EXAMEN EN COMMISSION

25 SEPTEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Notre ordre du jour appelle à présent l'examen du rapport de nos collègues Laure Darcos et Béatrice Gosselin consacré aux 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école.

Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Mes chers collègues, la lutte contre la sédentarité des jeunes est devenue un enjeu majeur de santé publique. Les chiffres sont en effet très alarmants : un enfant sur trois est en surpoids. Sans modification de la tendance actuelle, cette proportion devrait passer à un sur deux dans les dix années à venir. En l'espace de quarante ans, les enfants français ont perdu en moyenne 25 % de leurs capacités cardio-vasculaires.

C'est au regard de cette urgence sanitaire que Paris 2024 a annoncé, en février 2020, son programme « 30 minutes d'activité physique à l'école » les jours sans éducation physique et sportive (EPS). Ce programme était fondé sur la participation volontaire des écoles, celles-ci devant répondre à un appel à manifestation à intérêt, lancé à la rentrée 2020 par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en partenariat avec Paris 2024 et l'Agence nationale du sport (ANS).

Les modalités de sa mise en oeuvre ont été volontairement souples : les 30 minutes peuvent être organisées en une seule fois ou fractionnées au cours de la journée, y compris pendant les récréations ou les temps périscolaires. Elles peuvent se dérouler dans la salle de classe, la cour, le préau ou encore à proximité immédiate de l'école. En outre, aucune tenue sportive n'est nécessaire. Pour résumer, il s'agit de « bouger » au moins 30 minutes dans la journée à l'école.

Chaque école volontaire bénéficie d'un kit sportif, lequel contient du petit matériel facilement utilisable, y compris de manière autonome par les enfants : des ballons, des balles de tennis, des cônes, des chasubles, des cordes à sauter, des mini-haies, des cerceaux ou encore un sifflet, un chronomètre... Concrètement, cela représente un mètre cube de matériel, d'une valeur d'une centaine d'euros.

Un réseau de référents « 30 minutes d'activité physique quotidienne » (« 30' APQ »), animé par Paris 2024, a été déployé dans l'ensemble du territoire. Des fiches et des vidéos proposant des exercices ou des activités dynamiques ont également été créées. Les fédérations sportives sont invitées à proposer des activités simplifiées en lien avec leur sport ou encore à accompagner les enseignants par des formations ou du prêt de matériel.

Ce dispositif basé sur le volontariat a connu un certain succès : en juin 2021, 1 000 écoles volontaires y participaient. Un an plus tard, près de 11 000 écoles ont rejoint le dispositif, soit 22 % des écoles primaires.

L'année 2022 a constitué un tournant du fait de la reprise en main du dispositif par le ministère de l'éducation nationale et de sa généralisation. En janvier 2022, une circulaire du ministère de l'éducation nationale a posé le principe de la généralisation du dispositif pour la rentrée 2024, prévoyant la montée en puissance progressive du dispositif, qui devait passer de 11 000 écoles volontaires à plus de 48 000 écoles.

Or ce calendrier s'est accéléré brutalement, puisqu'en juin 2022 le Président de la République a annoncé la généralisation du dispositif dès la rentrée suivante. Concrètement, le dispositif a dû être déployé dans 37 000 écoles supplémentaires en deux mois à peine.

Il en est résulté nombre d'interrogations de la part des enseignants. Faute de toute précision, l'annonce a été perçue par certains comme la nécessité d'ajouter 30 minutes de sport par jour à l'école dans un temps scolaire déjà contraint. D'autres, dans un contexte où l'EPS est devenue un « enseignement strapontin », si j'ose dire, y ont vu la mise en place d'un enseignement au rabais de cette discipline, se limitant désormais à faire bouger l'élève.

Il a fallu attendre près de six semaines pour que soit publiée, au coeur de l'été, une note de service à ce sujet. Du reste, cette dernière n'a apporté aucune précision supplémentaire aux enseignants : elle s'est contentée de reprendre, dans les grandes lignes, les informations contenues dans l'appel à manifestation à intérêt de septembre 2020.

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Deux ans après la généralisation de ce dispositif, quel bilan en tirer ?

Il nous semble tout d'abord important de revenir sur plusieurs affirmations présidentielles.

Première affirmation : en juin dernier, le Président de la République s'est félicité que « 90 % des enfants en primaire [...] ont cette demi-heure de sport. » Mme Belloubet, alors ministre de l'éducation nationale, a évoqué ce même chiffre à l'occasion de son audition devant notre commission au printemps dernier. Ce taux provient d'une enquête publiée en janvier 2024 et réalisée auprès des directeurs d'école.

Toutefois, deux éléments tempèrent l'enthousiasme présidentiel et ministériel. En premier lieu, le taux de réponse est faible : 40 % des directeurs d'école n'y ont pas répondu ; comme l'ont reconnu les services du ministère de l'éducation nationale, « il existe beaucoup de flou sur l'application de cette mesure dans ces écoles. » En second lieu, il suffit qu'une seule classe ait mis en place ce dispositif pour que l'école dans son intégralité soit comptabilisée. Or plus d'un directeur sur cinq indique que ce dispositif concerne moins de la moitié des classes de son école. Au total, seules 42 % des écoles primaires mettent en oeuvre de manière certaine ce dispositif pour plus de la moitié de leurs élèves, soit un taux bien éloigné des 90 % d'élèves du primaire sur lequel avait communiqué l'ancien gouvernement.

Deuxième affirmation présidentielle : la livraison d'un kit sportif par école. Là encore, nous avons pu constater, à tout le moins, d'importants retards de livraison. Au reste, certaines écoles n'ont jamais été livrées.

