II. MIEUX PRÉVENIR LES INONDATIONS : POUR UNE POLITIQUE PUBLIQUE SOLIDAIRE, EFFICACE ET ADAPTÉE À CHAQUE TERRITOIRE

A. AMÉLIORER LA GESTION DES COURS D'EAU POUR MIEUX PRÉVENIR LES INONDATIONS

1. La gestion des cours d'eau, un levier essentiel de lutte contre les inondations
a) Le bon état des cours d'eau : un facteur de prévention des inondations, au coeur de nombreux débats
(1) Le maintien de la fonctionnalité d'un cours d'eau, un enjeu à prendre en compte pour limiter les risques d'inondation

Selon l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement46(*), « constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. »

Bien qu'elles reposent en principe sur des actions distinctes, la protection, la restauration et la gestion des cours d'eau présente de nombreuses synergies avec la prévention des inondations. Ces deux politiques relèvent d'ailleurs de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi), dont le contenu est défini à l'article L. 211-7 du code de l'environnement (cf. infra), qui a été confiée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018 à la suite de deux lois de décentralisation de 201447(*) et 201548(*).

La directive cadre sur l'eau (DCE)49(*) de 2000 a fixé un objectif de bon état des eaux de surface, qui s'apprécie au regard de l'état chimique de la masse d'eau, mais aussi de son état écologique. L'état écologique d'une masse d'eau de surface est lié à la structure et au fonctionnement des écosystèmes aquatiques qui y sont associés ; il est apprécié au regard d'éléments de nature biologique (espèces végétales et animales présentes), hydromorphologique et physico-chimique.

L'entretien est un facteur essentiel de maintien du bon état écologique d'un cours d'eau.

Aux termes de l'article L. 214-5 du code de l'environnement, le propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial est tenu à un entretien régulier de celui-ci, qui « a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives ». Les collectivités territoriales compétentes en matière de Gemapi peuvent se substituer au propriétaire riverain pour assurer l'entretien d'un cours d'eau, en application de l'article L. 211-7 du même code, lorsque celui-ci est défaillant.

Lorsqu'un cours d'eau est dans un état dégradé, des travaux de restauration peuvent s'avérer nécessaires pour en rétablir le fonctionnement naturel. Ces interventions peuvent par exemple impliquer la reconstitution de la ripisylve (végétation située sur les rives) pour ralentir l'arrivée des eaux de ruissellement ou encore des travaux de reméandrage ou de rétablissement de connexions entre le cours d'eau et ses annexes (zones humides).

Le défaut d'entretien d'un cours d'eau (destruction de la végétation sur les berges, présence d'embâcles ou de végétation importante empêchant le passage de l'eau, etc.) peut induire une dégradation de ses fonctionnalités et constituer un facteur aggravant d'inondation en cas de crue.

Entendus par les rapporteurs, les agences de l'eau et les comités de bassin ont souligné les liens entre le maintien ou le rétablissement du bon fonctionnement d'un cours d'eau, d'une part, et la prévention des inondations, d'autre part. Ainsi, le Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse a appelé à mettre ces actions au coeur des politiques de prévention des inondations : « redonner aux rivières un bon fonctionnement, notamment en restaurant la dynamique sédimentaire des cours d'eau est le premier levier de prévention des inondations ». Dans la même ligne, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a souligné le rôle que pouvaient jouer l'entretien et la restauration des cours d'eau pour limiter les risques d'inondation, « en permettant notamment un épandage des crues dans des milieux annexes connectés avec les rivières et de mobiliser ainsi davantage l'espace de liberté du cours d'eau ». L'Agence de l'eau Rhin-Meuse a en outre déclaré que « les politiques de prévention des inondations doivent s'inscrire dans un programme global intégrant les enjeux de préservation et de restauration de la fonctionnalité des milieux aquatiques ».

Compte tenu de ces synergies, les agences de l'eau contribuent fréquemment au financement d'actions inscrites dans les plans d'actions de prévention des inondations (PAPI), à l'instar de l'Agence Rhône-Méditerranée-Corse qui, outre des interventions en matière de restauration des milieux aquatiques (à hauteur de 80 M€ par an), notamment pour améliorer le fonctionnement des rivières lors des crues, finance certains investissements portés par des PAPI sur son territoire.

Interrogée sur les enseignements à tirer des inondations survenues en France en 2023 et au début de l'année 2024, l'Agence de l'eau Seine-Normandie indique que le volume de travaux à réaliser en matière de gestion des cours d'eau reste « considérable ». Déjà en 2016, cette agence avait rendu un rapport au Premier ministre dans le cadre d'une «  mission sur le fonctionnement hydrologique du bassin de la Seine  »50(*) qui soulignait les effets néfastes pour la gestion des crues des actions dégradant les fonctionnalités des cours d'eau : « le recalibrage, la rectification et le curage des cours d'eau entraînent des accélérations des écoulements, comme en témoignent les bassins versants de l'Armançon ou encore du Loing amont, où la rectification de certains affluents du Loing (Bezonde notamment) a pu générer une augmentation de la propagation de la crue en juin 2016 ; ils peuvent par ailleurs conduire à des érosions néfastes du fond et des berges des cours d'eau pouvant dans certains cas entraîner à l'aval des colmatages de systèmes de drainage ».

Si l'état des cours d'eau a des incidences sur la prévention des inondations, il convient malgré tout de ne pas surestimer ce rôle.

Tout en reconnaissant les dégâts causés par les politiques de recalibrage et curage des cours d'eau menées dans les années 1960 à 1980 en termes d'aggravation des crues et de dégradation de l'état écologique des cours d'eau, l'Agence de l'eau Rhin-Meuse rappelle que les actions d'entretien et de restauration des cours d'eau ne sauraient à elles seules suffire à une prévention efficace des risques d'inondation. Cet acteur considère que ces mesures permettent incontestablement de mieux gérer des crues de faible ampleur, au-delà des crues décennales ; il juge néanmoins nécessaire de « développer des programmes d'ampleur et d'ambitions plus importants » et ce, d'autant plus compte tenu des effets du changement climatique. Cela peut passer par le recours aux solutions fondées sur la nature, en utilisant les capacités des bassins versants et vallées alluviales à retenir les crues, mais aussi à des aménagements plus lourds comme les zones de ralentissement dynamique des crues.

De même, s'agissant des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, une mission d'inspection « flash » du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) a rappelé dans un rapport remis en mai 202451(*) que le manque d'entretien des réseaux hydrauliques permettant l'évacuation des eaux vers la mer n'a pas été la cause des inondations survenues dans le Nord et le Pas-de-Calais, le facteur déclenchant ayant été l'ampleur des précipitations, causant des crues dépassant très largement les niveaux centennaux et la capacité des ouvrages de protection.

Les rapporteurs estiment néanmoins opportun de favoriser une meilleure diffusion des bonnes pratiques en matière de gestion des cours d'eau (par exemple à travers des supports de communication et un travail de pédagogie) dans les territoires et de renforcer l'appui technique dont bénéficient les autorités gémapiennes pour assurer leur bon entretien, voire leur restauration lorsque ce type d'opération est nécessaire pour mieux prévenir les crues.

(2) Liens entre curage des cours d'eau et inondations : une controverse à clarifier auprès des acteurs locaux

Le curage consiste à retirer les sédiments accumulés dans le lit du cours d'eau, afin de rétablir l'écoulement de l'eau. Il se distingue de l'entretien régulier d'un cours d'eau, dès lors qu'il implique d'extraire des sédiments sur un linéaire supérieur à 50 mètres et qu'il conduit à une modification du lit de la rivière. Il se distingue également des opérations de recalibrage, très strictement encadrées par la réglementation, qui consistent en un élargissement et un approfondissement du lit d'un cours d'eau, afin d'augmenter la capacité hydraulique du tronçon.

Schéma présentant la distinction entre entretien, curage et recalibrage d'un cours d'eau

Source : site internet de la préfecture du Gers

L'extraction de sédiments dans le cadre de l'entretien régulier d'un cours d'eau n'est soumise à aucune procédure préalable au titre de la nomenclature « loi sur l'eau » dite nomenclature « IOTA » (installations, ouvrages, travaux et activités)52(*). Elle doit néanmoins respecter certaines prescriptions générales, comme être effectuée lorsque le cours d'eau est à sec, ou au plus fort de l'étiage (entre fin août et début octobre, si le cours d'eau n'est jamais à sec), depuis la berge sans porter atteinte au lit du cours d'eau, ou encore éviter toutes fuites d'hydrocarbures ou écoulement de boue vers la rivière.

En revanche, les opérations de curage sont soumises, selon les cas de figure (notamment en fonction du volume de sédiments extraits au cours d'une année), à déclaration préalable ou à autorisation. Lorsqu'elles sont mises en oeuvre dans le cadre d'un plan de gestion de cours d'eau prévoyant des actions de restauration, elles doivent strictement respecter trois objectifs (article L. 215-15 du code de l'environnement) :

- remédier à un dysfonctionnement du transport naturel de sédiments de nature à remettre en cause les usages mentionnés au II de l'article L. 211-1 du code de l'environnement53(*), à empêcher le libre écoulement des eaux ou à nuire au bon fonctionnement des milieux aquatiques ;

- lutter contre l'eutrophisation54(*) ;

- aménager une portion de cours d'eau, canal ou plan d'eau en vue de créer ou rétablir un ouvrage ou de faire un aménagement.

Au cours des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, de nombreuses voix se sont exprimées pour réclamer des opérations de curage des cours d'eau, au motif que cette pratique permettrait d'augmenter leur capacité hydraulique et, ainsi, de prévenir les risques d'inondation. À titre d'exemple, comme le souligne la mission d'inspection CGAAER/IGEDD précitée, la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais a indiqué dans un fascicule en mars 2024 que « le phénomène pluvieux s'est ajouté à la difficulté déjà existante d'évacuation de l'eau à la mer pour de multiples raisons : relief inexistant, défaut d'entretien du réseau hydraulique, sous-dimensionnement voire défaillance des pompes des wateringues, maintien en eau de zones d'agrément », document qui affirme que « la première action doit être l'entretien et le curage du réseau des voies d'eau »55(*).

Or, les effets bénéfiques du curage des cours d'eau pour la lutte contre les inondations sont largement contestés. Plus encore, le curage aurait dans la grande majorité des cas des effets néfastes en termes de gestion des crues, comme l'ont souligné de nombreux acteurs entendus par les rapporteurs.

L'Agence de l'eau Rhin-Meuse a par exemple mis en avant que le curage est rarement pertinent pour prévenir des inondations, et qu'il peut même constituer un facteur d'aggravation important : « sur des cours d'eau sans pente ou à l'écoulement bloqué par un ouvrage, le curage amène dans la plupart des cas à une forte dégradation des milieux et se transforme souvent en recalibrage qui entraîne envasement, envahissement végétal et inondation... ». Elle précise que « les dernières inondations ont été liées à de fortes pluviosités difficiles à gérer dans tous les cas. Des curages drastiques (comme cela a souvent été pratiqué) amènent non seulement au développement d'érosions régressives, d'enfoncement des lits de cours d'eau et surtout de dégradations très fortes de milieux ». Cet acteur préconise de « garder un gabarit naturel permettant de favoriser l'auto-curage du cours d'eau et d'orienter les maîtres d'ouvrage vers des programmes de restauration morphologique et écologique des cours d'eau », pour remédier aux dégradations causées avant les années 1990 par des programmes de curage et recalibrage des cours d'eau.

De même, le Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse met l'accent sur la nécessité d'un bon diagnostic préalable, indiquant que « des travaux de curage peuvent s'avérer nécessaires lorsque la pente et le débit d'un cours d'eau sont insuffisants localement ou temporairement pour remobiliser les sédiments arrivant de l'amont, provoquant l'élévation du lit de la rivière et par conséquent des débordements vers des secteurs habités ». Il souligne que ces travaux de curage ont cependant « des impacts forts sur l'équilibre dynamique du cours d'eau et sur les milieux aquatiques associés. Les impacts directs sont liés aux travaux eux-mêmes qui vont fortement perturber les milieux aquatiques pendant toute leur durée (dérangement des espèces, remise en suspension de plus ou moins gros volumes matériaux fins, etc.). Des impacts indirects concernent généralement une dégradation plus ou moins durable des habitats aquatiques et un éventuel déficit sédimentaire en aval, pouvant initier des processus d'érosion. Ils peuvent aussi accélérer trop fortement les écoulements avec des risques de déplacement des risques d'inondation à l'aval. Ces impacts seront d'autant plus marqués que les travaux de curage seront étendus, intenses, récurrents. Il est donc important de réserver ces opérations à des situations où les aléas d'aggravation des inondations sont avérés et où les enjeux le justifient ».

L'Agence de l'eau Adour-Garonne estime quant à elle que l'idée selon laquelle le curage des cours d'eau contribuerait à résoudre les problèmes d'inondation relève d'un « inconscient collectif ». Selon elle, si cette solution peut être envisagée ponctuellement et de manière très encadrée, « elle est, de loin, plus préjudiciable que bénéfique quand elle est opérée sur de longs linéaires ». Elle indique que « les territoires qui ont été impactés par les prélèvements de sédiments dans le lit des cours d'eau en paient encore aujourd'hui les conséquences (cf. gave de Pau et Adour). Les mesures démontrent que les lits de ces cours d'eau sont encore enfoncés et victimes de déficit sédimentaire. La conséquence principale est que les crues de plein bord sont plus puissantes et plus dévastatrices. Le curage est complètement contraire aux mesures de ralentissement de l'écoulement préconisées dans la plupart des PAPI ».

