B. 2023-2024 : UNE SÉRIE D'INONDATIONS D'ENVERGURE AUX CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

1. À partir de mi-octobre 2023, une succession continue et inédite de passages pluvieux a entraîné des inondations dans de nombreux territoires

À la fin de l'année 2023 et au début de l'année 2024, la France a été frappée par des inondations qui paraissent atypiques, tant par l'étendue des territoires touchés que par leur temporalité.

a) Inondations 2023-2024 : une succession discontinue d'événements à la temporalité hors norme, liés à des phénomènes pluvieux remarquables

Selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 se caractérisent par une « temporalité hors norme », avec une succession discontinue d'inondations dans certains territoires pendant plus de 6 mois, de novembre 2023 au printemps 2024. Ces événements sont liés à un phénomène météorologique particulier, ayant entraîné des précipitations conséquentes.

Entre mi-octobre et mi-novembre 2023, le Nord et l'Ouest de la France sont en effet traversés par un « rail » de dépression venu de l'océan Atlantique : la différence bien marquée des températures entre les hautes latitudes et les régions subtropicales a formé un « couloir » pour les perturbations pluvieuses, formées au large et amenées en France par le « courant-jet », un courant d'air de l'Atlantique Nord allant d'Ouest en Est.

Le « rail » de dépression de l'automne 2023

Source : Météo-France

L'épisode de perturbations débute mi-octobre puis s'intensifie avec la tempête Ciarán, passée en France les 1er et 2 novembre 2023 et accompagnée de précipitations hors normes, suivies des tempêtes Domingos (les 4 et 5 novembre 2023) et Frederico (le 16 novembre 2023).

De mi-octobre à mi-novembre 2023, il pleut en France sans discontinuer pendant 32 jours. Avec un cumul moyen de précipitations de 237,4 mm entre le 18 octobre et le 16 novembre, le record de cumul mensuel de pluie national, atteint en 1988, est battu15(*). Dans les Hauts-de-France, les cumuls de pluie en novembre ont dépassé 500 mm, soit l'équivalent de 6 mois de précipitations habituellement.

Température et pluviométrie en automne par année (1959 à 2023)

Source : Météo-France

Ces précipitations intenses et prolongées ont généré des crues exceptionnelles, d'abord en Bretagne puis en Nouvelle-Aquitaine, en Corse, dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, les inondations ont débuté le 6 novembre 2023 et se sont poursuivies tout au long du mois de novembre, par ruissellement, par remontée de nappes phréatiques et surtout par débordement de cours d'eau, dans le cadre de crues répétées. Ces crues ont, pour certains cours d'eau, atteint des niveaux historiques : pour l'Aa par exemple, la période de retour de la crue16(*) a été estimée à 200 ans, pour la Liane, la Hem et la Canche, elle a été a minima de 100 ans. Dans le Pas-de-Calais comme dans le Nord, le cumul de pluies sur le mois de novembre a été plus de 2 fois supérieur à la normale. La Vigilance rouge pour pluie-inondation, normalement réservée aux pluies torrentielles de montagne, a ainsi pour la première fois été déclenchée par Météo-France pour le Pas-de-Calais.

Périodes de retour des crues de novembre 2023 
dans le Nord et le Pas-de-Calais

Source : Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des
territoires touchés par des inondations

Après une accalmie en décembre 2023, les débits des cours d'eau sont repartis à la hausse dans ces deux départements début janvier 2024 en raison des précipitations, dans un contexte où le niveau des cours d'eau dépassait le niveau de saison et de saturation des sols, occasionnant de nouveaux débordements.

Si le Nord et le Pas-de-Calais ont été fortement touchés par ces phénomènes météorologiques, le reste du territoire français n'a pas été épargné.

En Charente et en Charente-Maritime, les précipitations ont également été anormalement fortes. Le cumul de précipitations entre octobre et décembre 2023 a atteint un niveau record en Charente et il a été 1,8 fois supérieur à la normale de saison en Charente-Maritime. Dans ce contexte, la rivière de la Charente a connu plusieurs crues entre les mois d'octobre 2023 et d'avril 2024, touchant fortement la ville de Saintes.

