- ESSENTIEL
- I. DE NOMBREUX ENJEUX POUR LES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES, BIEN AU-DELÀ DE LA SEULE RÉNOVATION
ÉNERGÉTIQUE
- II. DES PROJETS COMPLEXES POUR LES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PLUS PARTICULIÈREMENT POUR LES
COMMUNES
- III. LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION POUR MIEUX
ACCOMPAGNER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L'AMPLEUR DE
LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
- IV. PAROLES D'ÉLUS
- I. DE NOMBREUX ENJEUX POUR LES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES, BIEN AU-DELÀ DE LA SEULE RÉNOVATION
ÉNERGÉTIQUE
- AVANT-PROPOS
- PREMIÈRE PARTIE - LES BÂTIMENTS
SCOLAIRES À L'HEURE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE :
DE NOMBREUX ENJEUX POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, BIEN
AU-DELÀ DE LA SEULE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
- I. L'IMPORTANCE DE LA RÉNOVATION
ÉNERGÉTIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
- A. UNE OBLIGATION JURIDIQUE
- 1. Le cadre juridique de la rénovation
énergétique des bâtiments publics : législation
et réglementation nationales
- 2. Des obligations qui s'imposent aux
collectivités territoriales
- 3. Une politique publique ambitieuse
- 4. Une déclinaison au niveau
opérationnel faisant intervenir différents leviers
- 5. Un effort qui devra s'amplifier avec l'adoption
de textes européens traduisant un niveau accru d'exigence
- 1. Le cadre juridique de la rénovation
énergétique des bâtiments publics : législation
et réglementation nationales
- B. UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE
- C. UNE NÉCESSITÉ CLIMATIQUE
- D. UN INTÉRÊT
PÉDAGOGIQUE : FORMER LES JEUNES À LA SOBRIÉTÉ
ÉNERGÉTIQUE
- A. UNE OBLIGATION JURIDIQUE
- II. D'AUTRES ENJEUX À PRENDRE EN
COMPTE
- I. L'IMPORTANCE DE LA RÉNOVATION
ÉNERGÉTIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
- DEUXIÈME PARTIE - LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS SCOLAIRES : DES PROJETS
COMPLEXES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PLUS
PARTICULIÈREMENT POUR LES COMMUNES
- I. DES PROJETS COMPLEXES, JALONNÉS
D'OBSTACLES
- A. UNE PROGRAMMATION TRÈS LOURDE
- B. DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS
SPÉCIFIQUES AU BÂTI SCOLAIRE
- 1. Quel calendrier : pendant les vacances
d'été ou au cours de l'année scolaire ?
- 2. La sensibilisation et l'association des usagers
des bâtiments scolaires, clé d'une rénovation
réussie
- 3. Les pièges de l'entretien et de la
maintenance
- 4. La rénovation des lycées
professionnels : des contraintes spécifiques
- 1. Quel calendrier : pendant les vacances
d'été ou au cours de l'année scolaire ?
- C. UN DÉFI : DES BUDGETS SUBSTANTIELS,
DES CHANTIERS DONT LE COÛT EST DIFFICILE À ANTICIPER
- D. DES EXIGENCES PARFOIS INCONCILIABLES : Y
A-T-IL DES RÉNOVATIONS DE BÂTIMENTS SCOLAIRES EXEMPTES
D'INCONVÉNIENTS ?
- A. UNE PROGRAMMATION TRÈS LOURDE
- II. L'INGÉNIERIE, UN ENJEU ESSENTIEL
À L'HEURE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
- A. DES BESOINS QUE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
CONTRIBUE À ACCROÎTRE
- B. UNE DIVERSITÉ D'INTERLOCUTEURS
POTENTIELS POUR LES COLLECTIVITÉS
- 1. « Qui fait
quoi ? »
- 2. Des inégalités entre les
territoires
- a) La situation des petites communes
- b) L'intérêt de dispositifs
mutualisés pour les collectivités dépourvues de moyens
propres en ingénierie : l'exemple des conseillers en énergie
partagés (CEP)
- (1) Un réseau de « facilitateurs
d'énergie »
- (2) Un apport favorable en termes
d'économie d'énergie
- (3) Un maillage territorial à
densifier
- a) La situation des petites communes
- 1. « Qui fait
quoi ? »
- C. LE FINANCEMENT DES PROJETS : UNE
DIFFICULTÉ PARTAGÉE
- 1. De nombreux leviers inégalement
mobilisés par les collectivités
- a) Des subventions et dotations
fléchées vers la transition écologique et la
rénovation des bâtiments publics des collectivités
- b) L'apport des collectivités territoriales
- c) Des prêts spécifiques à la
disposition des collectivités territoriales peu mobilisés
- d) Le tiers financement : un dispositif
expérimental qui doit faire ses preuves
- e) Les certificats d'économie
d'énergie : un mécanisme complexe
- a) Des subventions et dotations
fléchées vers la transition écologique et la
rénovation des bâtiments publics des collectivités
- 2. L'accès aux dotations et
subventions : un « parcours du combattant » pour
toutes les collectivités
- 1. De nombreux leviers inégalement
mobilisés par les collectivités
- D. LE CHOIX DU CADRE JURIDIQUE : UNE
DÉCISION COMPLEXE
- A. DES BESOINS QUE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
CONTRIBUE À ACCROÎTRE
- I. DES PROJETS COMPLEXES, JALONNÉS
D'OBSTACLES
- TROISIÈME PARTIE - L'URGENCE D'UNE
STRATÉGIE COHÉRENTE POUR CRÉER UNE VÉRITABLE
DYNAMIQUE EN MATIÈRE DE RÉNOVATION DES
ÉCOLES,
COLLÈGES ET LYCÉES
- I. MIEUX COORDONNER LA RÉNOVATION
ÉCOLOGIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
- A. UN PILOTAGE À METTRE EN PLACE
- B. UN PRÉREQUIS : AMÉLIORER
L'ACCÈS DES COLLECTIVITÉS À L'INFORMATION ET À
L'INGÉNIERIE
- C. UN POINT DE VIGILANCE : LA
DISPONIBILITÉ ET LA FORMATION DES PROFESSIONNELS
- A. UN PILOTAGE À METTRE EN PLACE
- II. UNE NÉCESSITÉ :
SÉCURISER LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES COLLECTIVITÉS
- A. UNE INCONNUE : LE COÛT GLOBAL DE
L'EFFORT À ENTREPRENDRE AU COURS DES PROCHAINES ANNÉES
- B. DES FINANCEMENTS PUBLICS DONT
L'EFFICACITÉ DOIT ÊTRE RENFORCÉE
- A. UNE INCONNUE : LE COÛT GLOBAL DE
L'EFFORT À ENTREPRENDRE AU COURS DES PROCHAINES ANNÉES
- III. UNE INDISPENSABLE RÉFLEXION SUR LES
NORMES
- IV. LES DOUZE RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
D'INFORMATION POUR MIEUX ACCOMPAGNER LES ÉLUS LOCAUX DANS LA TRANSITION
ÉCOLOGIQUE DES BÂTIMENTS SCOLAIRES
- I. MIEUX COORDONNER LA RÉNOVATION
ÉCOLOGIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
- ANNEXES
- I. CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE,
ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN
- II. TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI DES
RECOMMANDATIONS
- III. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- IV. COMPTES RENDUS DE LA MISSION
D'INFORMATION
- V. SYNTHÈSE DE LA CONSULTATION DES
ÉLUS LOCAUX
- A. DES CONSTATS LARGEMENT PARTAGÉS SUR LA