Entendue par les rapporteurs, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) admet que ce sujet est loin de faire l'unanimité et que les techniques d'entretien des cours d'eau doivent faire l'objet d'une analyse fine à l'échelle des bassins versants, avec l'appui technique des syndicats mixtes spécialisés dans la gestion des milieux aquatiques (EPAGE/EPTB) ou des préfets coordonnateurs de bassin en l'absence de telles structures. Elle indique que « laisser entendre que le curage serait la solution aux problèmes d'inondation serait une erreur ».

La mission d'inspection CGAAER/IGEDD confirme ce constat, en indiquant qu'elle « conteste qu'il faille faire du curage des cours d'eau un préalable général » et que son opportunité et ses modalités de réalisation « doivent être établies dans le cadre d'un plan de gestion global intégrant des réflexions sur l'efficacité et les impacts éventuels sur l'amont et sur l'aval »56(*).

Les rapporteurs soulignent la nécessité d'un travail de pédagogie de la part des services de l'État vis-à-vis des acteurs locaux (élus, agriculteurs et particuliers), pour expliquer le fonctionnement hydraulique des cours d'eau et les impacts du curage sur les milieux et les risques de crue et d'érosion des sols.

(3) Procédures administratives applicables à la gestion des cours d'eau : une appropriation difficile pour les élus locaux

Pour rappel, l'entretien d'un cours d'eau (lit et berges) revient en premier lieu aux propriétaires riverains, en application de l'article L. 215-14 du code de l'environnement. Lorsque le cours d'eau est domanial, c'est-à-dire qu'il relève du domaine public de l'État, l'entretien de son lit incombe à l'État tandis que les riverains demeurent responsables de celui des berges.

En application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, les collectivités territoriales, leurs groupements et syndicats mixtes compétents en matière de gestion des milieux aquatiques peuvent se substituer aux propriétaires riverains pour assurer l'entretien d'un cours d'eau et intervenir sur des parcelles privées. Dans ce cas, en application de l'article L. 215-15 de ce code, ils peuvent procéder à des opérations d'entretien groupé, dans le cadre d'un plan de gestion établi à l'échelle d'une unité hydrographique cohérente et approuvé par l'autorité administrative.

Or, d'après les informations recueillies par les rapporteurs, la couverture des cours d'eau non domaniaux par des plans de gestion élaborés par les collectivités territoriales et leurs groupements est loin d'être systématique, alors même que les propriétaires privés ne respectent pas toujours leurs obligations d'entretien. À l'échelle du territoire national, la situation semble hétérogène : si, selon l'Agence de l'eau Seine-Normandie, les cours d'eau du bassin de l'Artois sont globalement bien entretenus et couverts par des plans de gestion, il n'en va pas de même de l'ensemble du territoire. Les rapporteurs n'ont toutefois pu dresser un état des lieux précis de cette couverture, les données étant particulièrement fragmentaires.

Au fil de leurs travaux, les rapporteurs ont identifié plusieurs facteurs pouvant expliquer certaines carences en matière d'entretien des cours d'eau pour ce qui concerne les collectivités territoriales.

Premièrement, les auditions et déplacements menés par les rapporteurs ont fait ressortir une appropriation difficile et imparfaite des règles encadrant la gestion des cours d'eau parmi les élus locaux.

Selon leur nature, les interventions dans les cours d'eau peuvent être ou non soumises à une procédure administrative préalable (déclaration ou autorisation). Au titre de la loi sur l'eau, les opérations d'entretien régulier ne sont soumises à aucune procédure préalable. Cela concerne l'enlèvement des embâcles, manuellement ou à l'aide d'engins (à condition d'intervenir exclusivement à partir de la berge), l'élagage des arbres à partir du cours d'eau ou de la berge ainsi que le recépage, l'enlèvement d'atterrissements localisés et de bouchons localisés qui peuvent se former en sortie de drain. Si les collectivités territoriales, leurs groupements ou syndicats mixtes se substituent à des propriétaires privés pour effectuer cet entretien, leur intervention doit être préalablement validée par le préfet à travers une déclaration d'intérêt général.

Exemples d'opérations d'entretien régulier d'un cours d'eau non soumis
à procédure administrative

Source : site internet de l'Office français de la biodiversité

Les propriétaires riverains ne peuvent cependant s'exempter des procédures administratives applicables en vertu d'autres dispositions juridiques, comme en matière de préservation des espèces protégées et de leurs habitats.

En revanche, les interventions sur les cours d'eau allant au-delà de l'entretien régulier sont soumises à des procédures administratives (selon les cas, à déclaration préalable ou autorisation). Cela concerne notamment le curage des cours d'eau, l'aménagement dans le cours d'eau d'un ouvrage constituant un obstacle à l'écoulement des eaux ou à la continuité écologique de plus de 20 cm de hauteur ou encore le drainage des terres sur une surface supérieure à 20 hectares.

Exemples d'interventions dans un cours d'eau nécessitant
le dépôt d'un dossier préalable

Source : site internet de l'Office français de la biodiversité

Un décret du 31 janvier 202457(*) a simplifié la procédure administrative applicable aux opérations de curage ponctuelles menées par les collectivités territoriales dans le cadre d'une phase de restauration d'un plan de gestion du cours d'eau : le décret indique que ces opérations, dès lors qu'elles ont pour objectif de remédier à un dysfonctionnement du transport naturel des sédiments de nature à empêcher le libre écoulement des eaux ou à nuire au bon fonctionnement des milieux aquatiques ou de lutter contre l'eutrophisation, constituent des interventions « ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques ». Cette modification est à mettre en regard de la nouvelle rubrique de la nomenclature « IOTA », introduite en septembre 202358(*), qui soumet cette catégorie d'interventions à une simple déclaration.

Des dérogations à ces règles de droit commun sont toutefois possibles en cas d'urgence, selon certaines conditions strictement encadrées par la loi. Ainsi, en application des articles L. 214-3 et R. 214-44 du code de l'environnement, les travaux destinés à prévenir un danger « grave et immédiat présentant un caractère d'urgence » peuvent être entrepris sans que soient présentées à l'administration les demandes d'autorisation ou déclarations auxquelles ils sont en principe soumis. Il est cependant nécessaire que le préfet en soit immédiatement informé et celui-ci doit notamment déterminer les moyens de surveillance et d'intervention adéquats dont doit disposer le maître d'ouvrage en cas d'incident. Cette procédure d'urgence emporte dérogation aux procédures d'enquête publique, d'évaluation environnementale, de déclaration d'intérêt général et d'autorisation environnementale.

Lors de leurs déplacements dans le Pas-de-Calais et dans les Alpes du Sud (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes), les rapporteurs ont pu constater que la distinction entre ces différents régimes juridiques était souvent mal appréhendée, voire méconnue, par de nombreux élus locaux. Nombre d'entre eux ont en effet exprimé des difficultés à distinguer précisément ce qui relève de l'entretien régulier au regard de la loi sur l'eau de ce qui excède ce type d'intervention et est donc soumis à une procédure administrative préalable. Ce sentiment d'opacité vaut également pour le champ des travaux qui peuvent ou non être conduits dans le cadre de la procédure d'urgence prévue à l'article R. 214-44 précité. Face à cette incertitude, des élus rencontrés par les rapporteurs ont fait part d'une tendance, parmi eux, à privilégier l'inaction par crainte de faire l'objet de procédures contentieuses en cas de mauvaise application des procédures « loi sur l'eau ». Ils expriment unanimement un souhait d'être davantage informés par les services de l'État sur les règles applicables aux différentes opérations de gestion des cours d'eau, et souhaitent que l'administration déconcentrée et les opérateurs de l'État soient davantage dans une posture d'accompagnement des élus sur ces sujets, plutôt que dans une stricte démarche de contrôle et de sanction.

Au demeurant, ce manque de clarté existe aussi s'agissant de la distinction entre les fossés et les cours d'eau et des procédures administratives qui en découlent. Tandis que la définition des cours d'eau figure depuis 2016 dans le code de l'environnement (article L. 215-7-1), ce n'est pas le cas de celle des fossés. Les fossés constituent en principe des ouvrages artificiels permettant l'évacuation des eaux de drainage ou de ruissellement. En creux, on peut considérer que la notion de fossé comprend tout ce qui ne relève pas de la définition d'un cours d'eau. Toutefois, en pratique, cette incertitude juridique peut nuire à l'engagement d'opérations d'entretien ou de travaux, faute de pouvoir déterminer facilement le cadre juridique applicable.

Deuxièmement, de nombreux élus ont évoqué des procédures administratives souvent trop lourdes dans leur mise en oeuvre.

S'agissant de la longueur des délais d'instruction administrative des demandes d'intervention dans les cours d'eau, la situation semble hétérogène selon les territoires et le type d'intervention concerné. À titre d'exemple, le Comité de bassin Adour-Garonne a indiqué que sur son territoire, « dans les faits, les services instructeurs de l'État ne sont pas bloquants dans le traitement des demandes déposées visant du curage “raisonnable et mesuré” », précisant que « le délai moyen d'instruction est de moins d'une semaine (2 jours généralement) sur le bassin de l'Adour ». En revanche, de nombreux élus locaux ont fustigé des délais manquant particulièrement de célérité.

En outre, une convergence de témoignages recueillis sur le terrain fustige un dualisme trop accentué entre les procédures administratives applicables en situation normale et en situation d'urgence. La procédure prévue à l'article R. 214-44 du code de l'environnement est en effet limitée dans son champ d'application : elle permet uniquement de réaliser des travaux destinés à prévenir un danger « grave et imminent » en période de crise, comme lors d'une crue. En dehors de ce cas de figure, les interventions dans le cours d'eau sont en principe soumises aux procédures administratives de droit commun.

À la suite des graves inondations qui ont frappé le nord de la France, une procédure dérogatoire a été instaurée dans les départements du Pas-de-Calais, du Nord et de la Somme, pour faciliter la réalisation de travaux d'urgence. Ses conditions de mise en oeuvre ont été précisées par une instruction du préfet de la région Hauts-de-France aux différents préfets de département concernés par les inondations, le 11 janvier 2024. Sont concernés les travaux visant à prévenir un danger imminent, mais également à « faire cesser un désordre mettant en jeu la sécurité publique (effondrement d'une berge, travaux sur un pont, colmatage de brèches, envasement excessif, réparation d'ouvrages de protection etc.) ainsi que, de façon exceptionnelle et afin de minimiser les impacts possibles de nouveaux épisodes pluvieux avant le printemps, des travaux de curage sans modification du profil hydraulique, dans un objectif de retour à la normale ». Ce champ d'application semble aller plus loin que celui prévu aux articles L. 214-3 et R. 244-14 du code de l'environnement, qui ne permet, stricto sensu, la réalisation de travaux d'urgence que pour faire face à un danger immédiat.

Pour l'ensemble de ces opérations, une simple information préalable à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la part du maître d'ouvrage était nécessaire avant le début des opérations. Un bilan devait être transmis à la DDTM dès la fin des interventions. Cette procédure n'était applicable que de façon temporaire, jusqu'au 31 mars 2024.

Dans son rapport remis en mai 2024, la mission d'inspection CGAAER/IGEDD préconise de modifier l'article L. 214-3, pour y faire explicitement figurer les travaux destinés à remédier à des inondations d'ampleur inédite et ceux destinés à prévenir le retour à court-terme de tels évènements, sur le modèle de ce qui a été pratiqué dans les Hauts-de-France. Les rapporteurs sont très favorables à une telle évolution.

Au demeurant, ils estiment nécessaire d'aller plus loin pour réduire le dualisme de procédure administrative entre période « normale » et période de crise, au profit d'une meilleure prévention des inondations. Ils proposent de mettre en place un dispositif permettant, en dehors des circonstances de danger grave et immédiat mentionnées à l'article L. 214-3 du code de l'environnement, une instruction accélérée par les services de l'État des demandes de travaux permettant de prévenir les dangers liés à la survenance d'une crue, comme des enlèvements d'embâcles nécessitant une intervention dans le lit du cours d'eau avec un engin. Ce dispositif devrait permettre de déroger à certaines procédures administratives (enquête publique, évaluation environnementale, déclaration d'intérêt général, autorisation environnementale) ou, a minima, de les mettre en oeuvre dans des délais rapides et encadrés.

Saisi par un maire ou par l'autorité gémapienne d'une demande d'intervention, le préfet devrait indiquer, dans un délai maximal (par exemple 24 à 48 heures), si les travaux proposés sont éligibles ou non à la procédure d'instruction accélérée. La liste des opérations éligibles de même que le délai pour indiquer si les travaux relèvent ou non de la procédure d'urgence et celui pour instruire ces demandes seraient fixés par voie réglementaire. Les opérations concernées devraient être mises en oeuvre dans le respect de prescriptions particulières définies par les services de l'État.

Pour les rapporteurs, cette recommandation s'inscrit dans un objectif clair : parvenir à une gouvernance des cours d'eau intégrant davantage la résilience face aux risques, grâce à un plus juste équilibre entre les impératifs de préservation des milieux aquatiques et ceux de protection des personnes et des biens face aux inondations.

À plus long terme, les rapporteurs jugent pertinente la proposition59(*), formulée par la mission d'inspection IGEDD/CGAAER précitée, tendant à exempter de démarche administrative les travaux d'entretien des cours d'eau réalisés en déclinaison d'un programme général de gestion et d'entretien des cours d'eau ayant reçu l'accord de l'administration. Une telle évolution serait complémentaire de celle des rapporteurs et s'inscrirait dans une temporalité différente (la proposition des rapporteurs visant les travaux d'entretien urgents et imprévus, or période de crise, tandis que celle de la mission d'inspection faciliterait les travaux d'entretien de nature prévisible). Elle permettrait en outre d'encourager l'élaboration de plans de gestion et d'entretien des cours d'eau, à condition qu'un soutien adapté soit apporté en ce sens aux collectivités territoriales par les services de l'État.

