- L'ESSENTIEL
- I. LES COMMUNICATIONS GARANTISSENT L'INFORMATION DES
SÉNATEURS SUR LES TEXTES EUROPÉENS
- I. II. LES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU
SÉNAT SONT MAJORITAIREMENT PRISES EN CONSIDÉRATION DANS LES
DÉBATS EUROPÉENS
- 1. Rappel sur la procédure d'adoption des
propositions de résolution européenne
- 2. Quelques statistiques sur les résolutions
européennes adoptées lors de la session parlementaire
2022-2023
- 3. Les suites données aux résolutions
européennes du Sénat
- a) Le sort variable des résolutions
européennes adoptées en 2021-2022
- b) Concernant les résolutions
adoptées en 2022-2023, le Sénat a été totalement ou
très largement suivi dans plus de 61 % des cas
- c) Cinq résolutions européennes du
Sénat ont été partiellement suivies
- d) Deux résolutions européennes
adoptée par le Sénat n'ont reçu aucune suite
favorable
- a) Le sort variable des résolutions
européennes adoptées en 2021-2022
- 1. Rappel sur la procédure d'adoption des
propositions de résolution européenne
- I. III. UN DIALOGUE POLITIQUE RÉEL ET
RÉGULIER AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE
- IV. LE CONTRÔLE DE SUBSIDIARITÉ
- 1. Rappel sur le contrôle de
subsidiarité : les avis motivés
- 2. Le contrôle de subsidiarité :
un regain quantitatif, des inquiétudes pour l'avenir
- 3. Les avis motivés adoptés par le
Sénat
- a) La résolution n°36 portant avis
motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la
proposition de règlement COM(2022) 457 final établissant un cadre
commun pour les services de médias dans le marché
intérieur (législation européenne sur la liberté
des médias)
- b) La résolution n° 84 portant avis
motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la
proposition de règlement COM(2022) 695 final du Parlement
européen et du Conseil relatif à la compétence, à
la loi applicable, à la reconnaissance des décisions et à
l'acceptation des actes authentiques en matière de filiation ainsi
qu'à la création d'un certificat européen de
filiation
- c) La résolution n° 125 portant
avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité
de la proposition de règlement COM (2022) 677 final du Parlement
européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets
d'emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE)
2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE
- d) La résolution n° 111 portant avis
motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la
proposition de règlement COM(2023) 147 final du Parlement
européen et du Conseil modifiant les règlements (UE)
n° 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de
l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie, en
date du 22 mai 2023
- a) La résolution n°36 portant avis
motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la
proposition de règlement COM(2022) 457 final établissant un cadre
commun pour les services de médias dans le marché
intérieur (législation européenne sur la liberté
des médias)
- 1. Rappel sur le contrôle de
subsidiarité : les avis motivés
- I. LES COMMUNICATIONS GARANTISSENT L'INFORMATION DES
SÉNATEURS SUR LES TEXTES EUROPÉENS
- EXAMEN EN COMMISSION
- ANNEXE
N° 606
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 mai 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires
européennes (1) sur l'impact du
Sénat
sur
l'élaboration des textes
européens,
Par M. Jean-François RAPIN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.
L'ESSENTIEL
Ce rapport présente le bilan du suivi des positions européennes du Sénat (résolutions européennes, avis motivés sur le respect du principe de subsidiarité et avis politiques), adoptées entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023.
Le suivi annuel des résolutions européennes, adoptées par le Sénat sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution et adressées au Gouvernement, est facilité par la transmission d'une fiche établie par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui présente à la fois l'état des négociations du ou des texte(s) européen(s) concerné(s) par la résolution, et la façon dont les positions sénatoriales ont été prises en compte au cours des négociations à Bruxelles. Il peut donner lieu à l'audition, par la commission des affaires européennes, du membre du Gouvernement chargé des affaires européennes, ce temps d'échange et de contrôle constituant un moment important du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale en matière européenne. Il s'intègre également dans le cadre de l'examen de l'application des lois (et résolutions) effectué par l'ensemble des commissions du Sénat.
Sur la période couverte par ce rapport, la commission des affaires européennes a été saisie de 1077 textes européens au titre de l'article 88-4 (soit une hausse de 13,5 % en un an) et en a sélectionné 283 (+8,4 % en un an) qu'elle a examinés de plus près, soit en procédure écrite, soit directement lors de ses réunions.
Les enjeux européens ont fait l'objet de 18 communications, destinées à informer les membres de la commission et, plus largement, le Sénat.
Par ailleurs, 18 résolutions européennes ont été adoptées par le Sénat. Ces dernières ont porté sur des thèmes divers :
· thèmes institutionnels et juridiques : programme de travail de la Commission européenne ;
· politique étrangère et de sécurité communes (PESC) : respect des droits fondamentaux en Iran ; conséquences sur la PESC des négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ;
· espace de liberté, de sécurité et de justice : avenir de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) ; prévention et lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne ;
· diminution des dépendances du marché unique à l'égard de pays tiers : création d'un instrument d'urgence du marché unique ; garantie d'un approvisionnement sûr et durable de l'Union européenne en matières premières critiques ; industrie « zéro net » ;
· avenir de la pêche : protection de la filière pêche française et mesures du « plan d'action pour le milieu marin » ;
· droit social et santé : amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes ; redevances et droits dus à l'agence européenne des médicaments ; espace européen des données de santé ;
· numérique et intelligence artificielle : règlement européen établissant un cadre européen pour l'utilisation de l'intelligence artificielle ; équité de l'accès aux données et de l'utilisation des données ;
· les transports : normes européennes « Euro 7 » pour les véhicules à moteur ;
· adaptation des politiques européennes aux outre-mer : gestion des déchets outre-mer.
Dans plus de 61 % des cas, les positions exprimées par le Sénat dans ces résolutions européennes ont été prises en compte. 11 résolutions européennes ont été prises en compte en totalité ou en majorité au cours des négociations à Bruxelles et/ou dans le texte définitif (règlement ou directive). Il s'agit des résolutions portant sur : le programme de travail de la Commission européenne pour 2023 ; la réforme du marché de l'électricité ; la protection de la pêche française ; l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes ; la mobilisation européenne contre les transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens par la Russie ; la mise en place d'un instrument d'urgence du marché unique ; les normes « Euro 7 » pour les véhicules à moteur ; l'institution d'une industrie européenne « zéro net » ; le nouveau cadre réglementaire européen pour l'intelligence artificielle ; les normes sur l'accès équitable et l'utilisation des données ; l'espace européen des données de santé.
5 résolutions européennes adoptées par le Sénat ont été prises en compte partiellement, en l'espèce, celles relatives à l'avenir de l'agence Frontex, à l'approvisionnement de l'Union européenne en matières premières critiques, aux droits fondamentaux en Iran, à la gestion des déchets outre-mer et aux redevances de l'agence européenne des médicaments.
Enfin, la position du Sénat n'a pas été suivie dans 2 cas, à savoir les conséquences sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) et la prévention et la lutte contre les abus sexuels en ligne. Dans le premier cas, la position du Sénat a bien été reprise par les autorités françaises mais la France pâtit de son isolement. Dans le second, la réforme proposée par la Commission européenne était aussi ambitieuse que complexe, ce qui a conduit, pour l'heure, à l'échec des négociations européennes.
Au cours de l'année parlementaire 2022-2023, la commission des affaires européennes a également adopté et transmis 16 avis politiques à la Commission européenne au titre du dialogue politique que celle-ci a directement noué avec les Parlements nationaux. Comme le rappelait la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, lors de sa visite au Sénat, le 7 janvier 2022, « le Sénat est l'une des assemblées parlementaires les plus actives de l'Union européenne dans son dialogue politique avec la Commission européenne. »
Ces avis politiques doivent en principe faire l'objet d'une réponse de la Commission dans un délai de trois mois. Au cours de la session 2022-2023, le respect de ce délai, s'il s'est légèrement amélioré par rapport à 2021-2022 (26,6 %), demeure insatisfaisant : la réponse de la Commission est en effet intervenue à temps dans seulement 28,5 % des cas.
Enfin, saisi de 123 textes au titre du contrôle de subsidiarité, pour vérifier le respect de la répartition des compétences entre Union européenne et États membres, le Sénat a, au cours de la session 2022-2023, adopté et transmis à la Commission européenne, 4 avis motivés, respectivement relatifs à la liberté des médias, aux règles de la filiation, aux emballages et aux déchets d'emballages et aux évolutions du marché de gros de l'énergie.
I. LES COMMUNICATIONS GARANTISSENT L'INFORMATION DES SÉNATEURS SUR LES TEXTES EUROPÉENS
En sus de l'examen des 1077 textes européens qui lui étaient soumis, la commission des affaires européennes a entendu 18 communications au cours de la session écoulée.
Ces dernières sont préparées et présentées par les rapporteurs de la commission à l'issue d'une phase d'analyse et d'auditions. Elles garantissent une information exhaustive et actualisée de la commission et, par conséquent, du Sénat, sur des enjeux européens importants et participent à ce titre à la mission de contrôle dévolue au Sénat, en ce qui concerne les politiques et institutions européennes.
Généralement, ces communications interviennent à un moment où la commission des affaires européennes souhaite être informée sans nécessairement formuler de position politique :
· soit parce que la communication porte sur un sujet qui est source de dissensions certaines au sein même des groupes politiques du Sénat et complique l'établissement d'une position du Sénat ;
· soit parce qu'une telle position politique est prématurée au regard des informations disponibles et/ou de l'avancée des débats européens sur le projet de texte visé, et que des travaux préalables (auditions ; table ronde ; consultations...) sont nécessaires avant que la commission puisse se forger un avis définitif. La communication est alors conçue comme un point d'étape, qui peut ensuite conduire à l'adoption éventuelle d'une résolution européenne ou d'un avis politique.
Ce rôle fondamental d'information des membres de la commission sur une problématique complexe et de « défrichage » des scenarii politiques possibles a bien été illustré, lors de la session 2022-2023, par les communications du 20 octobre 2022 et du 18 janvier 2023 sur l'extension aux actes de la PESC des compétences de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui résulterait de l'adhésion de l'Union européenne à la CESDH, et contredirait explicitement les traités européens.
Il faut noter que le Sénat a souhaité « solenniser » ses réflexions sur ce dossier majeur en organisant, le 18 janvier 2023, une communication conjointe des présidents des commissions concernées (affaires européennes ; affaires étrangères et défense ; lois) et que la prise de position institutionnelle du Sénat a ensuite été formalisée par l'adoption d'une résolution européenne1(*).
Il peut aussi arriver qu'une communication ait pour objet d'élargir le champ de réflexion ouvert par une proposition de résolution.
Enfin, certaines communications régulières établissent, souvent pour le semestre écoulé, un bilan d'activité des délégations du Sénat siégeant dans les assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe (APCE) et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ces communications ont acquis une importance supplémentaire depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, en raison des conséquences de ce conflit en termes de respect des droits de l'Homme et de préservation des liens avec les pays tiers, membres de la « Grande Europe » (États membres de l'Espace économique européen2(*) ; pays développant une relation bilatérale spécifique avec l'Union européenne3(*) ; pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne4(*)...).
Communications présentées devant la commission des affaires européennes du Sénat du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023
Date et objet de la communication |
Rapporteurs de la commission des affaires européennes |
Extension du contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) aux actes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) susceptible de découler des négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) (20 octobre 2022) |
Mme Gisèle Jourda et M. Dominique de Legge |
Compte rendu du déplacement d'une délégation de la commission des affaires européennes en Espagne, du 13 au 15 septembre 2022 (3 novembre 2022) |
M. Jean-François Rapin, président |
Le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne (CFP) au défi de la guerre en Ukraine (17 novembre 2022) |
M. Patrice Joly |
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (8 décembre 2022) |
M. André Reichardt |
Bilan de la quatrième partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) (15 décembre 2022) |
M. Alain Milon |
Bilan d'activité de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE) depuis l'agression russe de l'Ukraine et de ses missions d'observation électorale au Kirghizistan, en Bosnie-Herzégovine et aux États-Unis (15 décembre 2022) |
M. Pascal Allizard M. Jean-Yves Leconte |
Voisinage et élargissement de l'Union européenne (15 décembre 2022) |
M. Jean-François Rapin, président, Mme Marta de Cidrac et M. Didier Marie |
Compte rendu de la LXVIIIème
Conférence des organes spécialisés dans les affaires
communautaires (COSAC) à Prague, du 13 au 15 novembre 2022 |
M. Jean-François Rapin, président |
Enjeux juridiques en matière de PESC d'une adhésion de l'UE à la CESDH (18 janvier 2023) |
MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon et Jean-François Rapin, présidents |
Actualités de la politique commerciale de l'Union européenne (19 janvier 2023) |
M. Didier Marie |
Agriculture et pêche : PAC 2023-2027, Pacte vert (Green deal) et inflation (19 janvier 2023) |
M. Jean-François Rapin, président |
Bilan de la première partie de session de l'APCE (8 mars 2023) |
M. Alain Milon |
Bilan de la session d'hiver de l'AP-OSCE (22-26 février 2023) (8 mars 2023) |
M. Pascal Allizard |
Compte rendu d'une mission d'observation électorale au nom de l'AP-OSCE en Turquie (17 mai 2023) |
M. Jean-Yves Leconte |
Politique de voisinage : compte rendu du déplacement d'une délégation de la commission des affaires européennes en Moldavie, du 24 au 27 avril 2023 (1er juin 2023) |
Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda et M. André Reichardt |
Bilan de la LXIXème réunion plénière de la COSAC à Stockholm, du 14 au 16 mai 2023 (1er juin 2023) |
M. Jean-François Rapin, président |
Interrogations sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement COM(2023) 209 final établissant des mesures pour renforcer la solidarité et les capacités de l'UE à détecter les menaces et les incidents liés à la cybersécurité, à s'y préparer et à y répondre (5 juillet 2023) |
Mme Laurence Harribey |
Initiatives européennes visant à conforter l'industrie européenne de défense (12 juillet 2023) |
Mme Gisèle Jourda et M. Dominique de Legge |
I. II. LES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT SONT MAJORITAIREMENT PRISES EN CONSIDÉRATION DANS LES DÉBATS EUROPÉENS
Les développements qui suivent présentent, d'un point de vue statistique et procédural, les suites données aux résolutions européennes adoptées par le Sénat, entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023.
1. Rappel sur la procédure d'adoption des propositions de résolution européenne
Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement, en lui indiquant des objectifs à poursuivre dans la négociation au sein du Conseil de l'Union européenne.
L'article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union européenne.
À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union », par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.
La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'acte de l'Union européenne soumis au Sénat par le Gouvernement afin de déterminer ceux d'entre eux qu'il estime avoir un objet important et soulèvent d'éventuelles difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors renvoyée soumise à la commission compétente au fond (qui peut s'en saisir ou l'approuver tacitement), voire être examinée en séance plénière du Sénat.
LA RÉSERVE D'EXAMEN PARLEMENTAIRE Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées, des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire ». Ce mécanisme assure au Sénat (comme à l'Assemblée nationale) un délai de huit semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte. |
2. Quelques statistiques sur les résolutions européennes adoptées lors de la session parlementaire 2022-2023
Sur la période allant du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023, la commission des affaires européennes a traité 1077 textes européens. Parmi les textes traités, 586 (54,41 %, soit la même proportion qu'en 2021-2022) relevaient d'une procédure de levée automatique de la réserve parlementaire5(*), selon laquelle le texte est présumé adopté dans les 72 heures de son dépôt, sauf décision de la commission de les examiner. Par ailleurs, 486 textes (soit 45,58 %) se situaient en dehors de cette procédure, dont 283 textes (soit 26,6 % du total des textes et 58 % des textes non concernés par la levée de réserve) ont été soit examinés en commission, soit traités en procédure écrite.
Ces différents chiffres sont récapitulés dans le tableau ci-après :
Textes traités sur la session 2022-2023 |
10776(*) |
|
Textes déposés et traités lors de la session 2022-2023 |
1072 |
|
Procédure 72 h |
Nominations |
182 |
PESC |
370 |
|
Virements |
20 |
|
TVA |
10 |
|
Fonds européen d'ajustement à la mondialisation |
4 |
|
|
586 |
|
|
|
|
Levée tacite hors PESC |
|
203 |
Procédures écrites/textes examinés en commission |
283 |
|
486 |
Au cours de cette période, le Sénat a examiné 19 résolutions européennes, en a rejeté une et en a adopté 18 (contre 17 sur la même période l'année dernière7(*)).
La proposition de résolution européenne (PPRE) rejetée en commission des affaires européennes avait été proposée par les sénateurs communistes et était relative à la relance du processus de paix en Irlande du Nord8(*). À l'origine de la proposition, la victoire électorale du Sinn Fein (qui milite en faveur de l'indépendance et de la réunification de l'Irlande) aux élections législatives en Irlande du Nord en mai 2022 et le blocage de la formation du nouveau gouvernement par le parti unioniste (en faveur du maintien de l'Irlande du nord au sein du Royaume-Uni), contrairement aux accords du Vendredi saint d'avril 1998, qui ont ramené la paix et prévu un partage du pouvoir.
En réponse à cette situation, la proposition invitait le Gouvernement à agir au niveau européen et international afin de faire respecter les dispositions de l'accord de paix en Irlande du nord, demandait le « maintien d'une position ferme de l'Union européenne au-delà du cadre de Windsor face au blocage (...) des unionistes » et exigeait « la restauration du système de pouvoir partagé ».
Constatant que ses rapporteurs (les sénateurs Colette Mélot et Didier Marie) étaient divisés sur leur évaluation de la proposition (la première estimant que la proposition de résolution constituait une « ingérence » dans les affaires intérieures britanniques et le second prônant l'adoption d'une PPRE amendée par ses soins), la commission des affaires européennes a rejeté la proposition.
Liste des résolutions européennes adoptées par le Sénat entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023
Texte |
Rapporteur(s) de la commission |
Amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Avenir de l'agence Frontex |
M. Jean-François Rapin, président |
Mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran |
M. Pascal Allizard |
Volet politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) |
M. Jean-François Rapin, président |
Programme de travail de la Commission européenne pour 2023 |
MM. Didier Marie et Jean-François Rapin, président |
Transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Russie |
MM. André Gattolin et Claude Kern |
Prévention et lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne |
M. Ludovic Haye, Mme Catherine Moron-Desailly et M. André Reichardt |
Régulation européenne de l'intelligence artificielle (IA) |
M. André Gattolin, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Cyril Pellevat et Mme Elsa Schalck |
Instrument d'urgence pour le marché unique |
Mmes Amel Gacquerre et Christine Lavarde, et M. Didier Mari |
Protection de la filière pêche française et plan d'action européen pour le milieu marin |
M. Alain Cadec |
Redevances et droits dus à l'agence européenne des médicaments |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Équité de l'accès aux données et de l'utilisation des données |
Mme Florence Blatrix-Contat, M. André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly |
Gestion des déchets outre-mer |
Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda |
Normes Euro 7 |
Mme Pascale Gruny, M. Jean-Michel Houllegatte et M. Dominique de Legge |
Réforme du marché de l'électricité |
MM. Daniel Gremillet et Claude Kern |
Espace européen des données de santé |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Écosystème européen pour la fabrication de produits zéro émission (« zéro net ») |
Mme Amel Gacquerre et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie |
Approvisionnement en matières premières critiques |
Mme Amel Gacquerre et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie |
Sur les 18 textes adoptés :
· 12 sont issus d'une proposition de résolution de la commission des affaires européennes (amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes ; programme de travail de la Commission européenne pour 2023 ; prévention et lutte contre les abus sexuels sur les enfants ; règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle ; instrument d'urgence du marché unique ; agence européenne des médicaments ; équité de l'accès aux données et de leur utilisation ; norme Euro 7 ; réforme du marché de l'électricité ; espace européen des données de santé ; technologie « zéro net » ; approvisionnement en matières premières critiques) ;
· et 6 trouvent leur origine dans l'initiative d'un ou plusieurs sénateurs :
- avenir de l'agence Frontex (proposition déposée par les présidents MM. François-Noël Buffet et Jean-François Rapin) ;
- mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran (proposition déposée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues) ;
- volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) des négociations d'adhésion de l'Union européenne (UE) à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) (proposition déposée par les présidents François-Noël Buffet, Christian Cambon et Jean-François Rapin) ;
- dénonciation des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie (proposition déposée par M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues) ;
- protection de la filière pêche française dans le cadre du « plan d'action pour le milieu marin » (proposition déposée par M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues) ;
- gestion des déchets Outre-mer (proposition déposée par Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet).
Il faut observer que sur deux sujets essentiels pour l'avenir de l'Union européenne et le respect des compétences des États membres prévues par les traités (avenir de Frontex ; éventuelle acquisition d'une compétence de la CJUE pour juger de décisions dans le domaine de la PESC, contrairement à la lettre et à l'esprit des traités européens), le choix a été fait d'un dépôt de proposition de résolutions européennes par le président de la commission des affaires européennes et son ou ses homologues des commissions permanentes concernées, afin de souligner plus solennellement la mobilisation de l'ensemble du Sénat sur ces dossiers. De surcroît, ces démarches permettent de sensibiliser un plus grand nombre de sénateurs à ces enjeux européens ;
· 6 propositions ont donné lieu à un rapport d'information de la commission des affaires européennes (avenir de l'agence Frontex ; mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran ; volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) des négociations d'adhésion de l'Union européenne (UE) à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) ; dénonciation des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ; protection de la filière pêche française dans le cadre du « plan d'action pour le milieu marin » ; gestion des déchets Outre-mer) ;
· 15 ont également fait l'objet d'un avis politique que la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique (conditions de travail des travailleurs des plateformes ; avenir de Frontex ; mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran ; volet relatif à la PESC des négociations d'adhésion de l'UE à la CESDH ; dénonciation des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ; règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle ; instrument d'urgence du marché unique ; protection de la filière pêche française dans le cadre du « plan d'action pour le milieu marin » ; agence européenne des médicaments ; équité de l'accès aux données et de leur utilisation ; norme Euro 7 ; réforme du marché de l'électricité ; espace européen des données de santé ; technologie « zéro net » ; approvisionnement en matières premières critiques).
Sur ce point, au cours des dernières sessions, il faut constater la tendance accrue de la commission des affaires européennes à proposer sur un même sujet, à la fois une résolution européenne, pour s'adresser au Gouvernement dans ses négociations européennes, et un avis politique à la rédaction similaire, pour tenter d'influencer directement la Commission européenne, la sensibiliser plus rapidement sur des difficultés et obtenir des éclaircissements ou des justifications de sa part.
· 1 a fait l'objet d'un débat en séance publique (avenir de Frontex).
Ces résolutions illustrent l'origine variée du traitement des questions européennes au Sénat, et la volonté de ce dernier de sensibiliser simultanément le Gouvernement français et la Commission européenne à ses priorités sur les sujets européens d'importance.
3. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat
Que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?
Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations conduisant à l'élaboration de la législation européenne, qui, du fait de l'applicabilité directe des règlements et de la transposition des directives, a des incidences évidentes sur la législation française.
Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues à ce jour, dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.
Les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.
En tout état de cause, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus général, par exemple lorsqu'il s'agit d'exprimer une position de principe du Sénat dans un débat public. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.
En tout état de cause, de manière à formaliser ce suivi des positions exprimées par le Sénat sur chaque dossier, le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) établit une « fiche de suivi » pour chaque résolution adoptée par le Sénat, qu'il adresse à la commission des affaires européennes.
Pour le suivi de la session 2022-2023, trois résolutions européennes adoptées n'ont donc pas donné lieu à une fiche d'impact simplifié (FIS) mais cette absence a été justifiée. Tout d'abord, la résolution annuelle adoptée sur le programme de travail de la Commission européenne n'est pas suivie d'une FIS, car cette dernière ne pourrait être ni lisible ni concise et par conséquent, pas exploitable En effet, ce programme de travail couvre l'ensemble des politiques européennes.
Deux autres résolutions européennes étaient relatives à des enjeux diplomatiques dans des pays tiers, qui ne sont pas suivis par le SGAE mais directement par le Quai d'Orsay (résolutions européennes relatives aux droits fondamentaux en Iran et aux transferts forcés d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie).
En tout état de cause, le rapporteur, comme l'année dernière, souhaite remercier le SGAE pour la grande qualité des informations qui lui ont été transmises.
D'une façon quelque peu schématique, en fonction des informations recueillies auprès du SGAE, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.
a) Le sort variable des résolutions européennes adoptées en 2021-2022
Plusieurs résolutions européennes du Sénat ont été adoptées lors de la session parlementaire 2021-2022 sur des réformes qui demeuraient alors en cours de discussion.
· La résolution européenne du Sénat n° 124 sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », devenue définitive le 5 avril 20229(*)
La Commission européenne avait présenté, le 11 décembre 2019, une feuille de route visant à faire de l'Europe le premier continent climatiquement neutre d'ici à 2050, « le pacte vert pour l'Europe ».
Ce dernier prévoit la transition écologique de tous les secteurs clefs de l'économie : énergie ; transports ; bâtiments ; agriculture...
Afin de décliner les principes de ce pacte en mesures effectives, la Commission européenne a présenté plusieurs initiatives législatives, au premier rang desquelles la loi européenne sur le climat, le 4 mars 2020, qui a fait une obligation légale de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030 et le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le 14 juillet 2021, qui définit le cadre juridique d'ensemble pour la transition écologique.
L'objet du présent commentaire n'est pas de revenir sur le détail des principales mesures de ce paquet et sur leur conformité à la résolution européenne du Sénat, ces points ayant déjà été examinés dans le rapport d'information du Sénat relatif au suivi des résolutions européennes adoptées au cours de la session 2021-202210(*).
Toutefois, par exception, la proposition de directive formalisant les objectifs de l'Union européenne en matière d'énergies renouvelables n`avait alors pas été adoptée définitivement.
C'est chose faite, depuis le 30 mars dernier, date à laquelle Conseil et Parlement sont parvenus à un accord en trilogue : cet accord prévoit que la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale de l'Union européenne devrait passer à 42,5 % en 2030 avec un objectif indicatif supplémentaire pour atteindre 45 %.
Or, avant même cette décision, la France, qui n'avait pas atteint les objectifs européens prévus dans ce domaine (à savoir une part de 23 % d'énergies renouvelables dans sa consommation énergétique à échéance 2020) négociait déjà avec la Commission européenne pour éviter des pénalités. En octobre 2023, le Gouvernement a publiquement affirmé que l'objectif 2020 ne tenait pas compte du caractère très décarboné du mix électrique français. Puis, en novembre, les autorités françaises ont présenté leur « plan énergie-climat », qui ne fait aucune référence aux objectifs chiffrés européens adoptés pour 2030, préférant mettre en avant un objectif d'énergie décarbonée, intégrant renouvelables et nucléaire.
En réponse à cette annonce, la commissaire européenne à l'énergie, Mme Kadri Simson, a demandé à la France de rehausser ses objectifs en matière d'énergies renouvelables à « au moins 44 % » d'ici 2030, la menaçant, à défaut, de prendre d'autres « mesures au niveau de l'Union européenne » pour y remédier. Les tensions sont réelles.
La position prise par le Gouvernement est cependant conforme aux priorités exprimées par le Sénat dans sa résolution précitée. Cette dernière avait apporté un soutien de principe aux objectifs généraux du paquet mais avait simultanément rappelé que « les États membres (déterminaient) souverainement la structure générale de leur approvisionnement énergétique ». Cette « ligne rouge » avait été ensuite rappelée avec force dans l'avis motivé n°111 adopté par le Sénat le 22 mai 2023 sur la proposition de règlement (COM(2023) 147 final) visant à améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie (commenté en partie IV du présent rapport).
La résolution du Sénat avait aussi :
- estimé que « les États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée (devaient) pouvoir s'appuyer sur cette stratégie pour valoriser leur engagement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et qu'il ne (pouvait) leur être imposé d'objectifs de diversification inadaptés à la structure même de leur système énergétique » ;
- appelé en outre « à garantir une complète neutralité technologique entre les procédés, les technologies ou les projets de recherche et d'innovation concourant de manière équivalente à cette décarbonation de l'économie ».
· La résolution européenne du Sénat n° 143 relative à la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, devenue définitive le 1er août 2022
Présentée le 23 février 2022, la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité11(*) vise à imposer aux sociétés concernées de mettre en oeuvre des processus visant à prévenir, atténuer ou supprimer les incidences négatives de leurs activités et de celles de leur « chaîne de valeur » sur les droits de l'Homme et sur l'environnement. La réforme concerne les entreprises établies dans l'Union européenne (définies selon des critères fondées sur le secteur d'activité, le nombre de salariés et le chiffre d'affaires mondial12(*)) et prévoyait à titre principal : un cadre juridique permettant d'engager la responsabilité civile des entreprises en cas de dommage causé par un manquement à leur obligation de vigilance (y compris par leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants) ; la mise en oeuvre, par chaque entreprise visée, d'un plan pour assurer la compatibilité de ses modèles et stratégies avec la transition écologique.
