B. SOUTENIR LES INVESTISSEMENTS D'AVENIR ET DÉVELOPPER UNE APPROCHE GLOBALE
1. Accroître la production d'électricité et accélérer les raccordements aux réseaux
Ainsi que l'a souligné la direction générale des entreprises (DGE), « l'atteinte de ses objectifs de développement de capacités de production d'hydrogène (renouvelables comme bas carbone) dépendra pour une large part sur la capacité de la France à assurer un déploiement des capacités de production d'énergie correspondantes et à bas coût ». Cet enjeu est de fait majeur et suppose des actions déterminées, sur lesquelles le Sénat a déjà été amené à prendre position.
a) Assurer la relance effective et rapide du parc nucléaire
Au regard des enjeux de production présentés précédemment, la relance de l'énergie nucléaire est indispensable pour garantir notre souveraineté et notre indépendance énergétiques.
C'est la raison pour laquelle, le rapport d'information de la mission sénatoriale transpartisane, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a plaidé pour la construction d'au moins 14 EPR2 et 4 GW de SMR, et l'étude de 9 autres EPR2 en cas de réindustrialisation, pour maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050231(*).
En adoptant la loi « Nouveau nucléaire », de 2023232(*), qu'il a largement complétée et adoptée, le Sénat a entendu donner une traduction rapide et concrète aux annonces faites par le Président de la République, dans son discours de Belfort, du 10 février 2022.
Allant beaucoup plus loin que le Gouvernement, il a levé les trois verrous posés à la relance du nucléaire par la loi de « Transition énergétique », de 2015, en abrogeant l'objectif de réduction à 50 % de l'énergie nucléaire d'ici 2030 (article L. 100-4 du code de l'énergie) et le plafond d'autorisation de production d'électricité nucléaire de 63,2 GW (article L. 311-5-5 du même code) et en obligeant le Gouvernement à réviser la PPE pour y retirer la trajectoire de fermeture de 14 réacteurs existants (article 1er de la loi « Nouveau nucléaire »).
Si le législateur a ainsi pleinement joué son rôle, dans la relance du nucléaire, le Gouvernement doit à présent proposer, dans la loi quinquennale sur l'énergie, des objectifs et des moyens à la hauteur des enjeux, et traduire les annonces en actes, en décidant des constructions, en actualisant la PPE et en instruisant les autorisations.
De plus, il doit remettre le rapport d'évaluation devant être transmis d'ici le dépôt du projet de loi quinquennal sur l'énergie (article 5), afin de permettre à la représentation nationale de se positionner sur la place de l'énergie nucléaire, et notamment des nouveaux réacteurs, dans le mix électrique, compte tenu de leurs impacts sur les finances publiques, les enjeux de sûreté et de sécurité nucléaires, les besoins en termes de métiers et de compétences ainsi que le cycle du combustible.
Recommandation :
Assurer la relance effective et rapide de l'énergie nucléaire (instruction accélérée des autorisations, actualisation nécessaire de la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), préparation urgente de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat).
b) Développer massivement les énergies et vecteurs décarbonés
Aux côtés de la relance du parc nucléaire, le développement des autres énergies et vecteurs décarbonés est indispensable pour atteindre nos objectifs de décarbonation.
Pour ce faire, la simplification des procédures applicables à ces projets est indispensable.
Le Sénat a été en pointe sur le sujet en matière d'hydroélectricité233(*), dans la loi « Climat-Résilience », de 2021234(*), de biogaz235(*), dans la loi « Pouvoir d'achat », de 2022236(*) et d'agrivoltaïsme237(*), dans la loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023238(*).
Après avoir fait l'objet tout premier cadre juridique, avec l'ordonnance « Hydrogène », de 2021239(*), pris en application de la loi « Énergie-Climat », de 2019240(*), l'hydrogène a depuis lors bénéficié de mesures de simplification, dans le cadre des lois « Climat-Résilience », de 2021241(*) et « Accélération des énergies renouvelables et nucléaires », de 2023242(*).
À l'initiative du Sénat, l'hydrogène a ainsi été intégré à la loi quinquennale sur l'énergie et à la PPE (article L. 100-1 A et 141-1 2 du code de l'énergie). De plus, il doit être soutenu via les appels d'offres sur le stockage de l'électricité (article L. 352-1-1 du même code), un dispositif de soutien public pour celui produit par électrolyse (article 812-2 du même code) et des garanties d'origine et de traçabilité (article 821-1 et 821-2 du même code). Les dispositifs de soutien public doivent respecter un « bilan carbone » (article 812-3 du même code). Un référent unique expérimental, regroupant l'ensemble des services de l'État, de même qu'une mutualisation facultative des études et des ouvrages liés aux installations et à leurs raccordements sont prévus (article L. 515-48 du code de l'environnement). La CRE, ainsi que les collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), ont reçu compétences pour concourir au déploiement des installations, ces dernières pouvant d'ailleurs recourir à des sociétés d'économie mixte locales (article L. 131-2-1 du code de l'énergie et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales).
Par ailleurs, la TIRUERT a été appliquée à l'hydrogène renouvelable en 2023, par la « LFI pour 2022 » 243(*)et le sera à celui bas-carbone produit par électrolyse en 2024, par la « LFI pour 2023 »244(*) (article 266 quindecies du code des douanes).
Si ces avancées législatives sont positives, leur traduction réglementaire est insuffisante : la publication d'arrêtés sur la définition de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone et la méthode d'évaluation des émissions de CO2, ainsi que de décrets sur le dispositif de soutien public, les garanties d'origine et de traçabilité et la TIRUERT, est encore attendue.
C'est pourquoi EDF a indiqué que « l'ordonnance hydrogène de février 2021 créant le livre VIII du code de l'énergie relatif à l'hydrogène est aujourd'hui incomplète. Première brique du cadre juridique régissant l'hydrogène au niveau national, la filière attend encore les arrêtés ministériels devant compléter le texte, notamment la définition de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone ». De son côté, Engie a précisé qu' « il manque aussi le décret sur les garanties d'origine et de traçabilité de l'hydrogène » et que « l'ordonnance hydrogène de février 2021 prévoit la mise en place d'un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène décarboné par électrolyse. Celui n'est pas encore lancé. Il est attendu par la filière ». Ce constat est cohérent avec celui de TotalEnergies, pour qui « la filière hydrogène est en attente des décrets d'application de l'ordonnance hydrogène notamment l'intensité carbone à respecter pour être qualifié de renouvelable ou bas-carbone, la méthodologie de calcul ainsi que le système de traçabilité des molécules qui devrait être mis en place (garantie d'origine, garantie de traçabilité). »
Plus largement, le cadre réglementaire doit être actualisé. Au premier chef, la PPE doit fixer des objectifs aussi ambitieux que ceux européens, et consacrer le recours à l'énergie nucléaire pour y parvenir. Pour être complète, elle doit viser les PAC aux côtés des électrolyseurs, les véhicules lourds aux côtés de ceux légers. Elle peut aussi englober les infrastructures, de distribution, de transport ou de stockage, sans rogner sur l'ambition d'une production nationale exempte d'importation et de constitution de bassins industrialo-portuaires regroupant les sites de consommation avec ceux de production. Si l'identification des besoins prioritaires en hydrogène est souhaitable, elle ne doit pas se muer en une contrainte ou, pire, en un rationnement ; il faut préserver un équilibre réaliste et évolutif entre ses différents usages (industrie, mobilité, flexibilité). Et les aides doivent porter sur le fonctionnement comme sur l'investissement, et sur l'offre comme sur la demande. Par ailleurs, au-delà de l'hydrogène, ses dérivés synthétiques (carburants de synthèse) doivent être intégrés.
