N° 284
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur l'accès à l'avortement dans le monde,
Par Mmes Laurence ROSSIGNOL, Anne SOUYRIS,
Sylvie
VALENTE LE HIR et Dominique VÉRIEN,
Sénatrices
(1) Cette délégation est composée de : Mme Dominique Vérien, présidente ; Mmes Annick Billon, Evelyne Corbière Naminzo, Laure Darcos, Béatrice Gosselin, M. Marc Laménie, Mmes Marie Mercier, Marie-Pierre Monier, Guylène Pantel, Marie-Laure Phinera-Horth, Laurence Rossignol, Elsa Schalck, Anne Souyris, vice-présidents ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Agnès Evren, Annie Le Houerou, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean-Michel Arnaud, Hussein Bourgi, Mmes Colombe Brossel, Samantha Cazebonne, M. Gilbert Favreau, Mme Véronique Guillotin, M. Loïc Hervé, Mmes Micheline Jacques, Lauriane Josende, Else Joseph, Marie-Claude Lermytte, Brigitte Micouleau, Raymonde Poncet Monge, Olivia Richard, Marie-Pierre Richer, M. Laurent Somon, Mmes Sylvie Valente Le Hir, Marie-Claude Varaillas, M. Adel Ziane.
Avant-propos
À l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes qui a lieu tous les ans le 25 novembre, la délégation aux droits des femmes du Sénat a organisé, le 23 novembre 2023, un colloque consacré à l'accès à l'avortement dans le monde.
La délégation considère, en effet, que la remise en cause, dans de nombreux pays, des droits sexuels et reproductifs - au premier rang desquels le droit à l'avortement - constitue une violence faite aux femmes.
Cette remise en cause menace directement la santé des femmes puisque, là où la loi interdit ou restreint l'accès à l'avortement, on constate non pas une diminution des avortements mais une augmentation des avortements non sécurisés. Près de la moitié des interruptions volontaires de grossesse (IVG) dans le monde sont pratiquées dans des conditions sanitaires mettant la vie des femmes en danger, par une personne qui n'a pas les compétences nécessaires et/ou dans un environnement où les normes minimales médicales ne sont pas respectées. Chaque année, 7 millions de femmes sont hospitalisées à la suite d'un avortement réalisé dans de mauvaises conditions et 39 000 y laissent leur vie. C'est pourquoi, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a inscrit en 2021 les soins complets liés à l'avortement (fourniture d'informations, prise en charge de l'avortement par des moyens médicaux ou chirurgicaux et soins après l'avortement) sur la liste des prestations de santé essentielles et recommande une dépénalisation complète de l'avortement dans le monde.
L'accès à l'avortement est également un enjeu de droits humains. Il relève du droit des femmes à disposer de leur corps, à décider du moment de leur grossesse et à prendre en toute autonomie les décisions relatives à leur santé et à leur avenir. Ce droit est essentiel pour les femmes les plus précaires et vulnérables qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour se rendre dans des États où l'avortement est autorisé.
41 % des femmes en âge de procréer vivent dans des régions du monde où la législation en matière d'accès à l'avortement est restrictive. L'avortement est strictement interdit dans 22 pays, autorisé seulement pour sauver la vie de la mère dans 43 pays et seulement pour raisons médicales dans 47 pays.
L'objectif premier du colloque du 23 novembre était de dresser un panorama mondial, d'une part des différentes législations relatives à l'avortement, d'autre part, des conditions d'accès effectif à des procédures sécurisées, enfin des blocages freinant cet accès. Il a permis de mettre en lumière un contexte international inquiétant : un maintien de législations extrêmement restrictives en Afrique et en Asie et une fragilisation de l'accès à l'avortement aux États-Unis, en Amérique latine mais aussi dans certains pays d'Europe tels que la Pologne, la Hongrie, l'Italie ou même la Suède.
De nombreux facteurs sont en cause : une stigmatisation sociale, culturelle et religieuse, un manque de médecins et de structures de santé - et plus spécifiquement de professionnels acceptant de pratiquer des avortements - ou encore le coût de l'IVG et des difficultés de déplacement.
Les mouvements anti-IVG progressent. Ils ont des stratégies claires, sont de plus en plus structurés et bénéficient de financements importants, venus des États-Unis, de Russie et d'Europe centrale, mais aussi en France. Par leur influence sur les décideurs politiques et leurs campagnes de désinformation sur Internet, ils parviennent à imposer de nouvelles barrières à l'IVG.
Ces mouvements sont également hostiles à l'éducation à la vie sexuelle et affective, sujet au coeur des préoccupations de la délégation. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces mouvements sont aussi contre toute forme de contraception.
Ce colloque et la publication de ses actes ont également une visée mobilisatrice.
La délégation aux droits des femmes défend une vision du monde où chaque femme a la liberté de prendre des décisions éclairées sur sa propre vie, sa propre santé, son avenir. Ses membres seront particulièrement attentifs aux évolutions législatives et constitutionnelles qui sont envisagées dans ce domaine, à l'international comme en France, au cours des prochains mois.