C. CADRE LÉGISLATIF EUROPÉEN EN MATIÈRE DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS PUBLICS
· En matière de rénovation énergétique des bâtiments publics, le droit européen repose essentiellement sur des objectifs de réduction des gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie.
La « loi européenne sur le climat »298(*), adoptée le 30 juin 2021, inscrit dans la législation un objectif de neutralité climatique de l'Union européenne à l'horizon 2050. Pour atteindre plus efficacement cet engagement, elle rehausse de 40 à 55 % l'objectif de réduction des gaz à effet de serre dans l'Union européenne d'ici 2030, par rapport à 1990. Cette loi constitue l'élément phare du Pacte vert pour l'Europe, présenté en décembre 2019, qui réaffirme l'ambition de la Commission européenne de faire de l'Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d'ici 2050. Sa mise en oeuvre se décline dans un ensemble de textes législatifs, présentés le 14 juillet 2021 et complétés le 15 décembre 2021, dit paquet « Ajustement à l'objectif 55 », et de stratégies thématiques, dont les conclusions ont été approuvées par les ministres de l'UE au cours de l'année 2021.
Vue d'ensemble du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », présenté le 14 juillet 2021
Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » propose de réviser et d'actualiser la législation de l'Union en matière de climat ainsi que de mettre en place de nouvelles initiatives pour assurer la conformité des politiques de l'Union avec les ambitions du Pacte vert. Il comprend treize propositions législatives et de nouvelles initiatives interdépendantes relatives au climat, à l'énergie et aux transports. Un accord a déjà été conclu entre les négociateurs du Parlement européen et du Conseil sur les textes qui relèvent du volet climat299(*), le 18 décembre dernier. Les négociations se poursuivent sur les textes relatifs à l'énergie, et notamment les propositions de directives qui concernent la rénovation énergétique des bâtiments publics. La décarbonation du secteur des bâtiments doit, en effet, contribuer à l'atteinte des objectifs climatiques fixés à l'échelle européenne.
Dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe, la Commission européenne a aussi publié, le 14 octobre 2020, une stratégie pour une « vague de rénovations », qui décline les objectifs de l'Union en matière de rénovation des bâtiments. Ses conclusions ont été approuvées par le Conseil de l'UE le 11 juin 2021.
« Une vague de rénovations pour
l'Europe :
verdir nos bâtiments, créer des emplois,
améliorer la qualité de vie »
La stratégie pour une vague de rénovations des bâtiments vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments en incitant les États membres à entreprendre des travaux de rénovation de grande ampleur pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050. Selon les estimations de la Commission européenne, plus de 220 millions de bâtiments ont été édifiés avant 2001, ce qui représente 85 % du parc immobilier de l'UE. Les bâtiments sont responsables d'environ 40 % de la consommation énergétique de l'UE et de 36 % de ses émissions de gaz à effet de serre provenant de l'énergie. Or seul 1 % par an des bâtiments font l'objet d'une rénovation selon des critères d'efficacité énergétique.
L'objectif de cette stratégie est d'au moins doubler le taux annuel de rénovation énergétique des bâtiments résidentiels et non résidentiels d'ici 2030, et de stimuler les rénovations énergétiques lourdes, contribuant ainsi de façon significative à la réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre. Il est prévu de rénover 35 millions d'unités de bâtiments d'ici à 2030. La politique européenne de rénovation énergétique concerne non seulement les habitations résidentielles, mais aussi les bâtiments du secteur privé et public (hôpitaux, écoles, administrations publiques...). L'instrument de relance de l'UE Next Generation EU met à disposition des États membres des ressources destinées notamment à la rénovation en vue de la reprise, de la résilience et d'une meilleure inclusion sociale.
La Commission européenne a identifié trois domaines prioritaires : la lutte contre la précarité énergétique, la rénovation des bâtiments publics (établissements administratifs, scolaires et de soins de santé) et la décarbonation des équipements de chauffage et de refroidissement.
La stratégie de rénovation
énergétique de l'UE repose sur sept principes
clés :
- la primauté de
l'efficacité énergétique, qui doit
prévaloir dans la gouvernance européenne en matière de
climat et d'énergie ;
- l'accessibilité des bâtiments durables et économes en énergie, notamment aux personnes et zones vulnérables ;
- la décarbonation et l'utilisation d'énergies renouvelables de sources locales dans la rénovation des bâtiments ;
- la circularité et la mise en place d'une réflexion sur le cycle de vie afin de minimiser l'empreinte carbone des bâtiments ;
- l'exigence de normes élevées en matière de santé et d'environnement ;
- l'intégration simultanée des transitions verte et numérique dans le cadre de la rénovation des bâtiments ;
- le respect de l'esthétique des bâtiments et de leur qualité architecturale.
