D. LA RECONNAISSANCE DÉSORMAIS PRÉSERVÉE DE L'IDENTITÉ KANAK DANS LA VIE INSTITUTIONNELLE ET LA SOCIÉTÉ CALÉDONIENNE
Au-delà des changements institutionnels, la réussite du processus de Nouméa réside également dans une meilleure reconnaissance de l'identité kanak et la mise en oeuvre des premiers chantiers de réconciliation.
À cet égard, le préambule de l'accord de Nouméa, signé par l'État, pose la pleine reconnaissance de cette identité comme un « préalable à la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie ». Cette reconnaissance s'est traduite par de nombreuses actions concrètes, parmi lesquelles : la définition du statut civil coutumier et de son articulation avec le statut civil des personnes de droit commun, la création du Sénat coutumier, obligatoirement saisi pour avis sur les projets de loi de pays et de délibérations qui intéressent l'identité kanak20(*), et la reconnaissance de quatre langues kanak comme matière d'enseignement au primaire et au secondaire.
Pour autant, certaines de ces mesures demeurent encore trop limitées. Le Sénat coutumier, créé par l'accord de Nouméa, a rencontré des difficultés l'empêchant d'occuper pleinement la place qui lui est dévolue par les accords dans le système institutionnel calédonien. Il a fallu attendre 2013 pour que cette institution se saisisse de sa compétence consultative. Entre 2013 et 2019, le Sénat coutumier, qui fait face à des difficultés internes, n'a rendu que cinq avis sur des projets ou propositions de lois du pays et quatre sur des projets de délibérations21(*).
En parallèle de ces mesures, de premiers chantiers de réconciliation ont été ouverts par l'État et les acteurs locaux afin d'ouvrir la voie de la construction d'un destin commun. En reconnaissant que « la colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu'elle a privé de son identité », le préambule de l'accord de Nouméa a marqué un tournant dans l'émergence d'une mémoire collective.
Depuis vingt-cinq ans, de nombreux gestes de réconciliation ont été effectués pour poursuivre ce processus : adaptation des programmes scolaires pour mieux prendre en compte l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, instauration d'une fête de la citoyenneté célébrée le 24 septembre, restitution des reliques du chef Ataï par l'État en 2014, etc. De même, Emmanuel Macron est le premier président de la République à s'être rendu à Ouvéa, en 2018, pour participer aux cérémonies de commémoration du drame de la grotte de Gossanah. Soucieux de participer à cette démarche de réconciliation, les rapporteurs se sont également rendus sur ce lieu à l'occasion de leur déplacement en Nouvelle-Calédonie en juin dernier.
La réconciliation passe également par la prise de conscience d'une nécessaire évolution dans le partage des terres coutumières et leur première reconnaissance, puisque, comme l'a consacré le préambule de l'accord de Nouméa : « l'identité de chaque Kanak se définit d'abord en référence à une terre ». Le processus de Nouméa a ainsi permis de poursuivre la réforme foncière, sous l'égide de l'agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF), en rationalisant la distinction entre terres coutumières et terres de droit commun. Les terres coutumières couvrent aujourd'hui 17 % du foncier de la grande terre et les litiges sont de plus en plus rares, la plupart des acteurs locaux considérant que « la réforme a permis d'atteindre un équilibre dans la répartition foncière du territoire22(*) ».
* 20 L'article 142 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit la transmission obligatoire au Sénat coutumier de « tout projet ou proposition de loi du pays relatif aux signes identitaires tels que définis à l'article 5, au statut civil coutumier, au régime des terres coutumières et, notamment, à la définition des baux destinés à régir les relations entre les propriétaires coutumiers et exploitants sur ces terres et au régime des palabres coutumiers, aux limites des aires coutumières ainsi qu'aux modalités d'élection au sénat coutumier et aux conseils coutumiers ».
* 21 Bilan institutionnel, administratif et financier de l'accord de Nouméa (30 mai 2023).
* 22 Bilan institutionnel, administratif et financier de l'accord de Nouméa (30 mai 2023).