D. LA CRÉATION D'UN FONDS POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN ALIMENTÉ PAR LE PRODUIT DE LA MISE AUX ENCHÈRES DES QUOTAS CARBONE POUR FINANCER NOTAMMENT LE VERDISSEMENT DES FLOTTES DE BUS

La perception du produit de la mise aux enchères des quotas carbone dans le cadre du système européen d'échange des quotas d'émissions (ETS), fortement dynamique, confère à l'État un espace budgétaire important pour financer la transition écologique et, notamment, le développement de l'offre de mobilité des AOM.

Cette ressource, qui a représenté un produit brut d'environ 2 milliards d'euros en 2022 (dont 481 millions d'euros affectés à l'agence nationale pour l'habitat [ANAH]) devrait rester à un niveau élevé, voire s'accroître à nouveau dans les années à venir, en lien avec le renforcement progressif du marché du carbone mis en oeuvre par la Commission européenne106(*) (voir encadré).

Pour 2023, son produit total brut est estimé à 2,4 milliards d'euros107(*), dont 700 millions d'euros seraient affectés à l'ANAH compte tenu du relèvement du plafond de cette affectation prévue par la loi de finances initiale pour 2023108(*).

Le système d'échange des quotas d'émissions (ETS)

L'ETS (directive européenne 2003/87/CE modifiée par la directive 2018/410) couvre aujourd'hui plus de 11 000 installations et compagnies aériennes à l'échelle de l'Europe. À l'échelle nationale ce sont 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 84 % des émissions du secteur de l'industrie qui sont couvertes par ce système. Il couvre les secteurs de l'industrie (production d'électricité et secteurs tels que le ciment, l'acier, la chimie ou le raffinage) et le secteur de l'aviation depuis 2012.

Le système d'échange de quotas d'émission de GES a débuté le 1er janvier 2005 et a donné lieu à 4 phases successives. Les principes de base restent les mêmes à travers les phases : les entreprises doivent mesurer les émissions et chaque année rendre aux autorités autant de quotas que leurs montants d'émissions vérifiées. Certains quotas sont distribués gratuitement pour préserver la compétitivité des industries « à fuite de carbone », et d'autres sont vendus aux enchères. Les quotas sont échangeables et un prix émerge avec les lois de l'offre et la demande.

Associée à la révision de la directive pour relever l'ambition du dispositif de la phase IV (2021-2030), la création d'une réserve de stabilité du marché en 2017 a permis une remontée du cours du quota passant de 5 euros en septembre 2018 à 25 euros en septembre 2019. Le prix a ensuite fluctué entre 25 et 30 euros, avec une baisse importante mais temporaire pendant la crise du Covid au printemps 2020. En fin d'année 2020, le prix a à nouveau fortement augmenté pour se stabiliser autour entre 50 et 60 euros sur la période mai - octobre 2021, porté par l'anticipation de sa réforme dans le cadre du Pacte Vert. Le prix a encore augmenté en fin d'année 2021 pour atteindre près de 100 euros en février 2022. Après une baisse brutale suivie d'un rebond suite à l'invasion russe en Ukraine, le prix a ensuite fluctué autour de 80 euros de février à août 2022.

La proposition législative faite par la Commission Européenne le 14 juillet 2021 dans le cadre du paquet « Fit for 55 » prévoit un renforcement du marché (avec un objectif de réduction à horizon 2030 de - 61 % par rapport à 2005 contre - 43 % actuellement), une baisse des quotas gratuits en lien avec la mise en oeuvre d'un Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières, et une extension au secteur du transport maritime et un marché carbone séparé pour les secteurs transport et bâtiment. Suite à la proposition de la Commission, des négociations au Conseil et au Parlement ont abouti respectivement à un accord au Conseil Envi du 29 juin 2022 sous Présidence Française de l'UE, et en plénière le 22 juin 2022. Des négociations en trilogues se poursuivront au deuxième semestre 2022 en vue d'obtenir un accord sur le texte.

Les recettes des quotas vendus aux enchères sont perçues par l'État et affectées à l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) dans la limite d'un plafond de 700 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

Comme l'a rappelé le rapporteur général de la commission des finances dans son rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022, la législation européenne prévoit expressément que cette ressource doit être fléchée, à hauteur de 50 % au moins, vers des actions tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et plus largement à faire face aux conséquences du changement climatique109(*).

Or, pour 2023, outre l'enveloppe fléchée de 700 millions d'euros en faveur de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui finance bien des actions de rénovation énergétique, le reliquat de 1,7 milliard d'euros abonderait le budget général de l'État, sans qu'une affectation à des actions précises soit définie. Au sein de cette enveloppe, 500 millions d'euros doivent donc être alloués à des dépenses en faveur de la transition écologique pour se conformer aux exigences européennes.

Répartition du produit de la mise aux enchères des quotas carbone en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Rapport sur les voies et moyens (Tome 1) annexé au projet de loi de finances pour 2023

Dans le double souci de respecter le droit de l'Union européenne et d'apporter aux AOM le soutien financier dont elles ont besoin, les rapporteurs préconisent d'affecter cette somme à un nouveau Fonds pour le développement des transports du quotidien.

Ce fonds pourrait être divisé en deux parts.

La première part devrait être spécifiquement allouée au financement de projets de verdissement des flottes de bus des AOM locales, dans la perspective d'une possible interdiction des moteurs thermiques à horizon 2030. Alors que l'État ne défend pas la position des AOM françaises sur ce point dans le cadre des négociations européennes (voir supra), il est légitime qu'il puisse, en contrepartie, leur venir en aide pour réussir cette conversion. Sous une hypothèse conservatrice de stabilité du produit de mise aux enchères des quotas, une enveloppe de 1 milliard d'euros au minimum sur la période 2024-2030 pourrait être dédiée à cet objectif.

La seconde part (50 %), répartie à égalité entre IDFM et les AOM locales, permettrait d'abonder directement leur budget sans passer par des appels à projets, et partant de venir les soutenir face à la hausse des charges d'exploitations liée au développement de leur offre de transport. Les modalités de répartition de la part revenant aux AOM locales seraient déterminées en concertation avec le GART.

Répartition du fonds pour le développement des transports du quotidien (recommandation n° 10)

 

Objectif

Enveloppe 2024-2030

Part n°1

Verdissement des flottes de bus des AOM locales

1 Md €

Part n°2

Soutien financier libre d'emploi à IDFM

1,25 Md€

Soutien financier libre d'emploi aux AOM locales

1,25 Md €

Total

3,5 Md €

Source : commission des finances du Sénat

Recommandation n° 10 : créer un Fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone revenant à l'État, en fléchant au moins 1 milliard d'euros sur le financement du verdissement des flottes de bus des AOM.


* 106 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique, COM/2021/558 final, procédure en cours.

* 107 Source : Rapport sur les voies et moyens (Tome 1) annexé au projet de loi de finances pour 2023.

* 108 Article 116 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 109 D irective n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté européenne (directive SCEQE), article 10.3.

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