFB impliquent cependant pour l'établissement public la nécessité de rechercher le concours d'autres acteurs et de nouer des partenariats. Ainsi que l'avait indiqué la ministre Emmanuelle Wargon lors des débats parlementaires14(*), les « 1 700 inspecteurs ne pourront pas assurer, à eux seuls, la police de l'environnement en milieu rural, d'où une nécessaire coordination avec, entre autres, la gendarmerie, les policiers municipaux, les gardes champêtres et les agents de l'Office national des forêts, dans le respect de leurs prérogatives respectives ». Le législateur a ainsi souhaité que l'OFB inscrive son action de façon cohérente avec celle des autres acteurs publics agissant sur des sujets connexes ou transversaux.
Certains parlementaires ont toutefois souligné les limites inhérentes à la recherche de l'efficience administrative pour elle-même, en soulignant que l'adaptation et l'évolution des outils administratifs et juridiques devaient également être motivées par la volonté de répondre de manière plus cohérente et efficace aux enjeux d'aujourd'hui ainsi qu'aux défis de demain en matière de biodiversité. Certains syndicats du personnel de l'OFB et des universitaires avaient critiqué sur ce fondement la création de cet établissement public, qui constituerait davantage la manifestation du « mythe rationnel qui accompagne les réformes d'influence néo-managériale plutôt qu'un véritable outil d'amélioration des politiques publiques15(*) ».
Pendant les débats en séance publique, le sénateur Guillaume Gontard a ainsi indiqué que « regrouper des services, des administrations pour tenter d'améliorer les politiques publiques peut être utile et louable, mais tout bon plombier sait que la réparation de fuite, le colmatage, ne remplacera jamais un réseau régulièrement entretenu. En d'autres mots, on ne fait pas d'action publique de long terme sans moyens financiers ». La cohérence et la stabilité des moyens budgétaires consacrés à la biodiversité sont en effet fondamentales pour l'atteinte des objectifs assignés à l'OFB et sa capacité à mener à bien les missions que le législateur lui a confiées.
La mutualisation, au sein d'une entité unique et transversale, de compétences pointues et spécialisées porte cependant en elle le germe d'une perte d'expertise. Au terme de son cycle d'auditions, la mission d'information fait le constat que l'efficience recherchée par la fusion n'a pas encore pleinement produit ses effets16(*), alors que la capacité des personnels à remplir l'ensemble du spectre des missions s'est bel et bien amoindrie.
Elle y voit un point de vigilance pour la direction générale de l'OFB qui doit intensifier l'effort de formation de ses agents pour faire cesser cette dynamique de déspécialisation qui compromet la capacité de l'OFB à faire figure d'établissement de référence sur l'ensemble de ses missions.
3. Le souhait d'une territorialisation plus marquée des politiques environnementales
Conscient de la nécessité de disposer d'un établissement public capable d'intervenir en tout point du territoire national, le législateur a particulièrement veillé à conforter sa territorialisation, en s'appuyant sur les implantations territoriales de l'AFB et l'ONCFS, afin qu'il puisse « appréhender tous les aspects de la biodiversité sur tous les types de milieux - terrestres, aquatiques, marins, y compris ultramarins - et sur tous les territoires », ainsi que l'avait indiqué la ministre Emmanuelle Wargon lors de l'examen du projet de loi au Sénat. Par sa capacité à agir depuis et avec les territoires, une des évolutions majeures de l'OFB par rapport à ses prédécesseurs a été sa vocation à traiter les sources diffuses de pression sur les écosystèmes et de mener à bien des actions préventives, conformément à la séquence « éviter, réduire, compenser » définie à l'article L. 110-1 du code de l'environnement17(*).
La création de l'OFB répond tout autant à une préoccupation de rationalisation administrative qu'à la volonté de remédier à la dégradation de la capacité de déploiement territorial dont souffraient aussi bien l'AFB que l'ONCFS. Avec un total de près de 320 implantations, dont moins d'une vingtaine mutualisées entre les deux établissements, le réseau territorial de l'AFB et de l'ONCFS avant la création de l'OFB était particulièrement dense.