PERTINENCE DE TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
- 1. Une inquiétude générale
sur les conséquences de la hausse des dépenses
d'énergie
- 2. L'état des bâtiments en
question
- 3. Une complication pour la conception des
travaux : des sources d'énergie différentes selon
l'époque de construction
- 4. L'intérêt des élus pour la
rénovation du bâti scolaire
- 5. Le choix de la reconstruction des
bâtiments
- 6. Des témoignages
généralement positifs sur les travaux entrepris
- 7. Une interrogation sur les suites des
travaux : maintenance et surcoûts en énergie liés
à certains équipements
- 8. Quelques questionnements sur le temps
scolaire
- 1. Une inquiétude générale
sur les conséquences de la hausse des dépenses
d'énergie
- B. UN THÈME RÉCURRENT : DES
DIFFICULTÉS DE COMPRÉHENSION ENTRE ÉLUS ET
COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE (ENSEIGNANTS ET PARENTS
D'ÉLÈVES)
- C. LA COMPLEXITÉ DES INVESTISSEMENTS
À RÉALISER POUR MODERNISER LE BÂTI SCOLAIRE
- D. LA QUESTION DU COÛT DES TRAVAUX
- E. MESURES PRISES CONTRE LA CANICULE
- F. L'ACCOMPAGNEMENT DES
COLLECTIVITÉS
- 1. Des témoignages positifs sur certaines
structures locales
- 2. Les structures d'accompagnement
fréquemment citées
- 3. L'organisation de l'accompagnement en
question : trop de guichets, beaucoup de conseils, des exigences
opérationnelles parfois insuffisantes
- 4. Des critiques partagées sur
l'accompagnement financier et l'attribution des subventions
- 5. Des démarches trop complexes pour
accéder aux subventions : « parcours du
combattant », « usine à gaz »
- 6. Un appel à simplifier ces
démarches
- 7. Les effets pervers des aides
- 8. Le rôle de l'État diversement
apprécié
- 1. Des témoignages positifs sur certaines
structures locales
- A. DES CONSTATS LARGEMENT PARTAGÉS SUR LA
PERTINENCE DE TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
- VI. COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS
- VII. NOTES
- I. CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE,
ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN
N° 800
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission d'information (1) sur
« Le bâti scolaire à
l'épreuve
de la transition
écologique »,
Président
M. Jean-Marie MIZZON
Rapporteure
Par Mme Nadège
HAVET,
Sénateur et Sénatrice
(1) Cette mission est composée de : M. Jean-Marie Mizzon, président ; Mme Nadège Havet, rapporteure ; M. Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Yan Chantrel, Bernard Fialaire, Mmes Monique de Marco, Colette Mélot, Marie-Pierre Monier, Anne Ventalon, vice-présidents ; M. Jacques Grosperrin, Mme Jocelyne Guidez, secrétaires ; M. Jean-Baptiste Blanc, Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Toine Bourrat, Marie-Arlette Carlotti, Véronique Del Fabro, M. Gilbert Favreau, Mme Christine Herzog, M. Xavier Iacovelli, Mme Else Joseph, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Paul Prince.
ESSENTIEL
La transition écologique des bâtiments scolaires pose de nombreux défis aux élus locaux en charge de ce patrimoine immobilier. L'importance de ces bâtiments pour les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation, leur poids dans le patrimoine de ces collectivités, le nombre important de leurs usagers (pour le seul enseignement public, environ 10 millions d'élèves et 720 000 enseignants, sans compter les parents d'élèves) et, enfin, leur dimension symbolique, leur confèrent une place singulière.
Deux communes sur trois disposent d'au moins une école, ce « poumon du village », selon un témoignage d'élu local recueilli par la mission d'information.
La mission d'information sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique, constituée le 1er février 2023 à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), a procédé à l'audition de plus de 80 spécialistes et a effectué cinq déplacements entre avril et juin 2023. 1 379 élus locaux ont répondu à la consultation en ligne à laquelle la mission d'information a procédé, en avril 2023, sur la plateforme du Sénat.
I. DE NOMBREUX ENJEUX POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, BIEN AU-DELÀ DE LA SEULE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
Sur le plan méthodologique, la rénovation des écoles, collèges et lycées ne se distingue pas de celle des autres bâtiments publics des collectivités territoriales. Elles partagent le même cadre juridique européen (l'Union européenne s'est donné comme objectif d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050) et français (loi ELAN et décret tertiaire). La transition énergétique de ces bâtiments est, en effet, une obligation, qui se traduit par des exigences en termes de baisse des consommations d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre et, plus récemment, d'amélioration de la qualité de l'air.
Les trois échéances fixées par le décret tertiaire pour rénover les bâtiments publics
L'importance du parc scolaire et la crise actuelle des prix de l'énergie font de la rénovation de ces bâtiments un enjeu économique et financier majeur pour les collectivités qui n'ont, toutefois, pas attendu cette crise pour s'engager dans cette démarche.
L'incidence de leur rénovation en termes de lutte contre le réchauffement climatique a été mise en avant au cours des travaux de la mission d'information.
Ont ainsi été abordés les problèmes posés par les grandes baies vitrées, très répandues dans les écoles, collèges et lycées des années 1980 mais inadaptées au risque de canicule, les « îlots de chaleur » dans des cours encore très minérales, ou la question de l'eau, très prégnante par exemple à Mayotte.
Dans ce domaine, les bonnes pratiques mises en oeuvre par les établissements d'enseignement français à l'étranger dans les pays concernés par ce défi méritent d'être largement partagées.
La végétalisation des espaces extérieurs s'inscrit dans cette thématique, de même que la récupération des eaux de pluie.
Végétalisation des espaces extérieurs du collège G. Pompidou de Courbevoie - avant/après (mars 2021/mars 2023)
Enfin, les implications pédagogiques de la rénovation des écoles, collèges et lycées doivent être relevées : il est essentiel de former à la sobriété énergétique l'ensemble des élèves et d'y sensibiliser parents et enseignants. Il s'agit de « faire de la classe un laboratoire pédagogique de la mise en place de solutions concrètes d'économie d'énergie ».
