B. UN MODÈLE DE TARIFICATION ENCORE ENTOURÉ D'INCONNUES

De grandes incertitudes pèsent sur le modèle de tarification de l'euro numérique, en particulier s'agissant des coûts pour les commerçants et de la prise en charge de la gratuité des services de base.

Les associations représentant les commerçants, comme Mercatel et Eurocommerce, ont confirmé auprès des rapporteurs apporter leur soutien de principe au projet d'euro numérique. Pour les commerçants, l'euro numérique pourrait conduire à réduire les coûts, alors que les frais payés à Mastercard et Visa ont fortement augmenté ces dernières années (+75 % entre 2016 et 2021). Pour autant, les commerçants s'interrogent sur la prise en charge des coûts ponctuels d'adaptation des infrastructures de paiement dans le cas d'une mise en service de l'euro numérique. Il s'agit notamment de savoir si les infrastructures existantes pourront ou non être réutilisées. En l'état actuel de la proposition, ces coûts ne sont pas objectivés. Par ailleurs, à plus long terme, il convient de savoir quels seront le modèle économique et la méthode retenue pour l'encadrement des frais appliqués aux commerçants par les prestataires de services au paiement (PSP).

La commission des affaires européennes recommande de garantir que les frais de l'euro numérique pour les commerçants soient inférieurs à ceux des solutions de paiements digitaux existantes. Cet encadrement lui apparaît une indispensable contrepartie à l'obligation d'acceptation d'euro numérique. Par ailleurs, alors que la gratuité des services de base en euros numériques fait l'objet de critiques, la commission recommande de conserver ce principe et de revoir la liste des services concernés.

Des négociations aujourd'hui enlisées

À la suite de la présentation en juin 2023 de la proposition de la Commission européenne sur l'euro numérique, les co-législateurs (Conseil et Parlement européen) ont commencé l'examen du texte.

Du côté du Conseil, les discussions ont été nourries lors de la présidence espagnole du Conseil de l'UE (deuxième semestre 2023). Un des points majeurs a concerné la répartition des rôles entre la BCE, la Commission européenne et les co-législateurs s'agissant de la détermination des modalités de l'euro numérique. La BCE, faisant valoir son indépendance et sa compétence exclusive en matière de politique monétaire, tient à garder la main non seulement sur la décision d'émission mais également sur la détermination de certains paramètres. Plusieurs États font à l'inverse valoir la nécessité de fonder démocratiquement ces décisions, via une intervention des co-législateurs. La présidence belge du Conseil (premier semestre 2024) n'a guère fait avancer le dossier, l'euro numérique ne faisant pas partie de ses priorités. Les prochaines présidences du Conseil seront assurées par des pays non membres de la zone euro : Hongrie, Pologne, Danemark.

Du côté du Parlement européen, les discussions ont été lentes. La commission des affaires économiques et monétaires (ECON) a entendu à plusieurs reprises les membres de la BCE chargés du projet. Le rapporteur du texte pour la commission ECON s'est montré très réservé sur le projet, pointant l'absence de plus-value pour le consommateur. Le Parlement européen n'a pas adopté de position sur la proposition sur l'euro numérique avant les élections européennes de juin. Les travaux devront donc redémarrer après la reconstitution du Parlement européen. 

Les négociations sur la proposition relative à l'euro numérique n'en sont ainsi encore qu'au début. C'est la raison pour laquelle les rapporteurs feront un nouveau point sur le projet d'euro numérique, une fois la position du Parlement européen arrêtée. Une proposition de résolution européenne pourrait alors être présentée. Les rapporteurs insistent d'ores et déjà sur la nécessité d'une implication renforcée des co-législateurs et d'un contrôle politique accru sur la phase de design de l'euro numérique, encore entourée de nombreuses incertitudes et à la main de la BCE.

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