Implantations territoriales de l'AFB et de l'ONCFS avant fusion
Source : données 2017, IGF et CGEDD
Cette densité doit cependant être mise en regard des effectifs affectés dans ces unités territoriales, qui se caractérisaient par une faiblesse structurelle mettant en péril leur capacité à répondre aux missions. Ainsi, selon les constats établis par une mission d'inspection conjointe18(*), près de 30 % des services départementaux de l'Agence française pour la biodiversité avaient, à la fin de l'année 2017, un effectif inférieur au seuil plancher jugé nécessaire à leur bon fonctionnement (5 agents par service), la moyenne (5,22 ETP) étant elle-même très proche du seuil, tandis que pour l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, la diminution tendancielle des effectifs des services départementaux faisait peser une menace sur la capacité de l'établissement à mener les missions de police confiées par la loi : « en particulier, s'agissant des missions de police de l'environnement, et singulièrement, de police de l'eau exercées par l'ex-Onema, les effectifs des services départementaux et interdépartementaux atteignent un niveau critique, qui remet en cause la capacité de l'agence à maintenir une pression de contrôle suffisante. »
En réponse à ces risques concernant la capacité de projection territoriale de l'établissement, un objectif de concentration des implantations de l'OFB a été défini au sein d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière19(*) (SPSI) couvrant la période 2021-2025, afin d'accompagner la réduction des implantations immobilières nécessaire à l'atteinte d'une taille critique garantissant la continuité du service public, en définissant des objectifs de spécialisation et de consolidation des sites nationaux, des indicateurs de suivi du parc immobilier et de son entretien, tout en visant la réduction du nombre de sites administratifs de 30 % à horizon 2025.
Le législateur ayant décidé que « l'ensemble des biens, droits et obligations de l'Agence française pour la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage [seraient] transférés à l'Office français de la biodiversité20(*) », les implantations des établissements publics fusionnés ont été reprises par le nouvel établissement à titre gratuit : il est apparu nécessaire, à la direction générale de l'établissement et aux tutelles, de réduire le nombre d'implantations départementales, en rassemblant géographiquement les équipes d'une même unité ou d'un même service, afin de dégager des gains d'efficience et de garantir des capacités d'intervention territoriale conformes aux missions de l'établissement public.
La création d'une grande agence nationale dédiée à la biodiversité, sous la forme d'une institution forte et territorialisée, est apparue au législateur comme un préalable à sa bonne intégration dans les territoires et sa capacité à coopérer avec les services déconcentrés de l'État et les autres établissements publics. Si le processus de consolidation immobilière n'est pour l'heure pas encore achevé, cet établissement a déjà dû faire face au double défi de sa territorialisation : répondre aux attentes des parties prenantes locales et fédérer des entités diverses ayant chacune leur culture.
La Cour des comptes, dans son rapport précité sur l'OFB, a en effet relevé que les établissements publics fusionnés répondaient à deux logiques territoriales bien différenciées : « le contraste était marqué entre les deux établissements : l'ONCFS fonctionnait encore selon une logique de petites brigades dispersées sur un modèle proche de celui de la gendarmerie nationale, tandis que l'AFB était régie par un principe d'organisation centrale en trois pôles (Brest, Montpellier et Vincennes) et une organisation territoriale en services régionaux ou inter-régionaux et départementaux ou interdépartementaux, essentiellement basés sur la carte de l'ex-Onema. »
Au 1er janvier 2024, l'OFB comptait 273 sites, dont 202 sites administratifs, 37 sites techniques, 32 sites naturels et deux sites de formation. Entre 2019 et 2023, le rythme annuel moyen de diminution a été de l'ordre de 11,25 implantations. La Cour relève que si l'OFB veut tenir l'objectif fixé par son SPSI, à savoir une réduction globale de 30 % du nombre de sites administratifs à périmètre constant par rapport au 1er janvier 2019, il faudra accélérer le rythme et passer à une moyenne de 13 implantations en 2024 et 2025.
Évolution du nombre d'implantations territoriales de l'OFB
Source : Cour des comptes
La mission d'information salue cet effort de rationalisation immobilière mis en oeuvre par l'établissement, nécessaire à l'optimisation de sa présence territoriale : le processus de rapprochement de deux établissements à assise territoriale marquée engendre nécessairement des doublons et des incohérences géographiques, auxquelles il convenait de remédier dès la fusion opérée. Une fois les objectifs du SPSI atteints, il conviendra de définir les trajectoires du prochain schéma pluriannuel en ne perdant pas de vue la capacité de déploiement des agents de l'Office dans les territoires, qui puisse tenir compte des enjeux et besoins locaux ainsi que des spécificités territoriales - territoires de montagne où les temps de trajet sont rallongés par la topographie ou espaces littoraux et rétro-littoraux subissant des contraintes environnementales particulières.
La présence des agents sur le terrain constitue en effet la raison d'être d'un tel établissement, qui échouera à remplir ses missions de préservation et de restauration de la biodiversité si l'équilibre entre temps passé sur le terrain et les tâches administratives poursuit sa dégradation. Ainsi que l'ont signalé plusieurs acteurs à la mission d'information, à l'instar du collectif des Parcs nationaux, l'OFB a un rôle clé à jouer auprès des acteurs locaux pour contribuer à réduire les pressions exercées sur les milieux.
