LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1. Confirmer le recours au marché de partenariat pour financer une nouvelle génération de projets immobiliers structurants de la gendarmerie nationale dont en priorité les opérations immobilières sur le plateau de Satory et à Dijon (Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), Direction de l'immobilier de l'État (DIE), Direction du budget (DB)).

Recommandation n° 2. Réviser le montant des coûts-plafonds pour la fixation des loyers versés par la gendarmerie aux collectivités territoriales et aux organismes d'habitations à loyer modéré pour garantir la viabilité des projets d'extension du parc locatif de la gendarmerie (DGGN, DB).

Recommandation n° 3. Adapter les critères de cofinancement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour garantir leur adéquation aux spécificités du parc de la gendarmerie nationale (DIE).

Recommandation n° 4. Mobiliser les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD) pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments de la gendarmerie nationale (DGGN, DB).

Recommandation n° 5. Identifier les investissements prioritaires d'entretien à court terme en publiant chaque année une liste de « points noirs immobiliers » correspondant aux urgences bâtimentaires devant être traités et en garantissant un suivi transparent des actions (DGGN).

Recommandation n° 6. Sécuriser une trajectoire triennale d'investissements immobiliers en maintenance et réhabilitation du parc domanial, en l'intégrant chaque année à la documentation budgétaire relative au programme 152 « Gendarmerie nationale » (DGGN, DB).

Recommandation n° 7. Expérimenter la création d'un « gestionnaire immobilier indépendant » sur le périmètre du ministère de l'intérieur et en assurer une évaluation approfondie (Secrétariat général du ministère de l'intérieur et des Outre-mer, DIE).

I. LE SOUS-INVESTISSEMENT DANS LE PARC IMMOBILIER EST UN DÉFI OPÉRATIONNEL POUR LA GENDARMERIE, EN PARTICULIER AU REGARD DE L'OBLIGATION DE LOGEMENT DES GENDARMES EN CASERNEMENT

A. LA GENDARMERIE CONSACRE CHAQUE ANNÉE 923 MILLIONS D'EUROS À SON PARC IMMOBILIER QUI TIENT COMPTE DE L'OBLIGATION DE LOGEMENT DES GENDARMES EN CASERNE

1. Le parc immobilier de la gendarmerie nationale doit tenir compte des conditions d'exercice de son service et du logement des gendarmes en caserne qui est à la fois une obligation et une condition essentielle à l'efficacité du service rendu
a) Les militaires de la gendarmerie nationale ont l'obligation d'être logés en casernement et bénéficient à ce titre d'une concession de logement

Par principe, les personnels militaires de la gendarmerie nationale résident sur leur lieu de travail, c'est-à-dire dans une caserne qui correspond à une enceinte militaire clôturée sur la totalité de sa périphérie.

La résidence des militaires de la gendarmerie nationale relève de trois situations principales qui correspond aux trois catégories, hors réservistes, de personnels militaires de la gendarmerie2(*). Les personnels civils de la gendarmerie ne sont pas soumis aux mêmes obligations en matière de résidence.

En premier lieu, les officiers et les sous-officiers de gendarmerie sont logés en caserne avec leurs familles.

En deuxième lieu, les volontaires de la gendarmerie nationale, ou gendarmes adjoints volontaires (GAV), sont hébergés3(*) en célibataire dans les locaux de service et techniques (LST) des casernes.

Enfin, en troisième lieu, les officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN) et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) ne sont en principe pas logés en caserne et relèvent de la politique du logement du ministère des armées.

Conditions de résidence des personnels de la gendarmerie nationale

(en ETPT en 2023)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Pour les officiers et les sous-officiers de gendarmerie, qui représentent un effectif de 79 000 militaires en 2023, soit 79 % des effectifs totaux de la gendarmerie nationale, le logement en caserne est une obligation à la fois légale4(*) et statutaire qui résulte directement de leur statut militaire5(*).

