CONCLUSION
Les pénuries de médicaments ont envahi le quotidien des Françaises et des Français, en ville comme à l'hôpital. Elles sont d'autant plus durement ressenties qu'elles touchent un nombre de plus en plus important de spécialités, y compris sous les formes pédiatriques et appartiennent à toutes les classes thérapeutiques. Elles se traduisent par une moindre qualité des soins, voire une perte de chance par retard de mise en oeuvre d'un traitement.
Ce constat est unanime, de même que celui de l'analyse - multifactorielle - des causes des pénuries. Mais les moyens pour inverser la spirale de la dégradation de la santé publique font encore débat, tant le secteur du médicament est éclaté, entre grands groupes internationaux - les « Big Pharma » - et une multitude de laboratoires de taille moyenne voire PME. La question qui se pose à chacune et chacun d'entre nous est de savoir si le médicament est une marchandise ou un bien commun. Comment ne pas réfléchir, comme nous y invite le professeur Fischer, sur le fait que les bénéfices engrangés par l'industrie pharmaceutique sont supérieurs à ceux de toutes les autres industries et que les fonds publics y sont pour beaucoup ?
L'envolée du nombre des ruptures d'approvisionnement a jeté une lumière crue sur les limites de ce modèle financier : au sortir de la pandémie, dans un contexte de fragilisation des échanges internationaux, notre système de santé ne peut plus répondre aux besoins des Françaises et des Français. Comment, dès lors, parvenir à rétablir une qualité de soins qui ne passe pas par une simple gestion des pénuries ?
Le modèle de financement par la baisse des prix des médicaments les plus anciens au profit de la mise sur le marché de nouveaux médicaments, est aujourd'hui à bout de souffle. Dans un contexte de hausse inéluctable des dépenses de santé, notamment liée au vieillissement de la population, comment financer les nouveaux médicaments dits innovants dont les laboratoires demandent des prix exorbitants ?
Apporter une réponse claire à ces deux questions suppose au préalable de définir de quels médicaments essentiels notre pays a besoin. Après avoir tergiversé, le gouvernement a désormais engagé une réflexion en ce sens mais qui apparaît encore fragile. La politique de relocalisation de la production de médicaments, qui s'inscrit par nature dans le temps long, constitue une voie concrète pour faire face aux ruptures d'approvisionnement, même si la question de son acceptabilité reste posée, notamment en termes d'empreinte environnementale.
Dans un marché mondialisé, la politique sanitaire nationale doit nécessairement s'inscrire dans une démarche coordonnée au niveau européen. La réponse conjointe à la pandémie a jeté les bases d'une politique de santé commune. Nouvelle étape de ce processus, l'adoption du paquet pharmaceutique prendra sans doute du temps. Mais son élaboration montre que les lignes bougent, y compris sur des sujets aussi discutés que le droit des brevets.
Pour parvenir à retrouver sa souveraineté sanitaire, la France aurait donc intérêt à exercer un rôle moteur dans ce processus.
Après six mois d'auditions et d'investigation, la commission d'enquête estime que la France parviendra d'autant mieux à exercer ce rôle que la responsabilité de la politique du médicament retrouvera la dimension politique qu'elle a perdue. C'est pourquoi il est urgent de dépasser la gestion en silos des parties prenantes en désignant un véritable pilote, bras armé de l'État pour une refondation de la politique du médicament.
L'investissement des pouvoirs publics dans la santé de demain nécessite de se doter de nouveaux outils capables de répondre aux défaillances des industriels et de garantir l'accès aux traitements de toutes nos concitoyennes et de tous nos concitoyens sur tous les territoires.