Enfin, le manque de moyens techniques et humains à disposition des élus est un réel obstacle à la définition et à la conduite d'opérations de gestion des cours d'eau appropriées, en particulier au sein des collectivités territoriales de petite taille.

Ce point a été souligné par de nombreux élus locaux lors des travaux des rapporteurs, notamment lors de leur déplacement dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans les Hautes-Alpes. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a d'ailleurs reconnu que, bien souvent, les ressources financières, mais également humaines dont disposent les collectivités territoriales pour mettre en oeuvre la compétence Gemapi ne sont pas en adéquation avec les enjeux de la compétence, comme cela sera détaillé infra.

Afin d'accompagner la mise en oeuvre de cette compétence, les rapporteurs préconisent de prévoir la mise à disposition, par les services de l'État, de ressources humaines spécialisées dans la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (hydrologues et ingénieurs en particulier). Dans chaque département exposé à un risque inondations, les services de la préfecture de département (par exemple les DDT et DDTM) seraient ainsi chargés d'apporter un appui technique renforcé à la mise en oeuvre de cette compétence auprès des structures gémapiennes qui en expriment le besoin.

Ce dispositif pourrait également permettre d'accompagner les autorités gémapiennes dans l'élaboration de plans de gestion pluriannuels des cours d'eau, sur les territoires où ils ne sont encore qu'imparfaitement déployés.

Recommandation n° 1 : Améliorer et faciliter la gestion des cours d'eau pour mieux prévenir les inondations à travers :

- la clarification par les services de l'État (au profit des collectivités territoriales, mais également des acteurs agricoles et des riverains) de la distinction entre les différents régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau ;

- l'ajout explicite au régime de travaux d'urgence dans les cours d'eau (articles L. 214-3 et R.214-44 du code de l'environnement) des travaux d'entretien visant à remédier à une inondation grave et à minimiser les impacts de nouvelles inondations ;

- l'instauration d'une procédure d'instruction simplifiée et accélérée des demandes d'intervention préventive dans les cours d'eau qui serait à la main du maire et de l'autorité gémapienne, directement instruite par le préfet dans un délai maximal défini par voie réglementaire ;

- la mise en place, au niveau des préfectures de département, d'une cellule dédiée à l'information et l'accompagnement des autorités gémapiennes pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'actions destinées à améliorer la gestion des cours d'eau dans l'objectif de mieux prévenir les risques d'inondation.

b) Le réseau fluvial de l'État, un levier de gestion des crues à mobiliser davantage
(1) Voies navigables de France (VNF) : un réseau et des ouvrages à entretenir, au profit de la régulation des crues sur le territoire

Voies navigables de France (VNF), opérateur national du transport fluvial, a la charge de gérer, exploiter et entretenir un vaste réseau, composé de 6 700 kilomètres de fleuves, rivières canalisées et canaux artificiels, ainsi qu'un parc d'environ 4 000 ouvrages, associant ouvrages de stockage (50 barrages-réservoirs représentant environ 150 millions de m3), un réseau de digues et des ouvrages de régulation (barrages de rivières). Ce réseau traverse ou connecte de nombreux territoires à risque d'inondation (TRI) et des territoires faisant face à des déséquilibres quantitatifs de la ressource en eau.

Cartographie du réseau fluvial géré par VNF

Source : VNF

Le tableau ci-après recense, au 1er janvier 2024, les ouvrages de VNF par fonction et par nature.

Source : réponses de VNF au questionnaire écrit des rapporteurs

Ainsi que le souligne VNF, bien que cela ne constitue pas leur vocation principale, les ouvrages de ce réseau peuvent concourir à limiter les impacts des crues sur les territoires.

En période de crue, les barrages sont abaissés afin de laisser l'eau s'écouler. Ces manoeuvres sont effectuées en lien avec les préfectures, en suivant des protocoles précis.

Sur le Rhin, en revanche, la gestion des crues suit une procédure particulière, prévue par une convention franco-allemande de 198260(*) : les mesures de protection des populations et des biens sont mises en oeuvre grâce à des bassins de rétention, côté allemand et français, selon des conditions de déclenchement définies dans un document validé par une commission franco-allemande. VNF est un acteur important de ce dispositif, notamment à travers l'exploitation des polders d'Erstein et de la Moder et la surveillance de la digue de fermeture de la zone de rétention du barrage agricole de Strasbourg/Kehl située sur le territoire français.

Dans le cadre de ses missions, VNF noue des partenariats avec les agences de l'eau et certaines instances territoriales liées à la gestion de l'eau, comme les comités de bassin. En période de crue, l'établissement se coordonne avec le Service central d'hydrométéorologique et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI). Il s'appuie également sur un partenariat avec Météo-France pour disposer de données météorologiques en temps réel pour chaque bassin versant, pour favoriser une gestion anticipée du réseau navigable.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, le rôle de VNF en matière de gestion hydraulique présente certaines spécificités.

Le rôle de VNF dans la gestion du réseau hydraulique du Nord et du Pas-de-Calais

Le réseau de VNF dans le Pas-de-Calais est particulièrement dense, et soumis à un contrôle étroit.

Il est équipé de 120 capteurs permettant de connaître, en temps réel, la hauteur d'eau dans les rivières et canaux gérés par l'établissement. Ces données sont consolidées dans un outil de suivi afin de garantir une réaction rapide si un évènement hydraulique le justifie et d'anticiper les évènements futurs, à partir d'études des historiques de crues et d'étiage et de simulations.

Lors de situations particulières, l'établissement met en place un suivi rapproché des phénomènes météorologiques, des niveaux d'eau dans les canaux, des débits des affluents et des marées, pour anticiper les évolutions probables à court et moyen terme. Il s'appuie à cet effet sur les données fournies par Météo France, par les services de l'État et par d'autres partenaires implantés sur le territoire. Grâce à ces informations, VNF est en mesure de mettre en oeuvre des mesures préventives pour atténuer les effets d'un épisode météorologique (par exemple, abaisser les niveaux d'eau).

La gestion du réseau de VNF dans le Pas-de-Calais est encadrée par des protocoles de gestion des eaux, élaborés en concertation avec le territoire et signé par les commissions locales de l'eau, les sections de wateringues61(*), l'institution intercommunale des wateringues et les services de l'État. Ces documents précisent notamment les conditions dans lesquelles VNF peut assurer le transfert d'eau entre plusieurs bassins de sa propre autorité, dans le respect de certains seuils précis. Au-delà de ces seuils, les décisions sont prises par le préfet.

Ce réseau est en outre soumis à de fortes contraintes externes, de plusieurs natures.

D'une part, il est fortement contraint à l'amont : il recueille 80 % des eaux de ruissellement du Nord et du Pas-de-Calais et constitue donc l'exutoire essentiel des cours d'eau du territoire. Le réseau est soumis aux risques de crues des principales rivières qui l'alimentent (l'Aa, la Hem, la Lys, mais également un grand nombre d'affluents), sur laquelle VNF n'a pas de prise.

Les canaux artificiels subissent en outre les rejets issus des ruissellements des territoires riverains, que l'artificialisation des bassins versants a sensiblement accrus ces dernières décennies. Ainsi que l'a indiqué VNF aux rapporteurs, « en période de crue, leur quantité peut être telle que certaines sections du réseau de VNF font office, alors qu'elles ne sont pas conçues pour cela, de zone d'expansion ou de rétention des eaux. [...] Dans certaines conditions, mettant en jeu la stabilité des digues, le canal [d'Aire entre l'écluse de Cuinchy et l'écluse de Fontinettes] peut être amené à stocker jusqu'à 1,6 million de md'eau. Au-delà, pour éviter les ruptures de digues et la mise en danger grave des populations concernées, le renvoi d'eau vers l'aval (vers la Lys et l'Aa) est indispensable : il est décidé sous l'autorité du préfet ».

D'autre part, le réseau est contraint à l'aval, par la capacité des ouvrages d'évacuation des eaux à la mer du Delta de l'Aa. Or, les ouvrages de rejet à la mer sont la propriété de l'Institution Intercommunale des Wateringues (IIW) et sont manoeuvrés par les autorités portuaires à Mardyck (Grand port maritime de Dunkerque), Gravelines et Calais. Ces ouvrages ont en outre une capacité limitée :

- à Calais, deux stations de pompages (Calais-Port et Calais-Batellerie) permettent d'évacuer 12m3/s ;

- à Gravelines, les écoulements s'effectuent de façon exclusivement gravitaire, à marée basse. Lorsque les ouvrages sont ouverts, jusqu'à 25m3/s peuvent être évacués à marée basse. La moyenne journalière effective est de l'ordre de 10 à 12m3/s ;

- à Mardyck, 6 pompes de l'IIW permettent d'évacuer jusqu'à 25,2 m3/s. Dans l'écluse de Mardyck, propriété du grand port maritime de Dunkerque (GPMD), deux pompes supplémentaires permettent d'évacuer 20 m3/s. VNF souligne que ces pompes n'ont pas été destinées à la gestion des inondations, mais sont employées à la prévention des intrusions salines dans le fonctionnement courant de cette écluse à la jonction du réseau fluvial et du bassin portuaire. Il indique qu'en situation de crise, il y est toutefois de plus en plus fréquemment fait recours.

Cette capacité est à mettre en perspective des apports reçus par le territoire desservi par les ouvrages de Gravelines et Mardyck, qui ont atteint jusqu'à 85m3/s pour l'Aa, et 40 m3/s pour la Hem, au plus fort des évènements pluvieux de novembre et janvier 2024. Dans ce contexte, un redimensionnement des capacités de pompage sera vraisemblablement nécessaire dans les prochaines années.

Enfin, la capacité de rejet à la mer est fortement dépendante des marées, les évacuations par écoulement gravitaires étant limitées en marée de mortes eaux, c'est-à-dire lorsque le différentiel entre marée haute et marée basse est faible.

Source : VNF

Ainsi que l'a rappelé VNF, le réseau et les infrastructures gérées par cet établissement n'ont pas été en cause dans les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

Au demeurant, les ouvrages de gestion hydraulique de VNF sont aujourd'hui dans un état préoccupant : l'état fonctionnel des ouvrages présentant le plus d'enjeux (écluses et barrages) se caractérise en effet par « une faible proportion d'ouvrages dans un état satisfaisant (classes I et II, entre 10 et 20 %) et une écrasante prédominance des ouvrages dans un état insatisfaisant (classes III et IV, entre 80 % et 90 %) » comme l'a indiqué l'opérateur. Il ajoute : « l'ensemble de ce réseau souffre d'un sous-investissement historique, qui se traduisait en 2022 par un indice d'état fonctionnel de 2,85 sur 4, caractérisant un état moyen à mauvais pour les barrages et écluses exploités par VNF. Cet état de dégradation du réseau se traduit par diverses conséquences : incidents à répétition sur certains ouvrages, réduction des niveaux de service, notamment pour ce qui concerne les systèmes alimentaires des canaux artificiels ou encore risques dans l'utilisation de moyens humains pour l'exploitation de barrages manuels. »

Dans ce contexte, un accent particulier doit être mis sur la régénération, l'entretien et la modernisation du réseau de VNF. À ce titre, les rapporteurs se réjouissent de la place accordée aux missions de gestion hydraulique dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) de VNF, signé en 2021, qui comporte des objectifs et une trajectoire d'investissement ambitieuse en faveur du réseau à horizon 2030 (90 millions d'euros par an d'investissement dans le réseau en 2020, puis 200 millions d'euros en 2021 et 2022, contre moins de 50 millions d'euros en moyenne par an sur la période 2015-2017). Le contrat a en outre été révisé le 22 décembre 2023, afin d'intégrer trois évolutions de trajectoire :

- une stabilisation des effectifs de VNF pour les années 2024 à 2026, après plusieurs années de baisse, en attendant la montée en charge du processus de modernisation de l'exploitation et de la maintenance du réseau (téléconduite des ouvrages notamment) ;

- une hausse progressive de la redevance hydraulique qui alimente les moyens de l'établissement en fonctionnement ;

- enfin, une augmentation des financements issus de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) en faveur de l'investissement dans le réseau, « permettant à l'établissement de mettre en oeuvre le projet de modernisation de l'exploitation et de la maintenance, sans sacrifier la régénération du réseau ».

Ces évolutions sont certes positives, mais une vigilance renforcée est nécessaire pour garantir l'amélioration de l'état du réseau de VNF dans la durée. Outre les trajectoires d'investissement, le budget de fonctionnement de l'établissement doit faire l'objet d'une attention particulière : selon l'opérateur, il demeure en effet trop faible au regard des besoins d'entretien du réseau pour permettre un maintien des infrastructures en état fonctionnel.

(2) Un réseau fluvial très exposé aux inondations, une résilience à renforcer face au changement climatique

Le réseau fluvial de VNF est régulièrement touché par des épisodes de crues, qui peuvent occasionner des dégâts importants. À titre d'exemple, les crues survenues en mai et juin 2016 dans le bassin de la Seine avaient engendré des coûts de l'ordre de 3,6 milliards d'euros selon VNF, essentiellement pour remettre en état les digues et berges et pour réaliser des opérations de dragage.

