b. Les formes modernes
Au gré des évolutions technologiques, les ingérences épousent des formes de plus en plus diverses et dématérialisées. L'espace cyber est devenu un vecteur majeur d'ingérences étrangères et le nombre de cyberattaques
causées par des acteurs hostiles, étatiques ou non, est en progression sensible ces dernières années. Les mondes physique et virtuel sont si étroitement liés qu'il est difficile de tracer une séparation nette entre les deux. La protection des informations ne concerne plus seulement les documents classifiés. On assiste à une forme d'arsenalisation des données à caractère personnel ou de la propriété intellectuelle, qui deviennent autant une cible qu'une arme dès lors qu'un acteur se les approprie.
Les services de renseignement étrangers s'appuient naturellement sur les opportunités offertes par le cyberespace pour collecter des données, manipuler l'information, saboter des infrastructures critiques. Il peut s'agir d'opérations entièrement cyber, qui mettent en oeuvre un « mode opératoire d'attaque cyber » (MOA) qui, parce qu'il s'apparente à une boite à outils, est difficilement attribuable à ses opérateurs et à leurs commanditaires sans une investigation approfondie en renseignement. Un nombre croissant d'États possède aujourd'hui la capacité de commanditer des actions de cyberespionnage grâce à un ticket d'entrée devenu abordable, bénéficiant d'investissements conséquents et du développement d'un marché privé, avec des sociétés proposant des services de lutte informatique active. De plus, l'offre d'outils offensifs sur étagère, qu'ils soient proposés par des entreprises privées ou des groupes cybercriminels, se poursuit et contribue à la multiplication d'acteurs malveillants. On observe ainsi une tendance globale à la standardisation des techniques, tactiques et procédures des attaquants, parallèlement à l'industrialisation des écosystèmes cyber-offensifs à partir desquels les opérations sont menées. De plus, la cybercriminalité présente un risque systémique de par son ampleur et son impact sur le tissu économique national et sur l'activité des institutions publiques affectées, si l'on se réfère au ciblage d'hôpitaux et d'administrations qui pourrait davantage relever d'une volonté de déstabilisation que d'une logique financière crapuleuse.
Parmi les nouvelles formes d'espionnage figure également le domaine spatial. On se souvient du satellite russe Luch-Olymp espionnant en 2017 le satellite franco-italien de communications militaires sécurisées Athena-Fidus. Plus récemment, le 1er août 2022, quelques mois après l'invasion de l'Ukraine, Moscou a placé à 450 km d'altitude un nouveau satellite espion, Kosmos-2558, sur la même orbite qu'un satellite de l'armée américaine. Ce satellite
« inspecteur » n'observe pas le sol mais son environnement ; il peut gêner sa cible, perturber sa mission ou encore l'espionner. Les conséquences de ces ingérences modernes peuvent se révéler très impactantes : captation de données, déni de service, satellites rendus « aveugles », désorbités voire détruits.