Plusieurs actions majeures destinées à encourager une rénovation d'ampleur des bâtiments ont été identifiées :
- réviser et renforcer le cadre législatif de la rénovation des bâtiments ;
- garantir un financement suffisant, accessible et mieux ciblé ;
- renforcer les capacités et l'assistance technique apportée aux acteurs régionaux et locaux ;
- adapter l'écosystème du secteur de la construction à la rénovation durable ;
- promouvoir des interventions de rénovation globales et intégrées, en favorisant l'utilisation de matériaux de construction durables ;
- promouvoir une approche participative
centrée sur le voisinage pour les communautés
locales ;
- lancer un nouveau Bauhaus européen
pour concilier esthétique et durabilité.
· Le droit européen comprend deux instruments clés pour encourager les États membres de l'Union européenne à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés à l'échelle européenne, les directives relatives à la performance énergétique des bâtiments et à l'efficacité énergétique, modifiées en 2018 et actuellement en cours de révision.
Le cadre législatif européen en matière de rénovation énergétique des bâtiments publics a une portée limitée. Il repose pour l'essentiel sur trois directives300(*), qui ont été révisées en 2018, et qui font l'objet d'une refonte dans le cadre du paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 ». Deux des textes ont déjà fait l'objet d'un accord en trilogue. L'année 2023 sera déterminante pour faire aboutir la révision de la législation européenne sur ce sujet, le mandat de la Commission européenne s'achevant au premier semestre 2024. Ces textes devront ensuite être transposés par les États membres dans leur droit national.
Outre les habitations, les bâtiments publics doivent également être rénovés, pour utiliser davantage d'énergies renouvelables et être plus économes en énergie.
La Commission propose d'obliger les États membres à rénover tous les ans au moins 3 % de la surface au sol totale de tous les bâtiments publics ; de fixer une valeur de référence de 49 % d'énergies renouvelables dans les bâtiments d'ici à 2030 ; d'obliger les États membres à accroître l'utilisation des énergies renouvelables dans le chauffage et le refroidissement de 1,1 point de pourcentage d'ici à 2030.
Ø La directive 2012/27/UE sur l'efficacité énergétique, révisée en 2018
Cette directive, révisée par la directive (UE) 2018/2002, établit un cadre commun de mesures visant à promouvoir l'efficacité énergétique dans l'Union qui vise notamment à la réalisation des objectifs suivants :
- l'amélioration de l'efficacité énergétique à l'échelle de l'Union européenne de 20 % d'ici à 2020 et d'au moins 32,5 % d'ici à 2030 ;
- la détermination par les États membres de leur propre contribution nationale pour 2020 et 2030 ;
- l'élaboration d'un plan national intégré en matière d'énergie et de climat (PNEC) pour la période 2021-2030 ;
- la rénovation annuelle de 3 % de la surface au sol totale des bâtiments publics appartenant au gouvernement central ou occupés par celui-ci ;
- la constitution et la mise à disposition du public d'un inventaire des bâtiments des administrations centrales répertoriant la surface et des indications sur la performance énergétique de chaque bâtiment ;
- l'introduction du critère de haute efficacité énergétique dans les marchés publics.
Pour parvenir à l'objectif fixé dans le plan cible climatique à l'horizon 2030, les économies d'énergie sont jugées prioritaires. Or les efforts déployés par l'Union européenne jusqu'à présent, dans le cadre de la mise en oeuvre de cette directive, s'avèrent insuffisants pour atteindre des objectifs accrus d'efficacité énergétique. Ces lacunes ont conduit la Commission européenne à proposer de réévaluer le niveau d'ambition des obligations à l'échelle européenne et nationale. Plusieurs secteurs dont celui des bâtiments sont particulièrement ciblés en raison de leur poids dans la consommation finale d'énergie et des possibilités d'économies réalisables.
La Commission européenne a proposé, le 14 juillet 2021, des modifications relatives à la rénovation énergétique des bâtiments publics dans le cadre de la révision de cette directive301(*). Le Conseil a adopté une position sur ce texte le 27 juin 2022 et le Parlement européen le 14 septembre 2022. Cette révision a ensuite fait l'objet d'un accord en trilogue, le 10 mars 2023, qui prévoit :
- l'obligation pour chaque État membre de garantir une baisse des consommations d'énergie finale de 1,9 % par an dans le secteur public ;
- l'obligation de rénovation, tous les ans, d'au moins 3 % de la surface au sol totale de tous les bâtiments publics de chaque État membre, et non plus des seuls bâtiments ministériels, afin de les transformer en bâtiments à consommation d'énergie quasi nulle « nZEB » ou à émissions nulles.