Le logement en caserne constitue pour les gendarmes à la fois un droit et une obligation encadrés notamment par le code de la défense et le code général de la propriété des personnes publiques. Le code de la défense consacre ainsi le fait que le logement en caserne fait partie des « sujétions et obligations particulières » qui pèse sur les officiers et sous-officiers de gendarmerie « du fait de la nature et des conditions d'exécution de leur mission »6(*).

La mise à disposition par l'État aux gendarmes de leurs logements est encadrée par le code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit un régime relatif aux logements concédés par nécessité absolue de service (LCNAS) dans l'hypothèse où « l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate »7(*). Dans le cas spécifique des gendarmes, le code général de la propriété des personnes publiques dispose expressément que « les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service »8(*). Dans certaines collectivités d'outre-mer9(*), les gendarmes peuvent se voir attribuer un logement concédé par utilité de service (LCUS) lorsque « sans être absolument nécessaire à l'exercice de la fonction, le logement présente un intérêt certain pour la bonne marche du service »10(*).

Les gendarmes se voient donc attribuer lors de leur affectation un logement en caserne. Si en principe le logement en casernement implique l'attribution d'un logement dans l'enceinte d'une caserne rassemblant dans un lieu homogène et clos des logements de militaires de la gendarmerie et des locaux de service, la gendarmerie est parfois contrainte d'attribuer aux militaires des logements individuels pris à bail hors caserne, en principe à proximité immédiate du lieu de travail des gendarmes, qui sont regardés comme des locaux annexés à un casernement.

La taille du logement attribué tient compte des charges de famille et du grade du militaire concerné. En pratique, l'attribution du logement est effectuée en appliquant un barème de points11(*). Pour la prise en compte des charges de famille, la gendarmerie s'appuie sur le périmètre fixé par le droit fiscal qui tient compte des enfants de moins de vingt-cinq ans et des ascendants, frères ou soeurs qui réclament une assistance particulière. Le système tient également compte, pour les militaires divorcés ou séparés, des enfants faisant l'objet d'un droit de visite et d'hébergement.

Les logements accordés aux gendarmes sous le régime de la concession pour nécessité absolue de service (CNAS) sont occupés à titre gratuit par les militaires de la gendarmerie. Parallèlement, les gendarmes sont tenus de souscrire une assurance multirisques habitation, de conserver les locaux en bon état d'entretien et de payer les charges et les taxes d'occupation du logement.

Il est également à relever que les besoins immobiliers de la gendarmerie nationale en termes de logements ne dépendent pas uniquement des effectifs de militaires de la gendarmerie nationale mais également des familles des gendarmes qui sont logés avec eux en casernement.

Si plus de la moitié des militaires de la gendarmerie nationale n'ont pas d'enfant à charge12(*), la proportion de gendarmes vivant en casernement avec leurs familles reste significative puisqu'elle représente 45 % d'entre eux, dont 6 % avec au moins trois enfants à charge ce qui représentent plus de 4 700 familles nombreuses à loger dans le parc immobilier de la gendarmerie.

Militaires de la gendarmerie nationale selon le nombre d'enfants à charge

(en 2022)

Source : commission des finances, d'après les données du HCECM

b) Les locaux de service de la gendarmerie dépendent des spécificités de sa mission de maintien de l'ordre et de la sécurité

L'immobilier de la gendarmerie nationale, que le rapporteur spécial a contrôlé dans le cadre de rapport d'information, excède la question du logement des gendarmes et de leurs familles et il inclut également les nombreux bâtiments affectés aux locaux de service et techniques.

Le parc immobilier de la gendarmerie nationale est composé, outre les logements des gendarmes et de leurs familles, des très nombreux bâtiments au sein des casernes qui servent de lieu de travail aux gendarmes dans le cadre de l'accomplissement de leur mission de sécurité publique et d'ordre public dans la zone gendarmerie nationale (ZGN), qui recouvre en particulier les zones rurales et périurbaines.