C'est donc un rôle d'État stratège qui est attendu pour accompagner l'amorçage de la filière, ainsi que l'a indiqué en substance France Hydrogène : « De manière plus générale, au-delà du soutien financier, l'accompagnement de l'État peut se faire en assumant un rôle de coordination des acteurs, à même de répondre au dilemme de “ la poule et de l'oeuf “, notamment dans la mobilité routière hydrogène ».
Outre la simplification des procédures applicables, l'accès aux mécanismes de financement est aussi crucial.
En matière d'hydrogène, c'est une difficulté pour les dispositifs de financement public, dans la mesure où l'instruction des projets éligibles au PIIEC est longue.
EDF a ainsi déploré « les retards [...] pris dans l'instruction des demandes de financement public soumis par l'État français auprès de la Commission des premiers projets industriels », Engie « une exécution [...] particulièrement complexe et consommatrice de temps » et Total « un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène [...] pas encore opérationnel ».
Compte tenu de ces retards, France Hydrogène a rappelé que « les notifications respectives des 3e et 4e vagues PIIEC (sur les infrastructures et la mobilité) par la Commission européenne sont encore attendues ».
Une autre difficulté est le devenir des AAP de l'Ademe, qui doivent être effectivement appliqués, pour celui sur les briques et démonstrateurs, et relancés, pour celui sur les écosystèmes territoriaux : il faut veiller à leur pérennité et à leur complétude.
Dans ce contexte, au sujet des écosystèmes territoriaux, Engie a indiqué que « l'AAP s'est clôturé fin 2022 et nous attendons que la suite soit assurée. Il est nécessaire de maintenir un accompagnement public à l'innovation pour la filière hydrogène. [...] Concernant les carburants de synthèse, il est nécessaire de soutenir dès à présent les projets attractifs qui ne sont pas adaptés aux appels d'offres en cours. En particulier, il n'y a pas pour l'instant de mécanisme d'aide adapté prévu pour les e-fuels à destination des secteurs de l'aviation et du maritime ».
C'est aussi une difficulté pour les dispositifs de financement privés, étant donné que les contrats de long terme, prévus dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité, ne mentionnent pas l'hydrogène.
C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution sur la réforme du marché européen de l'électricité, de MM. Daniel Gremillet et Claude Kern245(*), plaide pour intégrer l'hydrogène à tous les contrats de long-terme ainsi prévus, qu'il s'agisse de ceux institués par les États membres, les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels (ou Contracts for Difference - CfD), ou ceux relevant davantage de l'initiative privée, les accords d'achat d'électricité (ou Power Purchase Agreements - PPA).
L'intérêt de ces contrats pour l'essor de l'hydrogène a été relevé par EDF, en ces termes : « la réforme du market design pourrait être de nature à fournir une stabilité des prix et des volumes pour la fourniture d'électricité renouvelable ou bas-carbone aux électrolyseurs, par le recours facilité aux contrats d'approvisionnement de long-terme de type PPA et CfD ».
En outre, compte tenu des développements précédents sur le gisement de CO2 et l'enjeu de l'utilisation du CO2 industriel (fatal), interdite après 2040 par la réglementation européenne, pour permettre la production de carburants de synthèse, la mission d'information souhaite que, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat, une étude spécifique, à la fois économique et environnementale, puisse être réalisée, permettant de clarifier les enjeux entre cette solution et celles des mécanismes de stockage du carbone.
Certaines contributions ont souligné à cet égard l'intérêt que pourrait représenter la mise en place un système de Carbon Contracts for Difference (CcfD) offrant de la visibilité sur le prix du CO2 (et prenant ainsi en compte la possibilité de voir les prix du CO2 baisser compte tenu de la récession).
Toutefois, lors de son audition par la mission d'information, le vice-président de la branche mondiale hydrogène du groupe Air Liquide avait précisé que « s'agissant de l'autre voie, qui consiste à réutiliser ce CO2, nous en avons très clairement besoin, notamment dans la chimie. Il va en effet falloir recomposer la pétrochimie, en remplaçant les sources de carbone d'origine fossile par du CO2. S'agissant des carburants synthétiques, c'est selon nous un CO2 d'origine biogénique qui doit être privilégié pour que le bilan global sur la baisse des émissions dans le transport soit véritablement au rendez-vous. Réutiliser un CO2 d'origine industrielle pour en faire des carburants synthétiques durables réduit fortement l'efficacité de l'ensemble de la chaîne ».
Cette vision était également celle de TotalEnergies, qui a indiqué : « capturer du CO2 émis par une usine du Nord industriel et le recycler ne constitue pas un progrès ; il est préférable de fabriquer du CO2 biogénique, ce qui constitue néanmoins une opération complexe ». Elle est aussi partagée par l'Ademe.
En revanche, Engie et France Hydrogène ont plaidé pour réutiliser le CO2 industriel ; du côté du Gouvernement, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) comme la Direction générale des entreprises (DGE) ont évoqué l'enjeu de la captation des émissions industrielles.
Recommandation :
Développer massivement l'hydrogène et les carburants de synthèse (simplifier, évaluer la captation et la valorisation du CO2, instituer des contrats de long terme).
c) Mettre en oeuvre les possibilités offertes RTE et Enedis pour accélérer le raccordement les projets aux réseaux d'électricité
La loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023246(*), compte un paquet de dispositions en faveur de l'accélération des procédures de raccordement aux réseaux de distribution et de transport d'électricité des projets liés à la transition énergétique
Ces dispositions consistent notamment en :
- des dérogations procédurales, pour une période de deux ans, prorogeable une fois, pour les projets de création ou de modification de raccordement aux réseaux de transport d'électricité, pour les projets de production ou stockage d'hydrogène renouvelable et bas-carbone et ceux de modification d'installations industrielles dont les émissions de GES247(*) ont été supérieures à 250 000 tonnes (procédure de participation du public, autorisation de construction de lignes électriques, dérogation aux règles de construction en loi Littoral) (article 27) ;
- la possibilité pour l'État, pour une période de deux ans, prorogeable une fois, de fixer, sur proposition du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, un ordre de classement pour les demandes de raccordement des mêmes projets aux réseaux de distribution et de transport d'électricité, dès lors que le délai de raccordement est supérieur à 5 ans248(*) (article 28) ;
- la révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR)249(*) et de la quote-part fixée par ces derniers, dont la durée des capacités d'accueil est portée de 10 à 15 ans et la méthodologie des coûts des ouvrages à réaliser est définie par la CRE, plutôt que le gestionnaire du réseau de transport (article 29 de la loi précitée et L. 321-7 du code de l'énergie) ;
- la faculté pour le gestionnaire du réseau de transport de mutualiser la réalisation d'ouvrages de raccordement à son réseau, non constitutifs d'un renforcement de ce dernier, des installations de consommation d'électricité, en offrant le cas échéant une capacité totale supérieure à celle immédiatement nécessaire, selon des modalités définies par la CRE, s'agissant notamment de la quote-part (article 33 de la loi précitée et L. 342-7-2 du code de l'énergie) ;
- un abaissement, de 2 à 1 mois, du délai pour répondre à une demande de raccordement au réseau de distribution des installations de production d'électricité renouvelable de moins de 3 kilovoltampères et de, 18 à 12 mois, du délai prévu pour les autres installations (articles 105 et 106 de la loi précitée et L. 342-3 du code de l'énergie) ;
- des facilités techniques, en matière de dérogation aux règles de construction en loi Littoral pour les ouvrages du réseau de transport (article 66 de la loi précitée et article L. 121-5-1 du code de l'urbanisme), de gestion de la tension sur les réseaux de distribution (article 30), d'évaluation des raccordements des installations de production d'électricité (article 31 de la loi précitée et article L. 342-7 du code de l'énergie) ou encore d'insertion de la flexibilité sur les réseaux de distribution (article 33 de la loi précitée et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales).
