D. LA CRÉATION D'UNE STRUCTURE DÉDIÉE ET LA MISE EN PLACE D'UN PARTENARIAT PUBLIC-PUBLIC
1. La création dès janvier 2022 de la SPEM
Au vu de l'ampleur et des caractéristiques du volet « écoles » du plan Marseille en grand et de sa dimension, la ville et l'État ont décidé de créer une structure dédiée sous la forme d'une société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPAL-IN) conformément aux dispositions des articles L.327-113(*), L.327-314(*) et L.300-1 du code de l'urbanisme.
Cette société, dénommée société publique des écoles marseillaises (SPEM) a vocation à assurer la maitrise d'ouvrage des opérations du plan « écoles » pour construire, réhabiliter et remettre à niveau les écoles et équipements publics fondamentaux et notamment :
- organiser, réaliser ou contrôler toute opération ou action d'aménagement ;
- réaliser les opérations de conception, de construction, de réhabilitation, de rénovation ou tous types d'opérations nécessaires à la durabilité et à la conservation des écoles qui lui seront confiées par la ville ;
- procéder à toute acquisition ou cession d'immeubles, en vue de la réalisation des objectifs énoncés à l'article L.300-1 du code de l'urbanisme ;
- réaliser toutes études préalables en lien avec ses missions ;
- conclure tous emprunts et tous contrats de couverture de taux en vue de la réalisation de son objet social ;
- réaliser toutes opérations immobilières, industrielles, commerciales, financières et civiles se rattachant directement ou indirectement à son objet et contribuant à sa réalisation ;
- conclure tous types de marchés selon les dispositions du code de la commande publique.
Sa création a été actée par le décret n° 2022-60 du 25 janvier 2022 et sa durée est fixée, dans les statuts à 40 ans sauf dissolution anticipée ou prorogation.
Le capital social est fixé à 150 000 euros divisé en 150 actions de 1 000 euros et est détenu à parts égales entre l'État et la ville de Marseille qui en sont les uniques actionnaires.
La société est administrée par un conseil d'administration composé de 12 membres comprenant 6 administrateurs représentant la ville de Marseille, un représentant de l'État et 5 administrateurs nommés sur proposition de l'État.
Le Préfet de région est le représentant de l'État au titre de l'article 4 de l'ordonnance de 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Les 5 administrateurs nommés par l'État sont le préfet à l'égalité des chances des Bouches-du- Rhône, un représentant de FININFRA15(*), un représentant de la direction générale des finances publiques (DGFIP), le recteur de l'académie d'Aix-Marseille et le directeur départemental des territoires adjoint (DDTM).
La DGCL n'est pas représentée au sein du conseil d'administration.
2. Un partenariat public-public innovant
Le système élaboré prend ainsi la forme d'un partenariat public-public dans lequel la ville de Marseille confie à la SPEM la réalisation des opérations de rénovation, construction, réhabilitation des écoles au moyen de plusieurs contrats conclus entre la ville et la société (marchés subséquents), sans procédure de publicité et de mise en concurrence dès lors que les conditions nécessaires pour la reconnaissance d'une relation de « quasi-régie » sont réunies, conformément aux dispositions de l'article L.2511-1 du code de la commande publique16(*).
En effet, certains contrats conclus entre entités appartenant au secteur public, constituant des contrats de quasi-régie ou des contrats de coopération public-public, sont exclus du champ d'application du droit de la commande publique.
Par ailleurs, il ne paraît pas utile d'exiger la mise en oeuvre d'obligations de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion de contrats entre un pouvoir adjudicateur et une entité qui, bien que dotée de la personnalité morale, constitue le simple prolongement administratif de celui-ci.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a ainsi successivement reconnu l'existence des contrats de quasi-régie, qualifiés également de contrats in house, puis des contrats de coopération public-public.
À la suite des directives de 2014, l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, le code de la commande publique détermine les critères et le régime applicable aux contrats passés entre entités du secteur public.
Dès lors, la ville de Marseille et la SPEM ont signé, le 4 avril 2023, un accord cadre de marché de partenariat pour les 188 écoles du plan Marseille en grand (la ville de Marseille sera maître d'ouvrage pour les 304 autres écoles dont la rénovation ne sera donc pas assurée par la SPEM).
Cet accord a pour objet de définir les termes régissant l'attribution des marchés subséquents portant sur le financement et en tout ou partie, la conception, la démolition, le reconstruction et toute action nécessaire à la durabilité et à la conservation des 188 écoles qui seront confiées à la SPEM par la ville.
La durée de cet accord est fixée à 10 ans. Il en résulte qu'aucune notification de marchés subséquents ne pourra intervenir après l'expiration de l'accord.
