C. UN MONTAGE BUDGÉTAIRE PARTICULIÈREMENT COMPLEXE
1. Une origine multiple des crédits alloués au volet « écoles » du plan Marseille en grand
Afin de rénover et réhabiliter les 188 écoles retenues dans le volet « écoles » du plan Marseille en grand, une enveloppe de 254 millions d'euros en AE a été ouverte sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités » en loi de finances initiale pour 2022.
Le 14 décembre 2021, le Premier ministre a validé une augmentation de 150 millions d'euros.
Cette enveloppe budgétaire a été complétée par une garantie de 650 millions d'euros d'emprunts.
Par ailleurs, la ville de Marseille contribuera également financièrement aux travaux réalisés dans ces 188 écoles du plan Marseille en grand.
Il en résulte que le montant annoncé pour ce volet s'établit à 1,05 milliard d'euros sans qu'il soit possible, à ce stade, comme pour le financement de l'ensemble du plan Marseille en grand, de reconstituer l'ensemble des crédits.
a) Des crédits « frais » ouverts en loi de finances initiale pour 2022...
Par amendement du Gouvernement adopté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, les crédits du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ont été abondés de 254 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) afin de traduire l'engagement financier de l'État dans le cadre du volet « écoles » du plan Marseille en grand lancé un mois auparavant par le Président de la République.
Ces crédits ont vocation à financer une partie de la rénovation des 188 écoles sélectionnées.
Afin de formaliser les modalités de versement de cette subvention exceptionnelle, une convention a été signée le 9 octobre 2023 entre l'État et la SPEM.
Par ailleurs, concernant l'aspect pédagogique (« écoles du futur »), les documents transmis aux rapporteurs spéciaux font état de 3,5 millions d'euros attribués au rectorat d'Aix-Marseille, pour 2022, à partir de la mission « Enseignement scolaire » afin de financer :
- les projets pédagogiques innovants à hauteur de 2,5 millions d'euros en provenance du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » ;
- les projets pédagogiques pour 20 microstructures à hauteur de 1 million d'euros en provenance du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré ».
Une fois les 2,5 millions d'euros destinés aux projets pédagogiques innovants entièrement engagés, le financement se poursuivra à partir des crédits ouverts sur le fonds d'innovations pédagogiques (FIP du conseil national de la refondation « éducation ») doté de 500 millions d'euros sur 5 ans (entre 2022 et 2027) et porté par la mission « Investir pour la France de 2030 ».
Les crédits alloués à l'aspect pédagogique du volet « écoles » du plan Marseille en grand ont été présentés par le secrétariat d'État et par la préfecture comme des crédits nouveaux. Cependant, l'analyse des projets annuels de performances et des amendements déposés lors de l'examen de la LFI pour 2022 ne permettent pas de confirmer l'ouverture de crédits. Il semble plus probable que les 3,5 millions d'euros susmentionnés préexistaient sur les programmes 140 et 141 et seront fléchés pour les actions innovantes.
Cependant, le coût total du volet pédagogique pourrait, dans les faits être bien plus élevé que les 3,5 millions d'euros affichés en crédit hors titre 2.
En effet, selon les réponses transmises par le ministère de l'éducation nationale lors du projet de loi de finances pour 2024, des moyens importants ont également été mobilisés en dépenses de personnels sans que les montants n'ait été précisés. Ainsi, sur le programme 140 :
- 101 emplois d'enseignants du premier degré public ;
- 9 emplois de psychologues de l'éducation nationale, spécialité « éducation, développement et apprentissage » ;
- 1 emploi d'inspecteur de l'éducation nationale (IEN) pour assurer la coordination du projet appel à manifestation d'intérêt (AMI) du PIA innovation dans la forme scolaire ;
- 60 indemnités pour missions particulières (IMP).
Par ailleurs, pour l'appui aux microstructures créées dans les collèges et les lycées, le programme 141 a mobilisé :
- 21 emplois d'enseignants du second degré public (coordonnateurs microstructures) ;
- 750 heures supplémentaires années (HSA) ;
- 1 emploi d'IEN, spécialité information et orientation (IEN-IO).
Enfin, à partir du programme 230 « Vie de l'élève », 55 emplois d'assistants d'éducation et 4 emplois d'assistants de service social ont été créés au profit des écoles et 1 emploi de conseiller principal d'éducation, 1 emploi de personnel infirmier et 21 emplois d'assistants d'éducation ont été créés pour l'accompagnement de la création de microstructures.
b) ...complétés par des recyclages de crédits existants sans pour autant garantir le respect de l'enveloppe globale sur laquelle le Gouvernement s'était engagé...
En sus des 254 millions d'euros ouverts en LFI 2022 sur le programme 119, la rénovation des 188 écoles ciblées par le plan Marseille en grand bénéficiera de 11,7 millions d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour 3 écoles, de 3,15 millions d'euros de dotation politique de la ville (DPV) pour 9 établissements ainsi que de 66 millions d'euros de l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) pour les trois premiers marchés subséquents passés par la SPEM (cf. infra).
Le total des subventions de l'État pour la partie rénovation bâtimentaire du volet « écoles » du plan Marseille en grand s'élève donc à 334,85 millions d'euros alors que les financements mentionnés dans les réponses transmises par le secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté et la ville de Marseille sont de 400 millions d'euros. Il existe donc un delta de plus de 65 millions d'euros sans aucune précision quant à leur provenance dans la mesure où l'origine de ces crédits n'a pas encore été actée.
Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'inciter l'État à tenir ses engagements. Il conviendra donc, à terme, de flécher 65 millions d'euros ou d'ouvrir de nouveaux crédits afin d'atteindre les 400 millions d'euros annoncés.
