N° 775

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des finances (2) par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024,

Par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Yves ROUX,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Pierre Barros, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Georges Naturel, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Hervé Reynaud, Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.

(2) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Sous l'impulsion de Gérard Larcher, Président du Sénat, la commission des finances et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ont mené une mission de contrôle conjointe sur les violentes inondations survenues en France en 2023 et au début de l'année 2024.

Les huit mois de travaux (plus de 35 auditions, 3 déplacements et 1 consultation en ligne) ont nourri l'expertise des rapporteurs, Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, qui ont pu dresser un état des lieux des politiques de prévention des inondations et de gestion de crise et d'après-crise, sans omettre d'appréhender la diversité des territoires, de la montagne à la plaine et des villes au monde rural.

Le 25 septembre 2024, les commissions réunies conjointement ont adopté, à l'unanimité, ces 20 recommandations.

I. 2023-2024 : DES INONDATIONS DRAMATIQUES, QUI S'INSCRIVENT DANS UNE TENDANCE DE LONG TERME

A. PREMIER RISQUE NATUREL EN FRANCE, LES INONDATIONS RECOUVRENT DES PHÉNOMÈNES DIFFÉRENCIÉS SELON LES TERRITOIRES

Plusieurs types d'aléas inondation touchent le territoire français (débordement de cours d'eau - crue de plaine ou crue torrentielle de montagne -, submersion marine, ruissellement et remontée de nappe phréatique). Même si les causes sont avant tout météorologiques, les aléas inondations peuvent être aggravés par des facteurs humains (artificialisation des sols, destruction d'espaces naturels, mauvaise gestion des cours d'eau...).

Le risque inondation est prépondérant en France : plus d'un habitant sur quatre est exposé aux débordements de cours d'eau et/ou aux submersions marines.

B. INONDATIONS 2023 ET DÉBUT D'ANNÉE 2024 : DES ÉVÈNEMENTS D'ENVERGURE AUX CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

À partir de mi-octobre 2023, une succession continue et inédite de passages pluvieux a entraîné des inondations dans de nombreux territoires. De mi-octobre à mi-novembre 2023, le record de cumul mensuel de pluie national, atteint en 1988, a ainsi été battu. Ces précipitations intenses et prolongées ont généré des crues exceptionnelles.

C. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE AMPLIFIERA LA FRÉQUENCE DES INONDATIONS ET SUBMERSIONS MARINES

Les conséquences concrètes du changement climatique sur les inondations et les submersions marines s'observent déjà sur la période récente. Il est établi que l'évolution du climat a conduit à une hausse globale de la pluviométrie en France métropolitaine, et la fréquence des inondations par ruissellement a progressé sur l'ensemble du pays. Concernant les inondations par débordement, l'évolution est principalement visible au nord et au nord-ouest de la France.

Pour l'avenir, il existe un consensus scientifique sur le fait que l'augmentation des températures ainsi que l'élévation du niveau de la mer conduiront à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines. Sur l'ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l'horizon 2050. L'évolution de la sinistralité relative aux submersions marines serait encore plus marquée : la hausse se situerait entre 75 % à 91 % par rapport au climat actuel.

II. PRÉVENTION DES INONDATIONS : POUR UNE POLITIQUE EFFICACE, SOLIDAIRE ET ADAPTÉE À CHAQUE TERRITOIRE

A. DIFFUSER LA CULTURE DU RISQUE POUR RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ DES TERRITOIRES

Levier de prévention des inondations pourtant essentiel, la connaissance des risques et des modes d'action à développer face à eux demeure insuffisante dans notre pays.

 
 

...des Français résidant dans une zone exposée aux inondations ne s'y sentent pas exposés

Source : Étude « les Français et les risques environnementaux » (MTE, 2023)

...des métropolitains considèrent que les Français ne sont pas assez sensibilisés à la prévention et la gestion des catastrophes

Source : Sondage IFOP réalisé par l'AFPCNT, mars 2023

En outre, si l'information mise à disposition du public s'est largement renforcée ces dernières décennies, son appropriation soulève certaines difficultés (« perte de mémoire » favorisée par la mobilité des populations et caractère anxiogène de l'information pouvant engendrer une forme de déni notamment).

Dans ce contexte, les rapporteurs encouragent les actions de commémoration des inondations passées, les partages d'expérience, les campagnes d'information nationales et locales intégrant la diversité des aléas inondation et les comportements à adopter face à eux et les exercices de mise en situation. Ils recommandent également de mettre l'accent sur les actions de formation destinées aux élus locaux et aux fonctionnaires territoriaux (recommandation n° 10).

B. SIMPLIFIER LA GESTION DES COURS D'EAU

Le bon état d'un cours d'eau est un facteur de réduction de la gravité des crues. Or, les règles encadrant l'entretien des cours d'eau s'avèrent particulièrement difficiles à appréhender, compte tenu de la diversité des procédures applicables.

Selon les témoignages recueillis, ce maquis réglementaire conduit certains élus locaux à l'inaction, par crainte de commettre une infraction à la police de l'eau et de faire l'objet de poursuites judiciaires.

De même, la longueur des procédures administratives préalables nuit souvent à une intervention rapide dans les cours d'eau, notamment pour retirer des embâcles de manière préventive.

Face à ces constats, les rapporteurs préconisent, d'une part, la conduite d'un travail de pédagogie par les services de l'État pour clarifier, auprès des acteurs locaux, la distinction entre les différents régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau et, d'autre part, l'instauration d'une procédure accélérée d'instruction de ces demandes d'intervention (recommandation n° 1).

C. INSTAURER UNE SOLIDARITÉ AMONT/AVAL DANS LE FINANCEMENT DE LA GEMAPI

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a attribué aux EPCI, à fiscalité propre, une nouvelle compétence dite « Gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations » (Gemapi). La taxe dite « Gemapi », facultative et plafonnée à 40 euros par habitant, a été mise en place afin de financer cette compétence.

Malheureusement, cette taxe n'est pas un instrument à la hauteur des enjeux pour les collectivités, non seulement au regard des montants insuffisants pour la prévention des inondations, mais aussi de l'objectif d'assurer une véritable solidarité financière entre les EPCI.

Le transfert des digues domaniales de l'État aux EPCI, engagé depuis 2024, n'a pas fait l'objet d'un accompagnement suffisant de la part de l'État, et le coût des travaux à réaliser est trop élevé pour de nombreux EPCI par rapport aux recettes de la taxe Gemapi. Cette difficulté est amplifiée par la mauvaise connaissance du réseau des digues domaniales.

Les intercommunalités qui sont les plus exposées aux inondations ne sont pas nécessairement celles qui doivent réaliser en priorité les travaux de prévention. Cette problématique est cruciale dans les zones de montagne, où la taille et le potentiel fiscal des communes tendent à diminuer à mesure que l'on progresse en altitude. En revanche, des métropoles situées en aval disposent d'un potentiel fiscal très prometteur, et peuvent également bénéficier de recettes significatives de taxe Gemapi, alors qu'elles n'ont pas de travaux majeurs à réaliser et qu'elles bénéficient des travaux réalisés en amont.

Les rapporteurs ont constaté que les communes les plus exposées aux risques jugent qu'elles subissent une « double peine ».

Pour les rapporteurs, la mise en place d'un fonds de péréquation est la solution la plus juste pour aider les collectivités territoriales à faire face aux dépenses requises pour la prévention des inondations (recommandation n° 3). Le transfert de la compétence aux régions ou aux départements n'a pas été retenu, car l'intercommunalité demeure l'échelle pertinente pour la maîtrise d'ouvrage.

D. ASSURER LA RÉSILIENCE DES TERRITOIRES FACE AU RISQUE D'INTENSIFICATION DES INONDATIONS

Face à la multiplication des phénomènes d'inondation, les rapporteurs appellent à simplifier les actions de prévention mises en oeuvre par les collectivités territoriales, à mieux maîtriser l'urbanisation en zone inondable et à y adapter les modes de construction.

· Les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), conçus pour structurer la gestion des risques d'inondations au niveau local, se heurtent à de trop nombreuses lourdeurs administratives. Les rapporteurs recommandent de simplifier cet outil et d'accélérer sa mise en oeuvre, en réduisant les délais administratifs, en accompagnant mieux les collectivités territoriales et en créant un guichet unique pour faciliter les démarches.

· La couverture du territoire par les plans de prévention des inondations (PPRi) - qui constituent un outil essentiel pour réduire la vulnérabilité des personnes et des biens face aux inondations - a incontestablement progressé : il s'agit désormais de parachever cette couverture et de mieux prendre en compte les effets du changement climatique dans ces outils (recommandation n° 6).

· Face aux conséquences du changement climatique, le recours à des techniques de construction et d'aménagement résilientes en zone inondable est indispensable pour « apprendre à vivre avec le risque » (recommandation n° 8).

III. MIEUX GÉRER LES INONDATIONS : RENFORCER LES MOYENS DES POUVOIRS PUBLICS FACE À LA CRISE

A. MIEUX OUTILLER L'ÉTAT ET LES ÉLUS LOCAUX DANS L'URGENCE DE LA CRISE

Le système de prévision des inondations a prouvé son efficacité lors des inondations de 2023 et 2024, mais doit monter en puissance face aux défis climatiques. Pour mieux anticiper les crises futures, il est primordial d'étendre la couverture de Vigicrues à l'ensemble du territoire d'ici 2030, tout en renforçant la notoriété de Vigicrues Flash auprès des élus et en redéployant les moyens de Météo France (recommandation n° 11).

Face aux inondations sans précédent, spécifiquement dans le Nord et le Pas-de-Calais, les services de secours ont en outre été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens. Le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a révélé l'impératif d'un renforcement capacitaire (recommandation n° 12).

Enfin, les élus municipaux ont joué un rôle clé durant les inondations de 2023-2024, en apportant une réponse efficace aux besoins de la population. La qualité des plans communaux de sauvegarde (PCS) qui organisent, sous l'autorité du maire, la préparation et la réponse lors de situations de crise, et celle des plans intercommunaux de sauvegarde (PICS), qui organisent la mutualisation entre communes, ont influé sur le niveau de réponse à la crise. Les rapporteurs préconisent donc un accompagnement renforcé des communes dans leur démarche d'élaboration des PCS et une systématisation des PICS dans les territoires où une telle démarche est adaptée (recommandations n° 13 et 14).

B. NE PLUS FAIRE DE LA GESTION DE L'APRÈS-CRISE L'ANGLE MORT DE LA LUTTE CONTRE LES INONDATIONS

L'accomplissement des démarches associées aux catastrophes naturelles est très contraignant, particulièrement pour les petites communes. Celles-ci ne disposent en général pas d'un personnel formé en nombre suffisant pour répondre à l'urgence de l'après-crise, et elles ont rarement les compétences en ingénierie adéquates pour évaluer les dégâts et les risques persistants. Il n'est donc pas exagéré de dire que la « crise » peut s'étendre sur des mois, voire des années après la survenue de la catastrophe naturelle.

Les rapporteurs proposent ainsi l'instauration d'un mécanisme de solidarité entre EPCI permettant d'apporter un appui technique et administratif aux collectivités sinistrées, surtout en zone rurale, ainsi que la mise en place d'un guichet unique au niveau préfectoral pour faciliter les demandes d'aides financières (recommandation n° 15).

Une avance de trésorerie au profit des collectivités territoriales ayant subi des inondations doit être instituée. Il ne s'agit pas de s'en tenir à mobiliser une branche d'un autre prêt, ou à un dispositif confidentiel, mais bien de créer un nouveau prêt ad hoc, accompagné d'une campagne de communication (recommandation n° 16).

S'agissant des travaux à réaliser sur les ouvrages endommagés dans les cours d'eau au lendemain de la crise, les élus locaux déplorent une dichotomie administrative trop forte entre les travaux d'urgence temporaires - sans procédure administrative préalable - et les travaux structurants de reconstruction, soumis à la procédure de droit commun qui peut s'avérer longue. Ils préconisent d'instaurer une procédure d'instruction accélérée des travaux de réparation pour favoriser une reconstruction à la fois plus rapide et plus résiliente en cas de nouvelle inondation (recommandation n° 17).

IV. ADAPTER L'INDEMNISATION ET LA RECONSTRUCTION À LA RÉALITÉ DES TERRITOIRES

A. POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES ASSURÉS

Au cours de leurs travaux de contrôle, les rapporteurs ont pu constater à de nombreuses reprises que les habitants sinistrés, chefs d'entreprises et élus locaux regrettent que les indemnités d'assurance arrivent trop tardivement, et craignent à terme d'être ostracisés par les assureurs. Le processus indemnitaire peut en effet s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années pour les cas les plus complexes, alors que les personnes sinistrées ont un besoin urgent de toucher ces fonds. La longueur des délais d'indemnisation s'explique surtout par la durée des expertises d'assurance.

Répartition par péril de la sinistralité au sein du régime
d'indemnisation des catastrophes naturelles entre 1982 et 2021

Source : Caisse centrale de réassurance

Les travaux conduits par les rapporteurs montrent que le refus d'assurance en raison de l'exposition aux inondations reste encore marginal aujourd'hui en France métropolitaine. En revanche, au cours des déplacements, des personnes sinistrées ont témoigné de leurs difficultés à renégocier leurs contrats d'assurance, la réalisation du sinistre les ayant en effet placées dans une position délicate vis-à-vis de leur assureur : ces assurés savent qu'au regard de leur exposition aux risques, trouver un nouveau contrat d'assurance, s'ils rompaient le contrat actuel, serait plus complexe.

Le Bureau central de tarification (BCT)1(*) peut imposer à la compagnie d'assurance la souscription du contrat demandé, mais sa compétence est limitée aux cas de refus pour cause d'exposition aux catastrophes naturelles. Les rapporteurs proposent donc d'étendre la compétence de cette autorité administrative à la renégociation des contrats d'assurance (recommandation n° 18).

B. MIEUX RECONSTRUIRE APRÈS UNE INONDATION

Les rapporteurs ont constaté que des personnes sinistrées ont régulièrement été contraintes d'utiliser leurs primes d'assurance pour effectuer des reconstructions à l'identique, alors même que le bien endommagé aurait pu être amélioré, que ce soit au niveau de la prévention des risques naturels ou de l'efficacité énergétique.

Pourtant, il n'existe pas de principe général d'obligation de reconstruction à l'identique en droit. Cet état de fait découle d'une interprétation trop stricte des dispositions du code des assurances et du code de l'urbanisme, mais s'explique également par le fait que cette solution est souvent la plus simple à mettre en oeuvre, à la fois en termes juridiques et financiers. Par conséquent, l'indemnité d'assurance est presque systématiquement utilisée pour une reconstruction à l'identique, ce qui représente un véritable gâchis. Les rapporteurs recommandent dès lors de favoriser l'utilisation des indemnités d'assurance pour reconstruire de manière résiliente (recommandation n° 19).

D'une manière générale, la période postérieure aux inondations est particulièrement propice pour renforcer la prévention des inondations futures. Les rapporteurs préconisent ainsi de généraliser, à terme, l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » (Mirapi), dont l'échéance est prévue en 2026 (recommandation n° 20).

Synthèse des recommandations de la mission d'information

Recommandation n° 1 : Clarifier la distinction entre les régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau et instaurer une procédure d'instruction accélérée de ces demandes d'intervention.

Recommandation n° 2 : Adapter les moyens de VNF pour assurer le bon état de ses ouvrages hydrauliques et lui permettre d'appuyer les collectivités dans leurs missions de protection des populations face aux inondations.

Recommandation n° 3 : Instaurer un fonds de péréquation de la taxe Gemapi.

Recommandation n° 4 : Renforcer les moyens dédiés à l'accompagnement des collectivités territoriales, notamment par le Cerema, dans la modélisation des aléas inondation et l'élaboration de stratégies de prévention et clarifier localement, sous l'égide des préfets, la répartition des responsabilités en matière de gestion du risque d'inondation par ruissellement.

Recommandation n° 5 : Accélérer et simplifier l'élaboration et la mise en oeuvre des PAPI.

Recommandation n° 6 : Achever l'approbation des PPRi et PPRL déjà prescrits d'ici 2027.

Recommandation n° 7 : Encourager le développement de solutions de prévention des inondations fondées sur la nature.

Recommandation n° 8 : Adapter les méthodes d'aménagement et de construction dans les zones exposées aux inondations.

Recommandation n° 9 : Adapter le fonds Barnier pour favoriser les travaux de prévention individuelle face aux inondations.

Recommandation n° 10 : Poursuivre le développement de la culture du risque à travers des outils de diffusion touchant l'ensemble des acteurs et des formations à destination des élus locaux et fonctionnaires territoriaux.

Recommandation n° 11 : Adapter les moyens humains et financiers du Schapi et de Météo-France dédiés à la prévision des inondations.

Recommandation n° 12 : Adapter la sécurité civile au dérèglement climatique, en augmentant notamment les capacités de pompage lourd.

Recommandation n° 13 : Renforcer l'efficacité de la gestion de crise, en accompagnant notamment les élus locaux dans l'élaboration de PCS adaptés.

Recommandation n° 14 : Renforcer la coordination intercommunale dans la gestion de crise, en systématisant l'élaboration de PICS.

Recommandation n° 15 : Soutenir les EPCI dans la gestion de l'après crise par l'instauration d'un mécanisme de solidarité entre collectivités et la mise en place d'un guichet unique.

Recommandation n° 16 : Instituer une avance de trésorerie à taux bonifié pour les réparations d'urgence des collectivités territoriales.

Recommandation n° 17 : Soutenir les collectivités territoriales sinistrées dans une démarche de reconstruction résiliente, à travers un appui financier et technique et l'instauration d'une procédure d'instruction accélérée pour les travaux structurants de réparation sur les cours d'eau.

Recommandation n° 18 : Étendre la compétence du Bureau central de tarification à la renégociation des contrats d'assurance.

Recommandation n° 19 : Permettre une utilisation des indemnités d'assurance pour reconstruire de manière résiliente.

Recommandation n° 20 : Pérenniser et généraliser le dispositif « Mirapi », au terme de l'expérimentation en 2026.

La liste détaillée des recommandations figure en annexe du rapport d'information

I. INONDATIONS SURVENUES EN 2023 ET AU DÉBUT DE L'ANNÉE 2024 : DES ÉVÉNEMENTS DRAMATIQUES QUI S'INSCRIVENT DANS UNE TENDANCE DE LONG TERME

A. PREMIER RISQUE NATUREL EN FRANCE, LES INONDATIONS RECOUVRENT DES PHÉNOMÈNES DIFFÉRENCIÉS SELON LES TERRITOIRES

1. Les inondations en France : des facteurs communs, mais une pluralité de phénomènes selon les territoires
a) Une multiplicité d'aléas, principalement liés aux intempéries

L'inondation est un phénomène de submersion, rapide ou lente, d'une zone habituellement hors d'eau, qui prend sa source dans des précipitations soutenues et/ou durables, présentant généralement un caractère saisonnier. Ainsi que l'a rappelé Météo-France dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, « les inondations de grande ampleur résultent généralement de pluies intenses persistantes. Le danger est amplifié l'hiver, lorsqu'il y a peu d'évaporation et que les sols sont saturés d'eau. La fonte du manteau neigeux contribue aussi à élever le niveau des rivières. L'eau de pluie ruisselle vers les rivières, trop rapidement pour s'écouler ensuite, et celles-ci sortent de leur lit. »

Sur le territoire français, on distingue plusieurs types d'aléas « inondation ».

Premier type d'inondation, le débordement de cours d'eau constitue le phénomène d'inondation le plus fréquent en France. Une crue importante peut amener un cours d'eau à sortir de son lit et à inonder les terres à proximité. On en distingue deux types :

- la crue de plaine (plus prévisible et moins brutale que la crue de montagne), lors de laquelle l'eau monte lentement, sur plusieurs jours ou semaines, mais peut inonder la plaine pendant une longue période. Ce phénomène survient surtout de l'automne au printemps, compte tenu de l'effet cumulé des pluies et de la faible évapotranspiration2(*). Ce type de crue touche une grande partie du territoire. Il a notamment frappé les bassins de la Seine et de la Loire en mai et juin 2016, occasionnant des dégâts à hauteur de plus d'un milliard d'euros ;

- la crue de montagne, généralement éclair ou torrentielle, qui se caractérise par son caractère soudain et très violent.

Les crues éclair sont fréquentes dans le sud de la France, elles se produisent généralement lorsque de fortes précipitations stagnent sur une petite superficie en peu de temps, sur une zone de relief. Les « crues cévenoles » en sont emblématiques : il s'agit d'un phénomène méditerranéen lié à de très fortes pluies orageuses se produisant dans les Cévennes (relief du Gard, de la Lozère et de l'Ardèche) au début de l'automne, lorsque l'air chaud et humide qui remonte de la Méditerranée vient rencontrer l'air froid d'altitude au niveau des reliefs de l'arrière-pays. La sécheresse estivale limite la capacité d'absorption des sols et favorise le ruissellement de l'eau.

La crue torrentielle - aussi désignée « lave torrentielle » - constitue un phénomène particulièrement destructeur et spécifique aux zones de montagne : du fait de la pente et du débit, le torrent se charge en matériaux solides (blocs rocheux et arbres etc.). Des matériaux peuvent ainsi s'accumuler et former des embâcles où l'eau s'accumule, favorisant des débordements ou des vagues en cas de rupture et induisant d'importants dégâts en aval. S'il peut sée produire toute l'année du fait de précipitations intenses, d'orages ou de la fonte des neiges, ce phénomène est plus fréquent à l'automne. Le caractère dévastateur des crues torrentielles a été rappelé lors de la tempête Alex, en octobre 2020, qui a causé un très lourd bilan humain et matériel avec 18 décès et plus d'un milliard d'euros de dommages dans les vallées de la Roya et de la Vésubie (Alpes-Maritimes).

Dégâts occasionnés par les crues torrentielles à Saint-Martin-Vésubie (photo n° 1) et dans la vallée de la Roya (photo n° 2) survenues lors de la tempête Alex de 2020

Sources : photo n° 1, Caisse centrale de réassurance  ; photo n° 2, Cerema

Deuxième type d'inondation, la submersion marine touche une grande partie du littoral français en raison de ses côtes basses. Les submersions se produisent en présence de conditions météorologiques et marégraphiques particulières : elles sont favorisées en période de pleine mer, en particulier si les coefficients de marée sont élevés, lorsque survient une tempête induisant une chute de la pression atmosphérique (qui produit une élévation temporaire du niveau de la mer) et des vents forts. Ce phénomène avait violemment frappé le littoral atlantique en 2010 lors de la tempête Xynthia, causant 47 morts (dont 29 dans la seule commune de La Faute-sur-mer), des centaines d'évacuations et plus de 2,5 milliards d'euros de dégâts.

Photographies aériennes de La-Faute-sur-Mer après le passage de la tempête Xynthia en 2010

Source : Ouest France

Troisième type d'inondation, l'inondation par ruissellement, qui est liée à la topographie des sols et à leur imperméabilité.  Le ruissellement des eaux de surface liées aux précipitations peut alors inonder des secteurs entiers, en zone dense comme en zone peu dense. Le centre européen de prévention des inondations (Cepri)3(*) définit ce phénomène comme « un ensemble de phénomènes aux contours flous ». Il précise que « si une part de l'eau de pluie qui tombe au sol s'infiltre dans le sol, une partie peut rester en surface si la capacité du sol à infiltrer est dépassée. La répartition entre ces deux devenirs de l'eau (infiltrée, ruisselée) sur les territoires dépend de la nature des sols et de la pluie (durée, intensité) ».

Quatrième type d'inondation, la remontée de nappe phréatique : une pluviométrie importante, conjuguée à un niveau de stockage des eaux déjà élevé dans la nappe phréatique, peut conduire à un affleurement de la nappe créant des inondations à la surface. Les remontées de nappe phréatique ont une cinétique lente : l'infiltration de l'eau prend du temps, et une fois que la nappe devient affleurante, les délais de retour à la normale peuvent également s'avérer très longs.

Enfin, l'inondation causée par une rupture d'ouvrage (digue, barrage, etc.), qui se caractérise par une montée brutale de l'eau pouvant s'apparenter à une vague de tsunami, à l'instar de la rupture du barrage de Malpasset survenue en 1959 dans le Var, causant la mort ou la disparition de centaines de personnes.

Typologie des aléas inondation rencontrés en France

Inondation par débordement de cours d'eau

(inondation de plaine et torrentielle)

Submersion marine

 
 

Remontée de nappe phréatique

Inondation par ruissellement

 
 

Source : site internet de Eaufrance - Service public de l'information sur l'eau

Ainsi que le souligne le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ces différents phénomènes sont susceptibles d'intervenir simultanément et d'interagir : à titre d'exemple, le ruissellement et la submersion marine peuvent contribuer au débordement d'un cours d'eau, un débordement de cours d'eau peut contribuer à causer une remontée de nappe phréatique et inversement, une rupture d'ouvrage peut causer ou aggraver un débordement de cours d'eau ou une submersion marine, tout comme un débordement de cours d'eau d'un niveau dépassant le niveau de protection de l'ouvrage peut causer sa rupture partielle ou totale.

Ces aléas inondation touchent à la fois la France métropolitaine et les outre-mer, où ils présentent des spécificités.

Les phénomènes d'inondation en outre-mer

Comme le souligne le rapport d'information du Sénat n° 688 (2017-2018) du 24 juillet 2018 sur les risques naturels en outre-mer, les territoires d'outre-mer sont particulièrement vulnérables face aux risques naturels, car ils se caractérisent par :

- leur caractère exigu et insulaire, à l'exception de la Guyane ;

- une situation de multi-insularité pour plusieurs de ces territoires (Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guadeloupe dans l'océan Atlantique, Mayotte dans l'océan Indien, les trois collectivités du Pacifique avec le cas particulier de la Polynésie française, archipel étendu sur une surface supérieure à celle de l'Europe) ;

- un éloignement vis-à-vis de l'hexagone et des pays voisins ;

- une forte densité démographique et la concentration des populations et activités sur les zones littorales ;

- la persistance d'un habitat informel et précaire, comme en Guyane, à Mayotte ou à Saint-Martin.

Ces territoires sont en outre exposés à une multiplicité d'aléas naturels, parmi lesquels plusieurs aléas inondation.

S'agissant de l'Atlantique, Saint-Pierre-et-Miquelon connaît des conditions météorologiques extrêmes en hiver avec des vents forts, des marées importantes et des tempêtes pouvant occasionner un risque de submersion. Le risque tsunami4(*) existe également, comme l'a montré l'effondrement des Grands Bancs de Terre-Neuve en 1929.

En Guyane, les inondations surviennent principalement au cours de la saison des pluies, soit de janvier à juin. Dans les villes et sur le littoral, les pluies intenses, conjuguées aux marées réduisent les écoulements vers la mer et peuvent entraîner des inondations rapides par débordement de cours d'eau (2 à 3 jours). À l'intérieur des terres, le long des fleuves Maroni et Oyapock, les précipitations occasionnent des débordements, avec un délai de retour à la normale plus lent. La Guyane est également exposée aux inondations par ruissellement et aux submersions.

Dans les Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy), les inondations peuvent survenir toute l'année, de manière relativement localisée et difficile à anticiper. Les ondes tropicales qui peuvent survenir de mai à novembre sont susceptibles d'induire d'importantes pluies sur de courtes durées et des inondations, comme ce fût le cas en 2022. Des tsunamis (liés à des séismes ou à des glissements de terrain sous-marins) peuvent également toucher le littoral.

Ensuite, s'agissant de l'océan indien, à la Réunion, les inondations surviennent surtout au cours de la saison des pluies, entre décembre et avril et essentiellement sur les zones littorales (submersions et débordements de cours d'eau). La région est soumise à des inondations de forte intensité, du fait des épisodes cycloniques qui peuvent frapper l'île et de son relief important. Le risque de tsunami est également présent.

Mayotte est également sujette aux risques de cyclones et tout particulièrement exposée aux submersions marines, aux phénomènes de ruissellement ainsi qu'aux débordements de cours d'eau. Elle est également exposée aux risques de tsunamis.

Enfin, dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie est exposée aux risques littoraux (tsunami et submersions marines) ainsi qu'à plusieurs aléas liés aux débordements de cours d'eau, compte tenu de son important réseau hydrographique. Les évènements tropicaux et la topographie du territoire peuvent induire des phénomènes de crues éclair.

Les îles qui composent la Polynésie française sont exposées aux risques littoraux (tsunamis et submersions marines) ainsi qu'aux crues torrentielles qui peuvent être induites par des conditions météorologiques extrêmes liées aux cyclones.

Enfin, les îles Wallis et Futuna sont également très exposées aux tsunamis et aux risques cycloniques, de novembre à avril, qui peuvent induire d'importantes vagues de submersion et des débordements de cours d'eau.

Source : Site internet du Ministère de la transition écologique et rapport d'information du Sénat
n° 688 (2017-2018) du 24 juillet 2018 sur les risques naturels en outre-mer

b) Un aléa naturel conjugué à des facteurs humains aggravants

Au-delà des causes liées à la météorologie, à la topographie et à la nature minéralogique des sols, les phénomènes d'inondation peuvent être accentués par des facteurs humains.

D'une part, les modalités d'occupation des sols sont un facteur déterminant dans la gravité des inondations.

L'artificialisation des sols peut accentuer les inondations, en empêchant l'infiltration des eaux de surface et en favorisant leur ruissellement. Ainsi que l'a souligné l'Agence de l'eau Seine-Normandie, « l'imperméabilisation des sols en zone urbaine est un facteur de ruissellement important et il y a un fort enjeu à désimperméabiliser partout où c'est possible ».

De même, la destruction ou la mauvaise gestion d'espaces naturels intermédiaires entre les milieux terrestres et aquatiques (destruction de végétation en bord de cours d'eau, de cordons dunaires, de zones humides, de forêts littorales, etc.) et certaines pratiques sur des terres agricoles (destruction de haies, tassement des sols etc.) et forestières (déforestation, destruction de prairies, etc.) sont de nature à aggraver les risques d'inondation et de submersion marine. L'Agence de l'eau Seine-Normandie indique en effet que « certains territoires ruraux manquent de prairies, de haies, de ripisylves, de bois qui seraient de nature à fortement limiter les inondations par débordement et par ruissellement ». L'institut national pour la recherche, l'alimentation et l'environnement (INRAE) a également mentionné le rôle que peuvent jouer certaines pratiques conduisant à une imperméabilisation des sols dans l'aggravation des phénomènes d'inondation, tout en indiquant que celui-ci n'est actuellement pas précisément quantifié. Cet acteur indique en effet que « les conséquences des changements d'occupation des sols font l'objet de spéculations plus que de recherches sérieuses » à ce stade5(*).

D'autre part, la gestion des cours d'eau peut influer sur les phénomènes d'inondation.

Le manque d'entretien du lit d'un cours d'eau peut par exemple causer la création d'embâcles, c'est-à-dire d'amoncellements de matériaux, qui font obstacle à la circulation de l'eau. Ils peuvent favoriser les débordements ou, lorsqu'ils cèdent brutalement, créer des phénomènes de vagues destructrices charriant des objets solides en aval.

De même, certaines interventions ou opérations d'aménagement conduisant à accélérer l'écoulement de l'eau de la rivière peuvent rendre les crues plus dangereuses. C'est le cas des opérations visant à rendre des cours d'eau plus rectilignes ou encore des opérations de curage, comme l'ont rappelé de nombreux acteurs entendus par les rapporteurs.

Comme l'a par exemple indiqué l'Agence de l'eau Rhin-Meuse : « la généralisation des travaux hydrauliques de curage et de recalibrage a montré ses limites suite aux vastes programmes des années 1960-1980, en aggravant les phénomènes de crues courantes dans les zones à enjeux (zones habitées), en asséchant les secteurs agricoles en particulier au cours de la dernière décennie avec l'accélération du changement climatique, tout en dégradant durablement l'état écologique des cours d'eau sur des linéaires considérables ».

2. Plus du quart de la population est aujourd'hui exposé aux inondations, premier risque naturel en France
a) Le risque inondations est prépondérant en France, tant en termes de population exposée que de sinistralité

En matière de prévention des risques naturels, la notion de risque résulte de la rencontre entre un aléa, soit un phénomène naturel dangereux (inondation, tempête, incendie, avalanche, mouvement de terrain, etc.), et des enjeux, c'est-à-dire des activités (habitations, activités économiques, etc.). Le risque inondations doit donc être appréhendé par la conjonction entre les différents phénomènes d'inondation qui affectent le territoire et la présence humaine (population, habitations, infrastructures, activités économiques etc.).

Compte tenu des enjeux qui y sont exposés, le risque inondations est le premier risque naturel en France : selon la direction générale de la prévention des risques (DGPR), 18,5 millions de personnes6(*) - soit plus d'un habitant sur quatre - sont en effet exposées aux inondations par débordement de cours d'eau et/ou par submersion marine. En outre, plus de 9 millions d'emplois sont exposés aux débordements de cours d'eau, un chiffre qui s'élève à plus de 850 000 pour les submersions marines7(*).

Au total, la DGPR estime qu'environ 85 % des communes françaises (soit 30 000 communes environ) ont au moins un concitoyen résidant en zone inondable au regard des enveloppes approchées des inondations potentielles (EAIP) débordement de cours d'eau et/ou submersion marine.

Les graphiques ci-dessous présentent la répartition de la population résidant dans les EAIP débordement de cours d'eau et submersion marine par région, en 2019.

Note de lecture : 19,5 % de la population française résidant dans l'EAIP par débordement de cours d'eau habite en région Île-de-France.

Note de lecture : 28,2 % de la population française résidant dans l'EAIP par submersion marine habite en région Hauts-de-France.

Sources : DGPR et CETE Méditerranée, EAIP 2011 ; Insee 2019 ; Cerema 2023 ; Traitements
SDES 2023

Environ 18 millions d'habitants et 10,5 millions de logements seraient exposés aux risques de débordement de cours d'eau en France, au regard de l'EAIP concerné. Parmi eux, 300 000 personnes résident en outre-mer.

S'agissant des submersions marines, environ 1,5 million d'habitants sont exposés à ce risque en France et 1,3 million de logements, au regard de l'EAIP concerné. Selon le site internet « notre-environnement » mis en place par le Gouvernement, 67 % des personnes exposées aux submersions marines résident dans une commune littorale métropolitaine et 6 % dans une commune littorale ultramarine. Les 27 % restants habitent dans une commune d'estuaire, en particulier au niveau de la Gironde, de la Loire et de la Seine. 13 % de la population du littoral est exposé aux submersions marines, soit un habitant sur huit du littoral français.

Zones potentiellement exposées
à l'aléa submersion marine en France

En revanche, il existe peu de données permettant d'évaluer avec précision l'exposition de la population française aux risques d'inondation par ruissellement et par remontée de nappe phréatique.

À la différence des débordements de cours d'eau et submersions marines, le risque d'inondation par ruissellement semble plus diffus que le débordement de cours d'eau. Il peut toucher des zones urbaines denses, mais également des zones rurales ou agricoles. Il concerne l'ensemble du territoire, y compris des zones éloignées des cours d'eau. Selon les estimations du Cepri, 175 000 habitants seraient touchés en moyenne chaque année par l'aléa ruissellement en France et environ 1,2 million de maisons individuelles de plain-pied y seraient exposées8(*). À titre d'illustration, l'Île-de-France est très exposée à ce risque. Selon des données publiées par l' Institut Paris Région en 2023, toutes les communes franciliennes sont potentiellement exposées au risque d'inondation par ruissellement. En outre, entre 1982 et 2021, 88 % des évènements ayant donné lieu à un arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle pour inondation sur ce territoire pourraient être rattachés à des phénomènes de ruissellement.

S'agissant des remontées de nappe phréatique, on estime qu'un tiers du territoire hexagonal est exposé à ce risque, la zone la plus concernée étant le bassin Artois-Picardie (Nord, Pas-de-Calais, Somme et une partie des départements de l'Aisne et de l'Oise).9(*)

Compte tenu des nombreux enjeux exposés aux inondations sur le territoire français, ce risque naturel est également le premier en termes de dommages occasionnés : selon la caisse centrale de réassurance (CCR)10(*), entre 1982 et 2023, les inondations ont représenté environ 50 % de la sinistralité liée aux catastrophes naturelles11(*) (hors automobile), devant la sécheresse (42 %). Si sur les dix dernières années la sécheresse est devenue la principale cause de sinistralité (52 % de la sinistralité hors automobile), notamment du fait de la croissance du risque de retrait-gonflement des argiles, les inondations demeurent un risque prépondérant (32 % de la sinistralité hors automobile) sur le territoire national. France Assureurs indique que la sinistralité inondation s'est élevée à 20,5 milliards d'euros (en euros constants 2023) sur la période 2000-201912(*) ; sur cette période, l'aléa submersion marine ne représente qu'une part minoritaire de la sinistralité (plus de 1 milliard d'euros, dont 1 milliard lié à la tempête Xynthia).

b) Les dynamiques démographiques à l'oeuvre sur le littoral conduisent à une accentuation des risques sur ces territoires

L'urbanisation croissante des zones exposées aux aléas inondation constitue un facteur d'aggravation du risque. Ainsi que l'a rappelé l'INRAE, « le principal facteur d'aggravation du risque inondations est la poursuite de l'urbanisation des zones inondables, et l'augmentation de la population dans les zones à fort aléa de crue. » Les dynamiques démographiques à l'oeuvre dans les zones littorales illustrent cette problématique.

Selon les chiffres du MTE13(*), le littoral français a gagné 2,8 millions de résidents permanents entre 1962 et 2021, soit une hausse annuelle de 0,7 % (+ 0,6 % sur le territoire métropolitain et + 1,1 % dans les départements et régions d'outre-mer). Cette croissance démographique est principalement liée à un dynamisme du solde migratoire pour le littoral métropolitain et à celui du solde naturel dans les outre-mer.

Ces tendances ont été confirmées dans la période récente malgré des divergences selon les territoires (cf. graphique ci-après), notamment entre les Hauts-de-France et la Normandie (dont la population décroît) et des régions comme la Corse, l'Occitanie, les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine où elle augmente de façon dynamique.

Taux d'accroissement annuel moyen du nombre de logements, d'habitants, du solde naturel et du solde migratoire des territoires littoraux entre 2014 et 2020 (en %)

Source : Revue « Population & Avenir », n° 767, mars-avril 2024 (page 7)

Ces dynamiques engendrent une hausse tendancielle de la densité des territoires littoraux depuis plusieurs décennies, en particulier sur la façade méditerranéenne (+ 0,9 % entre 1962 et 2016) et dans les outre-mer (+ 1,2 %, hors Mayotte, sur la même période).

Évolution de la densité de population
par façade maritime métropolitaine

Source : site internet « notre-environnement.gouv.fr »

Évolution de la densité de population dans les départements ultramarins
(hors Mayotte)

Source : site internet « notre-environnement.gouv.fr »

Au total, au 1er janvier 2021, la densité de la population (résidents permanents) des communes littorales est estimée à 281 habitants par kmen France métropolitaine, soit un chiffre 2,4 fois plus élevé que la densité moyenne (119 hab/km2). Les communes littorales d'outre-mer, à l'exception de la Guyane (6 hab/km2), sont également caractérisées par une densité très élevée, en particulier en Martinique et à La Réunion (plus de 350 hab/km2)14(*).

Ces évolutions sont lourdes d'enjeux pour la prévention des risques et de diffusion de la culture du risque dans ces territoires.

B. 2023-2024 : UNE SÉRIE D'INONDATIONS D'ENVERGURE AUX CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

1. À partir de mi-octobre 2023, une succession continue et inédite de passages pluvieux a entraîné des inondations dans de nombreux territoires

À la fin de l'année 2023 et au début de l'année 2024, la France a été frappée par des inondations qui paraissent atypiques, tant par l'étendue des territoires touchés que par leur temporalité.

a) Inondations 2023-2024 : une succession discontinue d'événements à la temporalité hors norme, liés à des phénomènes pluvieux remarquables

Selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 se caractérisent par une « temporalité hors norme », avec une succession discontinue d'inondations dans certains territoires pendant plus de 6 mois, de novembre 2023 au printemps 2024. Ces événements sont liés à un phénomène météorologique particulier, ayant entraîné des précipitations conséquentes.

Entre mi-octobre et mi-novembre 2023, le Nord et l'Ouest de la France sont en effet traversés par un « rail » de dépression venu de l'océan Atlantique : la différence bien marquée des températures entre les hautes latitudes et les régions subtropicales a formé un « couloir » pour les perturbations pluvieuses, formées au large et amenées en France par le « courant-jet », un courant d'air de l'Atlantique Nord allant d'Ouest en Est.

Le « rail » de dépression de l'automne 2023

Source : Météo-France

L'épisode de perturbations débute mi-octobre puis s'intensifie avec la tempête Ciarán, passée en France les 1er et 2 novembre 2023 et accompagnée de précipitations hors normes, suivies des tempêtes Domingos (les 4 et 5 novembre 2023) et Frederico (le 16 novembre 2023).

De mi-octobre à mi-novembre 2023, il pleut en France sans discontinuer pendant 32 jours. Avec un cumul moyen de précipitations de 237,4 mm entre le 18 octobre et le 16 novembre, le record de cumul mensuel de pluie national, atteint en 1988, est battu15(*). Dans les Hauts-de-France, les cumuls de pluie en novembre ont dépassé 500 mm, soit l'équivalent de 6 mois de précipitations habituellement.

Température et pluviométrie en automne par année (1959 à 2023)

Source : Météo-France

Ces précipitations intenses et prolongées ont généré des crues exceptionnelles, d'abord en Bretagne puis en Nouvelle-Aquitaine, en Corse, dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, les inondations ont débuté le 6 novembre 2023 et se sont poursuivies tout au long du mois de novembre, par ruissellement, par remontée de nappes phréatiques et surtout par débordement de cours d'eau, dans le cadre de crues répétées. Ces crues ont, pour certains cours d'eau, atteint des niveaux historiques : pour l'Aa par exemple, la période de retour de la crue16(*) a été estimée à 200 ans, pour la Liane, la Hem et la Canche, elle a été a minima de 100 ans. Dans le Pas-de-Calais comme dans le Nord, le cumul de pluies sur le mois de novembre a été plus de 2 fois supérieur à la normale. La Vigilance rouge pour pluie-inondation, normalement réservée aux pluies torrentielles de montagne, a ainsi pour la première fois été déclenchée par Météo-France pour le Pas-de-Calais.

Périodes de retour des crues de novembre 2023 
dans le Nord et le Pas-de-Calais

Source : Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des
territoires touchés par des inondations

Après une accalmie en décembre 2023, les débits des cours d'eau sont repartis à la hausse dans ces deux départements début janvier 2024 en raison des précipitations, dans un contexte où le niveau des cours d'eau dépassait le niveau de saison et de saturation des sols, occasionnant de nouveaux débordements.

Si le Nord et le Pas-de-Calais ont été fortement touchés par ces phénomènes météorologiques, le reste du territoire français n'a pas été épargné.

En Charente et en Charente-Maritime, les précipitations ont également été anormalement fortes. Le cumul de précipitations entre octobre et décembre 2023 a atteint un niveau record en Charente et il a été 1,8 fois supérieur à la normale de saison en Charente-Maritime. Dans ce contexte, la rivière de la Charente a connu plusieurs crues entre les mois d'octobre 2023 et d'avril 2024, touchant fortement la ville de Saintes.

Dans les Alpes du Sud, les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes ont subi une succession de plusieurs événements de précipitations intenses. Entre les 20 et 24 octobre, l'épisode méditerranéen associé à la dépression Aline a apporté de fortes pluies notamment sur les massifs du Champsaur, du Valgaudemar et du Dévoluy avec des cumuls de 100 à 130 mm en cinq jours. Si la région est restée à l'écart des perturbations du mois de novembre, un épisode pluvieux marquant, associé à un redoux entraînant une fonte nivale et l'abaissement de la limite pluie-neige, ont favorisé la survenue d'inondations et coulées de boue dans les Hautes-Alpes entre le 30 novembre après-midi et la nuit du 1er au 2 décembre 2023.

En mars 2024, les intempéries liées à la tempête Monica ont entraîné à l'échelle nationale un nouvel épisode d'inondations : du 8 au 10 mars, 44 départements étaient classés en vigilance jaune en raison des intempéries, dont 34 départements en vigilance crues.

Les inondations se sont ensuite poursuivies dans certains territoires, en raison d'un printemps météorologique (mars, avril, mai) 2024 particulièrement pluvieux : le printemps 2024 se classe ainsi au 4ème rang des printemps les plus pluvieux depuis 1959, avec des précipitations excédentaires par rapport aux moyennes de saison sur la plus grande partie du territoire17(*).

b) Une catastrophe naturelle d'une étendue géographique également inédite

La crise de 2023-2024 apparaît également atypique en raison de la grande étendue des territoires touchés. Au 1er juin 2024, des communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle en raison des inondations survenues depuis novembre 2023 dans 54 départements de France métropolitaine et d'outre-mer, soit 53 % des départements.

Au total, l'ensemble des régions de la France hexagonale, ainsi que la Corse et La Réunion, ont été touchées, dans des proportions différentes, par des inondations entre le 1er novembre 2023 et le 1er juin 2024.

Nombre de départements dont au moins une commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle par phénomène d'inondations,
du 1er novembre 2023 au 1er juin 2024

Phénomène naturel

Nombre de départements dont au moins une commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle

Inondations et coulées de boue

51 départements18(*)

Inondations par choc mécanique des vagues

9 départements19(*)

Inondations par remontée de nappes phréatiques

3 départements20(*)

TOTAL

54 départements21(*)

La région Hauts-de-France est la plus fortement touchée : 370 communes ont été reconnues en état de catastrophes naturelles dans les départements du Pas-de-Calais, du Nord et, plus marginalement, de la Somme. Parmi elles, 145 communes ont été à la fois reconnues en état de catastrophe naturelle pour l'épisode de novembre 2023 et pour celui de janvier 2024. S'agissant du Nord et du Pas-de-Calais, cette situation s'explique en partie par la vulnérabilité de ces territoires face au risque d'inondation, qui tient à leurs caractéristiques physiques.

Le Nord et le Pas-de-Calais : un territoire historiquement vulnérable au risque inondations

L'exposition au risque inondations est particulièrement forte dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, qui comportent une zone de « polder »22(*) dit « polder de Flandre maritime » de 100 000 hectares située sous le niveau de la mer, constituée sur l'ancien delta de l'Aa (zone de plaine maritime). Ce secteur, situé entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer, compte environ 450 000 habitants.

Pour assécher ce secteur, réguler le niveau des eaux de surfaces et évacuer les excédents vers la mer, un réseau de 1 500 km de canaux, de fossés et d'ouvrages appelé « wateringues » a été créé dès le Moyen-Âge. Dans les années 1970, un vaste programme de drainage a conduit à l'implantation de nombreuses stations de pompage sur ce réseau.

Source : Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des
territoires touchés par des inondations

Au sein du polder des wateringues, l'écoulement des eaux douces à la mer n'est possible que pendant la marée basse, lorsque le niveau de la mer est inférieur au niveau d'eau dans les canaux : cet écoulement est dénommé « évacuation gravitaire » et son efficacité dépend de l'amplitude des marées.

En pratique, à marée haute, les portes à la mer sont fermées afin que l'eau n'envahisse pas les terres. Les eaux douces arrivant de l'amont ainsi que les eaux pluviales sont stockées dans le réseau de canaux. À marée basse, les portes à la mer (qui se situent dans les ports de Calais, Gravelines et Dunkerque) sont ouvertes pour évacuer les eaux qui se sont accumulées dans les canaux. Lorsqu'à marée haute, les pluies engendrent un apport d'eau ne pouvant pas être stocké dans les canaux sans provoquer de débordements et donc d'inondations, les stations de pompage permettent d'évacuer les eaux excédentaires à la mer.

Les inondations de 2023-2024 ont montré les limites de ce système de régulation en cas de précipitations exceptionnelles.

La partie Sud de la France n'a également pas été épargnée par des inondations, même si leur ampleur a été plus modérée. Dans les Alpes du Sud, dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence, les fortes pluies survenues entre le 30 novembre et le 2 décembre 2023, associées à un redoux entraînant une fonte des neiges, ont favorisé la survenue des crues intenses, notamment sur la Durance, s'apparentant à des épisodes cévenols et entraînant inondations et coulées de boues. Dans ces deux départements, plusieurs dizaines de communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle pour les événements survenus début décembre. Les 13 et 14 mai 2024, les rapporteurs ont constaté l'étendue considérable des dégâts causés par ces crues, en se rendant dans plusieurs de ces communes des Alpes-de-Haute-Provence (Barcelonnette, La Condamine-Châtelard, Uvernet-Fours, Enchastrayes) et des Hautes-Alpes (Guillestre et Risoul).

L'épisode d'inondations survenu en 2023 et au début de l'année 2024 apparaît ainsi inédit, à la fois dans sa temporalité et dans son étendue. L'année 2023 a été marquée par 81 épisodes de vigilance crues orange ou rouge, le nombre le plus élevé depuis la création de ce système de vigilance par Météo-France en 2001. Sur le seul dernier trimestre 2023, la vigilance orange ou rouge crues a été activée pendant 49 jours, ce qui constitue là aussi un record.

2. Un bilan humain, social, sanitaire et matériel conséquent sur les territoires touchés, qui doit être évalué sur la durée
a) Un bilan humain lourd, avec des conséquences de long terme

Entre le mois d'octobre 2023 et celui d'avril 2024, les inondations qui ont frappé la France ont causé la mort de treize personnes, dont neuf en France métropolitaine et quatre en outre-mer. Les rapporteurs déplorent ce lourd bilan humain et tiennent à exprimer leur solidarité avec les victimes.

La répartition géographique de ces victimes en France métropolitaine présente un paradoxe : aucun décès n'a été recensé dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, alors même que ces territoires ont été les plus touchés par les inondations.

À l'inverse, les victimes de France métropolitaine sont concentrées géographiquement en zone de montagne, à une exception près, et spécifiquement dans l'arc méditerranéen, à savoir des territoires où les inondations ont pourtant été moins spectaculaires dans leur ampleur. Huit des neuf décès dus aux inondations de 2023 et 2024 en France métropolitaine ont ainsi eu lieu dans cet arc, en Ardèche (1 décès), dans le Gard (6 décès) et dans l'Hérault (1 décès), durant des épisodes cévenols de crue torrentielle liés à la tempête Monica de mars 2024. Le seul décès survenu hors de l'arc méditerranéen a eu lieu en février 2024 et faisant suite à un épisode de crue dans le département des Deux-Sèvres23(*).

Cette répartition géographique des victimes est cohérente avec celle historiquement observée pour ce type de phénomènes : à l'exception de la tempête Xynthia (phénomène de submersion marine), les inondations des quinze dernières années ayant causé plus de 10 morts sont concentrées dans l'arc méditerranéen et liées à des crues torrentielles de montagne. De 2013 à 2022, 113 des 146 décès liés aux inondations en France ont eu lieu dans ce périmètre géographique24(*), caractérisé par des crues soudaines et violentes.

Les quatre décès survenus en outre-mer ont eu lieu sur l'île de La Réunion en janvier 2024, durant un épisode de crue torrentielle lié à de fortes pluies.

Nombre de victimes recensées par épisode d'inondation de 2010 à 2022 

Année

Type de phénomène

Événement

Nombre de victimes

2010

Inondation par submersion marine

Tempête Xynthia sur le littoral atlantique en février-mars 2010, en particulier en Vendée

53

2010

Crue torrentielle

Inondations de juin 2010 dans le Var

25

2015

Crue torrentielle

Inondations d'octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes

20

2018

Crue torrentielle

Inondations d'octobre 2018 dans l'Aude

14

2020

Crue torrentielle

Tempête Alex d'octobre 2010 dans les Alpes-Maritimes

18

Source : rapport IGA -- IGEDD, 2023

La faiblesse relative du nombre de victimes (13 décès), en comparaison de celui constaté lors des cinq principales inondations des quinze dernières années (14 à 53 morts, voir détails dans le diagramme ci-après), s'explique donc par la prévalence des inondations de plaine, nettement moins meurtrières que les crues de montagne.

Nombre annuel de décès et de disparitions dus aux inondations en France de 1973 à 2018, en fonction du type d'inondations

Source : rapport IGA -- IGEDD, 2023

Au-delà du nombre de décès, un bilan sanitaire global des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024  reste à ce stade difficile à évaluer.

Selon Santé publique France, « les inondations peuvent laisser des séquelles à court et à long terme sur la santé psychosociale et mentale. » Ces séquelles sont liées aux perturbations économiques et sociales qui surviennent dans la vie des victimes d'inondations, qui sont de plusieurs ordres : dégradation voire destruction de leurs biens personnels et de leur milieu de vie, interruption plus ou moins longue de leur vie professionnelle, incertitude financière liée aux destructions matérielles subies... Surtout, après avoir été évacués et relogés, les sinistrés sont susceptibles de vivre plusieurs semaines voire plusieurs mois hors de leur domicile, avec toutes les difficultés que cela peut entraîner pour leur vie quotidienne.

Santé publique France souligne que les inondations peuvent accroître la prévalence de symptômes de stress post-traumatique, de dépression, d'anxiété et d'idées suicidaires chez les personnes exposées. Cette exposition favoriserait également la consommation excessive de drogue, d'alcool ou de médicaments et diminuerait le sentiment de sécurité chez les victimes.