Dans les Alpes du Sud, les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes ont subi une succession de plusieurs événements de précipitations intenses. Entre les 20 et 24 octobre, l'épisode méditerranéen associé à la dépression Aline a apporté de fortes pluies notamment sur les massifs du Champsaur, du Valgaudemar et du Dévoluy avec des cumuls de 100 à 130 mm en cinq jours. Si la région est restée à l'écart des perturbations du mois de novembre, un épisode pluvieux marquant, associé à un redoux entraînant une fonte nivale et l'abaissement de la limite pluie-neige, ont favorisé la survenue d'inondations et coulées de boue dans les Hautes-Alpes entre le 30 novembre après-midi et la nuit du 1er au 2 décembre 2023.

En mars 2024, les intempéries liées à la tempête Monica ont entraîné à l'échelle nationale un nouvel épisode d'inondations : du 8 au 10 mars, 44 départements étaient classés en vigilance jaune en raison des intempéries, dont 34 départements en vigilance crues.

Les inondations se sont ensuite poursuivies dans certains territoires, en raison d'un printemps météorologique (mars, avril, mai) 2024 particulièrement pluvieux : le printemps 2024 se classe ainsi au 4ème rang des printemps les plus pluvieux depuis 1959, avec des précipitations excédentaires par rapport aux moyennes de saison sur la plus grande partie du territoire17(*).

b) Une catastrophe naturelle d'une étendue géographique également inédite

La crise de 2023-2024 apparaît également atypique en raison de la grande étendue des territoires touchés. Au 1er juin 2024, des communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle en raison des inondations survenues depuis novembre 2023 dans 54 départements de France métropolitaine et d'outre-mer, soit 53 % des départements.

Au total, l'ensemble des régions de la France hexagonale, ainsi que la Corse et La Réunion, ont été touchées, dans des proportions différentes, par des inondations entre le 1er novembre 2023 et le 1er juin 2024.

Nombre de départements dont au moins une commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle par phénomène d'inondations,
du 1er novembre 2023 au 1er juin 2024

Phénomène naturel

Nombre de départements dont au moins une commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle

Inondations et coulées de boue

51 départements18(*)

Inondations par choc mécanique des vagues

9 départements19(*)

Inondations par remontée de nappes phréatiques

3 départements20(*)

TOTAL

54 départements21(*)

La région Hauts-de-France est la plus fortement touchée : 370 communes ont été reconnues en état de catastrophes naturelles dans les départements du Pas-de-Calais, du Nord et, plus marginalement, de la Somme. Parmi elles, 145 communes ont été à la fois reconnues en état de catastrophe naturelle pour l'épisode de novembre 2023 et pour celui de janvier 2024. S'agissant du Nord et du Pas-de-Calais, cette situation s'explique en partie par la vulnérabilité de ces territoires face au risque d'inondation, qui tient à leurs caractéristiques physiques.

Le Nord et le Pas-de-Calais : un territoire historiquement vulnérable au risque inondations

L'exposition au risque inondations est particulièrement forte dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, qui comportent une zone de « polder »22(*) dit « polder de Flandre maritime » de 100 000 hectares située sous le niveau de la mer, constituée sur l'ancien delta de l'Aa (zone de plaine maritime). Ce secteur, situé entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer, compte environ 450 000 habitants.

Pour assécher ce secteur, réguler le niveau des eaux de surfaces et évacuer les excédents vers la mer, un réseau de 1 500 km de canaux, de fossés et d'ouvrages appelé « wateringues » a été créé dès le Moyen-Âge. Dans les années 1970, un vaste programme de drainage a conduit à l'implantation de nombreuses stations de pompage sur ce réseau.

Source : Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des
territoires touchés par des inondations

Au sein du polder des wateringues, l'écoulement des eaux douces à la mer n'est possible que pendant la marée basse, lorsque le niveau de la mer est inférieur au niveau d'eau dans les canaux : cet écoulement est dénommé « évacuation gravitaire » et son efficacité dépend de l'amplitude des marées.

