III. SE DONNER LES MOYENS

Enfin, mettre l'IA et l'IA générative au service de l'intérêt général impliquera, dans la sphère fiscale et sociale comme ailleurs, de s'en donner les moyens - humains, financiers, techniques et juridiques. Là encore, on se limitera à rappeler six grands enjeux.

A. LA MÉTHODE : SOUPLESSE ET EXPÉRIMENTATION

Les projets comme Llamandement et Foncier innovant à la DGFiP ou 100 % scanning à la douane ont montré l'intérêt d'une démarche fondée sur l'expérimentation : il s'agit de commencer petit » pour apporter la « preuve du concept » (POC), de permettre aux agents volontaires de tester leurs idées, de s'appuyer sur de petites équipes transversales. Il faut aussi savoir accepter l'échec, et c'est évidemment plus facile dans le cas d'une expérimentation qu'avec un grand chantier informatique qui s'étale sur dix ans et dont le coût se chiffre en dizaines ou centaines de millions d'euros : si le POC fonctionne, tant mieux, et si non, ce n'est pas grave.

L'IA générative, par sa simplicité d'utilisation, se prête particulièrement à l'expérimentation. Encore faut-il que cela se fasse dans un cadre sécurisé, notamment s'agissant de la protection des données, ce qui implique d'avoir un accès local aux modèles (et non sur le cloud), et donc de disposer de la puissance de calcul nécessaire. On ne peut que souscrire à la proposition de la Commission IA :

« Lancer un grand mouvement d'expérimentation au sein du service public. Ouvrir dès l'été 2024 une offre de modèle de langage généraliste sur une infrastructure sécurisée afin de laisser tout agent public l'expérimenter dans le cadre de son travail. Assurer la collecte des données d'utilisation pour mieux comprendre les usages. Sécuriser la puissance de calcul nécessaire à l'ouverture généralisée. »

Rapport de la Commission IA, mars 2024, recommandation 9.5

B. LA GOUVERNANCE : VOLONTARISME ET COORDINATION

Pour des administrations cloisonnées et hiérarchisées, faire preuve de souplesse et encourager l'expérimentation demande, paradoxalement, une gouvernance forte et un engagement durable.

La priorité est de renforcer la coordination interministérielle : les administrations ont besoin d'une doctrine, d'un accompagnement, d'outils et d'un accès aux modèles, aux données et à la puissance de calcul. Ce rôle incombe en premier lieu à la direction interministérielle du numérique (Dinum), qui doit être renforcée et confortée dans son rôle de coordination, au-delà des projets qu'elle mène en propre (le chatbot Albert, par exemple). Aujourd'hui, le département Etalab de la Dinum ne compte qu'une trentaine d'agents, dont quatre se consacrent spécifiquement à l'IA.

Le coordinateur national pour l'intelligence artificielle a aussi un rôle à jouer, notamment pour faire le lien entre les besoins (dans le service public) et l'offre de solutions (par les entreprises), mais les faibles moyens dont il dispose - essentiellement lui-même et son adjoint - lui permettent à peine d'assurer son rôle d'animation de la filière et de suivi du volet IA du plan France 2030. La coordination devrait également être renforcée entre acteurs de la sphère fiscale et de la sphère sociale, et au sein de chaque sphère, où une administration chef de file pourrait être désignée. À Bercy, la DGFiP semble tout indiquée.

Le coordinateur national pour l'IA

Créé en 2018 et rattaché à la direction générale des entreprises (DGE), il est chargé de coordonner la stratégie nationale pour l'IA, et notamment de son volet financier, soit 4 milliards d'euros prévus dans le cadre du plan France 2030 pour faire de la France un leader en Europe et dans le monde en matière d'IA.

Depuis 2023, le coordinateur pour l'IA est Guillaume Avrin, docteur en robotique et en neurosciences, précédemment responsable du secteur IA au Laboratoire national et métrologie et d'essais

Enfin, chaque administration ou organisme de sécurité sociale devrait, en interne, se doter d'une gouvernance adaptée. Sans entrer ici dans le détail, on signalera que différents modèles sont possibles, et que l'articulation entre les services en charge de la transformation et de l'expérimentation d'une part (typiquement la DTNum à la DGFiP, ou la mission « Valorisation des données à la douane »), et les services « métiers » et la DSI d'autre part, constitue un enjeu crucial.

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