Les inondations représentent donc un réel enjeu de santé publique, qui tendra à s'accentuer avec le dérèglement climatique, compte tenu de l'augmentation de la fréquence et de l'intensité de ces événements. À ce titre, la FNSPF considère que la charge opérationnelle exceptionnelle induite par la gestion des inondations « génère un stress important de la part des administrés et des autorités et est caractéristique d'un burn-out climatique. »

La santé physique des personnes sinistrées peut également être impactée par les inondations, selon Santé publique France. Le stress constitue en effet un facteur de risque pour de nombreuses maladies (ulcères duodénaux, arthrite, bronchites...), y compris cardiovasculaires (hypertension artérielle). Un état de santé physique précaire préexistant peut également être aggravé par la situation. Les inondations sont aussi associées à une incidence accrue de maladies d'origine hydrique. Enfin, les logements inondés sont propices au développement de moisissures, de champignons et de bactéries qui augmentent le risque de développer ou d'aggraver des problèmes cutanés, allergiques, oculaires, respiratoires ou gastro-intestinaux.

Une surveillance de l'impact sanitaire à court terme des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 a été mise en place dans le département du Pas-de-Calais par l'Agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France, basée sur le dispositif SurSaUD (Surveillance sanitaire des Urgences et des Décès). Il s'agissait de détecter d'éventuelles augmentations des recours aux soins d'urgence pour des pathologies cibles (gastro-entérites, traumatismes, intoxications au monoxyde de carbone, hypothermies, troubles anxieux et stress et passages toutes causes) et de décrire les événements de santé aigus pouvant être associés aux inondations. Aucune augmentation inhabituelle et importante des recours aux soins d'urgence pour ces regroupements syndromiques n'a été détectée à ce stade. Une légère augmentation des recours aux urgences pour troubles anxieux a toutefois été observée entre mi-novembre et mi-décembre, avec des effectifs qui restent très faibles.

Il convient de poursuivre cette surveillance à moyen terme, afin de disposer d'une évaluation plus complète des conséquences sanitaires des inondations, particulièrement dans le Nord et le Pas-de-Calais, qui sont les territoires les plus touchés.

b) Un bilan matériel différencié selon les territoires

Les inondations de 2023 et 2024 ont causé des dommages aux biens des particuliers, des entreprises et des administrations publiques (État et collectivités territoriales). La répartition des dommages entre ces trois catégories d'acteurs apparaît cependant différenciée selon les territoires.

Dans les Hauts-de-France, le montant des dommages liés aux inondations sur les biens assurables est évalué à 640 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance (CCR). La majorité des dégâts concerne le premier épisode pluvieux : les intempéries de novembre 2023 ont entraîné 550 millions d'euros de dégâts, celles de début 2024 ont aggravé les sinistres déjà présents pour un montant de 75 millions d'euros et causé de nouveaux sinistres, pour un montant de 15 millions d'euros. Les dommages concernent le Pas-de-Calais (64 % du montant des dommages), le Nord (29 %) et, dans une moindre mesure, la Somme (7 %).

Le coût des inondations de 2023 et de 2024 en termes de dommages sur les biens assurables n'apparaît pas inédit, malgré l'intensité et la temporalité hors du commun de la crise. À titre de comparaison, les inondations de la Seine de mai-juin 2016 avaient coûté, en euros de 2024, 1,4 milliard d'euros sur les biens assurables, soit deux fois plus, tandis que les inondations consécutives à la tempête Alex de 2020, dans les Alpes-Maritimes, avaient causé 1 milliard d'euros de dommages sur les biens assurables.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, les particuliers ont été fortement sinistrés : 33 037 sinistres de particuliers ont été recensés, pour un coût moyen par sinistre évalué entre 10 000 et 11 000 euros. Une cinquantaine de demandes d'information au titre du rachat de maisons par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) dit « fonds Barnier », qui témoignent d'une volonté des habitants de quitter leur logement, ont été formulées25(*).

Concernant les professionnels, 1 812 sinistres ont été recensés, avec un coût moyen cependant significativement plus élevé, de l'ordre de 69 000 euros. Au-delà des 400 entreprises touchées directement par les inondations, celles-ci ont impacté l'activité d'environ un millier d'entreprises, selon la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Hauts-de-France. Les pertes de fonds causées aux agriculteurs sont évaluées par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)26(*) à 12,7 millions d'euros.

Enfin, les dégâts induits par les inondations sur les infrastructures publiques représentent un coût financier majeur, particulièrement pour les collectivités territoriales. Concernant le patrimoine routier des départements, les dégâts sont estimés à 85 millions d'euros pour le Pas-de-Calais et à 15 millions d'euros pour les Hautes-Alpes27(*). Pour les seules inondations de novembre 2023, le coût des dégâts sur des biens non assurables des collectivités sur l'ensemble de la France est évalué par la direction générale des collectivités locales (DGCL) à 200 millions d'euros. Ces dégâts concernent également les ouvrages d'endiguement, en particulier dans les zones de montagne où la violence des crues torrentielles a causé de sérieux dommages.

Les rapporteurs ont constaté à cet égard l'ampleur des dégâts causés par les inondations lors de plusieurs déplacements, effectués dans le Pas-de-Calais et dans les Alpes du Sud.

Déplacements des rapporteurs dans le cadre de la mission --
Focus sur les dégâts causés par les inondations

Les rapporteurs ont effectué trois déplacements, dont deux dans le Pas-de-Calais (les 5 mars et 17 mai 2024) et un dans les Alpes du Sud (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes, les 13 et 14 mai 2024). Ils ont veillé à aller à la rencontre des différentes catégories d'acteurs touchés par les inondations, particuliers, acteurs économiques et collectivités territoriales.

Le déplacement dans le Pas-de-Calais du 5 mars 2024 a notamment permis aux rapporteurs d'échanger avec des chefs d'entreprise de la zone industrielle de la Liane à Saint-Léonard dans l'agglomération de Boulogne, des habitants sinistrés de la commune de Saint-Étienne-au-Mont et le maire de la commune de la Calotterie, fortement touchée par les inondations.

Vue aérienne de la zone industrielle de la Liane (novembre 2023)

Source : communauté d'agglomération du Boulonnais

Le second déplacement dans le Pas-de-Calais du 17 mai 2024 a notamment été l'occasion de rencontrer des habitants de la rue Roger Salengro à Blendecques (dont plusieurs maisons sont en passe d'être rachetées par les pouvoirs publics pour créer un bassin de rétention des eaux) ainsi que des représentants du monde agricole.

Façade d'une maison sinistrée à Blendecques

Source : déplacement des rapporteurs du 17 mai 2024

Enfin, lors du déplacement dans les Alpes les 13 et 14 mai 2024, les rapporteurs ont pu mesurer l'ampleur des dégâts causés par les crues torrentielles de décembre 2023 sur les infrastructures publiques (routes, ponts et ouvrages d'endiguement arrachés ou sévèrement endommagés), mais également sur les commerces avec toutes les conséquences qui s'y attachent pour certains acteurs économiques, notamment s'agissant du magasin Intermarché de Guillestre (Hautes-Alpes) dévasté par l'eau et la boue.

Échanges des rapporteurs avec le préfet des Alpes-des-Hautes-Provence

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Digue endommagée par les inondations de 2023 à Uvernet-Fours (Alpes-de-Haute-Provence)

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Pont d'urgence installé par l'armée au niveau de la station de Risoul (Hautes-Alpes), à la suite de l'arrachement de la route d'accès lors des inondations de décembre 2023

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Rencontre avec les gérants de l'Intermarché de Guillestre (Hautes-Alpes), sinistré par les inondations de décembre 2023

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Les rapporteurs ont pu constater, au cours de ces déplacements, les conséquences inégales des dégâts selon les territoires. Les inondations du Nord de la France ont particulièrement touché les habitations, tandis que, dans l'arc méditerranéen, c'est le patrimoine des collectivités territoriales qui a subi le plus de dégâts du fait des crues torrentielles (dommages aux infrastructures, notamment aux ponts, aux routes et aux systèmes d'endiguement).

C. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE AMPLIFIERA LE RISQUE INONDATIONS

1. Une hausse de l'intensité des inondations sur la période récente due en partie au changement climatique

Il n'est pas inutile de rappeler que le changement climatique n'est pas seulement une perspective, mais que ses conséquences concrètes sur la fréquence et l'intensité des catastrophes naturelles sont déjà observées sur la période récente, comme en témoignent les inondations et les submersions marines.

Il est établi que l'évolution du climat a conduit à une hausse globale de la pluviométrie en France métropolitaine. Une étude estime ainsi que la survenance d'un événement équivalent aux précipitations du printemps 2016 est deux fois supérieure à la période industrielle28(*). De manière plus spécifique, une autre étude évalue la probabilité d'atteindre un événement centennal dans les Cévennes à 2,5 fois plus importante actuellement que durant la période de 1971 à 200029(*).

La situation est toutefois contrastée sur le territoire métropolitain. Sur les cinquante dernières années, Météo-France constate une augmentation des précipitations dans la moitié nord de la France, tandis que le sud connaît une légère diminution des pluies. L'augmentation au nord est plus marquée l'hiver, tandis que la diminution au sud est surtout constatée l'été. Par exemple, on mesure à Boulogne-sur-Mer une augmentation des précipitations hivernales de 50 % entre 1961 et 2017, tandis qu'à Nice, on constate une baisse des précipitations estivales comprise entre 20 et 30 % sur la même période.

Il faut également relever que la confiance dans l'interprétation des données est plus élevée pour les phénomènes d'augmentation de la pluviométrie dans le nord que pour la stabilité ou la diminution des pluies dans le sud.

Évolution observée du cumul annuel des pluies
en France métropolitaine sur la période 1961-2014

Source : réponses de Météo-France au questionnaire des rapporteurs

L'augmentation des pluies est liée à celle de la température, car une atmosphère plus chaude peut transporter davantage de vapeur d'eau. Le rapport annuel de 2022 du Haut Conseil pour le climat, qui s'appuie lui-même sur les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), estime ainsi que pour chaque degré de réchauffement, les couches basses de l'atmosphère peuvent transporter 7 % de vapeur d'eau supplémentaire.

Des précipitations en moyenne plus élevées ne sont d'ailleurs pas incompatibles avec la progression parallèle des épisodes de sécheresse, dans la mesure où la hausse de la pluviométrie se traduit d'abord par une intensification des épisodes de pluies extrêmes. Le rapport précédemment cité du Haut Conseil pour le climat indique ainsi que « Les records de précipitations ont augmenté d'environ 20 % en 60 ans dans la région méditerranéenne française », et plus généralement qu'« Une intensification des pluies extrêmes est observée à l'échelle de l'Europe de l'Ouest (avec une contribution probable de l'influence humaine sur le climat), et dans le sud-est de la France. »30(*) De la même façon, le Schapi rappelle que « Des pluies moins importantes en cumul sur le sud peuvent néanmoins être dévastatrices si elles se présentent plus souvent sous forme d'évènements intenses. »31(*)

En ce qui concerne les tempêtes, il n'est en revanche pas observé une progression de leur nombre ni de leur intensité au cours de la période récente, comme l'a rappelé Météo-France dans sa contribution aux travaux de la mission d'information : « Contrairement à l'évolution d'autres phénomènes météorologiques comme les vagues de chaleur, il n'existe pas de consensus scientifique clair sur l'effet du changement climatique sur la fréquence ou l'intensité des tempêtes en France. On n'observe pas de tendance significative sur les évolutions passées depuis plus de 40 ans. »32(*)

Les 40 tempêtes majeures en France métropolitaine
de 1980 au 2 novembre 2023

Source : réponses de Météo-France au questionnaire des rapporteurs

Devant les rapporteurs toutefois, Météo-France a estimé que l'hypothèse d'une influence du climat sur l'intensité des tempêtes ne devait pas être écartée. En effet, même si le rail de dépression au sud à l'origine des tempêtes de l'automne et hiver derniers n'est pas causé par le changement climatique - car il s'agit d'un phénomène climatique récurrent -, il demeure en revanche possible que la hausse des températures ait aggravé leur intensité sur la période récente, et que les tempêtes soient encore plus violentes les décennies à venir.

Concernant les cyclones en revanche - qui est une problématique touchant spécifiquement l'outre-mer - il est établi que le changement climatique a conduit à leur augmentation sur la période récente. En faisant la synthèse des études scientifiques disponibles sur la question, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer de mai 2024 est arrivée à la même conclusion : « le changement climatique est un facteur d'aggravation majeur des aléas de type hydroclimatiques et marins (cyclones, inondations, submersion marine, vent, pluviométrie, érosion) qui se traduit par une élévation des températures et du niveau de la mer, et une recrudescence des phénomènes météorologiques extrêmes. »33(*)

Le dernier rapport du GIEC considère comme vraisemblable que la proportion de cyclones de catégories 3 ou supérieure ait augmenté en moyenne sur le monde lors des 40 dernières années. Pour les Antilles, le modèle « Arpege-climat » de Météo-France indique que les ouragans de catégories 4 et 5 sont plus fréquents. Cette commission d'enquête rapporte également que « les pluies cycloniques devraient également être amenées à augmenter de 5 à 15 % du fait de l'augmentation de la température de l'air. »34(*)

Dans l'océan indien, selon les résultats du projet « Building resilience in the indien ocean » (BRIO), dont l'objectif est de construire des projections climatiques dans la région : à l'horizon 2100, les précipitations pourraient augmenter de 10 à 20 % durant l'été austral, avec une probabilité que la fréquence des cyclones de catégorie 5 augmente. À l'inverse, l'activité cyclonique pourrait diminuer en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. En revanche, les pluies intenses autour des cyclones pourraient augmenter.

Le lien entre l'intensification des pluies et l'évolution de la sinistralité des inondations et des submersions doit toutefois être considéré avec prudence.

En effet, malgré l'augmentation de la pluviométrie, la Caisse centrale de réassurance (CCR) n'a pas constaté une augmentation significative de la sinistralité inondations sur les vingt dernières années : le coût (en moyenne annuelle) de celle-ci était de 943 millions d'euros en 2000, contre 979 millions d'euros en 202335(*). D'après la CCR, la totalité de cette progression s'explique par les réformes du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Il en va globalement de même pour la sinistralité provoquée par les submersions marines, avec une très légère augmentation due au climat (61 millions d'euros en 2000 contre 63 millions d'euros en 2023).

Ces chiffres ne signifient aucunement qu'il n'y a pas de lien entre les évolutions climatiques des dernières décennies et les inondations ainsi que les submersions marines. La stabilité de la sinistralité peut être expliquée par de nombreux autres facteurs, comme l'installation de protections (digues, murailles, etc.) et l'évolution des règles urbanistiques. Lorsque l'on ne regarde plus seulement la sinistralité, mais la fréquence des événements, il apparaît que les inondations ont en moyenne progressé.

En ce qui concerne les inondations par débordement, une étude observe une progression au nord et particulièrement dans le nord-ouest de la France36(*). En revanche, une diminution de ce type d'inondations serait plutôt constatée dans le Sud, sans que celle-ci ne soit parfaitement établie37(*). Dans le cas des inondations par ruissellement, il apparaît en revanche établi que l'augmentation des précipitations a globalement conduit à leur progression. La mission sur l'assurabilité des risques climatiques conclut ainsi qu'« Il est donc aujourd'hui faisable d'attribuer au changement climatique des événements d'inondations par ruissellement »38(*).

En outre, les conséquences du changement climatique sur la survenue des inondations et des submersions marines ne suivent pas une courbe linéaire. Il est envisageable que la poursuite de l'augmentation des températures conduise à un emballement de ces événements extrêmes. Il est donc nécessaire d'examiner en parallèle les projections sur les décennies à venir.

2. Sur le long terme, la fréquence et l'intensité des inondations progresseront de manière différenciée selon les territoires

Il y a un consensus parmi les scientifiques sur le fait que l'augmentation des températures ainsi que l'élévation du niveau de la mer conduira à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines, même si des marges d'incertitude demeurent sur la portée exacte de cet effet.

a) Les inondations seront en moyenne plus fréquentes et plus intenses dans les décennies à venir

Dans le scénario de la trajectoire de référence du réchauffement climatique, il est attendu une augmentation moyenne des pluies extrêmes, confirmant la tendance observée sur le climat des cinquante dernières années. De même, la progression de la fréquence et de l'intensité des sécheresses est désormais bien établie. Météo-France a ainsi déclaré aux rapporteurs que : « La variabilité saisonnière et les extrêmes augmenteront plus vite que les changements moyens et ainsi les épisodes de pluie extrême et de sécheresse du sol deviendront à l'échelle globale plus fréquents et plus intenses. »39(*)

En outre-mer, il est estimé que le changement climatique conduira à une intensification des cyclones, autant au niveau de la pluviométrie que de la force des vents.

D'une manière générale, l'augmentation de la fréquence des précipitations intenses, devrait conduire à une aggravation globale des inondations par ruissellement, qui touchera principalement les territoires qui sont déjà les plus concernés par ces catastrophes naturelles.

Concernant les inondations par débordement, la situation est plus contrastée : le changement climatique conduira à une transformation de l'humidité des sols, qui pourra se traduire par une augmentation ou une diminution des inondations selon les régions. D'après la mission sur l'assurabilité des risques climatiques : « le projet Explore 2070 [...] anticipe une augmentation de l'intensité des crues dans les Cévennes, dans le Nord-Est de la France. Dans d'autres régions, notamment dans les Alpes, les Pyrénées, le Jura, dans certaines parties du bassin versant de la Garonne et de la Seine, l'aléa inondation par débordement pourrait au contraire diminuer. »40(*)

Projections climatiques concernant les épisodes cévenols

En ce qui concerne les projections futures, les projections climatiques régionalisées n'ont pas à ce jour une résolution spatiale suffisante pour simuler les épisodes convectifs comme les épisodes méditerranéens. Des travaux sont en cours, notamment dans le cadre de la (Trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique) TRACC, pour répondre plus précisément à la question de l'impact du changement climatique sur ces évènements extrêmes.

Toutefois, à ce jour, les études réalisées avec une large gamme de modèles numériques (modèles planétaires à environ 100 km, modèles régionaux à environ 12 km, modèles résolvant la convection à 2-3 km) s'accordent pour conclure à une augmentation de l'intensité de ces événements méditerranéens dans un climat plus chaud. On s'attend à une augmentation des pluies extrêmes sur le nord-ouest de la Méditerranée avec une confiance faible pour un niveau de réchauffement à 1,5 °C et une confiance élevée pour un niveau de 4 °C.

L'intensification attendue est en moyenne de quelques pourcentages sur les cumuls quotidiens par °C de réchauffement, mais avec une incertitude qui reste importante. Cela n'exclut pas des accroissements d'intensité largement supérieurs au taux de Clausius-Clapeyron (soit 7 %/°C), notamment sur les cumuls horaires.

Les projections n'indiquent pas d'évolution claire du nombre total d'événements méditerranéens, mais les événements les plus intenses en termes de cumuls de pluie deviendront plus fréquents. Il n'y a pas non plus d'évolution claire de la localisation géographique des épisodes méditerranéens. 

Source : réponses de Météo-France au questionnaire écrit des rapporteurs

Note : les projections climatiques régionalisées sont disponibles sur le site de Météo-France DRIAS : https://www.drias-climat.fr/

Sur l'ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l'horizon 2050. Le choix de la projection climatique peut toutefois modifier de façon très significative le profil des territoires qui connaîtront une progression de la sinistralité.

Les scénarios RCP

Les scénarios « RCP », pour « représentative concentration pathways », sont des scénarios utilisés par le GIEC pour construire des projections climatiques. Ils permettent de distinguer différentes hypothèses de l'influence de plusieurs facteurs, dont surtout de la quantité de gaz à effet de serre émise dans l'atmosphère, sur l'évolution du climat.

Le GIEC emploie quatre scénarios, « 2.6 », « 4.5 », « 6.5 », « 8.5 », dont les chiffres se réfèrent à un niveau de « forçage radioactif ». Le forçage radioactif désigne la différence entre l'énergie reçue et l'énergie perdue dans un système climatique. En d'autres termes, plus le chiffre est élevé, plus le système est réchauffé.

Dans son étude sur la sinistralité des catastrophes naturelles à l'horizon 2050, la Caisse centrale de réassurance s'est concentrée sur les scénarios RCP 4.5 et RCP 8.5.

Source : mission conjointe de contrôle

Évolution de la sinistralité inondations

(en millions d'euros)

Source : mission conjointe de contrôle, d'après le rapport sur les conséquences du changement climatique sur le
coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050 de la Caisse centrale de réassurance publié
septembre 2023

Dans le scénario RCP 4.5, l'arc méditerranéen devrait voir une progression de la sinistralité pour cause d'inondations qui approche ou dépasse les 100 %, de même que la Bretagne et la côte ouest. Dans le scénario RCP 8.5, les inondations seront au contraire moins intenses en moyenne dans le sud de la France, elles progresseront de manière plus modérée en Bretagne, et elles seront plus importantes dans le nord.

Comparaison des évolutions des dommages assurés moyens annuels
par département dus aux inondations entre le climat actuel et 2050

Source : les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050, Caisse centrale de réassurance, septembre 2023

b) Le changement climatique conduira à une forte hausse de la sinistralité provoquée par les submersions marines

Si les sinistres liés aux submersions marines représentent un coût moins substantiel que les inondations par ruissellement ou par débordement, leur évolution en raison du changement climatique est plus rapide. La sinistralité relative aux submersions marines augmenterait ainsi de 75 % à 91 % par rapport au climat actuel à l'horizon 2050, selon la projection climatique retenue41(*). La mission sur l'assurabilité des risques climatiques évalue quant à elle l'augmentation du coût des dommages d'un facteur 2 à un facteur 10 à horizon 205042(*).

Évolution de la sinistralité submersions marines

(en millions d'euros)

Source : mission conjointe de contrôle, d'après le rapport sur les conséquences du changement climatique sur le
coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050 de la Caisse centrale de réassurance publié en
septembre 2023

Le changement climatique favorise la survenue des submersions marines par l'élévation du niveau des mers et l'intensification des tempêtes. Selon les projections climatiques actuelles, le premier facteur serait le plus déterminant en France métropolitaine : « Si le changement climatique peut avoir des effets sur les caractéristiques des tempêtes météorologiques, le phénomène le plus préoccupant en France métropolitaine en ce qui concerne l'aléa de submersion marine futur est l'élévation du niveau marin. »43(*) Concernant l'outre-mer, le sixième rapport du GIEC indique que le changement climatique devrait conduire à une intensification des cyclones, et par là à une progression de la submersion marine dans les territoires concernés.

Tout comme pour les autres types d'inondations, les territoires les plus exposés aux submersions marines ne sont pas identiques selon les projections climatiques retenues. Pour une période de retour de 50 ans, le scénario 4.5 prévoit des submersions marines plus importantes sur la Manche que dans le scénario 8.5. En revanche, ce scénario est plus défavorable à la Méditerranée.

Comparaison des évolutions des dommages assurés par département dus aux submersions marines entre le climat actuel et 2050

Source : les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France
à horizon 2050, Caisse centrale de réassurance, septembre 2023

Les collectivités d'outre-mer sont également particulièrement exposées à l'augmentation du risque de submersion marine : les littoraux sont souvent urbanisés, et une partie de cet habitat est précaire. Pour cette raison, la loi de finances initiale pour 2024 a étendu les financements du fonds Barnier aux actions menées par les agences de la zone des cinquante pas géométriques44(*).

Le projet « changement climatique et conséquences sur les Antilles françaises » indique qu'en Guadeloupe notamment, dans le scénario d'une hausse du niveau de la mer de 80 centimètres, les vagues les plus hautes pourraient croître de 20 % à 40 % dans les zones de mangrove autour du Grand-cul-de-sac-marin. La superficie d'exposition potentielle au risque de submersion à Kourou et Cayenne pourrait également doubler entre 2050 et 210045(*).

Le risque de submersion marine est particulièrement présent en Polynésie française, et il est voué à progresser avec l'élévation du niveau de la mer. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, les habitations au bord du littoral doivent obligatoirement être surélevées. Le site de l'administration de la Polynésie française souligne ainsi que : « Les dernières données disponibles montrent que cette hausse, très variable d'une région à l'autre, s'est effectuée au rythme de 1,2 cm par an sur les 20 dernières années dans la région du Pacifique oriental. D'ici à 2100, elle pourrait être de 50 cm à 1 m. »

Le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon peut également apporter des enseignements. En effet, le village de Miquelon-Langlade, qui comprend environ 600 habitants et qui est la seule commune présente sur l'île de Miquelon, fait face à un risque de disparition en raison des submersions, provoquées par l'érosion côtière et l'augmentation de l'intensité des cyclones. Il est en effet estimé que le nord-ouest de l'Atlantique connaîtra une hausse des précipitations lors des cyclones. Par conséquent, le village de Miquelon a été déplacé dans les terres. Un « atelier des territoires » avait d'ailleurs été mis en place pour instaurer un dialogue avec les personnes dont les habitations ont été déplacées.

II. MIEUX PRÉVENIR LES INONDATIONS : POUR UNE POLITIQUE PUBLIQUE SOLIDAIRE, EFFICACE ET ADAPTÉE À CHAQUE TERRITOIRE

A. AMÉLIORER LA GESTION DES COURS D'EAU POUR MIEUX PRÉVENIR LES INONDATIONS

1. La gestion des cours d'eau, un levier essentiel de lutte contre les inondations
a) Le bon état des cours d'eau : un facteur de prévention des inondations, au coeur de nombreux débats
(1) Le maintien de la fonctionnalité d'un cours d'eau, un enjeu à prendre en compte pour limiter les risques d'inondation

Selon l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement46(*), « constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. »

Bien qu'elles reposent en principe sur des actions distinctes, la protection, la restauration et la gestion des cours d'eau présente de nombreuses synergies avec la prévention des inondations. Ces deux politiques relèvent d'ailleurs de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi), dont le contenu est défini à l'article L. 211-7 du code de l'environnement (cf. infra), qui a été confiée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018 à la suite de deux lois de décentralisation de 201447(*) et 201548(*).

La directive cadre sur l'eau (DCE)49(*) de 2000 a fixé un objectif de bon état des eaux de surface, qui s'apprécie au regard de l'état chimique de la masse d'eau, mais aussi de son état écologique. L'état écologique d'une masse d'eau de surface est lié à la structure et au fonctionnement des écosystèmes aquatiques qui y sont associés ; il est apprécié au regard d'éléments de nature biologique (espèces végétales et animales présentes), hydromorphologique et physico-chimique.

L'entretien est un facteur essentiel de maintien du bon état écologique d'un cours d'eau.

Aux termes de l'article L. 214-5 du code de l'environnement, le propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial est tenu à un entretien régulier de celui-ci, qui « a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives ». Les collectivités territoriales compétentes en matière de Gemapi peuvent se substituer au propriétaire riverain pour assurer l'entretien d'un cours d'eau, en application de l'article L. 211-7 du même code, lorsque celui-ci est défaillant.

Lorsqu'un cours d'eau est dans un état dégradé, des travaux de restauration peuvent s'avérer nécessaires pour en rétablir le fonctionnement naturel. Ces interventions peuvent par exemple impliquer la reconstitution de la ripisylve (végétation située sur les rives) pour ralentir l'arrivée des eaux de ruissellement ou encore des travaux de reméandrage ou de rétablissement de connexions entre le cours d'eau et ses annexes (zones humides).

Le défaut d'entretien d'un cours d'eau (destruction de la végétation sur les berges, présence d'embâcles ou de végétation importante empêchant le passage de l'eau, etc.) peut induire une dégradation de ses fonctionnalités et constituer un facteur aggravant d'inondation en cas de crue.

Entendus par les rapporteurs, les agences de l'eau et les comités de bassin ont souligné les liens entre le maintien ou le rétablissement du bon fonctionnement d'un cours d'eau, d'une part, et la prévention des inondations, d'autre part. Ainsi, le Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse a appelé à mettre ces actions au coeur des politiques de prévention des inondations : « redonner aux rivières un bon fonctionnement, notamment en restaurant la dynamique sédimentaire des cours d'eau est le premier levier de prévention des inondations ». Dans la même ligne, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a souligné le rôle que pouvaient jouer l'entretien et la restauration des cours d'eau pour limiter les risques d'inondation, « en permettant notamment un épandage des crues dans des milieux annexes connectés avec les rivières et de mobiliser ainsi davantage l'espace de liberté du cours d'eau ». L'Agence de l'eau Rhin-Meuse a en outre déclaré que « les politiques de prévention des inondations doivent s'inscrire dans un programme global intégrant les enjeux de préservation et de restauration de la fonctionnalité des milieux aquatiques ».

Compte tenu de ces synergies, les agences de l'eau contribuent fréquemment au financement d'actions inscrites dans les plans d'actions de prévention des inondations (PAPI), à l'instar de l'Agence Rhône-Méditerranée-Corse qui, outre des interventions en matière de restauration des milieux aquatiques (à hauteur de 80 M€ par an), notamment pour améliorer le fonctionnement des rivières lors des crues, finance certains investissements portés par des PAPI sur son territoire.

Interrogée sur les enseignements à tirer des inondations survenues en France en 2023 et au début de l'année 2024, l'Agence de l'eau Seine-Normandie indique que le volume de travaux à réaliser en matière de gestion des cours d'eau reste « considérable ». Déjà en 2016, cette agence avait rendu un rapport au Premier ministre dans le cadre d'une «  mission sur le fonctionnement hydrologique du bassin de la Seine  »50(*) qui soulignait les effets néfastes pour la gestion des crues des actions dégradant les fonctionnalités des cours d'eau : « le recalibrage, la rectification et le curage des cours d'eau entraînent des accélérations des écoulements, comme en témoignent les bassins versants de l'Armançon ou encore du Loing amont, où la rectification de certains affluents du Loing (Bezonde notamment) a pu générer une augmentation de la propagation de la crue en juin 2016 ; ils peuvent par ailleurs conduire à des érosions néfastes du fond et des berges des cours d'eau pouvant dans certains cas entraîner à l'aval des colmatages de systèmes de drainage ».

Si l'état des cours d'eau a des incidences sur la prévention des inondations, il convient malgré tout de ne pas surestimer ce rôle.

Tout en reconnaissant les dégâts causés par les politiques de recalibrage et curage des cours d'eau menées dans les années 1960 à 1980 en termes d'aggravation des crues et de dégradation de l'état écologique des cours d'eau, l'Agence de l'eau Rhin-Meuse rappelle que les actions d'entretien et de restauration des cours d'eau ne sauraient à elles seules suffire à une prévention efficace des risques d'inondation. Cet acteur considère que ces mesures permettent incontestablement de mieux gérer des crues de faible ampleur, au-delà des crues décennales ; il juge néanmoins nécessaire de « développer des programmes d'ampleur et d'ambitions plus importants » et ce, d'autant plus compte tenu des effets du changement climatique. Cela peut passer par le recours aux solutions fondées sur la nature, en utilisant les capacités des bassins versants et vallées alluviales à retenir les crues, mais aussi à des aménagements plus lourds comme les zones de ralentissement dynamique des crues.

De même, s'agissant des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, une mission d'inspection « flash » du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) a rappelé dans un rapport remis en mai 202451(*) que le manque d'entretien des réseaux hydrauliques permettant l'évacuation des eaux vers la mer n'a pas été la cause des inondations survenues dans le Nord et le Pas-de-Calais, le facteur déclenchant ayant été l'ampleur des précipitations, causant des crues dépassant très largement les niveaux centennaux et la capacité des ouvrages de protection.

Les rapporteurs estiment néanmoins opportun de favoriser une meilleure diffusion des bonnes pratiques en matière de gestion des cours d'eau (par exemple à travers des supports de communication et un travail de pédagogie) dans les territoires et de renforcer l'appui technique dont bénéficient les autorités gémapiennes pour assurer leur bon entretien, voire leur restauration lorsque ce type d'opération est nécessaire pour mieux prévenir les crues.

(2) Liens entre curage des cours d'eau et inondations : une controverse à clarifier auprès des acteurs locaux

Le curage consiste à retirer les sédiments accumulés dans le lit du cours d'eau, afin de rétablir l'écoulement de l'eau. Il se distingue de l'entretien régulier d'un cours d'eau, dès lors qu'il implique d'extraire des sédiments sur un linéaire supérieur à 50 mètres et qu'il conduit à une modification du lit de la rivière. Il se distingue également des opérations de recalibrage, très strictement encadrées par la réglementation, qui consistent en un élargissement et un approfondissement du lit d'un cours d'eau, afin d'augmenter la capacité hydraulique du tronçon.

Schéma présentant la distinction entre entretien, curage et recalibrage d'un cours d'eau

Source : site internet de la préfecture du Gers

L'extraction de sédiments dans le cadre de l'entretien régulier d'un cours d'eau n'est soumise à aucune procédure préalable au titre de la nomenclature « loi sur l'eau » dite nomenclature « IOTA » (installations, ouvrages, travaux et activités)52(*). Elle doit néanmoins respecter certaines prescriptions générales, comme être effectuée lorsque le cours d'eau est à sec, ou au plus fort de l'étiage (entre fin août et début octobre, si le cours d'eau n'est jamais à sec), depuis la berge sans porter atteinte au lit du cours d'eau, ou encore éviter toutes fuites d'hydrocarbures ou écoulement de boue vers la rivière.

En revanche, les opérations de curage sont soumises, selon les cas de figure (notamment en fonction du volume de sédiments extraits au cours d'une année), à déclaration préalable ou à autorisation. Lorsqu'elles sont mises en oeuvre dans le cadre d'un plan de gestion de cours d'eau prévoyant des actions de restauration, elles doivent strictement respecter trois objectifs (article L. 215-15 du code de l'environnement) :

- remédier à un dysfonctionnement du transport naturel de sédiments de nature à remettre en cause les usages mentionnés au II de l'article L. 211-1 du code de l'environnement53(*), à empêcher le libre écoulement des eaux ou à nuire au bon fonctionnement des milieux aquatiques ;

- lutter contre l'eutrophisation54(*) ;

- aménager une portion de cours d'eau, canal ou plan d'eau en vue de créer ou rétablir un ouvrage ou de faire un aménagement.

Au cours des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, de nombreuses voix se sont exprimées pour réclamer des opérations de curage des cours d'eau, au motif que cette pratique permettrait d'augmenter leur capacité hydraulique et, ainsi, de prévenir les risques d'inondation. À titre d'exemple, comme le souligne la mission d'inspection CGAAER/IGEDD précitée, la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais a indiqué dans un fascicule en mars 2024 que « le phénomène pluvieux s'est ajouté à la difficulté déjà existante d'évacuation de l'eau à la mer pour de multiples raisons : relief inexistant, défaut d'entretien du réseau hydraulique, sous-dimensionnement voire défaillance des pompes des wateringues, maintien en eau de zones d'agrément », document qui affirme que « la première action doit être l'entretien et le curage du réseau des voies d'eau »55(*).

Or, les effets bénéfiques du curage des cours d'eau pour la lutte contre les inondations sont largement contestés. Plus encore, le curage aurait dans la grande majorité des cas des effets néfastes en termes de gestion des crues, comme l'ont souligné de nombreux acteurs entendus par les rapporteurs.

L'Agence de l'eau Rhin-Meuse a par exemple mis en avant que le curage est rarement pertinent pour prévenir des inondations, et qu'il peut même constituer un facteur d'aggravation important : « sur des cours d'eau sans pente ou à l'écoulement bloqué par un ouvrage, le curage amène dans la plupart des cas à une forte dégradation des milieux et se transforme souvent en recalibrage qui entraîne envasement, envahissement végétal et inondation... ». Elle précise que « les dernières inondations ont été liées à de fortes pluviosités difficiles à gérer dans tous les cas. Des curages drastiques (comme cela a souvent été pratiqué) amènent non seulement au développement d'érosions régressives, d'enfoncement des lits de cours d'eau et surtout de dégradations très fortes de milieux ». Cet acteur préconise de « garder un gabarit naturel permettant de favoriser l'auto-curage du cours d'eau et d'orienter les maîtres d'ouvrage vers des programmes de restauration morphologique et écologique des cours d'eau », pour remédier aux dégradations causées avant les années 1990 par des programmes de curage et recalibrage des cours d'eau.

De même, le Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse met l'accent sur la nécessité d'un bon diagnostic préalable, indiquant que « des travaux de curage peuvent s'avérer nécessaires lorsque la pente et le débit d'un cours d'eau sont insuffisants localement ou temporairement pour remobiliser les sédiments arrivant de l'amont, provoquant l'élévation du lit de la rivière et par conséquent des débordements vers des secteurs habités ». Il souligne que ces travaux de curage ont cependant « des impacts forts sur l'équilibre dynamique du cours d'eau et sur les milieux aquatiques associés. Les impacts directs sont liés aux travaux eux-mêmes qui vont fortement perturber les milieux aquatiques pendant toute leur durée (dérangement des espèces, remise en suspension de plus ou moins gros volumes matériaux fins, etc.). Des impacts indirects concernent généralement une dégradation plus ou moins durable des habitats aquatiques et un éventuel déficit sédimentaire en aval, pouvant initier des processus d'érosion. Ils peuvent aussi accélérer trop fortement les écoulements avec des risques de déplacement des risques d'inondation à l'aval. Ces impacts seront d'autant plus marqués que les travaux de curage seront étendus, intenses, récurrents. Il est donc important de réserver ces opérations à des situations où les aléas d'aggravation des inondations sont avérés et où les enjeux le justifient ».

L'Agence de l'eau Adour-Garonne estime quant à elle que l'idée selon laquelle le curage des cours d'eau contribuerait à résoudre les problèmes d'inondation relève d'un « inconscient collectif ». Selon elle, si cette solution peut être envisagée ponctuellement et de manière très encadrée, « elle est, de loin, plus préjudiciable que bénéfique quand elle est opérée sur de longs linéaires ». Elle indique que « les territoires qui ont été impactés par les prélèvements de sédiments dans le lit des cours d'eau en paient encore aujourd'hui les conséquences (cf. gave de Pau et Adour). Les mesures démontrent que les lits de ces cours d'eau sont encore enfoncés et victimes de déficit sédimentaire. La conséquence principale est que les crues de plein bord sont plus puissantes et plus dévastatrices. Le curage est complètement contraire aux mesures de ralentissement de l'écoulement préconisées dans la plupart des PAPI ».

Entendue par les rapporteurs, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) admet que ce sujet est loin de faire l'unanimité et que les techniques d'entretien des cours d'eau doivent faire l'objet d'une analyse fine à l'échelle des bassins versants, avec l'appui technique des syndicats mixtes spécialisés dans la gestion des milieux aquatiques (EPAGE/EPTB) ou des préfets coordonnateurs de bassin en l'absence de telles structures. Elle indique que « laisser entendre que le curage serait la solution aux problèmes d'inondation serait une erreur ».

La mission d'inspection CGAAER/IGEDD confirme ce constat, en indiquant qu'elle « conteste qu'il faille faire du curage des cours d'eau un préalable général » et que son opportunité et ses modalités de réalisation « doivent être établies dans le cadre d'un plan de gestion global intégrant des réflexions sur l'efficacité et les impacts éventuels sur l'amont et sur l'aval »56(*).

Les rapporteurs soulignent la nécessité d'un travail de pédagogie de la part des services de l'État vis-à-vis des acteurs locaux (élus, agriculteurs et particuliers), pour expliquer le fonctionnement hydraulique des cours d'eau et les impacts du curage sur les milieux et les risques de crue et d'érosion des sols.

(3) Procédures administratives applicables à la gestion des cours d'eau : une appropriation difficile pour les élus locaux

Pour rappel, l'entretien d'un cours d'eau (lit et berges) revient en premier lieu aux propriétaires riverains, en application de l'article L. 215-14 du code de l'environnement. Lorsque le cours d'eau est domanial, c'est-à-dire qu'il relève du domaine public de l'État, l'entretien de son lit incombe à l'État tandis que les riverains demeurent responsables de celui des berges.

En application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, les collectivités territoriales, leurs groupements et syndicats mixtes compétents en matière de gestion des milieux aquatiques peuvent se substituer aux propriétaires riverains pour assurer l'entretien d'un cours d'eau et intervenir sur des parcelles privées. Dans ce cas, en application de l'article L. 215-15 de ce code, ils peuvent procéder à des opérations d'entretien groupé, dans le cadre d'un plan de gestion établi à l'échelle d'une unité hydrographique cohérente et approuvé par l'autorité administrative.

Or, d'après les informations recueillies par les rapporteurs, la couverture des cours d'eau non domaniaux par des plans de gestion élaborés par les collectivités territoriales et leurs groupements est loin d'être systématique, alors même que les propriétaires privés ne respectent pas toujours leurs obligations d'entretien. À l'échelle du territoire national, la situation semble hétérogène : si, selon l'Agence de l'eau Seine-Normandie, les cours d'eau du bassin de l'Artois sont globalement bien entretenus et couverts par des plans de gestion, il n'en va pas de même de l'ensemble du territoire. Les rapporteurs n'ont toutefois pu dresser un état des lieux précis de cette couverture, les données étant particulièrement fragmentaires.

Au fil de leurs travaux, les rapporteurs ont identifié plusieurs facteurs pouvant expliquer certaines carences en matière d'entretien des cours d'eau pour ce qui concerne les collectivités territoriales.

Premièrement, les auditions et déplacements menés par les rapporteurs ont fait ressortir une appropriation difficile et imparfaite des règles encadrant la gestion des cours d'eau parmi les élus locaux.

Selon leur nature, les interventions dans les cours d'eau peuvent être ou non soumises à une procédure administrative préalable (déclaration ou autorisation). Au titre de la loi sur l'eau, les opérations d'entretien régulier ne sont soumises à aucune procédure préalable. Cela concerne l'enlèvement des embâcles, manuellement ou à l'aide d'engins (à condition d'intervenir exclusivement à partir de la berge), l'élagage des arbres à partir du cours d'eau ou de la berge ainsi que le recépage, l'enlèvement d'atterrissements localisés et de bouchons localisés qui peuvent se former en sortie de drain. Si les collectivités territoriales, leurs groupements ou syndicats mixtes se substituent à des propriétaires privés pour effectuer cet entretien, leur intervention doit être préalablement validée par le préfet à travers une déclaration d'intérêt général.

Exemples d'opérations d'entretien régulier d'un cours d'eau non soumis
à procédure administrative

Source : site internet de l'Office français de la biodiversité

Les propriétaires riverains ne peuvent cependant s'exempter des procédures administratives applicables en vertu d'autres dispositions juridiques, comme en matière de préservation des espèces protégées et de leurs habitats.

En revanche, les interventions sur les cours d'eau allant au-delà de l'entretien régulier sont soumises à des procédures administratives (selon les cas, à déclaration préalable ou autorisation). Cela concerne notamment le curage des cours d'eau, l'aménagement dans le cours d'eau d'un ouvrage constituant un obstacle à l'écoulement des eaux ou à la continuité écologique de plus de 20 cm de hauteur ou encore le drainage des terres sur une surface supérieure à 20 hectares.

Exemples d'interventions dans un cours d'eau nécessitant
le dépôt d'un dossier préalable

Source : site internet de l'Office français de la biodiversité

Un décret du 31 janvier 202457(*) a simplifié la procédure administrative applicable aux opérations de curage ponctuelles menées par les collectivités territoriales dans le cadre d'une phase de restauration d'un plan de gestion du cours d'eau : le décret indique que ces opérations, dès lors qu'elles ont pour objectif de remédier à un dysfonctionnement du transport naturel des sédiments de nature à empêcher le libre écoulement des eaux ou à nuire au bon fonctionnement des milieux aquatiques ou de lutter contre l'eutrophisation, constituent des interventions « ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques ». Cette modification est à mettre en regard de la nouvelle rubrique de la nomenclature « IOTA », introduite en septembre 202358(*), qui soumet cette catégorie d'interventions à une simple déclaration.

Des dérogations à ces règles de droit commun sont toutefois possibles en cas d'urgence, selon certaines conditions strictement encadrées par la loi. Ainsi, en application des articles L. 214-3 et R. 214-44 du code de l'environnement, les travaux destinés à prévenir un danger « grave et immédiat présentant un caractère d'urgence » peuvent être entrepris sans que soient présentées à l'administration les demandes d'autorisation ou déclarations auxquelles ils sont en principe soumis. Il est cependant nécessaire que le préfet en soit immédiatement informé et celui-ci doit notamment déterminer les moyens de surveillance et d'intervention adéquats dont doit disposer le maître d'ouvrage en cas d'incident. Cette procédure d'urgence emporte dérogation aux procédures d'enquête publique, d'évaluation environnementale, de déclaration d'intérêt général et d'autorisation environnementale.

Lors de leurs déplacements dans le Pas-de-Calais et dans les Alpes du Sud (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes), les rapporteurs ont pu constater que la distinction entre ces différents régimes juridiques était souvent mal appréhendée, voire méconnue, par de nombreux élus locaux. Nombre d'entre eux ont en effet exprimé des difficultés à distinguer précisément ce qui relève de l'entretien régulier au regard de la loi sur l'eau de ce qui excède ce type d'intervention et est donc soumis à une procédure administrative préalable. Ce sentiment d'opacité vaut également pour le champ des travaux qui peuvent ou non être conduits dans le cadre de la procédure d'urgence prévue à l'article R. 214-44 précité. Face à cette incertitude, des élus rencontrés par les rapporteurs ont fait part d'une tendance, parmi eux, à privilégier l'inaction par crainte de faire l'objet de procédures contentieuses en cas de mauvaise application des procédures « loi sur l'eau ». Ils expriment unanimement un souhait d'être davantage informés par les services de l'État sur les règles applicables aux différentes opérations de gestion des cours d'eau, et souhaitent que l'administration déconcentrée et les opérateurs de l'État soient davantage dans une posture d'accompagnement des élus sur ces sujets, plutôt que dans une stricte démarche de contrôle et de sanction.

Au demeurant, ce manque de clarté existe aussi s'agissant de la distinction entre les fossés et les cours d'eau et des procédures administratives qui en découlent. Tandis que la définition des cours d'eau figure depuis 2016 dans le code de l'environnement (article L. 215-7-1), ce n'est pas le cas de celle des fossés. Les fossés constituent en principe des ouvrages artificiels permettant l'évacuation des eaux de drainage ou de ruissellement. En creux, on peut considérer que la notion de fossé comprend tout ce qui ne relève pas de la définition d'un cours d'eau. Toutefois, en pratique, cette incertitude juridique peut nuire à l'engagement d'opérations d'entretien ou de travaux, faute de pouvoir déterminer facilement le cadre juridique applicable.

Deuxièmement, de nombreux élus ont évoqué des procédures administratives souvent trop lourdes dans leur mise en oeuvre.

S'agissant de la longueur des délais d'instruction administrative des demandes d'intervention dans les cours d'eau, la situation semble hétérogène selon les territoires et le type d'intervention concerné. À titre d'exemple, le Comité de bassin Adour-Garonne a indiqué que sur son territoire, « dans les faits, les services instructeurs de l'État ne sont pas bloquants dans le traitement des demandes déposées visant du curage “raisonnable et mesuré” », précisant que « le délai moyen d'instruction est de moins d'une semaine (2 jours généralement) sur le bassin de l'Adour ». En revanche, de nombreux élus locaux ont fustigé des délais manquant particulièrement de célérité.

En outre, une convergence de témoignages recueillis sur le terrain fustige un dualisme trop accentué entre les procédures administratives applicables en situation normale et en situation d'urgence. La procédure prévue à l'article R. 214-44 du code de l'environnement est en effet limitée dans son champ d'application : elle permet uniquement de réaliser des travaux destinés à prévenir un danger « grave et imminent » en période de crise, comme lors d'une crue. En dehors de ce cas de figure, les interventions dans le cours d'eau sont en principe soumises aux procédures administratives de droit commun.

À la suite des graves inondations qui ont frappé le nord de la France, une procédure dérogatoire a été instaurée dans les départements du Pas-de-Calais, du Nord et de la Somme, pour faciliter la réalisation de travaux d'urgence. Ses conditions de mise en oeuvre ont été précisées par une instruction du préfet de la région Hauts-de-France aux différents préfets de département concernés par les inondations, le 11 janvier 2024. Sont concernés les travaux visant à prévenir un danger imminent, mais également à « faire cesser un désordre mettant en jeu la sécurité publique (effondrement d'une berge, travaux sur un pont, colmatage de brèches, envasement excessif, réparation d'ouvrages de protection etc.) ainsi que, de façon exceptionnelle et afin de minimiser les impacts possibles de nouveaux épisodes pluvieux avant le printemps, des travaux de curage sans modification du profil hydraulique, dans un objectif de retour à la normale ». Ce champ d'application semble aller plus loin que celui prévu aux articles L. 214-3 et R. 244-14 du code de l'environnement, qui ne permet, stricto sensu, la réalisation de travaux d'urgence que pour faire face à un danger immédiat.

Pour l'ensemble de ces opérations, une simple information préalable à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la part du maître d'ouvrage était nécessaire avant le début des opérations. Un bilan devait être transmis à la DDTM dès la fin des interventions. Cette procédure n'était applicable que de façon temporaire, jusqu'au 31 mars 2024.

Dans son rapport remis en mai 2024, la mission d'inspection CGAAER/IGEDD préconise de modifier l'article L. 214-3, pour y faire explicitement figurer les travaux destinés à remédier à des inondations d'ampleur inédite et ceux destinés à prévenir le retour à court-terme de tels évènements, sur le modèle de ce qui a été pratiqué dans les Hauts-de-France. Les rapporteurs sont très favorables à une telle évolution.

Au demeurant, ils estiment nécessaire d'aller plus loin pour réduire le dualisme de procédure administrative entre période « normale » et période de crise, au profit d'une meilleure prévention des inondations. Ils proposent de mettre en place un dispositif permettant, en dehors des circonstances de danger grave et immédiat mentionnées à l'article L. 214-3 du code de l'environnement, une instruction accélérée par les services de l'État des demandes de travaux permettant de prévenir les dangers liés à la survenance d'une crue, comme des enlèvements d'embâcles nécessitant une intervention dans le lit du cours d'eau avec un engin. Ce dispositif devrait permettre de déroger à certaines procédures administratives (enquête publique, évaluation environnementale, déclaration d'intérêt général, autorisation environnementale) ou, a minima, de les mettre en oeuvre dans des délais rapides et encadrés.

Saisi par un maire ou par l'autorité gémapienne d'une demande d'intervention, le préfet devrait indiquer, dans un délai maximal (par exemple 24 à 48 heures), si les travaux proposés sont éligibles ou non à la procédure d'instruction accélérée. La liste des opérations éligibles de même que le délai pour indiquer si les travaux relèvent ou non de la procédure d'urgence et celui pour instruire ces demandes seraient fixés par voie réglementaire. Les opérations concernées devraient être mises en oeuvre dans le respect de prescriptions particulières définies par les services de l'État.

Pour les rapporteurs, cette recommandation s'inscrit dans un objectif clair : parvenir à une gouvernance des cours d'eau intégrant davantage la résilience face aux risques, grâce à un plus juste équilibre entre les impératifs de préservation des milieux aquatiques et ceux de protection des personnes et des biens face aux inondations.

À plus long terme, les rapporteurs jugent pertinente la proposition59(*), formulée par la mission d'inspection IGEDD/CGAAER précitée, tendant à exempter de démarche administrative les travaux d'entretien des cours d'eau réalisés en déclinaison d'un programme général de gestion et d'entretien des cours d'eau ayant reçu l'accord de l'administration. Une telle évolution serait complémentaire de celle des rapporteurs et s'inscrirait dans une temporalité différente (la proposition des rapporteurs visant les travaux d'entretien urgents et imprévus, or période de crise, tandis que celle de la mission d'inspection faciliterait les travaux d'entretien de nature prévisible). Elle permettrait en outre d'encourager l'élaboration de plans de gestion et d'entretien des cours d'eau, à condition qu'un soutien adapté soit apporté en ce sens aux collectivités territoriales par les services de l'État.

Enfin, le manque de moyens techniques et humains à disposition des élus est un réel obstacle à la définition et à la conduite d'opérations de gestion des cours d'eau appropriées, en particulier au sein des collectivités territoriales de petite taille.

Ce point a été souligné par de nombreux élus locaux lors des travaux des rapporteurs, notamment lors de leur déplacement dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans les Hautes-Alpes. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a d'ailleurs reconnu que, bien souvent, les ressources financières, mais également humaines dont disposent les collectivités territoriales pour mettre en oeuvre la compétence Gemapi ne sont pas en adéquation avec les enjeux de la compétence, comme cela sera détaillé infra.

Afin d'accompagner la mise en oeuvre de cette compétence, les rapporteurs préconisent de prévoir la mise à disposition, par les services de l'État, de ressources humaines spécialisées dans la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (hydrologues et ingénieurs en particulier). Dans chaque département exposé à un risque inondations, les services de la préfecture de département (par exemple les DDT et DDTM) seraient ainsi chargés d'apporter un appui technique renforcé à la mise en oeuvre de cette compétence auprès des structures gémapiennes qui en expriment le besoin.

Ce dispositif pourrait également permettre d'accompagner les autorités gémapiennes dans l'élaboration de plans de gestion pluriannuels des cours d'eau, sur les territoires où ils ne sont encore qu'imparfaitement déployés.