En pratique, à marée haute, les portes à la mer sont fermées afin que l'eau n'envahisse pas les terres. Les eaux douces arrivant de l'amont ainsi que les eaux pluviales sont stockées dans le réseau de canaux. À marée basse, les portes à la mer (qui se situent dans les ports de Calais, Gravelines et Dunkerque) sont ouvertes pour évacuer les eaux qui se sont accumulées dans les canaux. Lorsqu'à marée haute, les pluies engendrent un apport d'eau ne pouvant pas être stocké dans les canaux sans provoquer de débordements et donc d'inondations, les stations de pompage permettent d'évacuer les eaux excédentaires à la mer.

Les inondations de 2023-2024 ont montré les limites de ce système de régulation en cas de précipitations exceptionnelles.

La partie Sud de la France n'a également pas été épargnée par des inondations, même si leur ampleur a été plus modérée. Dans les Alpes du Sud, dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence, les fortes pluies survenues entre le 30 novembre et le 2 décembre 2023, associées à un redoux entraînant une fonte des neiges, ont favorisé la survenue des crues intenses, notamment sur la Durance, s'apparentant à des épisodes cévenols et entraînant inondations et coulées de boues. Dans ces deux départements, plusieurs dizaines de communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle pour les événements survenus début décembre. Les 13 et 14 mai 2024, les rapporteurs ont constaté l'étendue considérable des dégâts causés par ces crues, en se rendant dans plusieurs de ces communes des Alpes-de-Haute-Provence (Barcelonnette, La Condamine-Châtelard, Uvernet-Fours, Enchastrayes) et des Hautes-Alpes (Guillestre et Risoul).

L'épisode d'inondations survenu en 2023 et au début de l'année 2024 apparaît ainsi inédit, à la fois dans sa temporalité et dans son étendue. L'année 2023 a été marquée par 81 épisodes de vigilance crues orange ou rouge, le nombre le plus élevé depuis la création de ce système de vigilance par Météo-France en 2001. Sur le seul dernier trimestre 2023, la vigilance orange ou rouge crues a été activée pendant 49 jours, ce qui constitue là aussi un record.

2. Un bilan humain, social, sanitaire et matériel conséquent sur les territoires touchés, qui doit être évalué sur la durée
a) Un bilan humain lourd, avec des conséquences de long terme

Entre le mois d'octobre 2023 et celui d'avril 2024, les inondations qui ont frappé la France ont causé la mort de treize personnes, dont neuf en France métropolitaine et quatre en outre-mer. Les rapporteurs déplorent ce lourd bilan humain et tiennent à exprimer leur solidarité avec les victimes.

La répartition géographique de ces victimes en France métropolitaine présente un paradoxe : aucun décès n'a été recensé dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, alors même que ces territoires ont été les plus touchés par les inondations.

À l'inverse, les victimes de France métropolitaine sont concentrées géographiquement en zone de montagne, à une exception près, et spécifiquement dans l'arc méditerranéen, à savoir des territoires où les inondations ont pourtant été moins spectaculaires dans leur ampleur. Huit des neuf décès dus aux inondations de 2023 et 2024 en France métropolitaine ont ainsi eu lieu dans cet arc, en Ardèche (1 décès), dans le Gard (6 décès) et dans l'Hérault (1 décès), durant des épisodes cévenols de crue torrentielle liés à la tempête Monica de mars 2024. Le seul décès survenu hors de l'arc méditerranéen a eu lieu en février 2024 et faisant suite à un épisode de crue dans le département des Deux-Sèvres23(*).

Cette répartition géographique des victimes est cohérente avec celle historiquement observée pour ce type de phénomènes : à l'exception de la tempête Xynthia (phénomène de submersion marine), les inondations des quinze dernières années ayant causé plus de 10 morts sont concentrées dans l'arc méditerranéen et liées à des crues torrentielles de montagne. De 2013 à 2022, 113 des 146 décès liés aux inondations en France ont eu lieu dans ce périmètre géographique24(*), caractérisé par des crues soudaines et violentes.

Les quatre décès survenus en outre-mer ont eu lieu sur l'île de La Réunion en janvier 2024, durant un épisode de crue torrentielle lié à de fortes pluies.