À l'automne 2023, les services du ministère de l'éducation nationale avait prévu de distribuer un kit dans chaque école d'ici à la fin de l'année civile 2023 ; ce délai a glissé à la fin de l'année scolaire 2024. Or ce nouveau calendrier n'a pas non plus été respecté. Ainsi, dans l'Essonne, les services académiques espèrent une distribution dans 90 % des écoles d'ici la fin de l'année scolaire ! Dans d'autres territoires, des kits pourraient manquer - je pense aux académies de Versailles et de Créteil.

Surtout, nous avons constaté une distribution de ces kits limitée aux seules écoles élémentaires, en excluant les écoles maternelles. Or, je tiens à le rappeler, le dispositif concerne tous les élèves du primaire. D'ailleurs, lorsque ce dispositif reposait sur la participation volontaire, les écoles maternelles engagées dans cette démarche recevaient le fameux kit.

Nous avons interrogé les services du ministère sur les raisons de cette exclusion des écoles maternelles. Selon ces derniers, les 30 minutes d'activité physique interviennent les jours où il n'y a pas EPS. Or, en maternelle, le développement de la motricité faisant partie des apprentissages fondamentaux qui doivent être pratiqués quotidiennement jour, il n'y a pas de jour sans EPS.

On ne peut que regretter cette interprétation administrative qui vient priver près de 4 000 écoles maternelles de petits matériels sportifs facilement utilisables.

N'oublions pas la situation des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), nombreux dans nos territoires ruraux. Les sites d'un RPI sont souvent éloignés les uns des autres, répartis sur plusieurs communes. Ils constituent toutefois, au sens juridique, une seule et même école ! Or un seul kit leur a été livré, ce qui ne facilite pas son utilisation...

Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Troisième affirmation présidentielle : les 30 minutes d'activité physique pour tous les élèves de primaire doivent permettre de construire une nation sportive et d'inscrire pleinement le sport à l'école.

Ces propos mélangent les activités physiques et les activités sportives, comme si les deux termes étaient synonymes. À cela s'ajoute le lien fait par le Président de la République entre ce dispositif et la performance sportive dans le contexte des jeux Olympiques. Or ce programme a vocation à construire non pas une nation sportive, mais une nation en bonne santé ! Ce n'est pas tout à fait pareil. Il est urgent de rappeler l'objectif du dispositif : lutter contre la sédentarité des jeunes.

Enfin, ce dispositif devait être copiloté par le ministère de l'éducation nationale, celui des sports et Paris 2024. Comme nous avons pu l'entendre, la coordination entre ces trois instances est à tout le moins complexe. Très concrètement, il a fallu entre six mois et un an pour que les fiches d'activités et les vidéos préparées par le ministère des sports et Paris 2024 puissent être mises en ligne sur le site de l'éducation nationale ...

Le ministère des sports n'a pas été associé à l'enquête réalisée auprès des directeurs d'école. Il regrette ainsi qu'aucune question ne porte sur la participation des clubs sportifs ou sur la nature de l'activité proposée. Son rôle est relégué à celui de financeur du kit.

Comme vous pouvez le constater, nous sommes loin du satisfecit présidentiel sur le déploiement territorial du dispositif.

Nous nous sommes également intéressées au bilan de la mesure pour les élèves.

Je regrette qu'il n'existe à ce jour aucune étude de santé publique sur l'impact de ce programme sur la sédentarité des jeunes. Pour les premières écoles volontaires, nous disposons pourtant d'un recul de quatre ans.

À de rares exceptions, les agences régionales de santé (ARS) n'ont d'ailleurs pas été associées au déploiement de cette mesure. Aussi, notre première recommandation est de mesurer, en lien avec les ARS, l'impact du dispositif sur une cohorte d'élèves en matière de lutte contre la sédentarité.

Les avis sont très partagés à propos des effets du dispositif sur l'apprentissage : quelque 48 % des enseignants estiment qu'il a un effet direct ou indirect sur l'apprentissage, par exemple sur la concentration des élèves ou sur le climat scolaire. Les enseignants engagés dans le dispositif que nous avons rencontrés portent, de manière générale, un avis positif sur celui-ci.

Une fois ce bilan dressé, comment faire vivre ce dispositif au-delà des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), alors qu'il est encore trop perçu comme une mesure gadget par nombre d'enseignants et risque d'être progressivement abandonné ? L'un des directeurs d'école que nous avons rencontrés s'est ainsi exprimé en ces termes : « Dans notre école composée de douze classes, il y a eu en début d'année un engagement conséquent, mais très rapidement la pause active a été abandonnée pour plusieurs raisons : une pression en raison du temps, des effectifs nombreux - près de 28 élèves par classe - et un mobilier encombrant. La pause active n'est ainsi plus pratiquée, si ce n'est en cas de besoin ; une enseignante fait ponctuellement de la réflexologie. »

Un point a fait consensus lors de nos auditions : la nécessité de renommer ce dispositif pour éviter toute confusion avec l'EPS et pour réaffirmer son objectif de santé publique. C'est l'objet de notre recommandation n° 2.

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Nous vous proposons ainsi de renommer le dispositif en « pause active et bien-être (Pabe) » pour le distinguer clairement de l'EPS, mais nous sommes ouvertes à vos propositions.