L'accord cadre prévoit la passation de 7 marchés subséquents dans lesquels sont définis les écoles à réhabiliter, rénover ou construire. Ces marchés passés en dehors du cadre de la commande publique permettent donc de fixer le périmètre des vagues de travaux et de transférer la maîtrise d'ouvrage à la SPEM. À leur suite, la SPEM passe l'ensemble des marchés publics (études et travaux) nécessaires à la bonne réalisation des opérations.
3. Les avantages d'un partenariat public-public
Afin de choisir le mode de réalisation du plan « écoles », la ville de Marseille a procédé à une étude afin de comparer les avantages et inconvénients des différents modes de contractualisation et notamment entre un marché global de performance, un marché alloti et un partenariat.
Il résulte de cette étude qu'en comparaison avec un marché alloti, le marché de partenariat permet :
- de limiter le risque de dérapage du calendrier en limitant notamment le nombre d'opérateurs interlocuteurs de la ville ;
- de sécuriser les coûts des phases de conception, de construction et de maintenance dès le commencement des vagues alors qu'en marché alloti, seuls les coûts de conception peuvent être fixés au début des vagues ;
- d'assurer la pérennité des écoles par l'intégration des obligations d'opération de durabilité et de conservation des équipements et de gros entretien et renouvellement dès le début de chaque vague.
Parallèlement, l'étude a démontré qu'en comparaison avec un marché global de performance, le marché de partenariat permet :
- d'assurer le transfert de la maîtrise d'ouvrage et, in fine, le transfert des risques en découlant à la SPEM ;
- de confier à la SPEM le financement des opérations ;
- de fixer des ambitions plus importantes en termes d'engagements de performance et de pérennité des bâtiments ;
- une structuration contractuelle plus simple à mettre en oeuvre pour la ville en évitant la conclusion de marchés complémentaires concernant la durabilité ;
- de fixer les coûts liés aux prestations nécessaires à la durabilité et à la conservation des écoles dès le début de la vague pour une durée bien plus importante que dans le cadre d'un MGP.
De manière générale, au vu de l'identification des risques inhérents au projet, la répartition des risques paraissait bien plus opportune pour la ville dans le cadre d'un marché de partenariat. Les risques sont ainsi supportés exclusivement ou majoritairement par la SPEM.
Par ailleurs, l'objectif d'un recours à un marché de partenariat via une SPAL-IN est, en premier lieu, financier puisqu'il permet de faire porter la dette des investissements à une structure autre que la ville de Marseille.
Enfin, l'analyse comparative des coûts effectuée dans l'étude du mode de réalisation révèle que la réalisation du projet par un montage en marché de partenariat serait moins coûteuse qu'un montage en MGP.
Si les rapporteurs spéciaux partagent largement l'analyse concernant le portage des risques et la simplicité du recours au partenariat par rapport au marché alloti et au marché global de performance, ils sont plus réservés sur l'avantage financier au regard des incertitudes qui demeurent sur le plan d'ensemble de financement (cf. infra).
Aussi, un bilan ex-post, à l'issu du marché de partenariat, permettrait de tirer des enseignements sur les avantages et inconvénients du recours à un tel montage juridique et financier. Il permettrait, de surcroit, d'analyser son efficacité et sa transposabilité à d'autres investissements d'ampleur des collectivités.
Recommandation n° 2 : réaliser un bilan des avantages et inconvénients d'un recours à un partenariat public-public afin d'analyser l'efficacité de ce montage et sa transposabilité à d'autres investissements d'ampleur des collectivités (Gouvernement, SPEM, ville de Marseille).
* 13 Les sociétés publiques locales d'aménagement et les sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national revêtent la forme de sociétés anonymes régies par le livre II du code de commerce. Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires.
* 14 L'Etat ou l'un de ses établissements publics peut créer, avec au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, une société publique locale d'aménagement d'intérêt national dont ils détiennent la totalité du capital.
* 15 Fin Infra est un service à compétence nationale rattaché au ministère des finances et de l'économie qui conseille les entités publiques dans la conduite de leurs projets d'investissement. Son activité est définie par le décret n° 2016-522 du 27 avril 2016 en application de l'article 67 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.
* 16 Sont soumis aux règles définies au titre II les marchés publics conclus par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu'il agit en qualité d'entité adjudicatrice, avec une personne morale de droit public ou de droit privé lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services ;
2° La personne morale contrôlée réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées soit par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle, soit par d'autres personnes morales que celui-ci contrôle, soit par ce pouvoir adjudicateur et d'autres personnes morales que celui-ci contrôle ;
3° La personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés au capital, à l'exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi qui ne permettent pas d'exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.