Nombre de victimes recensées par épisode d'inondation de 2010 à 2022 

Année

Type de phénomène

Événement

Nombre de victimes

2010

Inondation par submersion marine

Tempête Xynthia sur le littoral atlantique en février-mars 2010, en particulier en Vendée

53

2010

Crue torrentielle

Inondations de juin 2010 dans le Var

25

2015

Crue torrentielle

Inondations d'octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes

20

2018

Crue torrentielle

Inondations d'octobre 2018 dans l'Aude

14

2020

Crue torrentielle

Tempête Alex d'octobre 2010 dans les Alpes-Maritimes

18

Source : rapport IGA -- IGEDD, 2023

La faiblesse relative du nombre de victimes (13 décès), en comparaison de celui constaté lors des cinq principales inondations des quinze dernières années (14 à 53 morts, voir détails dans le diagramme ci-après), s'explique donc par la prévalence des inondations de plaine, nettement moins meurtrières que les crues de montagne.

Nombre annuel de décès et de disparitions dus aux inondations en France de 1973 à 2018, en fonction du type d'inondations

Source : rapport IGA -- IGEDD, 2023

Au-delà du nombre de décès, un bilan sanitaire global des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024  reste à ce stade difficile à évaluer.

Selon Santé publique France, « les inondations peuvent laisser des séquelles à court et à long terme sur la santé psychosociale et mentale. » Ces séquelles sont liées aux perturbations économiques et sociales qui surviennent dans la vie des victimes d'inondations, qui sont de plusieurs ordres : dégradation voire destruction de leurs biens personnels et de leur milieu de vie, interruption plus ou moins longue de leur vie professionnelle, incertitude financière liée aux destructions matérielles subies... Surtout, après avoir été évacués et relogés, les sinistrés sont susceptibles de vivre plusieurs semaines voire plusieurs mois hors de leur domicile, avec toutes les difficultés que cela peut entraîner pour leur vie quotidienne.

Santé publique France souligne que les inondations peuvent accroître la prévalence de symptômes de stress post-traumatique, de dépression, d'anxiété et d'idées suicidaires chez les personnes exposées. Cette exposition favoriserait également la consommation excessive de drogue, d'alcool ou de médicaments et diminuerait le sentiment de sécurité chez les victimes.

Les inondations représentent donc un réel enjeu de santé publique, qui tendra à s'accentuer avec le dérèglement climatique, compte tenu de l'augmentation de la fréquence et de l'intensité de ces événements. À ce titre, la FNSPF considère que la charge opérationnelle exceptionnelle induite par la gestion des inondations « génère un stress important de la part des administrés et des autorités et est caractéristique d'un burn-out climatique. »

La santé physique des personnes sinistrées peut également être impactée par les inondations, selon Santé publique France. Le stress constitue en effet un facteur de risque pour de nombreuses maladies (ulcères duodénaux, arthrite, bronchites...), y compris cardiovasculaires (hypertension artérielle). Un état de santé physique précaire préexistant peut également être aggravé par la situation. Les inondations sont aussi associées à une incidence accrue de maladies d'origine hydrique. Enfin, les logements inondés sont propices au développement de moisissures, de champignons et de bactéries qui augmentent le risque de développer ou d'aggraver des problèmes cutanés, allergiques, oculaires, respiratoires ou gastro-intestinaux.

Une surveillance de l'impact sanitaire à court terme des inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 a été mise en place dans le département du Pas-de-Calais par l'Agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France, basée sur le dispositif SurSaUD (Surveillance sanitaire des Urgences et des Décès). Il s'agissait de détecter d'éventuelles augmentations des recours aux soins d'urgence pour des pathologies cibles (gastro-entérites, traumatismes, intoxications au monoxyde de carbone, hypothermies, troubles anxieux et stress et passages toutes causes) et de décrire les événements de santé aigus pouvant être associés aux inondations. Aucune augmentation inhabituelle et importante des recours aux soins d'urgence pour ces regroupements syndromiques n'a été détectée à ce stade. Une légère augmentation des recours aux urgences pour troubles anxieux a toutefois été observée entre mi-novembre et mi-décembre, avec des effectifs qui restent très faibles.