Par ailleurs, l'un des principaux freins à la mise en place du dispositif est le manque de temps. Les enseignants sont sous la pression des parents d'élèves, qui leur reprochent de ne jamais finir le programme ! Aussi, il nous semble important d'investir l'ensemble des temps de l'enfant. Pour cela, nous préconisons d'associer les intervenants du temps périscolaire. Ces derniers pourraient, conjointement avec les équipes pédagogiques, imaginer de nouvelles activités dynamiques mises ensuite en oeuvre en classe, pendant la récréation ou le temps périscolaire - je pense à l'apprentissage de danses, à de nouveaux jeux, à des activités sportives adaptées...

Cette recommandation nous permet de mettre en lumière un manque criant dans le déploiement du dispositif : l'absence d'association des communes, alors qu'elles sont incontournables, puisqu'elles sont chargées du bâti scolaire, de l'aménagement des cours d'école, de la fourniture du petit matériel et des temps périscolaires. Pourtant, nombre de maires n'ont jamais entendu parler des 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école. Là encore, cela renforce l'impression d'un dispositif lancé sans concertation ni même information de ceux qui sont censés le mettre en place.

Cette absence d'association est d'autant plus regrettable que l'aménagement des cours d'école, au travers d'un marquage dynamique, joue un rôle majeur pour faciliter la mise en oeuvre du dispositif.

Je souligne que nombre d'élus locaux connaissent mal les crédits dont dispose l'ANS pour soutenir leurs projets. Cette méconnaissance est accentuée, dans certains départements, par l'absence de coordination entre ces crédits et ceux de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Un deuxième axe d'action important est l'accompagnement des enseignants. À peine une école sur quatre indique avoir été accompagnée pour la mise en place du dispositif. À cet égard, je salue le travail de l'académie de Paris, qui a rédigé un guide proposant des activités faciles à mettre en place, avec peu de matériel - un jeu de cartes, par exemple.

Toutefois, pour que ce dispositif s'ancre durablement, il doit être intégré aux réflexions actuelles sur l'évolution des pratiques pédagogiques. Nous avons ainsi pu assister à des exemples d'exercices de français ou d'anglais en lien avec l'activité physique, dans la cour d'école. Pour l'enseignant, cela permet de revoir une notion de manière ludique.

C'est pourquoi nous préconisons d'inclure systématiquement dans les formations consacrées aux savoirs fondamentaux des exemples d'apprentissage dynamiques. Il nous semble également important de s'appuyer sur le savoir faire des enseignants et de faciliter le partage des bonnes pratiques, par exemple via le site internet eduscol du ministère de l'éducation nationale.

Par ailleurs, afin de permettre au dispositif d'essaimer dans toutes les écoles, nous recommandons de former en trois ans au moins un enseignant par école aux 30 minutes d'activité physique.

Dans les deux cas, il nous semble nécessaire de prévoir la présentation d'exemples d'utilisation de ce dispositif au service de la pédagogie et de faire intervenir des enseignants qui mettent régulièrement en oeuvre ce dispositif dans leur classe. Ils seront les mieux placés pour répondre de manière très concrète aux questions portant sur les obstacles matériels que peuvent se poser leurs collègues. Cela rejoint l'importance de la formation entre pairs, sur laquelle notre commission insiste.

Toutefois, nous alertons sur les limites de la transversalité : à vouloir confier de plus en plus de missions à l'école, ces programmes ou sensibilisations risquent de rester au stade de gadgets de communication.

C'est pourquoi il est impératif de responsabiliser les parents pour rendre effectives les 60 minutes d'activité physique quotidienne nécessaires à l'enfant. En effet, les 30 minutes que nous évoquons ne constituent que la moitié du temps recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Nous avons pris connaissance, lors de nos auditions, d'initiatives intéressantes pour associer et sensibiliser les parents, par exemple par des défis familiaux à réaliser dans le cadre de projets de classe.

Tel est le bilan que nous pouvons dresser de la mise en oeuvre de ce dispositif, deux ans après l'annonce de sa généralisation.

D'un côté, nous sommes loin d'un déploiement généralisé à l'ensemble des élèves du primaire, du fait d'une approche trop unilatérale du ministère de l'éducation nationale. D'un autre, le programme répond à un enjeu de santé publique ; pour les enseignants qui s'en sont emparés, il a également des effets positifs sur la classe.

Aujourd'hui, nous sommes au milieu du gué : il est impératif de donner au dispositif les moyens de perdurer. Cela passe principalement par un accompagnement des enseignants et par une mise en oeuvre concertée avec les collectivités locales et les équipes pédagogiques.

Je rappelle que ce dispositif a été mis en place en lien avec Paris 2024, dans le cadre des jeux Olympiques. Du reste, certaines écoles ont également organisé des olympiades ou accueilli des champions olympiques, qui ont témoigné devant les élèves. Mais le souffle des jeux Olympiques est vite retombé, comme en témoigne l'absence de ministre chargé du handicap dans le nouveau gouvernement, quinze jours à peine après les jeux Paralympiques. Je crains que l'on ne puisse s'appuyer durablement sur l'effet des JOP !

M. Jean-Jacques Lozach. - Un tel dispositif méritait bel et bien de faire l'objet d'une mission d'information, car sa mise en oeuvre a suscité beaucoup de malaises et de confusions. On a l'impression qu'il s'agit, insidieusement, de faire basculer ces 30 minutes d'activité physique quotidienne sur le temps de la récréation, dont la raison d'être serait, par là même, dénaturée.

L'objet de la mission d'information était de contrôler la mise en place de ce dispositif sur le terrain : vos chiffres montrent que ceux qui ont été avancés par le précédent gouvernement en juin dernier - seuls 10 à 15 % des écoles ne joueraient pas encore le jeu des 30 minutes d'activité physique quotidienne - ne sont pas vrais.