Les bâtiments qui sont des lieux de travail pour les gendarmes constituent des locaux de service et techniques (LST), qui servent notamment de lieux d'accueil du public, d'hébergement des gendarmes adjoints volontaires, de lieux d'entraînement ou de formation au tir, de stockage du matériel, de bureaux, le cas échéant de locaux de sûreté, notamment dans le cadre des gardes à vue.

L'ensemble des locaux de service et technique représente une surface au sol de 4,3 millions de mètres carrés (m2) en incluant toutes les casernes utilisées par la gendarmerie13(*), soit 39 % de la surface au sol du parc total de la gendarmerie nationale. Dans le périmètre du parc domanial de la gendarmerie, l'âge moyen des locaux de service et techniques est de 57 ans.

Le rapporteur relève que le bon état des locaux de service et techniques est non seulement un enjeu essentiel pour garantir des conditions de travail décentes pour les gendarmes mais qu'il est également un enjeu d'efficacité opérationnelle pour donner à la gendarmerie nationale les moyens de mener à bien les missions qui lui sont confiées. Pourtant il a pu constater lors de ses déplacements dans des locaux de service et techniques que certaines casernes n'étaient pas, du fait de leur vétusté et de leur exiguïté, conformes à l'impératif de sécurité pour les gendarmes dans l'exercice de leur mission. À plus forte raison, la qualité de vie au travail des gendarmes se trouve dégradée par l'inadaptation d'une partie du parc aux exigences opérationnelles de la gendarmerie nationale.

À cet égard, la mise en place de locaux de sûreté et de bureaux adaptés constitue une priorité pour garantir la sécurité des gendarmes alors que le manque de place contraint aujourd'hui certaines unités à procéder à des auditions dans des conditions qui ne garantissent pas pleinement leur sécurité et à utiliser des locaux inadaptés pour les gardes à vue.

Parallèlement, il est également à relever qu'un grand nombre de bâtiments de casernement sont des lieux d'accueil du public. À ce titre, la maintenance d'un parc immobilier en bon état est une condition pour préserver la qualité de l'accueil des usagers dont certains constituent un public fragile. La taille et l'entretien du parc immobilier ne peuvent par conséquent pas être détachés de considérations pratiques relatives à l'aménagement de la chaîne d'accueil du public dans les gendarmeries, qui doit permettre d'organiser efficacement l'accueil, l'orientation, l'attente puis l'éventuelle dépôt de plainte des usagers.

Sur ce point, le rapporteur relève en particulier que le phénomène de mobilisation croissante de la gendarmerie nationale en matière de sécurité du quotidien et plus spécifiquement de lutte contre les violences intrafamiliales doit être pris en compte et que la politique immobilière de la gendarmerie doit donner les moyens aux unités d'accueillir de manière adaptée les victimes de ces violences.

Il est enfin à relever que le risque d'atteinte à l'efficacité opérationnelle de la gendarmerie induit par le manque d'investissement immobilier et la vétusté des locaux de service et techniques a été identifié depuis plusieurs années. Dans le Livre blanc de la sécurité intérieur publié en 2020, le ministère de l'intérieur estimait que la qualité du parc immobilier constituait une « condition indispensable de la qualité de l'accueil et des conditions de travail », en soulignant l'importance que les locaux des forces de sécurité intérieur présentent « des conditions opérationnelles adaptées »14(*).

Plus récemment, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) de 2023 réaffirmait l'importance que la politique immobilière du ministère soit « à la hauteur des projets et des besoins quotidiens du réseau »15(*).

c) Le logement en caserne des gendarmes et le maillage territorial de la gendarmerie nationale est une composante indispensable de son efficacité opérationnelle

Le logement en caserne des militaires de la gendarmerie est une spécificité de cette force. Au regard des caractéristiques de la zone gendarmerie nationale (ZGN), qui recouvre 95 % du territoire et 50 % de la population, notamment dans les zones rurales et périurbaines, le rapporteur estime que le modèle de logement en casernement des gendarmes doit être défendu.