Recommandation n° 1 : Améliorer et faciliter la gestion des cours d'eau pour mieux prévenir les inondations à travers :

- la clarification par les services de l'État (au profit des collectivités territoriales, mais également des acteurs agricoles et des riverains) de la distinction entre les différents régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau ;

- l'ajout explicite au régime de travaux d'urgence dans les cours d'eau (articles L. 214-3 et R.214-44 du code de l'environnement) des travaux d'entretien visant à remédier à une inondation grave et à minimiser les impacts de nouvelles inondations ;

- l'instauration d'une procédure d'instruction simplifiée et accélérée des demandes d'intervention préventive dans les cours d'eau qui serait à la main du maire et de l'autorité gémapienne, directement instruite par le préfet dans un délai maximal défini par voie réglementaire ;

- la mise en place, au niveau des préfectures de département, d'une cellule dédiée à l'information et l'accompagnement des autorités gémapiennes pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'actions destinées à améliorer la gestion des cours d'eau dans l'objectif de mieux prévenir les risques d'inondation.

b) Le réseau fluvial de l'État, un levier de gestion des crues à mobiliser davantage
(1) Voies navigables de France (VNF) : un réseau et des ouvrages à entretenir, au profit de la régulation des crues sur le territoire

Voies navigables de France (VNF), opérateur national du transport fluvial, a la charge de gérer, exploiter et entretenir un vaste réseau, composé de 6 700 kilomètres de fleuves, rivières canalisées et canaux artificiels, ainsi qu'un parc d'environ 4 000 ouvrages, associant ouvrages de stockage (50 barrages-réservoirs représentant environ 150 millions de m3), un réseau de digues et des ouvrages de régulation (barrages de rivières). Ce réseau traverse ou connecte de nombreux territoires à risque d'inondation (TRI) et des territoires faisant face à des déséquilibres quantitatifs de la ressource en eau.

Cartographie du réseau fluvial géré par VNF

Source : VNF

Le tableau ci-après recense, au 1er janvier 2024, les ouvrages de VNF par fonction et par nature.

Source : réponses de VNF au questionnaire écrit des rapporteurs

Ainsi que le souligne VNF, bien que cela ne constitue pas leur vocation principale, les ouvrages de ce réseau peuvent concourir à limiter les impacts des crues sur les territoires.

En période de crue, les barrages sont abaissés afin de laisser l'eau s'écouler. Ces manoeuvres sont effectuées en lien avec les préfectures, en suivant des protocoles précis.

Sur le Rhin, en revanche, la gestion des crues suit une procédure particulière, prévue par une convention franco-allemande de 198260(*) : les mesures de protection des populations et des biens sont mises en oeuvre grâce à des bassins de rétention, côté allemand et français, selon des conditions de déclenchement définies dans un document validé par une commission franco-allemande. VNF est un acteur important de ce dispositif, notamment à travers l'exploitation des polders d'Erstein et de la Moder et la surveillance de la digue de fermeture de la zone de rétention du barrage agricole de Strasbourg/Kehl située sur le territoire français.

Dans le cadre de ses missions, VNF noue des partenariats avec les agences de l'eau et certaines instances territoriales liées à la gestion de l'eau, comme les comités de bassin. En période de crue, l'établissement se coordonne avec le Service central d'hydrométéorologique et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI). Il s'appuie également sur un partenariat avec Météo-France pour disposer de données météorologiques en temps réel pour chaque bassin versant, pour favoriser une gestion anticipée du réseau navigable.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, le rôle de VNF en matière de gestion hydraulique présente certaines spécificités.

Le rôle de VNF dans la gestion du réseau hydraulique du Nord et du Pas-de-Calais

Le réseau de VNF dans le Pas-de-Calais est particulièrement dense, et soumis à un contrôle étroit.

Il est équipé de 120 capteurs permettant de connaître, en temps réel, la hauteur d'eau dans les rivières et canaux gérés par l'établissement. Ces données sont consolidées dans un outil de suivi afin de garantir une réaction rapide si un évènement hydraulique le justifie et d'anticiper les évènements futurs, à partir d'études des historiques de crues et d'étiage et de simulations.

Lors de situations particulières, l'établissement met en place un suivi rapproché des phénomènes météorologiques, des niveaux d'eau dans les canaux, des débits des affluents et des marées, pour anticiper les évolutions probables à court et moyen terme. Il s'appuie à cet effet sur les données fournies par Météo France, par les services de l'État et par d'autres partenaires implantés sur le territoire. Grâce à ces informations, VNF est en mesure de mettre en oeuvre des mesures préventives pour atténuer les effets d'un épisode météorologique (par exemple, abaisser les niveaux d'eau).

La gestion du réseau de VNF dans le Pas-de-Calais est encadrée par des protocoles de gestion des eaux, élaborés en concertation avec le territoire et signé par les commissions locales de l'eau, les sections de wateringues61(*), l'institution intercommunale des wateringues et les services de l'État. Ces documents précisent notamment les conditions dans lesquelles VNF peut assurer le transfert d'eau entre plusieurs bassins de sa propre autorité, dans le respect de certains seuils précis. Au-delà de ces seuils, les décisions sont prises par le préfet.

Ce réseau est en outre soumis à de fortes contraintes externes, de plusieurs natures.

D'une part, il est fortement contraint à l'amont : il recueille 80 % des eaux de ruissellement du Nord et du Pas-de-Calais et constitue donc l'exutoire essentiel des cours d'eau du territoire. Le réseau est soumis aux risques de crues des principales rivières qui l'alimentent (l'Aa, la Hem, la Lys, mais également un grand nombre d'affluents), sur laquelle VNF n'a pas de prise.

Les canaux artificiels subissent en outre les rejets issus des ruissellements des territoires riverains, que l'artificialisation des bassins versants a sensiblement accrus ces dernières décennies. Ainsi que l'a indiqué VNF aux rapporteurs, « en période de crue, leur quantité peut être telle que certaines sections du réseau de VNF font office, alors qu'elles ne sont pas conçues pour cela, de zone d'expansion ou de rétention des eaux. [...] Dans certaines conditions, mettant en jeu la stabilité des digues, le canal [d'Aire entre l'écluse de Cuinchy et l'écluse de Fontinettes] peut être amené à stocker jusqu'à 1,6 million de md'eau. Au-delà, pour éviter les ruptures de digues et la mise en danger grave des populations concernées, le renvoi d'eau vers l'aval (vers la Lys et l'Aa) est indispensable : il est décidé sous l'autorité du préfet ».

D'autre part, le réseau est contraint à l'aval, par la capacité des ouvrages d'évacuation des eaux à la mer du Delta de l'Aa. Or, les ouvrages de rejet à la mer sont la propriété de l'Institution Intercommunale des Wateringues (IIW) et sont manoeuvrés par les autorités portuaires à Mardyck (Grand port maritime de Dunkerque), Gravelines et Calais. Ces ouvrages ont en outre une capacité limitée :

- à Calais, deux stations de pompages (Calais-Port et Calais-Batellerie) permettent d'évacuer 12m3/s ;

- à Gravelines, les écoulements s'effectuent de façon exclusivement gravitaire, à marée basse. Lorsque les ouvrages sont ouverts, jusqu'à 25m3/s peuvent être évacués à marée basse. La moyenne journalière effective est de l'ordre de 10 à 12m3/s ;

- à Mardyck, 6 pompes de l'IIW permettent d'évacuer jusqu'à 25,2 m3/s. Dans l'écluse de Mardyck, propriété du grand port maritime de Dunkerque (GPMD), deux pompes supplémentaires permettent d'évacuer 20 m3/s. VNF souligne que ces pompes n'ont pas été destinées à la gestion des inondations, mais sont employées à la prévention des intrusions salines dans le fonctionnement courant de cette écluse à la jonction du réseau fluvial et du bassin portuaire. Il indique qu'en situation de crise, il y est toutefois de plus en plus fréquemment fait recours.

Cette capacité est à mettre en perspective des apports reçus par le territoire desservi par les ouvrages de Gravelines et Mardyck, qui ont atteint jusqu'à 85m3/s pour l'Aa, et 40 m3/s pour la Hem, au plus fort des évènements pluvieux de novembre et janvier 2024. Dans ce contexte, un redimensionnement des capacités de pompage sera vraisemblablement nécessaire dans les prochaines années.

Enfin, la capacité de rejet à la mer est fortement dépendante des marées, les évacuations par écoulement gravitaires étant limitées en marée de mortes eaux, c'est-à-dire lorsque le différentiel entre marée haute et marée basse est faible.

Source : VNF

Ainsi que l'a rappelé VNF, le réseau et les infrastructures gérées par cet établissement n'ont pas été en cause dans les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

Au demeurant, les ouvrages de gestion hydraulique de VNF sont aujourd'hui dans un état préoccupant : l'état fonctionnel des ouvrages présentant le plus d'enjeux (écluses et barrages) se caractérise en effet par « une faible proportion d'ouvrages dans un état satisfaisant (classes I et II, entre 10 et 20 %) et une écrasante prédominance des ouvrages dans un état insatisfaisant (classes III et IV, entre 80 % et 90 %) » comme l'a indiqué l'opérateur. Il ajoute : « l'ensemble de ce réseau souffre d'un sous-investissement historique, qui se traduisait en 2022 par un indice d'état fonctionnel de 2,85 sur 4, caractérisant un état moyen à mauvais pour les barrages et écluses exploités par VNF. Cet état de dégradation du réseau se traduit par diverses conséquences : incidents à répétition sur certains ouvrages, réduction des niveaux de service, notamment pour ce qui concerne les systèmes alimentaires des canaux artificiels ou encore risques dans l'utilisation de moyens humains pour l'exploitation de barrages manuels. »

Dans ce contexte, un accent particulier doit être mis sur la régénération, l'entretien et la modernisation du réseau de VNF. À ce titre, les rapporteurs se réjouissent de la place accordée aux missions de gestion hydraulique dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) de VNF, signé en 2021, qui comporte des objectifs et une trajectoire d'investissement ambitieuse en faveur du réseau à horizon 2030 (90 millions d'euros par an d'investissement dans le réseau en 2020, puis 200 millions d'euros en 2021 et 2022, contre moins de 50 millions d'euros en moyenne par an sur la période 2015-2017). Le contrat a en outre été révisé le 22 décembre 2023, afin d'intégrer trois évolutions de trajectoire :

- une stabilisation des effectifs de VNF pour les années 2024 à 2026, après plusieurs années de baisse, en attendant la montée en charge du processus de modernisation de l'exploitation et de la maintenance du réseau (téléconduite des ouvrages notamment) ;

- une hausse progressive de la redevance hydraulique qui alimente les moyens de l'établissement en fonctionnement ;

- enfin, une augmentation des financements issus de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) en faveur de l'investissement dans le réseau, « permettant à l'établissement de mettre en oeuvre le projet de modernisation de l'exploitation et de la maintenance, sans sacrifier la régénération du réseau ».

Ces évolutions sont certes positives, mais une vigilance renforcée est nécessaire pour garantir l'amélioration de l'état du réseau de VNF dans la durée. Outre les trajectoires d'investissement, le budget de fonctionnement de l'établissement doit faire l'objet d'une attention particulière : selon l'opérateur, il demeure en effet trop faible au regard des besoins d'entretien du réseau pour permettre un maintien des infrastructures en état fonctionnel.

(2) Un réseau fluvial très exposé aux inondations, une résilience à renforcer face au changement climatique

Le réseau fluvial de VNF est régulièrement touché par des épisodes de crues, qui peuvent occasionner des dégâts importants. À titre d'exemple, les crues survenues en mai et juin 2016 dans le bassin de la Seine avaient engendré des coûts de l'ordre de 3,6 milliards d'euros selon VNF, essentiellement pour remettre en état les digues et berges et pour réaliser des opérations de dragage.

VNF estime à 50 millions d'euros les besoins correspondant aux désordres les plus importants causés sur les digues et berges dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais par les inondations de 2023 et du début de l'année 2024, dont 31,5 millions d'euros sur le réseau à grand gabarit et 18,5 millions d'euros sur le réseau à petit gabarit. L'établissement précise qu'il ne dispose pas « au sein de son budget 2024, des moyens nécessaires pour assurer une remise en état des berges exhaustives ». Dans ce contexte, il indique qu'il se concentrera sur les ouvrages présentant « les pathologies les plus importantes affectant des secteurs endigués classés au titre de la sécurité des ouvrages hydrauliques ou sur des secteurs où des effondrements sont susceptibles d'entraver la navigation ». Un soutien supplémentaire de la part des pouvoirs publics serait donc nécessaire à court terme pour permettre une intervention sur les berges dont la détérioration n'a pas d'impact sur la navigation.

Les crues ont en outre provoqué des accumulations localisées de sédiments, dont l'extraction est nécessaire pour permettre le bon écoulement des eaux. À ce titre, les rapporteurs saluent la décision du Gouvernement d'attribuer 5 millions d'euros à VNF pour la conduite de travaux d'urgence, dont 4,5 millions devraient permettre la conduite d'opérations de dragage.

Au-delà des coûts liés aux évènements récents, il importe d'anticiper les effets du changement climatique sur le réseau de VNF.

Éléments transmis par VNF concernant l'impact du changement climatique sur la gestion de son réseau hydraulique

« Les conséquences sur les voies navigables se posent à la fois en termes de robustesse de l'exploitation et de résilience de l'infrastructure elle-même.

Les évolutions des crues à venir sont variables selon les bassins, mais les évènements de pluies plus violents (rapidité et intensité) dans certaines régions pourront conduire à des augmentations des évènements importants pour la sûreté hydraulique (EISH) sur les biefs classés pour la sécurité des ouvrages hydrauliques particulièrement quand ils sont couplés à des épisodes de très basses eaux : apparition de fuites, fontis, glissements de talus, perte d'étanchéité, effondrement d'ouvrages, etc.

La modification des références de crues, aura un impact sur les évolutions des prescriptions réglementaires, obligeant VNF soit à l'abaissement du niveau des barrages réservoirs et donc de la réserve en étiage soit à des investissements de mise en conformité plus importants.

À titre complémentaire, le dérèglement climatique entraînant une hausse du niveau de la mer rendra plus complexe la gestion hydraulique des secteurs en polder tels que le Delta de l'Aa, en limitant les périodes de faible niveau de la mer permettant un rejet des eaux par voie gravitaire et en augmentant la durée des périodes où l'évacuation des eaux ne pourra se faire que par pompage. »

Source : réponses de VNF au questionnaire écrit des rapporteurs

Face à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements climatiques, les ouvrages du réseau nécessiteront un entretien accru. VNF note que des périodes de diminution des niveaux d'eau dans les canaux, plus importantes, plus récurrentes et plus longues, pourront entraîner une fragilisation des berges liée à un vieillissement des matériaux. Si ces phénomènes sont encore mal connus, l'opérateur indique que leurs conséquences sont d'ores et déjà visibles et se matérialisent par une augmentation très importante des fuites voire des brèches. De même, des crues plus fréquentes et violentes entraîneront des submersions ou érosion des digues de canaux et, dans certains cas, des débits dépassant la capacité des canaux engendrant des débordements.

Pour faire face à la multiplication des phénomènes d'inondations, VNF a engagé un programme d'instrumentation et de supervision de son réseau, afin d'améliorer la connaissance en temps réel des débits et hauteurs d'eau, notamment dans le cadre de la gestion de crise.

En outre, la régénération des ouvrages de gestion hydraulique doit constituer une priorité : certains barrages-réservoirs sont en effet exploités à une cote abaissée, du fait de leur vétusté. À ce titre, les rapporteurs saluent l'effort d'investissement de 100 millions d'euros de VNF intégré à la composante régénération de sa trajectoire pluriannuelle d'investissements, qui pourrait permettre, selon cet établissement, de récupérer une capacité de stockage supplémentaire de l'ordre de 23 millions de m3.

Les rapporteurs appellent à la vigilance des pouvoirs publics sur les capacités financières de VNF à faire face aux conséquences du changement climatique sur son réseau.

(3) VNF et autorités gémapiennes : des liens à développer plus amplement

Si la prévention des inondations relève de la responsabilité des collectivités territoriales, de leurs groupements et, le cas échéant, de syndicats mixtes, au titre de la compétence Gemapi, VNF peut être amené à mettre à leur disposition certains de ses ouvrages hydrauliques, dès lors qu'ils sont identifiés comme nécessaires à la constitution d'un système d'endiguement.

La loi dite Maptam62(*) de 2014 a prévu plusieurs modalités de mise à disposition : d'une part, une mise à disposition automatique et le transfert de gestion pour les digues domaniales dont la finalité première est la protection contre les inondations et, d'autre part, une mise à disposition conventionnelle pour les ouvrages dont la finalité première n'est pas la protection des inondations, comme le prévoit l'article L. 566-12-1 du code de l'environnement.

En tant qu'établissement public, VNF est toutefois soumis à un principe de spécialité qui limite son champ d'action aux missions prévues aux articles L. 4311-1 et suivants du code des transports. Outre la gestion, l'exploitation et la maintenance des voies navigables et la gestion du réseau hydraulique, cet opérateur peut concourir « au développement durable et à l'aménagement du territoire, notamment par la sauvegarde des zones humides et des aménagements nécessaires à la reconstitution de la continuité écologique, la prévention des inondations, la conservation du patrimoine et la promotion du tourisme fluvial et des activités nautiques (3° de cet article) ».

Si VNF peut donc contribuer à la prévention des inondations, à travers la régulation des écoulements par la gestion des barrages et écluses dans la limite de leur capacité, il ne lui appartient pas d'assurer la protection des populations face à ce risque. À ce titre, à la suite des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, VNF assurera la remise en état des digues et berges qui ont été endommagées, en priorisant celles ayant un impact sur la navigation, faute de moyens financiers supplémentaires. En revanche, l'établissement a indiqué qu'il n'assurerait pas, bien que certaines collectivités aient pu en faire la demande, le renforcement ni le rehaussement d'ouvrages, qui relèvent strictement de la compétence gémapienne. VNF a indiqué aux rapporteurs que, dans le Pas-de-Calais, « certaines collectivités ont d'ailleurs pris l'initiative, sans autorisation, de rehausser les berges du réseau de VNF, en y apportant des matériaux déposés en cordons afin de constituer des diguettes sur des linéaires parfois importants ». Cette situation témoigne d'un souhait de certaines collectivités territoriales de développer les synergies entre les missions de VNF et la protection des populations face aux inondations.

L'article L. 211-7 du code de l'environnement permet pourtant à VNF d'appuyer les collectivités dans la mise en oeuvre de la compétence Gemapi : il prévoit en effet que cette compétence peut être exercée par VNF sur le domaine dont la gestion lui a été confiée.

VNF indique cependant que, en pratique, la mise en oeuvre de cette faculté reste limitée à plusieurs titres :

- la trajectoire financière prévue par le COP, révisé en 2023 pour la période 2023-2032, ne prévoit « ni priorité, ni moyens à consacrer aux interventions de protection contre les inondations » ;

VNF n'a pas accès aux fonds spécifiques susceptibles de financer ce type d'interventions, comme le Fonds national de prévention des risques naturels majeurs (FNPRNM, dit « Fonds Barnier ») et le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « Fonds vert » ;

- enfin, VNF finance les travaux dont il assure la maîtrise d'ouvrage sans pouvoir solliciter un remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA qu'il acquitte pourtant. Il dispose donc d'une capacité d'action de 20 % inférieure environ à celle d'une collectivité dont les investissements sont éligibles au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA).

Dans ce contexte, les rapporteurs jugeraient pertinent de doter VNF de moyens financiers et humains adaptés, pour lui permettre d'accompagner les collectivités territoriales dans la mise en place de systèmes d'endiguement et, ainsi, de contribuer davantage à la résilience des territoires face au risque d'inondation.

Ce partenariat se traduirait par la conclusion de conventions entre VNF et des autorités gémapiennes, afin de définir des objectifs partagés et des sources de financement.

Recommandation n° 2 : Adapter les moyens à disposition de VNF pour contribuer à la prévention des inondations sur le territoire, en :

- lui assurant des moyens adéquats pour assurer l'entretien et la régénération de ses ouvrages hydrauliques, en tenant compte des effets du changement climatique sur les risques d'inondation et, en conséquence, sur l'état du réseau à long terme ;

- dotant l'établissement de moyens humains et financiers dédiés et inscrits dans le COP pour appuyer les collectivités dans leurs missions de protection des populations face aux inondations.

2. Faire de la compétence Gemapi un véritable levier de prévention des inondations, en assurant une réelle solidarité territoriale
a) État des lieux de la Gemapi : une mise en place encore contrastée

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a attribué aux EPCI à fiscalité propre une nouvelle compétence dite « Gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations » (Gemapi). Par la suite, l'article 12 de la loi n° 2015-991 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015 a rendu cette compétence exclusive aux EPCI.

Le transfert de la compétence a été opéré plusieurs années plus tard, le 1er janvier 2018. Pour faciliter l'exercice de cette nouvelle compétence, une loi du 30 décembre 201763(*) a introduit des aménagements ayant vocation à introduire plusieurs souplesses relatives au titulaire de la Gemapi :

- les départements et les régions ont la possibilité de continuer à exercer certaines missions en accord avec les EPCI bénéficiaires ;

- les régions et les départements peuvent financer les actions Gemapi portées par les communes, les EPCI ainsi que les syndicats fermés ;

- enfin, les régions et les départements peuvent apporter une assistance technique.

La Gemapi n'a pas vocation à transférer aux EPCI toutes les compétences relatives à l'eau, mais seulement celles pour lesquelles le périmètre intercommunalité est considéré comme l'échelle de mise en oeuvre la plus pertinente, et pour lesquelles il est estimé qu'elles nécessitent un outil de financement dédié. L'article L. 211-7 du code de l'environnement définit ainsi les actions entreprises dans ce cadre au travers d'« items » :

- l'aménagement des bassins hydrographiques ;

- l'entretien et l'aménagement des cours d'eau et lac ;

- la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ;

- la défense contre les inondations et les submersions marines.

Il n'y a pas de séparation stricte entre ces actions - par exemple, l'entretien et l'aménagement des cours d'eau peuvent bien entendu être menés dans un objectif de lutte contre les inondations. En revanche, les enjeux liés au petit cycle de l'eau, comme l'approvisionnement en eau ou l'assainissement et la gestion des eaux pluviales, ne relèvent pas de la compétence Gemapi.

Seules les actions relevant du grand cycle de l'eau sont incluses dans la Gemapi, mais elle ne les comprend pas toutes : la gestion de la biodiversité, de la qualité et de la ressource en eau, demeurent en dehors de la compétence.

Répartition des missions du grand cycle de l'eau prévue par l'article L. 211-7 du code de l'environnement

Compétence Gemapi

Compétence hors Gemapi

1. L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique.

 

2. L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau.

 
 

3. L'approvisionnement en eau potable.

 

4. La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols.

5. La défense contre les inondations et contre la mer.

 
 

6. La lutte contre la pollution.

 

7. La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines.

8. La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides, ainsi que des formations boisées riveraines.

 
 

9. Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile.

 

10. L'exploitation, l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants.

 

11. La mise en place et l'exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques.

 

12. L'animation et la concertation dans les domaines de la prévention du risque d'inondation ainsi que de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins, ou dans un système aquifère.

Source : mission conjointe de contrôle, d'après la mission d'information sur la gestion durable de l'eau et le
rapport annuel de 2023 de la Cour des comptes

Les intercommunalités peuvent exercer la Gemapi en régie, ou opérer des délégations et des transferts de la compétence. Le transfert est possible aux établissements publics de gestion et d'aménagement de l'eau (EPAGE), aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ou aux syndicats mixtes de droit commun. La délégation est en revanche autorisée seulement aux EPAGE et aux EPTB64(*).

Les établissements publics de gestion et d'aménagement de l'eau (Epage) ont également été instauré en 2014 par la loi Maptam, et ils sont définis comme « un groupement de collectivités territoriales constitué en syndicat mixte à l'échelle d'un bassin versant d'un fleuve côtier sujet à des inondations récurrentes ou d'un sous-bassin hydrographique d'un grand fleuve en vue d'assurer, à ce niveau, la prévention des inondations et des submersions marines ainsi que la gestion des cours d'eau non domaniaux. »65(*) Ils constituent un statut particulier pour les syndicats mixtes qui exercent les missions de la compétence Gemapi.

Créé en 200366(*), l'établissement public territorial de bassin (EPTB) a un rôle d'information, d'animation et de coordination de la gestion des zones humides, de la ressource en eau et de la prévention des inondations à l'échelle des bassins. L'EPTB peut contribuer à l'élaboration et au suivi du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et il assure la cohérence de l'activité de maîtrise d'ouvrages des autorités compétentes en matière de Gemapi. Toujours dans un objectif de souplesse, la loi dite « 3DS » du 21 février 202267(*) a introduit des dispositions permettant aux grands syndicats d'eau d'accéder aux statuts d'Epage et d'EPTB tout en conservant leur personnalité juridique initiale.

Distinction entre les établissements publics de gestion et d'aménagement de l'eau (EPAGE) et les établissements publics territoriaux de Bassin (EPTB)

Groupement

Composition ou regroupement

Échelle

Missions de la Gemapi

Établissement Public de Gestion et d'Aménagement de l'Eau (Epage)

Regroupement d'EPCI-FP

Bassin versant ou sous-bassin hydrographique

- Maîtrise d'ouvrage opérationnelle

- Expertise et capitalisation de connaissance, sensibilisation, communication et animation locale

- Exerce (transfert ou délégation) tout ou partie des missions Gemapi pour le compte des EPCI-FP concernés

Établissement Public Territorial de Bassin (EPTB)

Regroupement d'EPCI-FP et de collectivités territoriales et/ou d'autres acteurs publics ou privés concernés par l'objet du syndicat

Bassin ou groupement de sous-bassins hydrographiques

- Contribution à l'élaboration et au suivi du SAGE

- Coordination de l'activité de maîtrise d'ouvrage des Epage

- Animation et gouvernance locale de la politique de l'eau

- Exerce (transfert ou délégation) tout ou partie des missions Gemapi pour le compte du ou des EPCI-FP concernés

Source : mission conjointe de contrôle, à partir de documents transmis
par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

La compétence Gemapi est sécable à plusieurs niveaux. Un EPCI peut confier à plusieurs structures des missions similaires si elles les exercent sur des parties différentes d'un territoire. La superposition des structures sur un même territoire est également possible, dès lors que les missions sont différentes. En outre, les intercommunalités peuvent conventionner pour mutualiser certaines fonctions, comme l'ingénierie, sans créer de structures dédiées.

Selon les informations transmises par Intercommunalités de France, la sécabilité fonctionnelle et géographique de la compétence Gemapi a été utilisée par de nombreux EPCI. Ainsi, « il en résulte que bien souvent, l'intercommunalité exerce la compétence Gemapi sur une partie du territoire pour une partie des items, et délègue ou transfère la compétence sur une autre partie du territoire pour une partie des items. »68(*)

En particulier, des EPCI se situant sur un territoire particulièrement exposé à des inondations fortes peuvent décider de s'organiser à une échelle plus large, permettant de mutualiser les moyens, tout en décidant de conserver la maîtrise à leur échelle du reste de la compétence Gemapi.

Exemple de répartition territoriale des autorités
compétentes en matière de Gemapi : le bassin Rhin-Meuse

Source : document transmis par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

Note : SI = syndicat intercommunal ; SM = syndicat mixte. On peut remarquer la superposition territoriale de certains établissements : par exemple, les syndicats mixtes de Bruch Mossing et de l'Ehn-Andlau-Scheer exercent sur des zones communes avec le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle.

Il est estimé que plus de 450 syndicats mixtes exercent au moins un des quatre items composant cette compétence. Cependant, la DGCL indique qu'elle ne dispose pas d'autres informations sur les modalités de structuration de la compétence par les collectivités et groupement depuis 201869(*).

b) Le transfert des systèmes d'endiguement aux intercommunalités doit faire l'objet d'un accompagnement renforcé

Les enjeux du volet « Prévention des inondations » (PI) portent en grande partie sur la construction et l'entretien des digues. L'objectif derrière la réforme ayant conduit à l'instauration de la compétence Gemapi était que la gestion de l'ensemble des digues soit transférée au niveau intercommunal. Cependant, en raison de l'ampleur de la tâche, ce transfert a été opéré en plusieurs temps.

Les digues communales ont été transférées aux autorités gémapiennes dès le 1er janvier 2018, en même temps que la compétence. Les digues propriétés des départements et des régions ou de leurs groupements l'ont été entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2020.

La gestion des digues domaniales a été transférée plus tardivement, et le processus ne s'est pas effectué sans heurt. La loi Maptam prévoyait en effet que, pour 10 ans, l'État ou ses établissements publics devaient en assurer la gestion pour le compte des autorités gémapiennes. Elles ont finalement été transférées le 28 janvier 2024. En dépit de ce délai largement différé, des collectivités ont estimé qu'elles n'avaient pas été suffisamment préparées et accompagnées à l'exercice de cette nouvelle responsabilité.

La direction générale de la prévention des risques (DGPR) estime que 204 digues domaniales étaient transférables, ce qui représente 750 km de constructions. Sur ces ouvrages, 35 ont été considérés comme ne représentant pas d'intérêt pour les systèmes d'endiguement des collectivités, et devront être « mis en extinction » par l'État. 169 ouvrages seront donc finalement à la charge des intercommunalités, représentant 706 km de protection. Le transfert des digues domaniales a été systématiquement formalisé par une convention, qui prévoit notamment les modalités d'accompagnement par l'État, et selon la DGPR, l'ensemble des intercommunalités concernées ont effectivement signé une telle convention avant le printemps 2024.

Pour accompagner le transfert et l'exercice des missions relatives à la gestion des digues, le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 a réorganisé les digues en « systèmes d'endiguement »70(*). Il prévoit que chaque système comprend « une ou plusieurs digues ainsi que tout ouvrage nécessaire à son efficacité et à son bon fonctionnement », et il doit protéger un territoire relevant de la compétence d'une intercommunalité (ou de la personne délégataire), qui est délimité à l'aide d'une cartographie.

Le niveau de protection du système d'endiguement, qui désigne le niveau de crue maximale estimé sans que le territoire protégé ne connaisse de venues d'eau, est identifié et justifié par une étude technique, qui ne peut être réalisée que par un bureau d'études agréé pour la sécurité des ouvrages hydrauliques.

Les systèmes d'endiguement sont également divisés en trois classes, déterminées à partir du nombre de personnes protégées. Cette classification a une influence sur les règles applicables ; notamment, l'étude de danger doit être actualisée tous les 10 ans pour les ouvrages de classe A, tous les 15 ans pour ceux de classe B, et tous les 20 ans pour ceux de classe C.

Classification des systèmes d'endiguement

Classe

Population protégée par le système d'endiguement

A

Population supérieure à 30 000 personnes

B

Population comprise entre 3 000 et 30 000 personnes

C

Population comprise entre 30 et 3 000 personnes

Source : mission conjointe de contrôle, d'après le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015

Note : la classe D, qui dans la classification précédente désignait les digues qui protégeaient moins de 10 habitants, et qui dans la classification actuelle aurait dû logiquement désigner les systèmes d'endiguement qui protègent moins de 30 personnes, a été supprimée dans l'objectif d'éviter la construction d'ouvrages trop petits, ceux-ci étant particulièrement difficiles à recenser et à entretenir. Les systèmes d'endiguement protégeant moins de 30 personnes peuvent toutefois être considérés comme étant de classe C si les digues préexistaient.

Plus généralement, l'État contrôle l'application de la réglementation applicable aux systèmes d'endiguement. Ce contrôle s'effectue au moment de l'autorisation environnementale, qui permet d'attester de l'existence du système, ainsi que via des contrôles sur site ou sur pièce, comme le détaille l'encadré suivant.

Le contrôle des systèmes d'endiguement par l'État

Les éventuels travaux de renforcement ou de rehausse des ouvrages sont librement décidés par la collectivité en fonction de son projet de territoire.

Cependant, l'État (direction départementale des territoires - DDT, avec l'appui technique d'un service spécialisé de la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement - Dreal) délivre une autorisation environnementale pour chaque système d'endiguement, afin d'en officialiser l'existence.

Les digues qui entrent dans la constitution des systèmes d'endiguement ayant été historiquement autorisées au titre de la « loi sur l'eau » avant le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015, la procédure administrative par laquelle les autorisations environnementales sont délivrées pour ces systèmes d'endiguement est généralement simplifiée. Le dossier de demande d'autorisation comporte en particulier un document qui décrit l'organisation que le gestionnaire prévoit de mettre en place pour assurer la gestion de l'ouvrage, son entretien et sa surveillance en toutes circonstances (en exploitation normale, lors de périodes de crue et lors de situation d'urgence), en réponse aux exigences règlementaires portant sur la sécurité des ouvrages hydrauliques.

Une fois le système d'endiguement en service, les services de l'État (sous l'autorité du préfet de département, avec l'appui technique du service spécialisé de la Dreal) peuvent procéder à des contrôles sur site ou sur pièce pour s'assurer du respect de la règlementation - notamment le fait que le gestionnaire procède régulièrement au suivi de son ouvrage comme prévu par le dossier de demande d'autorisation, ainsi qu'à des vérifications techniques approfondies de ses ouvrages, ce qui est un gage du maintien dans le temps de la sécurité et de la performance du système d'endiguement.

Source : direction générale de la prévention des risques

Malgré leur échelonnement, le transfert de la gestion des digues ne s'est pas toujours effectué dans des conditions satisfaisantes. Dans certains cas, les intercommunalités n'ont pas été suffisamment accompagnées dans l'exercice de cette nouvelle compétence, et elles ne disposent pas nécessairement des moyens techniques et financiers pour assurer leur entretien.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe du transfert de ces ouvrages aux intercommunalités. L'émiettement de leur gestion entre de nombreux acteurs, à niveaux territoriaux différents, conduisait à un problème d'entretien qui rendait une réforme nécessaire.

En revanche, il est indispensable que les collectivités territoriales disposent de l'ensemble des moyens requis pour assurer leur gestion. L'entretien des digues n'est pas un sujet secondaire, car « une rupture de digue provoque une vague de submersion bien plus dangereuse que l'inondation à laquelle elle était censée soustraire les populations »71(*). Des digues mal entretenues représentent ainsi un véritable risque pour les populations.

Disposer d'un panorama de l'entretien de ces ouvrages est un préalable indispensable pour prioriser celles qui nécessitent rapidement des réparations. Or, la connaissance de l'état des digues sur le territoire est malheureusement encore insuffisante.

En 2018, le Système d'information géographique national pour le contrôle des ouvrages hydrauliques (Siouh) recensait environ 9 300 km de digues, dont 8 800 km de digues fluviales (rivières, lacs, torrents) et 500 km de digues littorales (mer, estuaires). En ce qui concerne les digues littorales, le Cerema inclut dans son recensement d'autres protections côtières, comme les parements et les murs de pierre, ce qui rehausse le linéaire de digues maritimes et ouvrages littoraux à 1 300 km. Ainsi, le Cerema évalue à un peu plus de 10 000 km le linéaire de digues et de défenses contre les inondations en France.

Cependant, la connaissance sur l'état des ouvrages, et en particulier des plus petits d'entre eux, est lacunaire. Le Cerema indique en effet que « Pour ce qui concerne le parc des petits ouvrages et systèmes d'endiguement, celui-ci est encore mal connu »72(*).

À ce sujet, la DGCL a indiqué aux rapporteurs que l'évolution de la comptabilité locale devrait permettre d'avoir une meilleure connaissance des protections face aux inondations. En effet, la nomenclature fonctionnelle qui permet de classer les dépenses des collectivités territoriales par destination identifie les dépenses relatives aux inondations pour la seule nomenclature M57. Or cette nomenclature ne fait l'objet d'une adoption presque généralisée (c'est-à-dire qu'elle est mise en oeuvre par plus de 90 % des communes et intercommunalités) que depuis le 1er janvier 2024, conformément aux objectifs assignés73(*).

Au 1er janvier 2023, seuls 56,54 % des budgets des collectivités éligibles étaient en nomenclature M57, ce qui ne permettait pas d'avoir des données suffisamment précises. En revanche, il sera possible de réaliser un panorama du coût annuel des dépenses d'entretien des digues des collectivités territoriales à partir de 2025 pour l'exercice 2024.

En tout état de cause, le manque de données disponibles sur les petits ouvrages rend actuellement difficile d'objectiver la situation.

Cependant, le consensus est qu'un grand nombre de ces petits ouvrages sont en mauvais état. Le Cerema a ainsi fait part aux rapporteurs que « leur état interroge, du fait d'un entretien et d'une maîtrise d'ouvrage souvent moins aguerrie et disposant de ressources financières ou techniques moins importantes. »74(*) De même, l'association France digues indique que « ces constructions, pour la plupart des très anciennes, sont encore très méconnues et souvent en mauvais état »75(*). Or, les collectivités territoriales, et en particulier les petites communes, ne disposent pas toujours des compétences techniques nécessaires pour l'entretien des ouvrages.

Il est indéniable qu'il existe des dispositifs performants ayant vocation à apporter aux collectivités territoriales un soutien technique, mais ceux-ci ne sauraient remplacer l'exercice direct de la gestion par les collectivités territoriales.

Au niveau territorial, les régions et départements peuvent se positionner en soutien aux communes et intercommunalités, dans le cadre de la loi précitée du 30 décembre 2017. Ainsi, l'Assemblée des départements de France (ADF) indique que : « les départements ont la possibilité de mettre à la disposition des communes ou des intercommunalités à fiscalité propre qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique notamment dans les domaines de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations et de l'aménagement. »76(*)

Au niveau national, des établissements publics sont spécialisés dans le soutien technique aux travaux de prévention et à l'entretien des digues.

Le BRGM dispose d'une expérience solide dans l'identification de la stabilité de digues par géophysique. Il peut ainsi rendre des « avis sur la stabilité » de tel ou tel système d'endiguement à destination des collectivités territoriales.

Le Cerema, quant à lui, apporte une aide aux collectivités pour l'exercice de l'ensemble de la compétence Gemapi, qui se traduit par la réalisation d'études et un appui méthodologique. Il collecte et traite également des données relatives à la prévention des inondations ainsi que des submersions marines.

L'appui du Cerema aux collectivités territoriales

Le Cerema s'est fortement positionné en soutien des collectivités locales pour la mise en oeuvre de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi). Ce soutien s'est concrétisé notamment de deux manières :

- le lancement et le suivi de deux appels à partenaire nationaux, qui ont permis d'apporter des réponses concrètes et innovantes au déploiement de cette compétence.

- la production d'une abondante documentation en appui au déploiement de la compétence (cf. liste en annexe).

Par ailleurs, le Cerema dispose d'un agrément au titre des organismes intervenant pour la sécurité des ouvrages hydrauliques qui lui permet de réaliser des missions d'études et de conseil auprès des gestionnaires de systèmes d'endiguement pour la protection contre les inondations.

Il intervient ainsi pour la réalisation de quelques études de dangers de systèmes d'endiguement (2 ou 3 par an), mais développe surtout les missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage ou d'ingénierie de second niveau afin d'apporter un appui aux services gestionnaires (collectivités ou état déconcentrés) dans la réalisation des études de définition des systèmes d'endiguement, de réalisation des études réglementaires nécessaires à l'autorisation de tels systèmes, comme les études de dangers, ou de travaux d'expertise et de réhabilitation de ces ouvrages.

Le Cerema apporte également un appui méthodologique, de recherche et développement, et un appui scientifique et technique à l'administration centrale du MTE, visant à l'élaboration de nouvelles méthodologies et modalités pour la sécurité des ouvrages hydrauliques, ou à la modernisation de méthodes existantes. Il comprend une aide à l'élaboration, la diffusion et l'évaluation des outils méthodologiques nécessaires pour aider et accompagner les collectivités territoriales compétentes dans la mise en oeuvre des missions de prévention des inondations, ainsi qu'une participation à la diffusion de la connaissance via des colloques, journées techniques, formations professionnelles, groupes de travail, instances nationales ou internationales, dans les associations professionnelles (CFBR, CIGB, France Digues), ou toutes autres formes de diffusion de la connaissance (supports numériques, internet, réseaux, etc.). Dans ses démarches, le Cerema prône une approche systémique et encourage la gestion concertée à l'échelle des bassins versants.

Source : réponses du Cerema au questionnaire écrit des rapporteurs

Voies navigables de France (VNF) peut de la même façon participer à la réalisation d'études, dans l'objectif « d'évaluer le plus en amont possible la compatibilité des ouvrages potentiellement contributifs avec la mission de prévention des inondations »77(*). L'établissement cherche plus généralement à se positionner en partenaire des autorités gémapiennes, tout en n'empiétant pas sur la maîtrise opérationnelle sur les ouvrages, qui relève de la compétence des intercommunalités.

Les comités de bassin et agences de l'eau peuvent également apporter un soutien, notamment en termes de programmation et de coordination. Dans le bassin de Rhône-Méditerranée-Corse par exemple, le comité a défini des principes directeurs dans le SDAGE, afin de « guider les collectivités dans leur choix d'organisation pour l'exercice de la compétence Gemapi : cohérence hydrographique à l'échelle des bassins versants, synergie des actions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, gestion durable des équipements structurants du territoire et renforcement des solidarités financières et territoriales. »78(*) L'Agence de l'eau Rhin-Meuse, quant à elle, a expliqué qu'elle intervenait notamment pour « pour compléter les plans de financement sur les actions PI à fort lien avec les volets « milieux » (reconstitution et gains de zones inondables, zone de ralentissement dynamique des crues - ZRDC - intégrant des actions « biodiversité » et à impact limité sur les milieux) »79(*).

Le soutien apporté par les opérateurs est indispensable, à condition qu'il soit cohérent et qu'il corresponde bien au besoin des collectivités territoriales. À ce titre, le « Programme national ponts », qui désigne un programme mené par le Cerema ayant vocation à identifier l'état des ponts et à aider à leur entretien, peut servir de modèle. Ce programme faisait d'ailleurs suite aux constats et recommandations formulées par un rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de 201980(*). Un programme similaire peut être lancé pour les digues.

Programme national ponts

Initié par le plan de relance en décembre 2020, le Programme national ponts accompagne les collectivités pour une meilleure connaissance et un meilleur entretien de leurs ouvrages d'art.

Piloté par le Cerema, il apporte une réponse au constat du rapport d'information du Sénat sur la situation des ponts en France (2019). Le rapport pointait la méconnaissance du patrimoine des communes et alertait sur les risques liés à un manque de surveillance et d'entretien.

Dès janvier 2021, un vaste programme de recensement et d'évaluation des ouvrages est proposé à près de 28 000 communes pour bénéficier gratuitement d'un recensement et d'une évaluation de l'état de leurs ponts. 11 500 s'engagent dans ce dispositif qui leur permet d'accéder à « un carnet de santé » de leurs ouvrages. Plus de 42 000 carnets de santé leur ont été remis.

Source : site de présentation du Cerema

Au soutien des opérateurs, il faut ajouter que l'État peut également apporter directement une aide via le fonds Barnier, et dans une moindre mesure par le fonds vert. Un décret du 21 novembre 2023 relatif au transfert de la gestion des digues domaniales prévoit notamment une bonification des subventions du fonds pour les travaux de mise en conformité des digues transférées81(*). Le montant de l'accompagnement financier de l'État aux travaux à réaliser sur ces digues est estimé à 363 millions d'euros d'ici à 2027, dont 25 millions d'euros de dépenses fléchées vers la conclusion de marchés de travaux préalables au transfert, qui seront donc exécutés par l'État.

Cependant, le dialogue avec l'État sur le transfert des digues domaniales a été parfois difficile. Intercommunalités de France regrette notamment que les EPCI aient eu une connaissance tardive des ouvrages qui leur seraient confiés, et ainsi « le transfert a pâti des difficultés dans le dialogue entre État et collectivités sur les moyens humains et financiers engagés et à engager. »82(*) De la même façon, l'Association des maires de France (AMF) estime que, malgré la période de dix ans qui a suivi la promulgation de la loi Maptam, les collectivités n'ont pas été assez informées des ouvrages qui allaient leur revenir, ni suffisamment accompagnées dans leur gestion.

L'une des raisons de ce blocage vient de ce que l'État lui-même n'a pas une connaissance complète de l'état des digues domaniales. Pour cette raison, les montants de la contribution de l'État déterminés au moment de la signature de conventions devraient être révisés à mesure de la réalisation des travaux.

Plus généralement, le soutien apporté par l'État et par les opérateurs, aussi nécessaire soit-il, n'est pas suffisant pour assurer de manière efficace et pérenne l'entretien des systèmes d'endiguement. Les établissements publics peuvent fournir un appui, mais ils ne peuvent pas se substituer à la maîtrise opérationnelle des collectivités territoriales. Les subventions de l'État ne pourront pas non plus répondre à l'ensemble des besoins sur le long terme. Il est donc indispensable que les autorités gémapiennes disposent elles-mêmes des ressources suffisantes pour la gestion des digues.

Or, c'est là que le bât blesse. Les systèmes d'endiguement sont des équipements particulièrement coûteux à entretenir. Par exemple, le projet d'aménagement d'intérêt commun pour la gestion des infrastructures de protection contre les inondations sur le bassin de la Loire et ses affluents (PAIC) a identifié un besoin de 350 millions d'euros pour une programmation de travaux sur vingt ans pour avoir un niveau de protection suffisant des digues à l'échelle du Val de Loire. Il est également estimé que les coûts de fonctionnement représentent 2 500 euros par km83(*). Ces sommes sont hors de portée de nombreuses intercommunalités.

Les sénateurs avaient d'ailleurs alerté sur la situation en amont du transfert des digues domaniales. Le rapporteur Jean-Yves Roux avait notamment déclaré à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement,
le 22 novembre 2023 : « Monsieur le ministre, depuis quelques années, les collectivités alertent, mais cela ne déclenche pas de réflexion opérationnelle. Davantage encore, l'article 59 de la loi Maptam prévoit en 2024 - soit dans deux mois - la rétrocession aux collectivités, par l'État, de la charge d'un grand nombre d'ouvrages de protection. Aujourd'hui, après moult alertes venues de toutes parts, au travers des amendements déposés et d'une mission d'information du Sénat conduite par Rémy Pointereau et Hervé Gillé, nous arrivons tous à la même conclusion : il faut une solidarité territoriale renforcée pour assurer la prévention des inondations. »84(*)

La solution prévue depuis la loi Maptam est la création d'une taxe adossée à la compétence Gemapi, dite taxe « Gemapi ». Toutefois, ce nouveau prélèvement, mis en oeuvre depuis 2018, présente des limites majeures. En particulier, la taxe ne permet pas à l'heure actuelle une véritable solidarité entre les collectivités situées sur un même bassin versant, comme cela sera détaillé dans la partie suivante.

3. Financement de la Gemapi : construire un modèle pérenne et juste, permettant une véritable solidarité entre l'amont et l'aval
a) Une taxe dont le produit augmente, mais qui connaît des disparités importantes entre les territoires

Une nouvelle taxe pour financer une compétence nouvelle : une telle solution ne pouvait être viable sur le long terme que si elle était équitable entre les collectivités territoriales, et si celles-ci disposaient de suffisamment de marges financières. Les deux conditions n'ont malheureusement pas été remplies.

La taxe Gemapi a été créée en même temps que la compétence du même nom, par la loi « Maptam » du 27 janvier 2014. La taxe est facultative, plafonnée à 40 euros par habitant, et doit être exclusivement affectée au financement des charges de fonctionnement et d'investissement (ce qui inclut les charges constituées par le coût de renouvellement des installations ainsi que par le remboursement des annuités des emprunts) résultant de l'exercice de la compétence Gemapi. En revanche, il n'est pas obligatoire que la compétence soit financée entièrement par cette taxe. Les intercommunalités peuvent également la financer via leur budget général, et percevoir des subventions à ce titre.

La taxe a été véritablement mise en oeuvre en même temps que la compétence, c'est-à-dire le 1er janvier 2018. Néanmoins avant cette date, une quinzaine d'intercommunalités situées sur des territoires particulièrement exposés au risque inondations et qui exerçaient de manière anticipée la compétence Gemapi, avaient décidé de lever la taxe.

Son montant est déterminé par la collectivité locale compétente, et il est répartie entre contribuables en fonction des bases d'imposition directe locale, c'est-à-dire : la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)85(*), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a eu pour conséquence de réduire et recentrer l'assiette de calcul de la taxe Gemapi sur les personnes assujetties aux taxes foncières.

Le taux de couverture de la taxe Gemapi progresse de manière continue depuis son instauration. En 2018, première véritable année de mise en oeuvre, 428 des EPCI percevaient la taxe, ce qui représentait 34 % de leur nombre total, tandis qu'en 2021 ce sont 665 des EPCI qui la percevaient, ce qui représente un taux de couverture de 53 %86(*). Les chiffres disponibles sur le taux de couverture s'arrêtent à l'année 2021, mais il est estimé que le nombre d'EPCI décidant de mettre en place la taxe continue de progresser.

L'évolution est plus contrastée pour le taux moyen de la taxe Gemapi. Il était de 8,3 euros par habitant assujetti à la taxe en 2018, et il est descendu à 6 euros en 2019. Depuis, il remonte progressivement : il était
de 6,2 euros par habitants assujettis en 2020 et de 7,5 euros en 2021. Cette diminution initiale s'explique par le fait que les collectivités les plus exposées aux inondations ont mis en place plus rapidement la taxe, et à un niveau en moyenne plus élevé. Les EPCI qui ont mis en place la taxe dans un second temps l'ont en moyenne positionnée à un montant moins élevé, en particulier en Île-de-France qui concentre une part importante de la population.

Il existe des disparités territoriales significatives dans le nombre d'EPCI ayant mis en oeuvre la taxe : en 2021, un peu supérieur à un tiers dans le bassin de Loire-Bretagne, il s'élevait de deux-tiers en Adour-Garonne et en Rhône-Méditerranée-Corse. La taxe Gemapi est largement prélevée dans les départements et régions d'outre-mer, sauf en Guyane, où, à la date de 2021, aucun EPCI n'avait décidé de la mettre en place.

EPCI ayant mis en place la taxe Gemapi en 2021

Circonscription de bassin

Nombre d'EPCI levant la taxe

Nombre d'EPCI totaux

Proportion d'EPCI levant la taxe

Artois-Picardie

31

68

46 %

Seine-Normandie

124

274

45 %

Rhin-Meuse

68

116

59 %

Loire-Bretagne

129

359

36 %

Adour-Garonne

200

302

66 %

Rhône-Méditerranée-Corse

232

347

67 %

Source : documents transmis par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

Les disparités territoriales sont toutefois plus fortes lorsque l'on examine les taux retenus. La majorité des EPCI qui lèvent la taxe à un niveau supérieur à 10 euros se situent dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, au sud-ouest, en Vendée et dans les départements Nord et Pas-de-Calais. La région PACA est le territoire où le produit moyen de la taxe par habitant est le plus élevé, avec un taux de 14,8 euros par habitant, avec l'Occitanie où ce taux atteint 11,0 euros par habitant.

Taxe Gemapi en France métropolitaine en 2021

Source : étude transmise aux rapporteurs par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse

Ces différences de taux se reflètent dans la répartition du produit de la taxe. Sur 274,9 millions d'euros collectés en 2021, 58,4 millions d'euros l'ont été au sein de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 46,7 millions d'euros en Occitanie et 33 millions d'euros en Auvergne-Rhône-Alpes.

Toutefois, ces disparités ne doivent pas masquer le dynamisme global de la taxe Gemapi : depuis son ouverture à l'ensemble des EPCI en 2018, son produit a triplé, passant de 154 millions d'euros à 458 millions d'euros en 2023. Le rythme de progression est de 24,4 % par an (en excluant 2017), avec une accélération depuis 2021.

Produit de la taxe Gemapi entre 2017 et 2023

(en millions d'euros)

Source : mission conjointe de contrôle, d'après l'étude statistique de la direction générale des collectivités
territoriales sur la taxe Gemapi, Nesheen Solanki, avril 2023 

On ne peut toutefois pas en conclure que les moyens sont désormais suffisants pour les collectivités qui exercent la compétence Gemapi.

Une large part de la hausse du produit de la taxe est portée par les intercommunalités à fort potentiel fiscal, qui peuvent collecter des recettes importantes avec une faible progression des taux. Environ la moitié du produit de la taxe Gemapi provient ainsi des EPCI qui comprennent 100 000 habitants ou plus, tandis que les EPCI qui comportent 50 000 habitants ou moins ne représentent que 16 % du produit de la taxe (dont seulement 5 % pour les intercommunalités de moins de 15 000 habitants).

En outre, certaines collectivités ont déjà atteint le plafond de 40 euros par habitant, et ne parviennent malgré tout pas à financer leurs dépenses, ou alors elles ne peuvent pas dans la pratique augmenter le taux de la taxe à cette hauteur. Enfin, l'augmentation du produit global de la taxe ne signifie pas non plus que celle-ci est équitable entre les collectivités territoriales.

b) La taxe Gemapi n'est pas suffisante pour financer la prévention des inondations

Parmi les personnes interrogées par les rapporteurs, le constat est quasiment unanime que les ressources financières permises par la taxe Gemapi ne sont pas suffisantes pour exercer les compétences relatives à la prévention des inondations.

Intercommunalité de France a ainsi déclaré que : « la taxe Gemapi ne peut pas, dans de nombreux territoires, couvrir les dépenses d'investissement relatives à la prévention des inondations. »87(*) L'association d'élus a en particulier souligné le cas des intercommunalités littorales et de celles qui ont la responsabilité de systèmes d'endiguements importants. Le Comité de bassin Adour-Garonne a déclaré dans le même sens que « l'expérience et le recul de ces 7 dernières années après la mise en place de la compétence Gemapi (et de la possibilité de lever la taxe) » conduisent à considérer « que cette taxe Gemapi n'est, pour les territoires ruraux en particulier, pas à la hauteur des enjeux financiers en matière de prévention des inondations »88(*).