Avez-vous exploité les données de l'enquête du ministère des sports évoquée devant notre commission par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, le 8 novembre 2023 ?

En 2023, l'objectif était d'aménager 170 « cours d'école actives et sportives ». L'objectif est de 500 en 2024, et 1 300 sur 3 ans : on est loin d'un aménagement généralisé - il y a 22 000 écoles ! Et je n'évoque pas le problème du financement : l'ANS propose 2 000 euros - contre 5 000 euros initialement - pour un tel aménagement, ce qui ne permettra pas d'atteindre l'objectif fixé ni, d'ailleurs, celui de végétalisation des cours d'école, fixé par les dispositions relatives au zéro artificialisation nette (ZAN).

Le plus bel héritage des jeux Olympiques devrait être l'augmentation du nombre d'heures d'EPS dans nos écoles.

Mme Mathilde Ollivier. - La mise en place du dispositif nous laisse tous circonspects.

D'ailleurs, parler d'« activité physique », c'est inscrire le dispositif dans une dimension non pas ludique et plaisante, mais hygiéniste et datée. Or il faut associer le sport au plaisir et au jeu pour susciter l'engagement des jeunes.

S'il faut évaluer les effets du dispositif sur la sédentarité, comme vous le recommandez, il me semble également utile d'évaluer ses effets sur la pratique du sport. L'objectif du Premier ministre était bel et bien de construire une nation sportive.

Je suis d'accord avec vous pour modifier l'intitulé du dispositif, afin de le différencier de l'EPS et de ne plus l'associer à une dimension hygiéniste.

La recommandation n° 4 me paraît bonne, mais qu'en est-il de la formation et de la valorisation des personnels du périscolaire, lesquels sont très sollicités par ailleurs, alors même que leurs moyens et leurs salaires sont très limités ?

La sédentarité des enfants est révélatrice des inégalités sociales. Associer les parents, comme vous le proposez, permet de lutter contre ces dernières, mais les populations les plus concernées sont celles qui seront les moins touchées par une telle démarche. Comment réussir à les atteindre ?

Pour lutter efficacement contre la sédentarité, il faut démocratiser la pratique du sport, c'est-à-dire augmenter d'une heure les cours d'EPS dans les écoles élémentaires et soutenir les associations sportives, pour développer des activités lors des temps périscolaires ou le mercredi après-midi, par exemple.

M. Christian Bruyen. - Tout d'abord, je souhaite dire qu'Anne Ventalon, qui ne pouvait être présente ce matin, souscrit à l'essentiel du propos qui va suivre.

On ne peut pas être opposé au programme, mais il demeure insuffisant : avec ces 30 minutes d'activité physique quotidienne, nous sommes loin de l'objectif de 60 minutes de mobilité active pour les enfants fixé par l'OMS. Du reste, les trois heures d'EPS hebdomadaires prévues ne sont pas atteintes en pratique, puisque le temps effectif est d'environ 1 heure 45 minutes.

Il faut développer les partenariats pour prolonger la mise en oeuvre des 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école, multiplier les liens avec les collectivités territoriales et le mouvement sportif. Pour cela, ne faudrait-il pas que l'éducation nationale porte un regard différent - peut-être moins suffisant - sur le mouvement sportif fédéral, qui n'a pas pour seule ambition le résultat sportif et la compétition ?

Les 30 minutes d'activité physique quotidienne doivent être élargies aux temps périscolaires, ce qui soulève la question de la formation des intervenants. Mais le pivot central du dispositif doit rester l'enseignant.

Cela me permet d'évoquer la question de la formation des enseignants. Avec 30 à 40 heures de formation à l'EPS sur 2 ans lors de la formation initiale, qui incluent l'apprentissage de la natation, le compte n'y est pas.

Sans ouvrir le débat sur le contenu des référentiels et des programmes de formation actuels, il me semble que, à l'époque des écoles normales, l'appétence et la prise de conscience de l'importance des activités physiques étaient davantage perceptibles parmi le monde enseignant.

Certes il y a la formation continue - mais les 18 heures de formation par an sont principalement fléchées sur les mathématiques et le français.

Par ailleurs, c'est le référent départemental - un conseiller pédagogique sport souvent seul, placé auprès du directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) - qui est chargé de la formation. Or il est submergé par les sujets : l'EPS, la lutte contre le harcèlement, le respect de la laïcité, la mise en place du plan mercredi... Aussi, dans un grand nombre d'écoles, les 30 minutes d'activité physique quotidienne ne sont pas appliquées.

L'éducation nationale a trop de priorités ; les dispositifs se multiplient, ce qui nuit à leur bon déploiement !

Gabriel Attal avait salué l'appropriation de ce sujet par le Sénat, mais nous ne disposons toujours pas d'une évaluation nationale du dispositif. Cela doit donc être le premier chantier à ouvrir, et je vais ainsi dans le sens de la recommandation n° 1 formulée par les rapporteurs. Du reste, l'ensemble de vos recommandations me semble pertinent.

J'insiste sur l'obligation d'accélérer le déploiement des référents, encore trop peu nombreux aujourd'hui, et de renforcer leur formation pour assurer la vulgarisation du dispositif. Il faut également développer les partenariats extrascolaires et renforcer l'appropriation du dispositif par les familles.