La résolution du Sénat, rapportée par la sénatrice Mme Christine Lavarde et par les sénateurs MM. Jacques Fernique et Didier Marie, avait approuvé le principe d'une telle initiative législative européenne tout en demandant « de tenir compte des capacités inégales des entreprises ». Elle demandait aussi une clause de révision qui pourrait permettre de prendre en considération les données consolidées des entreprises pour modifier les seuils déterminant les obligations, une définition plus rigoureuse des « activités à fort impact sur les droits de l'Homme et l'environnement», la substitution de la notion de « chaîne d'activités » à celle de « chaîne de valeur », dont les ambiguïtés avaient été soulignées par le Sénat ou encore le choix d'une entrée en vigueur « rapprochée mais progressive » (application aux entreprises de plus de 1.000 salariés réalisant plus de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires net mondial et aux entreprises étrangères réalisant un tel chiffre d'affaires pendant les trois ans suivant l'entrée en vigueur de la réforme).
Un compromis reprenant ces éléments avait été trouvé entre le Conseil et le Parlement européen, le 14 décembre 2023. Il rendait la réforme applicable aux entreprises employant plus de 500 salariés et réalisant - au niveau mondial - un chiffre d'affaires net de plus de 150 millions d'euros (les services financiers étant temporairement exclus des nouvelles obligations), précisait la nature des incidences environnementales couvertes par la réforme13(*) ainsi que l'obligation de moyens s'imposant aux entreprises précitées (nécessité d'adopter un plan de transition en matière d'atténuation du changement climatique ; respect du devoir de vigilance posé comme critère d'attribution de marchés publics). Elle confortait aussi leur responsabilité civile et prévoyait des amendes en cas de manquement (d'un montant maximal égal à 5 % du chiffre d'affaires net mondial de l'entreprise concernée).
Cependant, malgré l'adoption de ce compromis, l'opposition contre le texte est demeurée forte, non seulement de la part de certains États membres (Allemagne ; Autriche ; Italie) mais aussi des députés européens des groupes du parti populaire européen (PPE), des Conservateurs et Réformistes européens (CRE) et Identité et Démocratie (ID). Le principal point de friction portait sur les obligations imposées par la réforme aux petites et moyennes entreprises (PME). Et, au cours du mois de février 2024, les représentants permanents des 27 États membres ont échoué par deux fois à adopter définitivement cet accord au Conseil.
La présidence belge du Conseil a alors travaillé à un nouvel accord. Ce dernier, entériné le 15 mars dernier par le Conseil, restreint le nombre d'entreprises concernées et prévoit une entrée en vigueur progressive des nouvelles obligations pour n'appliquer la réforme qu'aux plus grandes d'entre elles14(*), comme le recommandait le Sénat. Il fait aussi disparaître la notion de « secteurs à haut risque » et maintient l'exclusion du secteur financier de la réforme. Malgré cela, neuf États membres, dont l'Allemagne, se sont abstenus lors du vote. Le Parlement européen devrait à son tour entériner cet accord.
· La résolution européenne n° 150 relative à la préservation des filières du patrimoine, notamment celles du vitrail, de la facture d'orgue, de la restauration et de la conservation des monuments et bâtiments historiques, des objets et oeuvres d'art et des biens culturels, menacées par l'interdiction du plomb ou la procédure d'autorisation telles qu'envisagées par la révision du règlement « REACH »15(*) :
Déposée par la sénatrice Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues, la proposition de résolution a ensuite été adoptée avec modifications par la commission des affaires européennes du Sénat, sur le rapport des sénateurs Mme Catherine Morin-Desailly et M. Louis-Jean de Nicolaÿ, le 21 juillet 2022. Elle est devenue résolution du Sénat, le 26 août 2022.
Dans le cadre des réflexions préparatoires à la révision du règlement « REACH » précitées, les filières artisanales et industrielles du patrimoine avaient informé les sénateurs d'une possible interdiction du plomb s'il était inscrit dans la liste des substances soumises à autorisation au titre de l'annexe XIV du règlement (substances soumises à autorisation).
La résolution avait rappelé l'importance du patrimoine architectural, religieux ou civil, en Europe dont l'entretien et la préservation sont dépendants de l'usage du plomb (vitraux ; orgues ; couvertures ; parements ; ornements ; revêtements...), « irremplaçable » à ce jour. Elle avait également constaté le dynamisme des filières du patrimoine et souligné leurs « efforts exemplaires » pour protéger, « notamment grâce aux équipements de protection individuelle et grâce à des mesures de prévention collective », les « artisans, intervenants et travailleurs en contact avec le plomb. » Constatant l'absence de données épidémiologiques fiables sur ce dossier, elle avait demandé la réalisation d'études scientifiques pour y remédier.
Elle avait ensuite souligné que l'interdiction du plomb ou la subordination de son usage à la procédure d'autorisation prévue à l'annexe XIV du règlement menaçait directement ces filières et aurait pour conséquence de « délocaliser les savoir-faire » vers des pays tiers, regrettant l'association insuffisante des professionnels concernés aux réflexions de la Commission européenne.
Elle avait enfin appelé les filières françaises à conjuguer leurs efforts avec celles de leurs homologues des autres États membres afin de pouvoir concilier « la nécessaire protection des citoyens européens contre les effets nocifs de certaines substances toxiques » avec « la préservation du patrimoine culturel français et européen ».
Dans ce contexte, le processus d'instruction devant mener à la présentation éventuelle, fin 2023, d'une proposition de modification du règlement « REACH » par la Commission européenne pour inscrire le plomb comme substance soumise à autorisation, a été « gelé ». Le règlement « REACH » dans son ensemble a été soumis à une nouvelle évaluation dans le cadre de la procédure dite REFIT. Cela ne signifie pas pour autant que le dossier est clos.
En effet, plusieurs enjeux sanitaires pourraient inciter la Commission européenne à tenter de nouveau de réviser le règlement « REACH » (en particulier pour mieux prendre en compte les effets nocifs des substances polyfluoroalkylées (ou PFAS)).
D'ailleurs, l'Assemblée nationale a récemment demandé l'ouverture de nouvelles négociations sur la révision de « REACH », sans que sa demande fasse référence aux spécificités des filières du patrimoine16(*).
Et, simultanément, le 14 novembre 2023, l'Union européenne a modifié à la baisse les valeurs limites biologiques (VLB) et d'exposition professionnelle (VLEP) pour le plomb applicables aux travailleurs qui y sont exposés, afin de mieux protéger leur santé17(*).
*
b) Concernant les résolutions adoptées en 2022-2023, le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans plus de 61 % des cas
Sur les dix-huit résolutions européennes adoptées en 2022-2023 qui font l'objet du présent rapport, onze, soit environ 61,1 %, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.
b1) La résolution européenne du Sénat n° 335 sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023, devenue définitive le 13 mars 2023
Cette résolution, présentée par les sénateurs MM. Jean-François Rapin et Didier Marie, est un exercice annuel par lequel le Sénat fait connaître au Gouvernement sa vision des priorités européennes pour l'année à venir sur la base de ses observations relatives au programme de travail de la Commission européenne. Elle a été doublée d'un avis politique directement transmis à la Commission européenne, qui lui a répondu le 26 mai 2023. Le détail de ces textes, qui s'adressent à titre principal à la Commission européenne, sont commentés infra dans le bilan des avis politiques adoptés par le Sénat (partie III). Si le suivi des recommandations relatives aux méthodes de travail est largement perfectible, celui de ses observations émises sur le contenu du programme de travail apparaît satisfaisant.
b2) La résolution européenne condamnant les transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie
La résolution européenne du Sénat n° 95 résulte de l'initiative de M. André Gattolin, alors sénateur et membre de la commission des affaires européennes du Sénat, et de plusieurs de ses collègues. Adoptée par la commission des affaires européennes sur le rapport des sénateurs MM. André Gattolin et Claude Kern le 9 mars 2023, elle est devenue définitive le 17 avril 2023.
Son objet est simple : répondre aux alertes lancées par plusieurs ONG18(*) et par l'université de Yale19(*) qui dénonçaient l'enlèvement, le transfert, la naturalisation, le changement de nom et de filiation forcés de nombreux enfants ukrainiens par les forces russes, dans le cadre de la tentative d'invasion de l'Ukraine menée par elles depuis le 24 février 2022.
La résolution a condamné « le processus d'assimilation forcée et accélérée mis en oeuvre par les autorités russes à l'égard de ces enfants » et a demandé à la Russie de respecter le droit international.
Constatant que ces enlèvements étaient assimilables à des crimes de guerre, elle a demandé à la France et à l'Union européenne de mener des actions diplomatiques en faveur de ces enfants ukrainiens, de veiller à la mise en oeuvre des mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) sur le territoire des États membres et de renforcer leur soutien (humain, financier...) à cette cour, afin qu'elle puisse identifier les responsables de ces crimes et les poursuivre. Elle leur a aussi recommandé d'appuyer l'action de l'agence européenne de coopération judiciaire (Eurojust) pour documenter et recenser les cas de transferts forcés.
Enfin, elle a appelé les autorités françaises et la Commission européenne à soutenir les efforts des institutions et associations ukrainiennes pour accompagner médicalement, psychologiquement et socialement les enfants victimes.
Malheureusement, les autorités russes poursuivent aujourd'hui cette politique de transferts forcés, de détention et « d'effacement » des enfants ukrainiens.
Mais comme souhaité par la résolution du Sénat, la mobilisation en faveur de ces enfants et de leur retour dans leurs familles est générale.
La Commission européenne, dans un courrier en date du 12 juillet 2023, a d'ailleurs remercié le Sénat pour sa prise de position et a confirmé qu'elle condamnait aussi vigoureusement « les transferts forcés d'enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie. »
Rappelons que :
· le Conseil européen, dans ses conclusions des 26-27 octobre et 14-15 décembre 2023, a souligné la responsabilité totale de la Russie dans la guerre d'agression contre l'Ukraine et dans les crimes internationaux qui en résultent ;
· le Conseil de l'Union européenne a adopté à l'unanimité, le 19 décembre 2023, un douzième « train » de sanctions à l'encontre de 140 personnes physiques et morales du fait de leur action dans la stratégie d'agression russe. Depuis juillet 2022, l'Union européenne a décidé de sanctionner 16 personnes pour leur responsabilité dans la « rééducation » forcée d'enfants ukrainiens, dont Mme Maria Lvova-Belova, commissaire russe chargée des « droits de l'enfant » ;
· l'Union européenne apporte un soutien aux activités de lutte contre l'impunité et son assistance au fonctionnement du bureau du procureur général ukrainien ;
· de nombreuses enquêtes pénales ont été ouvertes sur des crimes commis en Ukraine, et une équipe commune d'enquête (ECE) a été constituée le 25 mars 2022 sous l'égide d'Eurojust20(*). En outre, le 23 février 2023, Eurojust a mis en place la base de données centrale sur les preuves de crimes de guerre et aux infractions pénales connexes (CICED), instrument essentiel pour rassembler, analyser et recouper les éléments de preuve. Enfin, le travail de l'ECE est appuyé par la mise en place d'un centre international pour la poursuite du crime d'agression contre l'Ukraine (ICPA).
Dans ce cadre, la France soutient l'action d'Eurojust et a mis une équipe au service de la CPI, dont elle est le troisième contributeur net au budget21(*). En outre, le pôle « crimes contre l'Humanité » du parquet national antiterroriste (PNAT) a développé des contacts avec la société civile ukrainienne. Enfin, la France a fait une offre de coopération aux autorités ukrainiennes pour la prise en charge des enfants orphelins22(*).
b3) Les résolutions relatives aux droits des travailleurs des plateformes et à la protection de la pêche française
· La résolution européenne n° 17 relative à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes
Adoptée par la commission des affaires européennes du Sénat, le 5 octobre 2022 sur le rapport des sénatrices Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, elle est devenue définitive le 14 novembre 2022.
Présentée le 9 décembre 2021 par la Commission européenne qui constatait le développement des plateformes numériques et du nombre de personnes travaillant par leur intermédiaire, la proposition de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme23(*) a prévu, à titre principal, d'assurer à ces travailleurs « un statut professionnel correct » et un certain nombre de droits24(*), d'instituer une présomption légale de relation de travail entre une plateforme25(*) et un travailleur (présomption légale de salariat) dès lors qu'il est prouvé que la plateforme contrôle le travail de ce dernier26(*), et d'instaurer une possibilité de renverser cette présomption, et, enfin, d'encadrer l'utilisation des systèmes automatisés (algorithmes) mis en place par les plateformes pour attribuer des tâches aux travailleurs et les surveiller.
La résolution européenne du Sénat a approuvé le principe d'un encadrement européen du travail des plateformes, tant pour rééquilibrer le rapport de force entre travailleurs et plateformes que pour assurer une concurrence équitable entre ces dernières et les entreprises traditionnelles, ainsi que l'instauration d'une présomption légale de salariat, tout en demandant d'en préciser les critères et en autorisant explicitement les États membres à ne pas l'appliquer s'ils ne le souhaitent pas. Elle a préconisé une transparence et une surveillance accrue de la gestion des algorithmes utilisés par les plateformes pour contrôler le travail, demandé l'ajout d'un dispositif permettant une vérification fiable de l'identité des travailleurs et souhaité que la réforme n'impose pas de contraintes trop lourdes aux petites et moyennes entreprises (PME).
Cependant, la réforme a divisé les États membres (les autorités françaises affichant dès le début des négociations, une réelle hostilité à la présomption légale de salariat) et le Parlement européen (qui souhaitait étendre le champ des plateformes concernées par la réforme ainsi que les critères qualificatifs de la présomption de salariat, et interdire la prise de décision sur le travail des personnes par simple système automatisé).
Le 13 décembre 2023, un compromis difficile a néanmoins été trouvé en trilogue, sur la base des règles initialement fixées pour la présomption légale de salariat, d'une interdiction, pour les plateformes, de traiter un certain nombre de données personnelles (conversations privées ; opinions politiques ; activité syndicale...), et du principe d'une supervision humaine des algorithmes.
Par la suite, le texte a cependant été rejeté au Conseil, le 22 décembre 2023, sous l'impulsion de plusieurs États membres, dont la France, qui justifiait son refus par le risque de « requalifications massives » de travailleurs indépendants en salariés. Une version du texte « édulcorée » a alors été présentée par la présidence belge du Conseil, supprimant les critères européens de présomption légale de salariat au profit d'une compétence des États membres, chargés de déterminer eux-mêmes les faits caractérisant le contrôle et la direction sur lesquels repose le déclenchement de la présomption.
Ce texte a finalement été adopté sans modification, lors d'une réunion des ministres du travail (le 11 mars dernier) par surprise, en raison des votes favorables de l'Estonie et de la Grèce, jusqu'alors opposées à la réforme. Le Gouvernement allemand, divisé sur ce dossier, et le Gouvernement français, sont demeurés isolés et n'ont pas été suivis.
Ce compromis final répond en revanche aux souhaits du Sénat, puisqu'il introduit la présomption de salariat mais laisse aux États membres la latitude pour la qualifier.
· La résolution européenne du Sénat n° 125 relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « plan d'action de l'Union européenne : protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente » (COM (2023) 102 final) présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne
Le paquet pour une « pêche durable » de la Commission européenne, composé de quatre documents27(*) dont le plan d'action précité, avait un double objectif : accélérer la transition des activités de pêche dans l'Union européenne vers des pratiques durables et faciliter l'articulation de la mise en oeuvre de la politique commune de la pêche (PCP) et des politiques environnementales européennes.
Pour atteindre cet objectif, le plan d'action présenté proposait plusieurs mesures, en particulier l'interdiction des engins de fond dans les sites Natura 200028(*) de la directive « Habitats faune flore » d'ici à mars 2024 et dans toutes les aires marines protégées (AMP) d'ici à 2030.
En effet, selon les associations de défense de l'environnement consultées par la Commission européenne, l'ensemble des engins de pêche de fond mobile (dragues ; chaluts ; sennes de fond) détruisent les écosystèmes marins, fragilisent les espèces de poissons qui s'y abritent et s'y reproduisent, favorisent les prises accidentelles et sont associées à une empreinte carbone élevée.
Pour rappel, la stratégie Natura 2000 de l'Union européenne visait la création de zones protégées représentant 30 % de la superficie marine des États membres de l'Union européenne, dont 10 % strictement protégées. Cependant, si des aires marines protégées existent, force est de constater qu'il en existe de toutes sortes et que, dans nombre d'entre elles, les activités humaines comme la pêche et l'aquaculture y sont autorisées. La France compte 565 aires marines protégées qui assurent une protection à 33 % des eaux françaises.
Alors qu'elle avait toujours prôné une approche adaptée aux enjeux propres à chaque territoire, la Commission européenne a, en l'espèce, voulu afficher l'interdiction de la pêche de fond mobile en tant que principe général.
Certes, le plan d'action concerné n'avait pas de valeur normative. Mais la présentation de tels documents par la Commission européenne constitue toujours une étape préalable à l'élaboration d'un cadre réglementaire européen.
Voilà pourquoi les lacunes dans la concertation préalable à l'annonce de cette mesure et l'absence d'analyse d'impact pour démontrer la pertinence de cette interdiction dans les aires marines protégées ont suscité de vives réactions des pêcheurs et des élus locaux des zones littorales. Elles ont conduit le sénateur M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues à déposer une proposition de résolution européenne (le 2 mai 2023), qui a été ensuite été examinée par la commission des affaires européennes (24 mai 2023), et par la commission des affaires économiques (le 31 mai 2023) sur le rapport du sénateur M. Alain Cadec, et qui est devenue définitive, le 6 juin 2023.
Cette résolution européenne a regretté l'absence de concertation et la préparation insuffisante de ce plan d'action, constaté que ce dernier risquait de ruiner les efforts conjoints de l'État, des collectivités territoriales, des pêcheurs et des chercheurs pour reconstituer les stocks halieutiques et garantir une pêche durable et aurait pour conséquence directe la disparition d'un tiers de la flotte française d'ici à 2030, privant ainsi d'emplois plus de 4 350 marins-pêcheurs embarqués sur 1 200 navires, représentant 36 % des volumes embarqués.
Elle a en conséquence marqué l'opposition du Sénat à une interdiction générale de la pêche de fond mobile s'appliquant de manière uniforme dans toutes les zones Natura 2000 dès 2024, et dans l'ensemble des zones marines protégées à compter de 2030, et appelé à poursuivre et à approfondir les travaux scientifiques destinés à identifier les zones abritant des écosystèmes marins vulnérables.
En cohérence avec cette position forte du Sénat, le Gouvernement s'est opposé à une interdiction générale des engins traînants de fond29(*), tout comme onze autres États membres (Espagne ; Portugal ; Danemark ; Allemagne ; Irlande ; Grèce ; Slovénie ; Croatie ; Italie ; Bulgarie ; Lettonie) au sein du Conseil. Au Parlement européen, la majorité des membres de la commission PECH, en particulier les députés français Pierre Karleskind (président ; Renew) et François-Xavier Bellamy (PPE), ont également critiqué ce plan d'action.
Cette cohérence est d'autant plus importante pour l'avenir que, comme le rappelle la résolution du Sénat, « au cours du premier semestre 2024, dans le cadre de l'examen à mi-parcours de la stratégie en faveur de la biodiversité, la Commission [européenne] entend examiner si de nouvelles mesures ou législations sont nécessaires pour améliorer la mise en oeuvre de cette dernière. »
b4) Les résolutions relatives à l'énergie et aux transports (marché de l'électricité ; normes « Euro 7 »)
· La résolution européenne du Sénat n° 141 relative aux propositions de règlement portant réforme du marché de l'électricité de l'Union européenne
Afin de tenter d'endiguer l'augmentation forte des prix de l'électricité résultant de la reprise économique « post covid-19 » dans l'Union européenne, du déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie en février 2022 et des indisponibilités des parcs électriques nucléaires et renouvelables30(*), la Commission européenne a présenté plusieurs mesures, en particulier une réorganisation du marché européen de l'électricité.
Ainsi, le 8 mars31(*) puis le 18 avril 202232(*), dans plusieurs communications, elle avait considéré que le marché européen de l'électricité demeurait globalement pertinent mais que des adaptations de son organisation étaient nécessaires.
Elle avait aussi présenté plusieurs actions pour répondre à la hausse des prix : intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie33(*) ; modification des règles européennes pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables34(*) ; établissement d'un mécanisme de correction du marché35(*).
Dans ce contexte, le 14 mars 2023, la Commission européenne a présenté un paquet de textes rassemblant une proposition de modification des règlements en vigueur afin d'améliorer l'organisation du marché européen36(*), une proposition de directive devant assurer la protection de l'Union européenne contre la manipulation du marché de gros de l'énergie37(*) - qui a fait l'objet d'un avis motivé du Sénat au titre du contrôle de subsidiarité (voir en partie IV), ainsi qu'une recommandation et un document de travail sur le stockage de l'énergie.
Si l'on résume les intentions de la Commission européenne, cette réforme tend à remplir trois objectifs : la réduction de la dépendance du prix de l'électricité dans les États membres de l'Union européenne à l'égard des énergies fossiles (en particulier, le gaz russe), une meilleure protection des consommateurs et une stabilité accrue pour les entreprises, et un accès facilité aux énergies renouvelables et bas carbone.
La proposition de résolution européenne, issue des travaux de la commission des affaires européennes du Sénat, sur le rapport des sénateurs MM. Daniel Gremillet et Claude Kern (le 1er juin 2023), a ensuite a été examinée par sa commission des affaires économiques (qui l'a examinée le 7 juin 2023 sur le rapport de Daniel Gremillet) et est devenue définitive le 19 juin 2023. À titre principal, elle :
- a souhaité garantir aux consommateurs une protection contre la volatilité des prix des énergies, contribuer à renforcer la compétitivité de l'économie européenne face à la concurrence internationale et concourir à la transition énergétique en préservant la neutralité technologique entre les différentes sources d'énergie décarbonées ;
- a exigé la préservation de la compétence des États membres dans la définition de leur bouquet énergétique ;
- a soutenu le développement d'un marché de long terme fondé sur des accords d'achat d'électricité (AAE) et des contrats d'écart compensatoires bidirectionnels, qui doivent structurer les investissements publics en faveur de la production d'électricité bas carbone, tout en demandant que ces instruments soient définis par les États membres et qu'ils soient également applicables à la production d'électricité à partir d'énergie nucléaire ;
- a appuyé la volonté de la Commission européenne d'assurer une large palette d'offres de fourniture d'électricité et de mieux protéger les ménages les plus vulnérables, mais estimé nécessaire de promouvoir les contrats les plus protecteurs des consommateurs, de rendre optionnels les contrats à tarification dynamique et de conférer aux seuls États membres le soin de qualifier une situation énergétique de crise ;
- a souhaité le maintien des compétences des autorités nationales de régulation, y compris leurs pouvoirs d'enquête et de sanction, et considéré que les nouveaux pouvoirs d'observations et de recommandations prévues pour l'agence européenne de coopération des régulateurs d'énergie (ACER) ne devaient pas avoir un caractère contraignant.
En pratique, les accords trouvés par les négociateurs européens en trilogue, sur la proposition de directive « marché de gros » (le 16 novembre 2023) et sur la proposition de règlement relative à l'organisation du marché de l'électricité (le 14 décembre 2023), répondent aux attentes du Sénat, en particulier sur l'insertion de l'énergie nucléaire parmi les énergies bas-carbone visées, sur la protection des ménages vulnérables ou encore sur la procédure de constat d'une crise énergétique (qui serait le fait du Conseil et non de la Commission). A contrario, le compromis trouvé confère de larges pouvoirs à l'ACER (enquêtes sur des incidents transfrontières ; astreinte...), contrairement à ce que souhaitait le Sénat, mais donne aux autorités de régulation nationales la faculté de s'opposer à leur mise en oeuvre, au cas par cas.
· La résolution européenne n° 149 sur l'adoption de nouvelles normes d'émission des véhicules Euro 7
Le transport routier constitue encore l'une des principales sources de pollution de l'air, en particulier dans les espaces urbains. En 2018, il était ainsi responsable de 39 % des émissions nocives d'oxydes d'azote (Nox). En zone urbaine, ce taux montait à 47 %. Les véhicules routiers génèrent aussi 56 % des émissions de particules fines dans Paris.
Le 10 novembre 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement relatif aux émissions et à la durabilité des batteries de certains types de véhicules (COM(2022) 586 final) afin de renforcer les exigences réglementaires européennes relatives aux plafonds d'émissions de polluants atmosphériques, dites « normes Euro », applicables, d'une part aux véhicules particuliers et utilitaires légers (normes Euro 638(*)) et, d'autre part, aux véhicules utilitaires lourds (camions et bus ; normes Euro VI39(*)).
Concrètement, la proposition de règlement s'inscrit dans le cadre du « Pacte vert pour l'Europe » qui engage l'Europe à devenir le premier continent neutre sur le plan climatique à échéance 2050. Dans cette perspective, l'Union avait déjà acté difficilement la fin de la mise sur le marché européen des véhicules légers neufs à moteur thermique en 203540(*). La réforme proposée prévoit, quant à elle, le remplacement des normes en vigueur Euro 6 et Euro VI par des normes Euro 7 plus strictes, au 1er juillet 2025 pour les véhicules particuliers et les utilitaires légers, et au 1er juillet 2027 pour les camions et les bus.
L'objectif affiché de la Commission européenne est de réduire en 2035 les émissions totales d'oxydes d'azote (N0x) des voitures et des camionnettes de 35 % par rapport à Euro 6 et de 56 % par rapport à Euro VI pour les camions et les bus.
La proposition vise aussi à réglementer les émissions provenant des freins et des pneumatiques, à allonger la période au cours de laquelle les véhicules devront se conformer aux normes fixées et à soutenir le déploiement des véhicules électriques par la réglementation de la composition des batteries.
Adoptée en commission des affaires européennes le 24 mai 2023 sur le rapport des sénateurs Mme Pascale Gruny, MM. Jean-Michel Houllegatte et Dominique de Legge, et devenue définitive le 30 juin 2023, la résolution européenne du Sénat :
- a exprimé le scepticisme de la Haute assemblée sur la nécessité de nouvelles normes d'émission dont certaines nécessiteraient des développements importants sur les moteurs thermiques tout en ne s'appliquant que de manière transitoire (du fait de la fin de la production des véhicules légers neufs à moteur thermique en 2035), et en n'apportant que des économies d'émissions polluantes limitées ;
- a soulevé plusieurs incohérences dans l'analyse faite par la Commission européenne pour évaluer l'impact de sa réforme (ex : sous-estimation des investissements nécessaires et du renchérissement du coût des véhicules pour les ménages les plus modestes) ;
- a demandé la compatibilité des normes de décarbonation des véhicules routiers avec la préservation d'une industrie automobile européenne alors que certains pays tiers ont pris de l'avance dans l'offre de véhicules électriques à des prix compétitifs ;
- a souhaité le maintien des seuils d'émission en vigueur pour les véhicules particuliers, les utilitaires légers et les bus ;
- a soutenu l'adoption de nouvelles exigences européennes en matière d'émissions de polluants liées à l'usure des plaquettes de frein et à l'abrasion des pneus pour l'ensemble des véhicules ;
- a recommandé que les tests d'émission soient effectués sur la base d'une méthodologie reposant sur une utilisation standard des véhicules ;
- a demandé le report du calendrier de mise en oeuvre de la réforme, afin de tenir compte des délais nécessaires à l'adaptation de l'industrie automobile et des autorités d'homologation.
Après plusieurs mois de discussion, Conseil et Parlement européen ont trouvé un compromis en trilogue, les 14 et 18 décembre 2023.
Ce compromis a repris les préconisations du Sénat, en particulier sur le maintien des normes d'émission actuelles pour les véhicules particuliers, sur l'adoption de règles relatives aux émissions liées à l'usage des freins et des pneus, sur l'organisation des tests en conditions de conduite réelles et sur l'octroi de délais supplémentaires (six mois) pour la mise en oeuvre de la réforme.
b5) Les résolutions européennes relatives au fonctionnement du marché intérieur et à la politique industrielle
· La résolution européenne n°101 sur l'instrument du marché unique pour les situations d'urgence
Tirant les conséquences des vulnérabilités du marché intérieur constatées à l'occasion de la pandémie de covid-19 et depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie, la Commission européenne a présenté un ensemble de textes destinés à lui permettre de fonctionner en cas de crise, le 19 septembre 2022.