Alors que la résidence des gendarmes sur leur lieu de travail est un héritage ancien qui remonte à 1720 et à la sédentarisation de la maréchaussée, le Sénat a constamment soutenu ce modèle singulier en particulier à l'occasion de l'examen en 2009 de la loi relative à la gendarmerie nationale. Dans son rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense et des forces armées, notre collègue Jean Faure réaffirmait son attachement au principe du logement en caserne, en estimant qu'il « devait être absolument préservé »16(*).

En effet, si ce modèle se traduit par une limitation notable de la liberté de choix du domicile des gendarmes consacrée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950, il présente des avantages essentiels et indétachables de l'efficacité opérationnelle de la gendarmerie pour remplir ses missions sur le territoire national.

En premier lieu, l'obligation de logement en casernement pour les gendarmes donne sa pleine portée au réseau des 3 728 casernes qui assure un maillage dense sur le territoire national et permet d'assurer la sécurité et l'ordre publics sur une zone très étendue avec un niveau d'effectif contraint. La présence des gendarmes et de leurs familles dans les communes rurales et périurbaines est une composante indissociable de l'efficacité de la gendarmerie pour assurer un service de proximité, renforcer la présence des gendarmes sur la voie publique et la qualité de ses relations avec les usagers, et sa capacité à veiller à l'exécution des lois et à la protection des populations.

En second lieu, l'obligation de logement en casernement est une condition nécessaire à l'effectivité de l'obligation de disponibilité qui pèse sur les militaires de la gendarmerie. En effet, ces derniers sont soumis à une obligation de disponibilité « en tout temps et en tout lieu »17(*) rattaché à leur statut de militaire.

Cette obligation de disponibilité, qui est centrale dans la militarité de la gendarmerie nationale, est rendue effective par l'obligation de logement en caserne pour les gendarmes. Dans la zone gendarmerie nationale, c'est-à-dire dans les territoires ruraux et périurbains, l'occupation effective de leurs logements par les gendarmes assure la permanence de la réponse opérationnelle de la gendarmerie et l'efficacité d'une réponse de proximité avec une possibilité de montée rapidement en puissance lorsque le service l'exige.

2. Les services immobiliers du ministère de l'intérieur et la gendarmerie nationale sont associés pour la gestion du parc immobilier de la gendarmerie nationale à laquelle sont dédiés 923 millions d'euros de crédits budgétaires chaque année
a) La gestion du parc immobilier de la gendarmerie nationale est partagée entre les services immobiliers du ministère de l'intérieur et la chaîne immobilière intégrée de la gendarmerie nationale
(1) Les services immobiliers centraux et déconcentrés du ministère de l'intérieur assistent la gendarmerie nationale pour la gestion de son parc immobilier

La gestion du parc immobilier de la gendarmerie nationale s'inscrit dans le contexte plus large de la gestion par le ministère de l'intérieur de son parc immobilier, qui est marqué par un manque d'effectif au sein de la fonction immobilière du ministère. En effet, selon les données figurant dans le document de politique transversale (DPT) sur la politique immobilière de l'État annexé au projet de loi de finances pour 2024, le ministère de l'intérieur est le deuxième ministère dans le périmètre de l'État en matière de parc immobilier occupé avec 15 millions de m2 de surface utile brute (SUB) occupée soit 27 % du parc immobilier total occupé par l'État. En parallèle, les agents du ministère de l'intérieur dans la fonction immobilière représentent 2 632 équivalents temps plein travaillés (ETPT) soit 19 % seulement de l'ensemble des agents de l'État dédiés à la fonction immobilière.

Poids du ministère de l'intérieur dans le parc immobilier de l'État
et dans les effectifs dédiés à la politique immobilière

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Dans ce contexte de ressources humaines sous contrainte, en particulier pour les compétences rares mais néanmoins essentielles au maintien de l'autonomie de décision du ministère, l'immobilier de la gendarmerie nationale est géré principalement par la chaîne immobilière intégrée de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), qui s'appuie sur le soutien et la coordination de la direction de l'évaluation, de la performance, de l'achat, des finances, et de l'immobilier (DEPAFI) rattachée au secrétariat général du ministère.