Lors de l'examen de ces dispositions, le Sénat avait estimé indispensable de mieux calibrer ces dispositions, en imposant une clause de revoyure dans un délai de deux ans (article 27 et 28), en prévoyant l'avis systématique des élus locaux dans le cadre de la dérogation à la Loi Littoral (article 27 et 66) et en consolidant les pouvoirs de la CRE (articles 27 et 32).
Il s'est donc montré très vigilant pour préserver les compétences et les finances des collectivités territoriales, propriétaires des réseaux de distribution d'électricité : c'est pourquoi la participation des communes ou de leurs groupements à l'extension des réseaux a été abrogée, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi (article 29 de la loi précitée et L. 342-11 du code de l'énergie).
L'enjeu est désormais d'appliquer pleinement et rapidement ces dispositions : une ordonnance est en effet attendue, pour compléter le cas échéant la réforme, en associant la CRE, les gestionnaires des réseaux de transport et d'électricité et les représentants des collectivités territoriales et des producteurs d'énergies renouvelables (article 26) ; de plus, des décrets doivent être publiés s'agissant du classement ou de la mutualisation des raccordements (articles 28 et 32) et de la révision des S3REnR (articles 29).
À terme, l'opportunité d'appliquer au gaz et à la chaleur renouvelables les mêmes souplesses de procédure que celles prévues pour l'électricité renouvelable se pose.
L'accélération des raccordements est au coeur des préoccupations des acteurs économiques, notamment de la filière hydrogène, qui ont salué les dispositions précitées et appelé à leur application. EDF a ainsi indiqué que « les nouvelles mesures de la loi AER pourront jouer un rôle pour accélérer les délais, réduire les files d'attente, mutualiser les raccordements et anticiper les renforcements du réseau ». Dans le même esprit, Engie a estimé qu' « accélérer les délais de connexion de RTE est donc clé », ajoutant que « la loi [AER] [...] a fait un pas en ce sens ».
Les gestionnaires et régulateurs des réseaux de transport et d'électricité ont fait part d'une même préoccupation devant la mission. RTE a indiqué avoir reçu un volume de 12 GW pour les raccordements d'électrolyseurs, dont un quart est lié à la production d'hydrogène pour l'industrie et un autre à la production de carburants de synthèse, le cas échéant avec un captage du CO2. Si ces demandes dépassent l'objectif de 6,5 GW d'électrolyseurs d'ici 2030, les projets sont au stade de la décision d'investissement et non de l'autorisation de construction. Il a ajouté avoir reçu un volume de 3 à 4 GW pour les projets d'électrification ou de gigafactories de batteries électriques ou de panneaux solaires dans les grandes zones industrielles, telles que Dunkerque, Fos-sur-Mer, Le Havre-Port-Jérôme et Lyon-Vallée de la chimie. Au total, les investissements nécessaires représentent 1,5 à 2 Mds€. Dans ce contexte, RTE s'est exprimé positivement sur la loi « Accélération des énergies renouvelables » : « Dans les questions d'accès au réseau, aujourd'hui, il n'y a pas de possibilité d'organiser une priorité. La règle qui prévaut est “premier arrivé, premier servi”. [...] Le texte que vous avez donné donne les premiers outils à l'État, après consultation de la CRE, pour réorganiser ces priorités, dans des cas très précis ». De son côté, Enedis a affirmé avoir raccordé 3,8 GW d'énergies renouvelables250(*) en 2021 et 3,8 supplémentaires en 2022. Le niveau total des installations aujourd'hui raccordé est de 17 GW pour l'énergie éolienne, 14 pour l'énergie solaire, et 1,2 pour les bioénergies en 2012. Pour répondre aux demandes, le groupe mise sur un effort de productivité, l'accélération des procédures administratives et le recours à une flexibilité électrique. Tout comme RTE, il a salué l'intérêt de la loi : « Les enjeux de permitting [...] ne dépendent pas uniquement d'Enedis. Ils sont en lien avec les administrations locales ou nationales. Ces initiatives permettent de faire diminuer les délais ». Quant à la CRE, si elle a accueilli favorablement la loi, elle a précisé que l'organisation de priorités et l'institution de mutualisation peut peser in fine sur le consommateur d'électricité, en ces termes : « L'article 28 de la loi AER [...] permet de réarranger les files d'attente. En contrepartie de ce réarrangement [...] on accepte que le risque final d'un investissement échoué porte sur le consommateur ».
Au-delà de l'application de ces dispositions, et de leur extension éventuelle au gaz et à la chaleur renouvelables, il faut en évaluer l'impact concret sur les porteurs de projets, les consommateurs d'énergie, les gestionnaires des réseaux et les collectivités territoriales concernées.
Recommandation :
Accélérer les raccordements des projets liés à la transition énergétique aux réseaux de transport et de distribution d'électricité.
2. Desserrer les contraintes sur le foncier posées par l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN)
Les projets liés à la transition énergétique posent un enjeu d'utilisation du foncier, dans la mesure où les EnR sont de nature diffuse. Or, depuis la loi « Climat-Résilience », de 2021251(*), l'artificialisation des sols doit diminuer de moitié entre 2021 et 2031, afin d'atteindre l'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 : il s'agit de l'objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN).
Cet objectif a des répercussions très concrètes sur les conditions locales d'urbanisation, puisqu'il est prévu que des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols soient intégrés aux documents locaux d'urbanisme252(*) d'ici 2027 (articles L. 141-3, 141-8, 151-5 et 161-3 du code de l'urbanisme et L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales), tandis qu'une nomenclature des sols artificialisés serve de base de calcul à cette artificialisation d'ici 2031 (article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme).
Bien conscient des difficultés posées par l'application de cet objectif, le Sénat a proposé à plusieurs reprises des assouplissements pratiques dans le respect de l'ambition initiale. En effet, il serait paradoxal qu'un objectif conçu pour limiter la consommation du foncier pénalise au premier chef l'essor des projets industriels liés à la transition énergétique ; cela obérerait même l'atteinte de nos objectifs énergétiques et climatiques.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a introduit une exonération du décompte de cet objectif pour l'installation de production d'énergie photovoltaïque, dès la loi « Climat-Résilience », de 2021253(*), puis la réalisation d'un réacteur nucléaire, dans la loi « Nouveau nucléaire », de 2023254(*).
De manière générale, le Sénat plaide pour que les projets de construction, d'aménagement, d'infrastructure ou d'équipement d'ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur, fassent l'objet d'une comptabilisation séparée et ne pèsent pas sur les enveloppes des collectivités territoriales : c'est tout l'objet de la proposition de loi d'initiative sénatoriale sur le « ZAN », largement adoptée par le Sénat, le 17 mars 2023255(*),256(*).
