B. DURCIR LA PROCÉDURE PÉNALE POUR METTRE LES NARCOTRAFIQUANTS HORS D'ÉTAT DE NUIRE
La commission d'enquête estime par ailleurs nécessaire de « muscler » l'arsenal pénal pour mettre les trafiquants hors d'état de nuire, ce qui passe par des modifications non seulement en matière de droit pénal, mais aussi de procédure pénale, à tous les stades de la conduite des investigations et des procès.
1. Dans le droit pénal : neutraliser les narcotrafiquants du haut du spectre avant qu'il ne soit trop tard
L'association de malfaiteurs, en droit français, est une infraction dite obstacle, visant à appréhender les comportements délictueux ou criminels en amont de la survenance de l'infraction qui est envisagée par les délinquants. En ce sens, elle permet de protéger la société avant la survenance d'actes dommageables. Lorsque l'infraction préparée est survenue, seule cette dernière peut être poursuivie.
Actuellement, selon l'article 450-1 du code pénal, l'association de malfaiteurs nécessite l'existence d'un « groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ». Lorsque l'infraction préparée est un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, la peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende ; lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, la peine encourue est de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
Au cours des travaux de la commission, plusieurs acteurs ont indiqué que l'infraction française d'association de malfaiteurs apparaissait comme insuffisante pour appréhender pleinement les agissements des narcotrafiquants, en particulier de ceux agissants en haut du spectre compte tenu de leur capacité à s'impliquer dans le trafic de stupéfiants tout en restant le plus éloigné possible pour éviter une mise en cause judiciaire.
Baudoin Thouvenot, inspecteur général de justice et membre national pour la France à l'European Union Agency for Criminal Justice Cooperation (Eurojust) : « pour ce qui est de l'association de malfaiteurs, la définition pourrait être davantage alignée sur le modèle italien, au terme duquel l'appartenance à la mafia est un élément central et constitue une infraction en soi »802(*).
L'économiste Clotilde Champeyrache précise, concernant le droit pénal italien, que « le concours externe en association mafieuse, utilisé en Italie, est peu évoqué chez nous. Il s'agit de frapper plus durement un non-affilié qui apporte sciemment son concours à l'organisation criminelle. Cette zone grise est assez importante ; elle concerne la corruption et bien d'autres acteurs. Si on la casse, on détruit la capacité des mafias à s'étendre. L'illégal a des liens avec le légal. Il est primordial de casser ces liens si l'on veut affaiblir les organisations criminelles. Je prends l'exemple de la messagerie cryptée EncroChat, qui était au départ une société légale de télécommunication, mais proposait des services susceptibles de plaire aux criminels »803(*).
Par ailleurs, le délit d'association de malfaiteurs en vue de commettre un crime est actuellement puni de seulement dix ans d'emprisonnement, alors même que l'économie générale de cette infraction est d'exposer le participant d'une association de malfaiteurs à la même peine que l'infraction préparée. Il apparaîtrait donc logique de criminaliser l'infraction d'association de malfaiteurs lorsque l'infraction projetée est, notamment, un des crimes relevant de l'article 706-73 du code de procédure pénale.
Recommandation n° 22 de la commission d'enquête : compléter l'arsenal pénal de la lutte contre le narcotrafic
· Envisager l'extension de l'infraction d'association de malfaiteurs sur le modèle de la loi antimafia italienne et la création d'un crime d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un des crimes relevant de l'article 706-73 du code de procédure pénale.
2. Au cours de l'enquête et de l'instruction
a) Protéger l'efficacité des techniques spéciales d'enquête par la création d'un dossier « coffre » mettant en oeuvre un contradictoire asymétrique
La commission constate que la procédure pénale en matière de criminalité organisée prévoit des techniques d'enquête particulièrement intéressantes pour démanteler les réseaux de narcotrafiquants mais qu'elles sont, pour certaines, insuffisamment utilisées.
À cet égard, Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale, déclarait : « Nous pouvons également améliorer nos outils dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, notamment les techniques spéciales d'enquête. Afin de pénétrer les trafics les plus structurés et organisés, nous avons besoin de la plus grande des discrétions pour ne pas dévoiler nos modes d'action auprès des trafiquants »804(*).
Les magistrats et les enquêteurs entendus par la commission d'enquête ont fait part de leur intérêt pour la création d'un dossier dit « coffre », « confidentiel » ou « distinct ». Ce dernier aurait pour objectif de ne pas rendre contradictoire certains éléments de procédure concernant les techniques spéciales d'enquête en raison du risque de contournement par les délinquants de ces outils probatoires.
La coordinatrice du service de l'instruction à la Jirs de Paris, Sophie Aleksic, identifie trois techniques d'enquête qui pourraient opportunément intégrer le dossier « coffre » : « La première méthode concerne le recours aux indicateurs, celle-ci ne faisant l'objet d'aucun contrôle par la cour d'appel et étant gérée exclusivement par le procureur. La deuxième méthode concerne l'infiltration, soit par un policier sous couverture, soit par un civil, étant précisé qu'en France nous ne connaissons pas d'infiltration par des civils ; dans le dossier, ne sont mis en procédure que les éléments d'exécution, tout le reste se trouvant dans le dossier “confidentiel”. Enfin, la troisième méthode concerne l'observation avec moyen technique ; les techniques sont protégées, les suspects ne savent jamais ce que l'on a utilisé pour les observer »805(*).