Ce constat est également rapporté par l'administration. La DGCL a indiqué que : « Les ressources financières et humaines dont ils disposent peuvent également ne pas être en adéquation avec les enjeux de la compétence, ce qui appelle une réflexion notamment sur le niveau de la taxe Gemapi et la mutualisation. »89(*) De même, la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) a souligné que : « Des territoires font ressortir le manque de moyens financiers, mais surtout sur le volet inondation et gestion du trait de côte. »90(*)

Enfin, le témoignage que les recettes de la taxe Gemapi ne suffisent pas pour financer la prévention des inondations est revenu à de très nombreuses reprises dans le cadre de la consultation aux élus menée par les rapporteurs. L'une des réponses indique ainsi que « le reste à charge de travaux coûtant souvent plusieurs centaines de milliers d'euros est difficilement supportable financièrement par les collectivités. Les recettes perçues par la taxe Gemapi ne suffisent pas », et une autre précise que : « Dans les petites intercommunalités, peu denses, et de surcroît en territoire de montagne où les risques sont importants, l'assiette du prélèvement n'est pas suffisante. Dans une intercommunalité de 10 000 habitants, la taxe Gemapi ne peut rapporter que 400 000 euros au maximum, ce qui est très insuffisant. »

À titre d'exemple, l'EPCI Val de Garonne Agglomération a évalué le coût des travaux de conservation des 90 km de digues publiques dont il a la responsabilité à 22 millions d'euros, alors que le produit de la taxe Gemapi n'est que d'un million d'euros91(*). Même dans l'hypothèse maximaliste d'un subventionnement à 80 % des travaux, la taxe serait loin d'être suffisante pour financer le reste à charge, sans compter que l'intercommunalité doit également assurer le volet « GEMA ».

Les difficultés de financement de la compétence Gemapi peuvent également conduire à un cercle vicieux. Les groupements de collectivités constatent que l'instauration de la taxe, même si elle était portée à son maximum, serait loin d'être suffisante pour financer les investissements lourds, et donc préfèrent ne pas instaurer cette taxe, ou alors à un niveau faible, pour chercher d'autres voies de financement. L'argument, qui a parfois été avancé par le Gouvernement, selon lequel le potentiel de la taxe Gemapi n'est pas encore levé à son plein potentiel, n'est donc pas recevable92(*).

Ensuite, la prévention des inondations nécessite des compétences techniques et des moyens conséquents, davantage que la part « gestion des milieux aquatiques » (GEMA) de la compétence, ce qui fait qu'elle est souvent structurée seulement dans un second temps. Ainsi, la gouvernance devient dimensionnée et centrée sur le volet « GEMA », ce qui peut avoir pour conséquence une diminution de la solidarité sur le volet « PI »93(*). Les financements de la PI peuvent être restreints au fonctionnement, tandis que le fonctionnement est négligé : « Les moyens humains et financiers sont limités : la taxe Gemapi permet de couvrir les besoins de fonctionnement mais est souvent insuffisante pour couvrir les besoins d'investissement. Les financements dans le cadre des PAPI nécessitent une ingénierie et des temps d'étude significatifs. »94(*)

Dans le sens inverse, les besoins en financements de la compétence PI peuvent conduire à flécher l'ensemble de la compétence sur ce volet, tandis que la GEMA est financée par d'autres voies, ce qui va à l'encontre de l'esprit de la réforme menée par la loi Maptam. L'Agence de l'eau Artois-Picardie apporte un témoignage en ce sens : « Un auto-financement des projets toujours problématique sur le volet GEMA (taxe affectée consacrée majoritairement au PI, projets GEMA sur le budget général) »95(*).

La suppression de la taxe d'habitation a également fragilisé les ressources de la taxe. La réduction de la part de la taxe Gemapi adossée à la taxe d'habitation doit être compensée par une augmentation pesant sur les taxes foncières, ce qui conduit à des déséquilibres dans la fiscalité locale. L'article 41 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit le versement aux collectivités concernées d'une dotation de l'État, d'un montant égal au produit réparti en 2017 entre les personnes assujetties à la taxe d'habitation sur les résidences principales. La mise en place de cette dotation était bien sûr indispensable, mais elle ne peut pas représenter une solution de long terme au problème de financement de la prévention des inondations.

Face à ce constat, la suppression du plafond de la taxe Gemapi, fixé à 40 euros par habitant, n'est pas une solution viable. La raison est que la suppression du plafond ne réglerait aucunement les disparités territoriales de la taxe Gemapi, mais au contraire les aggraverait : les collectivités les plus exposées au risque seraient contraintes de facto d'imposer encore plus leurs populations, alors que les mesures de prévention qui seraient les plus efficaces ne doivent pas nécessairement être réalisées sur leur territoire.

La mise en oeuvre d'une véritable solidarité entre l'amont et l'aval est donc un préalable indispensable. En France, la solidarité est un principe cardinal de la prévention, de la gestion et de l'indemnisation des catastrophes naturelles. Il importe qu'elle s'exprime également dans l'exercice et le financement de la compétence Gemapi.

c) La taxe Gemapi ne permet pas à l'heure actuelle d'assurer une véritable solidarité entre l'amont et l'aval

Au cours des travaux de la mission, le constat a été très largement partagé que l'exercice de la compétence Gemapi et son financement ne favorisent pas suffisamment de solidarité à l'échelle du bassin. Le Comité de bassin d'Adour Garonne témoigne ainsi que la taxe « n'est que très rarement « partagée » (au sens de « mutualisée à l'échelle du bassin ou sous-bassin ») concernant les opérations de prévention des inondations. Dès lors, il n'y a que peu ou pas de solidarité entre les EPCI-FP pour l'exercice du volet PI de la compétence Gemapi. »96(*)

Cette question de la solidarité à l'échelle du bassin est la véritable pierre d'achoppement dans l'exercice de la compétence Gemapi. La question est particulièrement prégnante en ce qui concerne la solidarité entre l'amont et l'aval.

En effet, les intercommunalités qui sont les plus exposées aux inondations ne sont pas nécessairement celles qui doivent réaliser en priorité les travaux de prévention. Dans certains cas, les intercommunalités situées en amont du cours d'eau pourraient réaliser des travaux qui bénéficient à l'ensemble des communes en aval, mais elles ne sont pas incitées à lever la taxe Gemapi lorsqu'elles ne sont pas elles-mêmes en zones à risque. Car le plus souvent, ces intercommunalités souhaitent réaliser ces travaux, mais elles n'ont tout simplement pas les moyens de les engager, y compris en mettant la taxe Gemapi à son maximum.

Cette problématique est cruciale dans les zones de montagne, où la taille et le potentiel fiscal des communes tendent à diminuer à mesure que l'on progresse en altitude. Dans la consultation à destination des élus, une contribution souligne ainsi que « Une péréquation par bassin versant semble nécessaire, car les communes rurales situées en zone de montagne et en tête de bassin versant sont trop faiblement peuplées pour engager les travaux d'entretien nécessaires. »97(*) De même, l'Agence de l'eau de Seine-Normandie remarque que : « les maîtres d'ouvrage Gemapi de tête de bassin sont généralement des collectivités à faible potentiel fiscal, alors que les travaux de restauration des milieux sont particulièrement nécessaires dans ces zones. »98(*)

Dans le sens inverse, des métropoles situées en aval disposent d'un potentiel fiscal très important, et elles peuvent bénéficier de recettes conséquentes en termes de taxe Gemapi tout en augmentant faiblement la taxation, alors qu'elles sont parfois peu exposées au risque et n'ont dans ce cas pas de travaux majeurs à réaliser. Ces intercommunalités disposent donc d'autant plus de moyens pour exercer la compétence GEMA, alors que celle-ci est réduite à la portion congrue dans les EPCI à faible potentiel fiscal et forte exposition aux risques. À ce titre, les communautés de communes, qui ont déjà des difficultés pour assurer l'ensemble de leurs compétences, sont particulièrement pénalisées.

Les problèmes de répartition se situent également au sein des EPTB et des EPAGE. L'Agence de l'eau Artois-Picardie témoigne ainsi que : « Sur le bassin Artois-Picardie, certains EPAGE n'ont pas les moyens de leur politique car tous les EPCI ne lèvent pas la taxe Gemapi et donc ne contribuent pas à la juste hauteur à l'effort de solidarité à réaliser à l'échelle du bassin versant. »99(*)

On se retrouve donc dans des situations où des intercommunalités perçoivent des recettes substantielles alors que les enjeux en termes de sinistralité sont mineurs, tandis que celles qui ont les besoins les plus importants n'ont même pas les moyens d'entretenir les digues existantes. À titre d'illustration, l'encadré ci-après présente un cas d'inégalité territoriale en matière de protection face aux inondations.

Un exemple d'inégalité du financement
de la compétence Gemapi sur le bassin de l'Adour

On mesure sur le territoire des inégalités territoriales patentes en matière de stratégie de protection contre les inondations. Par exemple, sur un même sous-bassin versant du bassin de l'Adour, sur lequel interviennent 3 collectivités gémapiennes dans le cadre d'un PAPI :

- l'une d'entre elle, une communauté de communes disposant de ressources fiscales importantes, a classé un système d'endiguement pour un niveau de protection à Q30 visant la seule protection d'un camping et envisage de porter le niveau de protection de cet ouvrage à Q100 ;

- parallèlement, un syndicat de sous-bassin versant disposant de peu de ressources financières, ne parvient pas à boucler le plan de financement pour le classement d'un système d'endiguement à Q5 pour protéger un village entier.

Source : contribution écrite du Comité de bassin d'Adour Garonne

Note : « Q5 », « Q30 » et « Q100 » désignent des niveaux de sûreté caractérisant les digues. Plus le chiffre est élevé, et plus la protection est forte.

Une telle situation alimente un sentiment d'injustice justifié. Les communes exposées aux risques, et qui sont contraintes de réaliser des travaux majeurs, estiment qu'elles subissent une « double peine » : elles doivent augmenter l'imposition de leurs habitants, et le produit de la taxe ne suffit même pas toujours à financer les aménagements requis. Un témoignage reçu par les rapporteurs indique ainsi : « La taxe Gemapi devrait être considérée comme une taxe de solidarité nationale perçue donc au niveau national puisque tout le monde envoie de l'eau mais tout le monde n'est pas inondé. C'est la double peine pour ceux qui subissent les inondations et qui sont les seuls à payer la taxe. »100(*)

d) L'intercommunalité demeure l'échelle la plus pertinente pour la taxe Gemapi, mais une péréquation doit être mise en oeuvre

Pour favoriser une véritable solidarité entre l'amont et l'aval, plusieurs évolutions sont envisageables :

- le transfert de la taxe Gemapi à l'établissement public territorial de bassin ;

- le transfert de la compétence Gemapi, et la taxe qui lui est adossée, aux régions, qui seraient à même d'assurer une véritable solidarité sur leur territoire ;

- la mise en place d'un fonds de péréquation, pour permettre une véritable solidarité entre l'amont et l'aval.

Seule la troisième proposition a finalement été retenue par les rapporteurs, mais il importe d'examiner les avantages et les limites de chacune.

(1) La mise en place d'une taxe équivalente à la taxe Gemapi pour les établissements publics territoriaux de bassin n'est pas suffisamment attractif pour les acteurs concernés

La première mesure, le transfert de la taxe à l'EPTB, est en cours d'expérimentation. L'article 34 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite « 3DS » prévoit, à l'initiative du Sénat, une expérimentation d'une durée de cinq ans et ouverte à tous les EPTB, pour lever des contributions fiscalisées en vue de financer les missions de « défense contre les inondations et contre la mer ».

Ces contributions sont considérées comme distinctes de la taxe Gemapi. Cependant, elles peuvent financer les missions assurées par les EPTB relevant de cette compétence. Les membres de l'EPTB peuvent d'ailleurs, s'ils le souhaitent continuer parallèlement à instituer et percevoir la taxe Gemapi.

Les premiers retours concernant l'expérimentation sont décevants. Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), « L'expérimentation des contributions fiscalisées n'a pas vraiment attiré d'EPTB candidats. »101(*) Aucun projet de mise en oeuvre n'a été identifié par les rapporteurs au cours de leur mission. S'il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur cette expérimentation, il est déjà possible d'identifier des facteurs expliquant le manque de candidats.

Premièrement, l'articulation de cette « contribution fiscalisée » avec la taxe Gemapi a suscité des incompréhensions. Il est contre-intuitif que la fiscalité de la Gemapi ne soit pas toujours mobilisée à l'échelle de la collectivité compétente. Il est apparu plus simple pour les EPTB de faire appel à des contributions budgétaires de leurs membres plutôt que de lever un nouvel impôt.

De plus, la mise en place d'un nouvel impôt peut être délicate pour les élus locaux. La DGCL indique ainsi que : « Les récentes réformes de fiscalité locale (suppression de la taxe d'habitation et réduction des valeurs locatives des locaux industriels) conduisant à une concentration des impôts locaux sur les redevables du foncier pourrait expliquer la réticence des élus locaux. »102(*) En somme, la création d'un nouvel instrument de financement serait non seulement un nouveau facteur de complexité, mais pourrait également être mal accepté par la population.

Il est toujours possible que l'expérimentation connaisse un succès sur les années à venir, mais à l'heure actuelle, il apparaît préférable de revoir directement le fonctionnement de la taxe Gemapi, plutôt que de chercher à créer une nouvelle contribution fiscalisée.

(2) Le transfert de la taxe Gemapi aux régions est difficilement envisageable en l'absence de la compétence sur la maîtrise d'ouvrage

Le transfert de la compétence Gemapi, et plus précisément du volet « prévention des inondations », et de la fiscalité associée aux régions est une option mise en avant à plusieurs reprises au cours des travaux de la mission conjointe de contrôle.

Cette proposition comporte plusieurs avantages. La première serait qu'elle permettrait d'organiser une véritable solidarité à l'échelle d'un territoire large - qui est l'équivalent de plusieurs sous-bassins. En audition, il a parfois été évoqué que le transfert de la Gemapi aux régions pourrait être difficilement acceptable de la part des territoires les moins exposés aux risques. Les rapporteurs ne partagent pas ce point de vue. Ils estiment qu'une réforme suffisamment préparée et construite peut remporter l'adhésion des territoires qui ne sont pas concernés par le risque inondations. Ce principe de solidarité est d'ailleurs au fondement du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Cette proposition permettrait également de simplifier la répartition de la compétence. En effet, la sécabilité fonctionnelle et géographique de la Gemapi peut être très complexe, ce qui explique par ailleurs pourquoi des intercommunalités ont mis plusieurs années avant de la structurer.

Cependant, un transfert complet de la compétence « prévention des inondations » aux régions serait délicat d'un point de vue opérationnel. En effet, l'exercice de cette compétence implique des choix politiques d'aménagement du territoire, qui ne peuvent s'exercer qu'à l'échelle du bassin versant. Pour des raisons d'efficacité et de réactivité, il est difficilement envisageable que la PI puisse être exercée à un échelon supérieur de celui des intercommunalités.

Ainsi, la région Haut-de-France souligne que « Le rôle de la Région ne peut pas aller au-delà d'un rôle d'animation et de coordination. »103(*) La prise en compte à l'échelle régionale des enjeux de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations dans les stratégies régionales peut être renforcée, mais la région ne peut pas assumer directement une telle compétence.

(3) La création d'un fonds de péréquation doit permettre une véritable solidarité entre l'amont et l'aval à l'échelle du bassin versant

La mise en oeuvre de la compétence Gemapi par les intercommunalités est encore récente, et réformer en profondeur son fonctionnement serait précipité. La priorité est de poursuivre la structuration de la prévention des inondations, et de renforcer la solidarité entre les territoires.

Le prélèvement de la taxe Gemapi par les intercommunalités demeure en outre le niveau le plus adapté. Dans la consultation des élus locaux menée par les rapporteurs, 72 % des répondants ont ainsi déclaré que « l'échelle de prélèvement de la taxe Gemapi est pertinente ». En effet, il apparaît difficile de séparer le niveau de mise en oeuvre et de récolte de la taxe de l'exercice concret de la compétence Gemapi.

Cependant, cela ne signifie pas que la taxe Gemapi ne peut pas évoluer. La métropole de Lyon, dans sa contribution aux travaux de la mission, indique à juste titre que le périmètre de l'intercommunalité ne correspond pas toujours à celui des cours d'eau : « Le niveau intercommunal semble pertinent, même s'il peut exister une complexité dans l'exercice de la compétence Gemapi entre limites territoriales des intercommunalités et logique de bassin versant, qui ne correspondent pas toujours. »104(*)

Pour favoriser une véritable solidarité entre l'amont et l'aval, les rapporteurs proposent ainsi l'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l'échelle des bassins versants. Ce fonds servirait dans un premier temps à financer les travaux relatifs à la prévention des inondations, mais il pourrait être étendu à la gestion des milieux aquatiques si cela se révélait utile.

Plusieurs contributions reçues par les rapporteurs dans le cadre de leur consultation appelaient d'ailleurs appeler de leurs voeux une péréquation de la taxe Gemapi au niveau du bassin voire à l'échelle nationale. Dans le même esprit, l'une des recommandations de la mission d'information du Sénat sur la gestion durable de l'eau préconisait de « mettre en place une fraction de taxe Gemapi mutualisée sur l'ensemble du bassin versant, pour soutenir les actions au titre de la Gemapi des EPCI disposant de peu de ressources et de longs linéaires à protéger. »105(*)

En effet, à l'heure actuelle, aucune participation n'intervient pour « lisser » les disparités territoriales de manière structurelle. Le fonds Barnier et le fonds vert peuvent aider les collectivités ayant un plus faible potentiel fiscal, et en cas de crise le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » peut être mobilisé, mais aucun de ces dispositifs ne constitue une solution pérenne aux déséquilibres du financement de la Gemapi.

La mise en place d'un fonds de péréquation représente ainsi la solution la plus juste et la plus efficace pour aider les collectivités territoriales les moins dotées à faire face aux dépenses requises pour la prévention des inondations. Les versements du fonds seraient calculés à partir de critères objectifs, tels que le potentiel fiscal, le mètre linéaire de digues ainsi que le montant des travaux inscrits au PAPI.

Recommandation n° 3 : Assurer le bon état des digues et mettre en place un modèle de financement plus juste de la Gemapi, à travers :

- le lancement d'un programme d'ingénierie à destination des EPCI porté par le Cerema et centré sur la prévention des inondations, sur le modèle du « Programme national ponts » (état des lieux des systèmes d'endiguement, évaluation des besoins puis éventuellement soutien financier à la réparation, création et rehaussement d'ouvrages pour l'adaptation au changement climatique) ;

- l'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l'échelle des bassins versants, dont les financements seraient attribués aux EPCI bénéficiaires en fonction de critères objectifs (potentiel fiscal, mètre linéaire de digues, montant des travaux inscrits au PAPI).

B. RENDRE LES TERRITOIRES PLUS RÉSILIENTS FACE AU RISQUE INONDATIONS, DANS UN CONTEXTE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE

1. Accompagner les collectivités territoriales dans la conception de politiques de prévention des inondations décloisonnées et adaptées à chaque territoire
a) Renforcer le soutien de l'État en faveur d'une meilleure connaissance du risque inondations dans les territoires, intégrant les effets potentiels du changement climatique

Les collectivités territoriales, qui sont en première ligne pour la prévention et la gestion des inondations, expriment le besoin d'un soutien renforcé de la part de l'État pour mener à bien ces missions. Soulignant les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales dans ce domaine, notamment s'agissant de la mise en oeuvre de la compétence Gemapi, Intercommunalités de France indique que nombre d'intercommunalités « regrettent que les services de l'État se centrent sur les procédures et soient de moins en moins dans une posture d'accompagnement de projet » vis-à-vis des collectivités.

Selon les rapporteurs, cet accompagnement est particulièrement central pour améliorer la connaissance des risques inondation sur chaque territoire. Ainsi que l'a rappelé la DGPR entendue par les rapporteurs, en matière d'inondations comme s'agissant des autres risques naturels, « la bonne connaissance de l'aléa constitue l'un des piliers de la politique publique de prévention des risques ».

S'agissant du niveau d'information des collectivités territoriales sur les risques inondations présents sur leur territoire, des progrès sont intervenus au cours de la période récente. À titre d'exemple, l'amélioration du taux de mise à jour des dossiers départementaux sur les risques majeurs (DDRM), qui constitue un vecteur essentiel de l'information fournie par l'État aux collectivités territoriales sur les risques majeurs, constitue une avancée. Le taux de DDRM de plus de 5 ans est ainsi passé de 50,5 % en 2019 à 30,7 % en 2023, selon la DGPR.

Carte de suivi de l'actualisation des DDRM

Source : MTE/DGPR - mai 2024

D'autres outils existent, comme le portail Géorisques (cf. infra) qui rassemble des informations permettant d'appréhender le risque inondations à une adresse donnée du territoire à travers divers outils (DDRM, atlas des zones inondables et historique des reconnaissances de l'état de catastrophe naturelle notamment). Néanmoins, dans un rapport d'information106(*) de 2024 sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, le sénateur Christine Lavarde a souligné certaines limites de ce portail et mis en avant des pistes d'amélioration, assorties de garde-fous pour éviter certains effets de bord.

Extraits du rapport d'information sénatorial n° 603 (2023-2024) de Christine Lavarde du 15 mai 2024 (pages 55 à 57)

« Géorisques est un portail qui propose notamment un outil de cartographies de l'exposition des territoires à un certain nombre d'aléas naturels ou technologiques. Dans un premier temps davantage tourné vers les experts, les évolutions du portail ont récemment conduit à mieux prendre en compte les besoins des particuliers et des collectivités territoriales, acteurs majeurs de la prévention des risques. Si la montée en puissance de l'outil ces dernières années est indiscutable et doit être saluée, il ne remplit encore que partiellement son office et souffre encore de certaines limites.

En premier lieu, il est important de préciser que Géorisques n'est pas constitué de cartes de « risques » à proprement parler mais de cartes « d'aléas ». Les deux notions doivent être distinguées. L'aléa revient à estimer la probabilité qu'un évènement survienne sur un territoire tandis que le risque, concept plus complexe, combine la notion d'aléa avec celle de vulnérabilité, le cas échéant sur des granularités très fines, pour estimer la probabilité des dommages susceptibles d'être causés par la survenance de l'évènement.

Pour certains aléas, la précision et la granularité de certaines données disponibles pourraient être affinées. [...]

Une des principales limites des cartographies intégrées dans le portail Géorisques est qu'elles ne présentent qu'une photographie à un instant donné de l'exposition aux aléas. Par définition, elles n'intègrent pas les évolutions futures prévisibles de cette exposition, en particulier celles qui résulteront des conséquences du réchauffement climatique.

Géorisques se trouve également concurrencé par des plateformes en accès libre conçues par des compagnies d'assurance, certaines d'entre elles s'affichant d'ailleurs ouvertement sur leur site internet comme une « alternative à Géorisques ». Pour constituer ces outils, les assurances utilisent les données publiques mises à disposition sur la plateforme Géorisques en les complétant de leurs propres données, notamment de sinistralités. Pour cette raison, les cartographies d'aléas des assureurs peuvent sensiblement différer de celles qui figurent sur la plateforme « Géorisques ». Ce phénomène est source d'illisibilité et facteur d'incompréhension.

Le rapport « Langreney » a cependant récemment souligné les nombreuses limites des systèmes de modélisation actuellement utilisés par les assureurs et les réassureurs. La plupart des modèles d'aléas actuels relèvent ainsi d'une approche dite « à l'expérience » ou « fréquentiste » en ce sens qu'elle prend pour base un historique d'évènements qu'elle analyse selon les lois de probabilité. Si ces méthodes ont pour avantage leur simplicité, à l'instar des cartographies d'aléa intégrées dans Géorisques, elles ne permettent pas de prendre en compte des paramètres d'évolution à long terme de l'exposition tels que le changement climatique.

Compte tenu du principe de mutualisation du régime et du coût de ce type de dispositifs, les outils de modélisation poussés et à maille fine en matière de catastrophe naturelle ont longtemps été l'apanage de la seule CCR. Aujourd'hui, compte tenu des enjeux financiers de plus en plus significatifs associés aux risques couverts par le régime Catnat, davantage d'assureurs investissent dans ce type d'outils à des fins de segmentation géographique de leurs offres. Le rapport « Langrenay » qui document le développement de ce phénomène souligne son caractère « toxique à long terme pour l'universalité du régime ».

Plusieurs évolutions des cartographies publiques mises à disposition sur la plateforme Géorisques pourraient être envisagées pour les affiner. Le passage à une granularité plus fine, la transition progressive de cartographies d'aléas vers des cartographies des risques en intégrant des données relatives à la vulnérabilité ou encore l'intégration des projections résultant des conséquences liées au réchauffement climatique sont autant de pistes qui devront être poursuivies. Un autre sujet est celui de l'intégration des données de sinistralité dont disposent les assureurs. Ces données relèvent du secret des affaires et sont précieusement conservées par chaque compagnie mais la CCR dispose de données agrégées qui, après anonymisation, pourraient le cas échéant venir compléter les données mises à disposition sur la plateforme Géorisques.

Cependant, si ces évolutions peuvent paraître séduisantes au premier abord, le rapporteur tient à souligner à quel point elles doivent être conduites avec une extrême précaution du fait des effets de bords sensibles qu'elles sont susceptibles de provoquer.

Le premier de ces effets de bord tient au fait que des cartographies toujours plus précises pourraient être utilisées par les compagnies d'assurance pour développer plus avant des stratégies de segmentation géographique qui pourraient à terme remettre en cause les principes de solidarité et de mutualisation du régime CatNat.

La direction générale du Trésor a notamment alerté le rapporteur sur les risques pour le régime CatNat qui pourraient être associés à un accès libéralisé de l'ensemble des données de sinistralité, en particulier s'agissant de l'entrée sur le marché français de nouvelles compagnies d'assurance : « Nous alertons sur les risques de cette approche concernant le régime CatNat, dans la mesure où la mise à disposition publique de données d'exposition et de sinistralité climatique est de nature à renforcer la possibilité que de nouveaux entrants sur le marché assurantiel français exploitent ces données dans des logiques de segmentation très fine et de sélection des risques, au détriment de l'objectif de préserver une large de mutualisation et une solidarité nationale entre assurés, qui sous-tend le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles ». À ce titre, les négociations européennes en cours au sujet du projet de règlement visant à fixer un nouveau cadre d'accès aux données financières (FIDA pour Framework for Financial Data Access) présentent un risque significatif pour la pérennité du régime français.

Le deuxième effet de bord qui résulterait de cartographies beaucoup plus fines serait le risque de décote sensible de certains territoires et la perte de valeur significative de certains biens.

En raison de ces deux conséquences prévisibles, le rapporteur considère que l'effort nécessaire d'amélioration, d'accessibilité et de consolidation des données relatives à l'exposition aux risques naturels doit être couplé à des garde-fous à l'égard des compagnies d'assurance essentiellement et à des mesures d'accompagnement notamment destinées aux particuliers concernés. »

Par ailleurs, des élus locaux ayant pris part à la consultation en ligne organisée par la mission de contrôle conjointe pointent du doigt certaines lacunes, notamment s'agissant de l'atlas des zones inondables (AZI) qui ne couvre pas l'ensemble du territoire. Un participant a par exemple indiqué : « il est important que les services de l'État puissent communiquer à minima l'ensemble des cartographies des plus hautes eaux connues sur un bassin et notamment les AZI pour les petits cours d'eau non surveillés. Nous avons pu faire face à la réticence des services de l'État (DDT) pour nous communiquer ces données qui peuvent servir à repérer les habitations à risque et affiner la réponse de gestion de crise (personnes à prévenir en priorité, susceptibles d'être évacuées et mises à l'abri). »

Les outils de modélisation des aléas inondation gagneraient à être davantage développés au niveau local comme appuis à la définition de politiques de prévention efficaces, en prenant en compte les effets attendus du changement climatique sur le risque inondations.

Le Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse indique ainsi que si la prévention des inondations devra toujours intégrer une base historique en référence à des crues de périodes de retour de 20 ans, 50 ans ou 100 ans, une approche plus prospective est désormais nécessaire.

La DGPR souligne que les travaux de modélisation des aléas sont en progrès permanent et visent actuellement à s'appuyer sur la trajectoire de référence d'adaptation au changement climatique (TRACC) pour intégrer le changement climatique et la nécessaire adaptation qui en découle pour les territoires. Ces efforts sont à accentuer, en veillant à prendre en compte la spécificité des territoires.

Cet enjeu est particulièrement sensible dans les outre-mer : selon le rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes, la connaissance sur les effets du changement climatique dans ces territoires est particulièrement insuffisante. Ce rapport indique : « pour améliorer la prévention des catastrophes naturelles d'origine climatique, le socle des connaissances fondamentales sur l'évolution du climat en outre-mer doit être amélioré. Les modèles climatiques globaux sont fondés sur une résolution de 150 km, qui n'est pas adaptée à la géographie des territoires et départements concernés. D'importants progrès ont été réalisés par Météo France. Cependant les projections réalisées restent de moindre qualité que celles concernant la métropole, alors que l'exposition aux risques des territoires ultramarins est plus importante et qu'ils présentent une vulnérabilité supérieure du fait de la concentration de la population sur le littoral et de l'importance de la part qu'y occupe l'habitat précaire ».

Certains opérateurs, comme le Cerema, se mobilisent pour apporter un soutien précieux aux collectivités territoriales pour améliorer la connaissance des aléas inondation auxquels leur territoire est exposé, en intégrant autant que possible le changement climatique. À titre d'exemple, au cours de la période récente, il a notamment accompagné les collectivités et groupements suivants :

- la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez (CCGST) pour la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie de prévention du risque inondations du territoire et d'une stratégie de réduction de la vulnérabilité des secteurs soumis à la submersion marine et aux débordements par ruissellement des petits bassins versant côtiers ;

- la métropole Aix-Marseille-Provence (MAMP) pour un partenariat de recherche et développement portant sur la modélisation hydraulique semi-automatisée des inondations par ruissellement et la cartographie des zones inondées par ruissellement lors de pluies diluviennes spécifiques au pourtour méditerranéen. Il est prévu également d'étudier les effets du changement climatique et des incendies qui aggraveront ces phénomènes. Les objectifs recherchés sont une meilleure connaissance des zones vulnérables, et la prise en compte de cet aléa dans l'aménagement du territoire. À terme, ces cartes seront intégrées à un système d'alerte local ;

- la communauté de communes du Grand Cubzagais pour établir un référentiel de vulnérabilité aux inondations par submersions ;

- la communauté de commune du Pays d'Évian, pour un appui et un outil d'aide à la décision en vue de la définition d'une stratégie de mise en oeuvre de la Gemapi adaptée aux territoires de montagne et aux rivières torrentielles ;

- le Syndicat isérois des rivières Rhône aval (SIRRA) pour une amélioration de la connaissance du ruissellement et des propositions de solutions d'aménagement en lien avec la Gemapi.

Le Cerema accompagne également plusieurs collectivités dans le cadre de la compétence Gemapi, comme Bordeaux Métropole (intégration du changement climatique dans les enjeux de la Gemapi), et intervient en matière de risque de submersion marine auprès de nombreux territoires (notamment les collectivités de la côte catalane pour l'analyse de la vulnérabilité de leur territoire aux aléas littoraux et un accompagnement à la réalisation de leur stratégie locale de gestion du trait de côte).

Le Cerema insiste sur la nécessité de disposer d'une information homogène et partagée des risques sur un territoire pour favoriser l'élaboration de stratégies de prévention efficaces : il indique qu'il apparaît « essentiel que le diagnostic territorial sur les risques et les vulnérabilités soit l'objet d'un consensus, d'une diffusion et d'une appropriation large par tous les acteurs afin de dépasser les situations de blocages sur les constats pour s'attacher à la définition des moyens et stratégies d'action, à leur suivi dans le temps et à leur adaptation périodique. Au-delà de la connaissance des aléas, la connaissance des enjeux, de leur exposition et de leur fragilité est également à renforcer. » À cette fin, le Cerema mène d'ailleurs, en lien avec la DGPR, des travaux de développement en vue d'une cartographie nationale du risque inondations et du déploiement d'un outil d'aide au diagnostic territorial de vulnérabilité face aux inondations (dénommé « Agirisk »).

Au regard de ces enjeux et des besoins des collectivités territoriales, les effectifs dont dispose le Cerema en matière de risques naturels apparaissent sous-dimensionnés. Pour mener à bien ses missions, l'établissement identifie un besoin supplémentaire de 24 ETP (pour passer des 138 ETP actuels à 162 ETP). Les rapporteurs recommandent de renforcer en ce sens les effectifs de cet opérateur.

b) Développer des stratégies d'action locales face aux inondations plus intégrées, prenant en compte l'ensemble des aléas

Si les stratégies de prévention des inondations connaissent une large diffusion, elles pourraient gagner en efficacité grâce à une approche plus intégrée, prenant en compte l'ensemble des aléas auquel chaque territoire est exposé.

Le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui apporte son expertise sur certains risques inondation aux collectivités territoriales (débordement de cours d'eau, remontée de nappe phréatique et ruissellement), en coordination avec d'autres opérateurs comme le Cerema, a souligné auprès des rapporteurs la nécessité de privilégier une approche multi-aléas, en particulier dans le contexte de changement climatique : « il est constaté que les enjeux de la gestion des risques sont de plus en plus multi-aléas et ainsi nécessitent une approche systémique que ne permettent pas les politiques publiques actuelles ». Selon le BRGM, ce constat vaut également pour les feuilles de route sur la prévention des risques naturels élaborées par la DGPR pour les opérateurs de l'État. Il indique en effet que « l'approche multirisques est le parent pauvre de ces politiques, ce qui induit des mesures ou des aménagements parfois inadaptés par rapport à l'ampleur des phénomènes observés, qui vont augmenter tant en fréquence qu'en magnitude en raison de l'évolution du changement climatique. »

Selon le BRGM, s'agissant des aléas inondation, il serait notamment nécessaire de prendre en compte les risques de submersions marines chroniques, c'est-à-dire non liées à des tempêtes, mais à la hausse du niveau de la mer. Un récent rapport107(*) du BRGM a d'ailleurs démontré qu'une submersion observée en 2020 n'aurait pas eu lieu sans la remontée du niveau marin actuel, et que cette tendance ne peut que s'accentuer. Il recommande en outre de prendre en compte dans les stratégies de prévention des risques de submersions marines les conséquences de l'érosion du littoral, ce phénomène faisant l'objet, depuis la loi « Climat et résilience » de 2021108(*), de cartographies et d'outils de gestion distincts des submersions.

Surtout, les travaux conduits par les rapporteurs ont permis d'identifier des réelles carences dans la prise en compte des aléas ruissellement dans les stratégies de lutte contre les inondations. En 2017 déjà, le commissariat général au développement durable (CGDD) avait indiqué dans un rapport109(*) que le ruissellement demeurait « le parent pauvre de la prévention des inondations ».

Cet aléa peut pourtant engendrer des dégâts importants, comme en témoignent les inondations par ruissellement survenues en novembre 2023 sur le territoire de Desvres-Samer dans le Pas-de-Calais, où la mission conjointe de contrôle s'est rendue le vendredi 17 mai 2024 
(cf. photos ci-après). Au cours de ces évènements, 61 familles ont été sinistrées (du fait du ruissellement ou de remontées de nappe phréatique), 28 personnes ont dû être relogées et de lourds dégâts ont touché les infrastructures routières (notamment une route départementale dont une portion s'est effondrée).

Photos des dégâts causés par les inondations par ruissellement et remontée de nappe phréatique survenues au sein de la communauté de communes de Desvres-Samer en novembre 2023

Source : communauté de communes de Desvres-Samer

Selon le Cepri110(*), la connaissance de l'aléa ruissellement, par comparaison aux autres aléas inondation, est rendue complexe par la nature même des phénomènes, qui sont rapides, localisés, étroitement liés à l'intensité des pluies, et qui peuvent apparaître sur l'ensemble du territoire. De nombreux facteurs peuvent influer sur cet aléa, comme le relief, la nature des sols, les pratiques sur les terres agricoles et forestières ou encore l'urbanisation (cf. supra), ce qui rend sa modélisation complexe.

Plusieurs opérateurs, dont le Cerema et le BRGM développent toutefois des outils pour permettre de modéliser et cartographier cet aléa. À titre d'exemple, le Cerema a accompagné la métropole Aix-Marseille-Provence en vue de la modélisation des inondations par ruissellement et de la cartographie des zones potentiellement exposées ainsi que la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez pour la définition d'une stratégie de réduction de la vulnérabilité des secteurs soumis aux débordements par ruissellement. Le BRGM met également son expertise au service des collectivités territoriales pour faire face aux problématiques de ruissellement, afin de modéliser les risques ainsi que les programmes d'action de réduction du risque, à partir d'un « mix » entre ouvrages hydrauliques structurants et aménagements d'hydraulique douce (par exemple, des haies ou bandes enherbées).

Les rapporteurs appellent à un renforcement de ces efforts, dans la perspective d'une meilleure prise en compte de cet aléa dans les politiques de prévention des risques.

France Assureurs a en effet indiqué que le ruissellement était, à ce jour, encore très peu pris en compte dans les plans de prévention des risques inondation (PPRI) : sur les 11 000 communes couvertes par un PPRI, seules 1 600 intègrent cet aléa dans ce document. La Caisse centrale de réassurance (CCR) a également souligné ces lacunes, qui sont d'autant plus problématiques que le ruissellement est responsable d'une part importante de la sinistralité liée aux inondations. Elle indique que « les risques d'inondation par ruissellement sont peu traités par la politique actuelle : les PPR traitent bien des problématiques de débordement et de submersion, beaucoup moins de ruissellement - la connaissance des phénomènes de ruissellement reste très parcellaire alors qu'ils représentent la cause de plus de 50 % de la sinistralité inondation en moyenne - l'amélioration de la connaissance et les travaux d'adaptation à ces phénomènes restent aujourd'hui difficilement finançables par le FPRNM. »

Les rapporteurs jugent nécessaires de mieux prendre en compte le ruissellement dans les PPRI et d'expliciter l'éligibilité des actions visant à améliorer la connaissance et la prévention de cet aléa aux financements du FPRNM. Il convient également de veiller à intégrer aux PAPI des plans d'action face à cet aléa, lorsque cela est pertinent.

Enfin, une clarification apparaît indispensable concernant la répartition des responsabilités dans la gestion de cet aléa. Tandis que la prévention des inondations relève de la Gemapi en vertu de l'article L. 211-7 du code de l'environnement (5° du I), il n'en va pas de même de la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement et de la lutte contre l'érosion des sols (4° du même I) qui relève d'une compétence distincte. En pratique, certaines collectivités rattachent cette compétence à la prévention des inondations, tandis que d'autres, notamment en zone urbaine, l'intègrent plutôt à la gestion des eaux pluviales. Dans de nombreux cas, ce flou juridique contribue à placer cet aléa au second plan dans la prévention des inondations.

Parmi les témoignages recueillis, certains acteurs préconisent l'intégration du 4° du I de l'article L. 211-7 du code de l'environnement à la compétence Gemapi pour l'ensemble du territoire (c'est notamment le cas de l'Agence de l'eau Seine-Normandie), tandis que d'autres recommandent une approche au cas par cas.

En tout état de cause, les rapporteurs estiment urgent de clarifier la répartition des responsabilités dans la prévention des inondations par ruissellement, pour éviter que cet aléa demeure un parent pauvre de la prévention des inondations. Néanmoins, plutôt qu'une solution uniforme et « descendante » applicable à l'ensemble du territoire, ils préconisent d'adopter une approche souple et « ascendante », tenant compte des spécificités de chaque territoire. Tout en laissant aux collectivités territoriales le soin de choisir le mode d'organisation le plus pertinent localement, les préfets de départements pourraient être chargés de s'assurer que le risque d'inondation par ruissellement est bien pris en charge sur leur territoire (si besoin, en recensant et cartographiant les structures compétentes et leurs périmètres d'intervention). Le cas échéant, les préfets pourraient inciter les collectivités territoriales à clarifier cette répartition et à combler les angles morts identifiés.

Recommandation n° 4 : Soutenir les collectivités territoriales dans l'élaboration de stratégies de prévention des inondations adaptées à leur territoire, à travers :

- un renforcement des moyens dédiés à l'accompagnement des collectivités territoriales, notamment par le Cerema, dans la modélisation des aléas inondation et l'élaboration de stratégies de prévention adaptées ;

- une clarification locale, sous l'égide des préfets, de la répartition des responsabilités en matière de gestion du risque d'inondation par ruissellement.

2. Simplifier et accélérer le déploiement d'actions de prévention des inondations au niveau local

Les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) constituent un outil de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales visant à assurer une gestion globale des inondations. Le dispositif invite les collectivités ou groupements de collectivités en charge de la prévention des inondations à structurer leurs démarches de prévention à l'échelle de bassins de risques en définissant un programme de prévention des inondations, qui doit répondre à un cahier des charges fixé par l'État.

Les PAPI, créés en 2022, constituent un instrument de gestion intégrée du risque inondations. Concrètement, ces plans proposent des actions portant sur l'ensemble des axes de la prévention et de la gestion des risques d'inondation :

- amélioration de la connaissance et de la conscience du risque ;

- surveillance, prévision des crues et des inondations ;

- alerte et gestion de crise ;

- prise en compte du risque inondations dans l'urbanisme ;

- réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens ;

- gestion des écoulements ;

- gestion des ouvrages de protection hydraulique.

Plusieurs générations d'appel à projets ont été lancées depuis la création des PAPI, chacune reposant sur son propre cahier des charges. Les PAPI actuels correspondent à la troisième génération de cet outil (« PAPI 3 ») : le cahier des charges a été arrêté par l'instruction du Gouvernement du 29 juin 2017, puis mis à jour à plusieurs reprises. Le cahier des charges aujourd'hui applicable a été révisé en 2023111(*).

Une fois rédigés, les PAPI sont labellisés par le préfet coordonnateur de bassin au regard du cahier des charges, après instruction par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et avis de l'instance de bassin.

Les actions listées dans le plan peuvent alors être soutenues via le fonds Barnier et, dans certains cas, via le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires (fonds vert). Ce cadre renforce la légitimité des projets et favorise l'émergence d'une vision stratégique partagée entre différentes collectivités territoriales.

On constate une montée en charge progressive du dispositif depuis 2003. Selon la DGPR, entre 2003 et 2009 (PAPI de première génération), près de 50 PAPI ont été mis en oeuvre sur l'ensemble du territoire. De 2011 à 2022, 132 PAPI ont été labellisés au total, pour un montant d'investissement de 3,3 milliards d'euros, avec une contribution de l'État à hauteur de 1, 3 milliard d'euros.

La cartographie ci-après présente l'avancement des démarches de PAPI en cours sur le territoire national, en prenant en compte ceux qui en sont encore au stade du programme d'études préalables.

Cartographie des démarches PAPI en cours sur le territoire national au 31 décembre 2023

Source : DGPR

Les PAPI s'appuient sur une démarche en deux temps :

- une phase d'études, qui donne lieu à un programme d'étude préalable d'une durée d'environ 3 ans ;

- une phase de mise en oeuvre, d'une durée de 6 ans, prorogeable lorsque les circonstances le justifient.

Détail des étapes actuelles de la procédure d'élaboration d'un PAPI et des délais associés

I. Phase d'études (durée d'environ 3 ans)

1) Déclaration d'intention du porteur de projet de se lancer dans une démarche de PAPI ;

2) Désignation du préfet pilote et désignation du « référent État » du PAPI par le préfet pilote (1 mois à 2 mois) ;

3) Élaboration et dépôt du « programme d'études préalables » (6 mois) ;

4) Instruction du « programme d'études préalables » et validation par le préfet pilote (3 à 4 mois, selon la qualité ou la complexité des études) ;

5) Mise en oeuvre du programme d'études préalables et élaboration du projet de PAPI (2 ans, selon complexité et étendue du bassin de risques) ;

6) Dépôt du dossier de PAPI, analyse de la complétude du dossier de PAPI et instruction (2 mois) ;

7) Examen par l'instance de bassin puis labellisation par le préfet coordonnateur de bassin (environ 1mois).

II. Phase de mise en oeuvre (durée d'environ 6 ans)

Source : réponses de la DGPR au questionnaire écrit des rapporteurs

Cet outil a été régulièrement critiqué depuis sa création pour sa complexité et les délais nécessaires à sa mise en oeuvre. Dans un rapport d'information112(*) de 2015 faisant le bilan de la gestion des inondations survenues en Vendée en 2010 cinq ans après la tempête Xynthia, le Sénat avait d'ailleurs souligné les progrès restant à accomplir sur ce sujet.

Depuis 2015, le Gouvernement a procédé à des simplifications bienvenues du dispositif. À titre d'exemple, deux révisions du cahier des charges des PAPI ont permis :

- en 2021, la désignation d'un « référent État » pour chaque PAPI, placé en DDT, pour fluidifier les échanges, et l'instauration d'une phase de précadrage dès la déclaration d'intention afin d'éviter des malentendus techniques ;

- en 2023, le remplacement de la labellisation à l'échelon central par une labellisation à l'échelon du bassin pour tous les PAPI, la suppression de la convention financière entre l'État et la collectivité territoriale, la simplification de la conclusion d'avenants et la mise en place d'un soutien renforcé pour les prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrages de travaux.

Pourtant, de nombreux acteurs entendus par les rapporteurs, élus locaux, représentants de syndicats mixtes ou encore opérateurs de l'État comme les agences de l'eau, soulignent encore la complexité et la lenteur de cet outil, aussi bien dans la phase d'études que dans la phase de mise en oeuvre. À ce titre, les réponses à la consultation des élus locaux sont frappantes : interrogés sur la procédure d'élaboration des PAPI, 73 % des répondants estiment cette phase trop complexe, une proportion qui s'élève à 72 % s'agissant de la phase de mise en oeuvre. Le maire d'une commune de 1 500 habitants, qui participe actuellement à l'élaboration d'un PAPI, indique par exemple : « la charge de travail est trop importante entre les multiples demandes des services de la préfecture, les obligations légales des communes qui se multiplient etc. L'État ne simplifie rien mais complexifie à l'envi ».

Selon la DGPR, entre la décision d'engager une démarche de PAPI et l'aboutissement des études préalables, un délai d'environ 3 ans est constaté. Toutefois, il est apparu à travers les travaux des rapporteurs que cette durée pouvait être significativement allongée : pour 24 % des répondants à la consultation d'élus locaux, le délai entre le lancement initial de la procédure d'élaboration du PAPI et sa labellisation par les services de l'État a été supérieur à 5 ans. La durée de cette phase d'études peut varier selon le portage politique, l'existence d'un consensus parmi les élus et, surtout, les moyens d'ingénierie des collectivités. Selon la DGPR, un « temps de maturation politique du projet de PAPI » est en effet nécessaire, pour assurer la robustesse du plan d'action.

La phase de mise en oeuvre peut également être ralentie pour plusieurs raisons :

- les études environnementales peuvent être insuffisantes, le processus d'études préalables devrait pourtant permettre d'éviter cette situation ;

- les procédures permettant aux collectivités maîtres d'ouvrages d'acquérir la maîtrise foncière des travaux peuvent être insuffisamment anticipées ;

- le temps nécessaire à l'élaboration des dossiers permettant d'obtenir les autorisations de travaux peut être sous-estimé ;

- le programme initial peut être trop ambitieux par rapport aux moyens financiers des collectivités ;

- la concertation initiale peut avoir été insuffisante, ce qui se traduit ensuite par davantage de contestations des opérations, notamment de la part des riverains ou d'acteurs issus du monde économique comme les agriculteurs ;

- la disparité de l'accompagnement humain et financier par les directions départementales des territoires (DDT) des porteurs de projet est soulignée par l'Agence de l'eau Adour-Garonne comme un frein supplémentaire à la mise en oeuvre de ces PAPI.

L'allongement des phases d'études et de mise en oeuvre des PAPI peut même s'autoentretenir, comme le souligne l'Agence de l'eau Rhin-Meuse : il arrive en effet que les études réalisées en vue de la labellisation du PAPI doivent être refaites au stade de la mise en oeuvre du plan en raison de leur ancienneté, la longueur excessive du processus les ayant rendues obsolètes.

Outre la longueur des délais de mise en oeuvre, les élus locaux soulignent la complexité administrative à laquelle ils sont confrontés dans le déploiement des PAPI, du fait de la multiplicité des normes à respecter et de la nécessité de réaliser les mêmes démarches au stade de l'élaboration du PAPI et de sa mise en oeuvre. En parallèle, ils expriment un besoin d'être davantage accompagnés par les services de l'État pour élaborer et mettre en oeuvre cet outil. Dans le cadre de la consultation menée par les rapporteurs, un élu local insiste ainsi sur l'évolution nécessaire du rôle de l'État : « en lieu et place d'être des “instructeurs”, les services de l'État devraient mettre leur ingénierie à disposition des collectivités pour les aider à réaliser les travaux prévus dans le PAPI. »

Ces éléments témoignent du caractère encore insuffisant des moyens mis en oeuvre jusqu'à aujourd'hui pour simplifier les PAPI. Un effort de simplification et d'accélération supplémentaire de la part de l'État s'avère donc nécessaire.

À travers leurs travaux, les rapporteurs ont identifié plusieurs évolutions opportunes : des délais d'instruction par les services de l'État opposables aux collectivités pourraient être fixés et le « référent PAPI » pourrait être temporairement mis à disposition de la collectivité porteuse du PAPI, afin d'assurer un réel accompagnement technique et réglementaire dans l'élaboration et la mise en oeuvre de cet outil. Enfin, un guichet unique pourrait être instauré, qui serait chargé de centraliser les démarches administratives liées à la fois à l'instruction des projets, à leur subventionnement et à l'accompagnement des projets inscrits au PAPI.

Recommandation n° 5 : Accélérer et simplifier l'élaboration et la mise en oeuvre des PAPI, à travers :

- la fixation par voie réglementaire de délais à respecter par l'administration pour la désignation du préfet pilote et du référent État du PAPI, l'instruction du « programme d'études préalables », l'analyse de la complétude du dossier et son examen par l'instance de bassin ;

- la mise à disposition par l'État du « référent PAPI » auprès de la collectivité porteuse du projet, pour lui fournir un accompagnement technique et réglementaire de proximité ;

- la mise en place d'un guichet unique, chargé à la fois de l'autorisation, du subventionnement et de l'accompagnement des projets inscrits au PAPI.

3. Adapter les politiques d'urbanisme au risque inondations : un impératif face au dérèglement climatique
a) Assurer une meilleure maîtrise de l'urbanisme dans les zones exposées aux inondations face à l'intensification à venir de ces phénomènes

Les plans de préventions des risques (PPR), créés par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, constituent un axe essentiel de l'action de l'État pour réduire la vulnérabilité des personnes et des biens face aux risques, en incitant à adapter l'occupation des sols. Il s'agit d'un document de planification qui permet, à travers des cartographies, d'identifier les zones exposées à ces risques dans lesquelles les constructions nouvelles doivent être interdites ou soumises à des prescriptions particulières ou à la mise en oeuvre de mesures de protection collectives ou individuelles par différents acteurs (collectivités, particuliers, etc.).

Différents plans de prévention existent en fonction des risques concernés, naturels comme technologiques. Le risque inondations est couvert par les plans de prévention des risques d'inondations (PPRi) tandis que le risque de submersions marines est couvert par les plans de prévention des risques littoraux (PPRL).

Les plans de prévention des risques sont prescrits par le préfet du département. Ils sont élaborés par les services de l'État, en associant les collectivités territoriales, puis approuvés par arrêté préfectoral. Une fois approuvé, le PPRi ou PPRL vaut servitude d'utilité publique113(*) : il s'impose aux documents d'urbanisme et est opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme.

Les PPRi ont un effet positif démontré sur les dommages liés aux inondations : sur la période 1995 à 2018, la fréquence des sinistres baisse en moyenne de 40 % après approbation d'un PPRi et le coût moyen des sinistres diminue de 12 %114(*). En moyenne, les PPRi ont ainsi permis de réduire les coûts des dommages assurés de 92 millions d'euros par an.

Pendant des années pourtant, la couverture des territoires exposés aux inondations par des PPRi ou PPRL était trop lacunaire. À ce titre, la tempête Xynthia avait conduit le Sénat à dresser un constat accablant : les communes du littoral atlantique les plus touchées par la tempête n'étaient pas couvertes par un tel document, à commencer par la commune de La-Faute-sur-Mer qui n'était pas couverte par un PPRi approuvé, alors que celui-ci avait été prescrit par les services de l'État dès 2001115(*).

Des progrès ont assurément été réalisés depuis lors, et le déploiement des PPRi comme des PPRL apparaît aujourd'hui proche de l'aboutissement : selon la DGPR, 10 892 communes sont dotées d'un PPRi approuvé et 505 communes d'un PPRL approuvé, il ne reste plus que 1 415 communes disposant d'un PPRi prescrit mais non approuvé, soit 11,5 % du total et 77 communes disposant d'un PPRL prescrit mais non approuvé, soit 13,2 % du total.

Les cartes ci-après présentent l'état d'avancement des PPRi et PPRL en janvier 2024 en France.

État d'avancement des PPRi et des PPRL en janvier 2024

Source : DGPR

Il convient néanmoins de parachever cette couverture. En effet, il est étonnant que certains territoires fortement sinistrés par les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, comme le marais audomarois ou la Lys supérieure dans le Pas-de-Calais, ne soient pas couverts par un PPRi approuvé.

Les priorités d'élaboration des PPR sont fixées par le préfet, en fonction d'orientations nationales, détaillées dans une feuille de route élaborée par la DGPR. La feuille de route triennale 2025 à 2027 est en cours d'élaboration : les rapporteurs recommandent de réaffirmer un objectif d'achèvement de la couverture des territoires exposés au risque d'inondation par des PPRi et PPRL et ce, dans des délais rapides.

En outre, une meilleure prise en compte du dérèglement climatique dans les PPRn s'avère nécessaire. La direction générale du Trésor souligne ainsi la nécessité de disposer de cartes intégrant les effets du changement climatique, qui pourrait modifier localement le zonage du risque pour certains phénomènes naturels, dont les inondations par débordement ou par ruissellement.