Les implications en matière d'artificialisation des sols posées par les projets liés à la transition énergétique ne sont pas négligeables. C'est une préoccupation pour les grands ports industriels, à l'image d'Haropa Port, qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris et ambitionne d'y déployer des biocarburants et des carburants de synthèse : « Pour mettre en oeuvre ces projets, nous avons besoin de conserver notre foncier. Une proposition de loi du Sénat est sortie au sujet du zéro artificialisation nette, sujet d'importance pour nous. Nous ne pouvons pas imaginer passer du monde du raffinage au monde des nouveaux carburants sans consommer du foncier. ». Ce discours avait également été tenu par le président du directoire du Grand Port maritime de Marseille, M. Hervé Martel.
C'est aussi une préoccupation pour les porteurs de projets d'hydrogène, à l'instar d'Engie, qui a indiqué : « La rareté du foncier en France est aussi un problème. Le développement de capacités d'électricité renouvelable est nécessaire au développement de l'hydrogène renouvelable. Les discussions dans le cadre de la loi AER ont montré les difficultés à trouver du foncier pour de nouveaux parcs solaires et éoliens terrestres. »
Recommandation :
Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN), conformément à la démarche engagée par le Sénat.
3. La nécessité d'un dialogue d'ensemble entre secteurs
Il existe une multiplicité d'instances dans les domaines de l'hydrogène vert, de carburants de synthèse et de biocarburants.
Or, un manque de dialogue est palpable au sein de l'État.
L'administration centrale est partagée entre la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), qui élabore et applique la politique relative à l'énergie, la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), qui définit les moyens visant à améliorer la bioéconomie, la Direction générale des entreprises (DGE), qui met en oeuvre les PIIEC, la Direction générale des finances publiques (DGFIP), qui met en oeuvre la TIRUERT, Direction générale de l'aviation civile (DGAC), en charge de la décarbonation des avions, la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) en charge de la décarbonation des transports routier, ferroviaire et fluvial, ou encore la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA), qui porte la transition écologique des activités maritimes...
Par ailleurs, plusieurs établissements publics interviennent : l'Agence de la maîtrise de l'énergie et de l'environnement (Ademe) pour le pilotage des AAP, le Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et IFP Énergies nouvelles (IFPEN) pour le pilotage des PEPR, l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour la gestion du Plan d'investissement, FranceAgriMer pour le suivi des marchés agricoles et d'une partie de la biomasse, et l'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) pour des recherches dans ce domaine257(*)...
Dans une perspective de programmation et d'évaluation régulière, la mission d'information considère avec intérêt la création du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), dont la mission devra être évaluée. Elle ne peut qu'inviter à une forme de stabilité dans l'évaluation et la programmation d'ensemble des politiques publiques et au maintien d'une structure interministérielle stable.
À l'échelon local, un référent unique doit être expérimenté pour l'hydrogène renouvelable et bas-carbone, tandis qu'un sous-préfet doit être désigné pour suivre les projets liés aux énergies renouvelables ou aux projets industriels liés à la transition énergétique, depuis la loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023258(*).
Un manque de dialogue est également palpable entre les filières.
Ainsi, il existe un Comité biomasse et biocarburants, au sein de FranceAgriMer, des Comités stratégiques de filières259(*) au sein du Conseil national de l'Industrie (CNI), le Conseil national de l'hydrogène (CNH) et enfin des interprofessions agricoles260(*) ou des associations énergétiques261(*).
Les porteurs de projets sont en attente de davantage de cohérence de la part des administrations centrales et déconcentrées de l'État. C'est tout particulièrement le cas en matière de soutien public à l'industrie et à la recherche, où la juxtaposition de stratégies, de dispositifs et d'acteurs -nationaux et européens - ne facilite pas la tâche aux porteurs de projets.
Recommandation :
Développer les échanges entre filières pour accroître la cohérence des positions en vue de renforcer les acteurs économiques français.
4. Développer la production, la connaissance et les mécanismes de collecte de la biomasse
Lors de son audition, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a alerté sur la concurrence qui se fait jour sur l'accès à la biomasse : « Ce qui doit nous alerter, c'est que beaucoup d'acteurs s'intéressent à la biomasse agricole. Certes, c'est bon signe, mais il va falloir prioriser les usages pour éviter toute concurrence entre les opérateurs, sous la maîtrise du monde agricole et de l'aval. »
Au-delà des objectifs de la stratégie énergétique nationale, les éventuels conflits d'usage plus concrets dans l'utilisation de la biomasse devraient être identifiés et prévenus, avec l'actualisation de la stratégie nationale de mobilisation la biomasse (SNMB) et des schémas régionaux de biomasse (SRB), institués par les articles L. 211-8 du code de l'énergie et L. 222-3-1 du code de l'environnement, introduit par la loi de « Transition énergétique » de 2015262(*), en étroite collaboration avec les associations d'élus locaux qui ont un rôle important de co-construction à jouer.
Les biocarburants étant produits à partir de biomasse, leur potentiel de développement dans les années à venir dépend intrinsèquement des ressources de biomasse pouvant être mobilisées à cette fin. C'est pourquoi l'amélioration de la connaissance de la biomasse constitue un préalable indispensable à la décarbonation du secteur des transports par le biais des biocarburants ; pour s'assurer de l'adéquation entre les ressources de biomasses disponibles et les usages envisagés.
Ainsi, d'après la Cour des comptes, « s'agissant des différentes catégories de biocarburants et de leurs usages respectifs possibles, il pourrait être utile de mieux quantifier les ressources de biomasse disponibles et la quantité d'énergie qui peut en être extraite, et de mieux éclairer les différentes affectations possibles en anticipant les conflits d'usage potentiels. » Dans cette même perspective, l'Ademe estime nécessaire de définir une véritable gouvernance de la biomasse, et de « sortir d'une approche en silos, pour aller vers une analyse transversale et intégrée de la biomasse ». La mission souscrit à la proposition formulée par l'Ademe d'organiser et de favoriser une vision systémique de la biomasse par le biais d'instances dédiées, notamment à l'échelle régionale.
Le développement de la biomasse est, par nature, limité. Sa valorisation pour un usage énergétique est en outre contrainte par l'usage alimentaire prioritaire de la biomasse agricole. Comme l'a souligné Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, lors de son audition par la mission, « s'agissant du débat sur l'alimentation et les biocarburants, la mission première de l'agriculture est bien évidemment vivrière. Cependant, si cette production peut également permettre de créer de l'énergie et une économie circulaire, pourquoi se priver de ces débouchés ? (...) Je pense sincèrement qu'il faut éviter les conflits d'usages. »
Ce développement est également contraint par l'optimisation des services environnementaux rendus par la biomasse forestière. Il doit en outre tenir compte des effets du changement climatique sur la création de biomasse.
Cela étant, la mission a constaté que plusieurs scénarios d'évolution du potentiel « gisement » de biomasse disponibles pour la production d'énergies co-existent.
En tout état de cause, chacun des quatre scénarios de décarbonation identifiés par l'Ademe pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 suppose une consommation de biomasse bien supérieure à celle 2017 (cf. graphique ci-après), avec, en priorité, une forte mobilisation des biomasses végétales. À cet égard, d'après la stratégie nationale bas-carbone, deux tiers de la biomasse utilisée à horizon 2050 devrait provenir du secteur agricole.