Cette proposition apparaît comme une réponse adaptée aux évolutions récentes du narcotrafic et aux capacités sans cesse renouvelées des narcotrafiquants à déjouer les méthodes d'investigation des enquêteurs.
En outre, elle a le mérite, d'une part, de pas être totalement inconnue de l'ordre juridique français et, d'autre part, d'être théoriquement compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a déjà eu à se prononcer sur la conventionnalité d'un dispositif similaire prévu par le droit pénal belge.
En effet, et en premier lieu, la procédure pénale française connaît déjà d'une forme très simplifiée du « dossier coffre » dans le cadre du témoignage anonyme. L'article 706-58 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour le juge des libertés et de la détention (JLD), sur requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction, pour les procédures portant sur des infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement, d'autoriser à ce que les déclarations du témoin soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. La décision du JLD est jointe au procès-verbal d'audition du témoin anonyme sur lequel ne figure pas sa signature. En revanche, l'identité et l'adresse de ce témoin sont inscrites dans un autre procès-verbal signé par l'intéressé qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête précitée.
En second lieu, la procédure devant le juge administratif connaît aussi un aménagement du principe du contradictoire depuis plusieurs années concernant le contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'État806(*) et, plus récemment certaines décisions administratives807(*) dès lors qu'elles sont fondées sur des motifs en lien avec la prévention d'actes de terrorisme.
Dans ces hypothèses, l'article L. 773-11 du code de la justice administrative808(*) prévoit que lorsque des considérations relevant de la sûreté de l'État s'opposent à la communication d'informations ou d'éléments sur lesquels reposent les motifs de l'une des décisions précitées, soit parce que cette communication serait de nature à compromettre une opération de renseignement, soit parce qu'elle conduirait à dévoiler des méthodes opérationnelles des services de renseignement, l'administration peut, lorsque la protection de ces informations ou de ces éléments ne peut être assurée par d'autres moyens, les transmettre à la juridiction par un mémoire séparé en exposant les raisons impérieuses qui s'opposent à ce qu'elles soient versées au débat contradictoire.
Le juge administratif statue sur le litige sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni en révéler l'existence et la teneur dans sa décision, toutefois, lorsqu'il estime que les éléments communiqués sont sans lien avec la sûreté de l'État, le juge informe l'administration qu'il entend verser les éléments au débat contradictoire pour en tenir compte, l'administration pouvant alors refuser de les communiquer.
Cet exemple relatif au droit administratif et au domaine du renseignement est certes différent du droit pénal et de l'enquête judiciaire, mais il n'en demeure pas moins que les techniques spéciales d'enquête (dont certaines sont similaires aux techniques de renseignement) méritent également de rester confidentielles pour en assurer l'efficacité, d'une part ; d'autre part, l'objectif de lutte contre la criminalité organisée et les narcotrafiquants, en ce qu'ils menacent les intérêts fondamentaux de la Nation, pourrait également justifier le recours à un contradictoire aménagé.
On rappellera à cet égard que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé, le 23 mai 2017, que le recours par l'État belge à des méthodes particulières de d'observation et d'infiltration, dans le cadre d'une enquête pénale dont les éléments sont versés dans un dossier confidentiel non contradictoire, n'était pas contraire au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales809(*).
Dans cette affaire qui portait sur des faits de trafic de stupéfiants, de participation à une organisation criminelle internationale et de blanchiment d'argent, la CEDH a également noté l'existence d'un contrôle effectif de la régularité de la mise en oeuvre des méthodes particulières de recherche effectué par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel. Cette juridiction, indépendante et impartiale, a pu examiner si des éléments figurant dans le dossier confidentiel devaient faire partie ou non du dossier contradictoire.
Le droit à la divulgation des preuves pertinentes n'est pas absolu
« La Cour, quant à elle, doit, pour mener à bien sa tâche, déterminer si la procédure pénale a globalement revêtu un caractère équitable. Pour ce faire, elle envisage la procédure dans son ensemble, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, et vérifie le respect non seulement des droits de la défense mais aussi de l'intérêt du public et des victimes à ce que les auteurs de l'infraction soient dûment poursuivis ainsi que, si nécessaire, des droits des témoins.
« Dans ce contexte, la Cour rappelle que tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l'égalité des armes entre l'accusation et la défense : c'est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. En matière pénale, le droit à un procès contradictoire implique, pour l'accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l'autre partie, ainsi que de les discuter. De surcroît, l'article 6 exige que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge.