Dans le périmètre du secrétariat général du ministère de l'intérieur et de ses services déconcentrés, la gestion du parc immobilier de la gendarmerie nationale mobilise deux catégories d'acteurs. Premièrement, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) délègue, en qualité de responsable de programme du programme budgétaire 152 « Gendarmerie nationale », la conduite des opérations immobilières et l'appui des échelons régionaux au bureau des affaires immobilières de la gendarmerie nationale (BAIGN) placé sous l'autorité du sous-directeur des affaires immobilières (SDAI) rattaché à la DEPAFI. Deuxièmement, pour la gestion déconcentrée du parc, les échelons locaux de commandement de la gendarmerie nationale peuvent solliciter l'assistance des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) notamment pour les questions relatives à la domanialité, à l'urbanisme et pour le traitement du contentieux. La direction générale de la gendarmerie nationale estime que l'équilibre trouvé en matière d'assistance apportée par les services du secrétariat général du ministère était satisfaisant et assure de bonnes relations entre la DEPAFI et la gendarmerie nationale18(*).

(2) La gendarmerie nationale s'appuie sur sa chaîne immobilière intégrée pour assurer la gestion de proximité de son parc immobilier

La gendarmerie nationale représente une composante particulière du ministère de l'intérieur du point de vue du parc immobilier dans la mesure où le parc immobilier occupé par la gendarmerie nationale représente 10,9 millions de m2 de surface utile brute (SUB), soit 73 % de l'intégralité du parc immobilier occupé par le ministère de l'intérieur.

Par conséquent, parallèlement au soutien apporté par les services du secrétariat général du ministère, la gendarmerie nationale s'appuie pour la gestion de proximité de son parc immobilier sur une chaîne immobilière intégrée étoffée qui comprend notamment des effectifs du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie.

Cette chaîne immobilière intégrée, réorganisée en 2022, repose sur trois échelons :

- au niveau national, la sous-direction de l'immobilier et du logement (SDIL), placée sous l'autorité du directeur des soutiens et des finances (DSF) de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Cette sous-direction assure notamment la programmation budgétaire et remplie une fonction de conseil et d'assistance auprès des différents échelons de commandement ;

- au niveau régional, la chaîne immobilière intégrée de la gendarmerie est responsable de la gestion des casernes domaniales et assure la cohérence globale de la répartition géographique des implantations ;

- au niveau départemental, la chaîne immobilière intégrée de la gendarmerie repose sur les unités opérationnelles locales qui sont responsables de la gestion de leur parc locatif et de la remontée d'information pour déterminer les besoins immobiliers.

Sur l'ensemble du territoire, la chaîne immobilière intégrée de la gendarmerie nationale représente 1 045 emplois, dont seulement 10 % à l'échelon central. Alors qu'il existe en 2024 une vacance sous plafond de 391 emplois19(*), le maintien de l'attractivité des métiers de la fonction immobilière de la gendarmerie nationale est essentiel pour continuer à bénéficier d'une expertise intégrée nécessaire à la mise en oeuvre de projets complexes.

Répartition par échelon territorial des emplois de la chaîne immobilière intégrée
de la gendarmerie nationale

Source : commission des finances, d'après les données de la SDIL

b) La gendarmerie nationale dispose d'un budget de 923 millions d'euros dédiés à la politique immobilière en 2023, consommés à hauteur de 64 % pour le règlement de ses loyers

À l'image de sa gouvernance, le budget de la politique immobilière de la gendarmerie nationale doit être inscrite dans le contexte institutionnel du périmètre du ministère de l'intérieur, dont le parc immobilier occupé est le deuxième plus étendu au sein de l'État après le ministère des armées.

