II. LE FAUX DÉBAT DE LA « SMICARDISATION » DE LA SOCIÉTÉ CACHE UN VRAI PROBLÈME DE STAGNATION DES SALAIRES AU LONG DES CARRIÈRES

A. UNE AUGMENTATION CONJONCTURELLE DU NOMBRE DE SALARIÉS AU SMIC DIFFICILE À VIVRE

La part des salariés rémunérés au Smic a particulièrement crû avec les revalorisations successives de ce dernier, atteignant 17,3 % des salariés du secteur privé hors agricole au 1er janvier 2023. Une telle augmentation a déjà été constatée en 2005, avant de redescendre progressivement à 11 %. Ce phénomène s'est doublé d'un tassement des salaires, qui s'est traduit par un resserrement entre le premier et le dernier niveau hiérarchique des SMH. En outre, le rattrapage par le Smic de salariés dont la rémunération était auparavant supérieure a provoqué un sentiment bien réel de déclassement social.

Cette situation concerne particulièrement le secteur social et médico-social, au sein duquel les modalités de négociations salariales sont pourtant fortement dictées par les pouvoirs publics. À l'échelle totale de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass), environ un salarié sur cinq reçoit un salaire compris entre 1 et 1,2 Smic.

B. LA « SMICARDISATION » CONTRE LAQUELLE LES POUVOIRS PUBLICS DOIVENT LUTTER EN PRIORITÉ EST LA STAGNATION DU SALAIRE AU COURS DE LA CARRIÈRE PROFESSIONNELLE

La stagnation salariale au cours de la carrière constitue le principal problème auquel les salariés sont confrontés, et doit donc concentrer les efforts des politiques publiques. Ce constat doit conduire à ne pas entraver les secteurs économiques qui, naturellement, permettent une ascension salariale importante, à commencer par l'industrie.

Plus largement, il conviendrait d'apporter un soutien public ciblé sur les branches professionnelles qui, par la nature de leur secteur d'activité, sont en difficulté pour offrir une progression salariale satisfaisante à leurs salariés. Ce soutien pourrait être assuré via les dotations accordées par France compétences aux opérateurs de compétence (Opco), en majorant le financement des plans de développement des compétences des branches qui s'engagent dans des accords incitant au développement des compétences et à la formation continue. De même, le Fonds national de l'emploi-Formation, dans le cadre du conventionnement entre l'État et chaque Opco, pourrait intégrer un objectif d'aide à la progression salariale. Enfin, pour les secteurs d'activité qui concentrent les stagnations salariales, il faut encourager les perspectives d'évolution hors de l'entreprise. L'État doit ainsi soutenir les initiatives de certaines branches, comme celle du bâtiment, qui structurent des écoles de formation visant à former les salariés du secteur pour en faire les cadres dirigeants des entreprises de la branche.

En revanche, la révision des classifications de branche, pour essentielle qu'elle soit à long terme dans la valorisation des compétences, ne constitue pas à court terme un levier de « désmicardisation » des carrières. Ces révisions sont des procédures lourdes à engager et longues à aboutir, ce qui justifierait un meilleur accompagnement de l'État en ingénierie de ces projets.

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