M. Gérard Lahellec. - Mes chères collègues, bravo pour votre travail et merci de n'avoir rien édulcoré ! Vous le montrez, la mise en oeuvre du dispositif est précaire. Pourtant, l'intention initiale est louable. Les flous et les contresens - sport et éducation, sport et santé - ont nui au bon déploiement du dispositif.

Dans le contexte actuel, le dispositif dont nous débattons n'est pas considéré comme une priorité au regard des autres difficultés auxquelles se heurtent les acteurs de l'école.

Il est également difficile d'envisager que ce dispositif soit un vecteur de santé publique si les ARS, lesquelles sont également confrontées à de nombreux autres sujets, ne font pas partie de l'équation...

Deux autres acteurs sont également absents : les collectivités territoriales et le monde associatif. Sans chacun de ces acteurs, il me semble difficile de bâtir un dispositif solide.

Quid de l'enseignement, qui demeure une question centrale, au-delà des objectifs de santé publique ?

Comme vous l'avez dit, s'il demeure aussi précaire, le dispositif risque d'être vécu comme un gadget, ce qui en réduit d'autant la portée. Je souscris donc à vos propositions de clarification, qui me semblent fort opportunes.

Mme Annick Billon. - Mes chers collègues, votre rapport tombe à point nommé, à la suite des jeux Olympiques et Paralympiques, qui ont mis en valeur la pratique du sport.

Vous avez présenté une évaluation en demi-teinte du dispositif et vous proposez des mesures de bon sens, que le groupe Union Centriste approuve, notamment sur le développement des partenariats. Cela dit, la multiplication de ces derniers - notamment avec l'ARS - ne risque-t-elle pas d'être contreproductive ?

Avez-vous identifié les raisons - matérielles ou autres - qui expliquent le déploiement à géométrie variable des 30 minutes d'activité physique quotidienne dans les écoles ?

Le fait de rendre obligatoire un tel dispositif est-il susceptible de véritablement favoriser la pratique du sport ? Ne faudrait-il pas favoriser une telle pratique pour les déplacements entre l'école et le domicile, par exemple ? La pratique sportive ne devrait pas être mise dans une case ; c'est avant tout une façon d'être.

Je veux également insister sur le rôle des collectivités. Un lien précis a-t-il été établi entre l'investissement des collectivités et la réussite de la pratique sportive ?

Enfin, j'en viens à la formation des enseignants. J'ai pu constater, notamment au cours d'un travail que j'ai mené avec Max Brisson, que l'on demande beaucoup aux enseignants. Or il est difficile d'enseigner le goût de la pratique sportive si l'on en est soi-même dépourvu. Ne vaudrait-il pas mieux faire appel systématiquement à des intervenants extérieurs dont c'est le métier ?

M. Bernard Fialaire. - On relève une confusion entre l'activité physique quotidienne, l'éducation physique et sportive et l'activité physique et sportive (APS). La mission portait bien sur l'évaluation des 30 minutes d'activité physique à l'école. Si la réalisation de ces dernières n'est pas perçue comme une priorité, cela me paraît très grave.

Les recommandations nos 3, 4 et 6 sont pertinentes. En revanche, il ne me semble pas nécessaire de mesurer de nouveau l'impact du dispositif avec les ARS. De nombreuses études à l'étranger ont en effet d'ores et déjà démontré que la réalisation de 30 minutes de marche par jour entraînait une diminution des problèmes de santé et une amélioration des résultats scolaires.

Par ailleurs, former au moins un enseignant en trois ans pour apprendre à marcher me semble caricatural.

En outre, tous les élèves n'ayant pas les mêmes besoins, il est important de laisser une certaine liberté aux établissements. Revenons au bon sens, en étudiant notamment la possibilité de partager les 30 minutes d'activité physique quotidienne avec le périscolaire.

Ces 30 minutes sont en tout cas nécessaires, et l'enjeu est aussi de sensibiliser les parents, les besoins en la matière variant également selon les endroits.

Le sport est fait pour donner goût à une activité physique. Il existe sans doute des techniques d'enseignement pour donner cette appétence, mais il faut surtout revenir à l'essentiel : nous avons besoin d'une activité physique quotidienne, ce qui est autre chose qu'une activité sportive quotidienne.

M. Michel Savin. - Je remercie à mon tour nos collègues pour leur rapport.

L'objectif des 30 minutes d'activité physique et sportive à l'école était de répondre à un enjeu de santé publique en luttant contre les effets de la sédentarité. Le ministère de l'éducation nationale avait annoncé un déploiement du dispositif dans 90 % des écoles. Or les rapporteurs ont souligné qu'il n'était appliqué que dans 42 % d'entre elles. De plus, toutes les écoles n'ont pas reçu le matériel nécessaire, comme les directeurs d'école et les enseignants ont pu en témoigner.

Cette mesure devait être déployée en partenariat avec les collectivités locales. Cela n'a pas été fait, ou presque pas, ce qui est regrettable.

Le dispositif avait en outre été lancé dans le but de rapprocher par convention le mouvement sportif scolaire et les clubs sportifs affiliés à des fédérations agréées. Le monde associatif sportif aurait pu avoir la possibilité d'intervenir dans les écoles. Or cette coordination n'a pas été mise en oeuvre, ou l'a très peu été.

Certains établissements n'appliquent pas du tout le dispositif, faute de temps, d'accompagnement, voire d'espace pour certaines écoles rurales dénuées d'équipements sportifs.

La question qui se pose est aussi de savoir où ces 30 minutes sont placées dans l'emploi du temps.

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Elles n'ont pas à figurer dans l'emploi du temps.

M. Michel Savin. - Elles sont donc prises sur les récréations ou le temps périscolaire. Les enseignants les organisent comme ils le peuvent.