Dans le cadre du troisième plan d'adaptation au changement climatique, actuellement en cours d'élaboration, les effets du changement climatique sur les risques naturels devront être pris en compte. Les rapporteurs invitent dans ce cadre à prévoir une intégration de ces effets dans les PPRi et les PPRL.

Conscients que le déploiement des PPRi et des PPRL ne saurait suffire à réduire la vulnérabilité des personnes vis-à-vis des inondations, les rapporteurs plaident pour une meilleure information des acquéreurs potentiels sur les risques d'inondation auxquels les biens immobiliers sont exposés.

La connaissance du risque inondations dont disposent ces personnes lors d'un achat immobilier apparaît en effet pour l'heure trop limitée. Ces derniers sont informés des risques d'inondation auxquels un bien est exposé à travers l'état des risques, annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente, qui se borne généralement à mentionner l'existence d'un plan de prévention des risques et à présenter le zonage et les contraintes réglementaires qui en découlent. Le Conseil supérieur du notariat a ainsi indiqué aux rapporteurs qu' : « Actuellement, l'état des risques porte très mal son nom. [...] Rien ne permet de se rendre compte, concrètement, avec l'information légale, de l'importance du risque pour l'acquéreur. Est-ce qu'on s'expose à une catastrophe du type Vaison-la-Romaine, ou bien seulement à une cave inondable une fois par siècle ? Sur ce plan, des photographies des catastrophes du passé sur la commune, associées à une situation sur la carte de la commune, seraient bien plus efficaces. L'information est actuellement très abstraite. Elle a besoin d'être rendue plus concrète ».

En outre, le Conseil supérieur du notariat alerte sur certaines carences dans l'établissement de l'état des risques par les diagnostiqueurs : il arrive en effet que ce document présente un zonage inexact (par exemple, une seule couleur pour la zone inondable, alors que les plans de prévention distinguent généralement avec des couleurs différentes selon l'importance du risque inondations), qu'il ne comporte pas l'extrait de règlement associé au zonage du bien, ou encore qu'il comporte une information « excessive » et non circonstanciée sur les catastrophes naturelles ce qui « dilue » l'information et la vide de son efficacité (liste de tous les arrêtés catastrophe naturelle pour la commune, par seulement concernant le bien en question).

Les rapporteurs estiment indispensable de mieux sensibiliser l'acquéreur sur l'exposition du bien concerné au risque d'inondation comme l'encourage le Conseil supérieur du notariat : au-delà des informations issues du PPRi ou du PPRL, l'état des risques pourrait présenter des éléments plus concrets, comme des probabilités sur les inondations pouvant toucher le bien considéré (période de retour des inondations selon leur gravité), en précisant les impacts potentiels sur le bien (fréquence à laquelle le jardin peut être inondé, les pièces à vivre, etc.), et des photographies d'inondations passées ayant touché le bien ou la commune.

Recommandation n° 6 : Mieux protéger les personnes exposées aux risques d'inondation à travers :

- l'inscription dans la feuille de route triennale 2025-2027 d'élaboration des plans de prévention des risques la prise en compte des effets climatiques sur le risque inondations dans les PPRi et les PPRL et un objectif d'approbation de l'ensemble des PPRi et des PPRL prescrits d'ici 2027 ;

- le renforcement des exigences que doit remplir l'état des risques requis dans le cadre d'une acquisition immobilière, pour permettre aux acheteurs de mieux appréhender la réalité du risque inondations auquel le bien est exposé.

b) Développer les solutions fondées sur la nature, sur le modèle des Pays-Bas et de la Belgique, pour mieux prévenir les inondations tout en préservant l'environnement

En matière de prévention des inondations, il existe traditionnellement deux approches : d'une part, une approche centrée sur les ouvrages de protection en « dur » contre les inondations, à travers notamment les digues et les barrages et, d'autre part, une approche plus récente basée sur les techniques d'hydraulique douce permettant de réduire en amont les impacts des inondations.

François Decoster, maire de Saint-Omer, et auteur d'un rapport de parangonnage sur la prévention des inondations paru en mars 2024116(*), a ainsi insisté durant son audition, sur la nécessité de s'inspirer de la Belgique et des Pays-Bas sur ce point. Il souligne en effet qu'aux Pays-Bas, la prévention des inondations a connu un tournant dans les années 1990 : alors qu'elle s'appuyait jusqu'alors essentiellement sur des dispositifs de « protection » à travers des ouvrages d'endiguement censés faire obstacle à l'eau, à la suite des inondations survenues en 1993 et 1995, un accent plus important a été mis sur la notion de prévention, en laissant davantage d'espace à l'eau grâce à la construction d'espaces dédiés qui remplissent par ailleurs des fonctions pour les riverains (lieux de passage ou lieux récréatifs par exemple). Le programme « De l'espace pour la rivière » est emblématique de cette politique.

Le programme « De l'espace pour la rivière » aux Pays-Bas

Le programme « De l'espace pour la rivière » est symptomatique de l'évolution de la prévention des inondations aux Pays-Bas après les événements de 1993 et 1995 : ce programme visait à permettre aux rivières de déborder de manière contrôlée pour éviter les inondations, plutôt qu'à tenter de contenir strictement l'eau par un système d'endiguement.

Concrètement, le programme a permis, durant la période 2001 à 2015, le développement de grandes zones d'expansion de crues (ZEC), inondables en période de fortes crues et utilisables le reste du temps comme lieux récréatifs ou lieux de passage. Financé par l'État, avec l'appui ponctuel des provinces, le programme a également facilité le développement d'espaces urbains résilients, attractifs et respectueux de l'environnement.

Le Rijkswaterstaat117(*) indique que, avant le programme « De l'espace pour la rivière », environ 1 000 km de digues avaient été remis en état entre 1996 et 2001. Le projet « De l'espace pour la rivière », conjugué au programme « Maaswerken » (travaux sur la Meuse), ont fait baisser les niveaux des crues millénaires d'en moyenne 30 centimètres, grâce à la combinaison de mesures d'hydraulique dures et souples.

Cette seconde approche renvoie aux solutions fondées sur la nature, qui désignent des modes de prévention des inondations dits « défensifs », c'est-à-dire fondés sur la restauration des écosystèmes, par opposition aux systèmes d'endiguement. Ces solutions, qui consistent par exemple en la densification des haies ou en la création de zones d'expansion de crues (ZEC), permettent à la fois de prévenir le risque inondations et de restaurer les milieux naturels. À ce titre, ces outils relèvent de la politique de l'eau : ils sont intégrés aux schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) et sont éligibles aux aides des agences de l'eau.

La mission d'inspection « flash » du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) a souligné dans un rapport de mai 2024 précité118(*) que ces pratiques hydrauliques douces « représentent une approche essentielle à la gestion durable des bassins versants, particulièrement pour atténuer les effets du ruissellement, favoriser l'infiltration de l'eau dans le sol, et créer des zones tampon naturelles ».

La zone d'expansion de crues (ZEC), qui est un espace tampon dans lequel se répandent les eaux lors du débordement des cours d'eau dans leur lit majeur, est une solution qu'il convient tout particulièrement de développer.

Illustration d'une zone d'expansion de crues

Source : Agence de l'eau Loire-Bretagne

Or, en pratique, il apparaît que le recours à ces solutions soit encore insuffisamment développé dans les territoires, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, il semble exister une difficulté pour les élus locaux à assurer une bonne articulation entre politiques d'urbanisme et politiques de l'eau, y compris dans leurs aspects liés à la prévention des inondations.

En application de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, les collectivités territoriales doivent prendre en compte les objectifs de prévention des risques d'inondation dans leur action en matière d'urbanisme. À ce titre, elles doivent notamment assurer la prise en compte de ces objectifs dans leurs documents d'urbanisme, comme les schémas de cohérence territoriale (SCOT)119(*). Il semble cependant que le déploiement de solutions fondées sur la nature, bien qu'il puisse s'agir d'un outil de prévention des inondations, soit encore insuffisamment pris en compte dans ce cadre.

Le Cerema indique que le principal obstacle au développement de ces solutions est le manque de sensibilisation des élus et leurs difficultés à appréhender l'articulation de ces différents enjeux. À cet égard, les initiatives des agences de l'eau tendant à améliorer les connaissances des élus locaux sur ce sujet pour leur permettre de mieux prendre en compte la prévention des inondations dans l'urbanisme sont particulièrement intéressantes : c'est par exemple le cas du projet Turb'eau, de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, qui donne aux collectivités locales des éléments concrets pour renforcer les synergies entre politique de l'eau et urbanisme.

Présentation des synergies entre eau et urbanisme, dont le programme Turb'eau recommande la prise en compte dans les documents d'urbanisme

Source : site internet de l'Agence de l'eau Seine-Normandie

D'autres pistes existent pour mieux sensibiliser les élus aux liens entre urbanisme, prévention des inondations et gestion de l'eau, comme celle formulée par la DGSCGC tendant à permettre l'implication des sapeurs-pompiers dans l'élaboration des projets d'aménagement, compte tenu de leur expertise sur les risques inondation et submersion marine.

Deuxièmement, comme le souligne notamment la région Hauts-de-France, l'acceptabilité des ZEC, qui concilient prévention des inondations et protection de la biodiversité, pourrait également être améliorée en renforçant leur valeur d'usage. Ces ZEC pourraient être aménagées afin d'en faire des lieux de promenade et de sensibilisation au risque, comme c'est par exemple le cas en Belgique et aux Pays-Bas. L'Association des maires de France (AMF), qui considère que l'insuffisance des ZEC dans le Pas-de-Calais a contribué à accentuer les inondations de 2023-2024, partage également ce constat.

Troisièmement, la mise en oeuvre de ces dispositifs se heurte à des difficultés de financement : ainsi l'association Intercommunalités de France explique que les dépenses de fonctionnement sont proportionnellement plus élevées pour les solutions fondées sur la nature que pour les infrastructures classiques. Un temps de pédagogie et d'accompagnement des collectivités territoriales plus soutenu est par ailleurs nécessaire, en raison de la multiplicité des acteurs à impliquer (communes gestionnaires d'espaces verts, agriculteurs, etc.).

Enfin, le principal obstacle à la mise en oeuvre de ZEC est la difficulté à mobiliser du foncier. Dans la plupart des cas, cette mobilisation nécessite un dialogue approfondi avec la profession agricole. L'Agence de l'eau Rhin -- Meuse insiste ainsi sur la difficulté à mobiliser du foncier agricole pour créer des zones d'expansion de crues malgré les dispositifs d'indemnisation existants. Il convient d'assurer un dialogue constant avec les agriculteurs dans le cadre de la conception de ces zones, en insistant sur la rareté des contraintes de « sur inondations ». Selon cette agence, les crues au sein des ZEC présentent généralement un temps de retour de 50 ou 100 ans.

En outre, les outils fonciers existants apparaissent insuffisamment mobilisés. Le département dispose d'un droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (ENS) pour maîtriser des fonciers à forts enjeux environnementaux, qui permet notamment de préserver les champs naturels d'expansion de crues120(*). Cette mission est assurée conjointement avec le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), les établissements publics chargés d'un parc national ou d'un parc naturel régional, les communes, ou les EPCI qui peuvent se substituer au département pour l'exercice du droit de préemption lorsque ce dernier ne l'utilise pas.

Par ailleurs, le droit de préemption urbain (DPU) permet à une personne publique (commune ou EPCI) de se substituer à l'acquéreur éventuel d'un bien mis en vente afin de réaliser une opération d'aménagement121(*). L'article 6 de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux a étendu le champ d'application de ce dispositif, en permettant l'utilisation du DPU pour des opérations de restauration des espaces naturels mais également de renaturation ; en pratique, ces opérations peuvent notamment prendre la forme de la réalisation de zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement.

Ces outils juridiques à disposition des collectivités, dont l'usage a été étendu en 2023 pour le DPU, restent cependant insuffisamment appropriés par les élus locaux, sans doute en raison d'un manque de connaissance sur les possibilités de leur utilisation.

Il convient de mieux informer les collectivités sur la possibilité de mettre en oeuvre ces droits de préemption pour développer des zones d'expansion des crues, alors que celles-ci indiquent rencontrer des difficultés à mobiliser du foncier à cette fin. 

Recommandation n° 7 : Encourager le développement de solutions de prévention des inondations fondées sur la nature, à travers :

- l'ajout d'un huitième axe aux PAPI relatif au développement des solutions fondées sur la nature, définies en partenariat avec les agences de l'eau et après concertation avec les chambres d'agriculture ;

- l'amélioration de l'information des élus locaux sur la possibilité de mettre en oeuvre leurs droits de préemption pour créer des zones d'expansion de crues (ZEC), par une circulaire du ministre chargé des collectivités territoriales adressée aux maires et aux présidents d'EPCI.

b) En zone inondable, privilégier des modèles d'aménagement plus résilients face au risque inondations, voué à s'accentuer

En dépit des politiques de prévention, le changement climatique conduira à une accentuation des risques d'inondation en France dans les prochaines décennies. Dans ce contexte, il importe d'adapter les politiques d'aménagement et les méthodes de construction dans l'objectif suivant : sortir d'une logique visant uniquement à lutter contre le risque pour apprendre à vivre avec lui.

Des architectes et urbanistes s'engagent depuis de nombreuses années dans cette voie. C'est par exemple le cas d'Éric Daniel-Lacombe, entendu par les rapporteurs, qui appelle à « permettre à la population française dans son ensemble d'inventer collectivement les pratiques et la culture de la prudence qui gouvernent des modes de vie adaptés à des changements, très importants, mais pas dramatiques, dus à des épisodes climatiques dangereux ». Cet architecte a mené à bien de nombreux projets d'aménagement au sein de quartiers exposés à des aléas inondation (cf. photos ci-après), notamment à Romorantin-Lanthenay ( cité fluviale de Matra, construite sur les rives de la Sauldre sur un terrain anciennement occupé par des usines ; un parc public sert de bassin de rétention et protège les habitations en cas d'inondation) ou encore à Orléans, où un îlot « test » de 31 logements est en cours de construction en zone inondable.

Pour cet architecte, un changement de paradigme est nécessaire dans notre approche des risques d'inondation : il juge essentiel de « résister à la tentation des digues de protection qui donnent l'illusion de la sécurité » et qui « favorisent les catastrophes de grande ampleur » ou « imposent des politiques d'entretien coûteuses et rarement suivies ». Il s'agit au contraire d'intégrer l'eau à la ville et d'en favoriser une régulation naturelle, grâce à des méthodes d'aménagement plus résilientes. Ces méthodes reposent sur trois objectifs : ralentir la montée des eaux en cas de crue, diminuer sa turbulence et, enfin, favoriser une décrue rapide.

Exemples de projets d'aménagement en zone inondable menés par le cabinet d'architecte d'Éric Daniel-Lacombe

 

Cité fluviale de Matra (Romorantin), conçue pour stocker l'eau dans un bassin de rétention en cas de crue, ralentir son débit et faciliter son retour à la rivière

 

Projet d'aménagement urbain du Jardin du Val d'Ouest (Orléans)

Sources : Articles des cahiers techniques du bâtiment (photo n °1)
et du
Moniteur (photo n° 2) ((c) EDL Architecture)

Le Cerema s'inscrit également dans cette approche, lorsqu'il préconise de « mettre l'eau et la nature au coeur des projets pour limiter le recours à des ouvrages de protection contre les inondations et penser le territoire en temps de crue pour faciliter la gestion de crise un retour à la normale plus rapide. »122(*) Cet opérateur accompagne d'ailleurs les collectivités dans l'élaboration de projets d'aménagement résilients face aux inondations, à l'instar de la Métropole Grenoble Alpes avec laquelle il a élaboré un guide d'aide à la décision pour les architectes, bureaux d'études et collectivités territoriales.

Les villes des Pays-Bas, pays dont une grande partie du territoire est exposée aux inondations par submersion marine et débordement de cours d'eau, adoptent depuis de nombreuses années des méthodes d'aménagement résilientes face à ce risque. Le ministère néerlandais de l'eau et des infrastructures a notamment fait part aux rapporteurs des exemples de villes de Kampen et Lelystad, qui ont construit des habitations sur des digues surélevées, ou encore de la ville de Dordrecht, qui a construit tout un quartier (Stadswerven) en zone inondable, avec des habitations adaptées (cf. photo ci-après).

Quartier de Stadswerven dans la ville de Dordrecht (Pays-Bas),
construit en zone inondable

Source : site internet consacré au quartier Stadswerven

La ville de Rotterdam, qui compte plus de 600 000 habitants, constitue également un exemple intéressant à cet égard : alors que 80 % de son territoire est situé sous le niveau de la mer, cette ville a développé un modèle urbain résolument orienté vers la prévention des inondations. À titre d'illustration, le projet « Water square » a permis de protéger des inondations un quartier situé en bordure du centre-ville : trois bassins situés sous le niveau de la rue et abritant notamment un terrain de basket et un planchodrome, permettent à la fois d'offrir un cadre de vie de qualité aux habitants et de recueillir les eaux en cas de pluies intenses en faisait office de bassin de rétention. Les toits des tours d'habitations sont reliés au square central par des gouttières et rigoles afin de diriger l'eau de pluie vers les bassins.

En complément de ces stratégies d'aménagement, le mode de construction des bâtiments constitue un autre levier pour diminuer les dégâts en cas d'inondation. Outre certaines techniques plus ou moins innovantes (comme la construction sur pilotis, les bâtiments flottants ou encore les bâtiments amphibies), la réglementation de la hauteur des constructions en zone inondable urbanisée ne doit pas être négligée : l'exemple de Rotterdam est également intéressant à ce titre, car la ville fixe la hauteur minimale du premier niveau habitable dans certains quartiers exposés aux risques d'inondation.

En France, les PPRi et PPRL présentent certaines limites bien qu'ils prescrivent des hauteurs minimales de construction en zone inondable en tenant compte des plus hautes eaux connues (PHEC). Selon le MTE, environ 20 % des habitations exposées au risque de submersion marine en France sont construites de plain-pied. En outre, bien souvent, les hauteurs prévues ne tiennent pas compte du changement climatique : ainsi que l'a souligné Éric Daniel-Lacombe123(*), les estimations des PHEC « reflètent un passé plus ou moins lointain, alors que les changements s'accélèrent. Elles ne prennent pas en compte l'apparition sur un territoire de plus en plus large de pluies stationnaires qu'on ne connaissait que sur l'arc méditerranéen ».

Surtout, comme l'indique ce dernier, ces normes servent à « définir des interdictions de construction neuve », mais elles « ignorent totalement les problèmes d'adaptation du bâti existant, alors que ceux-ci concernent des quartiers entiers dans les villes inondées ».

France Assureurs a également souligné le caractère essentiel de l'adaptation du bâti existant en zone inondable, pour renforcer la résilience des territoires et réduire les impacts des inondations. Cet acteur met à ce titre en avant le lancement en 2020, par la mission risques naturels (groupement technique de France Assurance), des « Trophées des bâtiments résilients » qui permet d'identifier des constructions résilientes face aux risques naturels, dont les inondations. Il indique en outre qu'une étude est en cours au sein de cette mission, en lien avec la Fédération française du bâtiment, pour mieux connaître les solutions de protection des bâtiments face aux inondations et identifier les caractéristiques permettant de prescrire un batardeau adapté.

L'adaptation du bâti existant peut en effet s'appuyer sur diverses techniques, telles que la mise en place d'espaces refuge, l'utilisation de matériaux moins sensibles à l'eau, la mise hors d'eau des systèmes électriques, la mise en place de clapets anti-retour ou encore le recours à des batardeaux.

Aussi, des dispositifs de soutien sont nécessaires pour inciter les particuliers et les professionnels à mettre en place des solutions individuelles de protection face aux inondations.

Recommandation n° 8 : Adapter les méthodes d'aménagement et de construction dans les zones exposées aux inondations pour réduire la vulnérabilité du bâti et mieux garantir la résilience des territoires face à ces phénomènes.

c) Inciter à des comportements individuels plus vertueux, en mettant en cohérence les outils de financement de la prévention des risques
(1) Les différents outils de financement de l'État doivent être mis en cohérence entre eux

L'adaptation du bâti au risque inondations n'est pas qu'une question de réglementation, mais fait également l'objet d'un soutien public actif. Le fonds Barnier est le principal outil de l'État pour financer la prévention des inondations.

Le fonds Barnier est un dispositif désormais bien identifié, qui subventionne principalement les projets des collectivités territoriales en matière de prévention de risque. Il est utilisé dans une visée de long terme, pour soutenir des actions structurelles de prévention, mais il peut être aussi mobilisé pour répondre à une situation d'urgence à la suite d'une catastrophe naturelle. Au cours de leurs déplacements dans le Pas-de-Calais, les rapporteurs ont pu ainsi constater que nombreuses maisons sinistrées avaient été rachetées par le fonds Barnier, notamment dans la commune de Blendecques.

Le fonds Barnier

Prévu à l'article L. 561-3 du code de l'environnement, le fonds de prévention des risques (FPRNM), mieux connu sous le nom de « fonds Barnier », est le principal outil de financement de la politique de prévention des risques naturels de l'État.

Il finance ainsi des mesures de prévention mises en place par les collectivités territoriales, et il soutient également, sous conditions, des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises.

Il permet aussi l'acquisition de biens à l'amiable ou par expropriation lorsque les biens en question sont exposés à un risque.

Le champ du fonds Barnier est le suivant :

- pour les expropriations, il peut être activé pour les risques prévisibles de mouvements et affaissements de terrain dus à une cavité souterraine, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine. Ces risques doivent menacer gravement des vies humaines ;

- pour les travaux de prévention des risques, le champ du fonds Barnier recoupe celui des plans de prévention des risques naturels prévisibles, c'est-à-dire les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes et les cyclones.

Source : mission conjointe de contrôle

La prévention des inondations représente la majeure partie des subventions du fonds Barnier. Plus de deux-tiers des dépenses exécutées portent ainsi sur la prévention des inondations et des submersions marines, et ce taux est stable sur les dernières années.

Part des dépenses exécutées du fonds Barnier affectée à la prévention
des inondations et des submersions marines depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : mission conjointe de contrôle, d'après les données de la direction générale de la prévention des risques

Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une évolution récente. Durant la décennie précédente, sur 4,5 milliards d'euros d'engagement totaux, 72 % ont été consacrés à la prévention des inondations et des submersions marines.

Répartition des engagements du fonds Barnier entre 2009 et 2020

Source : mission conjointe de contrôle, d'après les données de la direction générale de la prévention des risques

La forte propension du fonds à financer des projets relatifs aux inondations est cohérente avec les chiffres de la sinistralité relative aux inondations parmi l'ensemble des catastrophes naturelles. Les inondations ont en effet représenté 50 % de la sinistralité CatNat sur la période 1982-2022, et le second risque « coûteux » du régime, le retrait-gonflement des argiles (42 % de la sinistralité sur la même période), n'est pas éligible au fonds Barnier.

En matière de prévention des inondations, le fonds finance principalement deux types de projets :

- il soutient les études et travaux de réduction de la vulnérabilité que les collectivités locales dotées de plans de prévention des risques naturels (PPRN) réalisent sous leur maîtrise d'ouvrage. Le fonds est ainsi employé pour soutenir la mise en oeuvre des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Il s'agit de la mesure la plus sollicitée, et comme l'indique la direction générale de la prévention des risques (DGPR) : « Un engagement parmi les plus significatifs a porté sur le soutien à la réalisation du casier dit « pilote » de la Bassée (Île-de-France) en 2021, pour un montant de 44 millions d'euros »124(*) ;

- le fonds soutient aussi des interventions sur les anciennes digues domaniales de l'État, désormais transférées aux collectivités gémapiennes. En effet, en accompagnement de ce transfert, l'État s'était engagé à financer des investissements sur ces ouvrages.

Les rapporteurs n'estiment donc pas qu'une réforme du fonctionnement du fonds Barnier soit nécessaire. Le dispositif est aujourd'hui bien connu des collectivités territoriales, et sa gouvernance ne fait pas l'objet de critiques particulières. En revanche, il est possible de s'interroger sur le montant des sommes qui lui sont alloués, ainsi que sur son articulation avec d'autres dispositifs d'aides à la prévention.

D'après la Caisse centrale de réassurance, « l'enveloppe budgétaire du FPRNM (225 millions d'euros en 2024) sera tout juste suffisante cette année pour répondre aux besoins locaux »125(*). Le changement climatique, et l'accroissement de la sinistralité qui l'accompagne, rendra nécessaire un accroissement progressif de l'enveloppe du fonds Barnier.

Fait révélateur, le prélèvement de 12 % sur la surprime CatNat des contrats d'assurance aux biens, qui n'est plus affecté au fonds Barnier depuis 2021, a atteint 273 millions d'euros en 2023, soit 73 millions d'euros de plus que les montants alloués au fonds la même année. La budgétisation du fonds Barnier a permis de faciliter sa gestion et son contrôle par le Parlement, mais elle n'aurait pas dû se traduire par un tel écart entre les prélèvements sur les assurances et le financement de la prévention des risques.

Ce décalage est d'autant plus problématique que l'opinion est encore répandue, y compris dans la presse spécialisée, que les prélèvements sur les contrats d'assurance financent directement la prévention des risques. Si le rehaussement de la surprime de 12 % à 20 % prévue au 1er janvier 2025 ne se traduisait par aucune augmentation des montants du fonds Barnier, cela pourrait générer de fortes incompréhensions, voire nuire au consentement à l'impôt. Il devrait donc être envisagé, dès la prochaine loi de finances, de rehausser les financements dévolus au fonds Barnier. Comme ce sujet est plus large que celui des inondations et submersions marines, il ne fait pas l'objet d'une recommandation à part dans le présent rapport, mais il paraissait néanmoins nécessaire de faire un point sur la situation financière du fonds.

Le fonds vert est l'autre outil de financement de l'État pour la prévention des inondations. Il s'agit d'un dispositif plus récent, effectif depuis seulement la loi de finances initiale pour 2023, et qui doit encore faire ses preuves sur le long terme. Il est possible néanmoins d'en tirer un premier bilan.

Le fonds vert

Le « fonds vert » est le nom du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », relevant de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». La création du programme a été annoncée le 27 août 2022, et il a été placé sous la responsabilité de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature.

Le fonds vert a pour objectif de financer les projets des collectivités territoriales en lien avec la transition écologique, et il est composé des trois actions :

- « Performance environnementale », qui inclut la rénovation des bâtiments publics des collectivités territoriales, et le soutien au tri à la source et à la valorisation des déchets...) ;

- « Amélioration du cadre de vie », qui porte des politiques diverses comme l'accompagnement du déploiement de zones à faibles émissions mobilité, et le recyclage des friches ;

- « Adaptation au changement climatique », qui comprend les mesures de prévention des risques.

Les subventions du fonds vert sont accordées par les préfets. L'octroi des financements se fait à l'échelle départementale, sauf pour le fonds friche, la valorisation des déchets et le fonds de renaturation des villes, qui sont déployés à l'échelle régionale.

Source : mission conjointe de contrôle

En 2023, près de 400 dossiers relatifs aux inondations ont été acceptés, pour un montant de subvention de 45,4 millions d'euros, soit un financement de 107 500 euros par dossier en moyenne. La direction générale de la prévention des risques précise qu'« environ 80 % des opérations subventionnées sont réalisées dans un territoire doté d'un programme de prévention des inondations (PAPI) »126(*).

Ce bilan est loin d'être négligeable. Les 45,4 millions d'euros de subvention sont équivalents à 22,7 % des sommes exécutées dans le cadre du fonds Barnier la même année. Toutefois, il faut remarquer qu'il s'agit d'autorisations d'engagement, et donc que ces sommes sont vouées à être dépensées sur plusieurs années. En crédits de paiement, l'exécution ne s'élève qu'à 8 millions d'euros. À ce sujet, la pérennité des crédits du fonds vert soulève des interrogations.

Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a en effet annulé 500 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 430 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 380. Ainsi, 38,2 % des 1,125 milliard d'euros de crédits de paiement ouverts sur le fonds vert par la loi de finances initiale pour 2023 ont été annulés. De plus, 430 millions d'euros ont été mis en réserve soit 62 % des crédits non annulés. Il ne reste donc « à disposition » que 265 millions d'euros sur le fonds vert pour 2024. Dans ces conditions, la capacité du fonds à continuer de soutenir les projets qui avaient été engagés en 2023, ainsi qu'à financer de nouveaux projets, peut légitimement être questionnée.

Selon les informations transmises par la direction générale de la prévention des risques, les actions menées dans le cadre du fonds vert sont les suivantes :

- un soutien financier renforcé pour les PAPI ;

- un soutien à la réalisation des travaux de réduction de la vulnérabilité des bâtiments publics des communes non couvertes par un PPRN ou par un PAPI, afin d'accompagner en particulier les communes rurales qui ne bénéficient pas du fonds Barnier ;

- un complément de financement aux collectivités compétentes pour la Gemapi, pour la réalisation de travaux de confortement des digues ainsi que pour la création de zones d'expansion des crues permettant de réduire la sollicitation des ouvrages hydrauliques.

Le fonds vert a ainsi vocation à compenser ce qui n'entre pas dans le champ du fonds Barnier, en finançant des projets qui relèvent du même champ mais qui n'ont pas bénéficié de ses subventions. Mais cela soulève inévitablement une question : ces financements ne pourraient-ils pas être directement intégrés dans le fonds Barnier ?

Le fonds vert permet, certes, de financer des projets qui ne sont pas éligibles au fonds Barnier, mais selon la Cour des comptes, il est également employé pour financer « des mesures éligibles mais écartées jusqu'alors faute de moyens suffisants ». Les magistrats financiers soulignent à cet égard que « Ces recouvrements manifestes sont de nature à porter atteinte au principe de spécialité posé à l'article 7 alinéa II de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) » et en tirent la conclusion que « les recouvrements entre le fonds vert et le FPRNM gagneraient à être clarifiés. »127(*)

La multiplication des dispositifs de financement pour des objets similaires est également une source de complexité pour les collectivités territoriales. Même si le fonds Barnier et le fonds vert ne devaient pas être fusionnés, il serait opportun de mettre en place un guichet unique pour accéder aux subventions de l'un et l'autre. Il s'agit d'une condition préalable dans la mise en cohérence de l'action des deux fonds.

(2) Le fonds Barnier doit davantage soutenir la réalisation de mesures de prévention individuelles

Repenser les modes de construction est une nécessité, mais ce changement de paradigme ne pourra pas amener à une véritable culture de la résilience si l'ensemble des décisions sont prises « par le haut ». Il est indispensable d'impliquer la population dans les projets d'adaptation du bâti au changement climatique en favorisant la réalisation de travaux individuels.

Cependant, le coût des travaux de prévention ne peut pas être supporté entièrement par les ménages. Même si l'adaptation du logement augmente sa valeur à terme, le délai avant rentabilité peut dépasser plusieurs générations. En outre, le risque de catastrophe naturelle peut ne jamais se matérialiser. Il est donc justifié que l'État apporte une aide à la prévention des risques pour les particuliers.

De plus, contrairement notamment à la rénovation énergétique, les travaux de prévention des inondations peuvent avoir potentiellement des conséquences importantes sur le voisinage. L'installation d'une déviation contre les débordements de cours d'eau peut par exemple conduire à inonder des habitations en aval, qui ne l'auraient pas été autrement. Une coordination entre les particuliers est donc indispensable, et l'implication de la puissance publique, via des mécanismes de subvention, est un instrument approprié.

Le fonds Barnier peut déjà financer des travaux réalisés par des particuliers, mais cette possibilité, bien qu'elle soit en progression, est encore très peu utilisée, et elle est au demeurant très inférieure aux besoins en matière de prévention des risques. En 2023, les sommes dépensées à ce titre ne s'élevaient qu'à 13 millions d'euros, ce qui correspondait à 6,4 % des sommes allouées au fonds128(*).

Financements du fonds Barnier ayant servi à la
réalisation de travaux de prévention par des particuliers

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

0,6

3,0

3,9

4,7

11,1

13,1

Source : mission conjointe de contrôle, d'après les données de la direction générale de la prévention des risques

Note : le fonds Barnier peut également subventionner des entreprises, mais cette faculté est très peu utilisée : en 2023, seules cinq entreprises ont été bénéficiaires, pour un montant inférieur à 100 000 euros.

Le faible recours au fonds Barnier par les particuliers s'explique d'abord par la faible connaissance du dispositif, même s'il existe désormais un simulateur en ligne proposé par un site gouvernemental129(*). Les conditions pour bénéficier du financement peuvent également être contraignantes : si les travaux interviennent en réparation des dégâts d'une catastrophe naturelle, les indemnités perçues par assurance via le régime CatNat doivent être décomptées de la contribution du fonds Barnier.

Enfin, les subventions ne prennent pas en compte les différences de revenu entre les ménages, et le reste à charge est potentiellement élevé. Par exemple, une maison dont la valeur vénale est de 80 000 euros, qui entreprend des travaux d'un montant de 50 000 euros, et qui a bénéficié d'une indemnité de 30 000 euros, pourra bénéficier de 10 000 euros du fonds Barnier. Le reste à charge du ménage sera donc de 10 000 euros, ce qui représente 20 % du coût des travaux.

Par conséquent, le soutien aux mesures individuelles demeure un angle mort de la politique de prévention des inondations. Les représentants de la direction générale du Trésor ont ainsi déclaré en audition qu'il y a « un enjeu clair de renforcer la prévention individuelle, comme typiquement l'acquisition de batardeau. Il n'y a pas de dispositif de contributions à ce que des particuliers puissent faire l'acquisition de matériel. »

Plusieurs solutions sont possibles, qui vont de la création d'un système de subvention, sur le modèle de « MaPrimeRénov' », qui serait adossé à un fonds ad'hoc, à la mise en place d'un nouveau prêt à taux bonifié à destination des particuliers. Dans la proposition de loi qu'elle a déposée
le 21 mai 2024130(*), découlant d'un rapport de contrôle sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles131(*), le sénateur Christine Lavarde propose notamment la mise en place d'un prêt à taux zéro « résilience », qui a vocation à aider les ménages à financer les coûts de travaux de prévention des risques.

Dans le même rapport, le rapport spécial de la commission des finances sur les crédits « Écologie, développement et mobilité durables » estime qu'il est nécessaire de favoriser la réalisation de travaux de prévention des risques par les particuliers via le fonds Barnier (recommandation n° 11). Les rapporteurs partagent cette préconisation, et ils estiment en outre que la prévention des inondations se prête particulièrement au financement de mesures de préventions individuelles.

En effet, non seulement les mesures de prévention individuelles des inondations ont une efficacité prouvée, dès lors qu'elles ont été réalisées convenablement et en prenant en compte le voisinage, mais elles participent à la diffusion d'une culture du risque au sein de la population. Il convient donc de continuer à adapter le fonds Barnier, de sorte à ce qu'il finance davantage de mesures de prévention individuelles.

Recommandation n° 9 : Adapter le fonds Barnier pour favoriser les travaux de prévention individuelle face aux inondations.

C. RENFORCER LA CULTURE DU RISQUE POUR RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ DES TERRITOIRES FACE AUX INONDATIONS

1. Risques et enjeux de la prévention : une connaissance encore insuffisamment partagée au sein de la population

La diffusion de la « culture du risque », tant au sein des pouvoirs publics que parmi les administrés, constitue une dimension centrale des politiques visant à réduire les impacts des inondations. Selon le Cerema, la culture du risque correspond « à la connaissance par tous les acteurs (élus, techniciens, citoyens...) des risques majeurs et à l'appréhension de la vulnérabilité des enjeux. Elle intègre la perception du risque qui correspond aux éléments psychologiques et émotionnels jouant un rôle déterminant dans les modes d'action des individus et des groupes »132(*).

La connaissance des risques est le fondement de la culture du risque. Or, selon une étude133(*) intitulée « Les Français et les risques environnementaux » publiée en décembre 2023, si le sentiment d'exposition au risque d'inondation a progressé en France entre 2007 et 2022 (+ 4 points sur toute la France métropolitaine et + 11 points dans les territoires concernés), 76 % des Français ne se sentent pas exposés au risque inondations, un chiffre qui s'établit à 66 % dans les territoires pourtant exposés à ce risque. Si la population des outre-mer semble plus consciente des risques, la proportion des répondants qui ne se sentent pas exposés au risque inondations est malgré tout très élevée (65 %), et supérieure aux chiffres constatés pour d'autres risques naturels comme le risque sismique (41 % ne se sentent pas exposés) et le risque cyclonique (18 % ne se sentent pas exposés).

Dans le cadre de la consultation des élus locaux (élus municipaux et intercommunaux) organisée par la mission conjointe de contrôle sur la plateforme dédiée du Sénat (cf. résultats en annexe), 23 % des répondants ont indiqué ne pas avoir une connaissance suffisante des risques inondation affectant leur territoire.

Le développement de la culture du risque passe également par une sensibilisation aux questions de prévention et de gestion des risques. Selon un sondage IFOP réalisé pour l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT) en mars 2023, 80 % des Français métropolitains considèrent qu'ils ne sont pas assez sensibilisés à la gestion des risques et à la prévention des catastrophes ; ce chiffre s'élève même à 82 % pour les ultra-marins. 73 % des métropolitains et 71 % des ultra-marins considèrent en outre que la France n'est pas préparée à faire face à une catastrophe naturelle ou industrielle.

Cette enquête révèle également qu'une grande partie de la population n'est pas familière de la notion de « résilience face aux risques naturels » : si 77 % des Français ont déjà entendu ce terme, ils ne sont que 35 % à savoir précisément ce qu'il recouvre, cette notion étant plutôt assimilée aux domaines de la santé et de la psychologie qu'à celui des risques naturels.

Dans ce contexte, l'instauration en 2022 d'une journée nationale annuelle « Tous résilients face aux risques » afin de sensibiliser, informer et acculturer tous les citoyens aux risques naturels et technologiques qui les environnent et aux comportements à adopter face à eux constitue assurément une évolution positive. Néanmoins, la notoriété de cet évènement apparaît encore trop limitée : selon l'enquête IFOP précitée, seul un Français sur cinq déclarait avoir connaissance de cette journée en juillet 2023.

2. Des actions à renforcer pour favoriser l'appropriation de la culture du risque par l'ensemble de la société

Les sources d'information concernant les risques naturels auxquels les territoires sont exposés se sont largement développées ces dernières décennies. À titre d'exemple, le portail Géorisques, réalisé par le BRGM et le MTE, permet d'accéder à des informations générales sur le risque inondations ainsi que, pour une adresse donnée, aux servitudes liées à un PPR, au zonage d'inondations par remontée de nappe ainsi qu'à des informations sur les PAPI, l'atlas des zones inondables (AZI), le DDRM et l'historique des reconnaissances de l'état de catastrophe naturelle. Ce portail est très consulté selon le BRGM (plus de 27 millions de pages vues en 2023 et 8 millions de visites).

Des pratiques intéressantes existent à l'étranger, comme aux Pays-Bas où, depuis peu, un outil informatique librement accessible permet de visualiser la hauteur d'eau maximale à chaque adresse du pays en cas d'inondation134(*).

Toutefois, la mise à disposition par les pouvoirs publics d'informations sur les risques d'inondation, si elle est nécessaire, est loin de suffire à la diffusion d'une culture du risque au sein de la société et ce, pour plusieurs raisons.

D'une part, la mobilité des populations (notamment dans les zones littorales dans lesquelles les flux migratoires sont élevés) - à laquelle il faut ajouter les flux de touristes - et l'absence de catastrophes récentes peuvent nuire à la connaissance du risque.

Pour ces raisons, les démarches régulières visant à transmettre la mémoire des inondations passées sont particulièrement utiles. Le Cerema note en effet que « la mémoire des évènements s'efface rapidement et offre une opportunité d'action qui se referme tout aussi rapidement »135(*). Il invite notamment au recueil de témoignages (vécus ou de scientifiques), à un travail de documentation des évènements ainsi qu'à des retours d'expérience (techniques, organisationnels et administratifs), qui sont autant de moyens d'améliorer la réponse aux futures crises et d'ancrer la connaissance du risque dans l'esprit des populations.

La commémoration est également un moyen d'entretenir la mémoire des inondations marquantes, à condition de concevoir ces actions de manière réfléchie en veillant à ne pas raviver les traumatismes des populations s'agissant des évènements récents. En Vendée, la commémoration annuelle de la tempête Xynthia qui a frappé ce territoire en 2010 et fait des dizaines de morts, est à cet égard intéressante. De même, les Pays-Bas commémorent chaque année les inondations de 1953, qui avaient causé la mort de plus de 1 800 personnes et qui ont marqué un profond tournant dans la politique de ce pays en matière de prévention des inondations. En complément de l'hommage aux victimes, il importe que ces évènements soient l'occasion de mobiliser le fruit des travaux de documentation et d'analyse des évènements passés.

D'autre part, le Cerema note que l'information sur les risques naturels peut s'avérer anxiogène, ce qui peut conduire certains acteurs - à commencer par les citoyens - à une forme de déni.

Partant de ce constat, il recommande de conduire des actions d'animation locale permettant aux populations de s'approprier la culture du risque et de la résilience.

Les rapporteurs estiment que les collectivités territoriales doivent être au coeur des actions d'animation de la culture du risque dans les territoires.

La DGPR rappelle à ce titre que les élus et les personnels des collectivités territoriales sont des « acteurs majeurs du continuum de la sécurité publique », qui doivent ainsi pouvoir « être correctement informés sur les risques auxquels sont exposés leur territoire ». Sur ce sujet, les actions de formation à destination des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux (en mairie et dans les EPCI) gagneraient à être plus amplement développées ; s'agissant des fonctionnaires, ces formations pourraient être certifiantes, afin de garantir leur adéquation avec les besoins des collectivités. Cette piste a notamment été mise en avant par des répondants dans le cadre de la consultation des élus locaux organisée par la mission de contrôle conjointe : un participant, assez radical dans ses propos, a ainsi déclaré que l'insuffisance d'offre pour ce type de formations constituait « une hérésie dans un monde qui se veut moderne, avec un État protecteur ».

Les partages d'expérience entre collectivités territoriales en matière de prévention des risques sont également à privilégier. Pour Intercommunalités de France, l'objectif pour les collectivités doit être de « mieux faire face aux crises, d'éviter le sentiment de sécurité excessive induit par les ouvrages de protection, mais également de mieux appréhender les évolutions nécessaires pour limiter le risque, particulièrement dans l'aménagement du territoire »136(*).

Si les campagnes nationales d'information de la population ont également leur importance - à l'instar de la journée nationale de la résilience qui se tient le 13 octobre de chaque année depuis 2022 -, le fait qu'elles soient relayées par les collectivités territoriales est de nature à considérablement amplifier leurs effets positifs. Surtout, ces campagnes doivent être l'occasion pour les élus locaux de sensibiliser les populations (y compris dans les établissements scolaires) sur les risques spécifiques auxquels elles sont exposées sur leur territoire : en effet, les risques et les comportements à adopter ne sont pas nécessairement identiques dans une commune du sud de la France exposée aux épisodes cévenols, dans une commune de plaine exposée à des crues lentes, dans une commune de montagne concernée par les crues torrentielles ou encore sur le littoral ou au sein d'un territoire ultra-marin exposé aux phénomènes cycloniques.

Au niveau local, les exercices de mise en situation sont également à encourager, permettant aux populations de se sentir concernées par les risques d'inondation et d'identifier les comportements à adopter en cas de crise.

L'AMF a ainsi proposé d'encourager les maires à mieux informer leurs administrés sur les risques naturels auxquelles ils sont exposés à travers des exercices « grandeur nature » destinés à favoriser l'acquisition de bons réflexes.

Au sein de ces stratégies de diffusion de la culture du risque, le milieu scolaire doit être pris en compte. Le Risk'Co Tour organisé depuis 2023 sous l'égide de l'AFPCNT constitue à cet égard un outil intéressant de sensibilisation : il permet notamment d'organiser des exercices de simulation d'inondation (ouverture d'une portière de voiture ou d'une porte de garage par exemple) auprès d'élèves du collège.

De même, des exercices de simulation sont organisés auprès des collectivités du bloc communal sur la gestion de crise dans le cadre du dispositif « Prépa'risk », mis en place par l'AFPCNT. 23 exercices ont ainsi été réalisés en 2023, avec quinze scénarios différents dont deux consacrés aux crises combinées.

Recommandation n° 10 : Poursuivre le développement d'une véritable culture du risque et de la résilience face aux inondations à travers :

- l'utilisation d'outils permettant de diffuser auprès de l'ensemble des acteurs (élus, fonctionnaires, administrés, entreprises, etc.) la connaissance des risques d'inondation passés, actuels et à venir sur leur territoire et des bons comportements à adopter face à eux ;

- la mise en place de formations à destination des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux du bloc communal en matière de prévention des risques inondation.

III. MIEUX GÉRER LES INONDATIONS : RENFORCER LES MOYENS DES POUVOIRS PUBLICS FACE À LA CRISE

A. MIEUX OUTILLER L'ÉTAT COMME LES ÉLUS LOCAUX POUR FAIRE FACE À L'URGENCE DE LA GESTION DE CRISE

1. Une mobilisation d'ampleur de l'État et des services de secours, qui a révélé des manques de moyens à combler
a) Un système de prévision efficace, qui doit monter en charge pour s'adapter au changement climatique

Dans l'ensemble, l'action combinée de Vigicrues, chargée de la vigilance hydrologique, et de Météo-France, chargée de la vigilance météorologique, a permis, durant les inondations de 2023 et de 2024, de prévoir les inondations de manière efficace.

Vigicrues est un service public d'information de référence sur les risques de crues en France. Il est géré par le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (Schapi), un service à compétence nationale du ministère chargé de l'écologie qui coordonne le réseau Vigicrues et assure la maintenance du système d'information. Le réseau Vigicrues est composé d'agents de services spécialisés des directions régionales de l'environnement (Dreal). Au total, l'outil Vigicrues mobilise autour de 500 agents, pour un budget d'environ 16 millions d'euros par an.

L'outil Vigicrues repose sur deux services distincts, mais complémentaires.

Le service Vigicrues classique surveille les principaux cours d'eau du territoire. Son rôle est d'avertir les préfectures et les maires, mais aussi les médias et le grand public, des risques de crues dans les prochaines 24 heures.

Le service Vigicrues Flash, créé en 2017, est un système d'information qui avertit sur les risques de crues soudaines de petits cours d'eau, qui peuvent survenir en quelques heures. Il couvre 11 000 communes en France. Il s'adresse aux collectivités, aux préfectures et aux opérateurs sensibles, qui peuvent s'abonner gratuitement pour recevoir des avertissements par SMS, courriel et message vocal. La notoriété de ce service auprès des élus locaux reste cependant insuffisante : selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC), le taux d'abonnement des collectivités reste inférieur à 15 %.

Les acteurs entendus témoignent du bon fonctionnement pendant la crise de Vigicrues qui constitue ainsi, selon la FNSPF, un « outil à la fois utile et fiable ». L'efficacité de la prévision varie cependant selon les types de crues : à titre d'exemple, les crues de l'arc méditerranéen sont les plus difficiles à prévoir, du fait de l'effet combiné de prévisions de précipitations incertaines et de l'hydrologie locale faite de petits cours d'eau très réactifs. Vigicrues permet dans ces cas une anticipation très courte, parfois de seulement 1 à 3 heures.

Le système de surveillance Vigicrues couvre aujourd'hui 23 000 km de cours d'eau, soit 75 % de la population exposée au risque inondations. Le Schapi a pour projet d'assurer, d'ici 2030, une couverture de l'ensemble des cours d'eau du territoire hexagonal et de la Corse, soit 70 000 km de cours d'eau. Désormais, les progrès technologiques permettent en effet d'obtenir une information de vigilance à 24 h sur l'ensemble des types de cours d'eau, y compris les plus petits. En raison de l'importance de ces services dans un contexte d'intensification du risque inondations du fait du changement climatique, il paraît crucial d'accélérer cette montée en puissance. Dans le Pas-de-Calais, un certain nombre de stations sur la Liane, la Canche et l'Aa, n'étaient ainsi pas encore couvertes par Vigicrues durant les crues de novembre 2023 et janvier 2024. La couverture de ces lieux doit être priorisée, en raison de la vulnérabilité de ce territoire.

État de couverture des cours d'eau du Pas-de-Calais concernés par les inondations de 2023 et de 2024 pendant la crise et prévisions d'ici 2030

Source : Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience
des territoires touchés par des inondations

Il convient également d'améliorer la notoriété du dispositif Vigicrues Flash, alors que l'abonnement des élus locaux au service, et particulièrement des maires, est essentiel pour assurer une gestion de crise optimale.

La prévision des inondations repose aussi sur l'opérateur Météo-France, chargé d'assurer la vigilance météorologique.

Météo-France élabore et diffuse la carte de Vigilance météorologique ainsi que des bulletins d'avertissements relatifs aux phénomènes météorologiques dangereux, dont les phénomènes de vague submersion et de pluies-inondations. Par ailleurs, Météo-France gère le dispositif Avertissement pluie intense à l'échelle des communes (APIC) qui diffuse gratuitement aux équipes municipales abonnées des messages d'alertes en cas de fortes pluies.

La coordination entre les deux organismes apparaît satisfaisante, grâce à la conclusion d'une convention pluriannuelle entre les deux organismes, à leur implantation sur un même site à Toulouse et à la présence de prévisionnistes du Schapi au sein de la salle opérationnelle du Centre national de prévision de Météo-France. Le maintien de deux organisations distinctes apparaît nécessaire, en raison des compétences différentes mobilisées par ces acteurs : la prévision des crues nécessite des compétences en hydrologie, tandis que la prévision des phénomènes météorologiques repose sur des compétences en physique atmosphérique.

Météo-France et Vigicrues :
deux dispositifs d'avertissement distincts et complémentaires

Niveaux de vigilance de Météo-France

Niveaux de vigilance de Vigicrues

Vert

Pas de vigilance particulière

Vert

Pas de vigilance particulière

Jaune

Soyez attentifs

Jaune

Risque de crue génératrice de débordements et de dommages localisés, ou de montée rapide et dangereuse des eaux, nécessitant une vigilance particulière, notamment dans le cas d'activités exposées et/ou saisonnières.

Orange

Soyez très vigilant

Orange

Risque de crue génératrice de débordements importants, susceptibles d'avoir un impact significatif sur la vie collective et la sécurité des biens et des personnes.

Rouge

Une vigilance absolue s'impose

Rouge

Risque de crue majeure, représentant une menace directe et généralisée pour la sécurité des biens et des personnes.

Source : mission conjointe de contrôle

Néanmoins, les moyens attribués à Météo-France constituent un point d'alerte. Ses effectifs ont en effet été réduits de 922 équivalents temps plein (ETP), soit plus de 25 % de l'effectif, entre 2010 et 2022. Comme l'appelait de ses voeux le Sénat dans un rapport d'information en 2021137(*), une inflexion a eu lieu à partir de 2023, avec l'augmentation des effectifs de cet opérateur de 48 ETP depuis deux ans. Ce réengagement de l'État est à poursuivre, alors que l'intensification des catastrophes naturelles dans un contexte de dérèglement climatique nécessitera une mobilisation encore plus forte de cet établissement dans l'accomplissement de ses missions.

Recommandation n° 11 : Adapter les moyens humains et financiers du Schapi et de Météo-France dédiés à la prévision des inondations, afin :

- d'atteindre l'objectif d'une couverture intégrale du territoire par Vigicrues avant 2030 ;

- de mieux faire connaître le dispositif Vigicrues Flash auprès des élus locaux et particulièrement des maires ;

- et de permettre à Météo-France de s'adapter à l'intensification des catastrophes naturelles, dans un contexte de dérèglement climatique.

b) Les préfets de département ont assuré leur rôle de gestionnaire de crise, avec l'appui des échelons supérieurs et inférieurs de l'administration d'État

Le préfet de département est le premier coordinateur dans le cadre de la gestion de crise lorsque survient une inondation. Il dispose à ce titre du pouvoir de police administrative général, dès lors que la crise excède le territoire d'une commune138(*).

À cet égard, le préfet de département est notamment chargé :

- de planifier la gestion de crise départementale, dans le cadre du plan d'organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) ;

- de mettre en oeuvre un centre opérationnel départemental (COD) ;

- de suivre et d'analyser les prévisions de Météo-France et de Vigicrues ;

d'alerter et d'informer les maires et les populations, grâce notamment aux sirènes, au contact avec les médias, aux réseaux sociaux ou au dispositif FR-Alert, qui permettent la diffusion de messages à toute personne détentrice d'un téléphone portable de sa présence dans une zone de danger ;

- de mobiliser, de suivre et de coordonner l'engagement des moyens supra-communaux de secours et soutien de la population (SDIS, police, Gendarmerie, SAMU, associations de sécurité civile, opérateurs...) ;

- de gérer les conséquences de la crise sur les grands réseaux (routiers, énergies, communications électroniques...).

En raison de l'ampleur de la crise survenue dans le Nord et le Pas-de-Calais, celle-ci a également été gérée à des échelons supérieurs. Au niveau de la zone de défense et de sécurité, la Préfecture de zone de défense et de sécurité Nord, qui recoupe la région Hauts-de-France, a ainsi organisé un centre opérationnel de zone (COZ), pour coordonner l'arrivée de renforts zonaux. Au niveau national, le ministère de l'Intérieur a activé le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic).

Pour assurer une réponse de l'État au plus près des sinistrés, des centres de crise ont également été mis en place dans les sous-préfectures de chaque arrondissement concerné, dans le Nord et le Pas-de-Calais.

Les élus locaux de divers territoires, rencontrés dans le cadre d'auditions et de déplacements, ont salué la réponse des préfectures et des sous-préfectures dans cette crise, qui ont su gérer les inondations de manière adéquate grâce à la mobilisation constante de leurs services.