« Cela dit, le droit à une divulgation des preuves pertinentes n'est pas absolu. Dans une procédure pénale donnée, il peut y avoir des intérêts concurrents - tels que la sécurité nationale ou la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles ou de garder secrètes des méthodes policières de recherche des infractions - qui doivent être mis en balance avec les droits de l'accusé. Dans certains cas, il peut être nécessaire de dissimuler certaines preuves à la défense de façon à préserver les droits fondamentaux d'un autre individu ou à sauvegarder un intérêt public important. Toutefois, seules sont légitimes au regard de l'article 6 § 1 les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires. De plus, si l'on veut garantir un procès équitable à l'accusé, toutes difficultés causées à la défense par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judiciaires. »810(*)
À l'aune de ces considérations et de l'état de menace particulièrement élevée que pose le narcotrafic en France (cf. première et deuxième parties du rapport), la commission estime qu'il est nécessaire, dans les affaires de criminalité organisée uniquement, de prévoir un dossier confidentiel, dit « coffre » dans le cadre de la procédure pénale permettant de préserver certaines techniques spéciales d'enquête, à l'instar, notamment, de l'infiltration811(*), de la sonorisation et la fixation d'images de certains lieux ou véhicules812(*) ou de la captation des données informatiques.
Il est toutefois impératif que le contrôle de la régularité des pièces versées dans le dossier coffre soit assuré ; il pourrait, par exemple, s'exercer sous le contrôle de la chambre de l'instruction de la cour d'appel.
b) Utiliser pleinement les techniques spéciales d'enquête
La question des techniques spéciales d'enquête - définies et listées plus haut dans le présent rapport - est, elle aussi, un enjeu essentiel ; elle pose des enjeux non seulement capacitaires, mais aussi juridiques.
(1) L'enjeu capacitaire : les TSE, combien de divisions ?
Les auditions et déplacements de la commission d'enquête ont, en effet, fait apparaître un manque de moyens pour la mise en place de techniques spéciales d'enquête (TSE). Face à l'impossibilité d'obtenir, dans de nombreux domaines, des chiffres précis, on tentera d'en juger à partir de trois exemples, dont certains ont déjà été abordés en deuxième partie.
Le premier concerne les sonorisations : outre que celles-ci sont complexes à mettre en oeuvre, la pose s'effectuant lorsque l'opportunité se présente, souvent après plusieurs jours de « planque », les logiciels dont dispose la police nationale pour exploiter les enregistrements sont obsolètes et la taille des fichiers informatiques correspondants est peu compatible avec des moyens informatiques anciens, qui « buggent » en raison de ce volume.
Le second concerne les IMSI-catchers, dont l'utilité a déjà été commentée en deuxième partie. Comme on l'a évoqué, au vu du prix de ces équipements, leur nombre au niveau national est extrêmement limité, obligeant les services de police judiciaire - y compris ceux de zones dans lesquelles le trafic, et plus largement la criminalité et la délinquance organisées, est très actif - à faire venir un appareil de Paris ou de Marseille, avec la latence associée à ce déplacement, lorsque leur utilisation est requise pour une enquête.
Le troisième concerne les key-loggers, eux aussi décrits en deuxième partie et dont il faut rappeler qu'ils constituent souvent le seul moyen d'accéder au contenu des communications échangées par téléphone portable, dans la mesure où celles-ci transitent par des messageries cryptées. Non seulement ces outils présentent des limites techniques qui ont déjà été exposées, mais, surtout, le nombre d'utilisations effectives de key-loggers dans des enquêtes liées au narcotrafic est bien trop modeste.
Ces failles ne sont pas acceptables et un effort financier conséquent doit être consenti pour équiper correctement l'ensemble des services d'enquête et pour faire en sorte que la technique apporte toute sa contribution à la conduite des investigations pénales.
(2) En allongeant les délais de recours aux techniques spéciales d'enquête dans le cadre de l'enquête dirigée par le parquet
Il convient également de faciliter le recours aux techniques spéciales d'enquête en aménageant et en harmonisant la procédure applicable à leur déploiement.
En effet, les techniques spéciales d'enquête (TSE) font actuellement l'objet d'un délai d'usage globalement harmonisé par cadre juridique ; toutefois, les délais diffèrent s'il s'agit d'une enquête ou d'une instruction813(*).
Dans le cadre de l'enquête, l'autorisation donnée aux enquêteurs d'utiliser une TSE est valable pendant un mois renouvelable une fois ; dans le cadre d'une instruction, l'autorisation est donnée pour une durée de quatre mois renouvelables dans la limite de deux ans. La géolocalisation connaît un régime différent, mais uniquement dans le cadre de l'enquête sous la responsabilité du parquet814(*).
Le moins que l'on puisse dire est que ces différences de régime ne sont pas un gage de lisibilité.
La commission estime que les délais prévus pour le recours aux TSE dans le cadre de l'instruction sont adaptés à la réalité du narcotrafic à l'inverse de ceux prévus dans le cadre de l'enquête dirigée par le procureur de la République. En effet, alors que l'instruction judiciaire est devenue résiduelle (seulement 5,5 % des auteurs poursuivis815(*)) et que les enquêtes dirigées par le parquet permettent de neutraliser efficacement et rapidement les narcotrafiquants, par un jugement en comparution immédiate, il serait utile de prolonger les délais (prévoir une durée initiale de deux mois renouvelable deux fois) prévus pour le recours aux TSE dans le cadre des enquêtes, étant précisé que le JLD continuerait à en autoriser et à en contrôler l'usage.
