B. UNE BRUSQUE ACCÉLÉRATION DU CALENDRIER DE GÉNÉRALISATION DU DISPOSITIF, SOURCE DE NOMBREUSES INTERROGATIONS POUR LES ENSEIGNANTS

S'inscrivant dans un contexte plus large de promotion de l'activité physique à dix-huit mois des Jeux olympiques et paralympiques, les ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse, et celui des sports et des jeux olympiques et paralympiques publient le 12 janvier 2022 sur les 30 minutes d'activité physique quotidienne fixant « un objectif de 50 % d'écoles mobilisées à la rentrée 2022 pour atteindre la généralisation du dispositif d'ici à la rentrée 2024 ». Quelques mois plus tard, à l'initiative de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, consciente de la nécessité de lutter contre la sédentarité des jeunes, la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a introduit dans le code de l'éducation un nouvel article L321-3-1 visant à garantir une pratique quotidienne d'activités physiques et sportives à l'école : « Outre le programme d'enseignement de l'éducation physique et sportive, l'État garantit une pratique quotidienne minimale d'activités physiques et sportives au sein des écoles primaires », les modalités de mise en oeuvre de cette disposition devant être définies par décret - toujours attendu à ce jour.

Le calendrier de la généralisation du dispositif qui devait se déployer sur deux ans, permettant de passer progressivement de 11 000 écoles volontaires à plus de 48 000 écoles, s'accélère brusquement en juin 2022 : en marge d'un déplacement à Marseille, le Président de la République annonce cette généralisation dès la rentrée, soit un déploiement dans 37 000 écoles supplémentaires à réaliser en à peine deux mois. Or, aucun moyen financier supplémentaire n'est consacré à cette mesure et la note de service du 27 juillet 2022 du ministère de l'éducation nationale parue au coeur de l'été plus de six semaines après cette déclaration n'apporte aux enseignants aucune précision supplémentaire sur sa mise en oeuvre concrète par rapport aux modalités définies par la circulaire de janvier 2022 et à l'appel à manifestation d'intérêt de septembre 2020.

Telle que présentée par le Président de la République - et par la presse qui s'en est fait l'écho dans l'attente de textes officiels de précision émanant du ministère de l'éducation nationale -, l'APQ a été comprise comme la nécessité d'ajouter 30 minutes de sport par jour à un temps scolaire contraint, fixé à 24 heures par semaine. Pour un enseignant rencontré par les rapporteurs, « ma première réaction a été de me dire comment je vais ajouter 30 minutes quotidiennes de sport, sur quoi vais-je devoir rogner, sur quelles séquences prendre ces 30 minutes ». Dans cette course après le temps, la FSU-SNUipp a alerté les rapporteurs sur le risque de concurrence de l'APQ avec d'autres dispositifs déjà existants, également exprimés sous forme de capsules temporelles, tel que le « quart d'heure de lecture quotidienne ».

Par ailleurs, dans un contexte où l'EPS au primaire est devenue un enseignement « strapontin »3(*), de nombreux enseignants y ont vu un risque de disparition de cette discipline au profit d'un enseignement au rabais se limitant à faire « bouger » l'élève. Pour la FSU-SNUipp, l'APQ « éloigne les enseignants de penser l'EPS dans leur domaine d'apprentissage et participe ainsi à la déqualification des professeurs des écoles ».

Enfin, pour les syndicats comme pour de nombreux enseignants rencontrés, ce dispositif a été perçu comme une nouvelle injonction descendante, annoncée sans aucune concertation ni information. Pour reprendre le témoignage d'un enseignant, « on nous a juste dit qu'il fallait faire 30 minutes d'activités quotidiennes, mais sans nous préciser si ça remplaçait les 3 heures de sport ou si c'était en plus »4(*).


* 3 Cf. notamment avis budgétaire des crédits de la mission « enseignement scolaire » au PLF 2023, Jacques Grosperrin, session 2022-2023.

* 4 Témoignage recueilli par l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps). Évaluation du dispositif des 30 minutes d'activité physique quotidienne sur le territoire de l'Académie de Créteil. Octobre 2023.

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