C. UN TRANSFERT DES COMPÉTENCES NON-RÉGALIENNES RESPECTÉ ET ACCOMPAGNÉ
1. Le respect du calendrier de transfert des compétences de l'État vers la Nouvelle-Calédonie
Comme le prévoit le préambule de l'accord de Nouméa, « le partage de compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée [et] sera progressif », étant précisé que « les compétences transférées ne pourront revenir à l'État ».
L'accord de Nouméa prévoyait ainsi une redéfinition de la répartition des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie en plusieurs étapes qui ont toutes été mises en oeuvre, dans des conditions satisfaisantes, au terme de ce processus.
Le calendrier de transfert de ses compétences est détaillé par le point 3 de l'accord. Le législateur organique a ainsi distingué trois blocs de compétences ;
- celles transférées dans la foulée de l'accord et mentionnées au I de l'article 22 de la loi organique ;
- celles transférées au cours des second et troisième mandats du Congrès - soit entre 2004 et 2014 - pour les compétences énumérées au III de l'article 21 de la loi organique ;
- celles prévues à l'article 27 de la loi organique et à transférer sur demande du Congrès à partir de son troisième mandat, soit à partir de 2009.
L'article 77 de la Constitution traduit l'irréversibilité du transfert de compétences en prévoyant que les compétences transférées de l'État aux institutions de la Nouvelle-Calédonie le sont de « façon définitive ».
Les compétences immédiatement
transférées à
la Nouvelle-Calédonie |
Les compétences transférées
dans une seconde étape |
Les compétences partagées |
Le droit à l'emploi |
Les règles concernant l'état civil, dans le cadre des lois existantes |
Les relations internationales et régionales |
Le droit au travail des ressortissants étrangers |
Les règles de police et de sécurité en matière de circulation aérienne et maritime intérieure |
Les étrangers |
Le commerce extérieur |
L'élaboration des règles et la mise en oeuvre des mesures intéressant la sécurité civile |
L'audiovisuel |
Les communications extérieures en matière de postes et de télécommunications, à l'exclusion des communications gouvernementales et de la réglementation des fréquences radioélectriques |
Le régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics |
Le maintien de l'ordre |
La navigation et les dessertes maritimes internationales |
Le droit civil et le droit commercial |
La réglementation minière |
Les communications extérieures en matière de
desserte aérienne lorsqu'elles n'ont pour |
Les principes directeurs de la propriété foncière et des droits réels |
Les dessertes aériennes internationales |
L'exploration, l'exploitation, la gestion et la conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique |
La législation relative à l'enfance délinquante et à l'enfance en danger |
L'enseignement supérieur et la recherche scientifique |
Les principes directeurs du droit du travail |
Les règles relatives à l'administration communale |
|
Les principes directeurs de la formation professionnelle |
Le contrôle administratif des collectivités publiques et de leurs établissements publics |
|
La médiation pénale coutumière |
L'enseignement du second degré |
|
La définition de peines contraventionnelles pour les infractions aux lois du pays |
Les règles applicables aux maîtres de l'enseignement privé sous contrat |
|
Les règles relatives à l'administration provinciale |
||
Les programmes de l'enseignement primaire, la formation des maîtres et le contrôle pédagogique |
||
Le domaine public maritime, transféré aux provinces |
Source : mission d'information, d'après l'accord de Nouméa
Suivant les orientations de l'accord de Nouméa et en application de l'article 26 de la loi organique, parmi les compétences mentionnées au III de l'article 21, « les compétences transférées et l'échéancier des transferts font l'objet d'une loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès ». Lors d'un déplacement d'une délégation de la commission des lois en Nouvelle-Calédonie en 2015, Jean-Pierre Sueur, Catherine Tasca et Sophie Joissains, alors rapporteurs, avaient constaté que « conformément à cette procédure, l'ensemble des compétences mentionnées au III de l'article 21 avait été transféré à la Nouvelle-Calédonie »17(*).
Parallèlement au transfert de compétences, les établissements publics placés sous la tutelle de l'État ont été transférés vers la Nouvelle-Calédonie en application de l'article 23 de la loi organique.
Il en va ainsi de l'agence de développement de la culture kanak (ADCK) qui a notamment pour mission de gérer le centre culturel Tjibaou, placée sous la tutelle du gouvernement calédonien depuis le 1er janvier 2012.
En revanche, l'agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF), dont le rôle est primordial pour la préservation et le retour des terres coutumières, relève toujours de la tutelle de l'État. Il n'existe cependant pas de demande locale pour ce transfert alors que le décret en Conseil d'État décidant du transfert ne peut être pris que sur proposition du Congrès.
L'attribution de ces nouvelles compétences a entraîné une production normative importante, puisque 273 lois du pays ont été promulguées et 15 codes publiés au 30 avril 202318(*). Si le bilan institutionnel, administratif et financier de l'accord de Nouméa du 30 mai 2023 fait état d'un exercice des compétences « limité dans leur pleine appropriation et leur adaptation aux enjeux du territoire » du fait du calendrier resserré de leur mise en oeuvre et du manque de ressources financières et humaines qualifiées, les rapporteurs saluent la capacité de l'État et de la Nouvelle-Calédonie à coopérer pour faire en sorte que ces transferts de compétences soient effectifs et contribuent à l'émancipation du territoire.
2. Une coopération en bonne intelligence entre les services déconcentrés de l'État et l'administration calédonienne
Malgré les nombreux transferts de compétences de l'État vers la Nouvelle-Calédonie, celui-ci demeure présent sur le territoire qui compte, pour une population totale de moins de 270 000 habitants, un haut-commissariat et des subdivisions administratives dans chacune des trois provinces.
L'État a continué à soutenir la Nouvelle-Calédonie, non seulement en finançant des dispositifs destinés à renforcer la formation des élites locales, mais également en maintenant, par le biais des services déconcentrés de l'État présents sur le territoire, des relations de travail pertinentes avec les collectivités calédoniennes. Sept directions mixtes19(*) ont ainsi été créées dans le but de garantir l'organisation administrative la plus efficace pour l'exercice des compétences partagées entre l'État et la Nouvelle-Calédonie ou transférées à la Nouvelle-Calédonie mais nécessitant un appui technique de la part de l'État.
Des conventions de transfert ont également été passées pour permettre à l'administration calédonienne de bénéficier de l'expertise de certains organismes de l'État. Cette coopération peut être ponctuelle, comme dans le cas de la mise à disposition de magistrats pour actualiser les règles de droit civil et commercial, ou permanente, à l'image de la convention signée avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
* 17 Rapport d'information n° 104 (2014-2015) de Sophie Joissains, Jean-Pierre Sueur et Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2014, pp. 24, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r14-104/r14-104.html.
* 18 Source : Bilan institutionnel, administratif et financier de l'accord de Nouméa (30 mai 2023).
* 19 La direction de l'aviation civile, la direction de l'agriculture, de la forêt et de l'environnement, la direction des affaires maritimes, la direction de la jeunesse et des sports, la direction régionale des douanes, le service de la météo et du climat et le vice-rectorat.