VNF estime à 50 millions d'euros les besoins correspondant aux désordres les plus importants causés sur les digues et berges dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais par les inondations de 2023 et du début de l'année 2024, dont 31,5 millions d'euros sur le réseau à grand gabarit et 18,5 millions d'euros sur le réseau à petit gabarit. L'établissement précise qu'il ne dispose pas « au sein de son budget 2024, des moyens nécessaires pour assurer une remise en état des berges exhaustives ». Dans ce contexte, il indique qu'il se concentrera sur les ouvrages présentant « les pathologies les plus importantes affectant des secteurs endigués classés au titre de la sécurité des ouvrages hydrauliques ou sur des secteurs où des effondrements sont susceptibles d'entraver la navigation ». Un soutien supplémentaire de la part des pouvoirs publics serait donc nécessaire à court terme pour permettre une intervention sur les berges dont la détérioration n'a pas d'impact sur la navigation.

Les crues ont en outre provoqué des accumulations localisées de sédiments, dont l'extraction est nécessaire pour permettre le bon écoulement des eaux. À ce titre, les rapporteurs saluent la décision du Gouvernement d'attribuer 5 millions d'euros à VNF pour la conduite de travaux d'urgence, dont 4,5 millions devraient permettre la conduite d'opérations de dragage.

Au-delà des coûts liés aux évènements récents, il importe d'anticiper les effets du changement climatique sur le réseau de VNF.

Éléments transmis par VNF concernant l'impact du changement climatique sur la gestion de son réseau hydraulique

« Les conséquences sur les voies navigables se posent à la fois en termes de robustesse de l'exploitation et de résilience de l'infrastructure elle-même.

Les évolutions des crues à venir sont variables selon les bassins, mais les évènements de pluies plus violents (rapidité et intensité) dans certaines régions pourront conduire à des augmentations des évènements importants pour la sûreté hydraulique (EISH) sur les biefs classés pour la sécurité des ouvrages hydrauliques particulièrement quand ils sont couplés à des épisodes de très basses eaux : apparition de fuites, fontis, glissements de talus, perte d'étanchéité, effondrement d'ouvrages, etc.

La modification des références de crues, aura un impact sur les évolutions des prescriptions réglementaires, obligeant VNF soit à l'abaissement du niveau des barrages réservoirs et donc de la réserve en étiage soit à des investissements de mise en conformité plus importants.

À titre complémentaire, le dérèglement climatique entraînant une hausse du niveau de la mer rendra plus complexe la gestion hydraulique des secteurs en polder tels que le Delta de l'Aa, en limitant les périodes de faible niveau de la mer permettant un rejet des eaux par voie gravitaire et en augmentant la durée des périodes où l'évacuation des eaux ne pourra se faire que par pompage. »

Source : réponses de VNF au questionnaire écrit des rapporteurs

Face à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements climatiques, les ouvrages du réseau nécessiteront un entretien accru. VNF note que des périodes de diminution des niveaux d'eau dans les canaux, plus importantes, plus récurrentes et plus longues, pourront entraîner une fragilisation des berges liée à un vieillissement des matériaux. Si ces phénomènes sont encore mal connus, l'opérateur indique que leurs conséquences sont d'ores et déjà visibles et se matérialisent par une augmentation très importante des fuites voire des brèches. De même, des crues plus fréquentes et violentes entraîneront des submersions ou érosion des digues de canaux et, dans certains cas, des débits dépassant la capacité des canaux engendrant des débordements.

Pour faire face à la multiplication des phénomènes d'inondations, VNF a engagé un programme d'instrumentation et de supervision de son réseau, afin d'améliorer la connaissance en temps réel des débits et hauteurs d'eau, notamment dans le cadre de la gestion de crise.

En outre, la régénération des ouvrages de gestion hydraulique doit constituer une priorité : certains barrages-réservoirs sont en effet exploités à une cote abaissée, du fait de leur vétusté. À ce titre, les rapporteurs saluent l'effort d'investissement de 100 millions d'euros de VNF intégré à la composante régénération de sa trajectoire pluriannuelle d'investissements, qui pourrait permettre, selon cet établissement, de récupérer une capacité de stockage supplémentaire de l'ordre de 23 millions de m3.

Les rapporteurs appellent à la vigilance des pouvoirs publics sur les capacités financières de VNF à faire face aux conséquences du changement climatique sur son réseau.

(3) VNF et autorités gémapiennes : des liens à développer plus amplement

Si la prévention des inondations relève de la responsabilité des collectivités territoriales, de leurs groupements et, le cas échéant, de syndicats mixtes, au titre de la compétence Gemapi, VNF peut être amené à mettre à leur disposition certains de ses ouvrages hydrauliques, dès lors qu'ils sont identifiés comme nécessaires à la constitution d'un système d'endiguement.

La loi dite Maptam62(*) de 2014 a prévu plusieurs modalités de mise à disposition : d'une part, une mise à disposition automatique et le transfert de gestion pour les digues domaniales dont la finalité première est la protection contre les inondations et, d'autre part, une mise à disposition conventionnelle pour les ouvrages dont la finalité première n'est pas la protection des inondations, comme le prévoit l'article L. 566-12-1 du code de l'environnement.

En tant qu'établissement public, VNF est toutefois soumis à un principe de spécialité qui limite son champ d'action aux missions prévues aux articles L. 4311-1 et suivants du code des transports. Outre la gestion, l'exploitation et la maintenance des voies navigables et la gestion du réseau hydraulique, cet opérateur peut concourir « au développement durable et à l'aménagement du territoire, notamment par la sauvegarde des zones humides et des aménagements nécessaires à la reconstitution de la continuité écologique, la prévention des inondations, la conservation du patrimoine et la promotion du tourisme fluvial et des activités nautiques (3° de cet article) ».

Si VNF peut donc contribuer à la prévention des inondations, à travers la régulation des écoulements par la gestion des barrages et écluses dans la limite de leur capacité, il ne lui appartient pas d'assurer la protection des populations face à ce risque. À ce titre, à la suite des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, VNF assurera la remise en état des digues et berges qui ont été endommagées, en priorisant celles ayant un impact sur la navigation, faute de moyens financiers supplémentaires. En revanche, l'établissement a indiqué qu'il n'assurerait pas, bien que certaines collectivités aient pu en faire la demande, le renforcement ni le rehaussement d'ouvrages, qui relèvent strictement de la compétence gémapienne. VNF a indiqué aux rapporteurs que, dans le Pas-de-Calais, « certaines collectivités ont d'ailleurs pris l'initiative, sans autorisation, de rehausser les berges du réseau de VNF, en y apportant des matériaux déposés en cordons afin de constituer des diguettes sur des linéaires parfois importants ». Cette situation témoigne d'un souhait de certaines collectivités territoriales de développer les synergies entre les missions de VNF et la protection des populations face aux inondations.

L'article L. 211-7 du code de l'environnement permet pourtant à VNF d'appuyer les collectivités dans la mise en oeuvre de la compétence Gemapi : il prévoit en effet que cette compétence peut être exercée par VNF sur le domaine dont la gestion lui a été confiée.

VNF indique cependant que, en pratique, la mise en oeuvre de cette faculté reste limitée à plusieurs titres :

- la trajectoire financière prévue par le COP, révisé en 2023 pour la période 2023-2032, ne prévoit « ni priorité, ni moyens à consacrer aux interventions de protection contre les inondations » ;

VNF n'a pas accès aux fonds spécifiques susceptibles de financer ce type d'interventions, comme le Fonds national de prévention des risques naturels majeurs (FNPRNM, dit « Fonds Barnier ») et le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « Fonds vert » ;

- enfin, VNF finance les travaux dont il assure la maîtrise d'ouvrage sans pouvoir solliciter un remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA qu'il acquitte pourtant. Il dispose donc d'une capacité d'action de 20 % inférieure environ à celle d'une collectivité dont les investissements sont éligibles au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA).

Dans ce contexte, les rapporteurs jugeraient pertinent de doter VNF de moyens financiers et humains adaptés, pour lui permettre d'accompagner les collectivités territoriales dans la mise en place de systèmes d'endiguement et, ainsi, de contribuer davantage à la résilience des territoires face au risque d'inondation.

Ce partenariat se traduirait par la conclusion de conventions entre VNF et des autorités gémapiennes, afin de définir des objectifs partagés et des sources de financement.

Recommandation n° 2 : Adapter les moyens à disposition de VNF pour contribuer à la prévention des inondations sur le territoire, en :

- lui assurant des moyens adéquats pour assurer l'entretien et la régénération de ses ouvrages hydrauliques, en tenant compte des effets du changement climatique sur les risques d'inondation et, en conséquence, sur l'état du réseau à long terme ;

- dotant l'établissement de moyens humains et financiers dédiés et inscrits dans le COP pour appuyer les collectivités dans leurs missions de protection des populations face aux inondations.

2. Faire de la compétence Gemapi un véritable levier de prévention des inondations, en assurant une réelle solidarité territoriale
a) État des lieux de la Gemapi : une mise en place encore contrastée

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a attribué aux EPCI à fiscalité propre une nouvelle compétence dite « Gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations » (Gemapi). Par la suite, l'article 12 de la loi n° 2015-991 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015 a rendu cette compétence exclusive aux EPCI.

Le transfert de la compétence a été opéré plusieurs années plus tard, le 1er janvier 2018. Pour faciliter l'exercice de cette nouvelle compétence, une loi du 30 décembre 201763(*) a introduit des aménagements ayant vocation à introduire plusieurs souplesses relatives au titulaire de la Gemapi :

- les départements et les régions ont la possibilité de continuer à exercer certaines missions en accord avec les EPCI bénéficiaires ;

- les régions et les départements peuvent financer les actions Gemapi portées par les communes, les EPCI ainsi que les syndicats fermés ;

- enfin, les régions et les départements peuvent apporter une assistance technique.

La Gemapi n'a pas vocation à transférer aux EPCI toutes les compétences relatives à l'eau, mais seulement celles pour lesquelles le périmètre intercommunalité est considéré comme l'échelle de mise en oeuvre la plus pertinente, et pour lesquelles il est estimé qu'elles nécessitent un outil de financement dédié. L'article L. 211-7 du code de l'environnement définit ainsi les actions entreprises dans ce cadre au travers d'« items » :

- l'aménagement des bassins hydrographiques ;

- l'entretien et l'aménagement des cours d'eau et lac ;

- la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ;

- la défense contre les inondations et les submersions marines.

Il n'y a pas de séparation stricte entre ces actions - par exemple, l'entretien et l'aménagement des cours d'eau peuvent bien entendu être menés dans un objectif de lutte contre les inondations. En revanche, les enjeux liés au petit cycle de l'eau, comme l'approvisionnement en eau ou l'assainissement et la gestion des eaux pluviales, ne relèvent pas de la compétence Gemapi.

Seules les actions relevant du grand cycle de l'eau sont incluses dans la Gemapi, mais elle ne les comprend pas toutes : la gestion de la biodiversité, de la qualité et de la ressource en eau, demeurent en dehors de la compétence.

Répartition des missions du grand cycle de l'eau prévue par l'article L. 211-7 du code de l'environnement

Compétence Gemapi

Compétence hors Gemapi

1. L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique.

 

2. L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau.

 
 

3. L'approvisionnement en eau potable.

 

4. La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols.

5. La défense contre les inondations et contre la mer.

 
 

6. La lutte contre la pollution.

 

7. La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines.

8. La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides, ainsi que des formations boisées riveraines.

 
 

9. Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile.

 

10. L'exploitation, l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants.

 

11. La mise en place et l'exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques.

 

12. L'animation et la concertation dans les domaines de la prévention du risque d'inondation ainsi que de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins, ou dans un système aquifère.

Source : mission conjointe de contrôle, d'après la mission d'information sur la gestion durable de l'eau et le
rapport annuel de 2023 de la Cour des comptes

Les intercommunalités peuvent exercer la Gemapi en régie, ou opérer des délégations et des transferts de la compétence. Le transfert est possible aux établissements publics de gestion et d'aménagement de l'eau (EPAGE), aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ou aux syndicats mixtes de droit commun. La délégation est en revanche autorisée seulement aux EPAGE et aux EPTB64(*).

Les établissements publics de gestion et d'aménagement de l'eau (Epage) ont également été instauré en 2014 par la loi Maptam, et ils sont définis comme « un groupement de collectivités territoriales constitué en syndicat mixte à l'échelle d'un bassin versant d'un fleuve côtier sujet à des inondations récurrentes ou d'un sous-bassin hydrographique d'un grand fleuve en vue d'assurer, à ce niveau, la prévention des inondations et des submersions marines ainsi que la gestion des cours d'eau non domaniaux. »65(*) Ils constituent un statut particulier pour les syndicats mixtes qui exercent les missions de la compétence Gemapi.

Créé en 200366(*), l'établissement public territorial de bassin (EPTB) a un rôle d'information, d'animation et de coordination de la gestion des zones humides, de la ressource en eau et de la prévention des inondations à l'échelle des bassins. L'EPTB peut contribuer à l'élaboration et au suivi du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et il assure la cohérence de l'activité de maîtrise d'ouvrages des autorités compétentes en matière de Gemapi. Toujours dans un objectif de souplesse, la loi dite « 3DS » du 21 février 202267(*) a introduit des dispositions permettant aux grands syndicats d'eau d'accéder aux statuts d'Epage et d'EPTB tout en conservant leur personnalité juridique initiale.