L'objectif est aussi que les écoles, collèges et lycées deviennent « les vitrines d'une transition écologique réussie » : leur rénovation est un enjeu d'exemplarité. De plus, ces bâtiments s'inscrivent dans la politique locale et l'aménagement du territoire. Ils contribuent à l'attractivité et au rayonnement de celui-ci.
« Il y a encore un long chemin à
parcourir pour améliorer l'efficacité énergétique
de la plupart des bâtiments scolaires en France.
»
Association des maires de France
II. DES PROJETS COMPLEXES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PLUS PARTICULIÈREMENT POUR LES COMMUNES
Le processus de construction, de rénovation ou de réaménagement du bâti scolaire constitue une démarche complexe, plus particulièrement pour les communes dont les moyens autonomes en ingénierie sont parfois limités. Or ces projets requièrent une véritable expertise technique, juridique et financière. Leur conduite s'échelonne généralement sur plusieurs années, ce qui implique une réflexion sur les usages futurs du bâtiment, en anticipant l'évolution des effectifs.
La programmation de tels investissements est jalonnée de nombreux défis pour les élus. Outre les difficultés d'organisation liées au calendrier des travaux (pendant les vacances d'été ou durant l'année scolaire), les besoins de rénovation énergétique peuvent différer d'un bâtiment à l'autre au sein d'un même établissement, en fonction d'époques de construction diverses.
Des exigences parfois difficiles à concilier accentuent encore la complexité de ces projets : l'isolation thermique peut affecter la qualité de la ventilation, la ventilation peut entraîner une hausse des consommations énergétiques, les exigences de conservation du patrimoine peuvent entrer en contradiction avec l'efficacité énergétique (cas des panneaux solaires en zone protégée).
Par ailleurs, une difficulté majeure de la transition écologique des bâtiments scolaires est l'évaluation du coût de ces travaux.
Pour la construction de bâtiments scolaires aux normes récentes, les estimations s'échelonnent entre 3 000 € et 4 600 € par m² en fonction du type d'établissement.
entre 3 000 €
et 4 600 €
En matière de rénovation, il n'existe pas de « budget type ». L'estimation du prix de ces investissements peut être comprise entre 300 € et 1 700 € au m² (entre 1 100 € et 1 700 € afin d'atteindre les objectifs du décret tertiaire pour 2040 et 2050).
entre 300 €
et 1 700 €
Les informations recueillies par la mission d'information confirment qu'il n'existe pas de réponse unique pour établir le coût de la rénovation énergétique de ces bâtiments.
« Le coût de deux opérations de
même nature et de même niveau peut varier
du simple au double
selon l'état initial du bâtiment, les matières
utilisées
et la nécessité de travaux liés
à la présence d'amiante ou de plomb. »
INET-CNFPT, mars 2023
De plus, des dépassements sont régulièrement constatés par rapport aux prévisions initiales : la réalisation des travaux en « site occupé » contribue à alourdir la facture, de même que la nécessité de prévoir d'autres aménagements liés à la mise aux normes en matière d'accessibilité ou de sécurité. À la rénovation des bâtiments peut aussi s'ajouter celle des espaces extérieurs.
En outre, la contrainte budgétaire oblige certaines collectivités à recourir à une « stratégie des petits pas », plus coûteuse en définitive qu'une rénovation globale.
Enfin, le retour sur investissement, souvent long (20 ou 30 ans pour une rénovation aux standards « basse consommation »), décourage de nombreux élus, a fortiori lorsqu'existe un risque de fermeture de classe ou d'école.
À cet égard, l'engagement de prévisibilité de la carte scolaire sur 3 ans prévu dans le cadre du Plan France ruralités est un progrès, même si ce délai peut paraître insuffisant pour sécuriser la programmation d'investissements dont la rentabilité s'étend sur de nombreuses années.
Par ailleurs, les investissements liés à la transition environnementale suscitent un besoin accru des collectivités en ingénierie, non seulement pour mener ces projets, mais aussi pour en assurer le suivi : l'évaluation de la performance énergétique que supposent ces investissements requiert en effet un haut niveau de compétence technique.
L'accès à l'ingénierie est un sujet essentiel pour les collectivités.
À ce titre, les collectivités disposent d'une grande diversité d'interlocuteurs potentiels (grandes agences comme l'ADEME, le CEREMA ou l'ANCT, structures privées
- bureaux d'étude, cabinets d'architectes -, agences de l'eau, agences départementales d'ingénierie, agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE)...)
Alors que les départements et les régions possèdent au sein de leurs services techniques l'expertise nécessaire en matière d'ingénierie pour conduire de tels projets, de nombreux territoires, en particulier les communes rurales, en sont dépourvus.
La diversité des acteurs de l'ingénierie n'est pas un gage de simplicité : certains maires sont perplexes face à de multiples guichets et au manque de coordination de ces différentes structures. La mission d'information a toutefois pu constater que des écosystèmes efficaces existent localement, par exemple autour d'une ALEC, d'une agence départementale de l'ingénierie ou des conseillers en énergie partagés (CEP) mutualisés par des EPCI.
Le Plan France ruralités prévoit le déploiement de 100 chefs de projet pour apporter aux maires de communes rurales un soutien en matière d'ingénierie, dans le cadre du programme « Village d'avenir ».
Qui fait quoi ?
Autre obstacle pour les collectivités : la recherche de financements.
Compte tenu de la réticence des élus à s'endetter, les subventions et dotations sont une source de financement incontournable. DETR, DSIL et Fonds vert ne sont pas spécifiques au bâti scolaire, mais les critères d'attribution de ces aides flèchent la rénovation de ces bâtiments. S'ajoutent à ces dotations les subventions attribuées par les régions et départements ainsi que les fonds européens.
Part du bâti scolaire : |
||
19% des montants 14% des projets financés |
DETR |
2 Mds en 2023 |
25% des montants 23% des projets financés |
DSIL |
|
Fonds vert |
2 Mds € en 2023 |
Or l'accès à ces dotations est pour le moins complexe : les élus rencontrés par la mission d'information évoquent sur ce point une « usine à gaz » et un « parcours du combattant ».
« DSIL, DETR, Fonds vert, Fonds européens
:
c'est compliqué à l'échelle des communes rurales de
s'y retrouver ! »
Maire d'une commune de
Meurthe-et-Moselle
La sous-consommation de certains fonds tels que la DSIL et le Fonds vert (25% en juin 2023) constitue un paradoxe au regard des besoins exprimés par les élus. Elle souligne la nécessité de faciliter l'accès à ces financements, comme l'ont demandé tous les élus rencontrés par la mission d'information, qui appellent à une simplification des guichets à partir de la mise en place d'un interlocuteur unique pour orienter les investissements des collectivités vers le bon levier de financement.