Dans cet ensemble, la proposition de règlement COM(2022) 459 final a pour objet d'établir un instrument pour les situations d'urgence. Ce dernier doit comprendre :
- un groupe consultatif chargé de conseiller la Commission européenne sur les mesures à prendre en cas de crise ;
- un cadre réglementaire pour la planification des mesures d'urgence (établissement de protocoles de crise et de règles de communication en cas de crise ; système d'alerte rapide signalant tout évènement perturbant significativement le marché unique et ses chaînes d'approvisionnement) ;
- un dispositif applicable aux situations d'alerte (surveillance des chaînes d'approvisionnement et constitution de réserves stratégiques par les États membres ; acquisition de biens et services stratégiques par la Commission européenne pour le compte des États membres ou par ces derniers) ;
- des règles destinées à répondre aux situations d'urgence (notification obligatoire de toute mesure concernant des biens et services stratégiques ou nécessaires en cas de crise et restreignant la liberté de circulation ; interdiction de certaines restrictions d'exportation ; passation de marchés publics pour l'acquisition de biens nécessaires ; réaffectation des capacités de production ; distribution ciblée et coordonnée de réserves stratégiques ; commandes prioritaires aux opérateurs économiques).
Dans sa résolution européenne, adoptée en commission des affaires européennes le 29 mars 2023, sur le rapport des sénateurs Mmes Amel Gacquerre, Christine Lavarde et M. Didier Marie, et devenue définitive le 9 mai 2023, le Sénat a soutenu la création de cet instrument.
Après plusieurs mois de négociation, la proposition de règlement a fait l'objet d'un accord du Parlement européen et du Conseil en trilogue, le 1er février 2024, approuvé au Conseil le 16 février 2024 et par la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen (IMCO), le 22 février dernier.
Le compromis a requalifié « l'instrument d'urgence pour le marché unique » en notion -malheureusement moins explicite- de « règlement sur les situations d'urgence et la résilience du marché intérieur ».
L'accord final a retenu la plupart des recommandations du Sénat en :
- précisant certaines définitions clefs41(*), afin de renforcer la sécurité juridique de l'instrument ;
- confortant l'architecture à trois niveaux de l'instrument, afin d'assurer une réponse graduée aux menaces de crises et aux crises (planification ; mode d'alerte ; mode d'urgence) ;
- adoptant une architecture de gouvernance respectueuse de l'équilibre des institutions européennes (statut d'observateur accordé au Parlement européen) et pragmatique (invitation de toutes les parties prenantes, dont les partenaires sociaux et les représentants des régions ultrapériphériques lorsque cela est nécessaire) ;
- veillant à ne pas imposer des obligations disproportionnées aux opérateurs économiques, en particulier aux petites et moyennes entreprises (PME) ;
- instituant une évaluation de la mise en oeuvre de l'instrument dans les quatre mois suivant sa désactivation.
Seule la demande tendant à préserver l'autonomie des États membres dans le déclenchement, la prolongation et la clôture des modes « alerte » et « urgence » n'a pas été reprise « à la lettre ». Mais les autorités françaises ont veillé à introduire une clause permettant de sauvegarder les intérêts essentiels de sécurité et de défense nationale.
· La résolution européenne du Sénat n°169 sur la proposition de règlement relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net » (COM(2023) 161 final)
Prévue par le « plan industriel du pacte vert pour l'ère du zéro émission nette », proposé par la Commission européenne en février 2023, et présentée par cette dernière le 16 mars 2023, en même temps que la proposition de règlement citée ci-après établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable de l'Union européenne en matières premières critiques, cette proposition prévoit :
- de faciliter les investissements dans la conception et la production de technologies « zéro net »42(*) dans l'Union européenne, en rationalisant les processus administratifs et la délivrance des autorisations pour les projets stratégiques « zéro net » et de coordonner le développement des capacités d'injection de CO2 sur le territoire des États membres ;
- d'ouvrir aux technologies « zéro net » un accès aux marchés publics, de renforcer les compétences dans ces technologies et de promouvoir la création, par les États membres, de « bacs à sable réglementaires »43(*) pour appuyer l'innovation ;
- de créer une plateforme « Europe zéro net », afin de permettre à la Commission européenne de coordonner ces différentes actions conjointement avec les États membres, de partager les connaissances et de mettre en place un suivi renforcé afin d'anticiper d'éventuelles pénuries.
La résolution européenne du Sénat, adoptée par la commission des affaires européennes, le 13 juillet 2023, sur le rapport des sénateurs Mme Amel Gacquerre, et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie, est devenue définitive le 25 août 2023. Elle a, à titre principal :
- soutenu le principe de la démarche de consolidation des technologies « zéro net » mais déploré l'absence d'étude d'impact et l'absence de nouveau financement dédié, tout en constatant que les outils existants pouvaient être mobilisés et qu'une plateforme européenne des technologies stratégiques (STEP) venait d'être mise en place pour soutenir les États membres ;
- souhaité que la cible incitative prévoyant que l'Union européenne produise au moins 40 % de ses besoins en technologies « zéro net » en 2030 concerne l'ensemble de la chaîne de valeur (amont et aval) de ces technologies ;
- demandé l'ajout, d'une part, de « technologies prometteuses » (hydrogène bas-carbone ; hydroélectricité ; carburants alternatifs durables...) et, d'autre part, des technologies nucléaires, à la liste des technologies « stratégiques » visées ;
- observé que le principe de subsidiarité imposait de maintenir la compétence des États membres dans la délivrance des autorisations ;
- promu la mise en place de vallées d'industries « zéro émission » bénéficiant d'une accélération de la planification et de financements supplémentaires ;
- attiré l'attention sur le risque pour la sécurité nationale, d'un niveau d'exigence de transparence disproportionné sur les capacités nationales de stockage de CO2 et voulu clarifier la contribution individuelle requise des producteurs de pétrole et de gaz au régime de stockage, en particulier en cas de défaillance de l'opérateur ;
- appuyé le développement des compétences professionnelles, dans le respect des pouvoirs des États membres en matière d'enseignement et de formation et demandé d'associer des représentants des acteurs économiques et de la société civile à la plateforme « euro zéro net » chargée de conseiller la Commission européenne et les États membres.
Par la suite, au sein du Conseil, la France a été contrainte de « batailler » longuement contre les États anti-nucléaire, pour intégrer les technologies nucléaires parmi les « technologies stratégiques » primées par la réforme et a finalement obtenu gain de cause. Les négociations européennes ont abouti à un accord provisoire entre Conseil et Parlement européen, le 6 février 2024. Les préconisations du Sénat, en particulier sur les technologies stratégiques et les vallées industrielles, ont été satisfaites par cet accord, qui modifie également les procédures de passation de marchés publics pour limiter la dépendance de l'Union européenne à l'égard de certains pays tiers (la Chine, en premier lieu) dans ces technologies44(*).
b6) Les résolutions relatives au numérique et à l'intelligence artificielle
· La résolution européenne du Sénat n° 100 relative à la proposition de règlement établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle45(*) (C0M(2021) 206 final)
Cette proposition de règlement a été présentée le 21 avril 2021 par la Commission européenne avec pour ambition de doter l'Union européenne de la première réglementation globale de l'intelligence artificielle dans le monde, alors que l'utilisation de cette technologie se diffuse très rapidement.
Le texte défend une approche fondée sur les risques et pose une liste d'usages de l'intelligence interdits (ex : manipulations subliminales agissant sur l'inconscient des personnes). Elle introduit également une distinction entre les utilisations de l'IA créant un haut risque46(*), qui peuvent être autorisées moyennant le respect d'exigences spécifiques et une évaluation ex ante de leur conformité, et celles instituant un risque faible.
La proposition impose en outre des obligations de transparence pour certains systèmes d'IA (ex : ceux qui interagissent avec les êtres humains ou sont utilisés pour détecter des émotions) et a prévu des mesures de soutien à l'innovation (« bacs à sable réglementaires »), tout en préconisant la création d'un comité européen de l'intelligence artificielle.
La résolution européenne du Sénat, adoptée par la commission des affaires européennes le 30 mars 2023 sur le rapport des sénateurs M. André Gattolin, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Cyril Pellevat et Mme Elsa Schalck, et devenue définitive le 9 mai 2023, a soutenu le principe de cette réglementation, ainsi que les mesures proposées pour le soutien à la recherche et à l'innovation, tout en prônant une politique industrielle ambitieuse dans ce domaine afin d'obtenir une réelle autonomie stratégique de l'Union européenne en la matière.
Elle a recommandé d'adopter la définition de l'IA donnée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)47(*) et préconisé d'étendre le champ des utilisations à haut risque (systèmes d'IA ayant des incidences négatives sur les droits des personnes vulnérables (enfants) ou la santé ; prise en compte des risques systémiques). Elle a affirmé que les applications d'IA pour des motifs de sécurité nationale et de défense nationale devaient obéir à des règles dérogatoires spécifiques et exigé un contrôle humain dans le fonctionnement de celles déployées aux frontières. Elle a souligné l'intérêt d'une évaluation de la conformité des systèmes d'IA par des tiers, demandé la mise en place d'un mécanisme d'alerte permettant aux personnes affectées négativement par les systèmes d'IA de signaler aux régulateurs et aux fournisseurs d'éventuels manquements à la réglementation. Elle a aussi affirmé la nécessité d'appliquer ce cadre européen sans préjudice du Règlement général sur la protection des données (RGPD), souhaité qu'en France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) veille à sa bonne application, préconisé d'accroître l'autonomie du comité européen de l'intelligence artificielle et d'y intégrer des scientifiques, et a finalement critiqué le recours à des actes délégués pour modifier les techniques et approches d'IA visées par la réforme.
Après avoir fait l'objet d'une orientation générale du Conseil (en décembre 2022) et avoir été amendée par le Parlement européen (en juin 2023), la proposition de règlement a finalement été adoptée par les négociateurs européens en trilogue, le 9 décembre 2023. Il faut noter que le compromis final a été difficilement obtenu, du fait d'une opposition larvée de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, qui auraient souhaité un cadre réglementaire plus souple en invoquant la nécessité de préserver la croissance des entreprises européennes spécialisées dans l'IA.
Le compromis final impose des règles communes à tous les systèmes d'IA et des obligations supplémentaires pour ceux « à haut risque ».
Et, à l'exception de l'évaluation par les tiers, non retenue, il répond pour l'essentiel aux demandes du Sénat. Ainsi, il confirme les exceptions de sécurité et de défense nationale, « sous réserve de garanties appropriées »48(*). À noter également qu'il enrichit la gouvernance européenne de l'IA (au risque d'une « suradministration » ?) en ajoutant au comité européen, un panel scientifique et un « bureau de l'intelligence artificielle », dont la nécessité ne semble pas évidente.
· La résolution européenne du Sénat n°140 sur la proposition de règlement fixant des règles harmonisées pour l'équité de l'accès aux données et de l'utilisation de ces données (règlement sur les données ou Data act) (COM(2022) 68 final)
Cette proposition de règlement a été présentée le 23 février 2022 par la Commission européenne pour assurer l'équité dans la répartition de la valeur produite par les données entre les acteurs économiques, pour stimuler le marché des données et l'innovation dans leur exploitation et pour assurer leur accès au plus grand nombre.
Elle a prévu de faciliter le changement de fournisseur de services de traitement des données, de mettre en place des garanties contre le transfert illicite de données et d'introduire des normes d'interopérabilité pour le partage et le traitement de ces données.
Adoptée en commission des affaires européennes le 11 mai 2023 sur le rapport des sénateurs Mme Florence Blatrix-Contat, M. André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly, la résolution européenne est devenue définitive, le 16 juin 2023.
Cette résolution soutient le principe d'une réglementation européenne pour favoriser le développement d'une « économie de la donnée » et en sécuriser le fonctionnement.
Elle a souhaité préciser le champ d'application de la réforme (en visant explicitement les produits connectés), rappeler la primauté des règles de protection des données à caractère personnel dans la mise en oeuvre de ce nouveau cadre juridique (en demandant le respect du RGPD49(*)) et renforcer les droits des utilisateurs d'un objet connecté ou de services liés à un droit d'accès aux données (droit d'accès aisé aux données ; information préalable sur les données et leur usage ; utilisation des données dans le cadre d'un accord contractuel entre le détenteur et l'utilisateur des données ; élimination des clauses abusives).
Elle a préconisé de faciliter le partage des données avec des tiers en confirmant une obligation de mise à disposition des données à leur profit et en approuvant le principe d'une compensation raisonnable pour le détenteur, tout en souhaitant encadrer strictement cette compensation.
Elle a préconisé un respect équilibré du secret des affaires justifiant « exceptionnellement » de pouvoir refuser la transmission de données et recommandé un encadrement de l'accès des autorités publiques compétentes aux données en cas d'urgence publique. Elle a aussi voulu renforcer l'effectivité du droit de changer de fournisseur de services de traitement des données en rappelant que de très grandes entreprises étrangères jouissaient d'une position dominante sur le marché européen et avaient développé des outils pour empêcher un tel changement (constat de la durée excessive du délai de trois ans prévu pour la suppression progressive des frais de changement de fournisseur).
Elle a appuyé l'édiction de règles strictes pour autoriser les transferts de données vers les autorités de pays tiers et a demandé l'édiction d'une liste de données sensibles pour lesquelles un hébergement « souverain » (= par une entreprise majoritairement détenue par des capitaux européens) est nécessaire. Elle a enfin émis plusieurs recommandations pour garantir l'efficacité de la supervision de l'application de la réforme.
La proposition de règlement a fait l'objet d'un accord provisoire en trilogue, le 27 juin 2023, accord qui a ensuite été confirmé au Conseil (27 novembre 2023).
Le compromis trouvé répond aux exigences du Sénat sur l'essentiel des dispositions de la réforme (droits garantis à l'utilisateur des données ; respect du RGPD ; mise en oeuvre équilibrée du secret des affaires ; identification des clauses abusives ; encadrement des transferts internationaux de données...). A contrario, elle a laissé le soin aux États membres de définir les « urgences publiques » nécessitant l'accès de leurs autorités publiques aux données et n'a pas jugé nécessaire d'établir une liste de données sensibles.
· La résolution européenne du Sénat n° 849 sur la proposition de règlement relatif à l'espace européen des données de santé (COM(2022) 197 final)
Inscrite dans la stratégie de l'Union européenne pour les données (présentée par la Commission européenne en février 2020), la proposition de règlement COM(2022) 197 final, en date du 3 mai 2022, tend à la fois, à permettre aux personnes d'avoir davantage de contrôle sur leurs données de santé, à assurer un accès des chercheurs et organismes de réglementation à ces données, afin de favoriser un meilleur diagnostic et de développer des traitements plus efficaces, et à mettre en place une architecture juridique sécurisée pour le traitement de ces données.
Afin d'atteindre ces objectifs, le texte prévoit un financement européen pour la création de l'espace européen des données de santé50(*), vise à autoriser et à encadrer le traitement des données de santé à des fins d'utilisation primaire51(*) ou secondaire 52(*), instaure des systèmes de dossiers de santé électroniques (DSE) et leur auto-certification afin de garantir leur compatibilité, organise l'accès des professionnels de santé aux données par une infrastructure unique (MyHealth@EU) et tend à créer un comité de l'espace européen des données de santé qui doit faciliter la coopération entre les autorités de santé numérique et les organismes responsables de l'accès aux données de santé.
La résolution européenne du Sénat, adoptée le 5 juillet 2023 en commission des affaires européennes (sur le rapport de Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey), puis, le 11 juillet 2023, en commission des affaires sociales (sur le rapport de Mme Catherine Deroche), est devenue définitive le 17 juillet 2023.
Pour l'essentiel, cette résolution a confirmé la pertinence de traitements des données de santé à des fins d'utilisation primaire et d'utilisation secondaire, sous réserve, dans ce dernier cas, que cette utilisation présente un lien suffisant avec la santé publique, a appelé la Commission européenne à augmenter son budget de soutien et a proposé l'instauration de redevances pour couvrir les coûts de mise à disposition des données. Elle a aussi considéré que l'accès des entreprises pharmaceutiques aux données de santé pour des utilisations secondaires devait être subordonné à leur engagement renforcé pour parer aux besoins médicaux non satisfaits et assurer l'accessibilité et le caractère abordable des médicaments.
Estimant que la base juridique choisie pour la proposition ne permettait pas de traiter des conditions de fourniture de services de santé, et notamment de télémédecine, elle a demandé la suppression des dispositions concernées. Elle a aussi solennellement demandé le respect du RGPD pour les données de santé à caractère personnel et une définition plus stricte des autres données. Elle a aussi affirmé que les États membres devaient décider si le traitement de données de santé à des fins d'utilisation secondaire nécessitait ou non le consentement des patients.
Elle a par ailleurs modifié la liste des données de santé transmissibles (ajout des résultats de tests médicaux pour une utilisation primaire ; exclusion des données de santé issues des applications de bien-être pour une utilisation secondaire), défini des situations de refus de communication par le détenteur de données (secret des affaires ; droits de propriété intellectuelle), précisé les hypothèses valides d'utilisation primaire53(*) et restreint les conditions d'accès pour une utilisation secondaire54(*).
La résolution a aussi soutenu la conservation des données dans des « environnements de traitement sécurisé », recommandé que les systèmes de DSE fassent l'objet d'une certification par un tiers et fermement exigé que l'hébergement des données de santé électroniques et les services affiliés soient assurés sur le territoire des États membres de l'Union européenne par une entreprise européenne détenue majoritairement par des capitaux européens.
Elle a souhaité l'amélioration de la gouvernance envisagée par une association systématique des associations de patients et de professionnels de santé dans les autorités et organismes prévus et refusé la possibilité pour la Commission européenne de modifier certaines dispositions essentielles de la réforme par des actes délégués55(*).
La proposition de règlement a fait l'objet d'un accord des négociateurs européens en trilogue, le 15 mars dernier. Cet accord reprend les principales préconisations du Sénat (stockage des données de santé dans l'Union européenne ; information des patients sur l'utilisation de leurs données et instauration d'un droit d'opposition encadré ; mis en place de redevances ; suppression des mentions à la télémédecine...).
*
c) Cinq résolutions européennes du Sénat ont été partiellement suivies
· La résolution européenne du Sénat n° 64 visant à prendre des mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux commises en Iran
Le 13 septembre 2022, une jeune femme iranienne, Mme Mahsa Amini, âgée de 22 ans, était arrêtée par la police des moeurs iranienne pour non-respect de la loi sur le port obligatoire du voile islamique. Conduite et interrogée dans un centre de détention, elle est décédée le 16 septembre 2022.
À l'annonce de sa mort, une vague de protestations mettant en cause la responsabilité du régime iranien dans ce décès, a secoué tout le pays. Vague à laquelle les autorités iraniennes ont répondu par une féroce répression conjuguant arrestations arbitraires, procès inéquitables, exécutions sommaires et harcèlement à l'encontre des familles des victimes.
« Pour l'Union européenne et ses États membres, l'usage généralisé et disproportionné de la force contre des manifestants non violents n'est ni justifiable ni acceptable », déclarait, le 25 septembre 2022, le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
Par la suite, dans des conclusions fermes, le Conseil européen du 15 décembre 2022 a condamné les violations des droits fondamentaux commises par les forces de sécurité iraniennes et les « Gardiens de la Révolution » contre les manifestants, en particulier, leur recours systématique à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants, les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires, les formes de discrimination systémiques à l'égard des femmes et des filles dans la vie publique et privée, et la détention arbitraire de ressortissants des États membres de l'Union européenne (pratique des « otages d'État »).
Dans la lignée de ces conclusions, une proposition de résolution a été déposée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues, le 4 janvier 2023.Examinée et modifiée par la commission des affaires européennes le 2 février 2023, puis par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 15 février 2023 (dans les deux cas, sur le rapport de M. Pascal Allizard), elle est devenue définitive le 24 février 2023.
Pour l'essentiel, cette résolution énumère à son tour les graves atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales commises par les forces de sécurité de la République islamique d'Iran et visées par les conclusions précitées du Conseil européen. Elle condamne également le soutien de l'Iran à la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine.
Saluant l'établissement d'une mission d'enquête internationale par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, elle soutient les conclusions du Conseil européen du 15 décembre 2022 et invite le Gouvernement français et/ou l'Union européenne à :
- demander aux autorités iraniennes de mettre fin aux condamnations à mort et aux exécutions des manifestants pacifiques en Iran, et de libérer sans délai tous les manifestants condamnés à mort ;
- exiger de ces autorités la libération immédiate des otages d'États européens arrêtés et détenus arbitrairement ;
- favoriser, dans le strict respect des principes et de la réglementation applicables, la délivrance de visas à toute personne « craignant avec raison d'être persécutée pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique dans le cadre des manifestations en Iran » ;
- élargir la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives pour de graves violations des droits de l'homme en Iran, à renforcer les sanctions applicables en cas de poursuite des atteintes aux droits fondamentaux et, si cela est justifié, à inscrire les groupes et entités responsables de la répression sur la liste européenne des organisations terroristes.
Malheureusement, la résolution européenne du Sénat n'a pas empêché le régime iranien de continuer sa politique de répression afin de se maintenir au pouvoir et de faire taire toute contestation.
La mission internationale indépendante d'établissement des faits sur la République islamique d'Iran, constituée par les Nations unies, a même constaté, le 14 septembre 2023, que la répression menée contre les femmes par le régime iranien s'était accrue.
Simultanément, la France et l'Union européenne ont continué à demander la fin des violences et atteintes précitées et exigé la libération des « otages d'État » européens. Dans ce contexte, deux otages français, MM. Benjamin Brière et Bernard Phelan ont été libérés en mai 2023.
L'Union européenne a par ailleurs, adopté plusieurs « trains » de mesures restrictives56(*) à l'encontre des responsables des violations des droits de l'homme (en particulier, le 23 janvier 202357(*), le 20 mars 202359(*), le 15 septembre 202360(*)).
· La résolution européenne n° 55 sur l'avenir de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex)
Déposée par les présidents de la commission des affaires européennes et de la commission des lois, les sénateurs MM. Jean-François Rapin et François-Noël Buffet, à l'issue d'un travail d'auditions, cette résolution a ensuite été examinée en commission des affaires européennes sur le rapport de M. Jean-François Rapin, puis examinée et modifiée en commission des lois sur le rapport de M. Arnaud de Bellenet, avant d'être définitivement adoptée en séance publique (le 8 février 2023).
Elle visait à « ausculter » le fonctionnement de l'agence Frontex, alors fragilisée par la hausse des franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Union européenne (330 000 en 2022, soit une hausse de 64 % par rapport à 2021, représentant un niveau inégalé depuis 2016) et par une double crise qui avait conduit, le 28 avril 2022, à la démission de son directeur exécutif, M. Fabrice Leggeri.
Frontex était en effet touchée par la crise de croissance d'une agence qui s'était vue dotée d'importants moyens et de missions étendues pour soutenir les États membres dans le contrôle des frontières extérieures par le règlement 2019/1896 mais qui n'avait pas eu le temps d'effectuer les recrutements nécessaires et de mettre en place les procédures adaptées.
S'y ajoutait une crise de confiance, alimentée par de potentiels irrégularités et manquements dans sa gestion interne et par sa participation alléguée à des violations de droits fondamentaux en mer Égée.
Les auditions auxquelles avaient procédé les auteurs de la proposition avaient également souligné la faiblesse du pilotage politique de l'agence, l'existence de conflits de personnes parmi les acteurs européens compétents sur ce dossier et les divergences existant entre institutions européennes sur les priorités de l'agence.
Sur la base de ce constat, la résolution européenne du Sénat a :
- réaffirmé la pertinence de l'agence Frontex en tant qu'agence de soutien aux missions de surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen confiées aux États membres ;
- demandé la mise en place urgente d'un véritable pilotage politique de l'agence (vigilance renforcée du comité d'administration de l'agence ; intervention accrue des ministres de l'intérieur des États membres, pour définir des lignes directrices) ;
- préconisé l'institution d'un contrôle parlementaire conjoint de l'agence associant parlements nationaux des États membres et Parlement européen ;
- soutenu l'instauration de mécanismes internes de respect des droits fondamentaux tout en définissant des règles de fonctionnement interne visant à éviter toute paralysie de l'agence ;
- incité les États membres et les institutions européennes à respecter leurs engagements budgétaires afin de permettre à Frontex de se doter des compétences manquantes ou fragiles (analyse des vulnérabilités ; marchés publics...) et à mettre en oeuvre un contingent permanent de 10 000 officiers à échéance 2027 ;
- constaté la pertinence des accords signés par Frontex avec des pays tiers pour mieux connaître les routes suivies par les migrants irréguliers et contrôler plus efficacement les frontières extérieures de l'Union européenne, et recommandé la signature de nouveaux accords, en particulier dans les Balkans occidentaux. En complément, la résolution prônait de conforter le soutien opérationnel de Frontex dans les opérations de retour des migrants irréguliers dans leur pays d'origine.
Ces réformes étant possibles « à droit constant », afin que Frontex puisse se remettre rapidement au travail, la résolution exprimait enfin son refus d'une éventuelle révision du règlement Frontex courant 2023 - révision alors envisagé par la Commission européenne.
Lors du débat en séance publique sur la proposition, le Gouvernement avait déclaré soutenir « l'esprit et les grandes orientations de ce texte », en particulier sur le renforcement du pilotage politique et de la veille opérationnelle de Frontex, sur son rôle dans les opérations de retour et sur l'absence de révision du règlement (UE) 2019/1896.
Depuis, Frontex a changé de directeur exécutif (avec la nomination, en décembre 2022, de M. Hans Leijtens). En 2023, elle a mené 24 opérations, déployé en moyenne 2 500 agents sur le terrain, intercepté 2 043 passeurs et signé de nouveaux accords de travail avec des pays tiers (dont le Maroc, le 12 décembre 2023, et le Royaume-Uni). Mais les franchissements irréguliers aux frontières extérieures de l'Union européenne semblent poursuivre inexorablement leur hausse (+17 % entre 2022 et 2023, soit 380 000 franchissements).
Et si la Commission européenne, après avis d'un cabinet de consultants extérieurs, a renoncé -pour le moment- à modifier le règlement 2019/1896 Frontex actuel, l'agence demeure fragilisée. Pour preuve, la réforme présentée par cette même Commission européenne, le 28 novembre 2023, pour mieux lutter contre « le trafic de migrants », propose de transférer à Europol sa mission de suivi des routes migratoires et d'analyse des « vulnérabilités » aux frontières extérieures, ainsi que les ressources afférentes61(*).
· La résolution européenne du Sénat n° 168 sur la proposition de règlement établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques (COM(2023) 160 final
La proposition de règlement établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques a été présentée le 16 mars 2023 par la Commission européenne. Elle doit conforter la proposition de règlement pour une industrie « zéro net », présentée le même jour en réduisant la dépendance très forte de l'Union européenne à l'égard de certains pays tiers - au premier rang desquels la Chine - dans son approvisionnement dans ces matières premières62(*). Les risques géopolitiques croissants pesant sur l'offre de ces pays tiers imposaient cette « révision » stratégique.
Car ces matières premières « stratégiques », voire « critiques »63(*), sont en effet indispensables à la fabrication d'ordinateurs, de véhicules électriques, de panneaux solaires, d'éoliennes...et leur demande devrait donc augmenter sensiblement au cours des prochaines années64(*).
En pratique, la version initiale de la proposition était fondée sur plusieurs objectifs chiffrés : à l'horizon 2030, la capacité d'extraction des minerais dans l'Union européenne devait permettre de produire au moins 10 % de la consommation annuelle européenne de matières premières critiques ; la capacité de transformation de ces minerais devait assurer 40 % au moins de la consommation annuelle précitée, et la capacité de recyclage, 15 %.
De là, la réforme repose sur plusieurs piliers indissociables :
- une meilleure connaissance des ressources (par des programmes nationaux d'exploration des ressources géologiques) et des besoins (par une coordination permanente de la Commission européenne et des États membres dans la surveillance des stocks et des chaînes d'approvisionnement, dans l'information mutuelle et dans la réponse à apporter) ;
- le développement d'un écosystème industriel dédié à l'extraction et à la production de matières premières critiques sur le territoire des États membres de l'Union européenne. Pour y parvenir, la proposition prévoit une sélection des projets stratégiques par la Commission européenne, assistée d'un nouveau comité européen des matières premières critiques, ainsi que des procédures nationales d'octroi de permis accélérées, la facilitation de la conclusion d'accords d'achat de la production ;
- l'encouragement à la diversification de l'offre, gage de sécurisation des approvisionnements (l'Union européenne ne devant plus être dépendante à plus de 65 % à l'égard d'un pays tiers pour son approvisionnement dans chacune des matières premières critiques identifiées) et par l'établissement de partenariats stratégiques avec certains pays tiers « de confiance ». Le comité précité serait chargé d'examiner périodiquement leurs effets et leur cohérence, et de définir les futurs partenariats à conclure en priorité ;
- l'approvisionnement durable et la circularité : à cet égard, la réforme fait obligation aux États membres d'adopter des programmes nationaux pour la circularité des matières premières critiques, visant à accroître leur collecte, leur réemploi etc..., valorise les matières premières critiques issues de déchets d'extraction, organise le recyclage des aimants permanents et prévoit une certification de la durabilité des matières premières critiques.
La résolution européenne du Sénat, adoptée en commission des affaires européennes, le 13 juillet 2023, sur le rapport des sénateurs Mme Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet et M. Didier Marie, est devenue définitive le 18 août 2023.