De la même manière que le ministère de l'intérieur affronte une situation de sous-effectifs dans la chaîne « affaires immobilières » au regard de l'importance de son parc, le budget global pour l'immobilier dont dispose le ministère n'est pas proportionnel au poids de son parc dans le périmètre de l'État. Ainsi, le budget pour la politique immobilière pour l'ensemble des programmes du ministère de l'intérieur représentait 1 893 millions d'euros en 2023, soit 20 % du budget total de la politique immobilière de l'État en crédits de paiement (CP). Le rapporteur relève par surcroît que si les autres programmes budgétaires placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur excède le périmètre de ce contrôle, de nombreuses problématiques rencontrées par la gendarmerie nationale pour la gestion de son parc immobilier et le financement de sa politique immobilière, dont notamment le déficit structurel de dépenses de maintenance immobilière, sont communes avec d'autres services gérés par le ministère de l'intérieur et il sera attentif, dans l'examen des lois financières à venir, à la cohérence de la politique immobilière menée sur l'ensemble de la mission « Sécurités ».

Au sein du budget immobilier du ministère de l'intérieur, la gendarmerie nationale représente 44 % des crédits en 2023, soit une proportion substantiellement moindre que le poids du parc de la gendarmerie au sein du ministère en termes de surface occupée.

Poids du ministère de l'intérieur dans le parc immobilier de l'État
et dans le budget dédié à la politique immobilière

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Le rapporteur relève que les besoins d'investissement de la gendarmerie nationale dans le domaine de l'immobilier sont une réalité ancienne et documentée. Pour autant, le budget immobilier de la gendarmerie nationale a connu une croissance de 17 % en cinq ans, passant en crédits de paiement de 787 millions d'euros en 2018 à 923 millions d'euros en 2023.

Trajectoire des crédits immobiliers de la gendarmerie nationale (P152)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Au sein de l'enveloppe de 923 millions d'euros de crédits de paiement (CP) dont a bénéficié la gendarmerie en 2023, les marges de manoeuvre dont dispose le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), en qualité de responsable du programme budgétaire 152 « Gendarmerie nationale », dépendent directement de la nature des dépenses financées par ces crédits.

En effet, une partie significative des dépenses immobilières financées par le programme 152 « Gendarmerie nationale » correspondent au versement de loyers aux bailleurs qui sont propriétaires des nombreuses casernes locatives occupées par la gendarmerie. Pour l'exercice 2023, le montant des loyers20(*) représente 590 millions d'euros en crédits de paiement (CP), c'est-à-dire 64 % soit près des deux tiers de l'ensemble du budget immobilier de la gendarmerie nationale.

Coût annuel des loyers versés par la gendarmerie nationale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

L'importance du montant des loyers réglés annuellement par la gendarmerie nationale est renforcée par l'inertie de ces dépenses qui se traduit par une réduction de l'autonomie dont dispose le responsable de programme pour répartir ses crédits immobiliers et les orienter vers ses priorités stratégiques.

Dépenses immobilières de la gendarmerie nationale en 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

En excluant les dépenses de loyers, qui ne sont pas pilotables, le budget immobilier de la gendarmerie nationale est de 333 millions d'euros en crédits de paiement en 2023 dédiés au parc domanial. Un des éléments déterminant dans l'utilisation du budget immobilier est la répartition, faite par le responsable de programme, entre les dépenses immobilières allouées au fonctionnement et les dépenses immobilières allouées à l'investissement.

Les dépenses immobilières de fonctionnement correspondent aux dépenses mises à la charge de l'occupant du bâtiment, c'est-à-dire, en dehors du loyer, les dépenses d'entretien courant, les dépenses de gestion du parc (nettoyage, gardiennage, études de sécurité) et les dépenses d'énergie et de fluides des bâtiments21(*). Les dépenses immobilières d'investissement correspondent aux dépenses mises à la charge du propriétaire, c'est-à-dire les dépenses de construction ou d'acquisition, ainsi que les dépenses de maintenance préventive et corrective et les travaux structurants sur les bâtiments.