Néanmoins, les rapporteurs constatent que cette implication des services a pu se heurter à des manques de moyens sur le terrain, ce qui a nécessité de faire appel à des renforts provenant d'autres territoires.

c) Un système de sécurité civile confronté à ses propres limites face à une crise inédite

La charge opérationnelle induite par les inondations apparaît, dans le Nord et le Pas-de-Calais, inédite.

Dans le seul département du Pas-de-Calais, plus de 3 500 interventions et 1 500 mises en sécurité ont été réalisées par les services d'incendie et de secours (SDIS) durant la première phase d'inondations (novembre et décembre 2023) puis 1 200 interventions et 500 mises en sécurité ont été réalisées durant la seconde phase (janvier 2024).

Le coût total des inondations pour le SDIS du Pas-de-Calais est ainsi estimé à 1,8 million d'euros. En incluant le coût de la mobilisation de renforts européens et de moyens privés, le coût des secours est estimé, pour le Nord et pour le Pas-de-Calais, à 4,1 millions d'euros par la DGSCGC.

Le 5 mars 2024, lors d'un déplacement dans le Pas-de-Calais, les rapporteurs sont allés à la rencontre des services de secours de la caserne de pompiers d'Écuires (SDIS 62) (cf. photo ci-après).

Table ronde avec les représentants du SDIS du Pas-de-Calais

Source : déplacement des rapporteurs

Les services d'incendies et de secours ont été confrontés, dans cette crise d'ampleur, à un déficit d'expérience pour ce type de catastrophe naturelle, comme le souligne la FNSPF. Les SDIS sont en effet habitués à gérer des feux de forêt de grande ampleur, particulièrement dans le Sud-Ouest, mais ont moins d'expérience s'agissant des inondations et manquent d'experts dans ce domaine (absence d'hydrogéologue au SDIS du Pas-de-Calais par exemple).

Le SDIS a également été confronté à un manque de moyens. Des renforts ont été nécessaires, d'abord mobilisés à l'échelle zonale et nationale puis à l'échelle européenne. Sur le seul département du Pas-de-Calais, 10 colonnes de renfort ont ainsi été fournies au plus fort de l'événement, ce qui représente un effectif d'environ 500 pompiers, soit 25 % des effectifs mobilisés. Ces renforts correspondent, selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) à un feu de forêt majeur.

Les moyens aériens se sont également révélés insuffisants : aucun hélicoptères Dragon n'est affecté à la sécurité civile dans la zone de défense et de sécurité Nord et seuls 3 hélicoptères, basés à Lille, Arras et Amiens sont affectés à l'aide médicale d'urgence.

Enfin, les capacités de pompage se sont avérées largement sous-dimensionnées pour ce type d'événement. Les capacités de pompage de l'Institution intercommunale des wateringues (IIW) ont toutes été mobilisées durant la crise, ce qui a permis de pomper près de 400 millions de mentre novembre 2023 et janvier 2024. Des pompes supplémentaires ont cependant été nécessaires, pour compléter ou suppléer les capacités de l'IIW.

Le soutien est d'abord venu du SDIS du Pas-de-Calais, qui est surtout équipé de moyens d'épuisements légers (15 pompes d'une capacité chacune à 240 m3/h), sans commune mesure avec les besoins de pompage, estimés à 40 000 m3/h en novembre 2023, soit l'équivalent de 166 pompes. L'évacuation d'énormes quantités d'eaux stagnantes ou la transversion d'un cours d'eau vers un canal, nécessaires au plus fort de la crise, étaient impossibles dans ces conditions.

Dans ce contexte, la sécurité civile militaire a également été mobilisée pour déployer des capacités de pompage. Les rapporteurs ont pu aller à la rencontre de ces services lors de leur déplacement dans le Pas-de-Calais du 5 mars 2024 (cf. photographie ci-dessous).

Pompe installée dans la commune de La Calotterie (Pas-de-Calais), déployée par la sécurité civile militaire

Source : déplacement de la MCC dans le Pas-de-Calais le 5 mars 2024

En outre, le mécanisme de protection civile de l'Union européenne a apporté son concours à la gestion de crise.

Le mécanisme de protection civile de l'UE (MPCU) : une solidarité européenne à saluer, des moyens qui appellent des renforcements

Créé en 2021, le MPCU vise à soutenir les États confrontés à une catastrophe naturelle dans le respect du principe de subsidiarité : lorsque les capacités d'un État sont dépassées par l'ampleur d'une catastrophe, il peut activer ce mécanisme, qui permet aux autres États de proposer l'envoi de renfort, la Commission européenne prenant en charge au moins 75 % des coûts opérationnels du déploiement.

Dès le 18 novembre 2023, le Gouvernement a formellement demandé l'activation du mécanisme au Centre de coordination de la réaction d'urgence de l'UE, l'Emergency Response Coordination Center (ERCC). Les Pays-Bas ont immédiatement répondu à la demande, en envoyant 4 pompes de grandes capacités, du personnel et des véhicules de transport, intégrés aux SDIS du Nord et du Pas-de-Calais. Dès le 19 novembre, quatre pompes et 6 sapeurs-pompiers sont ainsi venus renforcer le dispositif. La République tchèque a également fait une offre de service, qui a cependant été refusée en raison du manque d'interopérabilité. Cette première activation a pris fin le 2 décembre 2023.

Une deuxième demande a été effectuée le 2 janvier 2024. Cinq États membres ont proposé de mettre à disposition du matériel et des capacités de pompage, la France a donné suite aux propositions des Pays-Bas, de la République tchèque et de la Slovaquie, pour une mission qui s'est terminée le 25 janvier 2024.

Au total, 600 sapeurs-pompiers des Pays-Bas, de la République tchèque et de la Slovaquie sont venus renforcer les effectifs nationaux dans le Nord et le Pas-de-Calais.

Selon le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), cette expérience a permis de mettre en exergue l'utilité des officiers de liaison, qui ont assuré la communication avec les renforts étrangers ainsi que l'interopérabilité entre les unités.

Ce recours a également souligné les limites du dispositif MPCU : les délais de mobilisation ont parfois été relativement longs et, selon la FNSPF, la réponse européenne n'a pas pour les inondations la même dynamique d'engagement que dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt.

Le dispositif MPCU est également contraint par l'absence de réserve européenne de protection civile pour le risque inondations. Le mécanisme intègre une réserve européenne, à la fois humaine et capacitaire, qui permet de mobiliser en un temps rapide des moyens de lutte contre les incendies (canadairs, hélicoptères de lutte anti-incendie) et de réponse sanitaire (réserves de matériel médical), mais qui ne comporte pas, à ce stade, de moyens de lutte contre les inondations (pompes de grande capacité par exemple).

Le Gouvernement a engagé des premières mesures pour pallier ces diverses insuffisances de moyens. Les plans d'équipement des SDIS ont ainsi été amendés pour permettre l'acquisition des moyens de pompages lourds et la recherche des financements associés.

Il convient aujourd'hui de poursuivre ainsi que d'accentuer cet effort et ce d'autant plus dans un contexte de nécessaire adaptation des SDIS au changement climatique : sur le modèle du pacte capacitaire « feux de forêt », conclu en 2022, un pacte capacitaire « inondations » pourrait être conclu entre l'État et les SDIS, afin de soutenir l'investissement et l'achat d'équipements structurants au profit de ces services.

Concernant le manque de compétences relatives aux inondations au sein des SDIS, il convient d'assurer la formation de nouveaux intervenants aux moyens spécialisés pour les interventions en matière d'inondations, comme le propose un rapport de la DGSCGC de 2023139(*). Plutôt qu'au sein des SDIS, ces intervenants pourraient être intégrés aux Centres opérationnels départementaux (COD), pour bénéficier à l'ensemble des services de la gestion de crise.

Recommandation n° 12 : Adapter la sécurité civile au dérèglement climatique, à travers :

- la conclusion d'un pacte capacitaire « inondations », qui prévoirait à terme le doublement au niveau national des capacités de pompage lourd, l'achat de pompes puissantes dans chaque zone de défense et de sécurité ainsi que le renforcement des moyens de sauvetage héliporté et de reconnaissance aérienne ;

- le déploiement des effectifs de sapeurs-pompiers dans les territoires dans lesquels le dérèglement climatique augmentera fortement la fréquence et l'intensité des inondations ;

- la formation d'intervenants aux moyens spécialisés pour les interventions en matière d'inondations, placés au sein des Centres opérationnels départementaux (COD) ;

- la montée en puissance du mécanisme de protection civile de l'UE sur le risque inondations, par la création d'une réserve européenne de protection civile pour les inondations mobilisable dans les mêmes délais que pour les feux de forêt, et par le renforcement de l'interopérabilité des services de secours.

d) L'État a assuré, en coordination avec les collectivités territoriales et les assureurs, le relogement des personnes sinistrées

D'importants efforts en matière de relogement d'urgence des sinistrés se sont révélés nécessaires, particulièrement dans le Nord et le Pas-de-Calais où 347 familles, soit 843 personnes, ont dû être relogées.

La loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles prévoit la prise en charge obligatoire par l'assureur des frais de relogement durant 6 mois140(*). L'obligation devait entrer en vigueur le 1er janvier 2024, soit après les inondations de novembre 2023. Le Gouvernement a avancé cette entrée en vigueur au 1er novembre 2023141(*). Les rapporteurs saluent cette décision pragmatique, qui a permis de financer le relogement de l'ensemble des sinistrés.

En parallèle, les communes et les EPCI peuvent aussi assurer l'hébergement d'urgence ou le relogement temporaire de personnes sinistrées. Les frais engagés sont compensés pendant 6 mois à hauteur de 75 % ou 100 % selon les situations par le fonds d'aide au relogement d'urgence de l'État (FARU)142(*). Le 8 février 2024, le Premier ministre a annoncé une prise en charge exceptionnelle des frais de relogement par le FARU jusqu'à 1 an.

Une cellule de l'État dédiée au relogement des personnes sinistrées a été mise en place dès novembre 2023. Toutefois, à la suite des inondations de janvier 2024, les capacités d'hébergement se sont révélées insuffisantes dans le Pas-de-Calais. Les rapporteurs tiennent à saluer la solidarité dont ont fait preuve les collectivités territoriales face à la crise. Ils ont notamment visité, le 17 mai 2024, un village solidaire de mobil-homes situé dans la commune de Longuenesse (Pas-de-Calais), sur un terrain mis à a disposition par la Communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer, qui a permis d'accueillir une vingtaine de familles sinistrées.

Village solidaire mis en place pour le relogement de sinistrés à Longuenesse dans le Pas-de-Calais

Source : déplacement de la MCC dans le Pas-de-Calais le 17 mai 2024

Au 24 avril 2024, 275 foyers, soit environ 640 personnes, sont considérés comme « relogées » : elles ont trouvé un logement par leurs propres moyens ou grâce à la cellule de l'État, sont retournées chez elles, ont refusé la proposition de relogement (31 personnes) ou ont annulé leur demande (160 personnes). La situation de 167 personnes était encore en cours de traitement à cette date : le défi est de trouver un logement adapté à leur situation personnelle, compatible avec leur emploi ou leur scolarité143(*).

2. Les élus du bloc communal ont pleinement joué leur rôle de première sentinelle de la gestion de crise, en dépit d'un accompagnement et de moyens de communication parfois insuffisants
a) L'action des élus municipaux a permis de répondre efficacement aux besoins de la population, malgré les lacunes de certains plans communaux de sauvegarde

Le maire coordonne la gestion de crise au niveau communal, au titre de son pouvoir de police administrative générale144(*). À ce titre, il est chargé d'assurer une réponse de proximité en mettant en place un poste de commandement communal, en assurant un suivi du phénomène et de ses impacts, en alertant la population en complément de l'alerte préfectorale et en dirigeant les opérations de secours.

Lors des auditions et des déplacements effectués, les rapporteurs ont pu constater le rôle central des maires et des élus municipaux dans la réponse aux inondations de 2023 et de 2024, malgré des moyens parfois très limités, particulièrement dans les plus petites communes.

La planification de la gestion de crise au niveau communal est assurée par le plan communal de sauvegarde (PCS). Le PCS organise, sous l'autorité du maire, la préparation et la réponse lors de situations de crise. Il permet au maire d'assurer sa mission de directeur des opérations et de communiquer vers ses administrés, sur les moyens mis en oeuvre et sur les comportements attendus.

L'élaboration d'un PCS est obligatoire dans des communes exposées à des risques particuliers145(*), notamment dans les communes soumises à un plan de prévention des risques naturels ou comprises dans un territoire à risque important d'inondation. À ce titre, 13 724 communes sont aujourd'hui pourvues en PCS selon le ministère de l'intérieur.

Lors des événements de 2023 et 2024, le niveau de la réponse des communes semble avoir été corrélé à la qualité des PCS. En effet, dans de nombreuses communes, le PCS est apparu incomplet, non actualisé ou souffrant d'un manque de notoriété auprès des élus locaux, qui ne connaissent parfois pas l'existence de ce plan, élaboré sous une mandature précédente. De nombreux PCS reposent également trop sur le maire, qui ne peut pas assurer à lui seul la réponse à la crise, et pas assez sur les autres membres de l'équipe municipale.

À l'inverse, l'existence d'un PCS de qualité et actualisé a considérablement facilité la gestion de crise dans certains territoires. Selon la préfecture de la Charente-Maritime, entendue par les rapporteurs, les inondations de novembre 2023 à Saintes ont ainsi été bien mieux gérées que les inondations de 2021 pourtant d'une ampleur comparable, en raison d'un PCS qui avait été mis à jour en intégrant le retour d'expérience des événements de 2021.

Un meilleur accompagnement des communes dans la rédaction de PCS apparaît nécessaire, tout comme l'organisation d'exercices réguliers, visant à assurer l'opérationnalité des dispositions du plan.

La mise à disposition prochaine par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) d'un module en ligne de sensibilisation et d'information des élus locaux relatif à la Stratégie nationale de résilience (prévention des risques, mobilisation de la population de la population, plan de continuité de l'activité, etc.) apparaît à ce titre bienvenue.

La gestion de crise communale pourrait également être renforcée par le développement des réserves communales de sécurité civile (RCSC), qui reste à ce stade embryonnaire. Ces réserves, créées par la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, sont composées de citoyens bénévoles et volontaires et ont pour objet d'appuyer les services de sécurité civile en cas d'événement excédant leurs moyens habituels. Elles participent au soutien et à l'assistance des populations, ainsi qu'à l'appui logistique et à la préparation de la population face aux risques sous l'autorité du maire146(*).

Les RCSC permettent de créer une culture de la sécurité civile et de répondre à l'intensification du risque inondations. Pourtant, selon la DGSCGC, seules 639 réserves ont été créées sur l'ensemble du territoire.

Le « Beauvau de la sécurité civile » lancé le 23 avril 2024, qui vise à concerter sur l'adaptation du modèle français de sécurité civile au réchauffement climatique, pourrait permettre d'engager une réflexion sur les raisons du faible recours à ce dispositif.

Enfin, la gestion de crise communale s'est heurtée à des difficultés de communication avec les autorités préfectorales, particulièrement dans les communes de montagne. Ainsi, la mairie de Risoul, dans les Hautes-Alpes, s'est retrouvée au plus fort des inondations de l'automne 2023 sans aucune communication avec l'extérieur : les infrastructures routières étaient coupées, tout comme les réseaux de télécommunications. Dans l'impossibilité de joindre le COD situé dans la préfecture des Hautes-Alpes, le maire fut ainsi, pendant plusieurs heures, seul face à la gestion de cette crise. Pour éviter la rupture du lien indispensable entre centre de gestion de crise communal et centre départemental, il est indispensable d'assurer l'équipement en téléphonie satellitaire des communes de montagne, particulièrement exposées au risque de rupture des communications en cas de crue.

Recommandation n° 13 : Renforcer l'efficacité de la gestion de crise au niveau communal, à travers :

- l'accompagnement des communes dans l'élaboration de PCS adaptés et opérationnels. Dans chaque préfecture de département, un référent PCS serait nommé, afin d'accompagner les maires dans la rédaction du PCS et d'animer un réseau de diffusion des bonnes pratiques en matière de prévention des inondations avec les élus locaux ;

- l'équipement des communes de montagne exposées au risque inondations en moyens de communication satellitaire ;

- une concertation, dans le cadre du « Beauvau de la sécurité », sur les raisons du faible développement des réserves communales de sécurité civile.

b) La coopération intercommunale, dans le cadre de plans intercommunaux de sauvegarde, est nécessaire

Au niveau intercommunal, la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels a créé les plans intercommunaux de sauvegarde (PICS), en les rendant obligatoires dans tous les EPCI sur lesquels se situe une commune soumise à l'obligation de constituer un PCS, soit 1 125 EPCI sur 1 270. Il est prévu que cette obligation entre en vigueur dans un délai de cinq ans après la promulgation de la loi, soit au 26 novembre 2026.

Le PICS n'accorde pas de pouvoir de police au président de l'EPCI ; ce pouvoir demeure en effet une prérogative du maire. En revanche, cet outil a pour objectif d'assurer la coordination, la solidarité et l'appui au profit des communes impactées lors de la gestion des événements.

Il apparaît par ailleurs particulièrement adapté au risque de submersion marine, comme le souligne la DGSCGC : l'échelle intercommunale doit être privilégiée en raison de l'étendue spatiale de cet aléa, pouvant s'étendre sur plusieurs dizaines de kilomètres en arrière-pays, inondant tout ou partie d'une commune, comme lors de la tempête Xynthia de 2010, et rendant impossible les actions de refuge et d'accueil de la population impactée.

La couverture du territoire national en PICS apparaît aujourd'hui faible : 72 % des répondants à la consultation des élus locaux ont ainsi indiqué être élus dans une commune non couverte par un PICS. Cette faible couverture du territoire national s'explique par le caractère récent du dispositif, et la difficulté politique à trouver un accord au niveau intercommunal sur ces enjeux sensibles.

Or, l'absence de PICS a pu se révéler particulièrement préjudiciable dans certains territoires, alors que les inondations ont souvent dépassé l'échelle communale. Dans le Pas-de-Calais, le SDIS a ainsi évoqué des actions de pompage de communes non concertées et incohérentes qui ont parfois augmenté l'intensité de la crue dans des communes voisines. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, des élus locaux ont évoqué l'impossibilité pour le maire de petites communes de gérer la crise avec les moyens municipaux et les délais trop importants qui ont été nécessaires, en l'absence de PICS, pour organiser une mutualisation intercommunale.

Il convient ainsi d'accélérer la conclusion des PICS, dans les territoires où une telle planification apparaît adaptée pour la gestion des inondations.

Recommandation n° 14 : Renforcer la coordination intercommunale dans la gestion de crise, en systématisant, par à un appui préfectoral, l'élaboration de PICS dans les territoires où une telle planification est adaptée, sans remettre en cause le couple maire - préfet, central dans la gestion de crise.

B. LA GESTION DE L'APRÈS-CRISE NE DOIT PLUS ÊTRE L'ANGLE MORT DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES INONDATIONS

1. Les collectivités territoriales doivent être davantage soutenues dans la réalisation des travaux d'urgence

Le champ de la politique de gestion de crises est traditionnellement limité aux actions et aux mesures mises en oeuvre pendant le déroulement de la catastrophe naturelle. Toutefois, pour les communes sinistrées, la « crise » ne s'arrête pas une fois que l'eau est redescendue : les semaines et les mois qui suivent sont des périodes de grande vulnérabilité pour les personnes et les collectivités territoriales, au cours desquelles les difficultés tendent à s'accumuler. Comme le relève la direction générale de la prévention des risques : « Les phases de reconstruction après une catastrophe naturelle sont éprouvantes pour les collectivités territoriales, tant les élus que les services, et plus largement pour l'ensemble des résidents et des acteurs du territoire sinistré. »147(*)

En effet, des communes, qui parfois disposent de très peu de moyens, doivent dans un temps record organiser le relogement des populations, accomplir des démarches administratives pour débloquer les aides, monter les dossiers auprès des assurances, accomplir des expertises pour estimer les dégâts et évaluer les risques persistants (effondrement des habitations, dangerosité des routes, etc.), et enfin engager la reconstruction des infrastructures prioritaires.

En outre, pendant toute cette période, les communes ne peuvent pas exercer leurs compétences ordinaires, ce qui conduit à reporter les investissements et la situation à se dégrader. Il n'est donc pas exagéré de dire que la « crise » peut s'étendre sur des mois, voire des années après la survenue de la catastrophe naturelle.

Au cours des auditions menées avec les collectivités sinistrées et des déplacements dans les territoires ayant subi des inondations, les rapporteurs ont pu constater l'importance de la question de gestion de « l'après-crise ». Les élus locaux ont très souvent salué l'action des représentants de l'État, mais dans le même temps, ils ont régulièrement affirmé qu'ils se sentaient démunis face à l'ampleur de la tâche. Les communes ne disposent souvent pas des moyens humains et financiers pour accomplir l'ensemble des démarches requises, et engager rapidement les travaux de reconstruction.

De plus, le retard dans l'accomplissement des démarches tend à créer un cercle vicieux. Plus les collectivités mettent du temps pour monter les dossiers, plus les dégâts sont compliqués à évaluer, et en retour, plus les subventions et les indemnités d'assurance sont difficiles à débloquer. Apporter à terme une aide aux territoires n'est pas suffisant ; il faut également faire en sorte que celle-ci soit la plus rapide possible.

Les rapporteurs ont organisé plusieurs déplacements et tables rondes avec des élus locaux dans les territoires ayant subi des inondations, et ils ont pu constater l'ensemble des difficultés auxquelles ils étaient confrontés. Les élus ont souligné les difficultés financières, notamment pour l'avance des fonds, mais également le manque de moyens techniques et les contraintes administratives.

Les rapporteurs défendent donc une vision élargie de la gestion de crise. L'urgence n'est pas limitée à la survenue de la catastrophe naturelle, mais elle demeure tant que la collectivité n'a pas repris un fonctionnement normal. Il est donc indispensable de favoriser un continuum entre la gestion de crise, et les jours, semaines et mois qui suivent le sinistre. « L'après-crise » ne doit pas être un angle mort de la politique de gestion des inondations.

a) Les collectivités doivent faire l'objet d'un soutien technique et administratif continu à la suite des inondations, s'appuyant sur une solidarité organisée à l'échelle de la région

Les besoins des collectivités territoriales sont de plusieurs ordres : ils sont financiers, mais également de nature technique et administrative.

L'accomplissement des démarches relatives aux catastrophes naturelles auprès des assurances et de l'État est en particulier très contraignant pour les petites communes. Même s'il est possible de s'approprier en amont la procédure de constitution d'un dossier CatNat, ces communes ne disposent en général pas d'un personnel formé en nombre suffisant pour répondre à l'urgence de l'après-crise. De même, elles ont rarement les compétences assurantielles, hydrographiques, et plus généralement en ingénierie, nécessaires pour évaluer les dégâts et les risques persistants, et engager les premières reconstructions.

Les seules réponses possibles face à ce constat sont une simplification des démarches, et le renforcement de la solidarité entre les territoires.

À la suite des catastrophes naturelles, les collectivités territoriales font face à un trop grand nombre d'interlocuteurs différents, ce qui est un facteur de complexification des démarches, d'autant plus que le montant des subventions accordées dépend souvent de celui des autres subventions sollicitées et obtenues. Intercommunalité de France relève ainsi que : « La diversité des modalités pour mobiliser d'autres financements, dont les financements départementaux, régionaux, européens et nationaux (dont le Fonds vert), implique une charge administrative lourde pour des montants parfois très limités. Lorsque les critères et les calendriers diffèrent, une ingénierie contractuelle et financière importante est requise. »148(*)

Le préfet peut déjà être l'interlocuteur unique lors de la gestion de crise. Ce rôle peut être étendu à l'après-crise. Des préfets ou des sous-préfets à la reconstruction sont déjà nommés de manière systématique à la suite des catastrophes les plus importantes, et leur rôle doit être salué149(*). Toutefois, leur action porte principalement sur l'usage des enveloppes ouvertes par l'État, sur l'information relative à la progression des travaux, et sur la coordination des projets des collectivités territoriales.

Il est possible de pousser encore plus loin la logique de guichet unique en faisant des services préfectoraux l'interlocuteur unique pour l'ensemble des démarches relatives à la gestion de l'après-crise. En particulier, les services de l'État pourraient s'adresser directement aux assurances, dans les cas où les collectivités territoriales rencontrent des difficultés.

Le guichet unique ne doit donc pas seulement être conçu avec une finalité de simplification, même si cette dimension est bien entendu très importante, mais également dans une logique d'accompagnement des collectivités territoriales. Un service unique de traitement des demandes a l'avantage d'avoir une vision globale et différenciée de la situation de chacune des communes ayant subi des sinistres, et il peut donc proposer un accompagnement au plus proche de leurs besoins.

Concernant le manque d'accès à des compétences techniques, les élus de petites communes interrogés par les rapporteurs ont à plusieurs reprises demandé à ce que des personnes qualifiées puissent résider sur le territoire de la commune pendant quelques mois, afin d'accompagner à la réalisation des démarches. Ce besoin de « proximité » de la part des élus locaux est compréhensible. Les démarches administratives à accomplir ne sont pas identiques selon les situations, et surtout, elles doivent être menées sur le temps long : il ne s'agit pas seulement de formuler les demandes de subvention, mais également de les suivre, puis de faire un compte rendu de l'utilisation des fonds. Mettre en cohérence les différentes demandes entre elles est également indispensable.

Il est difficilement envisageable dans la pratique de rendre obligatoire l'installation de professionnels sur ces territoires, mais une solidarité peut être mise en oeuvre. Une telle initiative ne serait d'ailleurs pas limitée aux gestionnaires administratifs, mais pourrait spontanément s'étendre à des architectes, des ingénieurs et plus généralement aux spécialistes de la gestion et de la prévention des inondations.

Cette solidarité pourrait être organisée à l'échelle de la région, et prendre la forme d'une « réserve » d'ingénierie, sur le modèle de ce qui existe déjà pour la gestion de crise. De la sorte, les communes situées en zones rurales pourraient avoir accès à des prestations techniques et administratives pour les périodes exceptionnelles.

Toujours dans une logique d'instaurer un continuum entre la gestion de la crise et celle de « l'après-crise », il convient également de faire en sorte qu'il ne soit pas mis fin de manière brutale à l'accompagnement des collectivités concernées. Même une fois que les reconstructions les plus urgentes ont été achevées, des études techniques doivent continuer à être menées, et des démarches administratives restent à accomplir.

Recommandation n° 15 : Soutenir les collectivités territoriales dans la gestion de l'après-crise à travers :

- l'instauration d'un mécanisme de solidarité entre EPCI au niveau régional permettant d'apporter un appui technique et administratif aux collectivités sinistrées, surtout en zone rurale ;

- la mise en place d'un guichet unique au niveau préfectoral pour faciliter les demandes d'aides financières pour les collectivités locales.

b) Il convient de compléter les dispositifs d'aide aux collectivités victimes d'inondations par la création d'une avance remboursable à taux préférentiel

Le coût des réparations est également bien supérieur aux capacités financières des petites communes. À titre d'exemple, au cours d'une table ronde sur les suites de la tempête Alex survenue en 2020 dans les Alpes-Maritimes, Philippe Oudot, maire de Fontan, une commune d'environ 300 habitants, a indiqué aux rapporteurs que le montant des travaux s'élevait à 1,5 million d'euros, et qu'au début de l'année 2024, il manquait encore 1,1 million d'euros pour les engager. Ces sommes sont bien évidemment hors de proportion avec les capacités de la collectivité150(*).

Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat) a vocation à incarner une solidarité nationale face à ces événements exceptionnels, mais il n'est pas adapté aux situations les plus urgentes. En effet, le régime CatNat repose in fine sur les compagnies d'assurance privées, et le déblocage des fonds peut prendre plusieurs mois, le temps que les dossiers soient constitués et les expertises menées. Ces délais sont bien trop élevés, alors que les réparations prioritaires doivent être engagées très rapidement.

Il existe, certes, des subventions de crise, qui peuvent être délivrées par le fonds Barnier151(*), directement par l'État152(*), et via des mécanismes de solidarité européens153(*). De même, une « dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques », prévue à l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales, est ouverte dès lors que la somme des dommages causés par un même événement climatique est supérieure à 150 000 euros154(*).

Ces aides sont indispensables, mais elles ne sauraient constituer la seule réponse aux difficultés des collectivités. L'attribution de ces subventions nécessite elle-même des démarches, et elles n'ont pas vocation à couvrir l'ensemble des besoins des territoires sinistrés.

La meilleure solution consiste alors dans la mise en place d'un système d'avance aux collectivités territoriales, à des taux préférentiels, qui leur permettrait de payer les dépenses les plus urgentes.

D'après les informations transmises par la Caisse des dépôts et consignations, il existe depuis 2019 un prêt spécifique aux catastrophes naturelles : « La Banque des Territoires a donc mis en place depuis 2019 un prêt spécifique « CatNat' » permettant de financer les travaux d'aménagement et les reconstructions ou réhabilitations lourdes d'équipements publics (hors logement) détruits ou dégradés à la suite d'une catastrophe naturelle. Il peut également financer les subventions des collectivités locales aux opérateurs réalisant ces travauxLes territoires éligibles couvrent le périmètre des collectivités faisant l'objet d'un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle publié au Journal officiel. Ce prêt bénéficie d'un taux bonifié à livret A + 0 % la première année et est exonéré d'indemnités de remboursement anticipé dans le cas d'obtention d'une indemnisation. »155(*)

L'établissement public souligne cependant qu'« à ce jour, ce prêt a été peu mobilisé », qu'il pourrait bénéficier d'une plus grande visibilité auprès des collectivités territoriales et des services préfectoraux.

Au cours des auditions et des déplacements menés dans le cadre de la mission, il n'a jamais été indiqué que ce prêt avait été contracté, et son existence n'a même jamais été évoquée. Une recherche internet ne permet pas de trouver d'informations sur ce prêt.

Ce prêt présente donc manifestement une visibilité très faible, voire inexistante. Il n'apparaît pas non plus avoir une dénomination « grand public » qui lui soit propre. Renforcer la communication autour de cet outil de financement apparaît donc indispensable dans un premier temps.

Ensuite, il convient d'examiner si ce prêt est suffisamment attractif pour les collectivités concernées. La limitation à la première année du taux bonifié peut représenter une difficulté pour les collectivités les plus touchées, pour lesquelles il n'est pas rare que les travaux s'étendent sur plusieurs années. Même la première année, le taux d'intérêt du prêt (correspondant à celui du livret A, c'est-à-dire 3 % au premier semestre 2024) demeure significatif pour des collectivités dont le volume des travaux requis est très supérieur à leur capacité financière.

En tout état de cause, une véritable avance de trésorerie au profit des collectivités territoriales ayant subi des inondations mériterait d'être instituée. Il ne s'agit pas de s'en tenir à mobiliser une branche d'un autre prêt, ou à un dispositif confidentiel, mais bien de créer un nouveau prêt ad hoc, accompagné d'une campagne de communication.

Recommandation n° 16 : Instituer une avance de trésorerie à taux bonifié pour les réparations d'urgence des collectivités territoriales ayant été touchées par une inondation.

2. Pour des territoires plus résilients, favoriser un continuum entre travaux de réparation et prévention des inondations futures

Les travaux de réparation d'urgence menés par les collectivités territoriales doivent s'inscrire dans une logique de résilience, pour mieux prévenir les inondations futures et limiter leurs impacts.

D'une part, il convient de profiter des travaux de réparation à conduire sur le parc immobilier des collectivités territoriales sinistrées par les inondations pour réfléchir à leur adaptation face à ce risque.

Afin de soutenir les collectivités territoriales du Pas-de-Calais touchées par les inondations en 2023 et au début de l'année 2024, le Gouvernement avait annoncé une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d'euros, qui a ensuite été rehaussée de 20 millions d'euros. Ces fonds ont notamment pour objet de réparer les dégâts provoqués par les inondations qui ne sont pas éligibles à la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales (DSEC), comme ceux concernant les bâtiments publics (écoles, mairies etc.).

Saluant ce dispositif, l'AMF a toutefois alerté les rapporteurs sur la nécessité d'accompagner cette aide financière d'un appui technique afin que les collectivités territoriales reconstruisent de façon plus résiliente, estimant que « reconstruire à l'identique serait une erreur ».

D'autre part, et dans le même ordre d'idées, les rapporteurs jugent indispensable de favoriser une reconstruction résiliente pour les travaux d'urgence conduits sur les cours d'eau.

De nombreux élus rencontrés en déplacement, notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence, ont fait part de difficultés rencontrées à ce sujet, évoquant une trop forte dichotomie administrative entre, d'une part, le cadre juridique dérogatoire applicable aux travaux d'urgence sur les cours d'eau juste après une inondation et, d'autre part, le droit commun qui s'impose aux travaux de reconstruction pérennes.

En effet, la procédure prévue à l'article R. 214-44 du code de l'environnement qui permet de procéder à des travaux d'urgence sans être soumis à la procédure de déclaration ou d'autorisation de droit commun ne concerne que des opérations visant à faire cesser un danger grave et présentant un caractère d'urgence (cf. supra). À titre d'exemple, cette procédure permet de mettre en place un bloc en pied de berge pour consolider un ouvrage, mais pas de procéder à un enrochement définitif d'une berge. Le tableau ci-après présente quelques exemples de travaux qui peuvent être ou non considérés comme des travaux d'urgence.

Exemples de travaux sur les cours d'eau
présentant ou non un caractère d'urgence

Source : site internet de la préfecture de Moselle

Les rapporteurs comprennent les raisons de cette distinction, qui tiennent à la nécessité de protéger les milieux aquatiques - reposant sur des équilibres complexes et fragiles - contre des interventions humaines qui pourraient s'avérer néfastes.

Toutefois, ils sont sensibles à l'incompréhension exprimée par de nombreux élus locaux touchés par les inondations, qui ont été amenés à réaliser des travaux d'urgence provisoires et coûteux en ressources humaines, administratives, techniques et financières en plein coeur de la crise, et qui doivent désormais reprendre à zéro leurs ouvrages pour reconstruire de manière permanente. Ces ouvrages temporaires sont en outre peu résistants en cas de survenance d'une nouvelle inondation dans les semaines ou mois qui suivent.

Face à cette situation, des élus des Alpes-de-Haute-Provence ont appelé de leurs voeux la définition d'un cadre administratif permettant, lorsque cela est possible, une reconstruction rapide qui ne constitue pas pour autant « une simple rustine » temporaire, mais qui s'inscrive dans une logique de résilience. Cela apparaît d'autant plus judicieux que le changement climatique va vraisemblablement conduire à une augmentation en fréquence et en intensité des inondations, qui justifie une intervention rapide et efficace dans la reconstruction.

Sensibles à ces enjeux, les rapporteurs préconisent de permettre une instruction accélérée des demandes de travaux de réparation structurants sur les cours d'eau après la survenance d'une inondation importante, qui permette une reconstruction durable dans des délais maîtrisés. Ce dispositif suivrait le même principe que la procédure accélérée d'intervention dans les cours d'eau dont l'instauration est proposée par la recommandation n° 1 du présent rapport d'information. De la même manière, cette mesure permettrait aux collectivités territoriales de bénéficier d'assouplissements de procédure ou de délais encadrés dans la réalisation des démarches administratives préalables (enquête publiques, évaluation environnementale et, le cas échéant, autorisation environnementale). Comme dans la recommandation n° 1, cette procédure accélérée serait déclenchée sur décision du préfet (après saisine par une collectivité), qui devrait se prononcer sur son opportunité dans un délai limité et déterminé par voie réglementaire.

Le schéma ci-dessous récapitule les propositions de la mission conjointe de contrôle pour faciliter les travaux d'entretien des cours d'eau préventifs (recommandation n° 1) et les travaux de réparation (recommandation n° 17), en comparaison du droit actuel.

Recommandation n° 17 : Après une inondation, soutenir les collectivités territoriales sinistrées dans une démarche de reconstruction résiliente, à travers :

- la mise en place d'un appui financier et technique à la réalisation de travaux de réparation, notamment sur leur patrimoine immobilier, permettant de réduire les impacts d'inondations futures ;

- l'instauration d'une procédure d'instruction accélérée pour mener des travaux structurants de réparation sur les cours d'eau, adossée à la procédure proposée par la recommandation n° 1.

IV. MIEUX GÉRER L'APRÈS-INONDATION : LES PROCÉDURES D'INDEMNISATION DES CITOYENS ET LES MÉTHODES DE RECONSTRUCTION DOIVENT ÊTRE ADAPTÉES À LA RÉALITÉ DES TERRITOIRES

A. POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES INTÉRÊTS DES ASSURÉS

1. Les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 ont mis en exergue les difficultés rencontrées par les particuliers dans l'indemnisation de leur sinistre

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont pu constater à de nombreuses reprises que les habitants sinistrés, chefs d'entreprises et élus locaux regrettent que les indemnités d'assurances arrivent trop tardivement, et craignent à terme qu'ils ne puissent plus s'assurer.

En particulier, au cours des mois qui ont suivi les inondations dans le Pas-de-Calais, des critiques ont été formulées envers les compagnies d'assurance, qui ont été accusées de ne pas « jouer le jeu ». Le 2 avril 2024, lors d'une conférence de presse, le Président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a ainsi nommé huit compagnies d'assurance qui n'auraient pas proposé d'indemnisation aux sinistrés.

D'après les informations transmises aux rapporteurs, les cas visés par le Président de région concernaient treize dossiers signalés156(*), et des solutions ont été apportées aux difficultés évoquées. À la date de mai 2024, « La situation évoquée est considérée comme réglée pour la majorité des cas ou en cours de règlement avec des explications justifiées sur les délais pour les autres cas. »157(*) Plus généralement, à la date du 15 avril dernier, France Assureurs estime que 466 dossiers assurantiels sont parvenus à la fédération, et plus de 80 % sont considérés comme réglés.

Il n'en reste pas moins manifeste que l'assurance demeure un point de tension dans la gestion de l'après-crise, et il n'est pas exagéré de dire que les compagnies d'assurance font face à une crise de confiance. Les rapporteurs ont donc souhaité, au cours de leurs travaux, faire le point sur l'indemnisation des inondations, l'expertise, et le risque de non-assurance.

En France, l'assurance des inondations est prise en charge dans le cadre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (régime CatNat). Ce régime « public-privé » est un pilier de la solidarité nationale face aux catastrophes naturelles, et depuis sa création en 1982, ce régime d'assurance « public-privé » a fait ses preuves. Le taux de couverture des risques naturels est élevé (supérieur à 97 % en France métropolitaine), et la garantie illimitée de l'État n'a été mobilisée qu'une seule fois, en 2000 sur l'exercice 1999, en raison des tempêtes Lothar et Martin. Une réflexion est d'ailleurs actuellement en cours en Allemagne pour mettre en place une garantie obligatoire, sur le modèle de ce qui existe en France.158(*)

Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles,
dit « régime CatNat »

Lorsque l'état de catastrophe naturelle a été déclaré par arrêté, les assureurs sont tenus d'assurer les victimes, au titre de la « garantie CatNat » obligatoire dans tout contrat garantissant les dommages aux biens, et en particulier dans l'assurance multirisque habitation (MRH). La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doit être demandé par la commune, dans un délai de 24 mois après l'événement.

Dans le même temps, les assurances peuvent souscrire à une offre de réassurance de la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui est une société anonyme intégralement détenue par l'État, et qui bénéficie d'une garantie illimitée de sa part. Le schéma de réassurance proposé par la CCR se compose d'une couverture proportionnelle en quote part de 50 % et d'une couverture non proportionnelle sur rétention.

Ces deux versants, une couverture obligatoire par les assureurs privés et une possibilité de réassurance garantie par l'État, constitue le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit « régime CatNat ».

Le régime est financé par une cotisation additionnelle assise sur la prime des contrats d'assurance, la « surprime CatNat », dont le taux passera de 12 % à 20 % au 1er janvier 2025.

Le régime CatNat n'a vocation qu'à couvrir des risques naturels « inassurables » par le seul secteur privé. Il intègre notamment les inondations, les séismes, les cyclones (outre-mer) ainsi que le risque retrait gonflement des argiles (RGA). En revanche, il n'inclut pas les risques incendies, tempêtes, grêle et neige, car ils sont déjà couverts par des contrats d'assurance ordinaires.

Source : mission conjointe de contrôle

Historiquement, les inondations « submersions marines incluses » sont le principal risque pris en charge par le régime CatNat. Sur la période 1982-2022, les inondations représentent 50 % de la sinistralité, la sécheresse 42 %, et les autres périls 8 % (ce qui inclut les vents cycloniques et séismes).

Sur la période récente, les inondations ont perdu leur « première place », au profit du risque retrait-gonflement des argiles. Ainsi, sur 2013-2022, la sécheresse arrive en première position avec 52 % de la sinistralité, les inondations 32 % et les autres périls 16 %. Lorsque l'on considère les sinistres par tranche de coût, les inondations sont représentées pour une grande majorité par des sinistres d'un montant inférieur à 5 000 euros.

Répartition des sinistres par tranche de coût au sein
du régime CatNat sur la période 2010-2022 

(en %)

Source : mission conjointe de contrôle, d'après les données
de la Caisse centrale de réassurance

La sinistralité inondations est donc caractérisée par des dossiers aux montants relativement peu élevés en moyenne, mais dont le nombre est très élevés. Toutefois, contrairement au risque sécheresse, la reconnaissance d'état de catastrophe naturelle pour les communes sinistrées fait l'objet de peu de contestations. Le taux de réponse favorable aux demandes de reconnaissance d'état de catastrophe naturelle dans les Hauts-de-France à la suite des inondations de fin 2023 et début 2024 était ainsi de 99,6 %.

Le régime CatNat ne permet cependant pas, en tant que tel, de répondre à toutes les problématiques assurantielles. La couverture des risques reste en définitive assurée par le secteur privé. Or, malgré la garantie d'une réassurance publique par la CCR, le secteur des catastrophes naturelles n'est pas toujours compétitif pour les compagnies d'assurances, qui peuvent privilégier se positionner sur des secteurs plus rentables. Le risque existe donc d'un désengagement à terme des compagnies d'assurance de la prise en charge des inondations, comme c'est le cas en outre-mer159(*).

En outre, le montant de l'indemnisation reste déterminé par les compagnies d'assurance, à partir des expertises menées. Même si l'état de catastrophe naturelle est reconnu sur le territoire d'une commune, il n'est pas garanti que l'expertise considère que les dommages soient liés à l'événement. Il faut néanmoins relever que cette problématique se pose surtout pour le phénomène de retrait-gonflement des argiles, et moins pour les inondations et submersions marines, pour lesquelles le lien de causalité est plus simple à établir.

Les assureurs, en accord avec la Caisse centrale de réassurance, ont annoncé le 8 janvier 2024 plusieurs mesures exceptionnelles en faveur des personnes doublement sinistrées à la suite des inondations de novembre 2023 et de janvier 2024 :

- tout mettre en oeuvre pour faciliter les démarches des assurés répondre le plus rapidement à leurs besoins ;

- simplifier les procédures d'expertise pour les sinistrés ayant subi à la suite le même type de dommage ;

- ne pas faire supporter aux sinistrés deux fois la franchise prévue dans le cadre du régime CatNat. Le ministre de l'économie et des finances avait également annoncé qu'« Il ne serait évidemment pas acceptable qu'un habitant inondé deux fois en deux mois, et qui n'aurait même pas pu bénéficier du lancement de travaux de rénovation, se voit doubler sa franchise. J'ai donc fait le point avec les assureurs. [...] [Ils] s'engagent à ce qu'il n'y ait pas de franchise demandée deux fois aux particuliers »160(*).

Pour formuler cette demande, le ministre s'était d'ailleurs appuyé sur un « guide d'indemnisation » des assureurs, qui n'a en lui-même pas de valeur légale. Cette situation est fragile juridiquement, et pour cette raison, le sénateur Christine Lavarde avait recommandé dans son rapport sur le régime CatNat d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la franchise ne devrait pas être payée par les personnes ayant subi deux fois le même sinistre sur une période courte. Cette recommandation se retrouve dans la proposition de loi qu'elle a déposée le 21 mai 2024161(*).

Niveau de la franchise par type de bien pour le risque inondations

Type de bien

Niveau de la franchise

Référence (code des assurances)

Bien à usage d'habitation

380 euros

A. 125-6

Véhicule terrestre à moteur (VTM)

380 euros

A. 125-6-1

Bien à usage professionnel autre que VTM

10 % du montant des dommages matériels directs avec franchise plancher de 1 140 euros. Franchise plafond de 10 000 euros pour les entreprises dont la surface est inférieure à 300 m2, réduction possible en cas de mesures de prévention pour les autres.

A. 125-6-2 et A. 125-6-3

Autres biens (dont ceux des collectivités et de leurs groupements)

Valeur la plus élevée entre :

- 10 % du montant des dommages matériels directs (avec franchise plancher de 1 140 euros) ;

- le montant de la franchise le plus élevé figurant au contrat pour les garanties couvrant les biens ;

- le montant déterminé par arrêté selon la nature du phénomène.

A. 125-6-4

Perte d'exploitation

Franchise plancher de 1 140 euros

A. 125-6-5

Source : mission conjointe de contrôle, d'après le code des assurances

En tout état de cause, ces engagements n'ont pas suffi à lever toutes les controverses sur l'indemnisation des sinistrés. En particulier, l'application effective de l'engagement de ne pas faire payer de double franchise a été mise en doute. Interrogée à ce sujet, la direction générale du Trésor a indiqué aux rapporteurs que l'engagement a bien été pris, mais que le champ de l'exonération de la double-franchise a parfois fait l'objet de confusions :

- les bâtiments qui ont été reconstruits entre temps ne sont pas couverts par cet engagement ;

- il ne couvre pas non plus le cas où des franchises différentes s'appliquent simultanément lorsque plusieurs catégories de biens (automobile et habitation par exemple) sont touchées.

En outre, France Assureurs relève qu'« il se peut que certains assureurs aient indiqué qu'il y aurait une double franchise les premiers jours de janvier, avant l'annonce de ces mesures exceptionnelles »162(*).

Il apparaît que ces difficultés ont été réglées depuis, mais celles-ci illustrent une nouvelle fois les fragilités du système indemnitaire actuel. Le régime CatNat ne peut reposer en définitive que sur la confiance entre les assurés et les compagnies d'assurance. Si cette confiance n'existe plus, alors les engagements pris par les assureurs risques d'être inaudibles.

Il convient donc de garantir qu'il y ait un véritable équilibre entre l'assureur et l'assuré. Or, cet équilibre n'est aujourd'hui pas satisfaisant en ce qui concerne le risque inondations. Les sinistrés se sentent encore trop souvent démunis face à la durée excessive des expertises, et sont parfois exposés à l'incapacité de renégocier leurs contrats d'assurance, par crainte de perdre leur couverture assurantielle.

2. Le rapport entre les assurés et les assureurs doit être rééquilibré
a) Il est nécessaire de travailler à la réduction des délais d'expertise en assurantiel

Pour les risques inondations et submersions marines, les critiques relatives à la procédure indemnitaire portent principalement sur le délai d'indemnisation, plus encore que sur la reconnaissance du sinistre ou le montant de l'indemnité. Le processus indemnitaire peut en effet prendre des mois, voire des années pour les cas les plus complexes, alors que les personnes sinistrées ont un besoin urgent de toucher ces fonds. Il arrive également que les personnes perçoivent une première indemnité, mais d'un montant très faible par rapport aux besoins, et que le restant de l'indemnité ne soit versé que très tardivement, après la fin de l'ensemble du processus d'expertise.

Le problème ne doit pas être sous-estimé. Cette situation peut plonger les personnes dans une détresse profonde, et l'image des compagnies d'assurance en pâtit nécessairement.

L'article 6 de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, dite « loi Baudu », prévoit déjà que dès lors que l'assuré accepte une proposition, la compagnie d'assurance doit verser l'indemnité dans un délai de 21 jours. La longueur des délais d'indemnisation s'explique donc surtout par la durée des expertises d'assurance.

Des critiques sur la longueur des expertises sont très souvent revenues. Lors de leurs déplacements dans le Pas-de-Calais comme dans les Alpes du Sud, les rapporteurs ont directement constaté que des personnes sinistrées, en particulier des professionnels, sont encore dans l'attente du versement de leur indemnité. La durée des expertises peut contribuer à entretenir la perte de confiance envers les compagnies d'assurance. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait ainsi déclaré le 20 novembre 2023, à la suite des premières inondations dans le Pas-de-Calais : « Il faut que les experts viennent rapidement et qu'ils ne pinaillent pas, avec une avance, pas une aumône ! »163(*).

En ce qui concerne les inondations, le retard provient rarement de la contestation des expertises. Les témoignages reçus par les rapporteurs en audition et en déplacement remettaient rarement en cause la probité des experts d'assurance. La direction générale du Trésor confirme ainsi que « L'expertise d'assurance en matière d'inondation ne constitue pas, à notre connaissance, un enjeu de contentieux majeur (par comparaison à d'autres aléas), principalement parce que la détermination de la corrélation entre les dommages et l'évènement est relativement simple à établir dans une majorité de situations. »164(*) De même, la Caisse centrale de réassurance a indiqué que : « Les retours de certaines mutuelles semblent indiquer que le nombre de cas problématiques est très limité. »165(*)

La problématique de l'indépendance des experts n'est donc pas aussi prégnante pour les inondations que pour le risque retrait-gonflement des argiles. En outre, une partie des litiges peuvent désormais être réglés en amont par le médiateur des assurances, que les collectivités territoriales ont la possibilité de saisir depuis l'année dernière. Il faut néanmoins nuancer ce constat, en rappelant que les montants des sinistres dus aux inondations sont en moyenne bien inférieurs à ceux de la sécheresse. Les personnes sinistrées peuvent donc être découragées de demander une contre-expertise : ce qu'ils pourraient gagner financièrement n'est pas suffisant au regard des inconvénients générés par un allongement des délais.

Les représentants des experts (Fédération des sociétés d'expertise), conscients par ailleurs de la situation, ont formulé plusieurs propositions pour revaloriser la profession et renforcer les garanties d'indépendance, comme l'interdiction des liens capitalistiques entre la société d'experts et l'assureur ou de la rémunération en fonction du résultat.

En réalité, la très forte mobilisation des experts lors des événements exceptionnels explique ces délais. En audition, la direction générale du Trésor a affirmé que durant les périodes de crise, « on se retrouve avec des situations où il n'y a pas assez d'experts. » À ce titre, les représentants des experts soutiennent également la reconnaissance du parcours de formation, qui serait sanctionné par un « label » à destination des experts. Une reconnaissance officielle de la formation des experts en assurance « CatNat » pourrait en effet dynamiser la filière de recrutement.

Une autre voie pour réduire les délais d'expertises est d'encadrer le contenu du rapport technique, afin de normaliser les pratiques et de favoriser la confiance des assurés. Un décret sur le sujet était en préparation pour le retrait-gonflement des argiles166(*), et il serait opportun de mener une réflexion similaire pour le risque inondations. Dans le même temps, il convient de rester vigilant à ce que ce nouvel encadrement ne conduise pas, au contraire, à un allongement de la procédure. Ce sujet devra donc être travaillé en étroite collaboration avec les représentants des sociétés d'expertise ainsi que les associations de personnes sinistrées.

b) La compétence du Bureau central de tarification doit être élargie à la renégociation des contrats d'assurance

Au-delà de la question de l'indemnisation, les personnes sinistrées expriment souvent la crainte de ne plus, à terme, parvenir à s'assurer. Cette inquiétude peut étonner, alors que le régime CatNat prévoit normalement une garantie obligatoire, mais il faut rappeler que, bien que les compagnies d'assurance ne puissent pas refuser d'assurer les catastrophes naturelles dans le cadre d'un contrat multirisque habitation (MRH), elles peuvent refuser d'assurer le bien dans son ensemble.

Pour éviter que le refus d'assurance devienne une manière de contourner le régime CatNat, des garde-fous ont été mis en place. Ainsi, si le refus est motivé par l'exposition au risque de catastrophe naturelle, la personne qui s'est vue opposer le refus peut saisir le Bureau central de tarification (BCT), qui peut alors imposer à la compagnie d'assurance la souscription du contrat demandé.

Le Bureau central de tarification

Le bureau central de tarification (BCT) est une autorité administrative créée par
la loi n° 58 208 du 27 février 1958, qui est chargée de faire respecter les diverses obligations d'assurance.

Lorsqu'un assuré s'est vu refuser par une entreprise d'assurance la souscription d'un des contrats qui ouvrent droit à la garantie « CatNat » en raison de l'importance du risque de catastrophes naturelles auquel il est soumis, il peut saisir le BCT, qui impose alors à l'entreprise d'assurance concernée la souscription du contrat demandé.

Toutefois, lorsque le risque présente une importance ou des caractéristiques particulières, le bureau central de tarification peut demander à l'assuré de lui présenter, dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres assureurs afin de répartir le risque entre eux.

Source : mission conjointe de contrôle, à partir du code des assurances

À l'heure actuelle, le Bureau central de tarification est toutefois très peu saisi en ce qui concerne les catastrophes naturelles. En 2023, alors que 127 saisines ont eu lieu en matière d'assurance habitation, seules 3 ont concerné sa compétence relative aux catastrophes naturelles, dont 2 sur le risque « inondations ». Cette tendance est relativement stable : depuis 1995, la section « catastrophes naturelles » du BCT a pris en moyenne 4,6 décisions par an.