Cette volonté de confier à l'OFB la mission de police rurale au plus près des territoires, difficile à assurer avec des effectifs d'environ 15 agents par service départemental, trouve un écho dans le discours d'inauguration par le Président de la République du 13 février 2020 : « Je sais la difficulté de vos missions, qui s'exercent parfois dans des contextes tendus. Je sais aussi pouvoir compter sur votre professionnalisme, votre sang-froid, votre sens du discernement. Soyez fermes et soyez pédagogues. Pour être appliquées, les règles doivent être comprises et connues. Et c'est aussi votre rôle, en quelque sorte, de missionnaire de la biodiversité sur le terrain qu'il vous faut remplir. [...] Vous êtes une police rurale de la nature, de la chasse, de la pêche, une police de tous les usages de la nature. Vous serez pour cela soutenu, appuyé, reconnu ».
À cette fin, l'établissement public repose aujourd'hui sur un réseau constitué de onze directions régionales, une direction inter-régionale métropolitaine, une direction pour les outre-mer, 90 services départementaux hexagonaux, deux services interdépartementaux, cinq délégations territoriales ultramarines (Antilles, Guyane, océan Indien, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie) et six services départementaux ultramarins.
L'OFB, établissement en mesure d'actionner à la fois les leviers de la connaissance, de mobiliser les acteurs et les citoyens, d'appuyer les politiques publiques et de contribuer à la mise en oeuvre de la police de l'environnement, doit reposer sur de nombreux relais territoriaux et un maillage proche des acteurs locaux, afin de poursuivre et approfondir les coopérations engagées par l'AFB et l'ONCFS.
La mission d'information estime indispensable de préserver la capacité d'intervention territoriale de l'OFB, afin de répondre aux attentes fortes des élus et des acteurs locaux de bénéficier de l'expertise et de l'accompagnement de cet établissement public, en réponse aux défis de l'érosion sans précédent de la biodiversité.
* 1 L'IPBES (l'équivalent du GIEC pour la biodiversité) recense cinq pressions responsables de l'érosion de la biodiversité : la destruction et l'artificialisation des milieux naturels, la surexploitation des ressources naturelles et le trafic illégal des espèces, le changement climatique, la pollution des milieux et l'introduction d'espèces exotiques envahissantes.
* 2 Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.
* 3 Les quatre établissements publics ayant intégré par fusion l'Agence française pour la biodiversité au 1er janvier 2017 sont l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'Agence des aires marines protégées, l'établissement « Parcs nationaux de France » et le GIP Atelier technique des espaces naturels (Aten).
* 4 Pour en savoir plus sur l'émergence de la biodiversité comme sujet politique, cf. le rapport d'information n° 357 (2022-2023) de Guillaume Chevrollier, déposé le 15 février 2023, L'accord de Kunming-Montréal : une partition que les États doivent dès à présent mettre en musique.
* 5 Adoption en première lecture à l'Assemblée nationale par 36 pour et 0 contre (43 votants) et au Sénat par 235 pour et 0 contre (329 votants).
* 6 L'Office national de la chasse et de la faune sauvage, établissement public administratif de l'État créé en 1972, a longtemps eu pour mission de gérer les pratiques cynégétiques.
* 7 https://www.senat.fr/seances/s201904/s20190410/s20190410_mono.html#orat2
* 8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/loffice-francais-de-la-biodiversite
* 9 Page 8 du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024 sur l'OFB.
* 10 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b1402_etude-impact.pdf
* 11 Au cours de son audition du 31 mai 2024 devant le rapporteur, les représentants de la DG Environnement ont indiqué à la mission d'évaluation que l'action de l'OFB comme opérateur national de la biodiversité « donnait toute satisfaction ».
* 12 L'agence de l'eau Adour-Garonne a mis en avant devant le rapporteur que la centralisation et la mise à jour régulière des informations sur la biodiversité par l'OFB permettent une gestion plus efficace et informée des actions à entreprendre.
* 13 En 2019, l'AFB disposait de 1 221 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sous plafond d'emplois et de 54 ETPT hors plafond, tandis que l'ONCFS disposait de 1 443 ETPT sous plafond d'emplois et de 80 ETPT hors plafond.
* 14 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2018-2019/premiere-seance-du-mercredi-23-janvier-2019#1590824
* 15 Pierre Chassé, Cécile Blatrix. Des vents contraires : retour sur dix ans de recomposition du paysage institutionnel de la protection de la nature. Revue française d'administration publique, 2021, 179 (3), p. 571-587.
* 16 La Cour des comptes relève ainsi, à la page 38 de son rapport de juillet 2024, que « l'exercice de ses missions est cependant compliqué par l'héritage de systèmes d'information des anciens établissements, non interconnectés, disposant chacun de sa base agents. »
* 17 « Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. »
* 18 Rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) : L'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité, avril 2018, A. Jevakhoff, J. Cartier, C. Barthod, A. Delaunay et P. Lavarde.
* 19 Approuvé par le Conseil d'administration du 1er avril 2022.
* 20 Article 16 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.