Les élèves dont les parents sont éloignés du sport ou n'ont pas les moyens de pratiquer une activité sportive, en raison de son coût ou de l'absence d'équipements dans leurs quartiers, ne pratiquent pas ou peu d'activité physique ou sportive. La Haute Autorité de santé (HAS) suggère plutôt la réalisation d'une heure de sport par jour pour lutter contre les effets de la sédentarité.

L'activité physique et la mobilité sont prises en compte par les collectivités. Nombre d'entre elles font notamment des efforts d'aménagement sur les trajets domicile-école, pour faciliter les déplacements en mode doux : pistes piétonnes, circuits vélos, etc. Ce phénomène gagne de l'ampleur.

Il est assez alarmant de constater que le risque d'abandon du dispositif des 30 minutes d'activité physique à l'école est manifeste, quelques années seulement après son lancement.

Au total, trois heures d'EPS sont prévues normalement par semaine à l'école primaire, auxquelles s'ajoutent 30 minutes d'activité physique et sportive quotidienne, soit cinq heures hebdomadaires au total. Or cela ne se fait pas. Pourquoi ne pas inscrire une heure de sport quotidien dans les programmes de l'enseignement primaire ? Ainsi, nous renforcerions la formation des enseignants sur ce type d'activités, nous lutterions contre la sédentarité de façon positive, et nous donnerions aux enfants la possibilité de découvrir de nouvelles activités sportives - comme ils ont pu le faire à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques -, ce qui ouvrirait la voie à des inscriptions auprès des associations.

M. Stéphane Piednoir. - Je m'associe aux félicitations adressées aux rapporteurs pour leur travail.

Le dispositif 30 minutes d'activité physique quotidienne est l'exemple même d'une mesure uniforme que l'on veut appliquer dans tous les territoires, sans distinction, en mélangeant tous les élèves, toutes les écoles et toutes les situations. L'injonction présidentielle a été rappelée. Aucune concertation n'a été effectuée ni avec les élus, ni avec les enseignants, ni avec les ARS, ni même avec les parlementaires, qui travaillent pourtant sur ce sujet depuis de nombreuses années.

Les parents d'élèves s'interrogent sur la possibilité de concilier la mise en oeuvre de ce dispositif avec la bonne application des programmes, dont les enseignants ne cessent de constater qu'ils s'alourdissent d'année en année. Les journées ne font que 24 heures ! Comment remplir tous les objectifs si l'on ne cesse d'ajouter des lignes supplémentaires dans les programmes - sur la sensibilisation au climat, le bien-être animal... ?

L'encouragement de l'activité physique n'en est pas moins un enjeu de santé publique évident, tout comme la nécessité d'éloigner les enfants des écrans dès l'école primaire. Il faut sensibiliser les parents en ce sens.

Donner goût à la pratique sportive ne se décrète pas. Il faut s'appuyer sur la réussite de nos sportifs nationaux ou internationaux et accompagner les clubs sportifs avec des intervenants locaux, pour que la pratique sportive soit mieux identifiée. Les enseignants ne sont pas forcément bien formés à cet égard. Poursuivons l'héritage de Paris 2024 pour entraîner tous les élèves, dès le plus jeune âge, vers la pratique sportive, et revoyons nos méthodes en conséquence.

Mme Pauline Martin. - De nombreuses communes n'ont obtenu aucun financement pour leurs projets de construction ou de rénovation d'école. La DSIL comme la DETR, sans parler de l'Agence nationale du sport, deviennent des outils de frustration pour les élus locaux.

Des efforts doivent être consentis dans ce domaine. Évitons toutefois, en encourageant la pratique des 30 minutes sur le temps périscolaire, de transférer des missions confiées à l'éducation nationale sur les collectivités, qui font déjà beaucoup à la place de l'État.

Concernant la recommandation n° 6, les défis sont rarement relevés par les familles qui en auraient besoin. Il faut trouver un moyen de motiver les troupes autrement.

Mme Sabine Drexler. - Vous abordez un sujet essentiel, qui contribue au développement harmonieux des élèves qui fréquentent nos écoles et des adultes qu'ils seront demain. Il faut redonner du souffle à ce dispositif.

L'activité physique améliore la santé, réduit le risque de développer des maladies liées à la sédentarité et prévient la survenance des infections chroniques. Le sport joue aussi un rôle dans le développement des compétences sociales et émotionnelles. Les élèves y intègrent l'esprit d'équipe, le respect des règles et apprennent à mieux gérer leurs émotions - qualités essentielles à l'école, mais aussi dans la vie quotidienne. La pratique régulière d'une activité physique améliore aussi les capacités cognitives, en favorisant la mémoire et la concentration et en réduisant le stress. Enfin, l'activité physique contribue à l'équilibre de la vie scolaire, en canalisant l'excès d'agitation et en permettant aux élèves de se défouler hors de la classe et, ainsi, d'être plus posés et davantage disponibles pour se concentrer sur leurs apprentissages.

La mise en oeuvre du dispositif peut toutefois soulever des inquiétudes, notamment au regard de la gestion du temps et de la coordination avec le programme scolaire, pour certains enseignants, déjà sous pression, comme pour les parents, les uns et les autres percevant cette initiative comme une menace pour les performances scolaires des élèves. Les enseignants s'interrogent également sur leur capacité à prendre en compte la diversité des besoins et des aptitudes physiques des élèves et sont demandeurs de formations aux pratiques permettant d'intégrer des pauses actives et de bien-être aux temps d'apprentissage.