(3) En simplifiant la procédure d'autorisation au recours des techniques spéciales d'enquête
Actuellement, les juges des libertés et de la détention et les juges d'instruction autorisent le recours aux techniques spéciales d'enquête de manière individuelle, pour chaque ligne téléphonique, chaque voiture, chaque domicile, chaque téléphone portable ciblé, etc. Cela implique un formalisme particulièrement lourd pour les enquêteurs et les magistrats en charge de l'enquête (parquetier ou juge d'instruction).
Or dans les affaires de criminalité organisée, et en particulier en matière de trafic de stupéfiants, le recours aux TSE est très fréquent, impliquant une lourde charge de travail pour les juridictions.
Dès lors, le formalisme actuel apparaît excessif à l'aune des objectifs poursuivis : la recherche et l'identification d'auteurs d'infractions de criminalité organisée d'une part, et la protection de la vie privée d'autre part.
La commission estime qu'il serait préférable de prévoir une autorisation générale de recours à un panel de techniques visant une personne dénommée, ses équipements informatiques, son véhicule et le cas échéant son domicile (en lieu et place de chacun de ces équipements numériques ou informatiques, véhicules ou domiciles, etc.) tout en s'assurant de la gradualité et de la proportionnalité de cette autorisation générale, les TSE les plus attentatoires au droit à la vie privée devant être autorisées en dernier recours.
La jurisprudence de la Cour de cassation a ouvert une voie vers cette solution puisqu'elle a déjà validé le fait qu'une seule décision d'un juge d'instruction peut valoir autorisation pour plusieurs écoutes de lignes téléphoniques dès lors que ces lignes concernent l'utilisation d'un seul boîtier téléphonique avec un numéro IMEI816(*) unique817(*).
c) Encourager les enquêtes sous pseudonyme
L'enquête sous pseudonyme818(*) est un des outils de la procédure pénale qui peut permettre de lutter efficacement contre le narcotrafic qui se déploie sur les réseaux sociaux, internet ou le darknet.
Lors de son audition par la commission, le directeur territorial de la police judiciaire de Nantes, Marc Perrot, a pourtant noté que l'enquête sous pseudonyme était encore peu utilisée malgré son intérêt pour lutter contre le narcotrafic : « Concernant les moyens, outils et pratiques dont nous pourrions avoir besoin pour accroître l'efficacité de la lutte contre le trafic de stupéfiants, nous avons identifié plusieurs pistes. Il s'agit par exemple du développement des enquêtes sous pseudonyme sur internet - un outil dont nous devons encore davantage nous saisir : nous avons des personnels formés pour ce faire mais la charge est lourde »819(*).
En effet, cette procédure ne peut être utilisée que par « un service spécialisé » et l'officier ou agent de police judiciaire doit être « spécialement habilité », ce qui nécessite notamment d'avoir suivi les formations pertinentes.
La commission estime qu'il serait utile d'encourager l'ensemble des services compétents à utiliser davantage l'enquête sous pseudonyme.
Sans remettre en cause le préalable d'une formation spécifique et d'une désignation individuelle (exigence qui constitue, aux yeux de la commission d'enquête, une protection pour les officiers de police judiciaire infiltrés), il devrait également être envisagé de créer une procédure plus souple pour l'habilitation aux « coups d'achat » sur internet : un tel procédé, décrit plus en détail ci-après et qui suppose de toute évidence l'utilisation d'une identité d'emprunt - et est donc de jure une enquête sous pseudonyme -, ne devrait en effet pas être soumis au même formalisme qu'une enquête au long cours qui impose que l'infiltré puisse tenir sa « légende » pendant plusieurs mois dans des conditions de contact rapproché extrêmement dangereuses.
d) Faciliter la technique du « coup d'achat »
La technique dite du « coup d'achat » prévue par l'article 706-32 du code de procédure pénale vise, pour mémoire, à constater les infractions d'acquisition, d'offre ou de cession de produits stupéfiants, d'en identifier les auteurs et complices et d'effectuer les saisies pertinentes. Les officiers de police judiciaire et sous leur autorité, les agents de police judiciaire, peuvent avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, sans être pénalement responsables de ces actes :
· acquérir des produits stupéfiants ;
· en vue de l'acquisition de produits stupéfiants, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.
Malgré le cadre posé, les enquêteurs utilisent le coup d'achat avec difficulté ou parcimonie par crainte d'une part, de commettre une provocation à l'infraction, qui est interdite en droit pénal car déloyale et donc contraire au droit à un procès équitable, et d'autre part, de commettre une infraction qui pourrait leur être reprochée.
Par exemple, la Cour de cassation estime que l'autorisation de procéder à une livraison contrôlée de stupéfiants ne crée pas de présomption de régularité de la procédure. La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère donc le prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les agissements délictueux portant atteinte au principe de la loyauté des preuves820(*).
La provocation à l'infraction sous le prisme du parquet général de la Cour de cassation
« La provocation à la commission de l'infraction est la forme la plus grave de déloyauté - on pourrait dire son noyau dur. Elle revient, en effet, pour les enquêteurs, à fabriquer des infractions et donc des coupables ce qui, bien entendu, est la négation absolue des principes du procès équitable.
« La Cour européenne des droits de l'homme lui a consacré une abondante jurisprudence dans laquelle s'inscrit celle de la Chambre criminelle. Sans entrer dans le détail de cette jurisprudence, illustrée notamment par l'arrêt de grande chambre Ramanauskas c/Lituanie du 5 février 2008, il est possible d'en tirer deux axiomes.
