B. DES PRÉVISIONS DE CROISSANCE RÉVISÉES À LA BAISSE PAR RAPPORT À LA LPFP 2023-2027 MAIS ENCORE TROP OPTIMISTES

S'agissant de la croissance du PIB en volume, le Gouvernement revient fortement sur le scénario de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-20271(*), pourtant promulguée le 18 décembre 2023.

Pour 2024, le ministre a, dès février, annoncé que la prévision de 1,4 % serait caduque, mettant en avant une prévision de 1 %. Malgré cette révision à la baisse, la prévision du Gouvernement reste encore plus haute que toutes les autres prévisions officielles.

La prévision de croissance du PIB du Gouvernement est plus haute
que toutes les autres prévisions officielles, pour l'année 2024

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

Elle est déjà battue en brèche par les principaux instituts de conjoncture, au point que seul Natixis envisage une croissance plus élevée. Le consensus des économistes, qui agrège les prévisions réalisées par une vingtaine d'instituts, retient pour l'instant 0,7 % de croissance. Le plan d'économie de 10 milliards d'euros, adopté fin février, et des économies supplémentaires annoncées pour l'année contribueront par ailleurs à réduire la croissance à très court terme.

OCDE (février)

Banque de France (mars)

Commission européenne (février)

Gouvernement (avril)

FMI (avril)

Plus généralement, le scénario pour 2024-2027 n'est pas non plus partagé par les conjoncturistes et paraît très optimiste. Ainsi, le Gouvernement anticipe 1,5 % de croissance par an en moyenne, avec une augmentation, en cumulé, de 6 %. Or le consensus des économistes anticipe une croissance de seulement 1,2 % par an, et une augmentation en cumulé de 5 %.

Croissances cumulée et moyenne du PIB prévues par le Gouvernement
et le Consensus des économistes entre 2024 et 2027

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

Le Gouvernement veut en effet voir évoluer la consommation en moyenne de + 1,8 % par an alors qu'elle ne progresserait, selon les conjoncturistes, que de 1,4 % par an. La commission des finances avait souligné, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 20242(*), que la reprise de la consommation ferait peu de doute du fait du reflux de l'inflation, mais qu'il y avait fort à parier que son ampleur serait modérée par des comportements d'épargne encore très attentistes, s'expliquant par une hausse du chômage et un niveau particulièrement faible de confiance des ménages. Le Gouvernement fait au contraire le pari que le taux d'épargne diminuerait, sans expliquer pourquoi, et que le pouvoir d'achat se redresserait, du fait d'hypothèses particulièrement optimistes sur l'emploi associées aux réformes de l'assurance-chômage.

Les effets du resserrement de la politique monétaire opéré entre juillet 2022 et septembre 2023 semblent également fortement sous-estimés. À titre d'exemple, le Gouvernement prévoit une contraction de 0,4 % de l'investissement en 2024, là où la Banque de France anticipe une baisse de 1,2 %, et l'OFCE de 1,6 %, en cohérence avec la hausse du nombre de défaillances d'entreprises : si on exclut les microentreprises, on dénombre largement plus de défaillances en février 2024 qu'en moyenne entre 2010 et 2019.

Les hauts niveaux de croissance prévus sur la période couverte par le programme de stabilité reposent sur l'hypothèse que les capacités de rebond de l'économie sont particulièrement fortes, et que l'écart de production est encore loin d'être résorbé. Ils supposent ainsi que notre économie fonctionnerait actuellement en dessous de ses capacités, ce dont il est permis de douter au regard des difficultés actuelles à recruter dans beaucoup de secteurs. En 2027, l'écart de production s'élèverait à - 0,6 point de PIB alors même que, selon la Commission européenne, il serait d'ores et déjà résorbé en 2023.

En ligne avec ces hypothèses, la croissance potentielle est évaluée par le Gouvernement à + 1,35 % par an, ce qui est élevé. Une nouvelle fois, ce scénario n'est pas partagé par la plupart des conjoncturistes. Ainsi, la croissance de long-terme de la France serait limitée à 1,2 % par an en volume selon le consensus des économistes comme pour le FMI, à 0,9 % pour la Commission européenne.

S'il convient de prendre ces chiffres avec précaution, étant donné toutes les incertitudes entourant la mesure du PIB potentiel et de la croissance potentielle, le scénario de croissance potentielle confirme que le Gouvernement ne fait pas le choix de la prudence.

Estimations de croissance potentielle pour la France

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

Au total, le scénario macro-économique présenté par le Gouvernement repose sur un ensemble d'hypothèses trop optimistes, trop peu documentées et, en définitive, trop fragiles.


* 1 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 2 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

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