Il convient de poursuivre cette surveillance à moyen terme, afin de disposer d'une évaluation plus complète des conséquences sanitaires des inondations, particulièrement dans le Nord et le Pas-de-Calais, qui sont les territoires les plus touchés.

b) Un bilan matériel différencié selon les territoires

Les inondations de 2023 et 2024 ont causé des dommages aux biens des particuliers, des entreprises et des administrations publiques (État et collectivités territoriales). La répartition des dommages entre ces trois catégories d'acteurs apparaît cependant différenciée selon les territoires.

Dans les Hauts-de-France, le montant des dommages liés aux inondations sur les biens assurables est évalué à 640 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance (CCR). La majorité des dégâts concerne le premier épisode pluvieux : les intempéries de novembre 2023 ont entraîné 550 millions d'euros de dégâts, celles de début 2024 ont aggravé les sinistres déjà présents pour un montant de 75 millions d'euros et causé de nouveaux sinistres, pour un montant de 15 millions d'euros. Les dommages concernent le Pas-de-Calais (64 % du montant des dommages), le Nord (29 %) et, dans une moindre mesure, la Somme (7 %).

Le coût des inondations de 2023 et de 2024 en termes de dommages sur les biens assurables n'apparaît pas inédit, malgré l'intensité et la temporalité hors du commun de la crise. À titre de comparaison, les inondations de la Seine de mai-juin 2016 avaient coûté, en euros de 2024, 1,4 milliard d'euros sur les biens assurables, soit deux fois plus, tandis que les inondations consécutives à la tempête Alex de 2020, dans les Alpes-Maritimes, avaient causé 1 milliard d'euros de dommages sur les biens assurables.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, les particuliers ont été fortement sinistrés : 33 037 sinistres de particuliers ont été recensés, pour un coût moyen par sinistre évalué entre 10 000 et 11 000 euros. Une cinquantaine de demandes d'information au titre du rachat de maisons par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) dit « fonds Barnier », qui témoignent d'une volonté des habitants de quitter leur logement, ont été formulées25(*).

Concernant les professionnels, 1 812 sinistres ont été recensés, avec un coût moyen cependant significativement plus élevé, de l'ordre de 69 000 euros. Au-delà des 400 entreprises touchées directement par les inondations, celles-ci ont impacté l'activité d'environ un millier d'entreprises, selon la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Hauts-de-France. Les pertes de fonds causées aux agriculteurs sont évaluées par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)26(*) à 12,7 millions d'euros.

Enfin, les dégâts induits par les inondations sur les infrastructures publiques représentent un coût financier majeur, particulièrement pour les collectivités territoriales. Concernant le patrimoine routier des départements, les dégâts sont estimés à 85 millions d'euros pour le Pas-de-Calais et à 15 millions d'euros pour les Hautes-Alpes27(*). Pour les seules inondations de novembre 2023, le coût des dégâts sur des biens non assurables des collectivités sur l'ensemble de la France est évalué par la direction générale des collectivités locales (DGCL) à 200 millions d'euros. Ces dégâts concernent également les ouvrages d'endiguement, en particulier dans les zones de montagne où la violence des crues torrentielles a causé de sérieux dommages.

Les rapporteurs ont constaté à cet égard l'ampleur des dégâts causés par les inondations lors de plusieurs déplacements, effectués dans le Pas-de-Calais et dans les Alpes du Sud.

Déplacements des rapporteurs dans le cadre de la mission --
Focus sur les dégâts causés par les inondations

Les rapporteurs ont effectué trois déplacements, dont deux dans le Pas-de-Calais (les 5 mars et 17 mai 2024) et un dans les Alpes du Sud (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes, les 13 et 14 mai 2024). Ils ont veillé à aller à la rencontre des différentes catégories d'acteurs touchés par les inondations, particuliers, acteurs économiques et collectivités territoriales.

Le déplacement dans le Pas-de-Calais du 5 mars 2024 a notamment permis aux rapporteurs d'échanger avec des chefs d'entreprise de la zone industrielle de la Liane à Saint-Léonard dans l'agglomération de Boulogne, des habitants sinistrés de la commune de Saint-Étienne-au-Mont et le maire de la commune de la Calotterie, fortement touchée par les inondations.