Les négociations européennes sur la proposition de règlement ont permis d'aboutir à un compromis, le 13 novembre dernier. Ce compromis satisfait l'essentiel de la résolution du Sénat en particulier pour :
- compléter la liste des matières premières critiques (aluminium) ;
- faciliter la mobilisation des fonds européens existants pour financer les projets (par un guichet unique) ;
- garantir un suivi permanent des chaînes d'approvisionnement et des risques pesant sur elles ;
- rehausser l'objectif alloué à la capacité de recyclage des minerais à l'horizon 2030 (de 15 % à 25 %) et définir des objectifs complémentaires de long terme pour l'extraction, la transformation et le recyclage (2040 et 2050) ;
- assurer l'information de la Commission européenne sur les stocks nationaux de matières premières critiques, tout en préservant la possibilité pour un État membre, de refuser de communiquer des informations lorsque sa sécurité nationale est en jeu ;
- favoriser le recyclage des matières premières critiques.
Le projet n'a, en revanche, pas retenu les recommandations du Sénat tendant à renforcer l'objectif de capacité de transformation à horizon 2030 (de 40 à 50 %), à clarifier l'articulation entre la réforme présentée et les différentes réglementations européennes applicables, à créer un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) « matières premières stratégiques » ou à inscrire les activités minières durables dans la taxonomie verte.
Soulignons enfin que, pour les autorités françaises, « en dépit du renforcement de plusieurs dispositions au cours des négociations, le texte final (...) reste peu ambitieux : les objectifs ne sont pas contraignants, les financements ne bénéficient pas de financements dédiés (...) etc... »65(*)
· La résolution européenne n° 127 sur la proposition de règlement relatif aux redevances et aux droits dus à l'Agence européenne des médicaments (AEM ou EMA pour European Medicines Agency) (COM(2022) 721 final)
Instituée par le règlement n° 726/2004, l'Agence européenne des médicaments fournit un avis scientifique à la Commission européenne en vue d'autoriser la mise sur le marché d'un médicament à usage humain ou vétérinaire et assure suivi et contrôle de la sécurité de ces médicaments66(*). Elle donne enfin des conseils scientifiques aux entreprises qui envisagent de déposer un dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché.
L'activité de l'agence est financée par des redevances liées aux procédures de mise sur le marché des médicaments, aux activités générales de surveillance des médicaments et à la pharmacovigilance67(*).
Pour accomplir ses missions, l'agence européenne s'appuie sur l'expertise des autorités nationales compétentes (ou ANC)68(*).
Dans ce contexte, la proposition COM(2022) 721 final avait pour principaux objectifs de simplifier l'architecture complexe des redevances et de la modifier afin de mieux prendre en considération les coûts réels, d'instaurer un nouveau dispositif de redevances pour les médicaments à usage vétérinaire tenant compte des spécificités de leur marché, de prévoir des réductions de redevances dans certains cas, d'imposer des exigences de transparence sur les montants fixés, de préciser les conditions de rémunération des ANC, et d'autoriser l'EMA à percevoir également des droits. En outre, la proposition tend à confier à la seule Commission européenne, par la voie des actes délégués, le soin d'arrêter la liste des redevances, droits et rémunérations ainsi que les informations que l'agence européenne doit transmettre sur ses résultats.
La résolution européenne du Sénat a soutenu le principe de la simplification du système de redevances de l'Agence européenne des médicaments tout en :
- estimant que cette actualisation devait refléter, non une approche comptable, mais une « vision politique et stratégique ». En conséquence, la transmission à la Commission européenne du rapport spécial du directeur exécutif de l'agence recommandant une évolution du montant des redevances devait être précédée par une consultation obligatoire des parties prenantes et par l'examen préalable de ce rapport par le conseil d'administration de l'agence (au sein duquel siègent les représentants des États membres). Elle supposait aussi la limitation du pouvoir d'appréciation accordé à la Commission européenne dans cette procédure (par une diminution des éléments pouvant être modifiés par des actes délégués) ;
- soulignant la pertinence des réductions ciblées de redevances (pour les médicaments pédiatriques ; pour les PME ; pour le développement des médicaments orphelins...) ;
- préconisant d'augmenter la réduction de redevance en faveur des médicaments génériques à 50 % ;
- proposant de supprimer la taxe annuelle de pharmacovigilance pour les médicaments vétérinaires et de revoir à la baisse les montants proposés pour une première mise sur le marché ou une modification de l'autorisation de ces médicaments ;
- critiquant le maintien d'un modèle de financement exclusif de l'EMA par des redevances69(*) et en appelant à un accroissement de la participation de l'Union européenne à ce financement, afin de tenir compte de ses nouvelles missions de santé publique (surveillance continue de tout évènement susceptible d'entraîner une urgence de santé publique ; instauration, au sein de l'agence, d'un groupe de pilotage sur les pénuries de médicaments et d'un autre groupe sur les pénuries de dispositifs médicaux) ;
- favorisant la promotion d'un réseau européen d'expertise par une plus grande attractivité du dépôt des demandes d'autorisation de mise sur le marché, par une répartition plus équitable du montant des redevances avec les ANC70(*), et par un maintien du montant actuel des redevances liées aux conseils scientifiques.
La réforme a finalement été adoptée par le Parlement européen et le Conseil en trilogue, le 25 septembre 2023.
Les préconisations du Sénat sur la simplification des dispositifs actuels, sur un ajustement du montant de certaines redevances et sur la nécessité de limiter la hausse du montant des redevances pour les médicaments à usage vétérinaire ou sur l'augmentation de la rémunération allouée aux ANC pour couvrir leurs coûts réels ont été retenues, tout comme la préservation du montant des redevances pour conseils scientifiques.
En outre, des exigences complémentaires de transparence sur les décisions de l'agence européenne ont été posées (sur les réductions accordées aux redevances...), sans reprendre toutefois la procédure claire proposée par le Sénat (consultation obligatoire des parties prenantes ; examen systématique du rapport spécial du directeur exécutif par le conseil d'administration...). De même, il n'y a eu aucun engagement sur la modification des modalités de financement de l'agence européenne.
· La résolution européenne du Sénat n° 167 (2022-2023) sur la gestion des déchets dans les outre-mer
À l'origine de cette résolution, les travaux menés par les sénatrices Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, sur la gestion des déchets dans les outre-mer ont dressé un état des lieux particulièrement alarmant en matière de collecte, de traitement et de valorisation des déchets dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), en particulier à Mayotte et en Guyane, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer (COM).
Rappelant que ces territoires représentent 80 % de la biodiversité française, ces travaux, formalisés dans un rapport d'information71(*), ont souligné les risques majeurs des flux croissants de déchets pour la santé et l'environnement sur place72(*) et plaidé « pour un rattrapage massif par rapport à l'Hexagone et des politiques volontaristes et durables axées sur l'économie circulaire et la valorisation énergétique ».
Si la gestion et le transfert des déchets des territoires ultramarins vers la France métropolitaine est un sujet national, il ne l'est pas exclusivement : en effet, ayant en droit européen le statut de régions ultrapériphériques (RUP)73(*) ou de pays et territoires d'outre-mer (PTOM)74(*), les DROM et les COM français peuvent solliciter - sous certaines conditions - plusieurs fonds de l'Union européenne pour financer leurs actions de stockage, de transport et de destruction des déchets. À titre d'exemple, la France bénéficie d'une enveloppe de 9,1 milliards d'euros sur la période 2021-2027 au titre du fonds européen de développement régional (FEDER)75(*).
Quant aux transferts de déchets transfrontières, ils sont régis par un règlement européen de 200676(*) qui a introduit, en droit européen, les dispositions de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur en France le 5 mai 1992.
En pratique, les exportations de déchets pour élimination ne sont autorisées qu'à l'intérieur de l'Union européenne et vers les pays de l'Association européenne de libre échange (AELE).
Sur la base de ces constats, une proposition de résolution a été déposée par Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet, le 22 mai 2023, puis examinée en commission des affaires européennes (sur le rapport de Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda) le 21 juin 2023 et est devenue définitive, le 25 juillet 2023.
Cette résolution a demandé, à titre principal :
- la prorogation des critères spécifiques d'accès aux fonds européens en faveur des RUP ;
- une priorité d'adaptation des règles et des aides européennes aux spécificités des RUP pour le secteur des déchets et de l'économie circulaire, sur le fondement de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)77(*) ;
- la mise en oeuvre de l'article 349 précité afin d'obtenir l'adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets (alors en cours de révision) aux contraintes particulières des outre-mer ;
- l'ouverture de discussions dans le cadre de la Convention de Bâle afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français.
Soulignons d'emblée que ce dernier point peut être concrétisé en premier lieu par des échanges bilatéraux et multilatéraux entre la France et ses partenaires signataires à la Convention.
Le Sénat a simultanément obtenu des garanties du Gouvernement pour préserver l'aide financière européenne à l'adaptation des systèmes de traitement des déchets outre-mer et les critères d'accès aux fonds européens applicables aux RUP et, plus généralement, pour prendre en considération les spécificités de ces régions.
Cependant, la France a une situation unique sur ce dossier au sein de l'Union européenne78(*).
C'est pourquoi dans le cadre de la révision du règlement européen sur les transferts de déchets, les négociateurs français n'ont obtenu qu'une prise en considération ciblée des spécificités ultramarines avec l'insertion, dans le texte révisé, d'un nouvel article 30bis prévoyant que les transferts de déchets entre une RUP et l'État membre à laquelle elle appartient, faisant escale dans un autre État membre, pourront faire l'objet d'un accord tacite des autorités compétentes de ce dernier.
*
d) Deux résolutions européennes adoptée par le Sénat n'ont reçu aucune suite favorable
· La résolution européenne n° 67 sur le volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) des négociations d'adhésion à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH)
Déposée solennellement le 30 janvier 2023 par les présidents des trois commissions du Sénat concernées (M. François-Noël Buffet, pour la commission des lois, M. Christian Cambon, pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et M. Jean-François Rapin pour la commission des affaires européennes), la proposition de résolution a ensuite été examinée en commission des affaires européennes, le 2 février 2023 (sur le rapport de M. Jean-François Rapin) et a été adoptée définitivement par le Sénat, le 7 mars 2023.
Cette résolution a vu le jour à l'occasion du suivi des négociations d'adhésion de l'Union européenne à la CESDH, adhésion prévue par l'article 6 du traité sur l'Union européenne (TUE)79(*). Ces dernières ont connu une première phase active en 2010-2011 qui avait conduit à un projet d'accord au Conseil, mais avaient finalement échoué du fait de l'opposition de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui, dans son avis 2/13 du 18 décembre 2014, avait considéré que le projet était contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'il permettait à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de se prononcer sur des actes de la PESC alors même qu'elle-même n'y était pas autorisée.
Pour rappel, en effet, en vertu des dispositions de l'article 24 du traité sur l'Union européenne (TUE)80(*) et de l'article 275 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)81(*), la CJUE n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la PESC ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur fondement, à deux exceptions près, très encadrées.
L'avis précité de la CJUE avait provisoirement clos le processus de négociation. Mais ce dernier a repris à compter du 7 octobre 2019. Concernant la PESC, les négociations ont d'abord eu pour objet l'instauration d'un mécanisme de réattribution permettant de confier le contrôle des actes PESC aux juridictions des États membres mais ce dernier s'est heurté à des difficultés techniques.
Alors, en dépit de la lettre et de l'esprit des traités européens, la Commission européenne, soutenue par le service juridique du Conseil, a avancé l'idée qu'une déclaration intergouvernementale interprétative serait suffisante pour autoriser la CJUE à étendre sa compétence aux actes relevant de la PESC afin de statuer sur une éventuelle violation des droits fondamentaux avant que la CEDH ne se prononce.
La résolution européenne du Sénat a simplement rappelé que la déclaration interprétative envisagée était contraire aux traités « qui ont été ratifiés par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » et qu'elle s'apparentait « de fait à une révision des traités, soustraite au contrôle des parlements nationaux. » Elle appelait en conséquence « solennellement » les États membres à rejeter avec fermeté une telle déclaration et à poursuivre les négociations en vue d'une solution juridique appropriée.
Cette position forte du Sénat est conforme aux priorités de négociation françaises dans ce dossier. Mais la France est isolée. De surcroît, dans ses conclusions rendues sur trois affaires en instance devant la CJUE (affaires C-351/22, Neves 77 solutions ; C-23/22 P, KS et KD Conseil e.a. ; C-44/22 P, Commission/KS e.a.), l'avocate générale Mme Tamara Capeta a contredit l'argumentation de la France en faveur d'une lecture stricte des traités. Elle a aussi écarté toute alternative82(*). Elle a au contraire estimé que la Cour pouvait interpréter principes et droits fondamentaux de l'Union européenne pour apprécier la légalité de mesures nationales de mise en oeuvre de la PESC et que les particuliers pouvaient introduire des recours en indemnité devant les juridictions de l'Union européenne en invoquant des violations des droits fondamentaux du fait de mesures adoptées par l'Union européenne en matière de PESC.
Le risque est désormais réel de voir la position de principe de la France « balayée » par une telle interprétation « très constructive » des traités par la CJUE, qui serait contraire à leur rédaction mais obtiendrait le soutien des institutions européennes et des autres États membres.
Si une telle évolution se confirmait, une première question serait de savoir si le Parlement français pourrait ratifier l'accord d'adhésion de l'Union européenne à la Convention. L'autre question, alors posée avec gravité, serait celle de la poursuite de la participation de la France aux « opérations PESC », désormais mises en oeuvre avec un risque contentieux permanent, en violation des traités.
· La résolution européenne n° 77 sur la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants
Présentée le 11 mai 2022 par la Commission européenne, cette proposition de règlement se fonde sur le constat sans appel d'une prolifération de contenus en ligne relatifs à des abus sexuels sur des enfants, liée au développement d'Internet et accentuée par la période de confinement due à la pandémie de covid-1983(*). L'Union européenne occupe ainsi la place peu enviable de premier « hébergeur » de contenus à caractère pédopornographique dans le monde84(*).
Ses principales dispositions prennent acte de l'échec des dispositifs en place autorisant les fournisseurs de services en ligne à mettre en place des démarches volontaires de détection et de blocage des contenus pédopornographiques85(*). Elles imposent en conséquence une évaluation des risques et des mesures d'atténuation des risques aux fournisseurs de services d'hébergement et de services de communications interpersonnelles, ainsi que des obligations de détection des contenus pédopornographiques sur injonction d'autorités nationales compétentes.
Les fournisseurs seraient également soumis à une obligation de signalement des contenus détectés liés à des abus sexuels sur des enfants, et sur injonction de l'autorité compétente, à une obligation de retrait de ces contenus ou de blocage de leur accès.
La proposition prévoit aussi la création d'un centre de l'Union européenne dédié à la prévention et à la lutte contre les abus sexuels sur mineurs, qui recevrait les signalements, servirait d'intermédiaire entre les fournisseurs et les autorités compétentes des États membres.
La résolution européenne n° 77 du Sénat, adoptée en commission des affaires européennes, le 15 février 2023 sur le rapport des sénateurs M. Ludovic Haye, Mme Catherine Morin-Desailly et M. André Reichardt, et devenue définitive le 20 mars 2023, a rappelé que la lutte contre les abus sexuels sur les enfants devait être une priorité de tous les instants pour l'Union européenne et a approuvé le principe d'obligations de résultats imposées aux fournisseurs.
Elle a toutefois demandé la mise en place d'un dispositif d'injonctions de détection efficace sans impliquer ni une surveillance généralisée et permanente des communications (messages électroniques ; conversations téléphoniques...), ni une remise en cause systématique du chiffrement, qui est nécessaire à la confidentialité des communications dans certains cas spécifiques. En conséquence, elle a soutenu les injonctions de détection et de retrait sur des contenus identifiés mais a rejeté la recherche indifférenciée de contenus pédopornographiques et de « pédopiégeage ». Elle a aussi constaté que les technologies mises en avant par la Commission européenne pour cette détection n'étaient - en l'état - pas fiables, entraînant un nombre trop élevé de « faux positifs »86(*).
Elle a refusé la création d'un nouveau centre de l'Union européenne (faible valeur ajoutée ; missions en majorité déjà assurées par Europol et dépendance humaine et logistique à son égard ; coût de fonctionnement87(*)), demandant plutôt la confirmation d'Europol comme pôle principal de la lutte contre les abus sexuels sur les enfants.
Elle a enfin incité les négociateurs européens à prévoir une obligation de déréférencement des contenus pédopornographiques (solution déjà en vigueur en France), à valoriser l'expérience française réussie de la plateforme PHAROS88(*) et à instaurer des mesures interdisant l'accès des mineurs aux contenus pornographiques ( activation par défaut des dispositifs de contrôle parental sur les téléphones des mineurs ; instauration de dispositifs de vérification de l'âge des utilisateurs pour l'accès à certains sites ; campagnes de « name and shame » à l'encontre des fournisseurs récalcitrants...).
Par la suite, le dossier s'est enlisé. Les discussions sur la réforme ont avancé très lentement, opposant les partisans du texte (Commission européenne ; Irlande) à ceux d'un strict respect de la vie privée (députés européens allemands et Allemagne), au sujet de l'ampleur des détections autorisées. Une minorité de blocage estime que les obligations envisagées par le texte, tant au regard du chiffrement que du risque de surveillance généralisée des communications, sont disproportionnées89(*). Cette position a, il est vrai, été confortée par plusieurs avis (avis conjoint du Bureau européen de la protection des données et du Contrôleur européen de la protection des données90(*) ; avis du Service juridique du Conseil).
Dans ce contexte tendu, le Parlement européen a adopté une position prudente, le 14 novembre 202391(*). Mais au Conseil, en dépit de plusieurs propositions d'amendements et de réflexions sur un assouplissement des critères de détection, les négociations sont de fait bloquées depuis octobre dernier. La présidence belge a récemment émis de nouvelles propositions (déclenchement d'une alerte détection (« hit »), non pas au premier signalement mais au second ; catégorisation des entreprises au regard des risques de détournement de leurs services à des fins de pédopornographie) mais la possibilité d'un compromis sur ce dossier permettant d'adopter une orientation générale du Conseil avant les élections européennes semble fragile.
De ce fait, la Commission européenne a été contrainte de présenter une proposition de prolongation provisoire du dispositif « temporaire » posé par le règlement (UE) 2021/123292(*). Cette dernière serait valable jusqu'en avril 2026.
I. III. UN DIALOGUE POLITIQUE RÉEL ET RÉGULIER AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE
1. Les avis politiques transmis à la Commission européenne
À l'issue de la victoire du « Non » aux référendums sur le traité instituant une Constitution pour l'Europe, en France et aux Pays-Bas, en 2005, le président de la Commission européenne d'alors, M. José Manuel Barroso, avait pris une initiative en faveur d'un dialogue direct avec les Parlements nationaux, centré sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Toutefois, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, qui prévoit un dispositif spécifique de contrôle de la conformité des textes européens au principe de subsidiarité, le dialogue avec la Commission européenne s'est recentré sur les questions concernant les orientations stratégiques et le contenu des documents adressés aux Parlements nationaux et a pris, pour cette raison, l'appellation de « dialogue politique ».
Ce dialogue politique est complémentaire des résolutions de l'article 88-4 de la Constitution qui s'adressent au Gouvernement qui représente la France dans les négociations au Conseil. Il permet en effet de faire connaître directement la position du Sénat aux institutions européennes, d'abord à la Commission européenne, à laquelle les avis politiques sont prioritairement adressés, mais aussi au Parlement européen, également destinataire de ces avis.
Dans ce cadre informel - qui demeure par conséquent suspendu à la bonne volonté de la Commission européenne -, la commission des affaires européennes adopte des avis politiques, en principe dans un délai de deux mois, en réaction aux documents qui lui sont adressés par la Commission européenne.
Celle-ci a pris l'engagement d'y répondre dans un délai de trois mois.
Ces réponses sont directement adressées au Président du Sénat et au président de la commission des affaires européennes. Elles sont généralement signées par M. Maro efèoviè, vice-président de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, et cosignées, dans la grande majorité des cas, par le commissaire européen en charge du secteur sur lequel porte l'avis politique.
Selon les derniers chiffres disponibles sur ce dialogue politique, en 202293(*), les Parlements nationaux des États membres de l'Union européenne ont adressé 355 avis à la Commission européenne contre 360 en 2021 et 255 en 2020. Parmi ces avis, 323 étaient des avis politiques et 32 étaient des avis motivés au titre du contrôle de subsidiarité.
Ce rapport met à jour deux tendances qui, sans conduire à des interprétations hâtives, appellent le Sénat à la vigilance sur le devenir de ce dialogue essentiel à la démocratie européenne :
· en premier lieu, le rapport souligne la diminution globale des avis transmis par les parlements nationaux à la Commission européenne par rapport aux mandats précédents de cette dernière. Celle-ci est synonyme d'une baisse des « opportunités de dialogue »94(*). On peut néanmoins souligner que l'année de la plus forte baisse constatée (159 avis en 2019) était celle du renouvellement de la Commission européenne et que le nombre d'avis est remonté entre 2019 et 2021, sans toutefois retrouver les niveaux de 2016-2018 ;
· en second lieu, il faut constater que sept chambres des parlements nationaux (sur un total de trente-neuf) n'ont envoyé aucun avis95(*). Certes, ce nombre est en baisse (12 chambres concernées en 2020 et 8 en 2021) mais cette évolution « signifie que cinq États membres (...) représentant moins d'un cinquième du total - n'ont pas participé au dialogue politique écrit en 2022. »
Plusieurs motifs conjugués peuvent être avancés pour expliquer cette tendance :
· la conciliation plus difficile des calendriers parlementaires nationaux avec l'accroissement du champ de compétences de l'Union européenne à de nouveaux domaines et le nombre grandissant de textes européens présentés. Dans certains parlements, cette difficile conciliation met aussi à jour l'insuffisante expertise disponible pour examiner ces textes ;
· la volonté politique, assumée par certains parlements nationaux, de renoncer à leur dialogue politique, soit pour ne pas « gêner » la Commission européenne, afin de conserver son soutien dans les politiques considérées par eux comme prioritaires, soit pour éviter d'évoquer publiquement la dimension européenne d'une politique et continuer à présenter à l'opinion publique des solutions exclusivement nationales ;
· la spécialisation des élus suivant les affaires européennes au sein des parlements nationaux, qui peine à s'ajuster aux nouveaux enjeux européens qui gagnent en importance (conséquences de la transition écologique ; mise en place accélérés d'outils de coopération de défense...).
La clarté et la transparence des projets présentés par la Commission européenne semblent en outre largement perfectibles donc ne peuvent justifier à elles seules cette évolution structurelle.
Dans ce contexte, les dix chambres les plus actives ont émis 79 % des avis transmis (279). Le Sénat, avec ses 16 avis politiques adoptés entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, est l'une de ces assemblées parlementaires contribuant à l'intensité et à la qualité du dialogue politique européen (il occupe la 9ème place du classement en nombre d'avis politiques transmis à la Commission européenne)96(*).
Ses avis, pour l'essentiel, concernaient les mêmes sujets que les résolutions européennes adoptées par sa commission des affaires européennes et adressées au Gouvernement :
Liste des avis politiques adoptés par le Sénat entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023
Texte |
Rapporteur(s) de la commission |
Amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes (5 octobre 2022) |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Stratégie pharmaceutique pour l'Europe (20 octobre 2022) |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Avenir de l'agence Frontex (14 décembre 2022) |
M. Jean-François Rapin, président |
Programme de travail de la Commission européenne pour 2023 (8 février 2023) |
MM. Didier Marie et Jean-François Rapin, président |
Prévention et lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne (15 février 2023) |
M. Ludovic Haye, Mme Catherine Morin-Desailly et M. André Reichardt |
Transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens par la Russie (9 mars 2023) |
MM. André Gattolin et Claude Kern |
Instrument d'urgence pour le marché unique (29 mars 2023) |
Mmes Amel Gacquerre et Christine Lavarde et M. Didier Marie |
Régulation européenne de l'intelligence artificielle (30 mars 2023) |
M. André Gattolin, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Cyril Pellevat et Mme Elsa Schalck |
Redevances et droits dus à l'agence européenne des médicaments (4 mai 2023) |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Équité de l'accès aux données et de l'utilisation des données (11 mai 2023) |
Mme Florence Blatrix-Contat, M. André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly |
Normes « Euro 7 » (24 mai 2023) |
Mme Pascale Gruny, MM. Jean-Michel Houllegatte et Dominique de Legge |
Protection de la filière pêche française et plan d'action européen pour le milieu marin (24 mai 2023) |
M. Alain Cadec |
Réforme du marché de l'électricité (1er juin 2023) |
MM. Daniel Gremillet et Claude Kern |
Espace européen des données de santé (5 juillet 2023) |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Écosystème européen pour la fabrication de produits de technologie « zéro émission » (« zéro net ») (13 juillet 2023) |
Mme Amel Gacquerre, MM. Daniel Gremillet et Didier Marie |
Approvisionnement en matières premières critiques (13 juillet 2023) |
Mme Amel Gacquerre, MM. Daniel Gremillet et Didier Marie |
Les 16 avis politiques adoptés par la commission des affaires européennes entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, ont tous reçu une réponse de la Commission européenne. Le rapporteur se félicite de cette situation qui, comme l'année dernière, illustre le dialogue nourri et régulier instauré avec le collège des commissaires européens.
Toutefois, le respect du délai de trois mois que la Commission elle-même érige en règle pour répondre aux avis politiques, s'il s'est légèrement amélioré, demeure décevant sur la période couverte par le présent rapport. En effet, parmi les réponses reçues, 4 ont été envoyées dans le délai de trois mois. Le taux de réponse dans le délai de trois mois s'est ainsi établi au niveau insatisfaisant de 28,5 % (contre 26,66 % en 2021-2022, 62,5 % en 2020-2021 et 80 % en 2019-2020). Signalons que 2 de ces réponses ont été transmises dans un délai supérieur à 5 mois.
Concernant la qualité des réponses apportées par la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique, votre rapporteur constate qu'elles sont globalement satisfaisantes sur leur contenu et souligne qu'elles apportent même parfois des compléments utiles (à l'exemple du développement relatif aux affaires judiciaires récentes ayant souligné les difficultés contentieuses actuelles rencontrées par les travailleurs des plateformes lorsqu'ils veulent faire valoir leurs droits ou de l'engagement qu'y prend la Commission européenne de veiller à ce que le nouvel officier aux droits fondamentaux de Frontex entretienne un « dialogue permanent » avec le directeur exécutif et le conseil d'administration de l'agence).
Elle souhaite donc que les efforts entrepris par la Commission européenne soient poursuivis afin d'obtenir durablement une information encore plus sincère et toujours exhaustive sur ses intentions ou ses difficultés éventuelles.
Sur les 16 avis politiques adoptés pendant la période examinée, 15 ont fait l'objet de résolutions européennes ayant le même objet et ont donc déjà été indirectement commentés dans le présent rapport. La présente rubrique se concentre donc sur les deux autres avis politiques adoptés : d'une part, sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023, document d'orientation essentiel pour l'action de la Commission européenne, et, d'autre part, sur la stratégie pharmaceutique pour l'Europe, cet avis n'ayant pas été présenté en même temps qu'une proposition de résolution européenne.
a) L'avis politique sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023
Cet avis a été adopté par la commission des affaires européennes sur le rapport de son Président M. Jean-François Rapin et du sénateur M. Didier Marie, le 8 février 2023. Comme déjà indiqué, une résolution européenne (n° 69 du 13 mars 2023) a été adressée au Gouvernement avec une rédaction quasiment similaire.
L'avis politique a d'abord relevé que ce programme de travail s'inscrivait dans un contexte de bouleversement durable des choix stratégiques de la France et de l'Union européenne en raison de l'agression militaire de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, et réitéré le soutien du Sénat français au peuple ukrainien.
Il a également émis plusieurs préconisations de méthode à l'adresse de la Commission européenne :
· actualisation nécessaire de la présentation des priorités de la Commission européenne pour l'année à venir en renonçant au cadre des six ambitions présentées par sa présidente en 201997(*), devenu inadapté, au risque de la rendre insincère (ainsi, les initiatives relatives aux transports sont arbitrairement réparties entre les ambitions « Un pacte vert pour l'Europe » et « Une Europe adaptée à l'ère du numérique ») ;
· enrichissement du programme de travail par de nouvelles rubriques consacrées, d'une part, aux décisions et accords préparés par la Commission européenne pour l'année à venir en matière de relations internationales et de politique commerciale et, d'autre part, aux actes délégués et aux actes d'exécution devant être adoptés au cours de l'année à venir ;
· présentation d'une analyse d'impact pour accompagner chaque nouvelle initiative normative de la Commission européenne ;
· meilleure association des parlements nationaux au processus de décision européen sur la base des conclusions du groupe de travail de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l' Union (COSAC) de juin 202298(*) ;
· amélioration urgente du respect du multilinguisme dans les réunions et les actes des institutions de l'Union européenne afin qu'il soit de nouveau « la règle » et non plus « l'exception » ;
· valorisation du siège du Parlement européen de Strasbourg, qui « symbolise la réconciliation franco-allemande et incarne l'Europe du droit ».