« Un guichet unique des aides et subventions en
matière de rénovation thermique, de développement des
énergies renouvelables et de constructions bas carbone avec limitation
des émissions de gaz à effet de serre ferait gagner un temps
précieux »
Régions de France
Par ailleurs, la loi du 30 mars 2023 a permis aux collectivités territoriales, par dérogation au droit de la commande publique, de faire appel à un tiers financeur pour leurs travaux, ce qui permettra le paiement différé de ceux-ci. Ce dispositif expérimental suppose une étude préalable de soutenabilité financière.
Enfin, le Plan « 10 000 écoles », présenté par le gouvernement le 9 mai 2023, mise sur l'émergence de projets « totem » pour encourager des projets de rénovation dans d'autres communes, dans une logique d'émulation par l'exemple. Il s'appuie sur des prêts de la Banque des territoires pour financer ces investissements, sans que des moyens nouveaux soient injectés dans le système.
III. LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION POUR MIEUX ACCOMPAGNER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L'AMPLEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
L'échéance de 2030 fixée par le décret tertiaire est pour demain, celles de 2040 et 2050 sont pour après-demain : elles doivent être anticipées dès maintenant.
« En matière de bâti scolaire, la dynamique à impulser pour relever les défis de la transition écologique repose sur les collectivités territoriales qui en ont la compétence. Elle nécessite un accompagnement renforcé des élus sur les plans financier, technique et juridique. »
Nadège Havet, rapporteure
· Améliorer l'accès à l'ingénierie : un prérequis, plus particulièrement pour les maires
L'accès à l'ingénierie passe tout d'abord par une information simple et complète. Or l'information des élus reste aujourd'hui dispersée, de qualité inégale et parfois dépassée. De plus, la complexité des investissements de rénovation énergétique souligne la nécessité d'échanges de retours d'expériences entre collectivités. |
Face à ce constat, la mission d'information préconise :
- la création d'une plateforme regroupant toutes les informations utiles à l'élaboration et à la conduite des projets de rénovation des bâtiments scolaires. Il s'agit notamment de partager les bonnes pratiques, mais aussi les écueils à éviter ;
- l'organisation chaque année, dans les départements, de conférences des acteurs locaux de l'ingénierie ;
- la mise à l'étude d'une adresse courriel générique, dans chaque département, afin de permettre à tout maire, par cette « boîte aux lettres » dédiée, d'obtenir les réponses que pose son projet de rénovation du bâti scolaire en matière d'ingénierie.
· Sécuriser le financement des investissements en renforçant l'efficacité des dotations et subventions publiques
Le financement des projets, dont l'organisation s'échelonne sur plusieurs années, s'établit brique après brique, sans visibilité et avec beaucoup d'incertitudes. La méthode des appels à projet est une contrainte forte pour certaines collectivités ; elle favorise les dossiers « tout prêts » qui bénéficient ainsi d'une sorte d'effet d'aubaine. De plus, les différents guichets de subvention (État, régions...) fonctionnent avec des calendriers différents. |
La mission d'information formule donc 6 recommandations visant à faciliter l'accès des collectivités territoriales aux financements :
- l'alignement des calendriers des dotations et subventions : les collectivités demandent plus de prévisibilité et de simplicité pour sécuriser des investissements qui doivent s'inscrire dans une logique pluriannuelle ;
- une réflexion afin de limiter les études préalables nécessaires pour obtenir certaines subventions. Elles représentent une dépense non négligeable pour certaines communes et limitent souvent l'intérêt du bilan exigé (exemple d'une étude de 4 000 euros pour obtenir une subvention espérée, mais non assurée, de 6 000 euros pour le remplacement d'ampoules par des LED). Elles suscitent le découragement des élus si la subvention est finalement refusée ;
- la prise en compte, dans l'attribution des subventions, des travaux préalablement effectués par les collectivités. Les niveaux de réduction d'énergie exigés pour obtenir une subvention pénalisent les collectivités territoriales qui ont déjà investi dans ce domaine : le système actuel est en quelque sorte une « prime au mauvais élève » de la transition énergétique ;
- la mise à l'étude d'une formule forfaitaire dans l'attribution des subventions, dans une logique de barème (en euro par m², en fonction du niveau de performance énergétique visé par le projet) : il s'agit de mettre en place un système de subvention plus simple, transparent et prévisible ;
- l'abaissement du reste à charge pour les collectivités territoriales (actuellement de 20% minimum), lorsqu'elles ne possèdent pas les moyens financiers nécessaires. Pour de petites communes confrontées à des chantiers importants, un reste à charge de 20% reste souvent un seuil infranchissable. Il doit pouvoir être fixé à 10% en fonction des capacités financières des collectivités ;
- la mise à l'étude d'un interlocuteur unique pour aider les collectivités territoriales à mobiliser le levier de financement adapté à leur projet d'investissement.
· Lutter contre le déficit de connaissance des besoins en matière de rénovation du parc scolaire
Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a évoqué le chiffre de 5,2 milliards d'euros par an sur dix ans (soit 52 milliards d'euros) pour la rénovation énergétique des seules écoles publiques. Le rapport Demarcq de mars 2020 sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires estimait nécessaire un budget de 40 milliards d'euros pour atteindre en 10 ans l'objectif de réduction de 40% prévu par le décret tertiaire pour 2030. Cette estimation doit être réévaluée à l'aune de l'évolution des prix et des objectifs fixés par le décret tertiaire à l'échéance de 2040 et 2050 ; elle suppose toutefois une connaissance de l'état du parc scolaire qui manque actuellement. |
|
Selon l'ADEME, 100 milliards d'euros sont nécessaires pour que l'ensemble du parc des collectivités territoriales (dont les bâtiments scolaires) atteigne les objectifs du décret tertiaire. |
Cette valse des chiffrages montre que l'estimation du coût de la rénovation du bâti scolaire ne repose pas sur des bases solides.
La mission d'information préconise donc de créer un centre de ressources, en lien avec les collectivités territoriales et les associations d'élus, pour connaître l'état des lieux des bâtiments scolaires avant et après travaux, estimer les économies d'énergie ainsi réalisées et anticiper les travaux qui restent à effectuer pour atteindre les objectifs de réduction des consommations d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre aux échéances de 2030, 2040 et 2050.