Distinction entre les établissements publics de gestion et d'aménagement de l'eau (EPAGE) et les établissements publics territoriaux de Bassin (EPTB)

Groupement

Composition ou regroupement

Échelle

Missions de la Gemapi

Établissement Public de Gestion et d'Aménagement de l'Eau (Epage)

Regroupement d'EPCI-FP

Bassin versant ou sous-bassin hydrographique

- Maîtrise d'ouvrage opérationnelle

- Expertise et capitalisation de connaissance, sensibilisation, communication et animation locale

- Exerce (transfert ou délégation) tout ou partie des missions Gemapi pour le compte des EPCI-FP concernés

Établissement Public Territorial de Bassin (EPTB)

Regroupement d'EPCI-FP et de collectivités territoriales et/ou d'autres acteurs publics ou privés concernés par l'objet du syndicat

Bassin ou groupement de sous-bassins hydrographiques

- Contribution à l'élaboration et au suivi du SAGE

- Coordination de l'activité de maîtrise d'ouvrage des Epage

- Animation et gouvernance locale de la politique de l'eau

- Exerce (transfert ou délégation) tout ou partie des missions Gemapi pour le compte du ou des EPCI-FP concernés

Source : mission conjointe de contrôle, à partir de documents transmis
par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

La compétence Gemapi est sécable à plusieurs niveaux. Un EPCI peut confier à plusieurs structures des missions similaires si elles les exercent sur des parties différentes d'un territoire. La superposition des structures sur un même territoire est également possible, dès lors que les missions sont différentes. En outre, les intercommunalités peuvent conventionner pour mutualiser certaines fonctions, comme l'ingénierie, sans créer de structures dédiées.

Selon les informations transmises par Intercommunalités de France, la sécabilité fonctionnelle et géographique de la compétence Gemapi a été utilisée par de nombreux EPCI. Ainsi, « il en résulte que bien souvent, l'intercommunalité exerce la compétence Gemapi sur une partie du territoire pour une partie des items, et délègue ou transfère la compétence sur une autre partie du territoire pour une partie des items. »68(*)

En particulier, des EPCI se situant sur un territoire particulièrement exposé à des inondations fortes peuvent décider de s'organiser à une échelle plus large, permettant de mutualiser les moyens, tout en décidant de conserver la maîtrise à leur échelle du reste de la compétence Gemapi.

Exemple de répartition territoriale des autorités
compétentes en matière de Gemapi : le bassin Rhin-Meuse

Source : document transmis par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

Note : SI = syndicat intercommunal ; SM = syndicat mixte. On peut remarquer la superposition territoriale de certains établissements : par exemple, les syndicats mixtes de Bruch Mossing et de l'Ehn-Andlau-Scheer exercent sur des zones communes avec le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle.

Il est estimé que plus de 450 syndicats mixtes exercent au moins un des quatre items composant cette compétence. Cependant, la DGCL indique qu'elle ne dispose pas d'autres informations sur les modalités de structuration de la compétence par les collectivités et groupement depuis 201869(*).

b) Le transfert des systèmes d'endiguement aux intercommunalités doit faire l'objet d'un accompagnement renforcé

Les enjeux du volet « Prévention des inondations » (PI) portent en grande partie sur la construction et l'entretien des digues. L'objectif derrière la réforme ayant conduit à l'instauration de la compétence Gemapi était que la gestion de l'ensemble des digues soit transférée au niveau intercommunal. Cependant, en raison de l'ampleur de la tâche, ce transfert a été opéré en plusieurs temps.

Les digues communales ont été transférées aux autorités gémapiennes dès le 1er janvier 2018, en même temps que la compétence. Les digues propriétés des départements et des régions ou de leurs groupements l'ont été entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2020.

La gestion des digues domaniales a été transférée plus tardivement, et le processus ne s'est pas effectué sans heurt. La loi Maptam prévoyait en effet que, pour 10 ans, l'État ou ses établissements publics devaient en assurer la gestion pour le compte des autorités gémapiennes. Elles ont finalement été transférées le 28 janvier 2024. En dépit de ce délai largement différé, des collectivités ont estimé qu'elles n'avaient pas été suffisamment préparées et accompagnées à l'exercice de cette nouvelle responsabilité.

La direction générale de la prévention des risques (DGPR) estime que 204 digues domaniales étaient transférables, ce qui représente 750 km de constructions. Sur ces ouvrages, 35 ont été considérés comme ne représentant pas d'intérêt pour les systèmes d'endiguement des collectivités, et devront être « mis en extinction » par l'État. 169 ouvrages seront donc finalement à la charge des intercommunalités, représentant 706 km de protection. Le transfert des digues domaniales a été systématiquement formalisé par une convention, qui prévoit notamment les modalités d'accompagnement par l'État, et selon la DGPR, l'ensemble des intercommunalités concernées ont effectivement signé une telle convention avant le printemps 2024.

Pour accompagner le transfert et l'exercice des missions relatives à la gestion des digues, le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 a réorganisé les digues en « systèmes d'endiguement »70(*). Il prévoit que chaque système comprend « une ou plusieurs digues ainsi que tout ouvrage nécessaire à son efficacité et à son bon fonctionnement », et il doit protéger un territoire relevant de la compétence d'une intercommunalité (ou de la personne délégataire), qui est délimité à l'aide d'une cartographie.

Le niveau de protection du système d'endiguement, qui désigne le niveau de crue maximale estimé sans que le territoire protégé ne connaisse de venues d'eau, est identifié et justifié par une étude technique, qui ne peut être réalisée que par un bureau d'études agréé pour la sécurité des ouvrages hydrauliques.

Les systèmes d'endiguement sont également divisés en trois classes, déterminées à partir du nombre de personnes protégées. Cette classification a une influence sur les règles applicables ; notamment, l'étude de danger doit être actualisée tous les 10 ans pour les ouvrages de classe A, tous les 15 ans pour ceux de classe B, et tous les 20 ans pour ceux de classe C.

Classification des systèmes d'endiguement

Classe

Population protégée par le système d'endiguement

A

Population supérieure à 30 000 personnes

B

Population comprise entre 3 000 et 30 000 personnes

C

Population comprise entre 30 et 3 000 personnes

Source : mission conjointe de contrôle, d'après le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015

Note : la classe D, qui dans la classification précédente désignait les digues qui protégeaient moins de 10 habitants, et qui dans la classification actuelle aurait dû logiquement désigner les systèmes d'endiguement qui protègent moins de 30 personnes, a été supprimée dans l'objectif d'éviter la construction d'ouvrages trop petits, ceux-ci étant particulièrement difficiles à recenser et à entretenir. Les systèmes d'endiguement protégeant moins de 30 personnes peuvent toutefois être considérés comme étant de classe C si les digues préexistaient.

Plus généralement, l'État contrôle l'application de la réglementation applicable aux systèmes d'endiguement. Ce contrôle s'effectue au moment de l'autorisation environnementale, qui permet d'attester de l'existence du système, ainsi que via des contrôles sur site ou sur pièce, comme le détaille l'encadré suivant.

Le contrôle des systèmes d'endiguement par l'État

Les éventuels travaux de renforcement ou de rehausse des ouvrages sont librement décidés par la collectivité en fonction de son projet de territoire.

Cependant, l'État (direction départementale des territoires - DDT, avec l'appui technique d'un service spécialisé de la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement - Dreal) délivre une autorisation environnementale pour chaque système d'endiguement, afin d'en officialiser l'existence.

Les digues qui entrent dans la constitution des systèmes d'endiguement ayant été historiquement autorisées au titre de la « loi sur l'eau » avant le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015, la procédure administrative par laquelle les autorisations environnementales sont délivrées pour ces systèmes d'endiguement est généralement simplifiée. Le dossier de demande d'autorisation comporte en particulier un document qui décrit l'organisation que le gestionnaire prévoit de mettre en place pour assurer la gestion de l'ouvrage, son entretien et sa surveillance en toutes circonstances (en exploitation normale, lors de périodes de crue et lors de situation d'urgence), en réponse aux exigences règlementaires portant sur la sécurité des ouvrages hydrauliques.

Une fois le système d'endiguement en service, les services de l'État (sous l'autorité du préfet de département, avec l'appui technique du service spécialisé de la Dreal) peuvent procéder à des contrôles sur site ou sur pièce pour s'assurer du respect de la règlementation - notamment le fait que le gestionnaire procède régulièrement au suivi de son ouvrage comme prévu par le dossier de demande d'autorisation, ainsi qu'à des vérifications techniques approfondies de ses ouvrages, ce qui est un gage du maintien dans le temps de la sécurité et de la performance du système d'endiguement.

Source : direction générale de la prévention des risques

Malgré leur échelonnement, le transfert de la gestion des digues ne s'est pas toujours effectué dans des conditions satisfaisantes. Dans certains cas, les intercommunalités n'ont pas été suffisamment accompagnées dans l'exercice de cette nouvelle compétence, et elles ne disposent pas nécessairement des moyens techniques et financiers pour assurer leur entretien.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe du transfert de ces ouvrages aux intercommunalités. L'émiettement de leur gestion entre de nombreux acteurs, à niveaux territoriaux différents, conduisait à un problème d'entretien qui rendait une réforme nécessaire.

En revanche, il est indispensable que les collectivités territoriales disposent de l'ensemble des moyens requis pour assurer leur gestion. L'entretien des digues n'est pas un sujet secondaire, car « une rupture de digue provoque une vague de submersion bien plus dangereuse que l'inondation à laquelle elle était censée soustraire les populations »71(*). Des digues mal entretenues représentent ainsi un véritable risque pour les populations.

Disposer d'un panorama de l'entretien de ces ouvrages est un préalable indispensable pour prioriser celles qui nécessitent rapidement des réparations. Or, la connaissance de l'état des digues sur le territoire est malheureusement encore insuffisante.

En 2018, le Système d'information géographique national pour le contrôle des ouvrages hydrauliques (Siouh) recensait environ 9 300 km de digues, dont 8 800 km de digues fluviales (rivières, lacs, torrents) et 500 km de digues littorales (mer, estuaires). En ce qui concerne les digues littorales, le Cerema inclut dans son recensement d'autres protections côtières, comme les parements et les murs de pierre, ce qui rehausse le linéaire de digues maritimes et ouvrages littoraux à 1 300 km. Ainsi, le Cerema évalue à un peu plus de 10 000 km le linéaire de digues et de défenses contre les inondations en France.

Cependant, la connaissance sur l'état des ouvrages, et en particulier des plus petits d'entre eux, est lacunaire. Le Cerema indique en effet que « Pour ce qui concerne le parc des petits ouvrages et systèmes d'endiguement, celui-ci est encore mal connu »72(*).

À ce sujet, la DGCL a indiqué aux rapporteurs que l'évolution de la comptabilité locale devrait permettre d'avoir une meilleure connaissance des protections face aux inondations. En effet, la nomenclature fonctionnelle qui permet de classer les dépenses des collectivités territoriales par destination identifie les dépenses relatives aux inondations pour la seule nomenclature M57. Or cette nomenclature ne fait l'objet d'une adoption presque généralisée (c'est-à-dire qu'elle est mise en oeuvre par plus de 90 % des communes et intercommunalités) que depuis le 1er janvier 2024, conformément aux objectifs assignés73(*).

Au 1er janvier 2023, seuls 56,54 % des budgets des collectivités éligibles étaient en nomenclature M57, ce qui ne permettait pas d'avoir des données suffisamment précises. En revanche, il sera possible de réaliser un panorama du coût annuel des dépenses d'entretien des digues des collectivités territoriales à partir de 2025 pour l'exercice 2024.

En tout état de cause, le manque de données disponibles sur les petits ouvrages rend actuellement difficile d'objectiver la situation.

Cependant, le consensus est qu'un grand nombre de ces petits ouvrages sont en mauvais état. Le Cerema a ainsi fait part aux rapporteurs que « leur état interroge, du fait d'un entretien et d'une maîtrise d'ouvrage souvent moins aguerrie et disposant de ressources financières ou techniques moins importantes. »74(*) De même, l'association France digues indique que « ces constructions, pour la plupart des très anciennes, sont encore très méconnues et souvent en mauvais état »75(*). Or, les collectivités territoriales, et en particulier les petites communes, ne disposent pas toujours des compétences techniques nécessaires pour l'entretien des ouvrages.

Il est indéniable qu'il existe des dispositifs performants ayant vocation à apporter aux collectivités territoriales un soutien technique, mais ceux-ci ne sauraient remplacer l'exercice direct de la gestion par les collectivités territoriales.

Au niveau territorial, les régions et départements peuvent se positionner en soutien aux communes et intercommunalités, dans le cadre de la loi précitée du 30 décembre 2017. Ainsi, l'Assemblée des départements de France (ADF) indique que : « les départements ont la possibilité de mettre à la disposition des communes ou des intercommunalités à fiscalité propre qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique notamment dans les domaines de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations et de l'aménagement. »76(*)

Au niveau national, des établissements publics sont spécialisés dans le soutien technique aux travaux de prévention et à l'entretien des digues.

Le BRGM dispose d'une expérience solide dans l'identification de la stabilité de digues par géophysique. Il peut ainsi rendre des « avis sur la stabilité » de tel ou tel système d'endiguement à destination des collectivités territoriales.

Le Cerema, quant à lui, apporte une aide aux collectivités pour l'exercice de l'ensemble de la compétence Gemapi, qui se traduit par la réalisation d'études et un appui méthodologique. Il collecte et traite également des données relatives à la prévention des inondations ainsi que des submersions marines.

L'appui du Cerema aux collectivités territoriales

Le Cerema s'est fortement positionné en soutien des collectivités locales pour la mise en oeuvre de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi). Ce soutien s'est concrétisé notamment de deux manières :

- le lancement et le suivi de deux appels à partenaire nationaux, qui ont permis d'apporter des réponses concrètes et innovantes au déploiement de cette compétence.

- la production d'une abondante documentation en appui au déploiement de la compétence (cf. liste en annexe).

Par ailleurs, le Cerema dispose d'un agrément au titre des organismes intervenant pour la sécurité des ouvrages hydrauliques qui lui permet de réaliser des missions d'études et de conseil auprès des gestionnaires de systèmes d'endiguement pour la protection contre les inondations.