En outre, les élus et les collectivités s'inquiètent du manque d'infrastructures, adaptées notamment à des conditions météorologiques de plus en plus compliquées, et du financement de ces équipements. On relève aussi des inquiétudes chez les enseignants sur la motivation et l'engagement des élèves, surtout si le sport ne fait pas partie de leur routine et si les écrans sont trop présents dans leur vie. Certains pourraient alors percevoir l'exercice physique comme une nouvelle contrainte.

Nous espérons que vos recommandations intéressantes aideront à lever ces freins pour assurer la continuité du dispositif.

M. Max Brisson. - Je fais miennes les excellentes préconisations et remarques de nos rapporteurs. Toutefois, je n'aurai pas la même modération dans mes propos.

Le clivage gauche-droite revient en première ligne quand on parle de sport à l'école. On observe, d'un côté, ceux qui pensent que l'école doit être un lieu de plaisir et de bien-être et, de l'autre, ceux qui pensent que l'école doit être un lieu d'apprentissage. J'ai été surpris de voir les cours d'EPS présentés précédemment sous un angle hygiéniste. Les professeurs d'EPS apprécieront...

Mme Mathilde Ollivier. - Je n'ai pas dit cela !

M. Max Brisson. - Heureusement que les professeurs appliquent les nombreuses directives qu'ils reçoivent avec discernement et bon sens, sinon l'école se serait effondrée depuis longtemps. En théorie, l'école doit s'appuyer sur de nombreuses actions transversales, déployées dans des usines à gaz exceptionnelles sur le papier. En réalité, l'école se compose d'une classe, d'un professeur, d'élèves et de programmes. Les heures d'EPS n'étant pas réalisées comme elles devraient l'être, on fabrique un grand machin, qui ne fonctionne pas et que l'on s'efforce ensuite d'évaluer.

Pourquoi les heures d'EPS servent-elles de variable d'ajustement dans la mise en oeuvre des programmes ? Ces derniers sont tellement prétentieux, tellement ambitieux - on prévoit des programmes de collège à l'école primaire, des programmes de lycée au collège et des programmes d'enseignement supérieur au lycée - que les professeurs n'arrivent pas à les mener à bien. L'EPS et l'éducation civique et morale servent donc de variables d'ajustement. C'est inacceptable ! La seule solution est de rééquilibrer les programmes. Les réformes doivent être mises en oeuvre dans les classes, pendant les heures de cours, avec les professeurs. Jusqu'à nouvel ordre, les parents et les éducateurs n'ont pas les titres requis pour assurer des heures d'enseignement. Le bon sens commande de s'en tenir à la classe et aux programmes. S'il faut un rééquilibrage en faveur de l'EPS, des choix devront être posés pour réduire ces derniers.

M. Patrick Kanner. - La foudre jupitérienne a fait « pschitt » une nouvelle fois. Le Président de la République a décidé, un jour, sur un coup de tête, que tout le monde devait faire 30 minutes d'activité physique par jour. Ce n'est pas sérieux. Cela revient, en outre, à considérer les enseignants comme des supplétifs d'une gadgétisation des politiques publiques, alors même que l'éducation physique est un élément majeur du bien-être des enfants.

Il n'existe pas de réponse unique pour la mise en oeuvre d'un tel dispositif. Une coconstruction est nécessaire, impliquant les parents, les enseignants et les collectivités territoriales. Ce serait un nouvel axe de décentralisation intéressant. Je regrette, à cet égard, qu'aucune collectivité n'ait été désignée chef de file pour le sport, comme cela a été fait pour la jeunesse, par exemple. Un projet global, mis en oeuvre dans les communes, pourrait constituer une piste intéressante, en lieu et place d'un deus ex machina qui ne remplit pas ses objectifs.

En outre, développer le sport ne saurait se faire sans un renforcement du service public de la médecine scolaire. Celui-ci est aujourd'hui défaillant, ce qui est un véritable drame pour les enseignants. Je fais le lien avec l'état désastreux dans lequel se trouve la pédopsychiatrie, comme l'a récemment mentionné le Premier ministre, qui envisage de faire de la santé mentale une grande cause nationale en 2025.

Les 30 minutes d'activité physique par jour ne sont pas une fausse bonne idée, mais c'est une bonne intention sans réalité objective et dont l'évaluation montre qu'il s'agit d'une gadgétisation des politiques publiques. Dans les projections budgétaires pour 2025, le sport devrait perdre 200 millions d'euros sur 700 millions, ce qui est considérable.

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Nombre d'entre vous sont tombés dans le piège de la confusion entre le sport et les 30 minutes d'activité physique quotidienne.

Pourquoi n'avons-nous pas préconisé quatre heures d'EPS par semaine plutôt que trois ? Il faudrait déjà que les trois heures d'EPS hebdomadaires soient réalisées. Plusieurs enseignants nous ont dit que le dispositif des 30 minutes d'activité physique par jour entrait en concurrence avec d'autres programmes, comme le quart d'heure de lecture quotidien.

Les enfants arrivent à l'école avec leurs problèmes, pour certains avec leurs problèmes familiaux, parfois très excités parce qu'on les a couchés trop tard la veille. Le professeur des écoles les accueille avec ces problèmes et aménage le temps comme il le peut. Or la cour de récréation n'est pas adaptée pour les 30 minutes d'activité physique quotidienne, notamment compte tenu du temps nécessaire pour s'y rendre. La plupart du temps, ces activités se font donc dans la classe.

