B. UNE DYNAMIQUE INITIALEMENT ENTRAVÉE PAR UNE EXPÉRIMENTATION LIMITÉE
1. Un dispositif expérimenté dans 14 départements jusqu'en mai 2021
Le pass Culture a été lancé dans un premier temps au sein de 14 départements3(*). Chaque jeune de 18 ans résidant dans ces territoires pouvait alors demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques proposés alors par 11 000 offreurs (offres payantes et gratuites). La durée de consommation initialement fixée à 12 mois a été portée, en 2020, à 24 mois.
Le crédit est, depuis l'origine, soumis à des sous plafonds : si les utilisateurs peuvent consacrer la totalité du crédit à des sorties culturelles ou des cours de pratique artistique, un seuil est prévu pour les services numériques. L'utilisation du pass aux fins d'acquisition de biens physiques (livres, CD, DVD, instruments de musique) prend la forme d'une réservation dudit bien en boutique.
S'agissant du dispositif en tant que tel, le projet a d'abord été porté par le ministère lui-même, par l'intermédiaire d'une startup d'État. Les startups d'État, supervisées par la direction interministérielle du numérique dans le cadre du programme beta.gouv.fr, réunissent des équipes constituées d'agents publics endossant un rôle d'« intrapreneur » et d'experts du numérique, avec pour ambition de créer des services numériques prioritaires à impact. Cette structure a permis d'accompagner le développement de l'application afin de répondre à un double objectif : qu'elle soit géolocalisée et qu'elle donne accès à la culture aux jeunes de 18 ans.
Une société par actions simplifiée (SAS), chargée du développement du pass Culture a ensuite pris le relais courant 2019, en vue notamment d'élargir son financement à des acteurs privés4(*). La SAS reste pour l'heure détenue à 70 % par l'État et à 30 % par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), via la Banque des territoires. Son président est nommé par le président de la République, sur proposition du ministre de la culture et du ministre de l'économie et des finances. Il est assisté d'un comité stratégique réunissant un représentant de l'État, neuf membres nommés sur proposition de l'État et un représentant des salariés de la SAS. Les rapporteurs spéciaux notent que le choix de ce type de société apparaît, avec le recul, le plus adapté. La SAS apparaît plus agile qu'un établissement public classique et a pu accompagner la mutation du pass au cours des deux dernières années.
2. Une accélération nécessaire de la généralisation
L'ambition initiale du Gouvernement consistait en une généralisation du dispositif à l'horizon 2022 sur l'ensemble du territoire. Un élargissement de la phase d'expérimentation était prévu le 20 avril 2020. Il a été différé en raison de la crise sanitaire. La totalité des départements des régions Île-de-France et Grand Est et le département de La Réunion devaient initialement mettre en place le dispositif à cette date.
Sans remettre en cause l'utilité du dispositif, qui pouvait s'avérer être un véritable outil d'émancipation culturelle, la commission des finances avait exprimé des doutes lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2019 et 2020 sur la stratégie mise en oeuvre pour rendre accessible ce dispositif. Celui-ci apparaissait mal connu. Le lancement d'une campagne de publicité nationale et d'action de sensibilisation à destination de publics éloignés (jeunes salariés, apprentis etc.) semblait à ce titre impossible compte-tenu du caractère expérimental du pass.
Les rapporteurs spéciaux avaient souhaité lors de l'examen des crédits pour 2021 que soit favorisée une meilleure articulation avec le parcours d'éducation artistique et culturelle, notamment dans les dernières années du lycée, afin de permettre aux futurs utilisateurs de mieux connaître l'application.
Une accélération du déploiement national apparaissait indispensable, tant elle constituait la seule option possible en vue de mieux faire connaître le dispositif et une utilisation des crédits dédiés. La généralisation du pass Culture a finalement été annoncée par le président de la République le 21 mai 2021, assortie d'une diminution du montant accordé de 500 à 300 euros.
* 3 Ardennes, Bas Rhin, Côtes d'Armor, Doubs, Finistère, Guyane, Hérault, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Nièvre, Saône-et-Loire, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Vaucluse.
* 4 Décret n°2019-755 du 22 juillet 2019.