Il intervient ainsi pour la réalisation de quelques études de dangers de systèmes d'endiguement (2 ou 3 par an), mais développe surtout les missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage ou d'ingénierie de second niveau afin d'apporter un appui aux services gestionnaires (collectivités ou état déconcentrés) dans la réalisation des études de définition des systèmes d'endiguement, de réalisation des études réglementaires nécessaires à l'autorisation de tels systèmes, comme les études de dangers, ou de travaux d'expertise et de réhabilitation de ces ouvrages.

Le Cerema apporte également un appui méthodologique, de recherche et développement, et un appui scientifique et technique à l'administration centrale du MTE, visant à l'élaboration de nouvelles méthodologies et modalités pour la sécurité des ouvrages hydrauliques, ou à la modernisation de méthodes existantes. Il comprend une aide à l'élaboration, la diffusion et l'évaluation des outils méthodologiques nécessaires pour aider et accompagner les collectivités territoriales compétentes dans la mise en oeuvre des missions de prévention des inondations, ainsi qu'une participation à la diffusion de la connaissance via des colloques, journées techniques, formations professionnelles, groupes de travail, instances nationales ou internationales, dans les associations professionnelles (CFBR, CIGB, France Digues), ou toutes autres formes de diffusion de la connaissance (supports numériques, internet, réseaux, etc.). Dans ses démarches, le Cerema prône une approche systémique et encourage la gestion concertée à l'échelle des bassins versants.

Source : réponses du Cerema au questionnaire écrit des rapporteurs

Voies navigables de France (VNF) peut de la même façon participer à la réalisation d'études, dans l'objectif « d'évaluer le plus en amont possible la compatibilité des ouvrages potentiellement contributifs avec la mission de prévention des inondations »77(*). L'établissement cherche plus généralement à se positionner en partenaire des autorités gémapiennes, tout en n'empiétant pas sur la maîtrise opérationnelle sur les ouvrages, qui relève de la compétence des intercommunalités.

Les comités de bassin et agences de l'eau peuvent également apporter un soutien, notamment en termes de programmation et de coordination. Dans le bassin de Rhône-Méditerranée-Corse par exemple, le comité a défini des principes directeurs dans le SDAGE, afin de « guider les collectivités dans leur choix d'organisation pour l'exercice de la compétence Gemapi : cohérence hydrographique à l'échelle des bassins versants, synergie des actions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, gestion durable des équipements structurants du territoire et renforcement des solidarités financières et territoriales. »78(*) L'Agence de l'eau Rhin-Meuse, quant à elle, a expliqué qu'elle intervenait notamment pour « pour compléter les plans de financement sur les actions PI à fort lien avec les volets « milieux » (reconstitution et gains de zones inondables, zone de ralentissement dynamique des crues - ZRDC - intégrant des actions « biodiversité » et à impact limité sur les milieux) »79(*).

Le soutien apporté par les opérateurs est indispensable, à condition qu'il soit cohérent et qu'il corresponde bien au besoin des collectivités territoriales. À ce titre, le « Programme national ponts », qui désigne un programme mené par le Cerema ayant vocation à identifier l'état des ponts et à aider à leur entretien, peut servir de modèle. Ce programme faisait d'ailleurs suite aux constats et recommandations formulées par un rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de 201980(*). Un programme similaire peut être lancé pour les digues.

Programme national ponts

Initié par le plan de relance en décembre 2020, le Programme national ponts accompagne les collectivités pour une meilleure connaissance et un meilleur entretien de leurs ouvrages d'art.

Piloté par le Cerema, il apporte une réponse au constat du rapport d'information du Sénat sur la situation des ponts en France (2019). Le rapport pointait la méconnaissance du patrimoine des communes et alertait sur les risques liés à un manque de surveillance et d'entretien.

Dès janvier 2021, un vaste programme de recensement et d'évaluation des ouvrages est proposé à près de 28 000 communes pour bénéficier gratuitement d'un recensement et d'une évaluation de l'état de leurs ponts. 11 500 s'engagent dans ce dispositif qui leur permet d'accéder à « un carnet de santé » de leurs ouvrages. Plus de 42 000 carnets de santé leur ont été remis.

Source : site de présentation du Cerema

Au soutien des opérateurs, il faut ajouter que l'État peut également apporter directement une aide via le fonds Barnier, et dans une moindre mesure par le fonds vert. Un décret du 21 novembre 2023 relatif au transfert de la gestion des digues domaniales prévoit notamment une bonification des subventions du fonds pour les travaux de mise en conformité des digues transférées81(*). Le montant de l'accompagnement financier de l'État aux travaux à réaliser sur ces digues est estimé à 363 millions d'euros d'ici à 2027, dont 25 millions d'euros de dépenses fléchées vers la conclusion de marchés de travaux préalables au transfert, qui seront donc exécutés par l'État.

Cependant, le dialogue avec l'État sur le transfert des digues domaniales a été parfois difficile. Intercommunalités de France regrette notamment que les EPCI aient eu une connaissance tardive des ouvrages qui leur seraient confiés, et ainsi « le transfert a pâti des difficultés dans le dialogue entre État et collectivités sur les moyens humains et financiers engagés et à engager. »82(*) De la même façon, l'Association des maires de France (AMF) estime que, malgré la période de dix ans qui a suivi la promulgation de la loi Maptam, les collectivités n'ont pas été assez informées des ouvrages qui allaient leur revenir, ni suffisamment accompagnées dans leur gestion.

L'une des raisons de ce blocage vient de ce que l'État lui-même n'a pas une connaissance complète de l'état des digues domaniales. Pour cette raison, les montants de la contribution de l'État déterminés au moment de la signature de conventions devraient être révisés à mesure de la réalisation des travaux.

Plus généralement, le soutien apporté par l'État et par les opérateurs, aussi nécessaire soit-il, n'est pas suffisant pour assurer de manière efficace et pérenne l'entretien des systèmes d'endiguement. Les établissements publics peuvent fournir un appui, mais ils ne peuvent pas se substituer à la maîtrise opérationnelle des collectivités territoriales. Les subventions de l'État ne pourront pas non plus répondre à l'ensemble des besoins sur le long terme. Il est donc indispensable que les autorités gémapiennes disposent elles-mêmes des ressources suffisantes pour la gestion des digues.

Or, c'est là que le bât blesse. Les systèmes d'endiguement sont des équipements particulièrement coûteux à entretenir. Par exemple, le projet d'aménagement d'intérêt commun pour la gestion des infrastructures de protection contre les inondations sur le bassin de la Loire et ses affluents (PAIC) a identifié un besoin de 350 millions d'euros pour une programmation de travaux sur vingt ans pour avoir un niveau de protection suffisant des digues à l'échelle du Val de Loire. Il est également estimé que les coûts de fonctionnement représentent 2 500 euros par km83(*). Ces sommes sont hors de portée de nombreuses intercommunalités.

Les sénateurs avaient d'ailleurs alerté sur la situation en amont du transfert des digues domaniales. Le rapporteur Jean-Yves Roux avait notamment déclaré à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement,
le 22 novembre 2023 : « Monsieur le ministre, depuis quelques années, les collectivités alertent, mais cela ne déclenche pas de réflexion opérationnelle. Davantage encore, l'article 59 de la loi Maptam prévoit en 2024 - soit dans deux mois - la rétrocession aux collectivités, par l'État, de la charge d'un grand nombre d'ouvrages de protection. Aujourd'hui, après moult alertes venues de toutes parts, au travers des amendements déposés et d'une mission d'information du Sénat conduite par Rémy Pointereau et Hervé Gillé, nous arrivons tous à la même conclusion : il faut une solidarité territoriale renforcée pour assurer la prévention des inondations. »84(*)

La solution prévue depuis la loi Maptam est la création d'une taxe adossée à la compétence Gemapi, dite taxe « Gemapi ». Toutefois, ce nouveau prélèvement, mis en oeuvre depuis 2018, présente des limites majeures. En particulier, la taxe ne permet pas à l'heure actuelle une véritable solidarité entre les collectivités situées sur un même bassin versant, comme cela sera détaillé dans la partie suivante.

3. Financement de la Gemapi : construire un modèle pérenne et juste, permettant une véritable solidarité entre l'amont et l'aval
a) Une taxe dont le produit augmente, mais qui connaît des disparités importantes entre les territoires

Une nouvelle taxe pour financer une compétence nouvelle : une telle solution ne pouvait être viable sur le long terme que si elle était équitable entre les collectivités territoriales, et si celles-ci disposaient de suffisamment de marges financières. Les deux conditions n'ont malheureusement pas été remplies.

La taxe Gemapi a été créée en même temps que la compétence du même nom, par la loi « Maptam » du 27 janvier 2014. La taxe est facultative, plafonnée à 40 euros par habitant, et doit être exclusivement affectée au financement des charges de fonctionnement et d'investissement (ce qui inclut les charges constituées par le coût de renouvellement des installations ainsi que par le remboursement des annuités des emprunts) résultant de l'exercice de la compétence Gemapi. En revanche, il n'est pas obligatoire que la compétence soit financée entièrement par cette taxe. Les intercommunalités peuvent également la financer via leur budget général, et percevoir des subventions à ce titre.

La taxe a été véritablement mise en oeuvre en même temps que la compétence, c'est-à-dire le 1er janvier 2018. Néanmoins avant cette date, une quinzaine d'intercommunalités situées sur des territoires particulièrement exposés au risque inondations et qui exerçaient de manière anticipée la compétence Gemapi, avaient décidé de lever la taxe.

Son montant est déterminé par la collectivité locale compétente, et il est répartie entre contribuables en fonction des bases d'imposition directe locale, c'est-à-dire : la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)85(*), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a eu pour conséquence de réduire et recentrer l'assiette de calcul de la taxe Gemapi sur les personnes assujetties aux taxes foncières.

Le taux de couverture de la taxe Gemapi progresse de manière continue depuis son instauration. En 2018, première véritable année de mise en oeuvre, 428 des EPCI percevaient la taxe, ce qui représentait 34 % de leur nombre total, tandis qu'en 2021 ce sont 665 des EPCI qui la percevaient, ce qui représente un taux de couverture de 53 %86(*). Les chiffres disponibles sur le taux de couverture s'arrêtent à l'année 2021, mais il est estimé que le nombre d'EPCI décidant de mettre en place la taxe continue de progresser.

L'évolution est plus contrastée pour le taux moyen de la taxe Gemapi. Il était de 8,3 euros par habitant assujetti à la taxe en 2018, et il est descendu à 6 euros en 2019. Depuis, il remonte progressivement : il était
de 6,2 euros par habitants assujettis en 2020 et de 7,5 euros en 2021. Cette diminution initiale s'explique par le fait que les collectivités les plus exposées aux inondations ont mis en place plus rapidement la taxe, et à un niveau en moyenne plus élevé. Les EPCI qui ont mis en place la taxe dans un second temps l'ont en moyenne positionnée à un montant moins élevé, en particulier en Île-de-France qui concentre une part importante de la population.

Il existe des disparités territoriales significatives dans le nombre d'EPCI ayant mis en oeuvre la taxe : en 2021, un peu supérieur à un tiers dans le bassin de Loire-Bretagne, il s'élevait de deux-tiers en Adour-Garonne et en Rhône-Méditerranée-Corse. La taxe Gemapi est largement prélevée dans les départements et régions d'outre-mer, sauf en Guyane, où, à la date de 2021, aucun EPCI n'avait décidé de la mettre en place.

EPCI ayant mis en place la taxe Gemapi en 2021

Circonscription de bassin

Nombre d'EPCI levant la taxe

Nombre d'EPCI totaux

Proportion d'EPCI levant la taxe

Artois-Picardie

31

68

46 %

Seine-Normandie

124

274

45 %

Rhin-Meuse

68

116

59 %

Loire-Bretagne

129

359

36 %

Adour-Garonne

200

302

66 %

Rhône-Méditerranée-Corse

232

347

67 %

Source : documents transmis par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

Les disparités territoriales sont toutefois plus fortes lorsque l'on examine les taux retenus. La majorité des EPCI qui lèvent la taxe à un niveau supérieur à 10 euros se situent dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, au sud-ouest, en Vendée et dans les départements Nord et Pas-de-Calais. La région PACA est le territoire où le produit moyen de la taxe par habitant est le plus élevé, avec un taux de 14,8 euros par habitant, avec l'Occitanie où ce taux atteint 11,0 euros par habitant.

Taxe Gemapi en France métropolitaine en 2021

Source : étude transmise aux rapporteurs par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

Ces différences de taux se reflètent dans la répartition du produit de la taxe. Sur 274,9 millions d'euros collectés en 2021, 58,4 millions d'euros l'ont été au sein de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 46,7 millions d'euros en Occitanie et 33 millions d'euros en Auvergne-Rhône-Alpes.

Toutefois, ces disparités ne doivent pas masquer le dynamisme global de la taxe Gemapi : depuis son ouverture à l'ensemble des EPCI en 2018, son produit a triplé, passant de 154 millions d'euros à 458 millions d'euros en 2023. Le rythme de progression est de 24,4 % par an (en excluant 2017), avec une accélération depuis 2021.

Produit de la taxe Gemapi entre 2017 et 2023

(en millions d'euros)

Source : mission conjointe de contrôle, d'après l'étude statistique de la direction générale des collectivités
territoriales sur la taxe Gemapi, Nesheen Solanki, avril 2023 

On ne peut toutefois pas en conclure que les moyens sont désormais suffisants pour les collectivités qui exercent la compétence Gemapi.