En réponse à ces demandes99(*), la Commission européenne a souligné sa « satisfaction réciproque quant à la qualité de son dialogue politique avec le Sénat » et a affiché son ouverture à tout renforcement de ce dialogue permettant de « faciliter (la) contribution et (le) retour d'information (des sénateurs) ». Elle a simultanément estimé que la présentation de ses nouvelles initiatives au sein des six ambitions définies en 2019 demeurait pertinente et a refusé l'enrichissement du programme de travail envisagé par le Sénat, estimant que les accords commerciaux étaient déjà rendus publics sur son site internet100(*) et qu'il était difficile d'anticiper la liste des actes délégués et actes d'exécution lors de la présentation du programme101(*). Il peut lui être rétorqué que la publicité des accords demeure aujourd'hui très relative et que la majeure partie des actes délégués et actes d'exécution est connue longtemps à l'avance, l'élaboration des projets de directive et de règlement obéissant à un cycle de plusieurs mois.
Concernant le respect du multilinguisme, la Commission européenne a répondu qu'elle était convaincue que les langues parlées dans les différents États membres constitu(ai)ent un « élément essentiel du patrimoine culturel européen » et rappelé qu'elle « utilisait toutes les langues officielles et de travail dans ses programmes et au cours de ses travaux ». Elle a ainsi souligné que « tous les documents juridiquement contraignants et de portée générale (étaient) publiés dans les 24 langues officielles » avant de concéder que, pour les autres documents, ainsi que les sites web de la Commission, le respect de cette diversité linguistique devait être « concilié avec les contraintes administratives et budgétaires ».
Sur le fond des dossiers, l'avis politique du Sénat a repris les observations et recommandations émises dans les avis thématiques relatifs à la lutte contre les procédures judiciaires abusives à l'encontre des personnes participant au débat public, à la liberté des médias, à la réforme du marché de l'électricité, au paquet « ajustement à l'objectif 55 », à la stratégie pharmaceutique européenne, à l'avenir de l'agence Frontex ou encore à la prévention et à la lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne, qu'il ne s'agit pas de développer de nouveau dans le cadre du présent examen.
Il a cependant formulé d'autres préconisations de fond.
Au sujet de la démocratie européenne, la Commission européenne a :
· partagé les préoccupations du Sénat sur l'ampleur de la corruption en Europe et annoncé la présentation d'une proposition de directive destinée à harmoniser les infractions liées à la corruption et leur sanction dans l'Union européenne102(*). Elle a aussi souligné qu'elle comptait améliorer le cadre éthique des institutions européennes par la création d'un organisme éthique interinstitutionnel compétent pour échanger les bonnes pratiques et pour dessiner103(*) des lignes directrices éthiques minimales. Ces textes ont fait l'objet de la résolution européenne n°90 du 18 mars 2024 (2023-2024) ;
· estimé que la défense des droits des femmes était une priorité de l'Union européenne, se félicitant de l'accord intervenu en mai 2023 sur la directive relative à la transparence des rémunérations, afin « de faire en sorte que le principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail de même valeur devienne enfin une réalité sur le terrain » et rappelant l'importance de sa proposition de directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, qui harmonise les sanctions européennes contre ces violences, protège et facilite l'accès des victimes à la justice, et leur propose une aide spécialisée et organise la coopération des services compétents104(*).
Concernant le pacte vert, la politique agricole commune (PAC) et la pêche, le Sénat a :
· demandé l'achèvement rapide du paquet législatif relatif au gaz en insisté sur l'impératif de neutralité technologique105(*) ;
· pris acte avec satisfaction de l'annonce d'une directive-cadre sur la protection des sols dans le programme de travail, conformément à sa résolution européenne n° 147 du 23 juillet 2021 ;
· regretté l'absence de publication de l'analyse d'impact de la stratégie « De la ferme à la fourchette » alors que plusieurs études indépendantes avaient évalué entre 10 % et 20 %, d'ici à 2030, la diminution de la production agricole européenne qui en résulterait, fait part de sa vive préoccupation sur le risque de remplacement de cette production de qualité par des importations de substitution avec des standards inférieurs et demandé, en conséquence, une réorientation de la stratégie agricole découlant du pacte vert pour assurer l'autonomie alimentaire de l'Union européenne. Depuis 2017, par plusieurs résolutions et avis, le Sénat a cependant été longtemps isolé dans le rappel de ces exigences, se heurtant à un refus poli mais ferme de la Commission européenne de changer de stratégie106(*). Les manifestations massives d'agriculteurs en colère faisant face à une « crise multifactorielle » dans une majorité d'États membres, début 2024, et dénonçant à la fois, leurs difficultés à vivre de leur métier, des contraintes réglementaires excessives sur leur activité, l'effet de certains accords de libre-échange et l'effet conjugué de la réforme de la politique agricole commune (PAC) et du « Pacte vert » ont incité le Gouvernement français, ses homologues des autres États membres et la Commission européenne à remettre au premier plan l'exigence d'autonomie alimentaire de l'Union européenne. En conséquence, le 20 mars dernier, le Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission, a accepté un réexamen ciblé de la PAC afin de réduire les charges pesant sur les agriculteurs et d'assouplir les divers contrôles qui s'imposent à eux107(*). Quant au Sénat, il a exprimé de nouveau ses priorités en la matière dans une proposition de résolution européenne issue des préconisations de son groupe de suivi sur la PAC et adoptée en commission des affaires européennes, le 11 avril dernier.
Selon M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture, l'urgence est là. Il déclarait ainsi lors de son audition au Sénat : « si nous n'y prenons garde, si nous nous privons des moyens de produire, nous prendrons le même chemin sur les questions alimentaires qu'en matière énergétique. Alors que l'Europe a importé 20 millions de tonnes de céréales l'année dernière, elle en importera 40 millions cette année... »108(*) ;
Concernant la politique commerciale, l'Europe du marché intérieur et la transition numérique, la Commission européenne a :
· assuré au Sénat qu'elle voulait assurer une meilleure conditionnalité sociale et environnementale dans les nouveaux accords commerciaux qu'elle négociait et répondu qu'elle avait fait des efforts de transparence à destination des parlements nationaux sur les négociations (échanges avec les commissaires et les négociateurs...), mais n'a pas repris sa demande tendant à une meilleure association de ces parlements aux négociations ;
· en réponse à la demande du Sénat de mise en place d'une véritable politique industrielle européenne ambitieuse (par les instruments de défense commerciale, l'adaptation ciblée des aides d'État mais aussi la mise à jour durable de la politique de concurrence...), confirmé qu'elle travaillait à « promouvoir l'innovation et l'émergence de champions européens capables de percer sur les marchés internationaux ». Elle a en outre pris note du soutien du Sénat, dans trois résolutions distinctes déjà évoquées, à la création d'un instrument d'urgence pour le marché unique, d'un cadre européen pour l'approvisionnement en matières premières critiques et d'une capacité industrielle « zéro émission nette » ;
· indiqué au Sénat qu'elle appuyait sa demande de prise en compte souple et adaptée des spécificités des régions ultrapériphériques (RUP) et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dans la mise en oeuvre et le financement des politiques européennes. Elle a rappelé que RUP et PTOM bénéficiaient de la politique de cohésion et du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMPA) tout en précisant qu'elle espérait « l'accélération » de la mise en oeuvre de leurs programmes, adoptés fin 2022.
Concernant l'économie au service des personnes et l'Europe sociale, la Commission européenne a :
· confirmé la nécessité de la révision du Cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 (doté de 1 216 milliards d'euros, en prix courants), « la flexibilité du budget (étant) presque épuisée » en raison des dépenses imprévues liées à la guerre en Ukraine et au niveau d'inflation. En pratique, cette révision est devenue effective le 8 décembre 2023109(*) ;
· souligné qu'elle travaillait à l'instauration de nouvelles ressources propres de l'Union européenne afin de financer le budget européen et de rembourser l'emprunt européen lié au plan de relance européen « NextGeneration EU »110(*) sans réduction des dépenses, ainsi que le recommandait le Sénat. Pour rappel, le 22 décembre 2021, la Commission européenne a présenté une première proposition envisageant trois nouvelles ressources propres fondées sur le marché carbone européen (ETS/SEQE-UE), sur le nouveau Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) et sur la fiscalité des entreprises, qui permettraient de couvrir un besoin de financement (insuffisant) de 17 milliards d'euros à échéance 2026-2030111(*). Puis, le 20 juin 2023, la Commission a actualisé ce paquet de nouvelles ressources propres, en prévoyant l'instauration d'une nouvelle ressource propre statistique temporaire fondée sur les bénéfices des entreprises et des ajustements techniques nécessaires à la perception du SEQE-UE et du MACF. La Commission européenne a confirmé que l'adoption définitive de ces ressources devrait respecter les règles constitutionnelles de chaque État membre, ce qui signifiait, pour la plupart d'entre eux, un vote de leurs parlements nationaux ;
· déploré l'inachèvement de l'union bancaire, appelé de ses voeux par le Sénat, mais confirmé la pertinence de son souhait de mise en place d'une garantie unique des dépôts bancaires ;
· relevé la prudence avec laquelle le Sénat a souhaité prendre acte du projet d'euro numérique, en particulier au regard de possibles atteintes à la protection de la vie privée et du risque de substitution totale de cette monnaie numérique aux espèces. À cet égard, la Commission européenne a rappelé la présentation du paquet « monnaie numérique » afin de mettre en place un cadre juridique pertinent pour l'euro numérique. Ce paquet a été présenté le 28 juin 2023, est en cours de négociation au niveau européen et fait l'objet d'un examen par la commission des affaires européennes du Sénat.
Concernant l'Europe spatiale et une Union européenne plus forte sur la scène internationale, la Commission européenne a :
· partagé le volontarisme du Sénat sur les ambitions européennes dans le domaine spatial et le constat d'une transformation de l'espace en nouveau lieu de conflit potentiel entre puissances. Elle a donc souligné l'importance de la « Stratégie spatiale de l'Union européenne pour la défense et la sécurité », présentée le 10 mars 2023 ;
· rappelé l'octroi du statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne, de l'Ukraine, de la Moldavie, et, sous conditions, de la Bosnie-Herzégovine et de la Géorgie, par le Conseil européen, lors de ses réunions de juin 2022 et de décembre 2023, et souligné que ces candidatures devront respecter et reprendre l'ensemble de « l'acquis communautaire ». Elle a aussi estimé nécessaire d'ajuster le Partenariat oriental, afin de tenir compte du statut de candidat de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie, et confirmé la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux ainsi que l'analyse du Sénat considérant le voisinage sud comme revêtant une « importance stratégique cruciale »112(*) ;
· remercié le Sénat, dont l'avis politique constatait « avec gravité la nécessité d'une solidarité européenne accrue dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune alors que le continent européen connaît de nouveau la guerre », pour son soutien apporté au Fonds européen de défense (FED), doté d'un budget global de 8 milliards d'euros sur la période 2021-2027. Elle a aussi insisté sur la nécessité de renforcer l'industrie de défense européenne, conformément à la déclaration de Versailles du Conseil européen (11 mars 2022), à la fois pour soutenir l'Ukraine agressée mais aussi pour se préparer à tout acte hostile éventuel de la part d'un pays tiers, et a rappelé l'importance de ses initiatives. Elle a insisté sur la présentation de sa proposition de règlement pour créer un instrument visant à renforcer l'industrie européenne de la défense au moyen d'acquisitions conjointes (EDIRPA)113(*), définitivement adoptée le 27 juin dernier, et de l'acte de soutien à la production de munitions (ASAP)114(*) mobilisant d'urgence 500 millions d'euros pour relancer la production de munitions et de missiles dans les États membres, qui a fait l'objet d'un compromis final le 7 juillet dernier. Ces programmes ad hoc ont été suivis par l'annonce, le 5 mars dernier, d'une stratégie industrielle de défense européenne (EDIS) et du programme associé (EDIP), pour affirmer le principe d'acquisitions communes de matériels de défense, renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), développer des liens plus étroits avec l'Ukraine et développer une culture de préparation à la défense au niveau européen, sur le fondement d'une enveloppe d'1,5 milliard d'euros pour la période 2025-2027.
Rappelons cependant que ce sont les États membres (et non l'Union européenne) qui sont en charge de la défense et que ces initiatives pourraient se heurter aux traités existants : comme le rappelait M. Dominique de Legge, co-rapporteur de la commission des affaires européennes pour les questions de défense avec Mme Gisèle Jourda, « pour résumer la situation, il semble que, sous couvert de compétences industrielles, la Commission européenne étende son action à l'industrie de défense. Elle s'y engage à juste titre mais il faut se demander à quel stade doit s'arrêter le curseur de cette intervention au regard de la souveraineté des pays en matière de défense115(*). »
Enfin, concernant l'Espace de liberté, de sécurité et de justice, la Commission a :
· affirmé que la migration était un « défi européen » nécessitant une « réponse européenne » et admis que les négociations du « Nouveau Pacte sur la migration et l'asile », présenté en septembre 2020, devaient progresser en urgence. Depuis, ce Pacte a été définitivement adopté (le 20 décembre 2023), fondé sur un équilibre entre contrôles plus stricts aux frontières (par un « filtrage » des migrants irréguliers et une procédure d'asile à la frontière) et mécanisme de solidarité européenne (fondé sur des relocalisations de demandeurs d'asile dans les différents États membres pour soulager les États membres « en première ligne » ou sur un soutien financier) ;
· annoncé, en réponse au soutien affiché du Sénat à l'action du Parquet européen contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, une évaluation de son action et de sa position à l'égard des 22 États membres participants116(*). De fait, le rapport d'activité 2023 du Parquet européen répond à ces interrogations en démontrant la pertinence de son activité117(*). D'autant plus que la Suède et la Pologne pourraient prochainement intégrer le Parquet européen ;
· appuyé la volonté du Sénat de renforcer les dispositifs de soutien de l'Union européenne dans le domaine de la protection civile, afin de faire face plus efficacement aux catastrophes naturelles, technologiques et sanitaires, en rappelant ses lignes directrices pour mieux préparer les États membres aux catastrophes naturelles118(*) et le doublement des capacités européennes de lutte contre les incendies119(*).
b) L'avis politique relatif à la stratégie pharmaceutique pour l'Europe120(*) du 20 octobre 2022
Cette stratégie pharmaceutique prend acte des progrès des traitements médicaux pour assurer la bonne santé des citoyens des États membres de l'Union européenne, et les protéger des pénuries de médicaments désormais répétées dans l'Union européenne et des dépendances constatées de cette dernière à l'égard de pays tiers dans la fourniture de médicaments. Dans ce contexte, elle poursuit les objectifs suivants : garantir l'accès des patients à des médicaments abordables et répondre aux besoins médicaux non satisfaits (ex : maladies rares) ; soutenir la compétitivité, l'innovation et l'avenir d'une industrie pharmaceutique européenne, ainsi que le développement de médicaments sûrs, efficaces et plus respectueux de l'environnement ; améliorer les mécanismes de prévention et de gestion des crises et renforcer la sécurité de l'approvisionnement.
L'avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat, adopté sur le rapport des sénatrices Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, a été satisfait pour l'essentiel par la stratégie européenne déployée. Dans sa réponse à l'avis politique, la Commission européenne :
· souligne l'importance des activités de recherche sur les médicaments financées par le programme européen « Horizon Europe » et réaffirme son intention de prolonger de tels soutiens ;
· confirme également la nécessité d'apporter un appui renforcé en faveur de la recherche sur des médicaments répondant à des besoins médicaux non satisfaits (cancers ; maladies rares ; résistance aux antimicrobiens) ;
· souscrit également à l'objectif d'améliorer le respect de l'environnement par les médicaments en annonçant un prochain texte visant à conforter l'évaluation des risques et à prendre en considération l'ensemble de leur cycle de vie, tout en soulignant que les règles relatives à la durabilité environnementale des médicaments « ne doivent pas porter préjudice à l'accès aux soins pour les patients » ;
· partage les conclusions du Sénat sur la nécessité d'améliorer l'offre et la disponibilité des médicaments pour les patients. Pour cela, elle indique travailler sur des mesures de surveillance renforcée, de notification et de gestion des pénuries, tout en élaborant une définition européenne de ces dernières ainsi que des « médicaments critiques » ;
· annonce qu'elle présenterait prochainement des propositions nouvelles pour améliorer l'accès aux médicaments dans les États membres. Ce fut chose faite, le 24 octobre 2023, avec la présentation d'une proposition de règlement destinée à lutter contre les pénuries de médicaments121(*), proposition qui a fait l'objet, sur le rapport des sénateurs Cathy Apourceau-Poly, Pascale Gruny et Bernard Jomier, d'une proposition de résolution européenne de la commission des affaires européennes du Sénat, en date du 4 avril 2024.
Plus généralement, dans sa réponse, la Commission européenne « se félicite (...) que de nombreux points soulevés dans l'avis témoignent d'une compréhension commune des défis à relever... ».
2. Pour l'avenir, la nécessité pour le Sénat de faire connaître ses avis encore plus tôt
Comme les années précédentes, la commission des affaires européennes constate que la transmission d'avis politiques du Sénat en amont de la présentation des initiatives législatives par la Commission européenne, plus exactement au stade où cette dernière effectue des consultations publiques, semble pertinente, quoique très exigeante en termes d'anticipation des échéances.
En effet, les directions générales de la Commission européenne sont alors en phase d'écriture des projets de textes et sont toujours intéressées par des contributions « de terrain » nourrissant leur réflexion.
La commission des affaires européennes du Sénat a d'ailleurs déjà participé à de telles consultations, par exemple en transmettant à la Commission européenne son avis politique du 28 octobre 2021 en guise de réponse à la consultation publique qu'elle avait lancée et intitulée « Commerce et développement durable dans les accords commerciaux de l'Union européenne : réexamen de l'approche actuelle ».
Jusqu'alors, les contributions transmises par les Parlements nationaux ou certains de leurs membres n'étaient pas distinguées de celles envoyées par des particuliers, par des associations ou par des entreprises.
Consciente de cette difficulté, la Commission européenne a simplifié sa procédure de consultation en 2021 et espère désormais une participation accrue des Parlements nationaux à cette procédure : « Les Parlements nationaux sont directement concernés par la simplification des consultations publiques grâce à l'introduction d'un « appel à contributions » unique, qui remplace plusieurs consultations antérieures à différents stades de l'élaboration des politiques, sur le portail « Donnez votre avis » amélioré. Les contributions que les Parlements nationaux et régionaux ou les collectivités nationales, régionales et locales peuvent décider d'apporter sont clairement définies et distinguées des contributions des autres parties prenantes. »122(*)
3. Le dialogue politique prend aussi la forme de rencontres avec la Commission européenne et les organismes européens
Les relations entre la Commission européenne et les Parlements nationaux prennent également la forme de nombreux contacts bilatéraux et de visites incluant les auditions de commissaires européens. À cet égard, si le développement de la visioconférence a permis d'élargir les modalités d'échanges, le Sénat attache une grande importance aux rencontres « sur site » avec les interlocuteurs de la Commission européenne.
Ces dernières ont pris les formes suivantes :
· auditions au Sénat, de membres de la Commission européenne, d'organismes européens ou d'acteurs clefs des politiques européennes : entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, un commissaire européen et plusieurs responsables d'agences européennes ont été auditionnés par la commission des affaires européennes123(*) ;
· déplacements du président et des rapporteurs de la commission des affaires européennes, ainsi que des rapporteurs des commissions compétentes au fond, auprès des cabinets des commissaires et des fonctionnaires de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen, à Strasbourg ou à Bruxelles. 17 déplacements de rapporteurs du Sénat ont été organisés sur la période examinée124(*), dont 11 au titre de la commission des affaires européenne. À titre d'exemple, peuvent être mentionnés le déplacement du président de la commission des affaires européennes sur l'influence française dans les institutions de l'Union européenne (26 octobre 2022), ainsi que les deux déplacements conjoints de la commission des affaires européennes et de la commission des lois auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à Luxembourg (6-7 février 2023) puis auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) et du Parlement européen à Strasbourg (13 mars 2023) ;
· participation conjointe des sénateurs et des commissaires européens à des évènements commémoratifs exceptionnels et aux diverses conférences interparlementaires européennes organisées sur un rythme semestriel. On peut citer à titre principal :
· la cérémonie du 70ème anniversaire du Parlement européen (le 22 novembre 2022) ;
· la Conférence de l'article 13 du TSCG (10-11 octobre 2022) ;
· la réunion de suivi de la Conférence sur l'avenir de l'Europe (26 octobre 2022) ;
· les réunions plénières de la COSAC125(*) (qui ont eu lieu au Parlement tchèque, du 13 au 15 novembre 2022, et au Parlement suédois, du 14 au 16 mai 2023) ;
· la Conférence sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) à Stockholm (2-3 mars 2023) ;
· la Conférence des Présidents des Parlements de l'Union européenne (24-25 avril 2023) à Prague.
Ces réunions ont permis aux sénateurs de sensibiliser leurs homologues aux priorités européennes de la France et du Sénat, tout en s'informant des positions politiques des autres parlementaires des États membres. Elles ont été aussi l'occasion d'échanges bilatéraux, formels et informels, en marge des sessions plénières de ces conférences, afin de nouer des relations de confiance.
IV. LE CONTRÔLE DE SUBSIDIARITÉ
Il est utile de rappeler le contexte dans lequel le respect du principe de subsidiarité doit être apprécié. En effet, lorsque la Commission européenne était présidée par M. Jean-Claude Juncker, elle avait affiché une volonté claire de réduire le nombre de ses propositions législatives pour recentrer son activité autour de quelques grandes priorités politiques. Cette volonté s'accompagnait de l'objectif de mieux respecter le principe de subsidiarité.
Cependant, avec la Commission présidée par Mme Ursula von der Leyen, le nombre d'initiatives législatives est de nouveau reparti à la hausse. Et cette tendance a été confortée par la nécessité de répondre en urgence aux crises par une harmonisation européenne renforcée.
Néanmoins, s'il satisfait le Conseil et le Parlement européen, ce pouvoir normatif « extensif » (par exemple dans le domaine de l'industrie de défense) est parfois difficilement compatible avec la lettre des traités et empiète sur les compétences des États membres.
1. Rappel sur le contrôle de subsidiarité : les avis motivés
Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, les Parlements nationaux disposent de compétences propres en matière de contrôle de la subsidiarité126(*). Pour les assemblées du Parlement français, ces compétences sont également visées à l'article 88-6 de la Constitution :
« L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. »
Dans ce cadre, pour chaque texte concerné, le Sénat doit vérifier que l'Union européenne, en adoptant ce projet d'acte législatif, reste bien dans son rôle, qu'elle intervient à bon escient et évite l'excès de réglementation.
En pratique, le Sénat peut adopter un avis motivé prenant la forme d'une résolution s'il estime qu'une proposition législative ne respecte pas le principe de subsidiarité, avis dans lequel il indique les raisons pour lesquelles la proposition ne lui paraît pas conforme. À cette fin, comme les autres assemblées parlementaires des États membres, le Sénat est directement destinataire de certains projets de réglementation européenne ressortant de domaines de compétences partagées entre l'Union et les Etats membres (123 textes en 2022-2023 contre 110 en 2021- 2022).
Dans ce cadre, il va en pratique vérifier :
· si l'Union européenne est bien compétente pour proposer l'initiative concernée ;
· si la base juridique choisie est pertinente ;
· si l'initiative proposée est nécessaire et si elle apporte une « valeur ajoutée » par rapport au droit en vigueur ;
· enfin, si elle n'excède pas ce qui est nécessaire pour mettre en oeuvre les objectifs poursuivis. En effet, dans son contrôle de la conformité des textes au principe de subsidiarité, le Sénat effectue également un contrôle de proportionnalité des mesures envisagées.
Le délai pour adopter un avis motivé est fixé par les traités à huit semaines à compter de la date à laquelle le Sénat a été saisi du texte127(*).
UN GROUPE DE VEILLE SUR LA SUBSIDIARITÉ Un groupe pilote a été constitué au sein de la commission des affaires européennes afin d'effectuer un examen systématique des projets d'actes législatifs au regard du principe de subsidiarité. Le Règlement du Sénat permet, en effet, à la commission des affaires européennes d'adopter un projet d'avis motivé de sa propre initiative. Ce groupe pilote est présidé par le président de la commission des affaires européennes et comporte un représentant de chaque groupe politique. Il a été renouvelé à l'occasion des élections sénatoriales du 24 septembre 2023. |
Le Règlement du Sénat prévoit que tout sénateur peut déposer une proposition de résolution portant avis motivé. Celle-ci doit d'abord être adoptée par la commission des affaires européennes. Elle est ensuite soumise à l'approbation de la commission compétente au fond, si cette dernière souhaite intervenir. Si, en revanche, elle ne statue pas dans les délais, le texte élaboré par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté. En outre, à tout moment de la procédure, le président d'un groupe peut demander un examen en séance publique. Une fois adopté, l'avis motivé est aussitôt transmis aux institutions européennes (Commission européenne, Conseil et Parlement européen). Et le Gouvernement en est informé.
Conformément au protocole n° 2 annexé aux traités sur l'Union européenne et sur le fonctionnement de l'Union européenne, si un tiers des Parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, celle-ci doit être réexaminée par l'institution européenne concernée qui peut décider de la maintenir, de la modifier ou de la retirer. C'est ce que l'on appelle le « carton jaune ». Ce seuil est abaissé à un quart des Parlements nationaux pour les projets d'acte législatif intervenant dans le domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale.
TROIS PRÉCÉDENTS EN MATIÈRE DE « CARTON JAUNE » Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les Parlements nationaux ont adressé trois « cartons jaunes » à la Commission européenne. Le Sénat a contribué aux deux premiers avis : - le premier concernait le paquet « Monti II », un ensemble de textes relatifs au droit de grève. Des assemblées parlementaires de douze États membres128(*), représentant 19 voix, ont estimé que ces textes étaient contraires au principe de subsidiarité. La Commission européenne a retiré ce paquet le 26 septembre 2012 ; - le deuxième « carton jaune » visait la proposition de règlement créant un Parquet européen. Des assemblées de dix États membres129(*), représentant 18 voix, se sont exprimées dans le même sens. La Commission a souhaité maintenir son texte. Mais le Conseil et le Parlement européen, prenant acte des avis motivés, ont fait ensuite évoluer le projet conformément aux voeux du Sénat ; - le troisième « carton jaune » portait sur la proposition de directive visant à réviser la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs. Des assemblées de onze États membres130(*), représentant 22 voix, ont considéré que ce texte, en particulier la question de la fixation des salaires, était contraire au principe de subsidiarité. Le 20 juillet 2016, la Commission a cependant maintenu son texte, rappelant que la directive qu'elle proposait de réviser datait de plus de vingt ans. |
En outre, dans le cadre de la procédure législative ordinaire (codécision entre le Parlement européen et le Conseil), si la moitié des Parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, la Commission doit réexaminer sa proposition et décider soit de la maintenir, soit de la modifier, soit de la retirer. Si, malgré le nombre important d'avis négatifs, elle choisit de la maintenir, elle doit justifier cette décision en publiant elle-même un avis motivé indiquant les raisons pour lesquelles elle estime que cette proposition est conforme au principe de subsidiarité. De leur côté, le Parlement européen et le Conseil devront vérifier, avant d'achever la première lecture, la conformité du texte au principe de subsidiarité. Si le Parlement européen, à la majorité des suffrages exprimés, ou une majorité de 55 % des membres du Conseil estime qu'il n'est pas conforme, la proposition législative est rejetée et son examen n'est pas poursuivi. C'est ce que l'on appelle le « carton orange ».
Le contrôle de subsidiarité par le Sénat peut également en principe s'effectuer a posteriori. C'est ce que l'on appelle le « carton rouge ». Le Sénat peut ainsi, en application de l'article 88-6 de la Constitution, former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) contre un acte législatif européen déjà adopté, dans les deux mois suivant cette adoption, afin de faire constater qu'il ne respecte pas le principe de subsidiarité. Toutefois, en pratique, cette procédure n'a jamais été mise en oeuvre.
La procédure d'adoption est alors la même que pour les avis motivés. Cependant, la Cour de justice peut également être saisie, sans qu'une décision du Sénat soit nécessaire, dès lors qu'au moins soixante sénateurs en font la demande.
2. Le contrôle de subsidiarité : un regain quantitatif, des inquiétudes pour l'avenir
Affirmant qu'elle tient toujours compte des principes de subsidiarité et de proportionnalité dans les analyses d'impact de ses propositions stratégiques, la Commission européenne, dans son rapport sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité et sur ses relations avec les parlements nationaux pour l'année 2022131(*), indique que le comité d'examen de la réglementation, organisme indépendant qui conseille le collège des commissaires, a examiné 70 analyses d'impact en 2022, contre 83 en 2021.