Consommation de biomasses pour un usage
énergétique en TWh
(par catégorie de
biomasse)
Source : Ademe
Comme le résume l'Ademe : « La mobilisation croissante de la biomasse est nécessaire pour contribuer à la décarbonation de la France et peut aller de pair avec les transitions agroécologique et alimentaire. Néanmoins, la question de la capacité à mobiliser la ressource reste prioritaire, et ne pourra se faire sans accompagnement et sans politique dédiée permettant de structurer l'offre. »
Dans ce contexte, il est nécessaire d'identifier la biomasse disponible, et sous quelles conditions, d'une part, et de définir les leviers de mobilisation de cette biomasse, d'autre part.
S'agissant du premier point, plusieurs acteurs interrogés par la mission ont fait état d'un important potentiel agricole et forestier, susceptible de permettre la production de biomasse supplémentaire. Ainsi, pour l'Inrae, le potentiel de prélèvement forestier reste important s'il s'accompagne d'une bonne gestion de la forêt avec un renouvellement forestier qui évite les reboisements mono-espèces et des coupes plus respectueuses des sols avec maintien du carbone et des nutriments dans les sols. FranceAgriMer dispose d'une base de données - l'Observatoire national des ressources en biomasse - qui cherche à identifier les différents gisements de matières premières et leurs usages, mais cet outil, qui n'intègre en particulier pas le bois, ne permet pas à ce stade d'avoir une vision complète des enjeux de biomasse.
Concernant les leviers de mobilisation de la biomasse, l'Ademe considère qu'il s'agit d'une question particulièrement stratégique : « Il s'agit de trouver les conditions économiques, techniques et écologiques permettant de rendre la biomasse disponible sur le marché ». Plusieurs acteurs économiques ont ainsi indiqué à la mission d'information que l'accès aux matières premières était un enjeu primordial. Pour TotalEnergies, les déchets et résidus d'huiles aujourd'hui valorisés à La Mède - et bientôt à Grandpuits - s'appuient sur un gisement dont le développement s'amplifie « via une meilleure gestion des circuits de collecte notamment ». TotalEnergies ajoute que « le premier défi tient à la capacité de mobilisation de ces volumes qui, par définition, sont diffus : les gisements sont existants, mais nécessitent des efforts supplémentaires de manière à pouvoir répondre à la demande. »
D'après l'Inrae, plusieurs pistes doivent être explorées pour structurer la collecte de la biomasse, parmi lesquelles notamment :
- une efficacité accrue des étapes de récolte et de transport ;
- la densification de la biomasse après récolte, pour réduire les coûts de transport : la mission a vu une initiative de ce type conduite par la société Européenne de Biomasse, qui permet de densifier la biomasse ligno-cellulosique sous forme de pellets ;
- la réduction des distances de transport ou le recours à des moyens peu polluants ;
- le recours à des systèmes de production de biomasse permettant l'échelonnement de la fourniture sur l'année, afin de limiter les besoins de stockage.
Le président-directeur général de l'Inrae a par ailleurs signalé à la mission d'information le manque, à ses yeux, « d'un grand programme de recherche centré sur les bioénergies. Il existe bien un programme de recherche que l'on copilotera avec l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux, mais ce ne sont pas les bioénergies en tant que telles qui sont visées ».
Recommandations :
Mobiliser la biomasse :
- renforcer le suivi des ressources de biomasse, au travers d'instances et de schémas nationaux (stratégie nationale de mobilisation de la biomasse) et locaux (schémas régionaux biomasse), afin de suivre leur évolution, les tensions éventuelles ainsi que les impacts sur la biodiversité et les puits de carbone ;
- lancer un plan volontariste de développement de la biomasse agricole et sylvicole, sous le pilotage du ministère chargé de l'agriculture ;
- améliorer, en concertation avec les associations d'élus locaux, la valorisation énergétique des déchets collectés par les collectivités ;
- compléter le programme de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de IFP Énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux par un volet centré sur les bioénergies.
5. Optimiser les stratégies de l'État et des collectivités territoriales, en assumant des priorités
a) L'urgence de fixer un cap clair et cohérent
Il existe une diversité de stratégies en matière d'hydrogène vert, de carburants de synthèse et de biocarburants.
À l'échelle nationale, aux côtés des documents généralistes, que constituent la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone, on dénombre des documents sectoriels : la Feuille de route des biocarburants avancés (2011) ; la Stratégie nationale de la recherche énergétique (2015) ; l'Engagement pour la croissance verte (ECV) sur les biocarburants aéronautiques (2017) ; la Feuille de route pour le développement des filières biocarburants aéronautiques en France (2018) ; la Feuille de route pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables dans les transports aériens (2020) ; la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France (2020) ; la Stratégie d'accélération « Produits biosourcés et carburants durables » (2021) ; la Feuille de route technologique pour la recherche aéronautique civile (2018 et 2021) ; les Feuilles de route de décarbonation de l'aménagement, du bâtiment et du transport (2023)...
L'examen par le Parlement du projet de loi quinquennale sur l'énergie, et l'actualisation par le Gouvernement de la PPE et de la SNBC qui en découlera, doit être l'occasion de définir enfin une stratégie claire, cohérente et complète, en faveur de tels projets liés à la transition énergétique. Les enjeux relatifs à l'énergie, à la recherche, à l'agriculture, aux transports et à la fiscalité peuvent et doivent y être traités de concert.
Il faut sortir de cette juxtaposition de cette dizaine de feuilles de route et enfin fixer un cap clair et cohérent, en bonne intelligence entre l'État et les collectivités territoriales !
Prévu à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, le contenu du projet de loi quinquennale sur l'énergie pourrait d'ailleurs être complété par des objectifs afférents aux biocarburants (routiers, maritimes et aériens) ainsi qu'aux carburants de synthèse, qui n'y figurent pas explicitement, contrairement à l'hydrogène renouvelable et bas-carbone. De plus, ces objectifs doivent être assortis d'évaluations crédibles, en matière d'électricité et de biomasse.
b) Prendre en compte de manière adaptée les initiatives prises par les collectivités territoriales, qui joueront de fait un rôle majeur dans la décarbonation des transports publics, ainsi que leurs contraintes
(1) Des initiatives nombreuses
L'État doit pleinement prendre en compte l'action des collectivités territoriales, qui joueront un rôle central dans la décarbonation des transports publics locaux et qui sont également, pour certaines d'entre elles, très en pointe dans le développement de filières de transport et d'énergie innovantes, soit directement, soit au travers de syndicats ou en tant que parties prenantes à certains pôles de compétitivité, comme la mission a pu le voir en région Auvergne-Rhône-Alpes au travers des pôles de compétitivité CARA, sur la mobilité, et TENERRDIS, sur l'énergie.
Plusieurs régions ont ainsi mis en place des stratégies régionales de développement de l'hydrogène ou de développement des filières de biocarburants. À la suite des annonces gouvernementales de soutien à la filière aéronautique, les présidentes des régions Occitanie et Ile-de-France ont-elles-mêmes annoncé des soutiens significatifs de leurs collectivités à cette filière.
Certaines collectivités régionales et départementales sont pleinement investies dans le développement de la filière hydrogène, tant dans le domaine de la production, comme la mission a pu le constater en auditionnant le président du conseil départemental de la Vendée, que de celui du déploiement de stations de distribution d'hydrogène, comme elle l'a vu sur le terrain dans le Rhône, à Saint-Priest, au travers du réseau Hympulsion soutenu par la région.