Une large part de la hausse du produit de la taxe est portée par les intercommunalités à fort potentiel fiscal, qui peuvent collecter des recettes importantes avec une faible progression des taux. Environ la moitié du produit de la taxe Gemapi provient ainsi des EPCI qui comprennent 100 000 habitants ou plus, tandis que les EPCI qui comportent 50 000 habitants ou moins ne représentent que 16 % du produit de la taxe (dont seulement 5 % pour les intercommunalités de moins de 15 000 habitants).

En outre, certaines collectivités ont déjà atteint le plafond de 40 euros par habitant, et ne parviennent malgré tout pas à financer leurs dépenses, ou alors elles ne peuvent pas dans la pratique augmenter le taux de la taxe à cette hauteur. Enfin, l'augmentation du produit global de la taxe ne signifie pas non plus que celle-ci est équitable entre les collectivités territoriales.

b) La taxe Gemapi n'est pas suffisante pour financer la prévention des inondations

Parmi les personnes interrogées par les rapporteurs, le constat est quasiment unanime que les ressources financières permises par la taxe Gemapi ne sont pas suffisantes pour exercer les compétences relatives à la prévention des inondations.

Intercommunalité de France a ainsi déclaré que : « la taxe Gemapi ne peut pas, dans de nombreux territoires, couvrir les dépenses d'investissement relatives à la prévention des inondations. »87(*) L'association d'élus a en particulier souligné le cas des intercommunalités littorales et de celles qui ont la responsabilité de systèmes d'endiguements importants. Le Comité de bassin Adour-Garonne a déclaré dans le même sens que « l'expérience et le recul de ces 7 dernières années après la mise en place de la compétence Gemapi (et de la possibilité de lever la taxe) » conduisent à considérer « que cette taxe Gemapi n'est, pour les territoires ruraux en particulier, pas à la hauteur des enjeux financiers en matière de prévention des inondations »88(*).

Ce constat est également rapporté par l'administration. La DGCL a indiqué que : « Les ressources financières et humaines dont ils disposent peuvent également ne pas être en adéquation avec les enjeux de la compétence, ce qui appelle une réflexion notamment sur le niveau de la taxe Gemapi et la mutualisation. »89(*) De même, la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) a souligné que : « Des territoires font ressortir le manque de moyens financiers, mais surtout sur le volet inondation et gestion du trait de côte. »90(*)

Enfin, le témoignage que les recettes de la taxe Gemapi ne suffisent pas pour financer la prévention des inondations est revenu à de très nombreuses reprises dans le cadre de la consultation aux élus menée par les rapporteurs. L'une des réponses indique ainsi que « le reste à charge de travaux coûtant souvent plusieurs centaines de milliers d'euros est difficilement supportable financièrement par les collectivités. Les recettes perçues par la taxe Gemapi ne suffisent pas », et une autre précise que : « Dans les petites intercommunalités, peu denses, et de surcroît en territoire de montagne où les risques sont importants, l'assiette du prélèvement n'est pas suffisante. Dans une intercommunalité de 10 000 habitants, la taxe Gemapi ne peut rapporter que 400 000 euros au maximum, ce qui est très insuffisant. »

À titre d'exemple, l'EPCI Val de Garonne Agglomération a évalué le coût des travaux de conservation des 90 km de digues publiques dont il a la responsabilité à 22 millions d'euros, alors que le produit de la taxe Gemapi n'est que d'un million d'euros91(*). Même dans l'hypothèse maximaliste d'un subventionnement à 80 % des travaux, la taxe serait loin d'être suffisante pour financer le reste à charge, sans compter que l'intercommunalité doit également assurer le volet « GEMA ».

Les difficultés de financement de la compétence Gemapi peuvent également conduire à un cercle vicieux. Les groupements de collectivités constatent que l'instauration de la taxe, même si elle était portée à son maximum, serait loin d'être suffisante pour financer les investissements lourds, et donc préfèrent ne pas instaurer cette taxe, ou alors à un niveau faible, pour chercher d'autres voies de financement. L'argument, qui a parfois été avancé par le Gouvernement, selon lequel le potentiel de la taxe Gemapi n'est pas encore levé à son plein potentiel, n'est donc pas recevable92(*).

Ensuite, la prévention des inondations nécessite des compétences techniques et des moyens conséquents, davantage que la part « gestion des milieux aquatiques » (GEMA) de la compétence, ce qui fait qu'elle est souvent structurée seulement dans un second temps. Ainsi, la gouvernance devient dimensionnée et centrée sur le volet « GEMA », ce qui peut avoir pour conséquence une diminution de la solidarité sur le volet « PI »93(*). Les financements de la PI peuvent être restreints au fonctionnement, tandis que le fonctionnement est négligé : « Les moyens humains et financiers sont limités : la taxe Gemapi permet de couvrir les besoins de fonctionnement mais est souvent insuffisante pour couvrir les besoins d'investissement. Les financements dans le cadre des PAPI nécessitent une ingénierie et des temps d'étude significatifs. »94(*)

Dans le sens inverse, les besoins en financements de la compétence PI peuvent conduire à flécher l'ensemble de la compétence sur ce volet, tandis que la GEMA est financée par d'autres voies, ce qui va à l'encontre de l'esprit de la réforme menée par la loi Maptam. L'Agence de l'eau Artois-Picardie apporte un témoignage en ce sens : « Un auto-financement des projets toujours problématique sur le volet GEMA (taxe affectée consacrée majoritairement au PI, projets GEMA sur le budget général) »95(*).

La suppression de la taxe d'habitation a également fragilisé les ressources de la taxe. La réduction de la part de la taxe Gemapi adossée à la taxe d'habitation doit être compensée par une augmentation pesant sur les taxes foncières, ce qui conduit à des déséquilibres dans la fiscalité locale. L'article 41 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit le versement aux collectivités concernées d'une dotation de l'État, d'un montant égal au produit réparti en 2017 entre les personnes assujetties à la taxe d'habitation sur les résidences principales. La mise en place de cette dotation était bien sûr indispensable, mais elle ne peut pas représenter une solution de long terme au problème de financement de la prévention des inondations.

Face à ce constat, la suppression du plafond de la taxe Gemapi, fixé à 40 euros par habitant, n'est pas une solution viable. La raison est que la suppression du plafond ne réglerait aucunement les disparités territoriales de la taxe Gemapi, mais au contraire les aggraverait : les collectivités les plus exposées au risque seraient contraintes de facto d'imposer encore plus leurs populations, alors que les mesures de prévention qui seraient les plus efficaces ne doivent pas nécessairement être réalisées sur leur territoire.

La mise en oeuvre d'une véritable solidarité entre l'amont et l'aval est donc un préalable indispensable. En France, la solidarité est un principe cardinal de la prévention, de la gestion et de l'indemnisation des catastrophes naturelles. Il importe qu'elle s'exprime également dans l'exercice et le financement de la compétence Gemapi.

c) La taxe Gemapi ne permet pas à l'heure actuelle d'assurer une véritable solidarité entre l'amont et l'aval

Au cours des travaux de la mission, le constat a été très largement partagé que l'exercice de la compétence Gemapi et son financement ne favorisent pas suffisamment de solidarité à l'échelle du bassin. Le Comité de bassin d'Adour Garonne témoigne ainsi que la taxe « n'est que très rarement « partagée » (au sens de « mutualisée à l'échelle du bassin ou sous-bassin ») concernant les opérations de prévention des inondations. Dès lors, il n'y a que peu ou pas de solidarité entre les EPCI-FP pour l'exercice du volet PI de la compétence Gemapi. »96(*)

Cette question de la solidarité à l'échelle du bassin est la véritable pierre d'achoppement dans l'exercice de la compétence Gemapi. La question est particulièrement prégnante en ce qui concerne la solidarité entre l'amont et l'aval.

En effet, les intercommunalités qui sont les plus exposées aux inondations ne sont pas nécessairement celles qui doivent réaliser en priorité les travaux de prévention. Dans certains cas, les intercommunalités situées en amont du cours d'eau pourraient réaliser des travaux qui bénéficient à l'ensemble des communes en aval, mais elles ne sont pas incitées à lever la taxe Gemapi lorsqu'elles ne sont pas elles-mêmes en zones à risque. Car le plus souvent, ces intercommunalités souhaitent réaliser ces travaux, mais elles n'ont tout simplement pas les moyens de les engager, y compris en mettant la taxe Gemapi à son maximum.

Cette problématique est cruciale dans les zones de montagne, où la taille et le potentiel fiscal des communes tendent à diminuer à mesure que l'on progresse en altitude. Dans la consultation à destination des élus, une contribution souligne ainsi que « Une péréquation par bassin versant semble nécessaire, car les communes rurales situées en zone de montagne et en tête de bassin versant sont trop faiblement peuplées pour engager les travaux d'entretien nécessaires. »97(*) De même, l'Agence de l'eau de Seine-Normandie remarque que : « les maîtres d'ouvrage Gemapi de tête de bassin sont généralement des collectivités à faible potentiel fiscal, alors que les travaux de restauration des milieux sont particulièrement nécessaires dans ces zones. »98(*)

Dans le sens inverse, des métropoles situées en aval disposent d'un potentiel fiscal très important, et elles peuvent bénéficier de recettes conséquentes en termes de taxe Gemapi tout en augmentant faiblement la taxation, alors qu'elles sont parfois peu exposées au risque et n'ont dans ce cas pas de travaux majeurs à réaliser. Ces intercommunalités disposent donc d'autant plus de moyens pour exercer la compétence GEMA, alors que celle-ci est réduite à la portion congrue dans les EPCI à faible potentiel fiscal et forte exposition aux risques. À ce titre, les communautés de communes, qui ont déjà des difficultés pour assurer l'ensemble de leurs compétences, sont particulièrement pénalisées.

Les problèmes de répartition se situent également au sein des EPTB et des EPAGE. L'Agence de l'eau Artois-Picardie témoigne ainsi que : « Sur le bassin Artois-Picardie, certains EPAGE n'ont pas les moyens de leur politique car tous les EPCI ne lèvent pas la taxe Gemapi et donc ne contribuent pas à la juste hauteur à l'effort de solidarité à réaliser à l'échelle du bassin versant. »99(*)

On se retrouve donc dans des situations où des intercommunalités perçoivent des recettes substantielles alors que les enjeux en termes de sinistralité sont mineurs, tandis que celles qui ont les besoins les plus importants n'ont même pas les moyens d'entretenir les digues existantes. À titre d'illustration, l'encadré ci-après présente un cas d'inégalité territoriale en matière de protection face aux inondations.

Un exemple d'inégalité du financement
de la compétence Gemapi sur le bassin de l'Adour

On mesure sur le territoire des inégalités territoriales patentes en matière de stratégie de protection contre les inondations. Par exemple, sur un même sous-bassin versant du bassin de l'Adour, sur lequel interviennent 3 collectivités gémapiennes dans le cadre d'un PAPI :

- l'une d'entre elle, une communauté de communes disposant de ressources fiscales importantes, a classé un système d'endiguement pour un niveau de protection à Q30 visant la seule protection d'un camping et envisage de porter le niveau de protection de cet ouvrage à Q100 ;

- parallèlement, un syndicat de sous-bassin versant disposant de peu de ressources financières, ne parvient pas à boucler le plan de financement pour le classement d'un système d'endiguement à Q5 pour protéger un village entier.

Source : contribution écrite du Comité de bassin d'Adour Garonne

Note : « Q5 », « Q30 » et « Q100 » désignent des niveaux de sûreté caractérisant les digues. Plus le chiffre est élevé, et plus la protection est forte.

Une telle situation alimente un sentiment d'injustice justifié. Les communes exposées aux risques, et qui sont contraintes de réaliser des travaux majeurs, estiment qu'elles subissent une « double peine » : elles doivent augmenter l'imposition de leurs habitants, et le produit de la taxe ne suffit même pas toujours à financer les aménagements requis. Un témoignage reçu par les rapporteurs indique ainsi : « La taxe Gemapi devrait être considérée comme une taxe de solidarité nationale perçue donc au niveau national puisque tout le monde envoie de l'eau mais tout le monde n'est pas inondé. C'est la double peine pour ceux qui subissent les inondations et qui sont les seuls à payer la taxe. »100(*)

d) L'intercommunalité demeure l'échelle la plus pertinente pour la taxe Gemapi, mais une péréquation doit être mise en oeuvre

Pour favoriser une véritable solidarité entre l'amont et l'aval, plusieurs évolutions sont envisageables :

- le transfert de la taxe Gemapi à l'établissement public territorial de bassin ;

- le transfert de la compétence Gemapi, et la taxe qui lui est adossée, aux régions, qui seraient à même d'assurer une véritable solidarité sur leur territoire ;

- la mise en place d'un fonds de péréquation, pour permettre une véritable solidarité entre l'amont et l'aval.

Seule la troisième proposition a finalement été retenue par les rapporteurs, mais il importe d'examiner les avantages et les limites de chacune.

(1) La mise en place d'une taxe équivalente à la taxe Gemapi pour les établissements publics territoriaux de bassin n'est pas suffisamment attractif pour les acteurs concernés

La première mesure, le transfert de la taxe à l'EPTB, est en cours d'expérimentation. L'article 34 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite « 3DS » prévoit, à l'initiative du Sénat, une expérimentation d'une durée de cinq ans et ouverte à tous les EPTB, pour lever des contributions fiscalisées en vue de financer les missions de « défense contre les inondations et contre la mer ».

Ces contributions sont considérées comme distinctes de la taxe Gemapi. Cependant, elles peuvent financer les missions assurées par les EPTB relevant de cette compétence. Les membres de l'EPTB peuvent d'ailleurs, s'ils le souhaitent continuer parallèlement à instituer et percevoir la taxe Gemapi.