Ø Directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments, révisée en 2018
La présente directive fixe des exigences minimales en matière de performance énergétique des bâtiments, neufs et existants, en vue de parvenir à des niveaux optimaux en fonction des coûts. Les États membres doivent veiller également à ce que les travaux de rénovation importants satisfassent à des exigences minimales en matière de performance énergétique, sous réserve de certaines exceptions. Dans ce cadre, elle promeut l'exemplarité du secteur public en la matière.
Ainsi, tous les nouveaux bâtiments devaient être à consommation d'énergie quasi nulle d'ici au 31 décembre 2020, cette obligation devant être remplie au 31 décembre 2018 pour les nouveaux bâtiments occupés et possédés par les autorités publiques. Les États membres sont aussi encouragés à stimuler la rénovation des bâtiments dans une optique de consommation d'énergie quasi nulle.
Chaque État membre est tenu de publier, tous les trois ans, une stratégie nationale à long terme qui comprend une vue d'ensemble du parc des bâtiments publics et privés, l'identification des approches efficaces et rentables pour la rénovation, les politiques et mesures en place pour stimuler la rénovation, des perspectives de long terme pour guider les décisions d'investissement et une estimation des gains d'énergie attendus. La directive impose aussi une obligation de délivrance d'un certificat de performance énergétique pour tous les bâtiments d'une surface supérieure à 250 m2 occupés par une autorité publique et fréquemment visités par le public.
Afin de se mettre en conformité avec les objectifs du Pacte vert et la stratégie pour une vague de rénovations, et ainsi atteindre un parc immobilier à zéro émission d'ici à 2050, la Commission européenne a proposé, le 15 décembre 2021, une révision de cette directive302(*), et une nouvelle modification, le 15 juin 2022, dans le cadre du plan RePower EU303(*) :
- l'obligation, dès 2027, pour tous les bâtiments publics neufs d'être à émissions nulles ;
- la fixation de nouvelles normes minimales en matière de performance énergétique des bâtiments qui exigent que les 15 % les moins performants du parc immobilier de chaque État membre soient modernisés pour passer de la classe d'efficacité énergétique G au moins à la classe F en 2027, et à la classe E en 2030, en ce qui concerne les bâtiments publics ;
- l'interdiction des chaudières et des systèmes de refroidissement à base de combustibles fossiles d'ici 2040 au plus tard ;
- l'obligation de délivrance de certificat de performance énergétique étendue à tous les bâtiments publics ;
- l'obligation d'installation de dispositifs de surveillance et de régulation de la qualité de l'air dans les bâtiments à émission nulle ;
- le déploiement d'installations solaires sur les bâtiments publics et commerciaux ayant une surface utile supérieure à 250 m2, d'ici le 31 décembre 2026 pour le neuf et d'ici le 31 décembre 2027 pour l'existant, des exemptions étant envisageables pour certains types de bâtiments. Cette disposition a été proposée, le 18 mai 2022, dans le cadre d'une nouvelle modification de la proposition de directive afin de réduire la dépendance de l'Union européenne aux énergies fossiles et de développer l'intégration de l'énergie solaire dans les bâtiments.
Le Conseil a adopté une orientation générale sur ce texte le 21 octobre 2022 et la position du Parlement européen a été votée en séance plénière le 14 mars 2023. Les trilogues n'ont pas encore commencé.
Ø Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables
Cette directive prévoit l'introduction dans la législation et la réglementation des États membres de mesures appropriées permettant d'augmenter la part des énergies renouvelables dans le secteur de la construction. Par ailleurs, les nouveaux bâtiments publics et les bâtiments publics existants faisant l'objet de travaux de rénovation importants doivent jouer un rôle exemplaire.
La Commission européenne a proposé, le 21 juillet 2021, de nouvelles dispositions pour le secteur des bâtiments dans le cadre de la refonte de cette directive304(*). Le Conseil a adopté une position sur ce texte le 27 juin 2022 et le Parlement européen le 14 septembre 2022. Cette révision a ensuite fait l'objet d'un accord en trilogue, le 30 mars 2023, qui prévoit notamment :
- un nouvel objectif pour l'Union européenne d'une part minimale de 49 % d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale d'énergie des bâtiments en 2030.
* 298 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999, dit « Loi européenne sur le climat ».
* 299 La réforme du marché carbone EU ETS, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'UE et le Fonds social pour le climat.
* 300 Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique et directive (UE) 2018/2002 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique ;
Directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments et directive (UE) 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments ;
Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte).
* 301 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 sur l'efficacité énergétique (refonte), COM(2021) 558 final.
* 302 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte), COM(2021) 802 final.
* 303 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 15 juin 2022 modifiant la directive (UE) 2018/2001 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique, COM(2022) 222 final.
* 304 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil, COM/2021/557 final.