II. PLUS VITE, PLUS HAUT, PLUS FORT : POUR UN DISPOSITIF DE SÉCURISATION DES JOP OPTIMUM
Si l'ensemble des acteurs auditionnés par la mission se montrent confiants quant à la qualité de la préparation de la sécurisation des JOP ainsi que de la déclinaison opérationnelle choisie par les pouvoirs publics comme par le Cojop, les rapporteures ont constaté que des marges d'améliorations persistaient et pouvaient encore, d'ici à la cérémonie d'ouverture, être utilement exploitées. Convaincues de la nécessité de la réussite de cet évènement inédit et d'ampleur inégalée, les rapporteures ont souhaité, dans une démarche constructive, formuler 55 recommandations, afin de :
- assurer la pleine mobilisation de tous les acteurs du continuum de sécurité ;
- permettre l'utilisation efficiente de l'ensemble des moyens légaux et réglementaires à disposition des acteurs de la sécurité ;
- garantir l'opérationnalité de la réponse en cas de crise ;
- conforter l'adhésion du plus grand nombre aux mesures de sécurité, par le biais d'une information transparente et claire, condition de leur réussite ;
- et enfin, préserver l'héritage de l'expérience de sécurisation d'un tel évènement pour de prochains « grands évènements » sur le territoire national.
A. SE DOTER DES MOYENS MATÉRIELS, HUMAINS ET JURIDIQUES POUR RÉUSSIR LA SÉCURISATION DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES
Les rapporteures ont constaté que la pleine et efficace mobilisation des moyens matériels, humains et juridiques - à droit constant - pouvait être atteinte par le déploiement de propositions opérationnelles, concrètes et peu couteuses pour l'ensemble des acteurs mobilisés. Elles appellent notamment à stabiliser le cadre légal applicable aux outils technologiques comme non-technologiques en vigueur et à faire usage de l'ensemble des facultés qu'il leur confère. Elles ont également prêté une attention particulière à la sécurisation des transports comme de la chaîne pénale dans son ensemble. Enfin, il leur est apparu indispensable de fluidifier les procédures propres aux JOP, de souligner certains angles morts du dispositif et d'appeler à une stabilisation des choix artistiques et commerciaux entourant la cérémonie d'ouverture.
1. Garantir la pleine mobilisation de l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité
Les rapporteures proposent un ensemble de 12 mesures, adaptées aux spécificités et contraintes de chacun, afin de garantir la pleine mobilisation de l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité pour la sécurisation des JOP.
Ainsi, elles appellent à :
- assurer le plein engagement des forces de sécurité intérieure pour toute la durée des JOP en levant, le plus rapidement possible, pour chaque policier ou gendarme mobilisé, les incertitudes sur les missions qu'il aura à effectuer et les modalités concrètes de son engagement (plannings, lieux, commandement), et préciser les conditions matérielles et logistiques de travail des forces de sécurité intérieure non-parisiennes (logement, moyens de transport, repas, etc.) En complément, il apparaît indispensable de poursuivre les efforts d'accompagnement des forces de sécurité intérieure pour concilier les nécessités de leur vie personnelle avec le niveau d'engagement professionnel attendu durant la période estivale ;
- se préparer à l'engagement des armées en arbitrant rapidement le recours aux armées pour pallier le déficit éventuel d'agents de sécurité privée et intégrant dans la planification la nécessité de reconstituer des chaînes de commandement en cas de remplacement d'agents de sécurité privée et les coûts financiers afférents ;
- préciser les contours de la coopération policière internationale ;
- faciliter la participation des polices municipales à la sécurisation des JOP, par une évolution avant la fin de l'année de leur régime indemnitaire afin d'offrir aux maires la possibilité de leur octroyer une prime exceptionnelle en cas de participation à la sécurisation de « grands événements » et en ouvrant un cycle de négociations entre l'État et les collectivités territoriales en vue d'une compensation financière des coûts résultant d'une mobilisation supplémentaire des polices municipales pour ce faire ;
- donner toutes les chances à la filière de la sécurité privée d'être au rendez-vous des JOP par un ensemble de préconisations.