« Premier axiome : on ne peut provoquer qu'à une infraction qui n'a pas déjà été commise ou qui n'est pas en train de se commettre. Il va de soi qu'un enquêteur ne peut être considéré comme ayant provoqué à la commission de l'infraction si, lors de son intervention, la personne concernée était déjà impliquée comme auteur ou complice dans une activité délictueuse. La Cour de Strasbourg se montre plutôt souple dans l'appréciation de cette circonstance. Pour elle, l'activité délictueuse est préexistante si - nous la citons - lors de l'intervention de l'agent, il existait des soupçons objectifs selon lesquels le requérant avait été mêlé à une quelconque activité criminelle ou avait une propension à s'y livrer. Tel est le cas, au premier chef, lorsque, au moment de l'intervention de l'enquêteur, l'infraction est en train de se commettre. À titre d'illustration, dans son arrêt Blaj c/Roumanie du 8 avril 2014, la Cour de Strasbourg a jugé qu'il n'y avait pas provocation à l'infraction dans le fait, de la part d'une personne ayant fait l'objet d'une offre de corruption, de participer, sur instructions de la police, à des échanges avec le corrupteur et de remettre à celui-ci une enveloppe de billets pour le confondre. Dans cette affaire, la police a cherché, non à provoquer la commission du délit de corruption, mais à constater un délit de corruption en train de se commettre.
« Second axiome : l'interdiction de la provocation, ce n'est pas la condamnation à la passivité. La Cour européenne a admis au contraire le recours aux agents infiltrés qui se font passer, auprès des personnes suspectes, pour des coauteurs, complices ou receleurs. Or, il va de soi que ces agents sont actifs puisque, précisément, ils participent, dans certaines limites, à l'activité délictueuse pour mieux en établir la preuve et en identifier les auteurs. Selon les termes des arrêts de la Cour européenne, il n'y a pas provocation à l'infraction si les agents se sont simplement greffés sur une activité criminelle en cours, s'ils se sont simplement “associés” aux actes criminels sans en être à l'origine - même si leur intervention a nécessairement une incidence sur le cours des événements »821(*).
Les travaux de la commission, en particulier les déplacements, ont mis en lumière la difficulté pour les enquêteurs d'appréhender les narcotrafiquants du haut du spectre tout en restant dans le cadre procédural du coup d'achat et sans commettre de provocation à l'infraction. Le général Jean-Philippe Lecouffe se faisait l'écho de cette difficulté lors de son audition par la commission d'enquête : « En Europe, nous ne sommes pas prêts à [déposer de l'argent dans des chambres de compensation pour ensuite “tracer” les flux financiers] car nous considérons que cela participerait à la commission d'une infraction et que cela relèverait de la provocation. Ce sont des méthodes d'enquête agressives. Ce n'est pas à moi de soulever le débat, mais de telles méthodes existent dans certains pays. Où se situe le point d'équilibre entre le respect des libertés et la lutte contre ces trafics, entre la provocation et le “coup d'achat” ? Ce n'est pas toujours évident, mais ce sont des méthodes qui peuvent s'avérer efficaces et que certains utilisent. En Europe, globalement, nous avons à peu près tous la même ligne directrice, qui est de ne pas s'engager dans cette voie »822(*).
Lors de son audition par le rapporteur, Frédéric Trannoy, commissaire divisionnaire en charge du service interministériel d'assistance technique (Siat), reconnaissait lui-même que le dispositif d'enquête sous pseudonyme connaît un impact assez réduit en volume sur les enquêtes pénales, et la réponse écrite décrit les infiltrations comme des opérations « rares mais efficaces ».
Cette rareté est, aux yeux de la commission d'enquête, déplorable au vu des immenses potentialités des infiltrations pour lutter contre le narcotrafic.
Sans trancher définitivement un débat complexe, et à l'aune de l'importance de la menace posée par le narcotrafic en France, la technique des « coups d'achats » mériterait a minima d'être étendue, voire assouplie afin de sécuriser les investigations des enquêteurs luttant contre les trafics de drogue. Il conviendrait en particulier de définir clairement la notion d'« incitation à la commission d'une infraction » inscrite dans le code de procédure pénale, fût-ce seulement pour prévoir que les actes visant à permettre à l'officier de police judiciaire d'être mis en contact avec sa « cible » - actes qui supposent une action volontaire et délibérée, les trafiquants étant méfiants et donc difficiles à approcher - ne peuvent constituer une telle incitation.
Il devrait également être permis, une fois les premiers contacts pris, de continuer l'enquête pour « remonter » le réseau, la rédaction actuelle du code laissant planer le doute sur la licéité d'une telle stratégie.
La commission d'enquête souhaite, enfin, que soient engagées des réflexions pour envisager l'infiltration de « civils », donc concrètement d'informateurs qui sont dans le même temps des délinquants (voir infra).
e) Mieux encadrer le régime des nullités de procédure
La commission a acquis la conviction que le régime actuel des nullités en matière de procédure pénale est trop favorable aux narcotrafiquants, leur permettant, dans certaines hypothèses de se dégager de leur responsabilité pénale, pourtant matérialisée par de nombreuses preuves.