· Adapter certaines normes aux enjeux du changement climatique
La mission d'information propose de mettre à l'étude l'extension, aux établissements du premier degré, de la possibilité de récupérer les eaux de pluie, par exemple pour les sanitaires ou l'entretien des espaces extérieurs de l'école, en prenant en compte les enjeux sanitaires d'une telle évolution de la réglementation. |
|
Les maires consultés par la mission d'information ont pointé cette difficulté, qu'ils estiment contradictoire avec le risque de sécheresse. Actuellement, l'utilisation des eaux de pluie n'est possible que pour les établissements du second degré. |
· Évaluer les mesures récentes pouvant contribuer à la rénovation du bâti scolaire
La mission d'information appelle à une évaluation des récentes mesures susceptibles de concerner la rénovation des bâtiments scolaires. Elle recommande, dès la fin de 2024, un bilan du recours au « tiers financement » créé par la loi du 30 mars 2023, du Plan « 10 000 écoles » et du recours au soutien en ingénierie prévu par le programme « Village d'avenir » dans le cadre d'investissements concernant des écoles.
IV. PAROLES D'ÉLUS
Sélection de témoignages recueillis par la mission d'information en avril 2023 lors de sa consultation en ligne, en lien avec ses recommandations
« Nous avons engagé un bilan énergétique de l'ensemble du patrimoine communal. Le résultat est sans appel. Tous les bâtiments sont énergivores, en particulier le bâtiment du périscolaire et l'école élémentaire. Des audits et des études d'opportunités ont été engagés pour permettre la mise en place d'un schéma directeur. Notre priorité est l'école élémentaire car elle tombe dans le périmètre du décret tertiaire (1 070m²). »
« Le groupe scolaire a la particularité d'avoir deux modes de chauffage : fuel sur l'ancien bâtiment et électrique sur l'extension faite en 1987. Les charges liées à ces deux énergies sont difficiles à gérer (financièrement et techniquement). »
« Pour nous, petite commune rurale, 600 habitants, l'enjeu est considérable (gouffre énergétique ; occupation très intermittente ; pôle de développement et d'animation du village) mais il est exclu d'investir fortement tant que la pérennité de notre école (maternelle) ne sera pas garantie, sur plusieurs années. »
« Je dois faire le choix entre rénover notre école (qui date de 1866) ou construire une nouvelle école répondant aux nouvelles normes. J'ai donc besoin de soutien en ingénierie pour mener cette étude et d'assistance à maîtrise d'oeuvre. »
« C'est très chronophage et assez compliqué : je ne suis pas spécialiste, et personne ne l'est dans mon conseil. La secrétaire de mairie n'a ni le temps ni la compétence pour gérer les demandes de subventions, et autres marchés publics. Cette tâche est assez stressante car cela engage beaucoup d'argent (...) et j'ai peur de faire des erreurs. »
« Il faut aujourd'hui, faute de moyens, rester terre à terre et essayer de rénover petit à petit, ce qui dans le cadre actuel des subventions potentiellement mobilisables s'apparente à un parcours du combattant. Il n'y a pas de dispositif qui couvre des dépenses au-delà de 4 ans, ce qui est d'une incohérence absurde au regard des enjeux financiers sur ce type de rénovation de complexe scolaire. »
« Les subventions n'étant pas forcément garanties, il est difficile de prévoir le réel reste à charge de la commune sur un projet à engager. C'est aussi un frein non négligeable dans les prises de décisions. »
« Tout est trop long : études, architecte, permis, subventions, calcul du reste à charge, appel d'offres, chantier, surcoût lors de la rénovation, révision de prix... Il faudrait dès le début avoir la certitude du reste à charge mais en terme de rénovation c'est rarement possible. Il faudrait que les subventions soient versées rapidement et facilement pour ne pas impacter la trésorerie de la commune. »
« Dans le cadre du fonds vert, nous ne sommes pas éligibles car nous n'avons pas 30 % d'économie à réaliser... nous sommes vertueux et donc perdants pour continuer à investir ».
« Je souhaitais que nous mettions des récupérateurs d'eau pour économiser l'eau et arroser tous les végétaux que nous mettons dans les cours pour les rafraichir, or il est interdit dans une école d'utiliser l'eau de pluie pour arroser... »
« Nous nous débrouillons seuls, sans approche globale et concertée : à quand un grand service public d'aide à la transformation énergétique, simple et rapide ? »
« Nous avons été très bien conseillés par le CEP (conseiller en énergie partagé) de notre EPCI, qui a pris du temps pour nous donner les informations nécessaires. C'est une très bonne aide. Les communes voisines partagent mon avis. »
AVANT-PROPOS
Les bâtiments scolaires (plus de 51 000 écoles, collèges et lycées) représentent à eux seuls, en superficie, environ 140 millions de m2, soit la moitié des bâtiments publics des collectivités territoriales.
Dans le contexte environnemental actuel (adaptation au changement climatique, amélioration de la performance énergétique, réduction des émissions de gaz à effet de serre...), ces chiffres confirment l'importance des questions posées par la transition écologique de ces bâtiments, rendue obligatoire par les engagements européens de la France et dont la crise des prix de l'énergie accélère l'intérêt : les bâtiments représentent en effet 75% des dépenses d'énergie des collectivités territoriales, selon une estimation de 20221(*).
Au sein des bâtiments publics des collectivités territoriales, les bâtiments scolaires occupent une place singulière.
- Tout d'abord, par leur dimension symbolique : « l'école est le poumon du village », soulignait un élu à l'attention de la mission d'information.
L'architecture scolaire reflète en effet les grandes étapes de notre histoire : écoles dites « Jules Ferry » au bâti uniforme, souvent associées aux mairies, symboles de la transmission des valeurs républicaines par la IIIe République et de la démocratisation de l'enseignement ; écoles de l'entre-deux-guerres inspirées par le courant hygiéniste ; constructions de masse des années 1950-1970, à l'architecture sommaire héritée des urgences du moment - croissance démographique consécutive à la Deuxième Guerre mondiale, prolongation de la scolarité obligatoire à 16 ans et « collège unique ».
- Ensuite, par le nombre de leurs usagers2(*), a fortiori depuis que l'école concerne tous les enfants dès l'âge de trois ans : ces bâtiments, pour le seul enseignement public, sont le cadre de la vie quotidienne de plus de 10 millions d'élèves3(*) et de quelque 720 000 enseignants4(*), sans oublier les autres personnels dont ces bâtiments sont également le lieu de vie (personnels d'encadrement, assistants d'éducation, accompagnants d'élèves en situation de handicap, assistants de vie scolaire, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, personnels techniques...). Si l'on inclut les parents d'élèves, écoles, collèges et lycées concernent chaque jour une population considérable.