Plus précisément, il est apparu particulièrement opportun de cribler rapidement les agents de sécurité privée proposés par chacune des entreprises attributaires des lots du Cojop pour évaluer le nombre d'agents effectivement mobilisables et des doublons, afin d'établir un bilan précis des besoins de sécurisation non-couverts.
En outre, il convient, aux yeux des rapporteures, de poursuivre les efforts d'encouragement la formation d'agents de sécurité privée titulaires de la carte professionnelle ou de la certification « grands événements » afin de permettre à la filière d'atteindre le dimensionnement nécessaire à l'absorption des besoins des JOP en concentrant les efforts sur les étudiants y compris étrangers et les publics de jeunes adultes.
Enfin, l'établissement et la communication des procédures simplifiées et décentralisées de réception des accréditations pour les agents de sécurité privée afin de faciliter et limiter le coût des démarches administratives indispensables à leur participation apparaissent de nature à renforcer la participation des agents de sécurité privée le jour des évènements. De façon analogue, il convient de systématiser la reconnaissance des lieux, sur les sites olympiques dont la livraison est achevée, par les entreprises de sécurité privée afin d'identifier rapidement les besoins de sécurisation et d'organiser des formations sur site.
2. Stabiliser les moyens non-technologiques mis à disposition des forces du continuum de sécurité
En outre, les rapporteures ont été surprises de constater que certains outils non-technologiques et aux résultats positifs avérés en matière de sécurité ont pu, par des évolutions réglementaires, être inutilement mis en péril à l'approche des JOP. Il en va ainsi des conditions de certification des brigades cynotechniques intervenant dans les services de transport public de personnes qui ont été renforcées en mai 2023, aboutissant à la non-certification de nombreux équipages. En conséquence, elles recommandent sur ce point précis une prorogation des certifications pour toute la durée des JOP et appellent plus généralement à une stabilisation du cadre légal entourant l'utilisation des outils et moyens indispensables à la sécurisation des jeux olympiques et paralympiques pour éviter de déstabiliser les acteurs et les procédures éprouvées et en vigueur.
Par exception, les rapporteures ont considéré qu'eu égard au nombre d'individus concernés, le cadre réglementaire des « grands événements » devait être modernisé et actualisé afin de diversifier la nature des pièces justificatives pouvant permettre l'octroi de dérogations de circulation pour les riverains ou acteurs économiques résidant dans les périmètres de restrictions pour la durée des JOP matérialisés par des « QR Codes ».
3. Utiliser toutes les potentialités ouvertes par le législateur dans l'utilisation des moyens technologiques à disposition des forces du continuum de sécurité
Force a été, pour les rapporteures, de constater que l'ensemble des potentialités ouvertes par le législateur dans l'utilisation des moyens technologiques, singulièrement la vidéoprotection « augmentées », n'avaient pas été utilisées par les acteurs du continuum de sécurité.
Ainsi, une seule expérimentation de cette technologie, sur six caméras et quatre cas d'usages, au bénéfice de la seule préfecture de police de Paris avait été réalisée plus d'un an après la promulgation de la loi l'autorisant.
Elles préconisent, en conséquence, d'assurer la pleine application de la loi dite « JOP » de 2023 afin de permettre le déploiement effectif, à titre expérimental, de la vidéoprotection « intelligente » et son évaluation avant d'envisager toute pérennisation :
- sur l'ensemble des cas d'usage définis par le législateur ;
- pour l'ensemble des acteurs intéressés figurant sur la liste fixée par la loi (police et gendarmerie nationales, services d'incendie et de secours, polices municipales et services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP).
De façon analogue, elles estiment indispensable, eu égard aux incidents ayant émaillé l'organisation de la finale de la Ligue des Champions en 2022, d'encourager les opérateurs de transport, les collectivités et la préfecture de police, à allonger, pour la seule durée des JOP et dans le respect de la limite de la durée légale de 30 jours hors réquisitions judiciaires, la durée de conservation des images captées lors des événements.