Recommandation n° 1 : garantir les 400 millions d'euros annoncés pour le volet « écoles » du plan Marseille en grand, en ouvrant ou fléchant les 65 millions d'euros manquants l'équilibre du projet ayant été construit sur ce montant (Gouvernement).
c) ...et des garanties d'emprunts qui n'ont pas encore été utilisées
Enfin, l'État prévoit de garantir les emprunts contractés par la SPEM à hauteur de 650 millions d'euros. À ce jour, cette garantie n'a pas encore été sollicitée dans le cadre du premier marché subséquent passé par la société pour des raisons tenant essentiellement aux délais de contractualisation avec les établissements bancaires.
Cette garantie devrait être mobilisée dans le cadre du deuxième marché subséquent.
d) Des éléments discordants sur le financement ANRU
L'ensemble des réponses écrites transmises aux rapporteurs spéciaux par le secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté, la préfecture ou la ville de Marseille mentionne une contribution de l'ANRU de 66 millions d'euros pour le volet « écoles » du plan Marseille en grand.
Cependant, un tableau de suivi des sites scolaires rénovés par la SPEM, communiqué par la préfecture (cf. annexe 1), liste des financements ANRU pour 31 sites et pour un montant total de 134 millions d'euros. Si ce document précise que certaines subventions ANRU sont conditionnées à une potentielle revoyure en 2024 et ne sont donc pas définitivement actées à ce stade, ces dernières concernent seulement 4 projets pour un montant total de près de 30 millions d'euros.
Il en résulte que, même déduction faite de ces hypothétiques financements ANRU, la contribution de l'agence serait tout de même de 104 millions d'euros, soit près de 40 millions d'euros supérieures à ce qui est annoncé dans le plan.
Par ailleurs, malgré les précisions demandées par les rapporteurs spéciaux, des discordances sont aussi constatées au niveau des projets financés. À titre d'exemple, l'école Malpassé les Oliviers bénéficie dans le tableau en annexe précité d'une subvention ANRU de 8,8 millions d'euros qui n'apparait pas dans un autre tableau transmis. Il en va de même pour les écoles Savine ou Kallisté 2.
Dans ce contexte, il conviendrait de mettre à jour les tableaux de suivi internes à la préfecture avec les montants des conventions ANRU afin de fiabiliser les subventions certaines pour chaque école et les subventions en cours de négociation.
2. Les acteurs de la dépense
a) La direction générale des collectivités locales (DGCL)
La DGCL est responsable du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », qui porte les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2022 au titre du volet « écoles » du plan Marseille en grand soit 254 millions d'euros.
À ce titre, elle procède aux délégations de crédits à la préfecture des Bouches-du-Rhône qui est responsable d'unité opérationnelle de programme (RUO) dans le cadre d'une gestion déconcentrée des crédits.
En tant que responsable de programme, la DGCL a participé à l'élaboration de la convention précitée portant attribution par l'État d'une subvention au bénéfice de la société publique des écoles marseillaises, en charge de la mise en oeuvre du plan écoles relatif à la ville de Marseille. Cette dernière prévoit les modalités de gestion de la subvention et notamment les modalités de versement.
Ainsi, l'article 3 de la convention précise que les versements sont étalés comme suit :
- à la signature de chaque marché subséquent une avance de 30 % ;
- un versement de 20 % du montant de la subvention en n + 1 ;
- un versement de 20 % en N+ 2 ;
- le versement du solde de 30 % du montant de la subvention à l'achèvement des travaux.
Chaque versement est conditionné à la vérification de la réalisation du plan écoles (justificatifs des charges de personnels, études et travaux...) ou du taux de réalisation de chaque marché subséquent validé en conseil d'administration de la SPEM. Ainsi, toute demande de paiement doit comprendre obligatoirement les éléments suivants :
- la délibération du conseil d'administration validant l'avancée des travaux et le dossier de demande de paiement ;
- la lettre sollicitant le versement d'un acompte ou du solde ;
- l'état récapitulatif des paiements daté, validé en conseil d'administration, signé par le demandeur et approuvé par le comptable de la SPEM ;
- un relevé d'identité bancaire ;
- les copies de dérogations ou de prorogations obtenues ;
- des échantillons de factures peuvent également être demandées.
Le versement du solde est effectué par opération et à chaque livraison d'opération. Il est subordonné à la présentation d'un dossier final comprenant les pièces complémentaires suivantes :
- la lettre sollicitant le versement du solde ;
- la copie de l'attestation de versement de l'avance ou de l'acompte ;
- le plan de financement définitif des postes de travaux financés ;
- les copies des aides publiques déjà obtenues ou copie de la lettre d'intention ;
- des échantillons de factures peuvent également être demandés.
b) La préfecture des Bouches-du-Rhône
La préfecture des Bouches-du-Rhône, en tant que responsable d'unité opérationnelle de programme, reçoit les crédits de la DGCL et les subdélègue ensuite à la société publique des écoles marseillaises (cf. infra).
c) La ville de Marseille et la SPEM
En sus des subventions reçues en provenance de crédits budgétaires (254 millions d'euros sur le programme 119) et de la DSIL ou de la dotation ANRU, la SPEM contracte des prêts bancaires nécessaires au bouclage financier des opérations.
Elle passe ensuite l'ensemble des marchés publics nécessaires à la bonne réalisation des opérations et procède directement au paiement des prestataires retenus.
La ville de Marseille rembourse, pour sa part, la SPEM sous la forme d'une redevance étalée sur 25 ans.
Schéma de
financement de la partie rénovation du volet
« écoles »
du plan Marseille en
grand
Source : commission des finances du Sénat