Les collectivités territoriales, en particulier régionales et intercommunales, jouent également un rôle majeur en tant qu'autorités organisatrices de la mobilité, ce qui revêt une importance essentielle pour la décarbonation des filières ferrovaire et de transport public local, dont elles assument la charge. Elles se retrouvent donc directement impactées par le coût des matériels (trains, bus, cars de transport scolaire...). Si plusieurs collectivités ont pris des initiatives motrices en la matière, cette question de la charge financière qu'elle implique pour elles doit être dûment prise en compte. Les métropoles sont également en première ligne pour la mise en oeuvre des zones à faible émission, auxquelles le Sénat a consacré un rapport récent263(*) soulignant les enjeux de mise en oeuvre et d'acceptabilité sociale.
Quelques initiatives impulsées par les départements
Dans la Manche, le projet BHYKE consistant à tester les vélos à hydrogène, pendant 3 ans, a permis de progresser sur la production de l'hydrogène. À Saint-Lô et Cherbourg par exemple, l'hydrogène était produit sur place, depuis l'eau du réseau et de l'électricité d'origine renouvelable et verte. En 2020, 5 suiveurs solaires ont été installés sur le site de la Maison du Département avec pour objectif d'alimenter un électrolyseur qui produira de l'hydrogène. Cet hydrogène permettra d'alimenter la flotte de véhicules du Département, des sapeurs-pompiers et de l'agglomération de Saint-Lô.
Plusieurs intercommunalités travaillent au développement de camions-benne à ordures ménagères à hydrogène. Après avoir accompagné Chéreau, qui - pour les tests de sa remorque frigorifique - s'est approvisionné sur sa station à hydrogène, le Département de la Manche a réuni des acteurs de premier ordre pour développer la mobilité poids-lourds. Il est ainsi prévu de mailler l'approvisionnement du territoire avec trois stations à hydrogène. L'hydrogène proposé dans ces stations serait produit par Lhyfe.
Le Département contribue également à la consolidation de l'écosystème hydrogène territorial en lançant une initiative hydrogène manchoise « H2 Manche ».
En Seine-et-Marne, dans le cadre de la politique CapMétha77 initiée par le département, le Syndicat Départemental des Énergies de Seine-et-Marne (SDESM), GRDF et GRTaz et le Département ont lancé en 2022 un dispositif unique en Ile-de-France : le Club CapBioGNV77. Mis en place en 2022, il vise ainsi, par le dialogue entre départements, intercommunalités, communes, entreprises des secteurs intéressés par le biogaz et producteurs, à faciliter l'émergence de stations d'avitaillement publiques de biogaz sur tout le territoire seine-et-marnais (objectif : 30 stations) et à accompagner la mutation des flottes captives des acteurs publics et privés pour une mobilité décarbonée et moins polluante.
La Vendée agit depuis 2014, au travers du SYDEV et de sa société d'économie mixte départementale Vendée Énergie, pour la décarbonation de la mobilité. Progressivement, le territoire vendéen se dote ainsi de 105 bornes de recharge pour véhicules électriques et de 7 stations distribuant du bioGNV produit avec des agriculteurs du territoire. Dès 2015les élus et acteurs vendéens ont également décidé de déployer un écosystème de mobilité hydrogène pour proposer un mix complet de carburants décarbonés produits localement.
Un partenariat a également été noué avec l'entreprise Lhyfe pour raccorder trois éoliennes terrestres, appartenant à Vendée Énergie, à l'électrolyseur de Lhyfe, afin de produire 300 kg d'hydrogène vert par jour ; bien que l'usine soit dimensionnée pour accueillir une production allant jusqu'à 1 tonne par jour. Le département juge indispensable le déploiement parallèle des infrastructures et des usages pour permettre l'implantation d'écosystèmes décarbonés durables.
Source : d'après les éléments communiqués par Départements de France
Les collectivités territoriales sont également autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) et les déchets municipaux peuvent servir de substrat utile aux carburants avancés, dans la perspective de la généralisation du tri à la source des biodéchets en 2025. La mission a pu avoir connaissance de projets innovants, y compris de production d'hydrogène par vaporeformage de biogaz issu des déchets, au travers du syndicat Trifyl.
L'enjeu est bien d'inscrire les projets dans des écosystèmes locaux, à proximité des gisements nécessaires, pour leur offrir un accès à l'électricité, à la biomasse ou au CO2 nécessaires.
La vision de l'Ademe sur la coordination
insatisfaisante des actions
menées par l'État et les
collectivités territoriales et sur les réponses
possibles
Aujourd'hui cette coordination n'est pas pleinement satisfaisante. En effet, il est essentiel de pouvoir coordonner les actions selon une double clé de lecture :
Planifier en consolidant les différents exercices de trajectoires inter vecteurs (H2, CO2, électricité, gaz ...) ce qui doit permettre de sortir des approches techniques “en silo”. L'un des exemples est de pouvoir articuler la révision des stratégies d'accélération “hydrogène” et “industrie” dans un même calendrier sans oublier les articulations nécessaires avec d'autres stratégies (transports, produits biosourcés, biotechnologies et carburants durables...) pour tenir compte des synergies et des potentiels effets antagonistes (notamment sur les ressources biomasse, CO2, électricité, hydrogène), et à terme alimenter les exercices de planification nationaux de type PPE.
et à différentes échelles (locale, nationale, européenne) pour avoir une analyse transversale et intégrée (avec des instances dédiées au plus proche des territoires notamment pour la biomasse) et pour éviter de financer des actifs échoués à terme (notamment pour ce qui concerne l'hydrogène).
À ce titre, l'appel à projets Zones Industrielles Bas Carbone (ZIBAC) lancé en 2022 dans le cadre de France 2030 et opéré par l'ADEME, peut être vu comme une première ébauche de réponse à ce besoin de planification inter vecteurs et multi échelles.
L'AAP ZIBAC vise à accompagner les dix zones industrielles françaises les plus émettrices en gaz à effet de serre (ex : Dunkerque, Fos-sur-Mer, Axe Seine, vallée de la Chimie, etc.) dans la construction de leurs trajectoires de décarbonation à horizon 2050. Ces démarches de maturation, portées par des consortiums réunissant les principaux acteurs industriels de chaque ZI, mais également les collectivités et acteurs portuaires associés, permettront de construire, via le financement d'études, différents scénarios de décarbonation intégrant la décarbonation des procédés industriels et permettront d'identifier et de chiffrer les besoins en déploiement d'infrastructures (chaleur, H2, CO2, renforcement du réseau électrique ...) ainsi que les tensions sur les ressources locales (eau, biomasse ...), tout en développement une gouvernance locale adaptée pour pouvoir piloter le déploiement de ces grands projets de décarbonation. Cet appel à projets ZIBAC est un dispositif en parfaite cohérence avec les annonces du Président de la République de pouvoir établir des feuilles de route territoriales de décarbonation de l'industrie. (...)
Au bout des deux ans de phase de maturation, l'objectif est que ces territoires basculent en phase d'accompagnement pour mettre en oeuvre la trajectoire de décarbonation privilégiée, planifier le déploiement des infrastructures territoriales nécessaires, et déclencher les investissements dédiés, et au besoin lancer des études complémentaires. Les résultats de ces projets ZIBAC devront permettre d'alimenter les réflexions de planification menées à l'échelle nationale sur les différentes thématiques abordées (biomasse, infrastructures H2, CO2 et électricité ...), qu'il s'agisse d'exercices de planification tels que la PPE ou d'exercices stratégiques tels que les stratégies nationales d'accélération et la SFEC qui doivent permettre de définir les usages prioritaires pour l'ensemble des ressources en tension et ainsi prioriser le déploiement (ou non) stratégique de nouvelles filières industrielles.