En outre, le régime des nullités actuel tend à emboliser les chambres de l'instruction, ce qui peut avoir un effet incident sur la durée des procédures d'instruction et donc entraîner la fin de la détention provisoire avant la fin de la procédure d'instruction.
Il apparaît donc opportun de procéder à un « choc de simplification » concernant le régime actuel des nullités en prévoyant, par exemple, les modifications suivantes :
· prévoir l'irrecevabilité des demandes en nullité portant sur des moyens frauduleux et/ou non agréés en France ou en Europe (par exemple, portant sur des messageries comme EncroChat ou Sky ECC) ;
· exiger, sous peine d'irrecevabilité, la démonstration d'un grief à l'appui d'une requête en nullité - ce qui ne constitue qu'un retour à la jurisprudence précédemment établie de la Cour de cassation ;
· réduire à trois mois le délai pour déposer une requête en nullité au cours de l'instruction judiciaire ;
· prévoir l'irrecevabilité des requêtes en nullité déposées devant la chambre de l'instruction en cas de non-justification par le requérant ou son avocat du respect de l'obligation qui lui est faite de communiquer sa requête au juge d'instruction saisi de la procédure.
La commission d'enquête s'interroge par ailleurs sur la possibilité d'éviter que, par une somme de petites déloyautés, la défense des narcotrafiquants ne vienne tenter de déstabiliser l'enquête ou l'instruction. Elle estime nécessaire, à cet égard, d'engager une réflexion sur les suites à apporter aux stratagèmes manifestes et de prévoir dans la loi que, face à une manoeuvre dont la mauvaise foi peut être démontrée, les règles habituelles de nullité de procédure ne trouvent pas à s'appliquer.
Recommandation n° 23 de la commission d'enquête : renforcer l'efficacité de la procédure pénale au stade de l'enquête et de l'instruction
· Instaurer un « dossier coffre », sous le contrôle de la chambre de l'instruction de la cour d'appel, pour protéger l'efficacité de certaines techniques spéciales d'enquête ;
· Encourager les services d'enquête à recourir davantage aux techniques spéciales d'enquête et garantir une capacité de réponse suffisante des services en charge de la fourniture de ces techniques ;
· Simplifier la procédure d'autorisation de recours aux techniques spéciales d'enquête et allonger les délais du recours de ces mesures au stade de l'enquête dirigée par le parquet ;
· Faciliter et encourager les enquêtes sous pseudonyme ;
· Étendre et assouplir les conditions de la procédure des « coups d'achat », notamment en définissant clairement la notion d'« incitation à la commission d'une infraction » ;
· Mieux encadrer le régime des nullités de procédure.
3. Au stade du jugement et de l'application des peines
La commission d'enquête a mis en avant les limites de l'actuelle cour pénale spécialement composée qui, compétente pour le trafic de stupéfiants, ne l'est pas pour les infractions connexes.
Conformément aux propositions qui ont été formulées à de multiples reprises au cours des auditions - notamment par Laure Beccuau, procureure de la République près le tribunal judiciaire de Paris -, elle estime nécessaire de prévoir que les règlements de compte des narcotrafiquants (assassinats et meurtres commis en bande organisée) ne soient plus jugés par des jurés populaires mais par une cour d'assises composée de magistrats professionnels : cette évolution apparaît en effet indispensable compte tenu de la très grande complexité de ces affaires et du risque de pressions ou de corruption des jurés populaires. Rappelons, par ailleurs, que ce système est déjà pratiqué par de nombreux pays étrangers, dont les Pays-Bas - qui ont par ailleurs été jusqu'à prévoir l'anonymat des magistrats, des avocats et de l'ensemble des personnels judiciaires ayant contribué au procès dit « Marengo » qui a permis de juger Ridouan Taghi, figure déjà citée de la Mocro Maffia, et ses seize coaccusés pour plusieurs homicides et tentatives d'homicide823(*).
De la même manière, les juges de l'application des peines sont les derniers acteurs de la chaîne pénale à ne pas connaître une spécialisation en matière de gestion des individus condamnés pour la criminalité organisée. Il convient de mettre fin à cette divergence en prévoyant une spécialisation de l'application des peines en matière de narcotrafic : comme le rappelait, là encore, Laure Beccuau, le 4 décembre 2023, « Il faut prévoir un droit d'application des peines spécial, avec un JAP spécialisé, car gérer une personnalité de la grande criminalité organisée est tout à fait différent de gérer un délinquant de droit commun ».
Recommandation n° 24 de la commission d'enquête : spécialiser effectivement la chaîne pénale
· Spécialiser l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale en créant des cours d'assises spéciales pour les assassinats et meurtres commis en bande organisée et des juges de l'application des peines spécialisés en matière de criminalité organisée.
4. La problématique spécifique de la détention des narcotrafiquants
La détention soulève, elle aussi, des enjeux particuliers, qu'il s'agisse des conditions de détention stricto sensu ou du régime de détention provisoire.
a) Mieux armer les prisons face au risque d'une continuation des trafics en détention
Comme on l'a rappelé en deuxième partie, l'un des défis auxquels l'administration pénitentiaire doit faire face concerne la cessation effective des trafics en prison ; à l'inverse, il apparaît aujourd'hui que la sphère carcérale ne joue plus son rôle de mise à l'écart des trafiquants et que ceux-ci peuvent, depuis leur cellule, garder leur rôle d'animation des réseaux et continuer à répandre la terreur à l'extérieur des murs de leur établissement.