Évolution du nombre de décisions du BCT sur le risque « CatNat »
entre 2013 et 2023

Source : mission conjointe de contrôle

Ces chiffres tendent à montrer que la problématique du refus d'assurance en raison de l'exposition aux inondations n'est pas majeure, du moins en France métropolitaine, ce que confirme la Caisse centrale de réassurance : « Jusqu'à présent, nous n'avons pas observé de problèmes de non-assurance ou de refus d'assurance en métropole. »167(*)

Cependant, il peut être difficile pour le requérant de présenter une preuve que le refus d'assurance est justifié par le risque d'exposition aux catastrophes naturelles, la compagnie d'assurance pouvant ne pas donner cette motivation de manière explicite. Une partie de la forte progression des saisines du BCT « habitation » pourrait ainsi provenir, de manière déguisée, de l'exposition aux catastrophes naturelles. En effet, le nombre de saisines du BCT « habitation » a connu une hausse constante depuis 2018,
passant de 34 à 127 en 2023.

Toujours est-il que, même s'il n'est pas encore présent, le risque de voir progresser la non-assurance en raison des inondations est bien réel168(*). Or, la diminution de la couverture assurantielle serait dramatique : en Allemagne, moins de la moitié des ménages sont assurés contre les risques naturels, ce qui a conduit à de nombreux refus d'indemnisation à la suite des inondations de juillet 2021.

Pour cette raison, le sénateur Christine Lavarde, dans son rapport sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, a préconisé la mise en place d'une présomption de refus pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles dans les zones qui présentent le plus de risques. Cette disposition figure à l'article 3 de la proposition de loi qu'elle a déposée le 21 mai 2024.

L'administration reconnaît par ailleurs que le risque est réel, et que des réflexions sont actuellement en cours à ce sujet : « La problématique du désengagement d'assureurs de certaines zones très exposées est identifiée par les pouvoirs publics et fait l'objet de travaux en cours suite à la présentation, en avril 2024, aux ministres Bruno Le Maire et Christophe Béchu d'un rapport sur l'assurabilité des risques climatiques. »169(*)

Les données disponibles à ce sujet sont cependant lacunaires. La direction générale du Trésor a ainsi affirmé devant les rapporteurs qu'elle disposait de peu d'informations directes sur le marché de l'assurance des catastrophes naturelles : « Il n'existe pas à ce jour de suivi dynamique de l'offre assurantielle par zones, ces données étant collectées via des enquêtes de France Assureurs ou par sondages INSEE (notamment les enquêtes budget des ménages, réalisées en moyenne tous les six ans). »170(*)

Par conséquent, la Caisse centrale de réassurance préconise la mise en place d'un « taux de pénétration de l'assurance »171(*), et la direction générale du Trésor a indiqué que des réflexions étaient en cours sur la mise en place d'un « observatoire de l'assurance des risques climatiques » afin de renforcer la connaissance et le suivi de la couverture assurantielle des catastrophes naturelles en France.

À ce titre, se focaliser uniquement sur le problème de la non-assurance peut conduire à masquer un problème proche, mais distinct, qui est l'impossibilité pour les personnes ayant subi un sinistre de renégocier leur contrat. En effet, les rapporteurs ont reçu, notamment au cours de leurs déplacements, les témoignages de personnes sinistrées qui étaient bel et bien assurées, mais qui ne parvenaient pas à renégocier leurs contrats d'assurance, ou qui craignaient de le faire.

La réalisation du sinistre les a placés dans une position délicate vis-à-vis de leur assureur : ces personnes savent qu'au regard de leur exposition aux risques, il serait difficile pour elles de retrouver un nouveau contrat d'assurance s'ils rompaient le contrat actuel. Certes, la saisine du BCT est une option, mais le temps que la procédure aboutisse, les assurés risqueraient de se trouver sans contrat d'assurance, et donc potentiellement en grande difficulté. Ils préfèrent donc maintenir le contrat dans les conditions actuelles, même si ses clauses se révélaient particulièrement désavantageuses pour eux.

Dans de nombreux cas, la renégociation des contrats d'assurance existants est aussi cruciale que la conclusion de nouveaux contrats. Elle permet d'adapter la couverture assurantielle au plus près des besoins des assurés. L'impossibilité, dans la pratique, de les renégocier révèle un véritable dysfonctionnement du marché de l'assurance face aux catastrophes naturelles, qui est moins visible que la non-assurance, mais qui doit être traité avec le même sérieux et avec le même impératif d'urgence.

Il serait dès lors pertinent d'étendre la compétence du Bureau central de tarification à la renégociation des contrats d'assurance. Il pourrait constater si un contrat existant est manifestement déséquilibré, et il pourrait imposer la signature d'un nouveau contrat, en laissant plus ou moins de marges de négociation selon les situations.

La compétence du BCT serait donc proche de celle qu'elle a actuellement. La principale différence est qu'il ne serait pas nécessaire pour la personne saisissant l'autorité de rompre le contrat au préalable. Cette souplesse nouvelle dans la procédure n'est pas un détail. Elle permettrait à l'assuré qui estime que son contrat n'est plus adapté de le rééquilibrer sans crainte de plus être assuré.

Un risque possible est que le BCT soit saisi pour chaque renégociation de contrat, alors que son rôle devrait être limité aux situations les plus graves. Le faible nombre de saisines pour les catastrophes naturelles rend toutefois cette hypothèse improbable. De plus, si le nombre de demandes adressé au BCT devait très fortement augmenter, il serait alors envisageable d'instaurer une obligation de saisine préalable du médiateur de l'assurance, de sorte à favoriser le règlement des dossiers à l'amiable. En tout état de cause, une telle disposition permettrait de tendre davantage à un équilibre dans les relations entre les assurés et les compagnies d'assurance.

Recommandation n° 18 : Étendre la compétence du Bureau central de tarification à la renégociation des contrats d'assurance.

B. MIEUX RECONSTRUIRE APRÈS UNE INONDATION, UN IMPÉRATIF POUR SE PRÉPARER AUX FUTURS ÉVÈNEMENTS

1. Favoriser l'utilisation de la prime d'assurance pour mieux reconstruire après un sinistre

Au cours de la mission, les rapporteurs ont reçu plusieurs témoignages selon lesquels des personnes sinistrées ont été contraintes d'opérer des reconstructions à l'identique, alors même que le bien endommagé aurait pu être amélioré, non seulement au niveau de la prévention des risques naturels, mais également de l'efficacité énergétique.

En réalité, aucun principe général d'obligation de reconstruction à l'identique n'existe en droit. Au contraire, le principe est celui de la libre utilisation par l'assuré de la somme versée par l'assureur172(*). En revanche, la combinaison de plusieurs dispositions du code des assurances conduit, dans la pratique, à privilégier les reconstructions à l'identique.

La première est la règle énoncée à l'article L. 121-1 du code des assurances, selon laquelle l'indemnité versée par l'assureur doit être au plus égale à la valeur du bien au moment du sinistre : « L'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. » Ce principe indemnitaire vise à éviter l'enrichissement sans cause, et par-là l'aléa moral. Une indemnisation supérieure à la valeur du bien pourrait en effet conduire à des destructions volontaires.

Cependant, l'assuré demeure libre d'employer l'indemnité à la destination qu'il souhaite, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

L'article L. 121-17 du code des assurances énonce l'une de ces exceptions, qui est : « les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement dudit immeubleToute clause contraire dans les contrats d'assurance est nulle d'ordre public. »173(*)

Le champ de ce que recoupe la « remise en état effective » de l'immeuble n'est pas détaillé dans le code des assurances, mais il a été précisé par la jurisprudence. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 18 avril 2019174(*), indique que l'obligation d'affectation des indemnités d'assurance est limitée aux sommes nécessaires pour la réalisation des mesures de remises en état prescrites par arrêté communal. L'assuré n'est donc pas obligé de reconstruire à l'identique, et il peut user du reste de son indemnité comme il le souhaite.

Toutefois, la reconstruction à l'identique est malgré tout une option souvent privilégiée dans la pratique, notamment en raison du flou qui entoure les règles applicables. Des motifs financiers - l'impossibilité pour les personnes d'apporter des financements complémentaires en plus de l'indemnité d'assurance - expliquent également ce choix.

Dans le cas de bâtiments ayant subi des dommages importants, la reconstruction à l'identique peut également être la solution la plus simple juridiquement. En effet, l'article L. 111-15 du code l'urbanisme prévoit que la reconstruction à l'identique est un droit en cas de destruction, dans un délai de 10 ans175(*). Une reconstruction « non identique » est possible, mais dans ce cas la demande doit être instruite selon les règles d'urbanisme applicables. C'est l'une des raisons pour lesquelles, selon la DGPR : « De manière générale, les retours d'expérience mettent aussi en exergue la difficulté qu'il y a, dans le cadre législatif et réglementaire actuel, à mieux reconstruire après une catastrophe naturelle, c'est-à-dire à ne pas reconstruire à l'identique. »176(*)

Face à ce constat, une première possibilité serait de rendre obligatoire l'usage de l'indemnité d'assurance à la réalisation de travaux de prévention de risques. Cette recommandation fait cependant face à des difficultés sérieuses. Dans le cas où les travaux d'adaptation seraient supérieurs à la valeur du bien, l'indemnité d'assurance ne serait pas suffisante pour les financer. De plus, une restriction aussi forte au libre usage de l'indemnité pour les personnes sinistrées n'est pas souhaitable.

Il serait dès lors envisageable d'introduire une exception au principe selon lequel l'indemnité versée par l'assureur doit être au plus égale à la valeur du bien au moment du sinistre (article L. 121-1 du code des assurances) pour autoriser le versement d'une indemnité supérieure qui serait entièrement fléchée aux travaux d'adaptation. Cette solution serait particulièrement avantageuse aux sinistrés, mais elle se heurte également à des limites.

Premièrement, le contrôle de l'affectation de l'indemnité est délicat, et il serait nécessaire de définir une liste de travaux susceptibles de relever du champ indemnitaire. Surtout, elle ne règle pas le problème de l'aléa moral. Un financement sans condition des travaux d'adaptation par l'indemnité d'assurance pourrait conduire à des négligences au moment de l'achat ou dans la réalisation des travaux de prévention antérieurement au sinistre.

Une autre solution consisterait à encourager l'usage de l'indemnité d'assurance en conjonction avec des subventions publiques ou des avantages fiscaux, afin d'éviter de reconstruire à l'identique, mais au contraire de renforcer la résilience du bien. Des mécanismes de subvention à la suite d'un sinistre sont déjà en cours d'expérimentation via le dispositif « Mieux reconstruire après inondation », qui sera discuté infra.

L'information et l'accompagnement de la personne sinistrée jouent donc un rôle majeur. Rappeler aux personnes qu'ils n'ont pas l'obligation de reconstruire à l'identique est un préalable nécessaire mais pas suffisant. Il convient également de leur présenter les formes de reconstructions possibles. Il s'agit de l'un des objets de l'expérimentation MIRAPI, mais c'est également une tâche dont peuvent s'acquitter les experts. Ainsi la Fédération des sociétés d'expertise souligne que le rôle des experts en assurance pourrait être étendu au conseil en matière de reconstruction. Une telle initiative permettrait en effet de mieux articuler l'indemnisation dans le cadre de l'assurance, la prévention des risques et la reconstruction à la suite d'un sinistre.

Recommandation n° 19 : favoriser une utilisation des indemnités d'assurance pour une reconstruction de meilleure qualité après les inondations.

2. Expérimentation « Mieux reconstruire après inondations » : un dispositif à généraliser et pérenniser

La période postérieure aux inondations apparaît particulièrement propice pour renforcer la prévention des inondations futures. Ainsi, selon la DGPR, au 15 mai 2024, 37 opérations de prévention accélérées à la suite des inondations des derniers mois ont été financées dans le seul département du Pas-de-Calais par le fonds Barnier à hauteur de 11 millions d'euros.

Les collectivités territoriales font cependant face, durant cette période du lendemain de crise, à un double objectif qui peut s'apparenter à un dilemme : rétablir dans les meilleurs délais une situation aussi normale que possible tout en tirant les enseignements nécessaires de la catastrophe de manière à réduire les conséquences des inondations futures. Les retours d'expérience mettent ainsi en exergue la difficulté à mieux reconstruire après une catastrophe naturelle, c'est-à-dire à ne pas reconstruire à l'identique.

À titre d'exemple, une personne sinistrée du Pas-de-Calais a alerté les rapporteurs sur les modalités de reconstruction de son compteur d'électricité : endommagé durant les inondations de novembre 2023, le compteur a ensuite été reconstruit à l'identique, c'est-à-dire à la même hauteur, malgré une demande de relèvement de la personne sinistrée. Logiquement, le compteur a de nouveau été rendu hors d'usage par les inondations de janvier 2024.

Conçue à la suite des crues causées par la tempête Alex de 2010, l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » (Mirapi) a été créée par l'article 224 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Elle vise à éviter ces situations en incitant les propriétaires sinistrés à mettre à profit le temps des travaux de réparation après une inondation pour réduire aussi la vulnérabilité de leur habitation.

En complément des indemnités d'assurance, l'expérimentation apporte ainsi un soutien financier, via le fonds Barnier, pour financer des travaux de réduction de la vulnérabilité en les mutualisant avec les travaux de remise en état. Concrètement, des diagnostics de vulnérabilité sont effectués dans les habitations sinistrées, à la suite desquels les travaux de réduction de la vulnérabilité sont cofinancés par l'État, à hauteur de 80 % du montant des travaux, déduction faite des indemnités d'assurance, dans une limite de 36000 euros par bien. Ce dispositif permet également de financer des travaux de réduction de vulnérabilité non éligibles aux dispositifs de droit commun177(*).

L'expérimentation, pilotée par la DGPR, a été déployée dans les Alpes-Maritimes en 2021, à la suite de la tempête Alex et dans les Landes, à la suite de crues lentes répétées dans le bassin de l'Adour en 2020 et en 2021.

Initialement prévue pour trois ans, l'expérimentation a été prolongée pour 2 ans supplémentaires par l'article 228 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, jusqu'au 26 septembre 2026.

À la suite de ces expérimentations, un bilan à mi-parcours a été effectué par le Gouvernement en mars 2024178(*), qui a mis en lumière les limites du dispositif : seuls 3 biens sinistrés dans les Alpes-Maritimes et 146 biens sinistrés dans les Landes ont bénéficié de l'expérimentation, en raison d'un reste à charge élevé (soutien financier insuffisant) et d'une avance de l'État trop faible.

Un arrêté du 31 janvier 2024179(*) applique le dispositif expérimental aux communes des départements du Nord et du Pas-de-Calais touchées par les inondations. Pour tenir compte du profil socioéconomique du territoire et des retours d'expériences de l'inondation, le taux de financement des travaux de réduction de vulnérabilité a été porté à 90 % pour les ménages modestes avec une avance de 60 % du montant de la subvention. Par ailleurs, un financement spécifique et différencié a également été prévu pour les dispositifs individuels de protection contre les inondations (batardeaux, clapets de non-refoulement).

Une extension du dispositif à d'autres départements concernés par les inondations de 2023 et 2024 pourrait être envisagée. En particulier, l'expérimentation pourrait opportunément être étendue à des communes de montagne, confrontées à des profils d'inondations différents du Nord et du Pas-de-Calais, alors que le bilan de mi-parcours témoigne de difficultés à adapter l'expérimentation aux habitations touchées par des phénomènes de crues torrentielles. En effet, les dégâts causés par les crues torrentielles nécessitent des expertises spécifiques, allant au-delà d'un diagnostic de vulnérabilité standard.

Recommandation n° 20 : Tirer avantage des travaux de remise en état des habitations sinistrées pour réduire la vulnérabilité du bâti, à travers :

- l'extension de l'expérimentation « Mirapi » à des communes de montagne en état de catastrophe naturelle du fait d'inondations en 2023 et au début de l'année 2024 ;

- la remise au Parlement d'un second rapport d'évaluation de l'expérimentation, après son application aux dernières inondations, qui apprécierait notamment l'effet de la hausse du taux de cofinancement des travaux de réduction de vulnérabilité ;

- la pérennisation et la généralisation du dispositif, au terme de l'expérimentation en 2026.

TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

Mieux prévenir les inondations : pour une politique publique solidaire, efficace et adaptée à chaque territoire

1

Améliorer et faciliter la gestion des cours d'eau pour mieux prévenir les inondations à travers :

- la clarification par les services de l'État (au profit des collectivités territoriales, mais également des acteurs agricoles et des riverains) de la distinction entre les différents régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau ;

- l'ajout explicite au régime de travaux d'urgence dans les cours d'eau des travaux d'entretien visant à remédier à une inondation grave et à minimiser les impacts de nouvelles inondations ;

- l'instauration d'une procédure d'instruction simplifiée et accélérée des demandes d'intervention préventive dans les cours d'eau qui serait à la main du maire et de l'autorité gémapienne, directement instruite par le préfet dans un délai maximal défini par voie réglementaire ;

- la mise en place, au niveau des préfectures de département, d'une cellule dédiée à l'information et l'accompagnement des autorités gémapiennes pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'actions destinées à améliorer la gestion des cours d'eau dans l'objectif de mieux prévenir les risques d'inondation

État

 

Loi, règlement (modification des articles L. 214-3 et R. 214-44 du code de l'environnement) et circulaire

2

Adapter les moyens à disposition de VNF pour contribuer à la prévention des inondations sur le territoire, en :

- lui assurant des moyens adéquats pour assurer l'entretien et la régénération de ses ouvrages hydrauliques, en tenant compte des effets du changement climatique sur les risques d'inondation et, en conséquence, sur l'état du réseau à long terme ;

- dotant l'établissement de moyens humains et financiers dédies et inscrits dans le COP pour appuyer les collectivités dans leurs missions de protection des populations face aux inondations.

État, VNF

 

Contrat d'objectifs et de performance de VNF

3

Assurer le bon état des digues et mettre en place un modèle de financement plus juste de la Gemapi, à travers :

- le lancement d'un programme d'ingénierie à destination des EPCI porté par le Cerema centré sur la prévention des inondations, sur le modèle du « Programme national ponts » (état des lieux des systèmes d'endiguement, évaluation des besoins puis éventuellement soutien financier à la réparation, création et rehaussement d'ouvrages pour l'adaptation au changement climatique) ;

- l'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l'échelle des bassins versants, dont les financements seraient attribués aux EPCI bénéficiaires en fonction de critères objectifs (potentiel fiscal, mètre linéaire de digues, montant des travaux inscrits au PAPI)

État

 

Loi

4

Soutenir les collectivités territoriales dans l'élaboration de stratégies de prévention des inondations adaptées à leur territoire, à travers :

- un renforcement des moyens dédiés à l'accompagnement des collectivités territoriales, notamment par le Cerema, dans la modélisation des aléas inondation et l'élaboration de stratégies de prévention adaptées ;

- une clarification locale, sous l'égide des préfets, de la répartition des responsabilités en matière de gestion du risque d'inondation par ruissellement

État, collectivités territoriales, Cerema

 

Loi, Règlement, Contrat d'objectif et de performance du Cerema et réunions de concertation

5

Accélérer et simplifier l'élaboration et la mise en oeuvre des PAPI, à travers :

- la fixation par voie réglementaire de délais à respecter par l'administration pour la désignation du préfet pilote et du référent État du PAPI, l'instruction du « programme d'études préalables », l'analyse de la complétude du dossier et son examen par l'instance de bassin ;

- la mise à disposition par l'État du « référent PAPI » auprès de la collectivité porteuse du projet, pour lui fournir un accompagnement technique et réglementaire de proximité ;

- la mise en place d'un guichet unique, chargé à la fois de l'autorisation, du subventionnement et de l'accompagnement des projets inscrits au PAPI.

État, EPCI

 

Règlement

6

Mieux maîtriser l'exposition des personnes aux risques d'inondation à travers :

- l'inscription dans la feuille de route triennale 2025-2027 d'élaboration des plans de prévention des risques la prise en compte des effets climatiques sur le risque inondations dans les PPRi et les PPRL et un objectif d'approbation de l'ensemble des PPRi et des PPRL prescrits d'ici 2027 ;

- le renforcement des exigences que doit remplir l'état des risques requis dans le cadre d'une acquisition immobilière, pour permettre aux acheteurs de mieux appréhender la réalité du risque inondations auquel le bien est exposé

État

 

Règlement

7

Encourager le développement de solutions de prévention des inondations fondées sur la nature, à travers :

- l'ajout d'un huitième axe aux PAPI relatif au développement des solutions fondées sur la nature, définies en partenariat avec les agences de l'eau et après concertation avec les chambres d'agriculture ;

- l'amélioration de l'information des élus locaux sur la possibilité d'utiliser leurs droits de préemption pour créer des zones d'expansion de crues (ZEC), par une circulaire du ministre chargé des collectivités territoriales adressée aux maires et aux présidents d'EPCI

État, agences de l'eau, chambre d'agriculture, communes et EPCI

 

Règlement

8

Adapter les méthodes d'aménagement et de construction dans les zones exposées aux inondations pour réduire la vulnérabilité du bâti et mieux garantir la résilience des territoires face à ces phénomènes

Collectivités territoriales, professionnels de l'urbanisme et du bâtiment

 

Pratiques d'aménagement et de construction

9

Adapter le fonds Barnier pour favoriser les travaux de prévention individuelle face aux inondations

État

 

Règlement et circulaire

10

Poursuivre le développement d'une véritable culture du risque et de la résilience face aux inondations à travers :

- l'utilisation d'outils permettant de diffuser auprès de l'ensemble des acteurs (élus, fonctionnaires, administrés, entreprises, etc.) la connaissance des risques d'inondation passés, actuels et à venir sur leur territoire et des bons comportements à adopter face à eux ;

- la mise en place de formations à destination des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux du bloc communal en matière de prévention des risques inondation

État, collectivités territoriales

 

Bonnes pratiques et formations

Mieux gérer les inondations : renforcer les moyens des pouvoirs publics face à la crise

11

Adapter les moyens humains et financiers du Schapi et de Météo France dédiés à la prévision des inondations, afin :

- d'atteindre l'objectif d'une couverture intégrale du territoire par Vigicrues avant 2030 ;

- de mieux faire connaître le dispositif Vigicrues Flash auprès des élus locaux et particulièrement des maires ;

- et de permettre à Météo France de s'adapter à l'intensification des catastrophes naturelles, dans un contexte de dérèglement climatique

État, Schapi et Météo France

 

Contrat d'objectif et de performance, Règlement

12

Adapter la sécurité civile au dérèglement climatique, à travers :

- la conclusion d'un pacte capacitaire « inondations », qui prévoirait à terme le doublement au niveau national des capacités de pompage lourd, l'achat de pompes puissantes dans chaque zone de défense et de sécurité ainsi que le renforcement des moyens de sauvetage héliporté et de reconnaissance aérienne ;

- le déploiement des effectifs de sapeurs pompiers dans les territoires dans lesquels le dérèglement climatique augmentera fortement la fréquence et l'intensité des inondations ;

- la formation d'intervenants aux moyens spécialisés pour les interventions en matière d'inondations, placés au sein des Centres opérationnels départementaux (COD) ;

- la montée en puissance du mécanisme de protection civile de l'UE sur le risque inondations, par la création d'une réserve européenne de protection civile pour les inondations mobilisable dans les mêmes délais que pour les feux de forêt, et par le renforcement de l'interopérabilité des services de secours

État, services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), Union européenne (UE)

 

Règlement et acte législatif européen

13

Renforcer l'efficacité de la gestion de crise au niveau communal, à travers :

- l'accompagnement des communes dans l'élaboration de PCS adaptés et opérationnels. Dans chaque préfecture de département, un référent PCS serait nommé, afin d'accompagner les maires dans la rédaction du PCS et d'animer un réseau de diffusion des bonnes pratiques en matière de prévention des inondations avec les élus locaux ;

- l'équipement des communes de montagne exposées au risque inondations en moyens de communication satellitaire ;

- une concertation, dans le cadre du « Beauvau de la sécurité », sur les raisons du faible développement des réserves communales de sécurité civile

État

 

Règlement

14

Renforcer la coordination intercommunale dans la gestion de crise, en systématisant, par à un appui préfectoral, l'élaboration de PICS dans les territoires où une telle planification est adaptée, sans remettre en cause le couple maire-préfet, central dans la gestion de crise

État, EPCI

 

Règlement

15

Soutenir les collectivités territoriales dans la gestion de l'après crise à travers :

- l'instauration d'un mécanisme de solidarité entre EPCI au niveau régional permettant d'apporter un appui technique et administratif aux collectivités sinistrées, surtout en zone rurale ;

- la mise en place d'un guichet unique au niveau préfectoral pour faciliter les demandes d'aides financières pour les collectivités locales

État, EPCI

 

Règlement et circulaire

16

Instituer une avance de trésorerie à taux bonifié pour les réparations d'urgence des collectivités territoriales ayant été touchées par une inondation

État, Caisse des dépôts et consignations

 

Loi, règlement et circulaire

17

Après une inondation, soutenir les collectivités territoriales sinistrées dans une démarche de reconstruction résiliente, à travers :

- la mise en place d'un appui financier et technique à la réalisation de travaux de réparation, notamment sur leur patrimoine immobilier, permettant de réduire les impacts d'inondations futures :

- l'instauration d'une procédure d'instruction accélérée pour mener des travaux structurants de réparation sur les cours d'eau, adossée à la procédure proposée par la recommandation n° 1

État

 

Loi, règlement (modification des articles L. 214-3 et R. 214-44 du code de l'environnement), circulaire

Mieux gérer l'après inondation : les procédures d'indemnisation des citoyens et les méthodes de reconstruction doivent être adaptées à la réalité des territoires

18

Étendre la compétence du Bureau central de tarification à la renégociation des contrats d'assurance

État

 

Loi

19

Favoriser une utilisation des indemnités d'assurance pour une reconstruction de meilleure qualité après les inondations.

État

 

Loi et règlement

20

Tirer avantage des travaux de remise en état des habitations sinistrées pour réduire la vulnérabilité du bâti, à travers :

- l'extension de l'expérimentation « Mirapi » à des communes de montagne en état de catastrophe naturelle du fait d'inondations en 2023 et au début de l'année 2024 ;

- la remise au Parlement d'un nouveau rapport d'évaluation de l'expérimentation, après son application aux dernières inondations, qui apprécierait notamment l'effet de la hausse du taux de cofinancement des travaux de réduction de vulnérabilité ;

- la pérennisation et la généralisation du dispositif, au terme de l'expérimentation en 2026

État

 

Règlement et vecteur législatif (modification de l'article L. 561-3 du code de l'environnement)

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Améliorer et faciliter la gestion des cours d'eau pour mieux prévenir les inondations à travers :

- la clarification par les services de l'État (au profit des collectivités territoriales, mais également des acteurs agricoles et des riverains) de la distinction entre les différents régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d'eau ;

- l'ajout explicite au régime de travaux d'urgence dans les cours d'eau (articles L. 214-3 et R.214-44 du code de l'environnement) des travaux d'entretien visant à remédier à une inondation grave et à minimiser les impacts de nouvelles inondations ;

- l'instauration d'une procédure d'instruction simplifiée et accélérée des demandes d'intervention préventive dans les cours d'eau qui serait à la main du maire et de l'autorité gémapienne, directement instruite par le préfet dans un délai maximal défini par voie réglementaire ;

- la mise en place, au niveau des préfectures de département, d'une cellule dédiée à l'information et l'accompagnement des autorités gémapiennes pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'actions destinées à améliorer la gestion des cours d'eau dans l'objectif de mieux prévenir les risques d'inondation.

Recommandation n° 2 : Adapter les moyens à disposition de VNF pour contribuer à la prévention des inondations sur le territoire, en :

- lui assurant des moyens adéquats pour assurer l'entretien et la régénération de ses ouvrages hydrauliques, en tenant compte des effets du changement climatique sur les risques d'inondation et, en conséquence, sur l'état du réseau à long terme ;

- dotant l'établissement de moyens humains et financiers dédiés et inscrits dans le COP pour appuyer les collectivités dans leurs missions de protection des populations face aux inondations.

Recommandation n° 3 : Assurer le bon état des digues et mettre en place un modèle de financement plus juste de la Gemapi, à travers :

- le lancement d'un programme d'ingénierie à destination des EPCI porté par le Cerema et centré sur la prévention des inondations, sur le modèle du « Programme national ponts » (état des lieux des systèmes d'endiguement, évaluation des besoins puis éventuellement soutien financier à la réparation, création et rehaussement d'ouvrages pour l'adaptation au changement climatique) ;

- l'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l'échelle des bassins versants, dont les financements seraient attribués aux EPCI bénéficiaires en fonction de critères objectifs (potentiel fiscal, mètre linéaire de digues, montant des travaux inscrits au PAPI).

Recommandation n° 4 : Soutenir les collectivités territoriales dans l'élaboration de stratégies de prévention des inondations adaptées à leur territoire, à travers :

- un renforcement des moyens dédiés à l'accompagnement des collectivités territoriales, notamment par le Cerema, dans la modélisation des aléas inondation et l'élaboration de stratégies de prévention adaptées ;

- une clarification locale, sous l'égide des préfets, de la répartition des responsabilités en matière de gestion du risque d'inondation par ruissellement.

Recommandation n° 5 : Accélérer et simplifier l'élaboration et la mise en oeuvre des PAPI, à travers :

- la fixation par voie réglementaire de délais à respecter par l'administration pour la désignation du préfet pilote et du référent État du PAPI, l'instruction du « programme d'études préalables », l'analyse de la complétude du dossier et son examen par l'instance de bassin ;

- la mise à disposition par l'État du « référent PAPI » auprès de la collectivité porteuse du projet, pour lui fournir un accompagnement technique et réglementaire de proximité ;

- la mise en place d'un guichet unique, chargé à la fois de l'autorisation, du subventionnement et de l'accompagnement des projets inscrits au PAPI.

Recommandation n° 6 : Mieux maîtriser l'exposition des personnes aux risques d'inondation à travers :

- l'inscription dans la feuille de route triennale 2025-2027 d'élaboration des plans de prévention des risques la prise en compte des effets climatiques sur le risque inondations dans les PPRi et les PPRL et un objectif d'approbation de l'ensemble des PPRi et des PPRL prescrits d'ici 2027 ;

- le renforcement des exigences que doit remplir l'état des risques requis dans le cadre d'une acquisition immobilière, pour permettre aux acheteurs de mieux appréhender la réalité du risque inondations auquel le bien est exposé.

Recommandation n° 7 : Encourager le développement de solutions de prévention des inondations fondées sur la nature, à travers :

- l'ajout d'un huitième axe aux PAPI relatif au développement des solutions fondées sur la nature, définies en partenariat avec les agences de l'eau et après concertation avec les chambres d'agriculture ;

- l'amélioration de l'information des élus locaux sur la possibilité d'utiliser leurs droits de préemption pour créer des zones d'expansion de crues (ZEC), par une circulaire du ministre chargé des collectivités territoriales adressée aux maires et aux présidents d'EPCI.

Recommandation n° 8 : Adapter les méthodes d'aménagement et de construction dans les zones exposées aux inondations pour réduire la vulnérabilité du bâti et mieux garantir la résilience des territoires face à ces phénomènes.

Recommandation n° 9 : Adapter le fonds Barnier pour favoriser les travaux de prévention individuelle face aux inondations.

Recommandation n° 10 : Poursuivre le développement d'une véritable culture du risque et de la résilience face aux inondations à travers :

- l'utilisation d'outils permettant de diffuser auprès de l'ensemble des acteurs (élus, fonctionnaires, administrés, entreprises, etc.) la connaissance des risques d'inondation passés, actuels et à venir sur leur territoire et des bons comportements à adopter face à eux ;

- la mise en place de formations à destination des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux du bloc communal en matière de prévention des risques inondation.

Recommandation n° 11 : Adapter les moyens humains et financiers du Schapi et de Météo France dédiés à la prévision des inondations, afin :

- d'atteindre l'objectif d'une couverture intégrale du territoire par Vigicrues avant 2030 ;

- de mieux faire connaître le dispositif Vigicrues Flash auprès des élus locaux et particulièrement des maires ;

- et de permettre à Météo France de s'adapter à l'intensification des catastrophes naturelles, dans un contexte de dérèglement climatique.

Recommandation n° 12 : Adapter la sécurité civile au dérèglement climatique, à travers :

- la conclusion d'un pacte capacitaire « inondations », qui prévoirait à terme le doublement au niveau national des capacités de pompage lourd, l'achat de pompes puissantes dans chaque zone de défense et de sécurité ainsi que le renforcement des moyens de sauvetage héliporté et de reconnaissance aérienne ;

- le déploiement des effectifs de sapeurs pompiers dans les territoires dans lesquels le dérèglement climatique augmentera fortement la fréquence et l'intensité des inondations ;

- la formation d'intervenants aux moyens spécialisés pour les interventions en matière d'inondations, placés au sein des Centres opérationnels départementaux (COD) ;

- la montée en puissance du mécanisme de protection civile de l'UE sur le risque inondations, par la création d'une réserve européenne de protection civile pour les inondations mobilisable dans les mêmes délais que pour les feux de forêt, et par le renforcement de l'interopérabilité des services de secours.

Recommandation n° 13 : Renforcer l'efficacité de la gestion de crise au niveau communal, à travers :

- l'accompagnement des communes dans l'élaboration de PCS adaptés et opérationnels. Dans chaque préfecture de département, un référent PCS serait nommé, afin d'accompagner les maires dans la rédaction du PCS et d'animer un réseau de diffusion des bonnes pratiques en matière de prévention des inondations avec les élus locaux ;

- l'équipement des communes de montagne exposées au risque inondations en moyens de communication satellitaire ;

- une concertation, dans le cadre du « Beauvau de la sécurité », sur les raisons du faible développement des réserves communales de sécurité civile.

Recommandation n° 14 : Renforcer la coordination intercommunale dans la gestion de crise, en systématisant, par à un appui préfectoral, l'élaboration de PICS dans les territoires où une telle planification est adaptée, sans remettre en cause le couple maire - préfet, central dans la gestion de crise.

Recommandation n° 15 : Soutenir les collectivités territoriales dans la gestion de l'après crise à travers :

- l'instauration d'un mécanisme de solidarité entre EPCI permettant d'apporter un appui technique et administratif aux collectivités sinistrées, surtout en zone rurale ;

- la mise en place d'un guichet unique au niveau préfectoral pour faciliter les demandes d'aides financières pour les collectivités locales.

Recommandation n° 16 : Instituer une avance de trésorerie à taux bonifié pour les réparations d'urgence des collectivités territoriales ayant été touchées par une inondation.

Recommandation n° 17 : Après une inondation, soutenir les collectivités territoriales sinistrées dans une démarche de reconstruction résiliente, à travers :

- la mise en place d'un appui financier et technique à la réalisation de travaux de réparation, notamment sur leur patrimoine immobilier, permettant de réduire les impacts d'inondations futures :

- l'instauration d'une procédure d'instruction accélérée pour mener des travaux structurants de réparation sur les cours d'eau, adossée à la procédure proposée par la recommandation n° 1.

Recommandation n° 18 : Étendre la compétence du Bureau central de tarification à la renégociation des contrats d'assurance.

Recommandation n° 19 : favoriser une utilisation des indemnités d'assurance pour une reconstruction de meilleure qualité après les inondations.

Recommandation n° 20 : Tirer avantage des travaux de remise en état des habitations sinistrées pour réduire la vulnérabilité du bâti, à travers :

- l'extension de l'expérimentation « Mirapi » à des communes de montagne en état de catastrophe naturelle du fait d'inondations en 2023 et au début de l'année 2024 ;

- la remise au Parlement d'un nouveau rapport d'évaluation de l'expérimentation, après son application aux dernières inondations, qui apprécierait notamment l'effet de la hausse du taux de cofinancement des travaux de réduction de vulnérabilité ;

- la pérennisation et la généralisation du dispositif, au terme de l'expérimentation en 2026.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunies conjointement le mercredi 25 septembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances ont examiné le rapport de la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

Le compte rendu relatif à cette réunion sera consultable en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 6 février 2024

Météo France : M. Benoît THOMÉ, directeur des relations institutionnelles.

Mercredi 14 février 2024

Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) : Mme Laurence PUJO, directrice.

Mardi 27 février 2024

- Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) : MM. Pascal BERTEAUD, directeur général, Stéphane COUDERT, directeur du Cerema Nord-Picardie, et Yann DENIAUD, responsable du secteur d'activité risques naturels au sein de la direction risques, eau et mer et aménagements, Mme Catherine MALIGNE, directrice de cabinet.

- France Assureurs (Fédération française de l'assurance) : M. Franck LE VALLOIS, directeur général, Mme Viviana MITRACHE-RIMBAULT, directrice des affaires publiques France et M. Christophe DELCAMP, directeur des assurances de dommages et responsabilité.

- Voies navigables de France (VNF) : Mme Anne DEBAR, directrice générale par intérim, M. Olivier MATRAT, directeur territorial Nord-Pas-de-Calais par intérim et Mme Muriel MOURNETAS, chargée des relations institutionnelles.

- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) : M. Vazken ANDREASSIAN, chef de l'unité hydrosystèmes continentaux anthropisés, ressources, risques et restauration (HYCAR).

Mardi 12 mars 2024

-  Centre européen pour la prévention du risque inondation (CEPRI) : Mme Marie-France BEAUFILS, présidente et sénatrice honoraire, M. Gérard SEIMBILLE, premier vice-président, Mme Marie EVO, co-directrice.

- Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : MM. Karim BEN SLIMANE, directeur des risques et de la prévention, et Xavier DAUPLEY, directeur régional Hauts-de-France, Mme Delphine ALLIER, hydrogéologue à la direction de l'eau, des procédés et des analyses.

- Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) : M. Marc VERMEULEN, contrôleur général, membre du comité exécutif et directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde.

- Association nationale des élus de la montagne (ANEM) : Mmes Pascale BOYER, présidente, députée des Hautes-Alpes, et Marie-Annick FOURNIER, déléguée générale.

- Association nationale des élus des bassins (ANEB) : M. Bruno FOREL, Président, Mme Catherine GREMILLET, directrice.

Mardi 19 mars 2024

- Table ronde avec les agences de l'eau : Mmes Aude WITTEN, directrice générale adjointe de l'Agence de l'eau Adour-Garonne, Isabelle MATYKOWSKI, directrice générale adjointe de l'Agence de l'eau Artois-Picardie, MM. Martin GUTTON, directeur général de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, Marc HOELTZEL, directeur général de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, Nicolas CHANTEPY, directeur général adjoint de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, et Christophe POUPARD, directeur de la connaissance et de la planification de l'Agence de l'eau Seine-Normandie.

- Table ronde avec les présidents de comités de bassin : M. Paul CARRERE, président de la commission inondation du comité de bassin Adour-Garonne, président de l'institution Adour (syndicat mixte), Mme Aude WITTEN, directrice générale adjointe de l'Agence de l'eau Adour-Garonne, MM. Thierry BURLOT, président du comité de bassin Loire-Bretagne, Martial SADDIER, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée et Gérard SEIMBILLE, président du comité de bassin Seine-Normandie.

- Association des maires de France (AMF) : M. Sébastien LEROY, maire de Mandelieu-La Napoule et co-président du groupe de travail sur la gestion des risques.

- Intercommunalités de France : M. Christian LEROY, président, Mmes Oriane CÉBILE, conseillère environnement et Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

Mercredi 3 avril 2024

- Association des maires ruraux de France (AMRF) : M. Denis DURAND, membre du conseil d'administration.

- Personnalité qualifiée : M. Éric DANIEL-LACOMBE, architecte.

Mardi 16 avril 2024

- Office français de la biodiversité (OFB) : Mme Bénédicte AUGEARD, directrice adjointe recherche et action scientifique, M. Patrick BERTRAND, directeur régional Hauts-de-France, Mme Émilie LEDEIN, directrice adjointe régionale Hauts-de-France, MM. Éric HANSEN, directeur interrégional PACA-Corse, Cédric ROPARS, chef du service départemental des Bouches-du-Rhône, Philippe MOULLEC, chef du service départemental des Hautes-Alpes, et Thibault RICHARD, chargé de mission au cabinet du directeur général.

- Caisse centrale de réassurance (CCR) : MM. Edouard VIEILLEFOND, directeur général, et Nicolas BAUDUCEAU, directeur du département Fonds public et prévention, Mme Rose-Marie TUNIER, directrice de la communication et des affaires publiques.

- Union nationale des associations de lutte contre les inondations (UNALCI-France Inondations) : Mmes Josiane JANISSET, présidente, Martine DAMOIS, administratrice et secrétaire adjointe et Bénédicte QUIMPERT, administratrice.

- Association nationale des élus du littoral (ANEL) : Mme Brigitte PASSEBOSC, maire de Saint-Étienne-au-Mont, MM. David DE SMEDT, directeur général adjoint chargé des moyens stratégiques et opérationnels de la communauté d'agglomération Grand Calais Terre et Mer, Frank QUENAULT, directeur du syndicat intercommunal d'aménagement des eaux du bassin versant et étangs du littoral girondin, et Alain BLANCHARD, délégué général de l'ANEL.

Jeudi 18 avril 2024

-  Régions de France : Mme Florence BARISEAU, vice-présidente de la région Hauts-de-France, en charge de la ruralité, de la proximité, des solidarités et de la politique de l'eau.

- Santé publique France : Mmes Ami YAMADA, adjointe au directeur des régions, Élise DAUDENS-VAYSSE, chargée d'études scientifiques en santé publique au sein de la cellule régionale Haut-de-France et Lucile MIGRAINE, attachée de cabinet en alternance.

- Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT) : Mmes Anne-Marie LEVRAULT, vice-présidente, et Ghislaine VERRHIEST-LEBLANC, directrice générale.

- Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) : M. Denis THURIOT, président.

Lundi 6 mai 2024

Table ronde sur les conséquences de la tempête Alex de 2020 dans les Alpes-Maritimes : MM. Xavier PELLETIER, ancien préfet délégué à la reconstruction des vallées sinistrées dans les Alpes-Maritimes, actuellement préfet du Loir-et-Cher, Emmanuel ACCHIARDI, expert de haut niveau auprès du préfet des Alpes-Maritimes et du préfet délégué à la reconstruction des vallées sinistrées, directeur de la mission interministérielle pour la reconstruction des vallées, Sébastien OLHARAN, maire de Breil-sur-Roya, Ivan MOTTET, maire de Saint-Martin-Vésubie, Alain JARDINET, premier adjoint au maire de Saint-Martin-Vésubie, Gérard MANFREDI, maire de Roquebillière, Georges CORNIGLION, adjoint au maire de Roquebillière délégué à la sécurité, Jean-Pierre VASSALLO, maire de Tende, et Philippe OUDOT, maire de Fontan.

- Direction générale du Trésor (DGT), bureau des marchés et produits d'assurance : MM. Mayeul TALLON, chef de bureau, Jérémy LAUER-STUMM, adjoint au chef de bureau, et Mme Anaïs MATEOS, adjointe au chef de bureau.

Vendredi 10 mai 2024

- Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : Mmes Marie-Laure MÉTAYER, adjointe à la directrice de l'eau et de la biodiversité et Émilie VOUILLEMET, sous-directrice de l'urbanisme réglementaire et des paysages et M. Christophe SUCHEL, adjoint à la sous-directrice de l'aménagement durable.

- Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : Mme Véronique LEHIDEUX, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques.

- Direction générale des collectivités locales (DGCL) : M. Thomas FAUCONNIER, sous-directeur des finances locales et de l'action économique.

Mardi 4 juin 2024

- Audition de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) : MM. Julien MARION, directeur général, Yves HOCDÉ, sous-directeur de la préparation, de l'anticipation et de la gestion des crises, et François PRADON, chef d'État-major de la Sécurité civile.

- Table-ronde sur les inondations survenues en 2024 dans le Gard : MM. Franck LACOSTE, directeur des sécurités à la préfecture du Gard et Christophe PERRIN, chef du service interministériel de défense et de protection civiles (SIDPC) à la préfecture du Gard, Olivier MARTIN, maire de Gagnières et Gérard THEOTIME, maire de Dions.

- Conseil supérieur du notariat : M. Éric MEILLER, Mmes Adeline SEGUIN, Catherine BERTHOL, notaires et Camille STOCLIN-MILLE, directrice des relations institutionnelles.

Mercredi 5 juin 2024

- Table ronde sur les conséquences de la tempête Xynthia en 2010 en Vendée : MM. Gérard GAVORY, préfet de la Vendée, Laurent HUGER, maire de L'Aiguillon-la-Presqu'Ile, Arnaud CHARPENTIER, conseiller départemental de la Vendée et Pierre-Jacques CARLES, conseiller municipal délégué à l'environnement, au développement durable et au littoral à La Tranche-sur-Mer.

- Mission de parangonnage à la suite des inondations de novembre 2023 et janvier 2024 dans les Hauts-de-France : M. François DECOSTER, maire de Saint-Omer et président de la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer.

Mardi 25 juin 2024

- Table ronde sur les inondations survenues en 2023 et 2024 en Charente et en Charente-Maritime : Mme Martine CLAVEL, préfète de Charente, MM. Brice BLONDEL, préfet de Charente-Maritime, Bruno DRAPRON, maire de Saintes, Xavier AERTS, directeur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Charente-Maritime, Alain BURNET, vice-président de l'établissement public territorial de bassin (EPTB) de Charente, Baptiste SIROT, directeur de l'EPTB de Charente, Michaël CANIT, conseiller départemental de Charente, et Anthony BRUN, président de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC).

- Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) : MM. Ludovic BUTEL, secrétaire général adjoint, et Jean-Philippe DUFOUR, chef du bureau mobilités, mer et territoires, Mmes Magali MICHEL, cheffe du bureau sécurité intérieure et Constance DELER, cheffe du bureau Parlements.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Assemblée des départements de France (ADF)

- Caisse des dépôts et consignations

- Métropole de Lyon

- Rijkswaterstaat (agence du Gouvernement des Pays-Bas chargée de la planification, de la conception et de l'entretien des infrastructures majeures rattachée au ministère des Infrastructures et de la Gestion des eaux)

LISTE DES DÉPLACEMENTS

PAS-DE-CALAIS


Mardi 5 mars 2024

· Table ronde sur site avec des acteurs économiques sinistrés de la zone industrielle de la Liane (Club des entreprises du parc d'activités) en présence notamment de :

M. Patrick LEVERINO, sous-préfet de Boulogne-sur-Mer ;

M. Frédéric CUVILLIER, président de la CA du Boulonnais et maire de Boulogne-sur-Mer ;

M. Marc LEROY, directeur général de la Société d'impression du Boulonnais (SIB), imprimerie sinistrée par les inondations ;

Mme Gwénaëlle LOIRE, maire de Saint-Léonard.

· Rencontre avec des élus et sinistrés à Saint-Etienne-au-Mont en présence de Mme Brigitte PASSEBOSC, maire de Saint-Etienne-au-Mont.

· Réunion à Montreuil-sur-Mer en présence de :

M. Pierre DUCROCQ, maire de Montreuil-sur-Mer ;

- Mme Isabelle FRADIN-THIRODE, sous-préfète de Montreuil-sur-Mer ;

M. Jean-François RAFFY, sous-préfet délégué, en charge de la reconstruction ;

M. Luc FERRET, directeur départemental des territoires et de la mer adjoint ;

M. Nicolas PICHONNIER, vice-président de la Communauté d'agglomération du Haut Pays du Montreuillois ;

M. Ghislain TÉTARD, conseiller régional et président de la commission locale de l'eau de la Canche ;

M. Bruno COUSEIN, président de la Communauté d'agglomération des 2 Baies en Montreuillois ;

M. Matthieu DEMONCHEAUX, président de la communauté de communes des 7 vallées.

· Visite sur site de travaux d'urgence engagés à la commune de La Calotterie en présence de :

M. Franck LEURETTE, maire de La Calotterie ;

Mme Isabelle FRADIN-THIRODE, sous-préfète de Montreuil-sur-Mer ;

M. Jean-François RAFFY, sous-préfet délégué, en charge de la reconstruction ;

· Table ronde avec les services de secours à la caserne de pompiers d'Écuires en présence de :

M. Philippe COUSIN, maire d'Écuires ;

M. Pierre DUCROCQ, maire de Montreuil-sur-Mer ;

Mme Isabelle FRADIN-THIRODE, sous-préfète de Montreuil-sur-Mer ;

M. Raymond GAQUERE, président du Conseil d'administration du SDIS du Pas-de-Calais ;

Colonel Florent COURREGES, directeur départemental adjoint des SDIS du Pas-de Calais ;

M. le Contrôleur général Philippe RIGAUD, chargé de mission inondations pour Conseil départemental (ancien directeur départemental du SDIS 62) ;

Lieutenant-colonel François HOLLAND, chef du groupement territorial Ouest ;

Commandant Nicolas DEGROOTE, chef du centre d'incendie et de secours de Calais ;

Capitaine Anthony TAHAN, chef du centre d'incendie et de secours d'Etaples ;

Capitaine Thomas SACRIAS, adjoint au chef du centre d'incendie et de secours de Saint-Omer ;

Capitaine Thomas BLANPAIN, adjoint au chef du centre d'incendie et de secours de Saint-Omer ;

Lieutenant Ouahid BEN BACHIR, chef du centre d'incendie et secours de Montreuil-sur-Mer ;

Lieutenant 2ème classe Thierry COZE, adjoint au chef du centre d'incendie et de secours de Montreuil-sur-Mer ;

Mme Aline BEDOT, cheffe de cabinet du SDIS du Pas-de-Calais.

ALPES DE HAUTE-PROVENCE ET HAUTES-ALPES


Lundi 13 mai et Mardi 14 mai 2024

Lundi 13 mai 2024

· Visite de terrain dans la vallée de l'Ubaye (en présence de MM. Marc CHAPPUIS, préfet des Alpes de Haute-Provence, Dahalani M'HOUMADI, sous-préfet de Barcelonnette et Mme Florence RICCI LUCCHI, secrétaire générale de la sous-préfecture de Barcelonnette) :

- Visite sur site au cône de déjection du Parpaillon, dans la commune de la Condamine-Châtelard en présence de Mme Elisabeth JACQUES, maire de La Condamine-Châtelard, conseillère départementale et présidente de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) ;

- Visite sur site à la digue « Les Galamonds », commune de Enchastrayes, en présence de M. Albert OLIVERO, maire d'Enchastrayes ;

- Visite sur site au torrent du Gaudissard, commune de Barcelonnette, en présence de Mme Sophie VAGINAY, maire de Barcelonnette, Conseillère régionale ;

- Visite sur site à la digue du Bachelard et poste de relevage eaux usées, commune d'Uvernet-Fours, en présence de M. Patrick BOUVET, maire d'Uvernet-Fours.

· Échange de vues à Méolans Revel en présence de :

Mme Eliane BARREILLE, présidente du conseil départemental des Alpes de Haute-Provence ;

M. Victor CHEVROT, chef de cabinet du conseil départemental ;

Mme Elisabeth JACQUES, maire de La Condamine-Châtelard, conseillère départementale et présidente de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) ;

Mme Sophie VAGINAY, maire de Barcelonnette, conseillère régionale ;

Mme Marion MAGNAN, adjointe au maire de Manosque, vice-présidente du conseil départemental déléguée à l'eau et aux milieux aquatiques ;

Colonel Sylvain BESSON, directeur du SDIS 04 ;

Colonel Pierre COURSIÈRES, commandant en second du groupement de gendarmerie des Alpes de Haute-Provence ;

Lieutenant Denis BRANELLEC, commandant du PGHM ;

M. Marc CHAPPUIS, préfet des Alpes de Haute-Provence ;

M. Dahalani M'HOUMADI, sous-préfet de Barcelonnette ;

Mme Florence RICCI-LUCCHI, secrétaire générale de la sous-préfecture de Barcelonnette ;

M. Michaël JUSSIAUME, chef du service départemental de l'Office français de la biodiversité ;

Mme Cécile GUITET, cheffe du service de restauration des terrains en montagne ;

M. Mathias BORSU, directeur départemental adjoint des territoires.

· Table ronde à la sous-préfecture de Barcelonnette en présence de :

Mme Eliane BARREILLE, présidente du conseil départemental des Alpes de Haute-Provence ;

M Victor CHEVROT, chef de cabinet du conseil départemental ;

Mme Elisabeth JACQUES, maire de La Condamine-Châtelard, conseillère départementale et présidente de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) :

Mme Sophie VAGINAY, maire de Barcelonnette, conseillère régionale ;

Mme Marion MAGNAN, adjointe au maire de Manosque, vice-présidente du conseil départemental déléguée à l'eau et aux milieux aquatiques ;

M. Albert OLIVERO, maire d'Enchastrayes ;

Mme Hélène GARCIER, maire de Faucon-de-Barcelonnette ;

M. Jacques FORTOUL, maire de Jausiers ;

Mme Agnès PIGNATEL, maire de Le Lauzet-Ubaye ;

M. Rolland LELLY, adjoint à la maire des Thuiles ;

M. Jeoffrey ARGENSON, 2ème adjoint de Saint-Pons ;

M. Jean-Michel TRON, maire de Ubaye-Serre-Ponçon ;

M. Patrick BOUVET, maire d'Uvernet-Fours ;

Mme Chantal DONNEAUD, maire de Val d'Oronaye ;

M. Marc CHAPPUIS, préfet des Alpes de Haute-Provence ;

M. Dahalani M'HOUMADI, sous-préfet de Barcelonnette ;

Mme Florence RICCI-LUCCHI, secrétaire générale de la sous-préfecture de Barcelonnette ;

M. Michaël JUSSIAUME, chef du service départemental de l'Office français de la biodiversité ;

Mme Cécile GUITET, cheffe du service de restauration des terrains en montagne ;

M. Mathias BORSU, directeur départemental adjoint des territoires ;

Colonel Sylvain BESSON, directeur du SDIS 04 ;

Colonel Pierre COURSIÈRES, commandant du groupement de gendarmerie des Alpes de Haute-Provence ;

Lieutenant Denis BRANELLEC, commandant du PGHM, accompagné du major Lionel PIERRAT.