Source : Ademe
Les régions et les intercommunalités sont également mobilisées via les schémas régionaux d'aménagement durable, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), les schémas climat-air-énergie (SCRAE) ou les plans climat-air-énergie (PCAET).
L'effort de planification en direction de ces projets liés à la transition énergétique reste cependant inégal selon les territoires.
Pour répondre à ces incomplétudes, les associations nationales d'élus locaux doivent être consultées sur le projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat et un travail fin de préparation doit être mené dans les territoires. La mission a pris acte des « travaux de territorialisation de la planification écologique avec les collectivités locales », annoncés par le Gouvernement pour le deuxième semestre 2023. C'est cet indispensable travail de concertation avec les collectivités qui permettra la mise cohérence des SRADDET avec cette loi nationale, dans le plein respect de la liberté d'administration de ces collectivités.
Pour ce faire, les comités régionaux de l'énergie, qui ont été rendus compétents en matière d'hydrogène, par la loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023264(*), doivent être pleinement mobilisés. Ils pourraient d'ailleurs être rendus explicitement compétents en matière de biocarburants et de carburants de synthèse.
Lors de son audition par la mission d'information, la ministre de la transition énergétique a rappelé l'imbrication des schémas nationaux et locaux : « Nous aurons une loi énergie-climat, qui se déclinera en un premier décret - la PPE - et un second - la SNBC. Vous avez souhaité qu'il y ait une régionalisation de la PPE avec des objectifs régionaux déclinés dans les SRADDET, eux-mêmes en résonnance avec les PCAET.
De plus, elle a appelé à la révision des seconds schémas : « Cet enchaînement représente des délais, avec des SRADDET mis à jour de la PPE en 2025-2026. Rien n'empêche de commencer maintenant, avec deux vertus : on donne les perspectives nationales et voit de qu'il en résulte dans les territoires, en commençant par vérifier que l'ensemble des SRADDET égale la PPE, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; on renforce les gisements sur lesquels les élus locaux se sentent en capacité de faire ; il ne faut pas s'interdire de déboucher sur une contractualisation ; on a le droit d'avancer en temps masqué, car les décisions dans le secteur sont sans regret. »
Plus largement, elle a plaidé pour l'application des outils de planification offerts par la loi « Accélération des énergies renouvelables » : « La loi AER est une loi de planification énergétique. C'est vous qui l'avez souhaité, car cela ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Cela a été co-écrit avec les Parlementaires et les associations d'élus. Nous allons ouvrir les informations utiles permettant cette planification et des descriptifs pour chaque énergie. Cette planification territoriale démarre. Elle sera complexe, mais permettra de faire des élus des entrepreneurs d'énergie dans nos territoires. »
Recommandation :
Étendre aux biocarburants et aux carburants de synthèse les compétences des comités régionaux de l'énergie, déjà compétents en matière d'hydrogène.
(2) Prendre en compte les contraintes de collectivités territoriales dans le cadre des négociations européennes en cours
Plusieurs acteurs ont alerté la mission d'information sur les risques encourus par la révision du règlement sur la réduction des émissions des véhicules lourds de 90 % d'ici à 2040. Ce règlement prévoit notamment que tous les nouveaux bus urbains vendus dans l'Union européenne soient zéro-émissions dès 2030265(*), ce qui, d'après la Région autonome des transports parisiens (RATP), « se traduira par une obligation pour toutes les collectivités, quels que soient leur taille et leurs choix technologiques et investissements antérieurs, à acquérir uniquement des bus électriques ou à hydrogène - beaucoup plus onéreux que des bus diesel ou au gaz ou au biogaz - et ceci dans un délai extrêmement resserré ». En tout état de cause, cela conduirait à une réorientation énergétique de la RATP - le programme engagé à ce jour prévoyant un renouvellement 50/50 électrique et biométhane - avec un certain nombre de « dépenses frustratoires ». Ces craintes sont partagées par l'Association des maires de France qui a souligné, auprès de la mission d'information, que le projet de règlement, s'il était adopté en l'état, pourrait aboutir à « une réduction du nombre de bus en circulation et donc de voyageurs transportés », compte tenu des contraintes financières des collectivités.
Aussi, et compte tenu des doutes quant à la faisabilité de cet objectif et eu égard aux conséquences financières pour les autorités organisatrices de la mobilité et leurs réseaux de transport public, le Groupement des autorités responsables de transport (GART), l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et la Plateforme automobile (PFA) ont adressé une lettre commune à la Première ministre relayant ces craintes, tout comme le président de l'Association des maires de France. Ils proposent notamment de reporter l'objectif de réduction de 90 % des émissions des véhicules lourds de 2030 à 2035, avec la possibilité d'une clause de revoyure et demandent de ne pas interdire, à court terme, « la vente des bus au biogaz alors que le financement d'installations de biogaz pour les transports publics urbains se poursuit en Europe, conformément à la directive “Véhicules propres” et au projet de règlement pour une industrie “zéro net” qui inclut le biogaz dans les huit technologies prioritaires “contribuant de manière significative à la décarbonation” »266(*).
Régions de France a indiqué à la mission d'information que la révision de ce règlement interrogeait également les régions « au regard des investissements pris par les AOM pour développer les filières bioGNV notamment, maillon essentiel de la transition de la filière des transports ».
Dans une contribution écrite adressée à la mission d'information, l'AMF souligne « qu'un bus diesel aux normes Euro 6 coûte aujourd'hui autour de 250 000 euros, quand un bus électrique coûte entre 350 000 et 500 000 euros, auxquels il faut ajouter autour de 100 000 euros pour les batteries. Quant aux bus à hydrogène, il n'existe pas de modèle en-dessous de 600 000 euros. Si les collectivités territoriales devaient se voir imposer, lors du renouvellement de la flotte, de n'acheter que des bus électriques ou hydrogènes, elles ne seraient probablement pas en mesure de renouveler les véhicules à un pour un, et seraient donc contraintes... de réduire la flotte, c'est-à-dire de réduire l'offre et donc de transporter moins de voyageurs. À moins d'acheter des véhicules certes moins chers, mais produits en Chine, ou de faire rouler plus longtemps de vieux véhicules diesel plus polluants, deux solutions qui apparaissent comme une aberration écologique ».
La mission d'information demande au gouvernement de prendre pleinement en compte les initiatives mises en oeuvre par les collectivités territoriales ainsi que leurs contraintes dans les négociations européennes en cours, faute de quoi le résultat opérationnel pourrait être l'inverse de celui attendu.
c) Privilégier les usages les plus pertinents
Au regard des éléments qui précèdent, les auditions auxquelles la mission a procédé convergent vers l'idée de tensions dans le bouclage énergétique global, tant du point de vue de la biomasse que de la disponibilité de l'électricité requise, ce qui conduit à insister sur le fait que la problématique des carburants ou vecteurs énergétiques pour les transports ne constitue qu'une mesure parmi d'autres, avec notamment la modération et l'efficacité énergétique, pour permettre l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050.