- Par l'importance, enfin, que revêtent ces bâtiments pour les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation. Celles-ci ont mis en place un régime de compétences partagées entre l'État et les collectivités qui fait correspondre, à chaque niveau de collectivité, un échelon d'enseignement (primaire, collèges, lycées) : l'État assure la responsabilité de l'enseignement et des personnels dont c'est la mission, les collectivités prennent en charge les conditions matérielles de son organisation (bâtiments, équipements, dépenses de fonctionnement) ainsi que la gestion des personnels correspondants (hors personnels enseignants).
Certains élus entendus par la mission d'information ont d'ailleurs rappelé l'amélioration de l'état des collèges et lycées depuis qu'ils relèvent des compétences des départements et régions. Ce constat confirme l'intérêt de la gestion décentralisée des bâtiments scolaires, si l'on se réfère à un bilan de la décentralisation de l'enseignement du second degré effectué par la Cour des comptes en 1995 (voir l'encadré ci-après).
Bâtiments des collèges et
lycées lors du transfert de compétences entre l'État,
les départements et les régions - les
« procès-verbaux de remise »
Source : Cour des comptes, La décentralisation et l'enseignement du second degré, Rapport public particulier, février 1995.
« Les biens meubles et immeubles sont de plein droit mis à la disposition à titre gratuit de la collectivité concernée. (...) Il était de ce fait nécessaire de procéder à l'établissement d'un état des lieux établi contradictoirement entre des représentants de l'État, de la collectivité nouvellement compétente et de la collectivité propriétaire. Les procès-verbaux ont le plus souvent été établis dans les conditions prévues. »
« Les établissements nécessitant des travaux urgents n'étaient pas forcément les plus anciens. Ainsi selon une étude conduite dès 1984 dans le département du Pas-de-Calais, l'état des bâtiments dépendait en grande partie du procédé de construction utilisé : si les bâtiments en béton étaient reconnus solides, les bâtiments métalliques pourtant plus récents ne répondaient en revanche plus aux normes de sécurité. Dans ce département, 27 collèges sur 123 étaient dans cette situation en 1984.
S'ajoutaient les problèmes liés à l'existence de bâtiments démontables appartenant majoritairement à l'État. Leur installation, provisoire au départ, s'était pérennisée dans les zones de forte croissance des besoins comme le département du Nord ou l'agglomération toulousaine.
Un net retard en matière d'entretien était souvent constaté. Dans le Gers, sur vingt et un collèges, quinze étaient en bon état, six dans un état de délabrement plus ou moins prononcé, le plus souvent faute d'avoir été entretenus. En Pas-de-Calais, on constatait surtout un net retard en matière d'entretien, l'état général du patrimoine n'étant pas considéré comme inquiétant. Plusieurs départements tiennent à souligner que les locaux construits et entretenus par des collectivités étaient généralement mieux entretenus que les bâtiments relevant de l'État. Dans différentes régions, telle l'Aquitaine, les procès-verbaux de remise signalaient le mauvais état de l'équipement des classes et des ateliers de lycées, notamment professionnels. »
En outre, les écoles, collèges et lycées sont incontestablement des enjeux de politique locale et d'aménagement du territoire. Deux communes sur trois disposent au moins d'une école5(*) : ce chiffre illustre de manière éclairante l'importance des écoles pour l'échelon municipal. Dans cet esprit, les témoignages reçus par la mission d'information montrent clairement que pour un maire, la construction ou la rénovation d'une école est « le » projet d'un mandat. De même, la construction et la rénovation d'un collège ou d'un lycée sont des actes politiques majeurs des conseils départementaux et régionaux qui portent ce projet et constituent en outre des éléments d'attractivité pour un territoire.
Les collectivités territoriales sont aujourd'hui les deuxièmes financeurs de la dépense intérieure d'éducation6(*) après l'État : leur part dans la DIE s'élevait en 2021 à 23% (58% pour l'État). De plus, on constate actuellement une hausse des dépenses des collectivités territoriales dans le domaine de l'enseignement : ce « rebond des dépenses d'éducation » des collectivités territoriales tient précisément à « la reprise (...) de l'investissement, à destination notamment (...) de la rénovation énergétique du bâti scolaire », selon une étude du ministère de l'éducation nationale publiée en novembre 20227(*). En effet, comme l'ont confirmé les associations d'élus locaux auditionnées par la mission d'information, les collectivités territoriales n'ont pas attendu l'actuelle crise de l'énergie pour inscrire la rénovation des bâtiments scolaires dont elles ont la responsabilité à leur agenda.
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La transition écologique des bâtiments scolaires - comme d'ailleurs celle de tous les bâtiments publics des collectivités - illustre la complexité de toute politique publique décentralisée, dont les normes sont définies au niveau central, mais dont la déclinaison dépend de collectivités sur lesquelles pèsent bien d'autres responsabilités, et dont les ressources budgétaires sont aujourd'hui plus contraintes que jamais.
Les questions posées par les bâtiments scolaires recouvrent donc une dimension spécifique et font de leur rénovation un sujet en soi, même si elle s'inscrit dans la thématique plus large de la rénovation environnementale des bâtiments publics avec laquelle elle partage un même cadre juridique - européen et national. Certains des constats établis par ce rapport sont ainsi transposables à la transition écologique des autres bâtiments publics des collectivités territoriales.
La question de la transition environnementale des bâtiments scolaires est d'ailleurs clairement identifiée depuis plusieurs années comme un sujet en tant que tel au sein de la politique publique de rénovation des bâtiments, comme le montrent les rapports publics suivants :
- Favoriser la rénovation du patrimoine scolaire des quartiers populaires pour créer une école moderne et attractive, de M. Olivier Klein, alors maire de Clichy-sous-Bois (mars 2017) ;
- Rénovation énergétique des bâtiments éducatifs, de MM. Hubert Briand, responsable du pôle Efficacité énergétique des bâtiments (Caisse des dépôts) et Jérôme Gatier, directeur du Plan Bâtiment durable (mai 2018) ; on notera que le champ de réflexion du groupe de travail dont est issu ce document recouvre l'ensemble du patrimoine immobilier éducatif, public et privé, de l'école maternelle à l'université ;
- La rénovation énergétique des bâtiments scolaires, de M. Jean-François Demarcq, ingénieur général des mines (février 2020)8(*). Plus de trois ans après sa publication, ce rapport demeure à de nombreux égards un document de référence.
Or malgré l'effort de réflexion qu'illustrent ces divers rapports publics, l'adaptation des bâtiments scolaires au nouveau contexte environnemental passe par des projets dont la conduite, pour les collectivités territoriales qui en sont les maîtres d'ouvrage, demeure un véritable défi, surtout pour les communes - les plus petites au premier chef.