· Table ronde à la mairie de Sisteron en présence de :

M. Daniel SPAGNOU, maire de Sisteron, président de l'association des maires des Alpes de Haute-Provence et président de la communauté de communes du Sisteronais-Buëch ;

Mme Patricia GRANET-BRUNELLO, maire de Digne-les-Bains, présidente d'Alpes Provence agglomération ;

M. Jacques DEPIEDS, maire de Mane, président de la communauté de communes Haute-Provence pays de Banon ;

M. Maurice LAUGIER, maire de Saint-Benoit, président de la communauté de communes Alpes Provence Verdon ;

M. Gilles PAUL, Président du Syndicat Mixte Asse Bléone (SMAB) ;

Mme Caroline SAVOYAT, directrice du Syndicat Mixte Asse Bléone (SMAB) ;

M. Jacques ESPITALIER, maire de Quinson, président de la Commission Locale de l'Eau (CLE) du Verdon ; délégué Gemapi à la Durance Luberon Verdon Agglomération (DLVAgglo) ;

M. Yves WIGT, président du SMAVD ;

M. Christian DODDOLI, directeur général du SMAVD ;

Mme Pascale SAUTEL, Directrice des concessions EDF Hydro Méditerranée ;

M. Sébastien MATHERON, directeur ENEDIS 04/05.

· Échange de vues présence de :

Mme Patricia GRANET-BRUNELLO, maire de Digne-les-Bains, présidente d'Alpes Provence agglomération ;

- M. Jacques DEPIEDS, maire de Mane, président de la communauté de communes Haute-Provence pays de Banon ;

M. Maurice LAUGIER, maire de Saint-Benoît, président de la communauté de communes Alpes Provence Verdon.

Mardi 14 mai 2024

· Visites de terrain à Risoul et Guillestre (zone artisanale du Villard, route d'accès de Risoul village station et route des campings dans la commune de Guillestre) en présence de :

M. Régis SIMOND, maire de Risoul ;

Mme Christine PORTEVIN, maire de Guillestre ;

M. Marc BEYNET, Président de l'association des maires ruraux des Hautes-Alpes.

· Table ronde à Guillestre en présence de :

M. Dominique DUFOUR, préfet des Hautes-Alpes ;

Mme Dalila ZANE, sous-préfète de Briançon ;

M. Rémi ALBERTI, chef du Service Interministériel de Défense et de Protection Civile (SIDPC) ;

M. Jean-Marie BERNARD, président du conseil départemental des Hautes-Alpes ;

M. Marcel CANNAT, vice-président du conseil départemental des Hautes-Alpes ;

M. Dominique MOULIN, président de la communauté de communes du Guillestrois et du Queyras ;

M. Marc BEYNET, Président de l'association des maires ruraux des Hautes-Alpes ;

M. Régis SIMOND, maire de Risoul ;

Mme Catherine JUZIAN, élue aux finances et à l'urbanisme de Risoul ;

Mme Aliki DIONNET, chargée de mission reconstruction suite aux intempéries de la mairie de Risoul ;

Mme Christine PORTEVIN, maire de Guillestre ;

Mme Anne CHOUVET, maire d'Eygliers ;

Et de représentant des entreprises sinistrées de Guillestre :

Mme Magali COSTE - Intermarché ;

M. Laurent ISNARDON - Décor meubles ;

M. François BARBEROUX - Camping St James.

· Échange de vue à Guillestre en présence de :

M. Dominique DUFOUR, préfet des Hautes-Alpes ;

Mme Dalila ZANE, sous-préfète de Briançon ;

M. Dominique MOULIN, président de la communauté de communes du Guillestrois-Queyras ;

Mme Christine PORTEVIN, maire de Guillestre ;

M. Marc BEYNET, Président de l'association des maires ruraux des Hautes-Alpes.

PAS-DE-CALAIS


Vendredi 17 mai 2024

· Rencontre avec des collectifs de sinistrés (association inondations Aa et Aa plus jamais ça) à Blendecques en présence de :

M. Vincent MAQUIGNON, membre de l'association inondations Aa et adjoint au maire de Blendecques ;

M. Geoffray MOREAU, président du collectif Aa plus jamais ça ;

M. Joël DUQUENOY, président de la CA du Pays de Saint-Omer ;

M. Daniel LOUCHET, 1er adjoint au maire de Blendecques ;

M. Marc FILLEUL, conseiller municipal à Blendecques ;

M. Didier PAPEGAY, conseiller municipal à Blendecques ;

M. Jean-Pierre HAVET, conseiller municipal à Blendecques ;

M. Guirec HENRY, directeur général des services de la ville de Blendecques.

· Rencontre avec des sinistrés bénéficiant de solutions de relogement à Longuenesse en présence de :

M. Christian COUPEZ, maire de Longuenesse ;

M. Joël DUQUENOY, président de la CA du Pays de Saint-Omer.

· Échange de vues à Arques en présence de :

M. Jean-Pierre CLIPET, secrétaire général de la FDSEA 62 ;

M. Anthime COUPET, président des Jeunes Agriculteurs Nord Pas-de-Calais ;

M. Adrien FERRANT, président des Jeunes Agriculteurs du canton de Calaisis ;

M. Joël DUQUENOY, président de la CA du Pays de Saint-Omer ;

Mme Marie-Sophie LESNE, vice-présidente conseil régional Hauts de France, chargée de l'agriculture ;

Mme Agathe OLIVIERA, collaboratrice de la vice-présidente.

· Table ronde sur la gestion des wateringues à Saint-Omer en présence de :

M. Bertrand RINGOT, Président de l'Institution intercommunale des Wateringues ;

M. Philippe PARENT, directeur de l'Institution intercommunale des Wateringues :

M. Frédéric MELCHIOR, vice-président de la communauté de communes de la région d'Audruicq et maire de Nortkerque ;

M. Bernard CALONNE, président de l'union des sections de Wateringues et de la 3ème section du Nord :

M. Gérard GRONDEL, président de la 2ème section du Nord ;

M. le président de la 1ère section du Nord ;

M. Xavier BOIDIN, vice-président de la 1ère section du Pas-de-Calais ;

M. Xavier FOISSEY, président de la 2ème section du Pas-de-Calais ;

M. Raphaël DELAMAERE, président de la 4ème section du Pas-de-Calais ;

M. Philippe DEGUINES, président de la 5ème section du Pas-de-Calais ;

M. Christophe SEYNAVE, président de la 7ème section du Pas-de-Calais ;

M. Thibault DECHERF, technicien des sections du Nord ;

M. Guillaume PATOU, technicien des sections du Pas-de-Calais.

· Table ronde sur les inondations par ruissellement survenues sur le territoire de la communauté de communes de Desvres-Samer en présence de :

M. Claude PRUDHOMME, président de la CC de Desvres-Samer ;

M. Christophe COUSIN, vice-président de la CC et maire de Doudeauville ;

M. Thierry CAZIN, vice-président de la CC et président d'un syndicat de gestion de l'eau (SYMSAGEB).

ANNEXE

MÉTHODE DÉTAILLÉE ET RÉSULTATS DE LA CONSULTATION MENÉE PAR LA MISSION CONJOINTE DE CONTRÔLE

Dans le cadre de leurs travaux, les rapporteurs ont souhaité recueillir le témoignage des élus locaux sur les difficultés rencontrées en matière de prévention des inondations et de gestion de crise. Une consultation en ligne comportant une vingtaine de questions a permis aux élus communaux et intercommunaux de faire entendre leurs voix sur la plateforme de consultation des élus locaux du Sénat (participation.senat.fr).

Organisée du 24 avril au 22 mai 2024, 1 135 témoignages d'élus locaux, sur une base volontaire et de manière anonyme, ont ainsi pu être recueillis.

A. MÉTHODOLOGIE DÉTAILLÉE

1. Caractéristiques des communes participantes
a) Les réponses à la consultation des élus proviennent majoritairement de petites communes rurales, réparties sur la quasi-totalité des régions de France métropolitaine

Les élus locaux participant à la consultation sont particulièrement représentatifs des plus petites communes : près de la moitié des communes participantes comptent ainsi moins de 1 000 habitants. En revanche, les communes de plus de 20 000 habitants sont faiblement représentées.

Population des communes participantes

Population de la commune

Part des répondants

Moins de 500 habitants

25,55 %

Entre 500 et 1 000 habitants

19,45 %

Entre 1 000 et 5 000 habitants

36,43 %

Entre 5 000 et 20 000 habitants

11,94 %

Plus de 20 000 habitants

6,63 %

Les communes participantes sont également très majoritairement rurales : plus des trois quarts des communes ayant répondu à la consultation sont ainsi situées en zone rurale.

Types de communes participantes

Localisation de la commune

Part des répondants

Zone rurale

76,83 %

Zone urbaine

7,43 %

Zone péri-urbaine

15,74 %

La répartition géographique des communes participantes par région est également relativement représentative du territoire français : l'ensemble des régions métropolitaines sont représentées, à l'exception notable de la Corse. L'outre-mer est également représentée par trois répondants, issus de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion.

Répartition géographique des communes participantes par région

Région

Part des répondants

Auvergne-Rhône-Alpes

16,62 %

Grand Est

14,32 %

Occitanie

12,91 %

Nouvelle-Aquitaine

11,94 %

Hauts-de-France

8,13 %

Bourgogne-Franche-Comté

6,72 %

Île-de-France

5,92 %

Normandie

5,31 %

Pays de la Loire

5,13 %

Centre-Val de Loire

4,77 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

4,24 %

Bretagne

3,71 %

Régions d'outre-mer180(*)

0,27 %

b) Les élus locaux ayant participé à la consultation sont, pour la majorité d'entre eux, directement et fréquemment exposés au risque d'inondation

La consultation a touché son coeur de cible : ce sont en effet les élus locaux concernés par le risque inondation dans leur grande majorité, et pour beaucoup sur les cinq dernières années et à plusieurs reprises, qui ont répondu.

Réponses à la question « Votre commune a-t-elle été touchée par des inondations au cours des 30 dernières années ? »

Réponse

Part des répondants

Oui, à plusieurs reprises

70,6 %

Oui, une seule fois

11,25 %

Non, jamais

13,23 %

Ne sait pas

4,91 %

Ancienneté de la dernière inondation sur la commune

Ancienneté

Part des répondants

Moins d'un an

35,77 %

Entre 1 et 5 ans

29,50 %

Entre 5 et 10 ans

16,03 %

Plus de 10 ans

18,70 %

Ces élus locaux se considèrent également particulièrement bien informés concernant le risque inondations : plus des trois quarts déclarent ainsi disposer d'une connaissance suffisante du risque inondation sur leur commune ou leur intercommunalité.

Réponse à la question « Estimez-vous avoir une connaissance suffisante
du risque inondation sur votre commune ou intercommunalité ? »

Réponse

Part des répondants

Oui

70,22 %

Non

20,93 %

Ne se prononce pas

8,85 %

2. Précaution méthodologique

L'objectif de la consultation, qui repose sur le volontariat, est de donner la parole aux élus locaux pour recueillir leur appréciation sur la manière dont la prévention des inondations et la gestion de crise s'organisent sur leur territoire. Il ne s'agit pas d'un sondage représentatif des élus locaux dans leur ensemble.

B. RÉSULTATS DÉTAILLÉS

1. Résultats quantitatifs

Question

Décompte

Pourcentage de répondants

Quelle est la population de la commune dont vous êtes élu ?

Moins de 500 habitants

289

25,55 %

Entre 500 et 1 000 habitants

220

19,45 %

Entre 1 000 et 5 000 habitants

412

36,43 %

Entre 5 000 et 20 000 habitants

135

11,94 %

Plus de 20 000 habitants

75

6,63 %

Votre commune est-elle située en zone :

Péri-urbaine ?

178

15,74 %

Rurale ?

869

76,83 %

Urbaine ?

84

7,43 %

Dans quelle région ou collectivité d'outre-mer votre commune est-elle située ?

Auvergne-Rhône-Alpes

188

16,62 %

Bourgogne-Franche-Comté

76

6,72 %

Bretagne

42

3,71 %

Centre-Val de Loire

54

4,77 %

Grand Est

162

14,32 %

Hauts-de-France

92

8,13 %

Île-de-France

67

5,92 %

Normandie

60

5,31 %

Nouvelle-Aquitaine

135

11,94 %

Occitanie

146

12,91 %

Pays de la Loire

58

5,13 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

48

4,24 %

Outre-mer

3

0,27 %

Êtes vous élu intercommunal ?

Non

381

33,69 %

Oui

750

66,31 %

Quelle est la nature de cette intercommunalité ?

Communauté d'agglomération

210

28,00 %

Communauté de communes

488

65,07 %

Communauté urbaine

20

2,67 %

Métropole

32

4,27 %

Quelle est la population de cette intercommunalité ?

Entre 5 000 et 15 000 habitants

135

18,00 %

Entre 15 000 et 30 000 habitants

201

26,80 %

Entre 30 000 et 100 000 habitants

274

36,53 %

Plus de 100 000 habitants

140

18,67 %

Votre intercommunalité est-elle à dominante :

péri-urbaine ?

101

13,47 %

Rurale ?

556

74,13 %

Urbaine ?

93

12,40 %

Votre commune ou intercommunalité a-t-elle été touchée par des inondations au cours des 30 dernières années ?

Non, jamais

140

13,23 %

Oui, à plusieurs reprises

747

70,60 %

Oui, une seule fois

119

11,25 %

Ne sait pas

52

4,91 %

À quand remonte la dernière inondation ?

Moins d'un an

308

35,77 %

Entre 1 et 5 ans

254

29,50 %

Entre 5 et 10 ans

138

16,03 %

Plus de 10 ans

161

18,70 %

Quels types d'inondations ont touché votre commune ? (plusieurs réponses possibles)

Crue torrentielle (montagne)

18

4,63 %

Débordement de cours d'eau

256

65,81 %

Remontée de nappes phréatiques

5

1,29 %

Ruissellement

96

24,68 %

Submersion marine

12

3,08 %

Ne sait pas

2

0,51 %

Estimez-vous avoir une connaissance suffisante du risque inondation sur votre commune ou intercommunalité ?

Non

220

20,93 %

Oui

738

70,22 %

Ne se prononce pas

93

8,85 %

Votre commune ou intercommunalité est-elle couverte par un plan de prévention du risque inondation (PPRI) ?

Non

247

23,52 %

Oui, par un PPRI prescrit et approuvé

517

49,24 %

Oui, par un PPRI prescrit mais non approuvé

95

9,05 %

Ne sait pas

191

18,19 %

Votre commune ou intercommunalité est-elle couverte par un plan de prévention des risques littoraux (PPRL) ?

Non

91

48,92 %

Oui, par un PPRL prescrit et approuvé

52

27,96 %

Oui, par un PPRL prescrit mais non approuvé

9

4,84 %

Ne sait pas

34

18,28 %

Votre commune ou intercommunalité est-elle couverte par un programme d'actions de prévention des inondations (Papi) ?

Non

299

29,09 %

Oui, par un PAPI en programme d'étude préalable (ancien « PAPI d'intention »)

188

18,29 %

Oui, par un PAPI labellisé

176

17,12 %

Ne sait pas

365

35,51 %

Quel délai a été nécessaire entre le lancement initial de la procédure d'élaboration du Papi et sa labellisation par les services de l'État ?

Moins de 2 ans

21

5,87 %

Entre 2 et 5 ans

116

32,40 %

Entre 5 et 10 ans

33

9,22 %

Plus de 10 ans

10

2,79 %

Ne sait pas

178

49,72 %

Selon vous, l'élaboration d'un Papi est-elle trop complexe ?

Non

115

11,07 %

Oui

324

31,18 %

Ne se prononce pas

600

57,75 %

Selon vous, la mise en oeuvre d'un Papi est-elle trop complexe ?

Non

125

12,02 %

Oui

293

28,17 %

Ne se prononce pas

622

59,81 %

Votre intercommunalité a-t-elle délégué ou transféré l'exercice de la compétence « prévention des inondations » à un autre groupement de collectivités ?

Non

504

51,48 %

Oui

281

28,70 %

Ne sait pas

194

19,82 %

À quel type de groupement a-t-il été délégué ?

Epage et assimilés

51

37,23 %

EPTB et assimilés

86

62,77 %

Votre intercommunalité lève-t-elle la taxe Gemapi ?

Oui

737

75,05 %

Non

108

11,00 %

Ne sait pas

137

13,95 %

Quel est son rendement ?

Moins de 5 euros par habitant

237

36,18 %

Entre 5 et 10 euros par habitant

252

38,47 %

Entre 10 et 30 euros par habitant

138

21,07 %

Entre 30 et 40 euros par habitant

28

4,27 %

Selon vous, l'échelle de prélèvement de la taxe (intercommunalité) est-elle pertinente ?

Non

181

18,97 %

Oui

460

48,22 %

Ne se prononce pas

313

32,81 %

Si vous avez été touché par des inondations, la coordination entre l'échelon communal, intercommunal et les services de l'État dans la gestion de crise a-t-elle été suffisante selon vous ?

Oui

298

31,20 %

Non

242

25,34 %

Ne se prononce pas

415

43,46 %

Votre commune est-elle couverte par un plan intercommunal de sauvegarde (PICS) ?

Oui

216

22,43 %

Non

552

57,32 %

Ne sait pas

195

20,25 %

2. Sélection de réponses aux questions ouvertes

Quelles sont selon vous les principales sources de complexité de l'élaboration et de la mise en oeuvre des PAPI ?

« Le PAPI doit être élaboré à l'échelle du bassin versant du fleuve et non à l'échelle de l'intercommunalité. La Gemapi est un frein puisque compétence à l'échelle de l'intercommunalité dont la fiscalité ne permet pas la résolution du problème à cette échelle. La Gemapi devient alors enjeu de pouvoir et non la solution à la résolution du problème. L'eau n'a que faire de nos frontières administratives seul un syndicat, un Epage ou un EPTB a la dimension suffisante pour aborder la problématique d'un PAPI. »

« L'élaboration du PAPIse fait actuellement au sein de l' EPCI auquel j'appartiens. maire d'une commune d'un peu plus de 1 500 habitants, la charge de travail est trop importante entre les multiples demandes des services de la préfecture, les obligations légales des communes qui se multiplient etc. L'État ne simplifie rien mais complexifie à l'envi. Je n'ai ni adjoint, ni personnel qualifié pour élaborer de document au sein de la commune. »

« Le cahier des charges PAPIfixe des objectifs, louables sur le papier, mais très ambitieux. Les principes « vertueux » du cahier des charges sont déclinés de la stratégie générale jusqu'à celle des actions. Cela conduit les porteurs de projet - et les services de l'État - à devoir justifier d'un niveau de connaissance élevé, à devoir expliciter le bien fondé des actions, à étudier des solutions alternatives, à associer le public etc. Tout cela à un stade d'avancement des opérations et / ou à une échelle qui n'est pas adaptée. Le cahier des charges peine à faire la distinction entre les différentes échelles et / ou à intégrer l'indépendance qui peut exister entre les actions, le PAPIest vu comme une entité « globale / unique » dans laquelle tout doit être justifié en intégrant une large diversité de thématiques. Le cahier des charges partitionne la démarche entre un programme d'études préalables (pep) puis un PAPIdans le but d'améliorer les « connaissances » et de mûrir les projets. Deux étapes louables, pas nécessairement adaptées à la conduite des projets. Durant le pep la réalisation de travaux pour les axes 6 et 7 est proscrite, au motif que les travaux inclus dans ces axes nécessitent la réalisation d'études préalables importantes et / ou d'importantes démarches (foncières, environnementale, concertation etc.). Or ce postulat d'études complexes ne s'applique pas à tous les projets, et implique que les actions doivent toutes suivre le même rythme d'évolution ce qui est illusoire en pratique. Or pour la mobilisation des moyens nécessaires (humains, matériels), et la préservation de l'environnement il est préférable d'étaler les travaux. D'autre part la complexité des PAPI intervient, au stade de leur mise en oeuvre. Les problèmes rencontrés sont générés par une réglementation complexe (environnement, urbanisme, ouvrages hydrauliques, icpe) dont les évolutions sont rapides. »

Avez-vous des propositions pour simplifier et faciliter l'élaboration et la mise en oeuvre des PAPI ?

« En lieu et place d'être des "instructeurs", les services de l'État (Dreal, DDTM, OFB), devraient mettre leur ingénierie à disposition des collectivités pour les aider à réaliser les travaux prévus dans le PAPI. Cela permettrait de gagner du temps et de l'efficacité. Des mécanismes doivent être mis en oeuvre pour faciliter la maîtrise foncière, les procédures de dup ou, plus généralement, d'expropriation, sont beaucoup trop longues. Les compensations foncières sont également parfois complexes à mettre en oeuvre. »

« Financer des postes d'ingénieur risques dans les communes avec des crédits PAPI. »

« Les voici: Harmoniser les procédures et les critères d'éligibilité au niveau national pour éviter les disparités entre les territoires. Mettre en place une plateforme numérique centralisée permettant un dépôt simplifié des dossiers PAPIet un suivi en ligne de leur avancement. Renforcer l'accompagnement technique et méthodologique des porteurs de projets, notamment pour les plus petites communes, via des formations, des guides pratiques, etc. Encourager une approche intégrée à l'échelle des bassins versants en favorisant les PAPId'envergure inter-communale ou inter-départementale. Accélérer les procédures d'instruction et de labellisation des dossiers pour raccourcir les délais. »

« La simplification dans l'élaboration des PAPIou dans leur mise en oeuvre pourrait explorer les pistes suivantes : proportionner les éléments de justification / de connaissance à l'échelle considérée, au stade d'avancement de l'opération et ne pas chercher un perpétuel besoin "d'amélioration des connaissances", de "vision globale", qui, compte tenu de la variété des thématiques à considérer engendre un manque de pragmatisme. Les incompréhensions liées à la labellisation PAPIet au fait que celle-ci ne veut pas dire que les actions sont « autorisées » au titre des différents codes (code de l'environnement, de l'urbanisme etc.), résultent notamment du fait que les éléments demandés au stade de l'élaboration des PAPIsont si détaillés qu'ils s'apparentent aux éléments à produire au titre des procédures du code de l'environnement. Ne pas vouloir systématiquement quantifier et justifier par une multitude d'indicateurs chiffrés l'intérêt de projet, leurs impacts etc. S'interroger sur les évolutions du cadre réglementaire et sur les conséquences des évolutions. Les évolutions du cadre réglementaire sont certes nécessaires mais interviennent dans un calendrier resserré. En témoigne l'évolution du cadre lié aux ouvrages de protection contre les inondations qui a subi des évolutions d'ampleur entre le cadre établi en 2007 et celui de 2015, largement modifié (et pas simplifié !). »

« Ingénierie gratuite »

Avez-vous des propositions pour faire évoluer la gouvernance de la compétence Gemapi ?

« Il ne viendrait tout de même pas à l'esprit de nos législateurs de donner une compétence médicale aux collectivités EPCI pour gérer une pandémie, c'est pourtant ce qui a été fait en termes de gestion liée aux compétences Gemapi. »

« Développer des formations certifiantes et des parcours professionnels dédiés au sein de la fonction publique territoriale sur la gestion des risques d'inondation (sans rire ça existe pas, c'est une hérésie dans un monde qui se veut si moderne avec un État protecteur). Renforcer la coordination entre les différents niveaux de collectivités (communes, intercommunalités, départements, régions) en désignant un chef de file unique par bassin versant ou territoire à risque. Créer des structures de gouvernance dédiées à la gestion des risques d'inondation à l'échelle de bassins versants pertinents, regroupant les élus, services de l'État, experts et acteurs concernés. »

« On le voit les bassins de rivières méprisent les limites administratives communales, intercommunales et départementales ! Cela est un frein à la réalisation des actions de prévention des inondations. »

« Favoriser la coopération entre intercommunalité par bassin versant et ou littoral comparable géographiquement. »

Avez-vous des propositions pour améliorer la coordination entre l'échelon communal, intercommunal et les services de l'État dans la gestion de crise ?

« Le niveau de précision insuffisant de vigicrues. Une absence de communication de l'État vers le bloc communal sur le message envoyé par fr alert »

« Nécessité de coordonnées des actions entre commune, interco et département. Pas de coordinateur identifié. »

« Plus de coordination de la prévention des risques à mettre en place entre le niveau communal et intercommunal. »

« Le système alerte crue de la préfecture n'a pas fonctionné (alerte à 10 h 00 alors que l'eau montait depuis 6 h 00) car l'observatoire de niveau de crue est situé en amont de la dernière rivière qui était en crue (l'ibie) »

« Avoir un référent inondations au sein de l'EPCI et de la sous-préfecture / préfecture qui puisse aider les petites communes a mobilisé nécessaires durant les périodes de crise »

« La gestion d'une crise relève du maire et du préfet. Ainsi, la communication s'effectue directement entre la mairie et la préfecture en cas d'évènement. Il est donc essentiel d'identifier les bonnes personnes (élus référents et SIDPC) et d'activer régulièrement ce canal d'information qui est matérialisé par les PCS et les plans orsec. Des exercices réguliers et l'accompagnement "fin" des élus dans la conception et la mise en pratique des PCS est donc fondamental. Ma commune est en train de réviser son PCS et nous ne sommes pas suffisamment accompagnés malgré de multiples sollicitations au SIDPC. Les PCS et leur animation étant la pierre angulaire de la gestion de crise, il est regrettable de ne pas être aidé (ou trop sommairement). »

« Inciter plus fortement les EPCI à réaliser des plans intercommunaux de sauvegarde et appuyer les communes dans la réalisation de leur PCS. »

« Faire un PCS interco afin de recenser les besoins des communes et les PCS communaux existants faire des exercices annuels à l'échelle de l'interco. »

« Il paraît normal que le préfet prenne position dans les cas extrêmes qui nécessitent des moyens que les communes et interco n'ont pas. »

« Travaillant en parallèle dans la prévention des risques d'inondations, dans le cadre des PAPI et dans la gestion de crise avec les élus, la dernière loi matras va dans le bon sens, il faut de l'interconnaissance, s'exercer ensemble. Il me semble que c'est à l'échelon intercommunal qu'il faut mettre l'accent désormais. La coordination entre commune et interco n'est pas connue par les communes (que peut apporter l'interco ? qui coordonne ? qui joindre ? etc...). »

« Il serait pertinent d'inclure les syndicats de bassin (nous avons un syndicat de rivière du haut bassin de l'herault) et ou EPTB dans la cellule de crise. Leurs connaissance du lieu et très appréciable. »

« Certaines communes ont établi un PCS mais, pour en tester la mise en oeuvre, avant le sinistre, il faut que les intervenants puissent se libérer ... peut-être qu'un PICS serait plus pertinent sur les risques communs à plusieurs communes (inondation, tempête, pandémie, ...) en réservant le PCS aux risques spécifiques à la commune (incendie, accident, ...). »

« Avant la crise... le message gala est nécessaire et adapté... seulement, nous devons réécouter 30 fois ce message vocal pour le retranscrire auprès de la population sur nos supports de communication tel que illiwap... avons demandé au siraced-pc de doubler le message gala par un courriel... pas de retour... qu'à minima après un épisode d'inondation que l'État réunisse les maires pour un retex (retour d'expérience). »

Quels obstacles identifiez-vous à la conclusion d'un PICS ?

« Non couvert pour l'instant, la mesure sera obligatoire en 2026, mais peu d'implication sur le sujet pour le moment, cela principalement pour raisons financières (études, se doter de moyens opérationnels pour apporter l'aide indispensable aux communes) incapacité de l'État à expliquer clairement ce qui est attendu des diverses collectivités, manque de réponses juridiques de la part de l'État concernant la responsabilité des maires et présidents d'EPCI. »

« À ce jour (malgré ma demande), le président d'agglo ne se sent pas dans l'urgence de le faire, manque de sensibilisation de la part de l'exécutif et coût d'élaboration mais surtout besoin de recruter de nouvelles compétences, de monter des services agglo sur ces questions, à ce jour je ne connais que les métropoles qui s'intéressent à ce sujet, compliqué pour les plus petites intercommunalités de financer des postes. »

« Il vaudrait mieux avoir un plan qui recense les moyens de toutes les communes pour se porter assistance les uns aux autres qu'un PICS qui le déclenche ? ... Qui élabore les priorités ? Rappel : le CGCT ne reconnaît que le préfet et le maire dans la fonction de dos. »

« La nécessité que les PCS soient réalisés et mis à jour sur toutes les communes intégrant l'EPCI. Quel est le réel pouvoir du président d'agglomération par rapport au maire dans la gouvernance de crise (le pouvoir de police en matière de sécurité restant du ressort du maire) ? »

« Absence de services supports à l'échelle départementale. nous essayons de créer cette offre, sur la partie accompagnement numérique au niveau du syndicat mixte pour l'informatisation des communes des vosges. je pilote cette mission en qualité de vice-président du syndicat. Mais une aide financière de l'État serait très utile pour cofinancer l'acquisition de plateformes PICS et la formation / accompagnement nécessaire à sa mise en place et à la réalisation d'exercices de gestion de crise. »

« Notre intercommunalité est partagée en 3 sous-bassins versants différents. Les têtes de bassin n'ont pas les mêmes problématiques que les communes situées en aval et les 3 bassins ne sont pas touchés de la même façon ni au même moment. »

« Le fait d'éloigner les maires de leur propre responsabilité. Le risque inondation n'est pas identique sur toute la communauté de communes. Est-ce que ceux qui sont rarement touchés par les inondations accepteront des dépenses qui ne sont pas pour tous les habitants ? Par exemple, chez nous la compétence eaux pluviales est resté communale pour des raisons d'efficacité visiblement. »

« Nous disposons d'un PCS en cas de crue, qui selon les cours d'eau doit toucher plusieurs communes en même temps, l'action très locale doit être privilégiée pour être réactif. »

Avez-vous d'autres observations ou propositions à formuler sur la question de la prévention de la gestion des inondations et submersions marines ?

« Il faut simplifier les dispositifs de subvention (fonds barnier) pour permettre aux EPCI d'aller vite dans la réalisation des travaux nécessaires sur les digues. Enlever des couches de contrôles a priori de l'État qui durent trop longtemps au dépens de la réalisation de ces travaux. Revoir le régime de responsabilités des élus en cas de sinistre (à cause du décret de 2023 qui ajoute des missions qui n'étaient pas prévues par la loi maptam). »

« Il est important que les services de l'État puissent communiquer à minima l'ensemble des cartographies des plus hautes eaux connues sur un bassin et notamment les azi pour les petits cours d'eau non surveillés. Nous avons pu faire face à la réticence des services de l'État (ddt) pour nous communiquer ces données qui peuvent servir à repérer les habitations à risque et affiner la réponse de gestion de crise (personnes à prévenir en priorité, susceptibles d'être évacuées ; mises à l'abri). Aussi, c'est sur ces cours d'eau non surveillés (à cinétique rapide) que viennent les risques les plus forts : ce qui est le cas pour ma commune en 1993. En comparaison, les inondations de la Garonne sont largement prévisibles (à 48 h 00 par le spc) et sont à cinétique lente, ce qui laisse place à l'anticipation. »

« Trop de vies sont perdues par méconnaissance du risque. 30 cm d'eau suffisent à soulever une voiture et à la transformer en cercueil. Cette année encore le Gard a perdu des citoyens qui ont mal évalué le risque. C'est rageant... voir une famille décimée pour éviter de faire un détour qu'elle tristesse. »

« Modifier les textes afin que les inondations liées au ruissellement soit bien prises en charge dans la loi Gemapi. Renforcer le contrôle des élus (notamment les maires des communes en aval des terres) sur l'accord de nouveaux drainages agricoles. »

« Nous nous intéressons actuellement à la plateforme de gestion de crises numÉrisk. »

« Il est impératif que le service de prévision des crues vigicrue se dote d'outils pour fiabiliser ses prévisions et permettre ainsi une action efficace de l'ensemble des services de gestion de crise et une prise de décision optimisée. »

« Besoin de : - disposer d'un centre de ressources national partageant des retours d'expérience qui seraient obligatoires en cas de déclenchement d'un PCS; - d'uniformiser ou de travailler sur un référentiel national pour les formations PCS (via le CNFPT). »

« La taxe Gemapi n'est supportée que par les propriétaires fonciers. Le taux de subvention des travaux Gemapi est important (souvent 80 %) mais le reste à charge (20 %) de travaux coûtant souvent plusieurs centaines de milliers d'euros est difficilement supportable financièrement par les collectivités. Les recettes perçues par la taxe Gemapi ne suffisent pas. »


* 1 Le Bureau central de tarification est une autorité administrative rattachée au ministère de l'économie (articles L. 252-1 et suivants du code des assurances).

* 2 L'évapotranspiration désigne le processus par lequel l'eau liquide terrestre est renvoyée dans l'atmosphère environnant sous forme gazeuse.

* 3 Source : Cepri, « Les inondations par ruissellement : suivez le guide ! », septembre 2022.

* 4 Le tsunami constitue un risque côtier spécifique, généralement lié au risque sismique, qui n'est pas traité par le présent rapport.

* 5 Source : réponses de l'INRAE au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 6 Ces chiffres correspondent au nombre de personnes résidant au sein des enveloppes approchées des inondations potentielles (EAIP) élaborées dans le cadre de la directive « Inondation » de 2007, qui a pour objet de définir un cadre pour l'évaluation et la gestion des risques d'inondation. Il est à noter que ces enveloppes permettent d'identifier une borne supérieure de personnes qui pourraient potentiellement être exposées aux inondations, sans tenir compte de leur vulnérabilité face au risque.

* 7 Source : site internet du MTE.

* 8 Source : Cepri, « Les inondations par ruissellement : suivez le guide ! », septembre 2022.

* 9 Source : site internet « notre-environnement ».

* 10 Source : CCR, « Les catastrophes naturelles en France : bilan 1982-2003 », juin 2024.

* 11 Pour rappel, la sinistralité désigne le rapport entre le montant total des sinistres indemnisés par les assureurs et le montant des primes d'assurance encaissées.

* 12 Source : réponses de France Assureurs au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 13 Source : Datalab, « Les chiffres clés de la mer et du littoral, édition 2024 ».

* 14 Source : Datalab, « Les chiffres clés de la mer et du littoral, édition 2024 ».

* 15  Météo-France, Bilan climatique de l'automne 2023.

* 16 La période de retour d'une crue est la durée moyenne au cours de laquelle, statistiquement, un événement de même intensité se produit.

* 17 Météo-France, Bilan climatique du printemps 2024.

* 18 Les départements concernés sont l'Ain, l'Aisne, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, l'Ardèche, les Ardennes, le Calvados, la Charente ; la Charente-Maritime, la Corse-du-Sud, la Haute-Corse, la Côte-d'Or, la Dordogne, le Doubs, le Gard, le Gers, la Gironde, l'Indre, l'Indre-et-Loire, l'Isère, le Loir-et-Cher, la Loire-Atlantique, le Lot-et-Garonne, la Manche, la Meurthe-et-Moselle, la Moselle, la Nièvre, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Saône-et-Loire, la Savoie, la Haute-Savoie, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne, les Deux-Sèvres, la Somme, le Tarn, le Var, le Vaucluse, la Vendée, la Vienne, la Haute-Vienne, les Vosges, l'Yonne, le Val-d'Oise et La Réunion.

* 19 Les départements concernés sont les Bouches-du-Rhône, la Charente-Maritime, la Corse-du-Sud, la Gironde, les Landes, la Loire-Atlantique, le Morbihan, la Vendée et La Réunion.

* 20 Les départements concernés sont la Charente, le Nord et le Pas-de-Calais.

* 21 Certains départements ont été concernés par plusieurs phénomènes.

* 22 Un polder est une étendue artificielle de terre gagnée sur la mer.

* 23 Bilan victimaire des inondations du 1er septembre 2023 au 30 juin 2024 transmis par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise.

* 24 Rapport IGA - IGEDD, 2023, Circonstances des décès dus aux inondations.

* 25 Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des territoires touchés par des inondations, IGA-IGEDD-CGAAER, mars 2024.

* 26 Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des territoires touchés par des inondations, IGA-IGEDD-CGAAER, mars 2024.

* 27 Source : réponses de l'Assemblée des départements de France (ADF) au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 28 Sjoukje et al., 2018, étude citée par le rapport annuel 2022 du Haut conseil pour le climat, « Dépasser les constats, mettre en oeuvre les solutions », juin 2022.

* 29 Luu et al., 2018, étude citée par le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023.

* 30 Rapport annuel 2022 du Haut conseil pour le climat, « Dépasser les constats, mettre en oeuvre les solutions », juin 2022.

* 31 Source : réponses du Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (Schapi) au questionnaire des rapporteurs.

* 32 Source : réponses de Météo-France au questionnaire des rapporteurs.

* 33 Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer, M. Mansour Kamardine (Président), M. Guillaume Vuilletet (Rapporteur), 27 mai 2024.

* 34 Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer, M. Mansour Kamardine (Président), M. Guillaume Vuilletet (Rapporteur), 27 mai 2024.

* 35 Il ne s'agit pas de la sinistralité inondations constatée en 2000 et 2023, mais d'une estimation de ce que représente la sinistralité inondations lors d'une « année représentative » selon le climat en 2000 et le climat en 2023. Cette année représentative est déterminée par l'étude des années qui précèdent et qui suivent, ainsi que par des simulations.

* 36 « Changing climate both increases and decreases European river floods », Günter Blöschl et al., 28 août 2019.

* 37 La mission sur l'assurabilité des risques climatiques évalue le degré de confiance dans cette diminution à « moyen ».

* 38 Rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023.

* 39 Source : réponses de Météo-France au questionnaire des rapporteurs.

* 40 Rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023. Le projet explore 2070 a été mené par la direction de l'Eau et de la biodiversité conjointement avec plusieurs acteurs institutionnels sur une période allant de juin 2010 à octobre 2012. Il avait pour objectif d'évaluer les conséquences du changement climatique sur les milieux aquatiques et la ressource en eau. Il a permis également l'élaboration de stratégies d'adaptation.

* 41 91 % pour le scénario RCP 4.5 et 75 % pour le scénario RCP 8.5. La Caisse centrale de réassurance que pour des périodes des supérieures à 50 ans, la tendance d'inverse : coût du
scénario RCP 8.5 devient plus important.

* 42 Rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023.

* 43 Rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023.

* 44 Article 227 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. La zone des cinquante pas géométriques désigne une bande de terre de 81,2 mètres le long du littoral de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Les agences de la zone des cinquante pas géométriques peuvent effectuer des régularisations de l'habitat précaire et des aménagements sur ce territoire.

* 45 Étude « Guyaclimat » de 2022 du BRGM et de Météo-France. Cette étude, ainsi que la précédente, sont également citées par le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer, M. Mansour Kamardine (Président), M. Guillaume Vuilletet (Rapporteur), 27 mai 2024.

* 46 Cette définition a été introduite dans le code de l'environnement en 2016, par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 47 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 48 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 49 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

* 50 Agence de l'eau Seine-Normandie, Mission sur le fonctionnement hydrologique du bassin de la Seine, novembre 2016.

* 51 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 52 La nomenclature IOTA, définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, concerne les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l'eau et sur les milieux aquatiques. Ces opérations sont soumises soit à déclaration soit à autorisation, selon leurs incidences sur la ressource en eau et les milieux aquatiques.

* 53 Dispositions du II de l'article L. 211-1 du code de l'environnement :

« II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :

1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;

2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;

3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. ».

* 54 L'eutrophisation désigne un apport excessif de substances nutritives (nitrates et phosphates) dans un milieu aquatique pouvant entraîner la prolifération des végétaux aquatiques, parfois toxiques.

* 55  CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 56 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 57 Décret n° 2024-62 du 31 janvier 2024 relatif aux opérations d'entretien des milieux aquatiques et portant diverses dispositions relatives à l'autorisation environnementale.

* 58 Décret n° 2023-907 du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la police de l'eau annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement.

* 59 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024 (voir proposition n° 6).

* 60 Convention modifiant et complétant la Convention additionnelle du 16 juillet 1975 à la Convention du 4 juillet 1969 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'aménagement du Rhin entre Strasbourg-Kehl et Lauterbourg-Neuburgweier, signée à Bonn le 6 décembre 1982.

* 61 La gestion hydraulique des wateringues est assurée par plusieurs acteurs : alors que VNF gère le réseau navigable, qui constitue les plus grandes artères des wateringues, les terres basses du polder sont découpées en casiers hydrauliques comportant des canaux et des fossés (watergangs) : ils sont gérés par des sections de wateringues, associations de propriétaires privés. En outre, un syndicat mixte (l'Institution intercommunale des wateringues) assure l'exploitation et l'entretien des grands ouvrages d'évacuation à la mer (hormis dans les ports de Calais, Dunkerque et de Gravelines, où cette tâche est confiée à l'établissement portuaire).

* 62 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 63 Loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la Gemapi.

* 64 La délégation de la compétence Gemapi aux syndicats mixtes de droit commun étaient autorisée jusqu'au 1er janvier 2020.

* 65 Article L. 213-12 du code de l'environnement.

* 66 Loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la prévention des dommages. Par la suite, le statut des EPTB a été revu par la loi Maptam.

* 67 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 68 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 69 Source : réponses de la direction générale des collectivités territoriales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 70 Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques.

* 71 Site de présentation de l'association Frances Digues.

* 72 Source : réponses du Cerema au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 73 Le référentiel M57 désigne l'instruction budgétaire et comptable plus récente, mise à jour par la DGCL et la DGFiP, en concertation avec les élus locaux. Au 1er janvier 2024, elle avait vocation à se substituer aux nomenclatures M14, M52, M61, M71, M831 et M832. Les collectivités volontaires avaient la possibilité d'adopter le référentiel dès le 1er janvier 2022.

* 74 Source : réponses du Cerema au questionnaire des écrit rapporteurs.

* 75 Source : site de présentation de l'association France Digues.

* 76 Source : réponse de l'Assemblée des départements de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 77 Source : réponses de Voies navigables de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 78 Source : réponses de l'Agence de l'eau et du Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 79 Source : réponses de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 80 Il s'agit du rapport d'information du 26 juin 2019 de Patrick Chaize et Michel Dagbert, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, intitulé « Sécurité des
ponts : éviter un drame ».

* 81 Article 4 du décret n° 2023-1074 du 21 novembre 2023 relatif au transfert de la gestion des digues domaniales aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

* 82 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire des rapporteurs.

* 83 Voir « Transfert des digues domaniales : « une insécurité politique, financière et juridique » pour Xavier Dupont », Association des maires de France, 8 février 2024.

* 84 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 22 novembre 2023.

* 85 Sans prise en compte du taux départemental de TFPB transféré aux communes à compter de 2021.

* 86 Il faut préciser que le nombre total d'intercommunalités sur l'ensemble de la France est resté stable sur la période (environ 1 255).

* 87 Source : réponses d'Intercommunalité de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 88 Source : réponse du Comité de bassin d'Adour-Garonne au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 89 Source : réponses de la direction générale des collectivités territoriales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 90 Source : réponses de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 91 Exemple tiré du rapport d'information fait au nom de la mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement », Rémy Pointereau (Président), Hervé Gillé (Rapporteur), 11 juillet 2023.

* 92 Voir l'intervention de Barbara Pompili, lors de l'examen en séance du projet de loi « Climat et résilience », après la présentation par le Gouvernement d'un amendement visant à inclure l'adaptation des territoires au recul du trait de côte dans le champ de la compétence Gemapi : « Pourquoi avoir pensé à la taxe Gemapi ? D'une part, je le répète, elle n'est pas utilisée à son maximum ; d'autre part, les calculs qui ont été faits et qu'il faudra bien sûr vérifier ont montré que cela permettrait de faire face aux besoins qui surgiront à la suite de l'évolution du trait de côte. » (Compte intégral de la séance du Sénat du 25 juin 2021) La présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, avait d'ailleurs répondu : « Si la taxe Gemapi n'est pas pleinement utilisée, c'est tout bêtement parce qu'elle n'est pas suffisante pour couvrir les investissements extrêmement lourds nécessaires à la prévention des inondations. C'est bien souvent, paradoxalement, le manque de financements qui nous empêche d'avancer en la matière. Ne confondons pas la cause et la conséquence ! ». L'amendement n'a finalement pas été adopté.

* 93 Source : réponse du Comité de bassin d'Adour-Garonne au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 94 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 95 Source : réponses de l'Agence de l'eau Artois-Picardie au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 96 Source : réponses du Comité de bassin Adour-Garonne au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 97 Source : contribution à la consultation des rapporteurs aux élus locaux.

* 98 Source : réponses de l'Agence de l'eau Seine-Normandie au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 99 Source : réponses de l'Agence de l'eau Artois-Picardie au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 100 Source : contribution à la consultation en ligne des élus locaux.

* 101 Source : réponses de la direction générale des collectivités locales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 102 Source : réponses de la direction générale des collectivités locales au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 103 Source : réponses de la région Haut-de-France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 104 Source : contribution de la métropole de Lyon aux travaux des rapporteurs.

* 105 Recommandation n° 45 de la mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement ». Hervé Gillé (rapporteur), Rémy Pointereau (Président), 11 juillet 2023.

* 106 Rapport d'information n° 603 (2023-2024) de Christine Lavarde au nom de la commission des finances sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, 15 mai 2024.

* 107 BRGM, Impacts du changement climatique sur différents paramètres physiques en Guyane : caractérisation et projection, 2022.

* 108 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 109 CGDD « Gestion des eaux pluviales, 10 ans pour relever le défi », avril 2017.

* 110 Cepri, « Inondations par ruissellement : suivez le guide ! », 2022.

* 111 Cahier des charges PAPI 3 2023.

* 112 Rapport d'information du Sénat n° 536 (2014-2015), « Xynthia 5 ans après : pour une véritable culture du risque dans les territoires », 18 juin 2015.

* 113 Article L. 562-4 du code de l'environnement.

* 114 CCR, 2023, Étude sur l'efficacité des plans de prévention des risques d'inondation sur le coût des dommages assurés.

* 115 Rapport d'information du Sénat n° 536 (2014-2015), « Xynthia 5 ans après : pour une véritable culture du risque dans les territoires », 18 juin 2015.

* 116 Mission de parangonnage à la suite des inondations de novembre 2023 et janvier 2024 dans les Hauts-de-France.

* 117 La Rijkswaterstaat est l'agence du Gouvernement des Pays-Bas chargée de la planification, de la conception et de l'entretien des infrastructures majeures.

* 118 CGAAER, IGEDD, « Mission de simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau », mai 2024.

* 119 Article L. 131-1 du code de l'urbanisme.

* 120 Article L. 113-8 du code de l'urbanisme.

* 121 Article L. 211-1 du code de l'urbanisme.

* 122 Source : réponses du Cerema au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 123 Source : réponses d'Éric Daniel-Lacombe au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 124 Source : réponses de la direction générale de la prévention des risques au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 125 Source : réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire écrit des rapporteurs. La CCR précise qu'elle se fonde sur des données de la DGPR.

* 126 Source : réponses de la direction générale de la prévention des risques au questionnaire des rapporteurs.

* 127 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire de l'exercice 2023 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », avril 2024.

* 128 Les données disponibles ne distinguent pas entre les travaux de prévention pour les inondations et les travaux de prévention des autres, mais d'après les informations transmises aux rapporteurs, ces travaux portent très majoritairement sur les inondations et les submersions marines. En effet, l'autre principal risque pour lequel les particuliers sont susceptibles de réaliser des travaux, le retrait-gonflement des argiles, n'est pas éligible au fonds Barnier.

* 129 Voir le simulateur sur le site « Géorisques » : https://www.georisques.gouv.fr/simulateur-fprnm-particulier.

* 130 Proposition de loi n° 612 (2023-2024) visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

* 131 Rapport d'information n° 603 (2023-2024) fait au nom de la commission des finances sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles par Mme Christine Lavarde.

* 132 Cerema,  « Culture du risque : les clés pour mieux impliquer les populations », novembre 2021.

* 133 MTE, «  Les Français et les risques environnementaux  », décembre 2023.

* 134 Source : retour de la Rijkswaterstaat - agence du Gouvernement des Pays-Bas chargée de la planification, de la conception et de l'entretien des infrastructures majeures - au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 135 Source : réponses du Cerema au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 136 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 137 Rapport d'information n° 840 (2020-2021) fait au nom de la commission des finances sur
Météo-France, déposé le 22 septembre 2021 par Vincent Capo-Canellas
.

* 138 Article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

* 139 DGSCGC, juin 2023, Adaptation de la sécurité civile face aux défis climatiques à l'horizon 2050.

* 140 Article L. 125-4 du code des assurances.

* 141 Décret n° 2023-1090 du 25 novembre 2023 modifiant le décret n° 2022-1737 du 30 décembre 2022 relatif à l'indemnisation des catastrophes naturelles.

* 142 Article L. 2335-15 du code général des collectivités territoriales.

* 143 Source : réponses de Régions de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 144 Article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

* 145 Article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure.

* 146 Article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure.

* 147 Source : réponses de la direction générale de la prévention des risques au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 148 Source : réponses d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 149 La mission conjointe de contrôle a notamment entendu Xavier Pelletier, ancien préfet délégué à la reconstruction des vallées sinistrées dans les Alpes-Maritimes, actuellement préfet de Loir-et-Cher.

* 150 En 2019, le total des ressources d'investissement de la commune était de 437 000 euros.

* 151 Dans la loi de finances initiales pour 2024, le fonds Barnier a bénéficié d'un abondement exceptionnel de 20 millions d'euros en raison des inondations dans le Pas-de-Calais. Il avait également bénéficié de 30 millions d'euros supplémentaires dans la loi de finances pour 2022 à la suite à la tempête Alex qui a touché le département des Alpes Maritimes.

* 152 Le mardi 14 novembre 2023, le Président de la République a annoncé une aide de 50 millions d'euros pour les sinistrés du Pas-de-Calais lors d'une visite dans le territoire. Cette aide est distincte des subventions du fonds Barnier.

* 153 Le 6 juin 2024, la commission européenne a alloué 11,6 millions d'euros d'avance pour soutenir le Nord-Pas-de-Calais au titre du fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE).

* 154 La dotation de solidarité a notamment été activée à la suite des inondations dans le Pas-de-Calais.

* 155 Source : réponses de la Caisse des dépôts et consignations au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 156 Information transmise par la direction générale du Trésor, à partir des remontées de France Assureurs.

* 157 Source : réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 158 « Catastrophes naturelles : en Allemagne, le débat sur une assurance obligatoire avance », Nathalie Steiwer, Les Echos, 6 avril 2023.

* 159 En 2017, le taux de souscription à l'assurance multirisques habitations (MRH) était de 68 % à la Réunion, de 62 % en Martinique de 59 % en Guadeloupe, de 49 % en Guyane et de seulement 6 % à Mayotte. Ces chiffres, cités par la direction générale du Trésor dans sa contribution écrite, sont tirés de l'enquête « Budget de famille de l'INSEE », qui est la dernière étude disponible sur le sujet. Pour rappel, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française se trouvent hors du champ d'application du régime CatNat.

* 160 Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, cité dans l'article « Inondations dans le Pas-de-Calais : les assureurs n'appliqueront pas deux fois la franchise aux sinistrés », Sébastien Acedo, L'argus de l'assurance, 7 janvier 2024.

* 161 Article 2 de la proposition de loi de Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles déposée au Sénat le 21 mai 2024.

* 162 Source : réponses de France Assureurs au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 163 Bruno Le Maire, cité dans l'article « Inondations dans le Pas-de-Calais : Bruno le Maire met les assureurs sous pression », Géraldine Dauvargne, L'argus de l'assurance, 20 novembre 2023.

* 164 Source : réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 165 Source : réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 166 Le décret est prévu à l'article n°2023-78 du 8 février 2023 relative à la pris en en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydrations des sols. L'habilitation du Parlement était limitée au retrait-gonflement des argiles, donc ce décret en particulier ne pourra traiter que de ce risque.

* 167 Source : réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 168 Les collectivités territoriales rencontrent également des difficultés sérieuses pour s'assurer. Ce sujet n'a pas été traité dans le cadre de la présente mission conjointe de contrôle, dans la mesure où il fait l'objet d'une mission d'information menée par Jean-François Husson, le rapporteur général de la commission des finances : rapport d'information fait au nom de la commission des finances par la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriale, 27 mars 2024.

* 169 Source : réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 170 Source : réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 171 Source : réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 172 C. Cass, Civ. 1ère, 16 juin 1982, n° 81-13.080.

* 173 L'article mentionne lui-même une exception : une clause indiquant qu'il est impossible de verser une indemnité pour reconstruire un immeuble bâti sur place est réputée non écrite dès lors que l'espace est soumis à un plan de prévention des risques naturels prévisibles (article L. 121-16 du code des assurances).

* 174 C. Cass, Civ. 2e, 18 avril 2019, n° 18-13.371.

* 175 Ce droit n'est pas absolu. Il ne s'applique pas lorsque « la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. » (Article L. 111-15 du code de l'urbanisme).

* 176 Source : réponses de la direction générale de la prévention des risques au questionnaire écrit des rapporteurs.

* 177 Seuls les travaux imposés par un PPRI ou préconisés par un diagnostic de vulnérabilité réalisé dans le cadre d'un PAPI sont normalement éligibles au financement par le fonds Barnier.

* 178 Rapport au Parlement évaluant à mi-parcours la mise en oeuvre de l'expérimentation Mieux reconstruire après inondation (Mirapi).

* 179 Arrêté du 31 janvier 2024 fixant les modalités de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » créée par l'article 224 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.

* 180 Martinique, Guadeloupe et La Réunion.

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