4. Finaliser la planification opérationnelle de la sécurité des transports en commun
En complément, il leur est apparu indispensable de finaliser et tester les plans de transports des JOP, y compris en situation de crise, afin d'assurer le bon dimensionnement de leur sécurisation. Parallèlement, elles appellent à la poursuite des plans de recrutement de conducteurs et d'agents des services de sécurité de la RATP et de la SNCF, en adaptant leurs formations afin de garantir leur opérationnalité pour la période des JOP et à systématiser la formation des personnels des forces de sécurité intérieure amenés à participer à des patrouilles et opérations dans les transports en commun pour la seule période des JOP, compte tenu des spécificités de la délinquance et des modalités d'intervention dans ces espaces.
5. Assurer le bon fonctionnement de la chaîne pénale malgré l'accroissement d'activité en période de vacances judiciaires
Convaincues de la qualité de la préparation territorialisée des juridictions des cours d'appel de Paris et de Versailles dont elles ont auditionné les représentants, les rapporteures souhaitent rappeler plusieurs nécessités afin que la continuité du fonctionnement de la chaîne pénale soit assurée malgré l'accroissement prévisible d'activité. Elles appellent à garantir l'arrivée d'effectifs supplémentaires, dès leur sortie de formation initiale, de magistrats et de greffiers pour les tribunaux du ressort des cours d'appel de Paris et de Versailles, assurer la présence continue d'un nombre suffisant d'interprètes mis à disposition par les services diplomatiques et les écoles de traduction ainsi que de personnels au sein des unités médico-judiciaires (UMJ), pour toute la période des JOP. Poursuivant le même objectif, les rapporteures souhaitent le déploiement de points d'accès aux droits multilingues et à proximité des sites de compétition, prenant par exemple la forme de commissariats mobiles.
6. Fluidifier les procédures et éviter les angles morts de la sécurisation
Fortes des travaux menés avec l'ensemble des acteurs et sur le terrain, les rapporteures ont considéré que plusieurs procédures propres aux JOP devaient être fluidifiées pour garantir la pleine sécurisation de cet évènement. Il en va ainsi des nombreuses procédures de criblages qui ne pourront être réalisées que si l'encouragement de la transmission à l'avance des informations nécessaires et l'accélération de la transmission par les tribunaux des dossiers et procédures judiciaires sont déployées afin d'éviter l'embolisation du service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) les semaines précédant la cérémonie d'ouverture. De façon analogue, il est indispensable de déployer au maximum de sa capacité le « consulat olympique » basé, pour la première fois, sur des procédures dématérialisées de visas comme d'accréditations pour gérer l'entrée sur le territoire de « la famille olympique ».
Deux angles morts de la planification de la sécurisation doivent, à leurs yeux, être mis en lumière. D'une part, il convient de préserver l'engagement des forces de sécurité intérieure et pour ce faire, d'encourager, le plus possible, à limiter l'organisation d'événements parallèles sur des sites ou des lieux éloignés des JOP afin d'éviter la démultiplication du risque sécuritaire et le détachement de nombreuses forces de sécurité intérieure sur des lieux éloignés des JOP. D'autre part, il est indispensable que les préfets définissent des lieux pour l'expression éventuelle d'une contestation pacifique des Jeux Olympiques et Paralympiques ainsi que pour la manifestation d'adhésion à des causes politiques, sociales, culturelles, économiques et environnementales, y compris à Paris.
7. Stabiliser les choix entourant la « cérémonie d'ouverture » pour finaliser la sécurisation de cet « événement dans l'événement »
En dernier lieu, il leur apparaît indispensable d'arrêter dans les plus brefs délais l'ensemble des choix artistiques et les faire valider par les autorités chargées d'en assurer la sécurisation afin de finaliser le dispositif de sécurisation afférent.
S'agissant plus précisément du dispositif de sécurisation de la cérémonie d'ouverture, les rapporteures accueillent favorablement les récentes annonces du ministre de l'intérieur et appellent à un accompagnement renforcé des habitants, riverains, et acteurs économiques souhaitant se rendre dans le périmètre de la cérémonie d'ouverture dans leurs démarches pour l'obtention des « QR codes » et la création d'une voie de recours effective et rapide en cas de refus de délivrance d'une autorisation de circulation.