L'accès à l'ingénierie (technique, administrative, juridique, financière), la connaissance des normes à respecter, la capacité à identifier les partenaires mobilisables pour accompagner un tel projet, l'information sur les bonnes pratiques susceptibles d'en guider la mise en oeuvre restent pour les collectivités territoriales, et singulièrement pour les communes, autant d'obstacles à surmonter, à un moment où le contexte juridique et climatique invite à accélérer la transition écologique du bâti scolaire, voire à amorcer le passage à une logique de traitement de masse.
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C'est dans ce contexte que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) a demandé, dans le cadre du droit de tirage reconnu à chaque groupe politique par l'article 6 bis du Règlement du Sénat, la constitution d'une mission commune d'information ayant pour sujet « le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique ».
Le Sénat a désigné les 21 membres de la mission d'information lors de la séance publique du mercredi 1er février 2023.
Au cours de sa réunion constitutive, le 7 février 2023, la mission d'information a pris acte de la nomination de Nadège Havet en tant que rapporteure, conformément au souhait du groupe RDPI de confier le rapport de cette mission à l'un de ses membres. Notre collègue Jean-Paul Prince a alors salué l'intérêt d'une démarche permettant d'inscrire à l'agenda du Sénat une « question cruciale qui croise des thématiques chères à notre institution : l'éducation, le développement durable - plus particulièrement la transition énergétique - et les collectivités territoriales », Jean-Marie Mizzon, président, soulignant l'importance d'un sujet qui « intéresse tout particulièrement les collectivités territoriales, et au premier chef l'échelon municipal ».
La mission d'information a commencé ses travaux dès le 8 février 2023. L'examen de ce rapport, le 28 juin 2023, a clos un cycle d'auditions9(*) et de déplacements de quelque quatre mois.
Conformément à l'intitulé de son sujet, la mission d'information a souhaité faire porter sa réflexion non seulement sur la rénovation énergétique stricto sensu, mais aussi sur les investissements destinés à adapter les bâtiments scolaires à la lutte contre la chaleur - végétalisation des cours, aménagement d'espaces ombragés...
Au cours de neuf auditions en réunion plénière, dont cinq tables rondes, et de 15 réunions au format « rapporteur », elle a reçu plus de 80 spécialistes (associations d'élus, hauts fonctionnaires, experts et universitaires, architectes, paysagistes, entreprises du bâtiment, représentants des syndicats d'enseignants et de chefs d'établissements, d'associations de parents d'élèves, des organismes contribuant à l'accompagnement des collectivités territoriales (ANCT, ADEME-Agence de la transition écologique, CEREMA, agences locales de l'énergie-climat - ALEC, conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement - CAUE...).
Cette série de réunions s'est terminée le 7 juin 2023, lorsque la mission d'information a entendu Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Des séquences particulièrement stimulantes ont permis à la mission d'information d'associer à sa réflexion d'autres structures du Sénat :
- la délégation aux outre-mer, pour évaluer les dimensions ultramarines de son sujet à partir de la situation à Mayotte, en Guadeloupe et à La Réunion ;
- et le groupe d'études « Statut, rôle et place des Français établis hors de France », à la demande de notre collègue Yan Chantrel, représentant les Français établis hors de France, afin de prendre connaissance de l'expérience de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger et de la Mission laïque française.
Entre avril et juin 2023, la mission d'information a procédé à cinq déplacements : en Meurthe-et-Moselle ; à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine ; dans le Finistère ; à Marseille puis dans le Vaucluse.
Ces rencontres de terrain et visites d'établissements scolaires - pour certains encore en chantier - ont permis, grâce à l'implication des membres de la mission d'information qui ont pris l'initiative de ces déplacements10(*), de confronter aux réalités des territoires les informations recueillies lors des auditions organisées au Sénat.
Au total, plus de 100 interlocuteurs ont contribué aux travaux de la mission d'information lors de ses auditions et déplacements, sans compter les quelque 1 379 élus locaux qui lui ont répondu dans le cadre de la consultation en ligne à laquelle la mission d'information a procédé, en avril 2023, sur la plateforme du Sénat. Les témoignages de grande qualité adressés à la mission d'information ont substantiellement enrichi sa réflexion. La synthèse de ces réponses, annexée à ce rapport, a très utilement complété les informations recueillies lors des trois auditions des associations d'élus et lors des déplacements de la mission d'information.
Que tous les élus qui ont accepté de partager avec la mission d'information leur expérience et leurs suggestions soient très chaleureusement remerciés, de même que tous ceux qui ont contribué à éclairer sa réflexion.
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Des sujets en lien avec la rénovation écologique des bâtiments ont été largement présents dans l'actualité parlementaire parallèlement au déroulement de la mission d'information, reflétant une prise de conscience partagée des dimensions économiques immédiates de la transition écologique et de son urgence : la transition climatique n'est plus une « question pour après-demain »11(*).
Quelques semaines avant la constitution officielle de la mission d'information, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la rénovation énergétique des bâtiments appelait, en novembre 2022, à « mobiliser les collectivités territoriales » et à leur faire jouer un « rôle d'impulsion » dans la rénovation énergétique, afin de « montrer l'exemple » en rénovant « leurs propres bâtiments, notamment les bâtiments scolaires »12(*).
Divers travaux du Sénat confirment l'intérêt de notre assemblée pour ces thématiques :
- la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, mise en place en janvier 2023 à l'initiative du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, centrée sur le logement ;
- la table ronde organisée le 1er février 2023 par la commission de la culture sur le bâti ancien, dans le cadre de la préparation d'un rapport d'information sur le patrimoine et la transition écologique13(*) ;
- et le travail mis en oeuvre par la délégation aux collectivités territoriales sur la transition environnementale dans les collectivités territoriales.
Dans le même esprit, l'agenda de l'Assemblée nationale comporte une mission d'information sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques, au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, qui aborde le sujet sous un prisme large, intégrant non seulement le fonctionnement de l'école (aménagement des espaces, évolution de l'offre de restauration...), mais aussi les activités d'enseignement (prise en compte des enjeux climatiques dans les programmes scolaires, formation des enseignants...). Parallèlement a été constituée une mission d'information sur la rénovation énergétique des bâtiments, commune à la commission des affaires économiques et à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
En outre, l'examen de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique14(*), adoptée en première lecture par le Sénat le 16 février 2023 et devenue la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, a inscrit les problématiques de rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales à l'agenda législatif des deux assemblées15(*).
Le sujet de la transition écologique des écoles, collèges et lycées s'est également trouvé au coeur de l'actualité nationale : dans le sillage de l'annonce par le chef de l'État, en novembre 2022, d'un grand plan pour aider les communes à mener à bien la rénovation thermique des écoles, le Gouvernement a annoncé, le 9 mai 2023, le lancement du « Plan de rénovation énergétique des écoles - tous mobilisés ».