Les premiers retours concernant l'expérimentation sont décevants. Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), « L'expérimentation des contributions fiscalisées n'a pas vraiment attiré d'EPTB candidats. »101(*) Aucun projet de mise en oeuvre n'a été identifié par les rapporteurs au cours de leur mission. S'il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur cette expérimentation, il est déjà possible d'identifier des facteurs expliquant le manque de candidats.

Premièrement, l'articulation de cette « contribution fiscalisée » avec la taxe Gemapi a suscité des incompréhensions. Il est contre-intuitif que la fiscalité de la Gemapi ne soit pas toujours mobilisée à l'échelle de la collectivité compétente. Il est apparu plus simple pour les EPTB de faire appel à des contributions budgétaires de leurs membres plutôt que de lever un nouvel impôt.

De plus, la mise en place d'un nouvel impôt peut être délicate pour les élus locaux. La DGCL indique ainsi que : « Les récentes réformes de fiscalité locale (suppression de la taxe d'habitation et réduction des valeurs locatives des locaux industriels) conduisant à une concentration des impôts locaux sur les redevables du foncier pourrait expliquer la réticence des élus locaux. »102(*) En somme, la création d'un nouvel instrument de financement serait non seulement un nouveau facteur de complexité, mais pourrait également être mal accepté par la population.

Il est toujours possible que l'expérimentation connaisse un succès sur les années à venir, mais à l'heure actuelle, il apparaît préférable de revoir directement le fonctionnement de la taxe Gemapi, plutôt que de chercher à créer une nouvelle contribution fiscalisée.

(2) Le transfert de la taxe Gemapi aux régions est difficilement envisageable en l'absence de la compétence sur la maîtrise d'ouvrage

Le transfert de la compétence Gemapi, et plus précisément du volet « prévention des inondations », et de la fiscalité associée aux régions est une option mise en avant à plusieurs reprises au cours des travaux de la mission conjointe de contrôle.

Cette proposition comporte plusieurs avantages. La première serait qu'elle permettrait d'organiser une véritable solidarité à l'échelle d'un territoire large - qui est l'équivalent de plusieurs sous-bassins. En audition, il a parfois été évoqué que le transfert de la Gemapi aux régions pourrait être difficilement acceptable de la part des territoires les moins exposés aux risques. Les rapporteurs ne partagent pas ce point de vue. Ils estiment qu'une réforme suffisamment préparée et construite peut remporter l'adhésion des territoires qui ne sont pas concernés par le risque inondations. Ce principe de solidarité est d'ailleurs au fondement du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Cette proposition permettrait également de simplifier la répartition de la compétence. En effet, la sécabilité fonctionnelle et géographique de la Gemapi peut être très complexe, ce qui explique par ailleurs pourquoi des intercommunalités ont mis plusieurs années avant de la structurer.

Cependant, un transfert complet de la compétence « prévention des inondations » aux régions serait délicat d'un point de vue opérationnel. En effet, l'exercice de cette compétence implique des choix politiques d'aménagement du territoire, qui ne peuvent s'exercer qu'à l'échelle du bassin versant. Pour des raisons d'efficacité et de réactivité, il est difficilement envisageable que la PI puisse être exercée à un échelon supérieur de celui des intercommunalités.

Ainsi, la région Haut-de-France souligne que « Le rôle de la Région ne peut pas aller au-delà d'un rôle d'animation et de coordination. »103(*) La prise en compte à l'échelle régionale des enjeux de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations dans les stratégies régionales peut être renforcée, mais la région ne peut pas assumer directement une telle compétence.

(3) La création d'un fonds de péréquation doit permettre une véritable solidarité entre l'amont et l'aval à l'échelle du bassin versant

La mise en oeuvre de la compétence Gemapi par les intercommunalités est encore récente, et réformer en profondeur son fonctionnement serait précipité. La priorité est de poursuivre la structuration de la prévention des inondations, et de renforcer la solidarité entre les territoires.

Le prélèvement de la taxe Gemapi par les intercommunalités demeure en outre le niveau le plus adapté. Dans la consultation des élus locaux menée par les rapporteurs, 72 % des répondants ont ainsi déclaré que « l'échelle de prélèvement de la taxe Gemapi est pertinente ». En effet, il apparaît difficile de séparer le niveau de mise en oeuvre et de récolte de la taxe de l'exercice concret de la compétence Gemapi.

Cependant, cela ne signifie pas que la taxe Gemapi ne peut pas évoluer. La métropole de Lyon, dans sa contribution aux travaux de la mission, indique à juste titre que le périmètre de l'intercommunalité ne correspond pas toujours à celui des cours d'eau : « Le niveau intercommunal semble pertinent, même s'il peut exister une complexité dans l'exercice de la compétence Gemapi entre limites territoriales des intercommunalités et logique de bassin versant, qui ne correspondent pas toujours. »104(*)

Pour favoriser une véritable solidarité entre l'amont et l'aval, les rapporteurs proposent ainsi l'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l'échelle des bassins versants. Ce fonds servirait dans un premier temps à financer les travaux relatifs à la prévention des inondations, mais il pourrait être étendu à la gestion des milieux aquatiques si cela se révélait utile.

Plusieurs contributions reçues par les rapporteurs dans le cadre de leur consultation appelaient d'ailleurs appeler de leurs voeux une péréquation de la taxe Gemapi au niveau du bassin voire à l'échelle nationale. Dans le même esprit, l'une des recommandations de la mission d'information du Sénat sur la gestion durable de l'eau préconisait de « mettre en place une fraction de taxe Gemapi mutualisée sur l'ensemble du bassin versant, pour soutenir les actions au titre de la Gemapi des EPCI disposant de peu de ressources et de longs linéaires à protéger. »105(*)

En effet, à l'heure actuelle, aucune participation n'intervient pour « lisser » les disparités territoriales de manière structurelle. Le fonds Barnier et le fonds vert peuvent aider les collectivités ayant un plus faible potentiel fiscal, et en cas de crise le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » peut être mobilisé, mais aucun de ces dispositifs ne constitue une solution pérenne aux déséquilibres du financement de la Gemapi.

La mise en place d'un fonds de péréquation représente ainsi la solution la plus juste et la plus efficace pour aider les collectivités territoriales les moins dotées à faire face aux dépenses requises pour la prévention des inondations. Les versements du fonds seraient calculés à partir de critères objectifs, tels que le potentiel fiscal, le mètre linéaire de digues ainsi que le montant des travaux inscrits au PAPI.

Recommandation n° 3 : Assurer le bon état des digues et mettre en place un modèle de financement plus juste de la Gemapi, à travers :

- le lancement d'un programme d'ingénierie à destination des EPCI porté par le Cerema et centré sur la prévention des inondations, sur le modèle du « Programme national ponts » (état des lieux des systèmes d'endiguement, évaluation des besoins puis éventuellement soutien financier à la réparation, création et rehaussement d'ouvrages pour l'adaptation au changement climatique) ;

- l'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l'échelle des bassins versants, dont les financements seraient attribués aux EPCI bénéficiaires en fonction de critères objectifs (potentiel fiscal, mètre linéaire de digues, montant des travaux inscrits au PAPI).


* 46 Cette définition a été introduite dans le code de l'environnement en 2016, par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 47 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 48 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 49 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

* 50 Agence de l'eau Seine-Normandie, Mission sur le fonctionnement hydrologique du bassin de la Seine, novembre 2016.

* 51 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 52 La nomenclature IOTA, définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, concerne les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l'eau et sur les milieux aquatiques. Ces opérations sont soumises soit à déclaration soit à autorisation, selon leurs incidences sur la ressource en eau et les milieux aquatiques.

* 53 Dispositions du II de l'article L. 211-1 du code de l'environnement :

« II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :

1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;

2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;

3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. ».

* 54 L'eutrophisation désigne un apport excessif de substances nutritives (nitrates et phosphates) dans un milieu aquatique pouvant entraîner la prolifération des végétaux aquatiques, parfois toxiques.

* 55  CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 56 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 57 Décret n° 2024-62 du 31 janvier 2024 relatif aux opérations d'entretien des milieux aquatiques et portant diverses dispositions relatives à l'autorisation environnementale.

* 58 Décret n° 2023-907 du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la police de l'eau annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement.

* 59 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024 (voir proposition n° 6).

* 60 Convention modifiant et complétant la Convention additionnelle du 16 juillet 1975 à la Convention du 4 juillet 1969 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'aménagement du Rhin entre Strasbourg-Kehl et Lauterbourg-Neuburgweier, signée à Bonn le 6 décembre 1982.

* 61 La gestion hydraulique des wateringues est assurée par plusieurs acteurs : alors que VNF gère le réseau navigable, qui constitue les plus grandes artères des wateringues, les terres basses du polder sont découpées en casiers hydrauliques comportant des canaux et des fossés (watergangs) : ils sont gérés par des sections de wateringues, associations de propriétaires privés. En outre, un syndicat mixte (l'Institution intercommunale des wateringues) assure l'exploitation et l'entretien des grands ouvrages d'évacuation à la mer (hormis dans les ports de Calais, Dunkerque et de Gravelines, où cette tâche est confiée à l'établissement portuaire).

* 62 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 63 Loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la Gemapi.

* 64 La délégation de la compétence Gemapi aux syndicats mixtes de droit commun étaient autorisée jusqu'au 1er janvier 2020.

* 65 Article L. 213-12 du code de l'environnement.

* 66 Loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la prévention des dommages. Par la suite, le statut des EPTB a été revu par la loi Maptam.

* 67 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 68 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 69 Source : réponses de la direction générale des collectivités territoriales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 70 Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques.

* 71 Site de présentation de l'association Frances Digues.

* 72 Source : réponses du Cerema au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 73 Le référentiel M57 désigne l'instruction budgétaire et comptable plus récente, mise à jour par la DGCL et la DGFiP, en concertation avec les élus locaux. Au 1er janvier 2024, elle avait vocation à se substituer aux nomenclatures M14, M52, M61, M71, M831 et M832. Les collectivités volontaires avaient la possibilité d'adopter le référentiel dès le 1er janvier 2022.

* 74 Source : réponses du Cerema au questionnaire des écrit rapporteurs.

* 75 Source : site de présentation de l'association France Digues.

* 76 Source : réponse de l'Assemblée des départements de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 77 Source : réponses de Voies navigables de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 78 Source : réponses de l'Agence de l'eau et du Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 79 Source : réponses de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 80 Il s'agit du rapport d'information du 26 juin 2019 de Patrick Chaize et Michel Dagbert, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, intitulé « Sécurité des
ponts : éviter un drame ».

* 81 Article 4 du décret n° 2023-1074 du 21 novembre 2023 relatif au transfert de la gestion des digues domaniales aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

* 82 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire des rapporteurs.

* 83 Voir « Transfert des digues domaniales : « une insécurité politique, financière et juridique » pour Xavier Dupont », Association des maires de France, 8 février 2024.

* 84 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 22 novembre 2023.

* 85 Sans prise en compte du taux départemental de TFPB transféré aux communes à compter de 2021.

* 86 Il faut préciser que le nombre total d'intercommunalités sur l'ensemble de la France est resté stable sur la période (environ 1 255).

* 87 Source : réponses d'Intercommunalité de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 88 Source : réponse du Comité de bassin d'Adour-Garonne au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 89 Source : réponses de la direction générale des collectivités territoriales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 90 Source : réponses de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 91 Exemple tiré du rapport d'information fait au nom de la mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement », Rémy Pointereau (Président), Hervé Gillé (Rapporteur), 11 juillet 2023.

* 92 Voir l'intervention de Barbara Pompili, lors de l'examen en séance du projet de loi « Climat et résilience », après la présentation par le Gouvernement d'un amendement visant à inclure l'adaptation des territoires au recul du trait de côte dans le champ de la compétence Gemapi : « Pourquoi avoir pensé à la taxe Gemapi ? D'une part, je le répète, elle n'est pas utilisée à son maximum ; d'autre part, les calculs qui ont été faits et qu'il faudra bien sûr vérifier ont montré que cela permettrait de faire face aux besoins qui surgiront à la suite de l'évolution du trait de côte. » (Compte intégral de la séance du Sénat du 25 juin 2021) La présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, avait d'ailleurs répondu : « Si la taxe Gemapi n'est pas pleinement utilisée, c'est tout bêtement parce qu'elle n'est pas suffisante pour couvrir les investissements extrêmement lourds nécessaires à la prévention des inondations. C'est bien souvent, paradoxalement, le manque de financements qui nous empêche d'avancer en la matière. Ne confondons pas la cause et la conséquence ! ». L'amendement n'a finalement pas été adopté.

* 93 Source : réponse du Comité de bassin d'Adour-Garonne au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 94 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 95 Source : réponses de l'Agence de l'eau Artois-Picardie au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 96 Source : réponses du Comité de bassin Adour-Garonne au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 97 Source : contribution à la consultation des rapporteurs aux élus locaux.

* 98 Source : réponses de l'Agence de l'eau Seine-Normandie au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 99 Source : réponses de l'Agence de l'eau Artois-Picardie au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 100 Source : contribution à la consultation en ligne des élus locaux.

* 101 Source : réponses de la direction générale des collectivités locales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 102 Source : réponses de la direction générale des collectivités locales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 103 Source : réponses de la région Haut-de-France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 104 Source : contribution de la métropole de Lyon aux travaux des rapporteurs.

* 105 Recommandation n° 45 de la mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement ». Hervé Gillé (rapporteur), Rémy Pointereau (Président), 11 juillet 2023.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page