Le Parlement européen veille également au respect du principe de subsidiarité. Sa commission des affaires juridiques désigne un rapporteur pour la subsidiarité pour un mandat de six mois, sur la base d'une rotation entre les groupes politiques. Ce rapporteur suit les avis motivés reçus et a la possibilité de se saisir de questions qu'ils soulèvent pour en débattre en commission et pour adresser d'éventuelles recommandations à la commission compétente sur le texte concerné. La commission des affaires juridiques formule aussi des observations sur les rapports annuels de la Commission relatifs aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.
De son côté, le Conseil informe aussi les États membres des avis motivés des Parlements nationaux sur les propositions de règlement et de directive.
Dans son rapport annuel 2022 précité, la Commission européenne a pris acte du regain quantitatif significatif de la procédure de contrôle de subsidiarité, avec 32 avis motivés reçus, soulignant que « c'est beaucoup plus qu'au cours des trois années précédentes (2019-2021) et deux fois plus qu'en 2021. 132(*)»
Avant de relativiser immédiatement la portée de cette augmentation : « Malgré cette augmentation, la Commission a constaté que plusieurs avis motivés ne reposaient pas sur une critique précise tirée d'une violation du principe de subsidiarité, mais plutôt sur ce qui était perçu comme un manque d'analyse de la situation nationale. »
Cette affirmation péremptoire n'en est pas moins erronée concernant les 4 avis motivés transmis par le Sénat sur la période considérée qui, eux, ont bien décelé des atteintes à la répartition des compétences entre États membres et Union européenne prévue par les traités et à la proportion entre les objectifs à atteindre et les réformes « mises sur la table ».
Néanmoins, comme déjà souligné l'an dernier, il conviendra d'examiner pour l'avenir, si ce regain se confirme ou s'il était une exception liée à l'examen de réformes européennes transversales et synonymes de changements significatifs pour les politiques nationales. L'année 2021, avec 9 avis motivés consacrés aux textes du paquet « ajustement à l'objectif 55 »133(*) (sur 16 avis au total), pouvait le laisser penser. Mais en 2022, force est de constater que les 32 avis motivés adoptés traitent de sujets très variés et que les seules initiatives ayant donné lieu à plusieurs avis motivés sont la réforme du droit électoral européen (5 avis motivés), l'acte européen sur la liberté des médias (4 avis motivés) et les propositions de révision des textes relatifs aux marchés du gaz et de l'hydrogène (4 avis motivés).
En effectuant rigoureusement ce contrôle des initiatives normatives européennes les plus importantes au titre du contrôle de subsidiarité, le Sénat, comme les autres chambres nationales, joue un rôle essentiel de gardien des traités et, plus particulièrement, de la répartition des compétences entre États membres et Union européenne prévue par ces derniers.
Ce contrôle est d'autant plus important à l'heure actuelle, que depuis 2019, à traité constant, l'Union européenne a gagné - souvent pour des motifs d'intérêt général, mais pas toujours, de nouvelles prérogatives. Ce fut le cas pour mener la transition écologique de l'Union européenne, pour conduire la numérisation des économies européennes, pour tirer les conséquences des crises liées à la pandémie de covid-19 et à la guerre en Ukraine. Ces extensions de compétences ont reçu l'assentiment de la totalité ou de la majorité des États membres mais ont de fait restreint d'autant la marge de contrôle autonome des parlements nationaux.
À titre d'exemple, en juillet 2020, l'Union européenne a mis en oeuvre un plan de relance européen inédit (Next generation EU)134(*) afin de stimuler la reprise de la croissance économique et fournir un soutien massif aux secteurs fragilisés ou innovants, garanti par un emprunt exceptionnel de l'Union européenne. Or, cette capacité d'emprunt n'était pas inscrite dans les traités. A contrario, l'article 310 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) met en avant la nécessité pour le budget européen d'être « équilibré » et l'interdiction, pour l'Union européenne, d'adopter des « actes susceptibles d'avoir des incidences notables sur le budget sans donner l'assurance que les dépenses découlant de ces actes peuvent être financés dans la limite des ressources propres de l'Union et dans le respect du Cadre financier pluriannuel ». Ce dispositif, qui s'est finalement imposé en raison de l'urgence et de l'intérêt des États membres, a donc suscité un débat juridique justifié.
Autre exemple : sur la base d'une interprétation « constructive » de l'article 2 du traité de l'Union européenne (TUE), qui recense les valeurs de l'Union européenne, cette dernière a institué, à compter de 2020, un suivi annuel de l'État de droit dans les États membres, qui conduit la Commission européenne à évaluer politiquement et « éthiquement » leur organisation judiciaire, leurs actions de lutte contre la corruption, leurs règles applicables aux médias et leurs procédures législatives. Et à conditionner explicitement l'octroi de fonds européens aux États membres à leur respect préalable de l'État de droit135(*).
Dernier exemple, déjà évoqué : dans le cadre du soutien de l'Union européenne à l'Ukraine, la Commission européenne a pris récemment plusieurs initiatives pour faciliter la coopération des industries de défense européennes et conforter leur production afin d'accélérer la production de munitions. La stratégie industrielle de défense européenne (EDIS), présentée le 5 mars dernier pour instaurer une nouvelle capacité européenne de programmation et de passation conjointe de marchés, étendre la logique d'intervention des règlements EDIRPA et ASAP et lancer des projets européens d'intérêt commun dans le secteur de la défense, est fondée sur plusieurs articles du TFUE, dont le choix souligne la difficulté de trouver une base juridique pertinente et de respecter la compétence des États membres dans le domaine de la défense. Elle est ainsi fondée à la fois sur l'article 114 précité du TFUE (développement du marché intérieur), sur son article 173 (relatif à l'industrie, au titre de la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE)), son article 212 (relatif à la coopération économique, financière et technique avec des pays tiers, pour le renforcement de la BITD ukrainienne) et 322 (relatif aux règles financières de l'Union européenne) du TFUE.
En outre, contrairement à ses engagements, la Commission européenne omet désormais très souvent de présenter une analyse d'impact pour accompagner ses nouvelles initiatives et démontrer que ces dernières respectent le principe de subsidiarité. Parmi les textes récents d'importance dépourvus d'une telle analyse d'impact, on peut citer la proposition de directive sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives136(*), la proposition de règlement établissant des mesures pour renforcer la solidarité et les capacités dans l'Union européenne à détecter les menaces et les incidents liés à la cybersécurité, à s'y préparer et à y répondre (dite « cybersolidarité »)137(*) ou encore, la proposition de directive de lutte contre la corruption138(*).
Il faut ajouter à ces constats une volonté croissante de la Commission européenne de présenter des règlements d'application directe en lieu et place de directives lesquelles nécessitent une transposition dans le droit national des États membres. Cela, afin d'uniformiser, et non plus seulement d'harmoniser, la diversité des législations nationales, cette diversité étant désormais systématiquement dénoncée par elle comme un obstacle au marché intérieur dans les exposés des motifs de ses propositions de textes. Ce présupposé est préoccupant, dans la mesure où il prive les parlements nationaux de toute possibilité d'intervention, une fois le règlement devenu définitif.
Ainsi, le règlement « cybersolidarité » précité vient modifier la directive (UE) 2022/2555 du 14 décembre 2022 (directive SRI2), qui devait pourtant déjà « assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union » tout en maintenant la libre appréciation des États membres sur les priorités opérationnelles, dès lors que la sécurité nationale et la défense nationale étaient en jeu.
C'est aussi par un règlement que la Commission européenne a proposé un « réservoir européen de talents »139(*), dispositif destiné à attirer une immigration économique régulière dans les États membres de l'Union européenne, afin de « répondre aux pénuries actuelles et futures de main d'oeuvre et de compétences » dans les secteurs économiques en tension et de « réduire la pression exercée par la migration irrégulière »140(*), alors même que les États membres étaient divisés sur cet objectif (les débats au Sénat sur un dispositif inspiré de cette réglementation et présenté dans le cadre de la loi « immigration » du 26 janvier 2024141(*) en ont été l'illustration).
Enfin, conformément aux articles 290 (actes délégués)142(*) et 291 (actes d'exécution)143(*) du TFUE, les textes présentés confèrent régulièrement de grands pouvoirs d'exécution et/ou de délégation à la seule Commission européenne pour mettre en oeuvre voire compléter et modifier leur dispositif. En principe, les actes délégués ne peuvent être pris en application de dispositions essentielles des règlements ou directives européens mais, en pratique, la tentation est grande pour la Commission de s'octroyer la délégation la plus large possible.
Ainsi, dans son avis motivé relatif à la proposition de règlement précitée relative au « certificat européen de filiation », le Sénat a estimé que la délégation de compétences octroyée à la Commission européenne ne pouvait concerner le contenu de ce certificat, ce dernier étant, à l'évidence, la disposition essentielle de la réforme.
Autre exemple : dans la proposition de règlement précitée créant un « réservoir européen de talents », la liste des secteurs et métiers en tension serait fixée par la seule Commission européenne par un acte délégué.
Le contrôle de subsidiarité est donc essentiel pour préserver une marge d'appréciation nationale et le rôle des parlements nationaux dans le vote des lois et le contrôle du pouvoir exécutif.
Cependant, comme le rappelait le rapport d'information de la mission d'information du Sénat sur la judiciarisation de la vie publique144(*), plusieurs obstacles, souvent cumulatifs, se présentent aux Parlements nationaux lorsqu'ils souhaitent contrôler les initiatives législatives européennes au titre du contrôle de subsidiarité :
· « en raison du fait majoritaire dans nombre de démocraties européennes, les chambres peuvent être conduites à renoncer à leurs prérogatives en matière de subsidiarité afin de ne pas gêner les positions diplomatiques défendues par le pouvoir exécutif dans les négociations européennes ». En pratique, en 2022, ce renoncement a, de fait, concerné une majorité de 25 chambres ;
· « la mise en oeuvre du contrôle de subsidiarité est cantonnée dans un délai de huit semaines incompressible et ce délai est court, voire trop court, pour adopter un avis motivé puis pour convaincre les autres Parlements nationaux de la pertinence de la position adoptée... » ;
· « le seuil à atteindre pour former un « carton jaune » (un tiers des voix attribuées aux Parlements nationaux) est également dissuasif » ;
· enfin, « le contrôle de subsidiarité n'est pas un contrôle au fond des projets d'actes législatifs examinés. (...) Pour des raisons de délai et de cohérence, le Sénat, en premier lieu sa commission des affaires européennes, peut être conduit à privilégier l'adoption de (...) résolutions et avis politiques en y insérant des éléments de subsidiarité. »
En pratique, ces facteurs pourraient conduire à une « mort lente » du contrôle de subsidiarité. Le Sénat, conscient du risque démocratique d'une telle évolution, plaide donc depuis plusieurs mois pour sa réhabilitation afin de garantir une réelle évaluation de la nécessité et de la proportionnalité des initiatives législatives européennes, comme le prévoient les traités.
Il souhaite plus généralement un développement du rôle européen des Parlements nationaux.
Ainsi, les conclusions précitées du groupe de travail de la COSAC sur le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne, adoptées par consensus par les parlementaires qui en étaient membres - hormis les eurodéputés - le 14 juin 2022, ainsi que la mission d'information sénatoriale précitée, ont parallèlement proposé un aménagement des modalités pratiques du contrôle de subsidiarité (proposition d'allongement du délai d'examen, de huit à dix semaines) et un assouplissement des conditions de déclenchement du « carton jaune » (qui serait effectif dès lors que les avis motivés adoptés sur un texte rassembleraient un quart -et non un tiers- des voix attribuées aux Parlements nationaux, comme c'est déjà le cas pour le seul domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale).
Considérant que l'expression politique européenne du Sénat devait être non seulement « défensive » avec le contrôle de subsidiarité mais également « offensive », les conclusions du groupe de travail et la mission d'information précitée ont aussi demandé la création d'un « carton vert » (droit d'initiative indirect permettant aux parlements nationaux d'émettre des propositions législatives européennes).
En complément, ce groupe de travail de la COSAC a souhaité également « inscrire dans le marbre » le droit de questionnement écrit auprès des institutions européennes qui existe déjà de manière officieuse à l'heure actuelle mais qui, en raison de cette nature officieuse, engage peu lesdites institutions.
De son côté, la mission d'information précitée a recommandé l'adoption, en séance publique, de la résolution sur le programme de travail annuel de la Commission européenne pour 2023, et l'organisation d'un débat d'orientation préalable.
Elle a également préconisé la mise en oeuvre, dès que possible, d'un recours pour non-conformité d'un projet de texte européen au principe de subsidiarité devant la CJUE afin de faire vivre cette procédure et d'enclencher « un dialogue opérationnel » avec la Cour au sujet du contrôle de subsidiarité.
3. Les avis motivés adoptés par le Sénat
Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne jusqu'au 30 septembre 2023, le Sénat a adopté 42 avis motivés au titre du contrôle de subsidiarité, soit :
· 1 en 2011, sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;
· 10 en 2012, sur l'accès aux ressources génétiques, la gestion collective des droits d'auteur et licences multiterritoriales de droits portant sur des oeuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne, le contrôle technique périodique des véhicules à moteur, le paquet « Monti II » (qui a atteint le seuil du « carton jaune »), l'information du public sur les médicaments et sur les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale, la reconnaissance des qualifications professionnelles, le règlement général sur la protection des données, la définition des grands axes stratégiques du transport transeuropéen, et le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires dans les États membres de la zone euro ;
· 4 en 2013, sur la déclaration de TVA normalisée, les commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte, la création du parquet européen (qui a atteint le seuil du « carton jaune ») et le 4e paquet ferroviaire ;
· 2 en 2014, sur des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'Union européenne et le règlement sur les nouveaux aliments ;
· aucun en 2015 ;
· 4 en 2016, sur l'organe des régulateurs européens des communications électroniques, le mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie, les contrats de fourniture de contenu numérique, les contrats de vente (dont en ligne) et de toute autre vente à distance de biens, et le paquet « déchets » ;
· 7 en 2017, sur la certification des technologies de l'information et des communications en matière de cybersécurité, le cadre applicable à la libre circulation des données à caractère non personnel, le marché intérieur de l'électricité, l'agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie, la coordination des systèmes de sécurité sociale, la procédure de notification des régimes d'autorisation et des exigences en matière de services, mise en place d'un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions ;
· 2 en 2018, sur les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et l'évaluation des technologies de la santé ;
· aucun en 2019 ;
· 1 en 2020145(*), sur le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant la loi européenne sur le climat (règlement (UE) 2018/1999) ;
· 4 en 2021, dont 3 sur les propositions de règlement relatives aux menaces transfrontières graves pour la santé, sur l'institution d'un centre européen de prévention et de contrôle des maladies et sur un rôle renforcé de l'agence européenne des médicaments, et 1 sur la neutralité climatique d'ici à 2035 dans le secteur de l'utilisation des terres, de la foresterie et de l'agriculture ;
· 4 en 2022, respectivement relatifs à la proposition de règlement sur le développement du réseau transeuropéen de transport, à la proposition de directive relative aux poursuites stratégiques altérant le débat public, à la révision des directives relatives aux énergies renouvelables, à la performance énergétique et à l'efficacité énergétique, ainsi qu'au cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur ;
· 3 en 2023, respectivement relatifs à l'instauration d'un certificat européen de filiation, aux normes européennes relatives aux emballages et à la protection de l'Union européenne contre la manipulation du marché de gros de l'énergie.
Sur la session parlementaire examinée (1er octobre 2022-30 septembre 2023), sont pris en compte les 4 avis relatifs à la liberté des médias, au certificat européen de filiation, aux emballages et aux déchets d'emballages et à la protection de l'Union européenne contre la manipulation du marché de gros de l'énergie.
Tableau des avis motivés adoptés au titre de la session parlementaire 2022-2023
Texte |
Proposition |
Résolution |
Réponse |
Proposition de règlement établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE COM(2022) 457 final |
N° 194 de Mme Florence Blatrix Contat, M.André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly, déposée le 08/12/2022 |
N° 36, adoptée le 11/12/2022 |
Transmise le 31/03/2023 |
Proposition de règlement relatif à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance des décisions et à l'acceptation des actes authentiques en matière de filiation ainsi qu'à la création d'un certificat européen de filiation COM(2022) 695 final |
N° 446 de M. Dominique de Legge, déposée le 22 mars 2023 |
N° 84, adoptée le 22 mars 2023 |
Transmise le 12/06/2023 |
Proposition de règlement relatif aux déchets et aux déchets d'emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE COM(2022) 677 final |
N° 526 de Mme Marta de Cidrac, déposée le 12 avril 2023 |
N° 96, adoptée le 24 avril 2023 |
Transmise le 25/07/2023 |
Proposition de règlement modifiant les règlements (UE) n°1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie COM(2023) 147 final |
N° 622 de MM. Daniel Gremillet, Claude Kern et Pierre Laurent, déposée le 17/05/2023 |
N° 111, adoptée le 22/05/2023 |
Transmise le 04/08/2023 |
a) La résolution n°36 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement COM(2022) 457 final établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias)
Ce texte, à titre principal, détermine les droits et obligations des fournisseurs de services de médias et institue un nouveau comité européen pour les services de médias (composé des autorités nationales compétentes, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) pour la France), qui doit assumer les tâches dévolues aujourd'hui au groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels et de nouvelles missions (contrôle des systèmes de mesure des audiences ; répartition juste et équitable de la publicité d'État et protection des sources journalistiques). Enfin, elle doit établir un « dialogue structuré » avec les très grandes plateformes en ligne afin de garantir l'intégrité éditoriale des contenus mis en ligne et pose un cadre juridique pour le contrôle des concentrations.
Dans sa résolution, le Sénat a en particulier :
· rappelé que la liberté de la presse et l'indépendance des médias étaient des conditions essentielles de la vie démocratique et indiqué qu'il soutenait donc le principe d'une nouvelle norme européenne destinée à protéger le pluralisme ;
· contesté en revanche la pertinence de l'article 114 du TFUE comme base juridique de la réforme envisagée, en constatant que le marché des médias n'était pas européen mais essentiellement structuré sur une base nationale, voire régionale ou locale, et en soulignant que le pluralisme des médias et de la presse écrite constituaient en revanche l'expression incontestable de la diversité culturelle et linguistique de l'Union européenne, garantie plutôt par l'article 167 du TFUE et pour laquelle l'Union européenne ne dispose que d'une compétence d'appui ;
· estimé que le choix d'une proposition de règlement, d'application directe et uniforme, pour cette réforme, au lieu d'une proposition de directive, qui aurait laissé aux États membres le choix de la forme et des moyens de sa mise en oeuvre, ainsi que la création d'un nouvel échelon de recours européen contre les décisions des autorités nationales de régulation contrevenaient au respect de cette diversité et au principe de proportionnalité.
Dans sa réponse en date du 31 mars 2023, la Commission européenne a indiqué vouloir « apaiser les craintes du Sénat ».
Elle a justifié sa base juridique en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui a autorisé l'usage de l'article 114 du TFUE « même si la proposition législative a une incidence sur d'autres domaines d'action pour lesquels les traités ne confèrent pas explicitement de compétences à l'Union »146(*).
Elle a aussi assumé son choix d'un règlement au lieu d'une directive en rappelant deux avantages de cet instrument, qui sous-entendent maladroitement que l'intervention des parlements nationaux en cas de transposition d'une directive est avant tout source de lenteur et de complexité : « le règlement permet de donner aux acteurs du marché des médias des droits directement applicables » ; « un règlement ne nécessite pas de transposition et contribue donc à apporter une réponse rapide aux problèmes du marché intérieur des médias ».
Répondant aux critiques du Sénat remettant en cause l'existence d'un marché intérieur européen des médias, elle a considéré que « le caractère régional ou local d'un média n'exclu(ait) pas » sa participation au marché intérieur. Elle a aussi estimé que ce marché pouvait être menacé par des atteintes à « l'indépendance de décisions éditoriales individuelles », par un « risque élevé d'ingérence dans les États membres » et par « un manque de transparence concernant les entreprises de médias », dont le « caractère transfrontière » et « l'ampleur » justifiaient une action européenne, en particulier pour surveiller les concentrations sur les marchés des médias qui sont « susceptibles d'influer sensiblement sur le pluralisme des médias et l'indépendance éditoriale. »
Elle a en outre affirmé que, « lorsqu'elle intervient pour protéger et développer le marché intérieur dans un secteur économique », l'Union européenne est également autorisée à « tenir compte des intérêts publics légitimes de la société et de la protection des droits fondamentaux. » Par exemple lorsque des médias publics financés par des « fonds publics » fournissent des « informations et des opinions biaisées » (toutefois, dans sa réponse, la Commission ne définit pas ce que sont ces informations et opinions biaisées).
La Commission européenne a enfin souhaité donner des garanties au Sénat : la proposition « reconnaît et préserve pleinement les compétences des États membres », maintient leur rôle de « supervision des services de médias » et n'impose « aucune exigence » sur les « contenus médiatiques ».
Les discussions au Conseil et au Parlement ont permis d'aboutir à un accord en trilogue sur la réforme, le 15 décembre 2023. Dans l'intervalle, de nouveaux sujets avaient enrichi les débats, en particulier concernant la possibilité d'utiliser des logiciels de surveillance à l'encontre des journalistes.
Le compromis trouvé renforce l'indépendance éditoriale des médias publics (nomination transparente des responsables éditoriaux et pour un mandat « suffisamment long » ; contrôle indépendant...), souhaite protéger le travail des journalistes (interdiction de la révélation de leurs sources par les journalistes, « sauf pour une raison impérieuse d'intérêt public » et sous réserve d'une autorisation judiciaire), prévoit des mesures de transparence sur la propriété des médias et instaure un dispositif garantissant que les décisions relatives à la modération des contenus par les très grandes plateformes en ligne n'affecteront pas négativement la liberté de la presse.
Évaluant le contenu de la réforme dans une communication présentée le 14 décembre 2023, les sénatrices Mmes Karine Daniel et Catherine Morin-Desailly ont pu se féliciter de compromis « globalement satisfaisants » sur les points clés garantissant la création d'une « norme minimale pour protéger le pluralisme et l'indépendance des médias dans l'ensemble de l'Union européenne », ainsi que les journalistes.
b) La résolution n° 84 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement COM(2022) 695 final du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance des décisions et à l'acceptation des actes authentiques en matière de filiation ainsi qu'à la création d'un certificat européen de filiation
Ce texte, pour l'essentiel, vise à imposer, pour les familles connaissant « une situation transfrontière », une reconnaissance mutuelle « automatique » des filiations établies dans chaque État membre, « quelle que soit la manière dont l'enfant a été conçu ou est né, et quel que soit le type de famille de l'enfant », reconnaissance formalisée par la création d'un « certificat européen de filiation ».
Dans sa résolution, le Sénat a :
· déploré les insuffisances de l'étude d'impact pour identifier les difficultés constatées dans l'application du droit en vigueur (l'exposé des motifs de la proposition de règlement affirmant ainsi que deux millions de personnes seraient concernées par la réforme alors que l'analyse d'impact précitée en recensait 103 000) et celles de la rédaction du texte (ex : les « situations transfrontières » justifiant la réforme n'y sont pas définies) ;
· rappelé également que si l'article 81, paragraphe 3, du TFUE permettait bien au législateur européen de prendre une initiative législative en matière de droit de la famille ayant une incidence transfrontière, cette compétence était à la fois dérogatoire, facultative et soumise à une décision à l'unanimité du Conseil, supposant, par là-même, la recherche d'un consensus ;
· constaté qu'en choisissant d'uniformiser, dans les 27 États membres, la reconnaissance de toutes les filiations reconnues dans un seul d'entre eux par la voie d'un règlement d'effet direct, la Commission européenne n'avait pas recherché ce consensus et n'avait pas respecté la compétence des États membres en matière de droit de la famille et de filiation, à l'exemple de la France qui refuse la reconnaissance automatique des filiations issues d'une gestation pour autrui (GPA) ;
· relevé que la reconnaissance automatique des filiations issues de GPA résultant de la proposition de règlement revenait sur l'équilibre délicat dessiné par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui, d'une part, estime que le refus de toute reconnaissance de filiation est contraire à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales mais, d'autre part, a reconnu le droit pour un État partie de ne pas transposer sur les registres d'état civil, l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger d'une GPA désignant la « mère d'intention » comme sa mère, dès lors qu'une solution alternative (comme l'adoption) lui est ouverte ;
· pris acte du fait que la réforme envisagée subordonnait l'invocation par les États membres d'un motif d'ordre public pour refuser une filiation au titre du respect du principe de non-discrimination posé à l'article 21 de la Charte européenne des droits fondamentaux, et affirmé que la réforme devait également respecter les autres droits et principes fondamentaux protégés par la Charte européenne des droits fondamentaux, en particulier l'inviolabilité de la vie humaine (article premier de la Charte), l'interdiction de faire du corps humain une « source de profit » (article 3) et le droit des enfants à connaître leurs parents et leurs origines (article 24) ;
· considéré que la disposition de la proposition de règlement prévoyant que la Commission européenne pourrait définir seule le contenu du certificat européen de filiation par un acte délégué, alors que ce certificat est la disposition essentielle du texte, était inappropriée et contraire au principe de subsidiarité (les actes délégués, comme cela a été précédemment expliqué, ne pouvant être relatifs qu'à des « éléments non essentiels » des directives et règlements européens).
Dans sa réponse en date du 12 juin 2023, la Commission européenne a d'abord estimé que les « différences entre les États membres pour ce qui est du droit matériel de la famille et des règles de droit international privé » « caus(aie)nt des difficultés aux citoyens souhaitant faire reconnaître une filiation dans un autre État membre. »
Concernant les imprécisions du texte, la Commission européenne a admis que le nombre de personnes concernées par la réforme était plutôt 103 000 « parents mobiles » et leurs enfants et non « deux millions ». Elle a confirmé l'interprétation des situations transfrontières donnée par le Sénat, à savoir une situation concernant « au moins deux États membres ».
Elle a estimé que la proposition respectait les compétences des États membres « en ce qui concerne l'adoption de mesures relatives au droit matériel de la famille, telles que des règles touchant à la définition de la famille ou aux conditions d'établissement de la filiation en vertu du droit national. » Elle a simultanément réaffirmé sa compétence pour « adopter des mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière ».
Reconnaissant que « le droit de l'Union européenne en matière de libre circulation n'impos(ait) pas aux États membres de reconnaître la filiation aux fins de droits fondamentaux (voir arrêt VMA/Stolichna obstina du 14 décembre 2021 de la CJUE) », elle a considéré que cette situation pouvait « avoir des conséquences négatives importantes pour les enfants » et a affirmé que l'intérêt supérieur de l'enfant guidait le contenu de sa réforme.
Elle a justifié son choix d'un règlement par la nécessité d'user d'un instrument « garantissant une interprétation et une application pleinement cohérentes des règles ».
Sans autre explication, elle a également souligné que la réforme préserverait « l'aptitude qu'ont les États membres de réglementer la gestation pour autrui - y compris en l'interdisant - sur leur territoire ».
Elle a enfin argumenté en faveur de la délégation de compétences qui lui serait octroyée par la proposition de règlement pour définir le contenu du certificat européen de filiation, précisant que cette délégation serait soumise à des conditions strictes (consultation d'experts préalable ; possibilité pour le Conseil de la révoquer) et qu'une telle délégation existait déjà dans le domaine des successions147(*).
Par la suite, le Parlement européen a adopté une position favorable à la réforme (14 décembre 2023) tout en rappelant que la question la plus sensible, celle de la GPA, demeurait de la compétence des États membres. En revanche, les débats semblent voués à durer au Conseil, certains États membres étant hostiles au principe même de la réforme (Hongrie ; Slovaquie). Dans les discussions en cours, les autorités françaises ont bien relayé les observations du Sénat sur la nécessaire compatibilité du dispositif prévu avec la Charte européenne des droits fondamentaux, et sur le respect de la prohibition de la GPA en droit français. À ce stade, la présidence belge, qui espère une orientation générale sur le texte en juin prochain, a présenté une proposition de compromis permettant aux États membres de ne pas reconnaître les filiations issues d'une GPA.
c) La résolution n° 125 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement COM (2022) 677 final du Parlement européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets d'emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE
Ce texte a pour objet d'actualiser les normes européennes relatives aux emballages et aux déchets d'emballages pour répondre aux enjeux du « Pacte vert pour l'Europe ». Présentée dans le cadre du plan d'action en faveur de l'économie circulaire (rendu public le 11 mars 2020), cette proposition prévoit de nouvelles exigences pour la mise sur le marché d'emballages ainsi qu'en matière de collecte, de recyclage et de réemploi des déchets d'emballages, afin de réduire la quantité de ces déchets et rendre recyclables tous les emballages produits dans l'Union européenne.