La perspective du projet de loi quinquennal sur l'énergie et le climat, qui fournira le cadre de référence pour les futures PPE et SNBC, doit conduire à un cadre de fléchage pertinent des usages prioritaires de la biomasse et de l'électricité, et donc indirectement de l'hydrogène.
Or, comme indiqué plus haut, le contenu du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat, prévu à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, ne vise pas explicitement les biocarburants ou les carburants de synthèse, au contraire de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone. De plus, la PPE et la SNBC peuvent mieux prendre en compte ces trois filières.
Comme le souligne l'Ademe, l'enjeu est de « planifier en consolidant les différents exercices de trajectoires inter-vecteurs (H2, CO2, électricité, gaz ...) et à différentes échelles (locale, nationale, européenne) pour avoir une analyse transversale et intégrée (avec des instances dédiées au plus proche des territoires notamment pour la biomasse) et pour éviter de financer des actifs échoués à terme (notamment pour ce qui concerne l'hydrogène) ».
La priorité doit donc reposer sur des choix sans regrets, c'est-à-dire à privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles, en prenant en compte le rendement énergétique, le coût des technologies et l'efficacité environnementale des carburants ou vecteurs énergétiques.
Ainsi que l'avait souligné Thibaut Cantat, directeur de recherche au CEA, « l'interrogation essentielle doit (...) porter sur la raison de l'utilisation des carburants durables, qui doivent être envisagés en fonction du service que nous en attendons. (...) Nous devons d'abord nous focaliser sur l'utilisation de l'hydrogène et des carburants de synthèse dans les secteurs d'activité pour lesquels il n'y aura pas d'alternatives, ce qui permet de dépasser la question du rendement ».
Cela ne signifie pas forcément une solution unique pour chaque mode de transport : les feuilles de route de décarbonation adoptées par les différentes filières montrent une pluralité de solutions celles-ci devant être adaptées aux cas d'usage, comme cela a été présenté dans la deuxième partie du rapport.
La mission considère ainsi que l'électrification en cours dans le domaine automobile, en dépit des réserves initiales, a sa cohérence et que, compte tenu du bon rendement de l'électrification directe, les usages pouvant bénéficier de celle-ci doivent être privilégiés. A contrario, le secteur aéronautique, plus complexe à décarboner compte tenu des contraintes des aéronefs, devrait prioritairement avoir accès aux carburants de synthèse.
Cela ne signifie pas non plus une trajectoire linéaire. S'agissant des carburants d'aviation durables, la direction générale des entreprises relève ainsi que leur production, « en particulier les e-fuels, nécessite de grandes quantités d'hydrogène décarboné et, partant, d'électricité. En particulier d'ici 2030, il y aura une forte concurrence pour l'accès à cette ressource. La DGE propose de privilégier l'hydrogène pour la décarbonation d'usages industriels existants comme la sidérurgie et la production d'ammoniac (pour les engrais et la chimie) afin de préserver leurs chaînes de valeur. Dans une optique d'utilisation la plus efficiente des ressources, ce sont les projets de production de [carburants d'aviation durables] à partir de biomasse qui devraient être privilégiés d'ici 2030, par rapport à l'installation éventuelle de capacité d'électrolyse nécessaire à la production d'e-fuel sur le territoire français, si leur compétitivité sur le territoire français peut être démontrée (notamment par rapport à un scénario d'importation) ». La mission considère pour sa part que la France doit viser autant que possible la mise au point d'une filière lui permettant de réduire très largement sa dépendance énergétique.
Les priorités établies ne doivent pas non plus conduire à effectuer des choix technologiques que la France pourrait regretter : la mission d'information recommande ainsi de raisonner en termes de bilan carbone plutôt qu'en termes de technologie, ce qui n'empêche pas de concentrer une part significative des moyens au décollage des filières qui semblent les plus prometteuses, comme celle des électrolyseurs.
Recommandation :
Adopter une stratégie de pilotage globale des enjeux :
- prendre pleinement en compte les initiatives des collectivités territoriales et leurs contraintes, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les émissions de CO2 des véhicules lourds ;
- étendre explicitement aux biocarburants et aux carburants de synthèse le champ de la future loi quinquennale sur l'énergie et le climat ;
- privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles ; prendre en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques ;
- raisonner, pour l'essentiel, en termes de bilan carbone et d'efficacité énergétique plutôt qu'en termes de technologie ;
- concentrer une part significative des moyens au décollage des filières les plus prometteuses.
* 231 Rapport d'information n° 801 (2021-2022), Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir, déposé le 20 juillet 2022.
* 232 Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
* 233 Dont certaines dispositions de la proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique, adoptée par le Sénat le 13 avril 2021.
* 234 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 89).
* 235 Dont certaines préconisations du rapport d'information n° 872 (2020-2021), Méthanisations : au-delà des controverses, quelles perspectives ?, déposé le 29 septembre 2021.
* 236 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Article 27).
* 237 Dont certaines dispositions de la proposition de loi en faveur du développement raisonné de l'agrivoltaïsme, adoptée par le Sénat le 20 octobre 2022.
* 238 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 54).
* 239 Ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 relative à l'hydrogène
* 240 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 52).
* 241 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 85).
* 242 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 27).
* 243 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (Article 95).
* 244 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 (Article 67).
* 245 Proposition de résolution européenne n° 669 relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité de l'Union, présentée par MM. Daniel GREMILLET et Claude KERN, Sénateurs, 1er juin 2023, devenue la résolution n° 141 (2022-2023) du Sénat, le 19 juin 2023.
* 246 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Articles 26 à 33, 66 et 105 à 106).
* 247 Appréciées à l'échelle d'une installation ou de plusieurs situées sur un territoire délimité et cohérent du point de vue industriel.
* 248 Voire 3 ans à La Réunion.
* 249 Depuis la loi n° 2010-278 du 10 juillet 2010, dite « Grenelle II », les S3REnR consistent en des schémas de mutualisation, à l'échelle de chaque région, des coûts de raccordement aux réseaux de distribution et de transport d'électricité des producteurs d'énergies renouvelables (article L. 321-7 du code de l'énergie).
* 250 Photovoltaïque et éolienne.
* 251 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Articles 191 à 194).
* 252 Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), schémas de cohérence territoriale (SCOT), plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales (CC).
* 253 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 194).
* 254 Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (Article 9).
* 255 Proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (Article 4).
* 256 À date, elle a également été adoptée par l'Assemblée nationale, le 27 juin 2023, la suite de la navette étant attendue.
* 257 Dont le co-pilotage d'un PEPR.
* 258 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Articles 6 et 81).
* 259 Nouveaux systèmes énergétiques, automobile, aéronautique, ferroviaire.
* 260 Assemblée générale des producteurs de blé (AGPB), l'Assemblée générale des producteurs de maïs (AGPM), la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), Terre Univia.
* 261 EsteriFrance, Syndicat national des professionnels de l'alcool agricole (SNPAA), France Hydrogène (FH), France Gaz renouvelables (FGR).
* 262 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Articles 175 et 197).
* 263 Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : sortir de l'impasse - Rapport d'information n° 738 (2022-2023) de M. Philippe Tabarot, déposé le 14 juin 2023.
* 264 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 81).
* 265 Article 3 bis de la proposition de règlement.
* 266 GART, juin 2023, « Inquiétudes relatives au projet de règlement CO2 européen : le GART, l'UTP et la PFA adressent une lettre commune à la Première ministre »