Pour mettre fin à cette anomalie, et écho aux failles déjà décrites ci-avant, la commission d'enquête estime nécessaire :
· de revoir les règles d'alimentation des pécules des détenus par des virements extérieurs lorsque la détention est liée à des faits de narcotrafic, et de plafonner le montant total dudit pécule ;
· d'accroître sans attendre les efforts d'équipement des établissements en brouilleurs antidrones et antiportables afin d'obtenir une couverture complète du parc immobilier dans un délai raisonnable (3 à 5 ans, au plus) ;
· aller au bout des expérimentations relatives au brouillage de la 5G dite « stand alone » ;
· prévoir l'activation en permanence des dispositifs de lutte contre les drones (et non plus seulement lorsqu'un survol est détecté, comme c'est actuellement le cas) ;
· enfin et surtout, de rendre compte au Parlement, fût-ce par le biais de la Délégation parlementaire au renseignement si certains des éléments visés sont couverts par le secret de la défense nationale, au moins une fois par an, de l'efficacité des dispositifs existants et de leur évolution qualitative et quantitative : il est en effet difficilement compréhensible que la commission d'enquête n'ait pas pu obtenir de réponse claire quant à la proportion de zones ou d'établissements pénitentiaires dans lesquels l'usage des téléphones portables est effectivement et complètement brouillé par des équipements fixes ou mobiles, et que des incertitudes puissent encore exister quant à l'effectivité du brouillage opéré dans les établissements qui disposent pourtant de matériels fixes mais où, de toute évidence, les communications avec l'extérieur restent possibles.
b) Adapter les délais de détention provisoire aux narcotrafiquants
Actuellement, dans le cadre d'une instruction judiciaire, les personnes placées en détention provisoire pour des faits de trafic de stupéfiants de nature délictuelle824(*) sont placées sous mandat de dépôt délictuel qui peut être renouvelé dans la limite de deux ans825(*). Or la complexité de ces procédures, pouvant impliquer de nombreux mis en examen et des investigations particulièrement longues et complexes, ne permet toujours pas aux enquêteurs et aux juridictions de clôturer la procédure dans les délais prévus en la matière.
Dès lors, il paraît inévitable d'aligner les délais de détention provisoire prévus durant l'instruction pour les personnes mises en examen pour des délits de trafic de stupéfiants (ou plus généralement des infractions de criminalité organisée prévues à l'article 706-73 du code de procédure pénale) sur le régime de la détention provisoire pour les infractions criminelles, soit une durée maximale de quatre ans826(*).
En outre, face à l'intensification des recours en nullité dans les affaires de criminalité organisée, il serait utile de prévoir qu'en cas de requête en nullité pendante devant la chambre de l'instruction au moment où la décision de renvoi devant le tribunal correctionnel devient définitive, le délai de détention provisoire du requérant avant l'examen au fond par le tribunal ne commence à courir qu'à compter du jour où la décision prise sur sa requête est elle-même devenue définitive. Non seulement cette mesure apporterait une réponse au risque de remise précoce en liberté, mais surtout elle constituerait un levier puissant de lutte contre la « guérilla juridique » déjà décrite en deuxième partie.
c) Sécuriser le traitement des demandes de mise en liberté des narcotrafiquants
Les acteurs judiciaires ont alerté la commission des difficultés récurrentes rencontrées concernant certains stratagèmes utilisés par des avocats de la défense pour obtenir la remise en liberté anticipée de leurs clients.
En premier lieu, il conviendrait d'édicter des conditions de formes strictes (avec mentions obligatoires) conditionnant la recevabilité des demandes de mise en liberté déposées au stade de l'instruction et celle des appels de rejets de demandes de mise en liberté formées en détention. En particulier, il apparaît nécessaire de prévoir que les délais d'audiencement de ces demandes de mise en liberté et appels de rejet de demandes de mise en liberté ne commencent à courir qu'à compter de l'enregistrement de la demande au greffe de la juridiction compétente.
En second lieu, l'envoi par courrier des demandes de mise en liberté des avocats n'étant pas du ressort du tribunal judiciaire en charge de l'instruction pose, depuis plusieurs années, de réelles difficultés aux juridictions comme l'illustrent les arrêts de la Cour de cassation en la matière (cités en deuxième partie du rapport) et les auditions des acteurs judiciaires par la commission. En conséquence, il apparaît nécessaire de supprimer la possibilité donnée à l'avocat extérieur au ressort du tribunal judiciaire saisi de l'affaire de formuler une demande de mise en liberté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception d'une part, et, d'autre part d'imposer le recours à un avocat postulant827(*) pour effectuer la demande de mise en liberté via une déclaration au greffe de la juridiction d'instruction saisie ou de la juridiction compétente.