Dans cette résolution, le Sénat a :
· déploré le choix d'un règlement, qui « prive les États membres de marge de manoeuvre » et estimé que la base juridique visée, à savoir l'article 114 du TFUE précité, était insuffisante pour fonder seule la nouvelle proposition, en risquant «de remettre en cause des législations nationales plus ambitieuses en matière d'économie circulaire ». Il a ajouté que le texte aurait dû être également basé sur l'article 192 du TFUE, relatif à la politique environnementale, la réduction du nombre d'emballages étant un objectif environnemental avant d'être un moyen de développer le marché intérieur ;
· souligné que la disposition de la proposition imposant aux États membres la mise en place d'un système de consigne pour les bouteilles en plastique et les canettes d'aluminium à usage unique (sauf à ceux qui atteindraient les objectifs de collecte de 90 % par d'autres moyens) ignorait les efforts actuels des États membres et de leurs collectivités territoriales en la matière.
Dans sa réponse en date du 25 juillet 2023, la Commission européenne a justifié simultanément le choix d'un règlement, « instrument juridique idoine », et la référence à l'article 114 du TFUE, pour répondre aux demandes de « l'industrie européenne » qui regrettait « la mosaïque d'exigences nationales » et plaidait « en faveur d'une plus grande harmonisation et d'une réduction de la charge administrative ».
Elle a souligné que le nouveau dispositif devait permettre d'imposer des obligations directes aux opérateurs économiques, d'assurer une plus grande sécurité juridique et de réduire les distorsions de concurrence.
Mentionnant l'analyse d'impact de la proposition, elle a affirmé que ces règles européennes plus strictes permettraient paradoxalement aux États membres de « bénéficier d'une plus grande flexibilité » car elles apporteraient de la clarté.
Enfin, concernant l'imposition d'un dispositif de consigne aux États membres, la Commission européenne est demeurée inflexible, rappelant la dérogation prévue pour les États membres les plus efficaces dans leur collecte et soulignant qu'un « grand nombre de bouteilles en plastique et de boîtes métalliques finiss(ai)ent par être incinérées, mises en décharge voire abandonnées dans la nature. »
Le compromis trouvé sur cette réforme, le 4 mars 2024, par les négociateurs européens en trilogue, toujours fondé sur l'article 114 précité, a bien maintenu le système de consigne obligatoire envisagé pour les bouteilles en plastique et les canettes métalliques (objectif d'une collecte spécifique de ces bouteilles et canettes d'au moins 90 % par an d'ici à 2029). Ce dispositif ne s'appliquera ni aux systèmes nationaux et locaux qui remplissaient déjà l'objectif de 90 % ni à ceux qui doivent atteindre un taux de collecte séparée en 2026148(*).
d) La résolution n° 111 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement COM(2023) 147 final du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie, en date du 22 mai 2023
Cette résolution a été adoptée par le Sénat au sujet des nouvelles compétences de l'ACER, préoccupation ensuite réintégrée dans sa résolution européenne n° 141 précitée relative à la réforme du marché de l'électricité et déjà examinée.
Dans cette résolution portant avis motivé, le Sénat a :
· rappelé que l'article 194 du TFUE, relatif à la politique de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie, visait, « dans un esprit de solidarité », à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie et la sécurité de l'approvisionnement énergétique mais que la politique énergétique relevait des compétences partagées entre les États membres et l'Union européenne et que les mesures prises ne devaient « pas affecter le droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique » ;
· pris acte du souhait de la Commission européenne de procéder à une révision d'ampleur du règlement (REMIT)149(*), qui a institué l'agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) pour assurer la transparence et l'intégrité du marché de gros de l'énergie, tout en soulignant que cette révision ne lui semblait pas justifiée par d'éventuelles « menaces systémiques » ou par des difficultés de mise en oeuvre ;
· insisté sur l'articulation insuffisante entre les pouvoirs d'enquête des régulateurs nationaux et les nouveaux pouvoirs qui seraient attribués à l'ACER en matière de lutte contre les abus de marché et sur le caractère disproportionné des nouvelles obligations de communication qui s'imposeraient aux autorités de régulation nationales au profit de l'ACER ;
· refusé l'octroi de compétences normatives propres à l'ACER alors qu'elle est par essence un organe chargé d'assister les autorités nationales compétentes dans leur pouvoir de régulation.
Dans sa réponse, en date du 4 août 2023, la Commission européenne a d'abord contesté la position de principe du Sénat, affirmant que « l'évolution récente du marché intérieur de l'énergie et l'expérience acquise dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement REMIT » (montraient) « la nécessité de mettre à jour ce règlement ». La Commission a particulièrement visé les limites du système actuel de contrôle décentralisé (i.e. national), estimant qu'elles pouvaient « déboucher sur une surveillance et une supervision insuffisantes du marché. », malheureusement sans donner d'exemple concret de ces insuffisances.
Elle a ensuite rappelé que les nouveaux pouvoirs prévus pour l'ACER seraient applicables seulement dans des situations où trois États membres au moins seraient concernés. Puis elle a confirmé que les pouvoirs de coercition et de fixation d'amendes resteraient « dévolus aux États membres ».
Elle a également précisé que l'obligation nouvelle de communication imposée aux autorités nationales et à destination de l'ACER ne concernait que les décisions et informations que ces autorités transmettent déjà publiquement aux juridictions nationales compétentes : « Aucune information ne serait communiquée à l'ACER dans la mesure où celle-ci ne serait pas rendue publique en raison de restrictions juridiques. »
Par la suite, comme déjà indiqué, la proposition de refonte a été adoptée par les négociateurs européens en trilogue, le 16 novembre dernier. Ce compromis a validé l'extension des prérogatives de l'ACER mais a introduit un pouvoir d'objection des États membres leur permettant de s'opposer à la mise en oeuvre de ses pouvoirs d'enquête.
EXAMEN EN COMMISSION
__________
M. Jean-François Rapin, président. - Il me revient de vous faire part du bilan de notre travail au cours de la session parlementaire 2022-2023.
Je tiens d'abord à vous remercier, mes chers collègues, pour votre présence et pour la qualité de nos échanges. Lors de la session 2022-2023, l'activité de notre commission a été importante : nous avons tenu 52 réunions de commission, soit 4 de plus que lors de la session précédente, pour un nombre total d'heures de réunions comparable.
La session 2022-2023 a été aussi marquée par l'intensité de notre travail d'influence auprès des institutions européennes. Ce travail, qui n'est pas toujours naturel pour les parlementaires français que nous sommes, n'en est pas moins essentiel, non seulement pour anticiper les réformes européennes à venir, mais aussi et surtout pour obtenir qu'elles intègrent nos priorités.
Ce dialogue politique s'est d'abord traduit par des échanges fructueux avec nos homologues ukrainiens et moldaves, mais aussi par l'accueil d'une délégation du Sénat roumain, au Sénat et dans les Hauts-de-France, ou encore, par une réunion commune avec des représentants des groupes politiques du Parlement européen, à Strasbourg. Plusieurs auditions importantes ont également marqué la session : celle du commissaire européen à l'agriculture, M. Janusz Wojciechowski, le 1er mars 2023, au cours de laquelle nous avions souligné la nécessité de réorienter la politique agricole commune (PAC) afin d'assurer notre souveraineté alimentaire, et celle de Mme Emily O'Reilly, Médiatrice de l'Union européenne, le 12 juillet 2023, qui avait inauguré notre réflexion sur la lutte contre la corruption dans l'Union européenne.
Ce dialogue s'est aussi traduit par 11 déplacements à Bruxelles ou à Strasbourg des rapporteurs de notre commission, pour leur permettre de dialoguer avec des représentants de la Commission européenne, du Parlement européen et des représentations permanentes des États membres. Je veux également rappeler les déplacements organisés en commun avec la commission des lois, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), à Luxembourg les 6 et 7 février 2023, puis à la CEDH, à Strasbourg, le 13 mars 2023, qui nous ont permis de mesurer l'impact de leurs jurisprudences, mais aussi de lever certaines incompréhensions.
Ce dialogue politique s'est aussi manifesté par notre participation aux traditionnelles conférences interparlementaires européennes, en premier lieu, les réunions plénières de la Cosac, à Prague en novembre 2022 et à Stockholm en mai 2023, où nous avons répété l'importance d'une revalorisation de la place des parlements nationaux dans la prise de décision européenne, sur la base des conclusions du groupe de travail de cette même Cosac que j'avais présidé au titre de la présidence française de l'Union européenne.
Pour rappel, ces conclusions, rendues publiques en juin 2022, ont recommandé, par exemple, l'instauration d'un « carton vert » - droit d'initiative qui nous permettrait de mieux contribuer au processus législatif européen - et une extension des délais accordés au contrôle de subsidiarité - dix semaines, contre huit aujourd'hui.
Par ailleurs, notre commission a entendu 18 communications pour éclairer le Sénat sur des enjeux complexes ou des choix à venir. Ces communications ont ainsi permis de mieux comprendre l'impact de la guerre en Ukraine sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et de comprendre les bouleversements qu'emportent les projets de la Commission européenne destinés à renforcer l'industrie européenne de défense.
Ces communications ont aussi fait le point sur la PAC, sur la politique commerciale européenne ou encore sur les perspectives d'élargissement de l'Union européenne. Elles ont enfin garanti l'information de notre commission sur l'activité des délégations du Sénat à l'assemblée parlementaire (AP) du Conseil de l'Europe (APCE) et à l'AP de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE).
Notre commission a aussi effectué l'examen systématique de l'ensemble des textes européens qui lui sont soumis. Au cours de la session 2022-2023, notre commission a été saisie de 1 077 textes européens au titre de l'article 88-4 de la Constitution, soit une hausse de 13 % par rapport à la session précédente. Elle en a examiné de plus près le quart, donc 283 textes, soit en procédure écrite, soit directement lors de ses réunions. Il faut aussi signaler qu'environ la moitié des textes soumis à notre contrôle - 586 exactement - ont fait l'objet d'une procédure d'accord tacite après 72 heures, surtout pour des textes liés à la guerre en Ukraine.
Sur la base des textes européens reçus par notre commission, 18 résolutions européennes, soit autant qu'au cours de la session précédente, ont été adressées par le Sénat au Gouvernement, au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Dans un peu plus de 61 % des cas, ces positions exprimées par le Sénat ont été prises en compte en totalité ou en majorité.
Parmi les 11 résolutions qui ont été le mieux suivies d'effets, je citerai les résolutions relatives à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes, à la réforme du marché de l'électricité ou encore à la régulation de l'intelligence artificielle (IA). Nous pouvons être fiers de notre résolution sur les travailleurs des plateformes, qui participe à l'encadrement, pour la première fois, d'un secteur qui n'obéissait véritablement à aucune règle, d'une part en limitant l'utilisation de l'IA pour contrôler ces travailleurs, et d'autre part, en permettant de requalifier leurs situations en salariat lorsque le lien de dépendance entre l'employeur et l'employé est prouvé.
Je veux aussi mentionner notre résolution sur la protection de la filière pêche française, qui a utilement sonné l'alarme face à un projet « hors sol » de suppression des activités de pêche au chalut dans les aires marines protégées, au nom de la biodiversité, sans tenir compte des efforts entrepris. Notre résolution européenne dénonçant les transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens a été la première, initiant un mouvement qui a contribué à appuyer l'action des autorités françaises, ukrainiennes et européennes, à la fois pour poursuivre les responsables de ces crimes et pour obtenir le retour des enfants dans leur famille.
Par ailleurs, en l'état des négociations européennes, qui ne sont pas toujours achevées, on peut estimer que 5 résolutions européennes ont été partiellement suivies d'effets. Il s'agit par exemple de nos résolutions sur les droits fondamentaux en Iran - où, malheureusement, la situation des femmes n'a connu aucune amélioration - et sur l'approvisionnement en matières premières critiques. Est aussi concernée notre résolution sur l'avenir de Frontex. À cet égard, si nos préconisations sur son déploiement dans les pays tiers des Balkans et d'Afrique ont été reprises par le Gouvernement, il n'en va pas de même pour celles destinées à permettre à Frontex d'agir plus efficacement dans ses missions d'appui aux contrôles des frontières et à mieux associer les parlements nationaux à son pilotage. Je le déplore car, dans le même temps, les flux migratoires irréguliers ont continué à augmenter.
Enfin, signalons que 2 résolutions adoptées par le Sénat n'ont pas connu de suites positives. La première, relative aux négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, a confirmé l'isolement de la France, qui refuse que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se voie reconnaître une compétence en matière de politique étrangère et de sécurité commune (Pesc). Les négociations se poursuivent, mais la vigilance est de mise.
La seconde résolution est relative au dossier qui, pour l'heure, constitue le plus grave échec du mandat von der Leyen, à savoir celui de la prévention et de la lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne. Ce cadre européen n'est en effet toujours pas en place. Notre résolution demandait l'adoption d'une architecture pérenne permettant d'accroître l'efficacité de cette lutte sans installer une surveillance généralisée de l'ensemble des communications. Les partisans de la protection des enfants et ceux de la vie privée continuent toutefois à s'opposer stérilement. Espérons néanmoins qu'un accord sera prochainement trouvé, car il s'agit d'un enjeu d'intérêt général.
Nous avons aussi contribué à nourrir le dialogue politique informel institué avec la Commission européenne par nos avis politiques. Dans ce cadre, les parlements nationaux des États membres de l'Union européenne ont adressé à la Commission européenne 355 avis en 2022, contre 360 en 2021. Pour sa part, au cours de la session parlementaire 2022-2023, le Sénat a adopté 16 avis politiques - soit 1 de plus qu'en 2021-2022 - ce qui en fait la neuvième assemblée parlementaire de l'Union européenne la plus active à cet égard.
La majorité de ces avis avaient le même contenu que nos résolutions européennes. Par exception, je veux citer l'avis politique adopté sur la stratégie pharmaceutique européenne. Je veux aussi souligner l'importance de l'avis présenté avec Didier Marie sur le programme de travail de la Commission européenne, qui comprend des recommandations de méthode à l'adresse de la prochaine Commission européenne, en particulier pour lui demander de présenter une analyse d'impact avec chaque nouveau projet et de respecter scrupuleusement le multilinguisme.
Je tiens à souligner que la Commission européenne a répondu systématiquement à nos avis politiques. En revanche, alors qu'elle a pris un engagement de principe consistant à nous répondre dans un délai de trois mois, son délai de réponse reste insuffisant, avec seulement 28 % de ses réponses envoyées au Sénat dans les délais.
Enfin, notre commission des affaires européennes a été saisie par la Commission européenne de 123 textes sur la période concernée, au titre du contrôle de subsidiarité que les traités confient aux parlements nationaux.
Pour rappel, au titre de ce contrôle, chaque parlement national dispose de deux voix - dans les systèmes bicaméraux, chaque chambre dispose d'une voix. Si plus d'un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux dénoncent, par le biais d'un avis motivé, une entorse au principe de subsidiarité, la Commission européenne doit réexaminer sa proposition. Ce seuil est moins élevé, puisqu'un quart des voix suffisent, lorsqu'il s'agit de projets d'actes législatifs dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité. C'est la procédure dite du « carton jaune ».
En ce qui concerne le Sénat, les 123 textes ont été examinés par le groupe de travail subsidiarité de notre commission, qui comprend un représentant de chaque groupe politique. Sur recommandation de ce groupe, un rapporteur peut être nommé. Et sur son rapport, le Sénat peut adopter un avis motivé prenant la forme d'une résolution dans laquelle il indique les raisons pour lesquelles la proposition ne lui paraît pas conforme au principe de subsidiarité. En pratique, le Sénat vérifie alors si l'Union européenne est bien compétente pour proposer une telle initiative, si la base juridique choisie est pertinente et si l'initiative proposée apporte une « valeur ajoutée » européenne. Le Sénat vérifie également si le projet n'excède pas ce qui est nécessaire pour mettre en oeuvre les objectifs poursuivis.
En 2022-2023, notre commission a adopté 4 avis motivés, relatifs au projet d'acte sur la liberté des médias, à celui créant un certificat européen de filiation, aux nouvelles normes européennes relatives aux emballages et au marché de gros de l'énergie.
Ce contrôle est essentiel, parce qu'il est l'un des seuls pouvoirs reconnus aux parlements nationaux dans les traités et dans notre Constitution. Pour rappel, cette mission est fixée par l'article 88-6 de la Constitution, qui prévoit que « l'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité ».
Ce contrôle est également essentiel car il constitue la seule garantie du respect de la répartition des compétences entre États membres et Union européenne prévue par les traités. Cela est d'autant plus important au moment où les prérogatives européennes des parlements nationaux diminuent, sous l'effet conjugué de trois évolutions.
Tout d'abord, depuis 2019, et à traités constants, l'Union européenne obtient de nouvelles compétences en lieu et place des États membres, par exemple pour mener la transition écologique et la numérisation de nos économies, ou pour tirer les leçons de la guerre en Ukraine. Dans son avis sur le marché de gros de l'énergie, le Sénat a ainsi estimé que les nouveaux pouvoirs confiés à l'agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) allaient faire « doublon » avec ceux existants au niveau national.
Pour mettre en oeuvre ses réformes, la Commission européenne propose ensuite désormais beaucoup de règlements en lieu et place des directives. Or si les directives sont des textes qui doivent être transposés en droit interne et laissent donc une marge d'appréciation aux parlements nationaux, les règlements sont des textes d'effet direct et d'application immédiate. Le Sénat a critiqué cette tendance dans ses avis sur la liberté des médias et sur les règles de filiation.
De nombreux textes prévoient enfin des actes délégués qui ne sont pas soumis au contrôle des parlements. Ces actes délégués peuvent en principe être pris par la Commission européenne pour interpréter ou compléter des éléments accessoires d'un texte législatif, mais en pratique, la Commission européenne y recourt très souvent pour modifier des dispositions essentielles des réformes.
Nous l'avions souligné dans l'avis motivé adopté sur la proposition de règlement sur le certificat européen de filiation. En effet, la Commission européenne s'y réservait le pouvoir de définir le contenu de ce certificat par acte délégué, alors que ce certificat est la disposition essentielle de cette réforme et que celle-ci n'est pas du tout consensuelle entre les États membres.
Le sort de nos avis motivés est variable, mais l'on peut noter que l'acte sur la liberté des médias a été modifié dans un sens favorable aux positions du Sénat. De même, sur le marché de gros de l'énergie, la Commission européenne a introduit un pouvoir d'objection des États membres qui leur permet de s'opposer - au cas par cas - au nouveau pouvoir d'enquête conféré à l'agence européenne compétente. Enfin, sur la filiation, nos demandes fermes de respect de la jurisprudence de la CEDH et de non-reconnaissance des filiations liées à la gestation pour autrui (GPA) ont été reprises par le Gouvernement et devraient l'emporter au terme des négociations.
Au final, ces réussites doivent nous inciter à rester en veille sur l'actualité européenne et à continuer de travailler pour concevoir des résolutions et avis afin de convaincre les institutions européennes du bien-fondé de nos positions. Faisons vivre ces procédures. C'est un enjeu majeur pour maintenir l'influence européenne du Sénat et pour permettre à nos concitoyens d'exprimer leurs priorités relatives à l'Union européenne.
La commission des affaires européennes autorise la publication du rapport d'information, disponible en ligne sur le site du Sénat.
ANNEXE
RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES ADOPTÉES PAR LE SÉNAT ENTRE LE 1ER OCTOBRE 2022 ET LE 30 SEPTEMBRE 2023150(*)
Auteur(s) |
Texte européen concerné |
Examen par la commission des affaires européennes |
Examen par la commission permanente compétente |
Résolution du Sénat |
|
1) PPRE151(*) relative à la proposition de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, déposée le 5 octobre 2022 |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, au nom de la commission des affaires européennes |
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 09/12/2021 relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, COM(2021) 762 final |
Examen en date du 5 octobre 2022. |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 17 du Sénat, en date du 14 novembre 2022 |
2) PPRE sur l'avenir de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), déposée le 8 décembre 2022 |
MM. François-Noël Buffet et Jean-François Rapin |
Règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) n°1052/2013 et (UE) 2016/1624 |
Examen et adoption du rapport de M. Jean-François Rapin, rapporteur, du 14 décembre 2022. Adoption de la PPRE n°210. |
Examen par la commission des lois, le 1er février 2023. Rapport de M. Arnaud de Belenet, rapporteur. PPRE n°298. |
Adoption en séance publique par le Sénat, le 8 février 2023. Résolution européenne n° 55 du Sénat, en date du même jour. |
3) PPRE visant à prendre des mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux commises en Iran, en date du 4 janvier 2023 |
Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues |
Conclusions du Conseil européen du 15 décembre 2022 |
Examen et adoption du rapport de M. Pascal Allizard, rapporteur, du 2 février 2023. PPRE n° 311 |
Examen par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 15 février 2023.Rapport de M. Pascal Allizard, rapporteur. PPRE n° 356 |
Résolution européenne n° 64 du Sénat, en date du 24 février 2023 |
4) PPRE sur le volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune des négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, déposée le 30 janvier 2023 |
MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon et Jean-François Rapin |
Protocole n° 8 annexé aux traités de l'Union européenne, relatif à l'article 6, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne sur l'adhésion de l'Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales |
Examen et adoption du rapport de M. Jean-François Rapin, rapporteur, le 2 février 2023. PPRE n° 309 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 67 du Sénat, en date du 7 mars 2023 |
5) PPRE sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023, déposée le 8 février 2023 |
MM. Jean-François Rapin et Didier Marie, au nom de la commission des affaires européennes |
Communication de la Commission européenne portant programme de travail pour 2023 « Une Union qui montre sa fermeté et son unité » COM(2022) 548final |
Examen du 8 février 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 69 du Sénat, en date du 13 mars 2023 |
6) PPRE dénonçant les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie, déposée le 10 février 2023 |
M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues |
Règlement (UE) 2022/838 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 modifiant le règlement (UE) 2018/1727 en ce qui concerne la préservation, l'analyse et la conservation, au sein d'Eurojust, des éléments de preuve relatifs aux génocides, aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre et aux infractions pénales connexes |
Examen et adoption du rapport de MM. André Gattolin et Claude Kern, rapporteurs, le 9 mars 2023. PPRE n°419 |
Examen par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, le 5 avril 2023. PPRE n°503 |
Résolution européenne n° 95 du Sénat, en date du 17 avril 2023 |
7) PPRE sur la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants, déposée le 15 février 2023 |
M. Ludovic Haye, Mme Catherine Morin-Desailly et M. André Reichardt, au nom de la commission des affaires européennes |
Proposition de règlement du 11 mai 2022 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants COM(2022) 209 final |
Examen du 15 février 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 77 du Sénat, en date du 20 mars 2023 |
8) PPRE relative à la proposition de règlement établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle et modifiant certains actes législatifs de l'Union, déposée le 30 mars 2023 |
M. André Gattolin, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Cyril Pellevat et Mme Elsa Schalck, au nom de la commission des affaires européennes |
.Proposition de directive du 28 septembre 2022 du Parlement européen et du Conseil relative à l'adaptation des règles en matière de responsabilité civile extracontractuelle au domaine de l'intelligence artificielle (Directive sur la responsabilité en matière d'IA) COM(2022) 496 final .Proposition de règlement du 21 avril 2021 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle (législation sur l'intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l'Union COM(2021) 206 final |
Examen du 30 mars 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 100 du Sénat, en date du 9 mai 2023 |
9) PPRE sur l'instrument du marché unique pour les situations d'urgence, déposée le 31 mars 2023 |
Mmes Amel Gacquerre et Christine Lavarde, et M. Didier Marie, au nom de la commission des affaires européennes |
.Proposition de directive du 19 septembre 2022 du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2000/14/CE, 2006/42/CE, 2010/35/UE, 2013/29/UE, 2014/28/UE, 2014/29/UE, 2014/30/UE, 2014/31/UE, 2014/32/UE, 2014/33/UE, 2014/34/UE, 2014/35/UE, 2014/53/UE et 2014/68/UE en ce qui concerne des procédures d'urgence pour l'évaluation de la conformité, l'adoption de spécifications communes et la surveillance du marché en situation d'urgence pour le marché unique COM(2022) 462 final .Proposition de règlement du 19 septembre 2022 du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2016/424, (UE) 2016/425, (UE) 2016/426, (UE) 2019/1009 et (UE) nº 305/2011 en ce qui concerne des procédures d'urgence pour l'évaluation de la conformité, l'adoption de spécifications communes et la surveillance du marché en situation d'urgence pour le marché unique COM(2022) 461 final .Proposition de règlement du 19 septembre 2022 du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument du marché unique pour les situations d'urgence et abrogeant le règlement (CE) n° 2679/98 du Conseil COM(2022) 459 final |
Examen du 29 mars 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 101 du Sénat, en date du 9 mai 2023 |
10) PPRE relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne |
M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues |
« Plan d'action de l'UE: Protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente » COM(2023) 102 final |
Examen et adoption du rapport de M. Alain Cadec, rapporteur, le 24 mai 2023 PPRE n°634 |
Examen par la commission des affaires économiques. Rapport de M. Alain Cadec, rapporteur, le 31 mai 2023. PPRE n°656 |
Résolution européenne n° 125 du Sénat, en date du 6 juin 2023 |
11) PPRE relative à la proposition de règlement sur les redevances et les droits dus à l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 297/95 du Conseil et le règlement (UE) n° 658/2014 du Parlement européen et du Conseil, déposée le 4 mai 2023 |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, au nom de la commission des affaires européennes |
Agence européenne des médicaments COM(2022) 721 final |
Examen du 4 mai 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 127 du Sénat, en date du 9 juin 2023 |
12) PPRE sur la proposition de règlement fixant des règles harmonisées pour l'équité de l'accès aux données et de l'utilisation des données (règlement sur les données), déposée le 11 mai 2023 |
Mme Florence Blatrix-Contat, M. André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires européennes |
Règlement sur les données COM(2022) 68 final |
Examen du 11 mai 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 140 du Sénat, en date du 16 juin 2023 |
13) PPRE sur la gestion des déchets dans les outre-mer, déposée le 22 mai 2023 |
Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet |
Communication : « Donner la priorité aux citoyens, assurer une croissance durable et inclusive, libérer le potentiel des régions ultrapériphériques de l'Union » COM(2022) 198 final |
Examen et adoption du rapport de Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda, rapporteurs, le 21 juin 2023 PPRE n°763 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 167 du Sénat, en date du 25 juillet 2023 |
14) PPRE sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7) et abrogeant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009, déposée le 24 mai 2023 |
Mme Pascale Gruny, M. Jean-Michel Houllegatte et M. Dominique de Legge, au nom de la commission des affaires européennes |
Émissions et durabilité des batteries de véhicules COM(2022)586 final |
Examen du 24 mai 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 149 du Sénat, en date du 30 juin 2023 |
15) PPRE relative aux propositions de règlements portant réforme du marché de l'électricité, déposée le 1er juin 2023 |
MM. Daniel Gremillet et Claude Kern, au nom de la commission des affaires européennes |
*Organisation du marché de l'électricité de l'Union (COM(2023) 148 final)
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Examen du 1er juin 2023 |
Examen par la commission des affaires économiques, le 7 juin 2023. Rapport de M. Daniel Gremillet, rapporteur. PPRE n°698 |
Résolution européenne n° 141 du Sénat, en date du 19 juin 2023 |
16) PPRE sur la proposition de règlement relatif à l'espace européen des données de santé, déposée le 5 juillet 2023 |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, au nom de la commission des affaires européennes |
Espace européen des données de santé COM(2022)197 final |
Examen du 5 juillet 2023 |
Examen par la commission des affaires sociales, le 11 juillet 2023. Rapport de Mme Catherine Deroche, rapporteur. PPRE n° 875 |
Résolution européenne n° 165 du Sénat, en date du 17 juillet 2023 |
17) PPRE sur la proposition de règlement relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net », déposée le 13 juillet 2023 |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, au nom de la commission des affaires européennes |
Règlement pour une industrie « zéro net » COM(2023) 161 final |
Examen du 13 juillet 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 169 du Sénat, en date du 25 août 2023 |
18) PPRE sur la proposition de règlement établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020, déposée le 13 juillet 2023 |
Mme Amel Gacquerre, MM. Daniel Gremillet et Didier Marie, au nom de la commission des affaires européennes |
Cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques COM(2023) 160 final |
Examen du 13 juillet 2023 |
Pas d'examen |
Résolution européenne n° 168 du Sénat, en date du 18 août 2023 |
PPRE : proposition de résolution européenne
* 1 Résolution européenne n°67 (2022-2023) du 7 mars 2023 sur le volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune des négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
* 2 Islande ; Liechtenstein ; Norvège.
* 3 Royaume-Uni ; Suisse.
* 4 Candidatures déposées ou officielles : Albanie ; Bosnie-Herzégovine ; Géorgie ; Kosovo ; Macédoine du Nord ; Moldavie ; Monténégro ; Serbie ; Turquie ; Ukraine.
* 5 Plusieurs catégories de textes spécifiques comme les nominations, les virements ou les textes PESC font l'objet d'une procédure d'accord tacite négociée entre les deux assemblées et le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), rattaché au Premier ministre. Une fois passé un délai de 72 h après leur dépôt, la réserve d'examen des textes relevant de ces catégories est considérée comme levée.