Vue aérienne de la zone industrielle de la Liane (novembre 2023)

Source : communauté d'agglomération du Boulonnais

Le second déplacement dans le Pas-de-Calais du 17 mai 2024 a notamment été l'occasion de rencontrer des habitants de la rue Roger Salengro à Blendecques (dont plusieurs maisons sont en passe d'être rachetées par les pouvoirs publics pour créer un bassin de rétention des eaux) ainsi que des représentants du monde agricole.

Façade d'une maison sinistrée à Blendecques

Source : déplacement des rapporteurs du 17 mai 2024

Enfin, lors du déplacement dans les Alpes les 13 et 14 mai 2024, les rapporteurs ont pu mesurer l'ampleur des dégâts causés par les crues torrentielles de décembre 2023 sur les infrastructures publiques (routes, ponts et ouvrages d'endiguement arrachés ou sévèrement endommagés), mais également sur les commerces avec toutes les conséquences qui s'y attachent pour certains acteurs économiques, notamment s'agissant du magasin Intermarché de Guillestre (Hautes-Alpes) dévasté par l'eau et la boue.

Échanges des rapporteurs avec le préfet des Alpes-des-Hautes-Provence

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Digue endommagée par les inondations de 2023 à Uvernet-Fours (Alpes-de-Haute-Provence)

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Pont d'urgence installé par l'armée au niveau de la station de Risoul (Hautes-Alpes), à la suite de l'arrachement de la route d'accès lors des inondations de décembre 2023

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Rencontre avec les gérants de l'Intermarché de Guillestre (Hautes-Alpes), sinistré par les inondations de décembre 2023

Source : déplacement des rapporteurs des 13 et 14 mai 2024

Les rapporteurs ont pu constater, au cours de ces déplacements, les conséquences inégales des dégâts selon les territoires. Les inondations du Nord de la France ont particulièrement touché les habitations, tandis que, dans l'arc méditerranéen, c'est le patrimoine des collectivités territoriales qui a subi le plus de dégâts du fait des crues torrentielles (dommages aux infrastructures, notamment aux ponts, aux routes et aux systèmes d'endiguement).


* 15  Météo-France, Bilan climatique de l'automne 2023.

* 16 La période de retour d'une crue est la durée moyenne au cours de laquelle, statistiquement, un événement de même intensité se produit.

* 17 Météo-France, Bilan climatique du printemps 2024.

* 18 Les départements concernés sont l'Ain, l'Aisne, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, l'Ardèche, les Ardennes, le Calvados, la Charente ; la Charente-Maritime, la Corse-du-Sud, la Haute-Corse, la Côte-d'Or, la Dordogne, le Doubs, le Gard, le Gers, la Gironde, l'Indre, l'Indre-et-Loire, l'Isère, le Loir-et-Cher, la Loire-Atlantique, le Lot-et-Garonne, la Manche, la Meurthe-et-Moselle, la Moselle, la Nièvre, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Saône-et-Loire, la Savoie, la Haute-Savoie, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne, les Deux-Sèvres, la Somme, le Tarn, le Var, le Vaucluse, la Vendée, la Vienne, la Haute-Vienne, les Vosges, l'Yonne, le Val-d'Oise et La Réunion.

* 19 Les départements concernés sont les Bouches-du-Rhône, la Charente-Maritime, la Corse-du-Sud, la Gironde, les Landes, la Loire-Atlantique, le Morbihan, la Vendée et La Réunion.

* 20 Les départements concernés sont la Charente, le Nord et le Pas-de-Calais.

* 21 Certains départements ont été concernés par plusieurs phénomènes.

* 22 Un polder est une étendue artificielle de terre gagnée sur la mer.

* 23 Bilan victimaire des inondations du 1er septembre 2023 au 30 juin 2024 transmis par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise.

* 24 Rapport IGA - IGEDD, 2023, Circonstances des décès dus aux inondations.

* 25 Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des territoires touchés par des inondations, IGA-IGEDD-CGAAER, mars 2024.

* 26 Mission d'appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des territoires touchés par des inondations, IGA-IGEDD-CGAAER, mars 2024.

* 27 Source : réponses de l'Assemblée des départements de France (ADF) au questionnaire écrit des rapporteurs.

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