Enfin, il apparaît que le traitement des demandes de mise en liberté des personnes en détention provisoire pour des faits de criminalité organisée présente une sensibilité particulière compte tenu des enjeux particulièrement importants qu'impliquent ces procédures et des éventuels risques de corruption ou de pression des greffiers et agents pénitentiaires amenés à gérer administrativement ces demandes. Dans ce contexte, l'administration pénitentiaire pourrait opportunément mette en place un circuit sécurisé du traitement de ces demandes afin d'éviter tout risque d'« évasions judiciaires », par exemple en limitant le nombre d'acteurs impliqués dans la gestion et le traitement de telles demandes.
Recommandation n° 25 de la commission d'enquête : redonner son sens à l'incarcération des narcotrafiquants :
· Limiter les virements extérieurs et plafonner le « pécule » des personnes en détention pour des faits liés au narcotrafic ;
· Mettre en place les mesures techniques indispensables pour faire cesser les trafics en prison via les brouilleurs de téléphones portables et les dispositifs antidrones, et imposer au Gouvernement de rendre compte régulièrement de l'avancée de ce chantier au Parlement ;
· Adapter les délais de la détention provisoire aux narcotrafiquants et sécuriser le traitement des demandes de mise en liberté.
* 802 Audition du 22 janvier 2024.
* 803 Table ronde du 12 décembre 2023.
* 804 Audition 27 novembre 2023.
* 805 Audition du 7 décembre 2023.
* 806 Articles L. 773-1 du code de la justice administrative.
* 807 La dissolution d'une association ou d'un groupement de fait, l'interdiction de sortie du territoire français, le contrôle administratif des retours sur le territoire national, la fermeture d'un lieu de culte, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, le gel des avoirs, l'interdiction administrative du territoire, les refus de visas court et long séjour, l'interdiction administrative du territoire, le refus d'entrée à la frontière, le refus de délivrance ou le retrait d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle, le refus ou le retrait du statut de réfugié ou de protégé subsidiaire, l'expulsion ainsi que l'assignation à résidence en cas de report de l'éloignement, l'opposition à l'acquisition de la nationalité française par mariage et le rejet des demandes d'acquisition de la nationalité française.
* 808 Issu de l'article 74 de loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 809 CEDH, Arrêt du 23 mai 2017, Van Wesenbeeck c. Belgique, requête n° 67496/10.
* 810 Source : Extraits des paragraphes 66 à 68 de l'arrêt CEDH Van Wesenbeeck c. Belgique du 23 mai 2017
* 811 Articles 706-81 et 706-87 du code de procédure pénale.
* 812 Articles 706-96 à 706-98 du code de procédure pénale.
* 813 Articles 100 à 100-7, 706-95, 706-95-11 à 706-95-19, 709-95-20, 706-95-11 à 706-95-19 et 706-96 à 706-98 et 706-10-1 à 706-102-5 du code de procédure pénale.
* 814 Articles 230-32 à 230-44 du code de procédure pénale : durée initiale de 15 jours autorisée par le procureur de la République, renouvelable par le juge des libertés et de la détention pour un mois renouvelable dans la limite de deux ans en matière de criminalité organisée.
* 815 En 2022, sur les 648 999 auteurs poursuivis par les parquets, seulement 35 822 l'ont été devant le juge d'instruction contre 538 245 directement devant le tribunal correctionnel, soit 82,9 % des auteurs poursuivis. Source : Ministère de la justice, fiche de synthèse annuelle 2022 sur les indicateurs pénaux, p. 4.
* 816 International mobile equipment identity : numéro permettant d'identifier de manière unique chacun des terminaux de téléphonie mobile.
* 817 Cass. crim. 28 novembre 2017, n° 17-81.736.
* 818 Prévue à l'article 230-46 du code de procédure pénale.
* 819 Audition du 17 janvier 2024.
* 820 Cass. crim. 5 mai 1999, n° 97-83.117.
* 821 Avis oral de Frédéric Desportes, premier avocat général près la cour de Cassation, dans l'arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2019, n° 18-86.767
* 822 Audition du 22 janvier 2024.
* 823 Ce procès, qui s'est déroulé dans le « Bunker » d'Osdorp à Amsterdam, était interdit au public et à la presse, l'ensemble des protagonistes (hors accusés) bénéficiant de mesures de protection renforcées et portant, pour certains, un masque visant à préserver leur anonymat ; les forces armées néerlandaises étaient déployées aux abords du tribunal et les accusés escortés, au cours de leur transport entre leur lieu de détention et le tribunal, par des unités spéciales.
* 824 Article 222-37 du code pénal : transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicite de stupéfiants.
* 825 Article 145-1 du code de procédure pénale.
* 826 Article 145-2 du code de procédure pénale.
* 827 À l'instar de ce qui est prévu dans le cadre où l'avocat est obligatoire dans les procédures civiles devant le tribunal judiciaire. En effet, le justiciable peut librement choisir son avocat dit « plaidant » qui n'est pas obligatoirement inscrit à l'ordre des avocats du tribunal judiciaire qui traite son affaire mais dans certaines procédures civiles où l'avocat est obligatoire conformément à l'article 760 du code de procédure civile, le justiciable doit être représenté par un avocat inscrit à l'ordre des avocats du ressort du tribunal judiciaire qui traite son affaire conformément à l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.