Sur l'enveloppe budgétaire hors loyers de la gendarmerie nationale, les dépenses d'investissement représentent en crédits de paiement 39 % de l'enveloppe hors loyers, soit 130 millions d'euros, un montant très limité pour financer l'intégralité des dépenses de maintenance lourde du parc domanial de la gendarmerie nationale voire des dépenses d'acquisition ou de construction de nouveaux bâtiments.

Répartition des dépenses immobilières hors loyers
de la gendarmerie nationale en 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Enfin il est à relever que la gendarmerie nationale peut également bénéficier ponctuellement de cofinancements en provenance d'autres programmes du budget général qui complètent les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » pour la réalisation de certains projets immobiliers spécifiques.

En premier lieu, la gendarmerie nationale bénéfice d'un cofinancement au titre des cessions immobilières de l'État. Ce cofinancement correspond au reversement à la gendarmerie nationale d'une partie des recettes réalisées à l'occasion d'une cession d'un bâtiment anciennement occupé par la gendarmerie.

En application d'une décision prise sous l'autorité du Premier ministre22(*), la gendarmerie nationale bénéficie d'un régime dérogatoire par rapport à d'autre services de l'État qui prévoit notamment un abondement annuel pérenne de 2 millions d'euros au profit du ministère de l'intérieur indépendamment des produits de cession en plus du taux de retour de 50 % des produits de cession au bénéfice de la gendarmerie. En 2023, la gendarmerie a ainsi bénéficié d'une attribution de produit de 2 millions d'euros au titre de la cession de biens immobiliers.

En second lieu, la gendarmerie nationale a bénéficié d'un complément de financement dans le cadre du plan France Relance pour réaliser 328 opérations de rénovation énergétique, avec un financement complémentaire de 117 millions d'euros en crédits de paiement entre 2021 et 2023 abondé par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».


* 2 Art. L. 4145-1 du code de la défense.

* 3 L'hébergement se distingue du logement car il consiste à attribuer à un militaire d'un local d'hébergement rattaché aux locaux de service et techniques qui ne procure pas la jouissance privative et personnelle et ne bénéficie pas à la famille du militaire qui est hébergé en célibataire.

* 4 Art. L. 4145-2 du code de la défense.

* 5 Art. 3 du décret n° 2008-946 du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des officiers de la gendarmerie et art. 2 du décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des sous-officiers de la gendarmerie.

* 6 Art. L. 4145-2 du code de la défense.

* 7 Art. R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 8 Art. D. 2124-75 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 9 Le code du domaine de l'État reste en vigueur dans les collectivités d'outre-mer (COM), à Mayotte, aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et en Nouvelle-Calédonie, sous réserve des compétences en matière domaniale de ces collectivités.

* 10 Art. R. 94 du code du domaine de l'État.

* 11 Instruction n° 35000 du 13 décembre 2018 relative à la concession d'un logement par nécessité absolue de service des militaires de la gendarmerie.

* 12 Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), décembre 2023, Revue annuelle de la condition militaire (17e rapport).

* 13 C'est-à-dire à la fois les casernes domaniales appartenant à la gendarmerie et celles louées à un bailleur.

* 14 Ministère de l'intérieur, novembre 2020, Livre blanc de la sécurité intérieure.

* 15 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, rapport annexé.

* 16 Sénat, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 29 octobre 2008, n° 66 (2008-2009), rapport sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale, au rapport de M. Jean Faure.

* 17 Art. L. 4121-5 du code de la défense.

* 18 Réponse de la direction générale de la gendarmerie nationale au questionnaire du rapporteur.

* 19 Réponse de la sous-direction de l'immobilier et du logement (SDIL) au questionnaire du rapporteur.

* 20 Ce montant correspond aux loyers de droit commun et ne tient pas compte des charges liées aux partenariats publics privés (PPP) qui sont réparties entre des charges de fonctionnement et des charges d'investissement.

* 21 Eau, gaz, fioul, électricité, réseau de froid et de chaud.

* 22 Réunion interministérielle du 16 juin 2019.

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