* 6 Ce nombre de textes rassemble 5 textes présentés en 2021-2022 et traités en 2022-2023 et 1072 textes présentés et traités en 2022-2023.
* 7 Le détail de la procédure d'adoption de ces résolutions européennes est rappelé en annexe du présent rapport.
* 8 Proposition de résolution européenne n° 657 (2022-2023) invitant le Gouvernement à agir au niveau européen et international pour appuyer la relance du processus de paix et de réconciliation entamée par l'accord de paix pour l'Irlande du nord, déposée le 31 mai 2023.
* 9 Les initiatives législatives constituant ce paquet et les auteurs de la résolution sont recensés dans l'annexe du présent rapport.
* 10 « L'influence du Sénat sur l'élaboration des textes européens », rapport d'information n° 487 (2022-2023) de M. Jean-François Rapin, président, au nom de la commission des affaires européennes.
* 11 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil COM(2022) 71 final.
* 12 Selon le texte initial, la réforme était applicable aux entreprises européennes en fonction de deux seuils (500 salariés et 150 millions de chiffre d'affaires mondial ou 250 salariés et 40 millions de chiffre d'affaires net mondial en cas d'activité à fort impact).
* 13 Sont visées : toute dégradation mesurable de l'environnement, telle qu'une modification nocive des sols, une pollution de l'eau ou de l'air, des émissions nocives, une consommation excessive d'eau ou d'autres incidences sur les ressources naturelles.
* 14 Trois après l'adoption du texte, ce dernier entrera en vigueur pour les entreprises de plus de 5 000 employés et réalisant un chiffre d'affaires de plus d'1,5 milliard d'euros. Puis, l'année suivante, le dispositif sera applicable aux entreprises de 3 000 employés et réalisant un chiffre d'affaires de 900 millions d'euros et, enfin, cinq ans après l'adoption de la réforme, aux entreprises de 1 000 employés (effectif qui était visé dans la résolution du Sénat) et réalisant un chiffre d'affaires de 450 millions d'euros.
* 15 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances.
* 16 Rapport n° 2222 (seizième législature) relative à la révision du règlement européen « REACH » sur les substances chimiques de M. Nicolas Thierry, député, au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, 15 février 2024.
* 17 Proposition de directive COM(2023) 71 final présentée par la Commission européenne le 13 février 2023. La VLB a été abaissée de 70ìg (microgrammes)/100ml à 15 ìg/ml et la VLEP, de 0,15mg/m3 à 0,03mg/m3.
* 18 Amnesty international ; Centre pour les libertés civiles ukrainien ; « Pour l'Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ».
* 19 Rapport de la faculté de santé publique de cette université en date du 14 février 2023.
* 20 La CPI y participe activement aux cotés de la Lettonie, de la Lituanie, de l'Estonie, de la Slovaquie et de l'agence européenne de coopération policière Europol.
* 21 Cinq demandes d'entraide (DEPI) ont été transmises par la France à la CPI. Quatre d'entre elles concernent des allégations de déportation et de transfert forcé de civils et particulièrement d'enfants. La France a mis à disposition de la CPI une équipe composée d'un magistrat et de quatre enquêteurs. En outre, le juge français Nicolas Guillou a été élu, le 9 décembre 2023, au sein de la CPI pour neuf ans. Enfin, la France verse une contribution de 16 millions d'euros (en 2024) soit 8,3 % du budget de la Cour.
* 22 Au 3 janvier 2024, les conseils départementaux français accueillaient 172 mineurs de nationalité ukrainienne ayant bénéficié d'une prise en charge compte tenu de leur minorité et de leur isolement.
* 23 COM(2021) 762 final.
* 24 Obligation pour les plateformes de déclarer le travail effectué ; accès des travailleurs concernés aux informations pertinentes sur leur travail via la plateforme en cause ; instauration de voies de recours pour les travailleurs concernés en cas de violation des droits posés par la proposition de directive...
* 25 Les plateformes de livraison de repas ou proposant des services de mobilité, ainsi que les entreprises intermédiaires mettant des travailleurs à leur disposition, sont visées par le texte à la différence des plateformes de mises en relation, des centrales taxis, des plateformes associatives et non lucratives, ainsi que les agents commerciaux.
* 26 La proposition de directive initiale posait cinq critères européens pour définir le contrôle du travail d'une personne par une plateforme numérique et identifiait une relation de travail entre eux dès lors que deux de ces cinq critères étaient réunis : la plateforme détermine effectivement le niveau de rémunération du travailleur (ou en fixe les plafonds) ; elle exige de la personne le respect de règles impératives d'apparence, de conduite à l'égard du destinataire du service ou d'exécution du travail ; elle supervise l'exécution du travail ou vérifie la qualité de ses résultats ; elle limite, en particulier par la voie de sanctions, la liberté du travailleur (horaires de travail ; absences...) ; elle restreint la possibilité pour la personne de se constituer une clientèle ou de travailler pour un tiers.
* 27 Une communication sur la transition énergétique des secteurs de la pêche et de l'aquaculture de l'Union européenne ; une communication sur la politique commune de la pêche aujourd'hui et demain ; un rapport sur le fonctionnement de l'organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture ; un plan d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d'une pêche « durable et résiliente ».
* 28 Le réseau Natura 2000, constitué d'un ensemble de sites naturels, terrestres et marins, vise à assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés, à forts enjeux de conservation en Europe. L'objectif de la démarche européenne est double : la préservation de la diversité biologique et du patrimoine naturel et la prise en compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des spécificités régionales.
* 29 Dès le 8 mars 2023, le secrétaire d'État à la Mer, M. Hervé Berville, déclarait au Sénat que « la France et le Gouvernement (étaient) totalement opposés à la mise en oeuvre de l'interdiction des engins de fonds dans les aires marines protégées. »
* 30 Ainsi, entre début 2021 et fin 2022, selon le Conseil de l'Union européenne, les prix moyens de l'énergie dans l'Union européenne étaient passés de 100 à 185 euros pour la consommation et de 100 à 280 euros pour la production, soit une multiplication respective des prix concernés par 2 et 3.
* 31 Communication « REPowerEU : Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable » du 8 mars 2022, COM(2022) 108 final.
* 32 Communication « Interventions sur le marché de l'énergie à court terme et améliorations à long terme de l'organisation du marché de l'électricité - ligne de conduite. »
* 33 Règlement (UE) 2022/1854 du 6 octobre 2022.
* 34 Règlement (UE) 2022/2577 du 22 décembre 2022.
* 35 Règlement (UE) 2022/2578 du 22 décembre 2022.
* 36 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944, COM(2023) 148 final.
* 37 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1227/2011 et (UE) 2019/942, COM(2023) 147 final. Le marché de gros désigne le marché où l'électricité est négociée (achetée et vendue) avant d'être livrée aux clients finaux (particuliers ou entreprises) via le réseau.
* 38 Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules.
* 39 Règlement (CE) n° 595/2009 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs au regard des émissions des véhicules utilitaires lourds (Euro VI) et à l'accès aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules, et modifiant le règlement (CE) n° 715/2007 et la directive 2007/46/CE, et abrogeant les directives 80/1269/CEE, 2005/55/CE et 2005/78/CE.
* 40 Règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l'ambition accrue de l'Union [européenne] en matière de climat.
* 41 Les « biens et services d'importance stratégiques » sont ainsi des biens impossibles à remplacer (« non substituables et non diversifiables ») ou indispensables au maintien d'activités vitales pour le bon fonctionnement du marché intérieur et ses chaînes d'approvisionnement dans des domaines d'importance cruciale et les « biens et services pertinents » sont ceux qui sont essentiels pour faire face à une crise.
* 42 Au terme des négociations de cette réforme, ces technologies recouvrent les technologies nucléaires, solaires, éoliennes, la géothermie, les technologies de l'hydrogène, les technologies de captation et de stockage de carbone, l'hydroélectricité, le biogaz et le biométhane ou encore les technologies d'efficacité énergétique.
* 43 Cadres réglementaires sécurisés prévus pour expérimenter des technologies innovantes.
* 44 Introduction d'une contribution à la durabilité environnementale, qui sera une exigence minimale obligatoire, et d'une contribution à la résilience, appliquée, après évaluation de la Commission européenne, si le niveau de dépendance par rapport à un pays tiers pour une technologie stratégique « zéro net » (ou ses composants) représente plus de 50 %.
* 45 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2021 établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle (législation sur l'intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l'Union [européenne], COM(2021) 206 final.
* 46 Le texte initial visait à ce titre les systèmes d'IA destinés à être utilisés en tant que composants de sécurité de produits et les systèmes d'IA autonomes soulevant principalement des questions quant au respect des droits fondamentaux.
* 47 Selon l'OCDE, « Un système d'IA est un système basé sur une machine qui peut, pour un ensemble donné d'objectifs explicites ou implicites définis par l'homme, déduire, à partir des données qu'il reçoit, comment générer des résultats tels que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions qui peuvent influencer des environnements physiques réels ou virtuels. Les différents systèmes d'IA sont conçus pour fonctionner avec des niveaux d'autonomie et d'adaptabilité variables après leur déploiement. »
* 48 Respect de la confidentialité des données opérationnelles sensibles utilisées ; institution d'une procédure permettant le déploiement d'un outil d'IA à haut risque n'ayant pas passé avec succès la procédure d'évaluation de sa conformité en cas d'urgence ; possible utilisation de systèmes d'identification biométrique à distance « en temps réel » dans des espaces accessibles au public pour la prévention de certaines menaces (attentats terroristes) ou pour rechercher des personnes soupçonnés de crimes graves.
* 49 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
* 50 Une contribution du budget de l'Union européenne, d'un montant de 810 millions euros, est prévue à cet égard.
* 51 Utilisation destinée à la fourniture de services de santé visant à évaluer, maintenir ou rétablir l'état de santé de la personne physique à laquelle les données appartiennent.
* 52 Utilisation à des fins de recherche médicale, d'innovation, de sécurité des patients ou d'activités réglementaires.
* 53 Établissement d'un diagnostic ; préparation d'un traitement ; sauvegarde d'intérêts vitaux.
* 54 Demande satisfaite seulement sur autorisation expresse de l'organisme responsable de l'accès aux données ; suppression du principe de consentement tacite des patients ; information du patient.
* 55 Catégories prioritaires de données de santé à caractère personnel pour un traitement à des fins d'utilisation primaire ou d'utilisation secondaire ; obligations des détenteurs de données ; informations à fournir dans le cadre d'une demande d'accès aux données à des fins d'utilisation secondaire.
* 56 Ces mesures restrictives comprennent le gel des avoirs des personnes concernées, une interdiction de pénétrer sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, une interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à disposition de ces personnes et une interdiction d'exportation vers l'Iran d'équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de surveillance ou de répression de la population.
* 5758 Ajout de 18 personnes et 19 entités ayant des responsabilités dans ces violations sur la liste européenne des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives dans le cadre du régime existant de sanctions en matière de droits de l'homme à l'encontre de l'Iran.
* 59 Ajout de 8 personnes et d'1 entité sur la liste précitée, en particulier, des magistrats ayant prononcé des condamnations à mort de manifestants.
* 60 Ajout de 4 personnes et de 6 entités sur la liste précitée. Les mesures restrictives de l'Union européenne étaient alors applicables à 227 personnes et à 43 entités iraniennes.
* 61 COM(2023) 754 final.
* 62 75 à 100 % des métaux exploités dans les États membres de l'Union européenne proviennent de pays tiers et la Chine fournit 98 % des éléments de terres rares à l'Union européenne. 63 % du cobalt présent dans les batteries est extrait en République démocratique du Congo et la Chine en raffine 60 %. Elle fournit aussi 97 % de l'approvisionnement mondial en magnésium.
* 63 La proposition identifie 34 matières premières stratégiques (cobalt ; lithium ; nickel ; phosphate ; tungstène...), dont 16 critiques.
* 64 Selon la Commission européenne, la demande en matières premières critiques devrait être multipliée par dix d'ici à 2030.
* 65 Extrait de la fiche du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) sur le suivi de la résolution européenne du Sénat n° 168 (2022-2023).
* 66 Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l'Union [européenne] pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments.
* 67 Surveillance des éventuels effets indésirables des médicaments.
* 68 Pour la France, il s'agit de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).
* 69 L'enjeu est grand pour l'EMA dont 90 % du budget sont financés par ces redevances (soit 342 millions d'euros sur 380 en 2021).
* 70 Selon l'EMA, en 2022, le montant global versé aux ANC était de 143,1 millions d'euros. Avec l'adoption de la présente proposition, selon la Commission européenne, ce montant augmenterait de 17 % (à 167 millions d'euros en 2024). En France, cette perspective était jugée insuffisante par l'ANSM et l'ANMV pour compenser les coûts d'évaluation des produits les plus innovants.
* 71 Rapport d'information n° 195 (2022-2023) en date du 8 décembre 2022.
* 72 Depuis la fin des années 2000, le volume des transferts de déchets des outre-mer vers l'Hexagone a doublé.
* 73 Guadeloupe ; Guyane française ; La Réunion ; Martinique ; Mayotte ; Saint-Martin.
* 74 Nouvelle-Calédonie ; Polynésie française ; Saint-Barthélemy ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
* 75 Sur la période 2014-2020, le FEDER a ainsi été mis en oeuvre à hauteur de 155 millions d'euros, pour soutenir une meilleure gestion des déchets dans 5 RUP (Guadeloupe ; Guyane ; La Réunion ; Martinique ; Mayotte).
* 76 Règlement (CE) 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.
* 77 Cet article affirme en particulier que « compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application des traités à ces régions (...). »
* 78 Seuls l'Espagne (Canaries) et le Portugal (Açores ; Madère) disposent aussi de RUP. Et la France est le seul État membre qui compte des RUP aussi éloignées géographiquement du continent européen.
* 79 Le paragraphe 2 de cet article déclare ainsi que « L'Union (européenne) adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités. »
* 80 L'article 24 du TUE affirme que la compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune (...). La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article 40 du présent traité (selon lequel la mise en oeuvre de la PESC ne doit affecter ni les droits fondamentaux de l'Union européenne, ni ses grands principes : principes d'attribution, de subsidiarité, de proportionnalité...) et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »
* 81 « La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base. »
* 82 Dans les négociations au Conseil comme devant la Cour, la France a préconisé de confier la compétence d'examen des actes PESC au regard des droits fondamentaux protégés par la CEDH, soit aux juridictions nationales des États membres, soit à une juridiction intergouvernementale ad hoc.
* 83 Les abus sexuels sur les enfants ont alors bondi de 64 % selon la fondation Internet watch.
* 84 Selon la Commission européenne, le nombre de ces abus sexuels en ligne commis dans l'Union européenne est ainsi passé de 23 000 en 2010 à 725 000 en 2019.
* 85 Ces démarches ont été autorisées par le règlement (UE) 2021/1232 du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 relatif à une dérogation temporaire à certaines dispositions 2002/58/CE en ce qui concerne l'utilisation des technologies par les fournisseurs de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation pour le traitement de données à caractère personnel et d'autres données aux fins de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne.
* 86 Selon la Commission européenne, les techniques de détection utilisant l'intelligence artificielle sont fiables à 80 % (ce qui induit un pourcentage d'erreurs élevé à 20 %). Pour les experts français, ce taux de fiabilité varie plutôt entre 50 et 70 %.
* 87 La position intermédiaire du centre entre fournisseurs et autorités compétentes aurait pour conséquence de ralentir les suites des signalements transmis. Le centre serait dans les faits installé aux côtés des locaux d'Europol (à La Haye) et devrait bénéficier de ses ressources humaines et matérielles. Son organigramme complexe n'augurerait pas d'une grande efficacité opérationnelle. Et il devrait bénéficier d'un budget annuel de plus de 28 millions d'euros à échéance 2030.
* 88 Créée en 2009, la plateforme PHAROS (pour Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements) reçoit des signalements concernant les contenus illégaux sur Internet, qui peuvent émaner de tout citoyen. Elle sert de relais pour demander, après évaluation du bien-fondé de cette demande, le retrait de ces contenus aux hébergeurs de services en ligne concernés. Par défaut, PHAROS dispose d'un droit de retrait à l'égard des contenus pédopornographiques et terroristes. Le retrait intervient alors dans les 24 heures (article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique). L'équipe de PHAROS est constituée d'une cinquantaine de gendarmes et de policiers.
* 89 Allemagne ; Autriche ; France ; Pologne ; Slovénie.
* 90 Avis conjoint 4/2022 du 28 juillet 2022, qui souligne que la proposition soulève de « graves préoccupations quant à la proportionnalité de l'ingérence envisagée et des limitations à la protection des droits fondamentaux, au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. »
* 91 Les injonctions de détection devraient être plus limitées, ciblant des individus et des groupes liés à des abus sexuels commis, le centre européen devrait être plus visiblement dédié à la protection de l'enfance et la proposition reprendrait les mécanismes d'interdiction d'accès des mineurs aux sites pornographiques défendus par le Sénat (contrôle parental par défaut ; vérification de l'âge des utilisateurs...).
* 92 Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/1232 dérogeant temporairement à certaines dispositions de la directive 2002/58/CE afin de lutter contre les abus sexuels sur les enfants (COM (2023) 777 final).
* 93 Rapport annuel 2022 de la Commission européenne sur l'application des principes de subsidiarité, de proportionnalité et sur les relations avec les parlements nationaux, en date du 12 octobre 2023 (COM(2023) 640 final).
* 94 Le nombre d'avis transmis par les parlements nationaux de l'Union européenne à la Commission européenne est ainsi passé de 620 en 2016, à 576 en 2017, puis 569 en 2018, 159 en 2019, 255 en 2020, 360 en 2021 et 355 en 2022.
* 95 Chambre des représentants de Belgique ; Vouli ton Antiprosopon de Chypre ; Riigikogu d'Estonie ; Vouli ton Ellinon grecque ; Saeima de Lettonie ; Kamra tad-Deputati de Malte ; Drzavni zbor de Slovénie.
* 96 En 2022, le chambres les plus actives dans le dialogue politique ont été le Sénat tchèque (58 avis), les Cortes Generales espagnoles (46 avis), la Camera Deputatilor roumaine (33 avis), la Poslanecka snemovna (assemblée) tchèque (30 avis), le Bundesrat allemand (30 avis), l'Assembleia da Republica du Portugal (19 avis), le Riksdag suédois (18 avis), le Sénat roumain (17 avis), le Sénat français (16 avis) et la Camera dei Deputati italienne (13 avis).
* 97 Ces ambitions sont les suivantes : « Un Pacte vert pour l'Europe » ; « Une économie adaptée à l'ère du numérique » ; « Une économie au service des personnes » ; « Une Europe plus forte sur la scène internationale » ; « Promouvoir notre mode de vie européen » et « Un nouvel élan pour la démocratie européenne ».
* 98 Voir le détail de ces conclusions, qui préconisaient en particulier l'instauration d'un droit d'initiative normatif européen des parlements nationaux (carton vert) et l'amélioration des modalités d'application du principe de subsidiarité par l'extension du délai d'examen des textes (de huit à dix semaines), en partie IV du rapport.
* 99 La Commission européenne a répondu à l'avis politique du Sénat par une lettre du vice-président de la Commission, M. Maros Sefcovic, adressée au Président du Sénat et au président de la commission des affaires européennes, en date du 26 mai 2023.
* 100https://policy.trade.ec.europa.eu/eu-trade-relationships-country-and-region/negotiations-and-agreements_en
* 101https://commission.europa.eu/law/law-making-process/planning-and-proposing-law/better-regulation_en#have-your-say--share-your-views-and-ideas
* 102 COM(2023) 234 final, présentée le 3 mai 2023.
* 103 Cet organisme a été proposé dans le cadre de la communication COM(2023) 311 final présentée le 8 juin 2023.
* 104 Ce texte, qui avait fait l'objet de la résolution européenne n° 46 du Sénat, devenue définitive le 26 novembre 2021, a été définitivement adopté en trilogue, le 13 février 2024.
* 105 Sur le paquet gazier, le Conseil et le Parlement européen ont trouvé un accord en décembre 2023 qui satisfait les demandes du Sénat.
* 106 Voir la communication du président Jean-François Rapin devant la commission des affaires européennes en date du 22 janvier 2024. https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20240122/euro.html#toc4
* 107 Le 15 mars 2024, la Commission européenne a ainsi proposé la fin de l'obligation de mise en jachère d'une partie des terres, la flexibilité dans la rotation des cultures et des assouplissements dans les règles de couverture des sols : labourages autorisés sur des sites Natura 2000 en cas de dommages causés par des prédateurs ; exemption des exploitations de moins de dix hectares des contrôles et des sanctions liés à la conditionnalité ; introduction temporaires en cas de conditions météorologiques défavorables empêchant les agriculteurs de travailler...
* 108 Audition du 19 décembre 2023 devant la commission des affaires européennes du Sénat. https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20231218/euro.html#toc2
* 109 Cette révision prévoit, à titre principal, 50 milliards d'euros pour la facilité pour l'Ukraine (dont 33 milliards d'euros de prêts 17 milliards d'euros de subventions), 3,5 milliards d'euros pour la préparation aux crises et la flexibilité budgétaire, 3,1 milliards d'euros pour soutenir les priorités des pays voisins de l'Union européenne, 2 milliards d'euros pour les défis migratoires et liés aux frontières extérieures et 1,5 milliard d'euros pour les investissements d'appui à l'industrie de défense.
* 110 Le fonds de relance européen, institué en juillet 2020, a été doté de 750 milliards d'euros, dont 500 milliards d'euros sous forme de subventions accordées aux États membres les plus durement touchés par la crise liée à la pandémie de covid-19, et 250 milliards d'euros de prêts aux États membres. En janvier 2024, la France avait bénéficié de 23,4 milliards d'euros sur un total prévu de 40,3 milliards d'euros. Les fonds doivent être perçus jusqu'en 2026. L'emprunt commun devra être remboursé à partir de 2028 et jusqu'en 2058.
* 111 Les trois ressources envisagées sont fondées sur le marché carbone européen (25 % des recettes générées par le système européen d'échange de quotas d'émission (ETS/SEQE-UE)), sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui vise à limiter les fuites de carbone en instaurant, sur certains secteurs, une péréquation des prix du carbone entre les produits nationaux des États membres et les importations des pays tiers (75 % des revenus issus des certificats MACF) et une ressource fondée sur le pilier I de l'accord multilatéral de l'OCDE/G20 sur la fiscalité internationale (15 % des bénéfices résiduels de certaines entreprises internationales).
* 112 Pour conforter la stabilité de cette région stratégique, la Commission européenne a défini un partenariat renouvelé avec le voisinage méridional et le plan économique et d'investissement (PEI) qui y est rattaché.
* 113 COM(2022) 349 final.
* 114 COM(2022) 237 final.
* 115 Réunion de la commission des affaires européennes du Sénat du 12 juillet 2023.
* 116 Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Bulgarie ; Chypre ; Croatie ; Espagne ; Estonie ; Finlande ; France ; Grèce ; Italie ; Lettonie ; Lituanie ; Luxembourg ; Malte ; Pays-Bas ; Portugal ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie ; Slovénie.
* 117 Au 31 décembre 2023, il a mené 1 927 enquêtes actives, pour des dommages estimés à plus de 19,2 milliards d'euros. Il a procédé à 139 mises en accusation (soit plus de 50 % de plus qu'en 2022) et les juridictions compétentes ont accordé aux procureurs européens délégués des décisions de gel d'un montant de 1,5 milliard d'euros, soit plus de quatre fois plus qu'en 2022.
* 118 Recommandation C(2023) 400 final et communication COM(2023) 61 final qui fixent des objectifs communs pour renforcer la résilience face aux catastrophes dans le domaine de la protection civile.
* 119 Achat de dix avions amphibies légers et de trois hélicoptères.
* 120 Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions en date du 25 novembre 2020, COM(2020) 761 final.
* 121 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) nº 1394/2007 et le
règlement (UE) nº 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) nº 726/2004, le règlement (CE) nº 141/2000 et le règlement (CE) nº 1901/2006 - COM(2023) 193 final.
* 122 Rapport COMM(2022) 366 final précité.
* 123 M. Janusz Wojciechowski, commissaire européen à l'agriculture, a été auditionné le 1er mars 2023. Mme Aija Kalnaja, alors directrice intérimaire de l'agence Frontex, a été auditionnée le 7 novembre 2022 et Mme Agnès Diallo, directrice exécutive de l'agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (EU-LISA) l'a été le 13 juillet 2023. Mme Emily O'Reilly, médiatrice de l'Union européenne, a été entendue le 12 juillet 2023.
* 124 Exemples : déplacement de Mme Catherine Morin-Desailly, et de MM. Jean-Michel Arnaud et Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteurs de la commission des affaires européennes, sur l'impact du règlement REACH et du règlement CLP sur certaines productions artisanales utilisant des huiles essentielles de lavande ou du plomb (13 février 2023) ; déplacement de M. Mickael Vallet et de M. Claude Malhuret, président et rapporteur de la commission d'enquête sur le réseau social Tik Tok (24 avril 2023) ; déplacement de M. Hervé Gillé et de Mme Florence Blatrix Contat, président et vice-présidente de la mission d'information du Sénat sur la gestion de l'eau (15 mai 2023).
* 125 Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union.
* 126 Aux termes du quatrième alinéa de l'article 5 du traité sur l'Union européenne, « les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité » conformément à la procédure prévue dans le protocole II annexé aux traités.
* 127 Par une lettre du 11 octobre 2019 adressée à M. le Président du Sénat, M. Frans Timmermans, alors premier vice-président de la Commission Juncker, a notifié l'intention de la Commission d'exclure la période comprise entre le 20 décembre d'une année donnée et le 10 janvier de l'année suivante du délai de 8 semaines accordé pour l'examen de la conformité de projets d'actes législatifs avec le principe de subsidiarité.
* 128 Belgique, Danemark, Finlande, France (Sénat), Lettonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède et République tchèque.
* 129 Chypre, France (Sénat), Hongrie, Irlande, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et République tchèque.
* 130 Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et République tchèque.
* 131 COM(2023) 640 final.
* 132 En 2019, la Commission européenne n'avait reçu aucun avis motivé. Elle a ensuite été destinataire de 9 avis motivés en 2020 et de 16 avis motivés en 2021.
* 133 En effet, sur les 16 avis motivés adoptés en 2021, 9 portaient sur l'un des 13 textes du paquet « ajustement à l'objectif 55 », 3 sur le paquet « Union européenne de la santé », 2 sur le Nouveau pacte sur la migration et l'asile, 1 sur la proposition relative à des salaires minimaux adéquats dans l'Union européenne et 1 sur la proposition modifiant la directive TVA.
* 134 Ce plan, d'un montant de 750 milliards d'euros, est venu compléter le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 (1 074,3 milliards d'euros dans sa version initiale)
* 135 Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union [européenne].
* 136 COM(2022) 177 final.
* 137 COM(2023) 209 final.
* 138 COM(2023) 234 final.
* 139 COM(2023) 716 final.
* 140 Extraits de l'exposé des motifs de la proposition.
* 141 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 142 « Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. »
* 143 « Les États membres prennent toutes les mesures de droit interne nécessaires pour la mise en oeuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union. Lorsque des conditions uniformes d'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d'exécution à la Commission... ».
* 144 Rapport d'information n°592 (2020-2021) de Mme Cécile Cukierman (présidente) et de M. Philippe Bonnecarrère (rapporteur), au nom de la mission d'information du Sénat sur le thème « La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l'État de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie ? »
* 145 En 2019, comme ce fut le cas en 2015, le Sénat n'a adopté aucun avis motivé, en raison à la fois du contexte général de diminution du nombre d'avis motivés émis par les Parlements nationaux et de la moindre activité législative de la Commission liée au renouvellement des institutions, entre les mois de mai et décembre.
* 146 CJUE, 3 septembre 2020, Vivendi, C-719/18.
* 147 Règlement (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen.
* 148 Cet accord prévoit par ailleurs des objectifs de réemploi des emballages contraignants pour 2030 avec néanmoins d'importantes dérogations (en particulier, pour les microentreprises), un objectif spécifique de réemploi fixé pour les entreprises de ventes d'aliments à emporter (10 % de leurs produits devant être proposés dans des formats d'emballage adaptés au réemploi), des objectifs de réduction des déchets d'emballage par rapport aux quantités de 2018 (-5 % d'ici à 2030, -10 % en 2035 et -15 % en 2040), ainsi que des restrictions d'usage (emballages en plastique à usage unique).
* 149 Le règlement « REMIT » initial est le règlement (UE) n° 1227/2011 du 25 octobre 2011.
* 150 La commission des affaires européennes du Sénat a en outre examiné et rejeté, le 28 juin 2023, la proposition de résolution européenne n°657 invitant le Gouvernement à agir au niveau européen et international pour appuyer la relance du processus de paix et de réconciliation entamée par l'accord de paix pour l'Irlande du nord, déposée par M. Pierre Laurent et plusieurs de ses collègues.
* 151 PPRE : proposition de résolution européenne adoptée conformément aux dispositions de l'article 88-4 de la Constitution.