Nous recommandons de partager davantage les bonnes pratiques. Il ne s'agit pas de donner aux enseignants des heures de formation supplémentaires. Cependant, ils ont besoin de connaître les gestes à faire au cours de ces activités, pour l'échauffement ou la concentration : yoga, sophrologie, etc.

L'enjeu est de reconcentrer les enfants et d'essayer de les détendre, entre un cours de mathématiques, par exemple, et une séance de lecture. Si nous avions chacun 30 minutes d'activité physique par jour, nous nous sentirions beaucoup mieux. Les professeurs qui appliquent le dispositif ont d'ailleurs constaté un vrai apport pour eux-mêmes comme pour leurs élèves. Nous ne souhaitons donc pas l'abandon de ce dispositif. Il faut en revanche le remettre à sa place.

La question de l'opportunité d'organiser les 30 minutes d'activité physique quotidienne dans la cour de récréation s'inscrit dans les réflexions sur les différences d'occupation de cette cour entre les garçons et les filles. Elle soulève également le problème de l'inclusion des élèves en situation de handicap.

Les parents pourraient être sensibilisés aux problèmes liés à la sédentarité lors de la réunion de rentrée.

Il est vrai, par ailleurs, que les collectivités font beaucoup d'efforts pour aménager des liaisons douces. J'ai toutefois été surprise de constater que, dans ma circonscription, au sud de l'Essonne, où ils pourraient aisément partir faire des promenades en forêt, les enfants sont en réalité plus sédentaires que les autres, faute d'associations sportives en nombre suffisant.

L'idéal aurait été que les associations sportives agréées puissent être introduites dans l'école pour sensibiliser les élèves et les inciter à s'inscrire à des activités sportives en dehors de celles-ci, d'autant que les collectivités sont nombreuses à faire des efforts pour aider les familles à payer les frais d'inscription. Malheureusement, le ministère de l'éducation nationale demeure hermétique à toute intervention extérieure au monde de l'éducation. Cela vaut d'ailleurs aussi pour l'éducation artistique et culturelle (EAC).

Comme nous avons pu le constater au cours de nos auditions, le ministère des sports et le ministère de l'éducation nationale ne se parlent pas. Le premier, qui a pourtant versé 8 millions d'euros pour le déploiement des kits dans les écoles, n'a été associé en rien à l'organisation des 30 minutes d'activité physique par jour ni au lien avec les collectivités.

Il est important de bien différencier ce qui relève du sport - il faudrait, à cet égard, que les trois heures d'EPS hebdomadaires soient bien réalisées - de ce qui relève du bien-être et des automatismes que nous devrions tous avoir pour nous activer un peu tous les jours.

Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - L'activité physique et l'activité sportive ne doivent pas être confondues. Instaurer une heure supplémentaire de sport par semaine dans les écoles pourrait être une solution, mais il n'est pas certain qu'elle soit réalisée. De plus, sur quelles heures la prendrions-nous : une heure de mathématiques, de français ? Il faut avancer dans les programmes, et les enseignants sont sous pression.

Les trois heures d'EPS doivent être effectivement réalisées, mais il faut aussi aménager de petites soupapes entre les cours, quand les enfants n'en peuvent plus et quand leur concentration diminue. Sortir faire une petite marche ou quelques exercices physiques est propice à la concentration. Pour organiser cela, il faut des personnes-ressources. Nous avons rencontré de nombreuses personnes qui avaient de bonnes idées. Certaines proposaient de revoir une notion de français à des élèves de CP, l'après-midi, dans la cour, tout en faisant de l'activité physique.

Une certaine souplesse est nécessaire dans l'emploi du temps. Les activités doivent se faire au moment où les enseignants en ont besoin. On peut faire des mathématiques avec des bouliers ou des marelles, par exemple. Cela peut également inciter certains enseignants à faire davantage d'EPS en prenant comme point de départ les 30 minutes d'activité physique quotidienne.

Il faut aussi un lien avec les familles. Un directeur d'école a créé une mascotte qui se rend chaque fin de semaine dans les familles avec une liste d'activités à réaliser durant le week-end, photographies à l'appui. Des initiatives de ce genre peuvent inciter les familles, même les plus fragiles, à se mettre à l'activité physique. C'est en ce sens que nous devons travailler.

Certains enfants arrivent à l'école en début de journée après avoir passé deux heures devant un écran, ce qui nuit à leur concentration. Nous devons inciter les enseignants à agir. Le climat de la classe se trouvera amélioré si les enfants sont apaisés et détendus. C'est une autre façon de travailler et d'enseigner.

Mme Laure Darcos, rapporteur. - Les professeurs se sont sentis agressés par le dispositif des 30 minutes d'activité physique à l'école. C'est une faute originelle de le leur avoir imposé. Ils sont assez intelligents pour savoir aménager leur temps !

Toutes les bonnes pratiques doivent être intégrées aux ressources numériques de l'éducation nationale pour les aider, et pour permettre à chacun de s'en emparer.

Ne cassons pas le dispositif, mais remettons-le à sa place. Les professeurs doivent se sentir suffisamment impliqués dans sa mise en oeuvre pour percevoir qu'il est également bon pour eux-mêmes. Ils doivent pouvoir se dire qu'il ne leur est pas imposé comme une discipline de plus, mais proposé comme une pratique susceptible de les aider.

M. Laurent Lafon, président. - Merci à toutes les deux. Le sujet n'était pas facile. Cela nous donnera des éléments de discussion avec les nouveaux ministres de l'éducation nationale et des sports, que nous auditionnerons prochainement.

Les recommandations sont adoptées.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

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