Quelques jours plus tôt, le 3 mai 2023, le 1 000e dossier de subvention sélectionné dans le cadre du Fonds vert, levier financier destiné à accélérer la transition écologique dans les territoires, concernait de manière très symbolique la rénovation énergétique d'un bâtiment scolaire16(*).
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La mission d'information a centré son analyse sur l'enseignement primaire et secondaire public, estimant que la rénovation énergétique des bâtiments de l'enseignement privé sous contrat constituait une problématique en soi, qui mérite d'ailleurs une analyse approfondie. Dans le même esprit, elle a écarté l'enseignement supérieur du champ de ce rapport, souhaitant consacrer l'essentiel de sa réflexion aux questions posées par la transition écologique des bâtiments publics des collectivités territoriales.
Ce rapport s'appuie sur une démarche en trois étapes :
- dans un premier temps, il analyse les enjeux actuels de la rénovation des bâtiments scolaires, qui dépassent la seule problématique de la transition écologique et intègrent des sujets déterminants comme la santé ou l'évolution des pratiques pédagogiques ;
- dans un deuxième temps, il confirme la complexité de la conduite des projets de rénovation d'écoles, collèges et lycées pour les collectivités territoriales, abordant notamment le défi que constitue pour les communes l'accès à l'ingénierie, les difficultés auxquelles peuvent se heurter certaines collectivités - plus particulièrement les communes - pour identifier les acteurs susceptibles d'accompagner leurs projets, et la question du financement, qui se pose de manière aiguë pour tous les échelons territoriaux ;
- dans un troisième temps, il souligne la nécessité de mettre en place une stratégie organisée pour que la rénovation écologique du bâti scolaire s'inscrive dans une démarche coordonnée, portée par une ambition qui soit à la hauteur des enjeux de l'avenir de l'école.
Or l'élaboration de cette stratégie se heurte aujourd'hui à des contraintes majeures, qu'il importe de lever au plus vite :
- l'énormité de la tâche à accomplir, tout d'abord, compte tenu de la nécessité de mener de front des chantiers complémentaires et parfois concurrents : la rénovation énergétique, la lutte contre les vagues de chaleur, la qualité de l'air intérieur, enjeu de santé publique révélé par la crise sanitaire, sans oublier la mise en valeur d'éléments emblématiques de notre patrimoine ;
- l'absence d'un état des lieux cohérent de ces bâtiments, qui aurait pourtant dû, de longue date, constituer le prérequis de cette politique publique et qui empêche aujourd'hui une programmation globale de ces travaux ;
- l'évolution régulière des normes environnementales, avec des niveaux d'exigence toujours plus ambitieux, en lien avec l'actualité européenne ;
- la possibilité d'exigences contradictoires lorsque s'opposent, par exemple, la rénovation énergétique et la préservation du patrimoine, les économies d'énergie et la qualité de l'air, la végétalisation des espaces et le coût de la maintenance ;
- les incertitudes sur la disponibilité de professionnels formés aux métiers que suppose la rénovation des bâtiments selon les standards les plus exigeants, alors même que les entreprises susceptibles de prendre en charge ces chantiers font face à une forte demande, qui concerne tant les bâtiments publics que les logements ;
- la difficulté d'évaluer l'effort financier à mobiliser pour mener à bien ces chantiers ;
- l'existence de nombreux précédents d'écoles, de collèges et de lycées rénovés ou construits selon les normes environnementales les plus exigeantes, sans qu'il existe à ce jour d'outil de partage d'expérience mutualisé à l'échelle du territoire national qui permettrait de faire connaître à toutes les collectivités, avant la mise en oeuvre de leur projet, les bonnes pratiques à encourager et les écueils à éviter.
Au terme de ce travail, la mission d'information présente donc 12 recommandations pour mieux accompagner les élus locaux dans la transition écologique des bâtiments scolaires.
Bâtiments publics des collectivités territoriales : chiffres-clés
- 280 millions de m²
- 30% du parc tertiaire national
- 225 000 bâtiments17(*)
- bloc communal : la moitié de ce parc
Parc scolaire public
- 140 millions de m² environ
- 45% du patrimoine des collectivités territoriales en surface18(*)
Plus de 51 000 écoles, collèges et lycées (publics) :
. 43 904 écoles du premier degré - Surface19(*) : environ 50 millions de m2
. 7 799 établissements d'enseignement secondaire20(*)
Dont 5 503 collèges21(*), 1 626 lycées d'enseignement général et technologique (LEGT)22(*), 1 626 lycées professionnels (LP)23(*) et 76 établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA)
Surface totale24(*) : 81,4 millions de m2 (surface cadastrale : 165 millions de m2 ; surface bâtie : 44 millions de m2)
- dont collèges : 37,3 millions de m2
- lycées d'enseignement général et technologique: 25,4 millions de m2
- lycées professionnels : 8,8 millions de m2
- cités scolaires : 9,9 millions de m2
PREMIÈRE PARTIE - LES BÂTIMENTS SCOLAIRES À L'HEURE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE : DE NOMBREUX ENJEUX POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, BIEN AU-DELÀ DE LA SEULE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
I. L'IMPORTANCE DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
A. UNE OBLIGATION JURIDIQUE
Les enjeux de réduction des consommations d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) ont conduit à l'élaboration d'un ensemble normatif exigeant dans les domaines environnemental et énergétique, décliné en objectifs ambitieux en matière de rénovation des bâtiments, privés et publics.
Le cadre juridique national25(*) dans lequel s'inscrit la politique publique de transition écologique des bâtiments, et qui s'applique à la plupart des bâtiments scolaires, se situe dans la continuité de l'Accord de Paris sur le climat, adopté le 12 décembre 2015 et entré en vigueur le 4 novembre 2016, qui tend à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, et du droit de l'Union européenne26(*), qui vise la neutralité carbone à l'échéance de 2050.
1. Le cadre juridique de la rénovation énergétique des bâtiments publics : législation et réglementation nationales
La législation française définit des obligations juridiques strictes en matière de rénovation énergétique des bâtiments, qu'ils soient publics ou privés. Certaines de ces dispositions concernent spécifiquement les bâtiments à usage tertiaire.
La déclinaison sur le plan législatif et réglementaire des objectifs nationaux dans ce domaine s'est réalisée en plusieurs étapes.
Les objectifs à atteindre en matière de performance énergétique des bâtiments et de réduction des gaz à effet de serre sont fixés, au niveau national, par l'article L. 100-4 du code de l'énergie, modifié par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
Ainsi, pour répondre à l'urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale doit notamment permettre de réduire :
- les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, par la division par six de ces émissions ;
- la consommation énergétique finale de 50% en 2050, par rapport à 2012, avec des objectifs intermédiaires fixés à 7% en 2023 et 20% en 2030 ;
- la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40% en 2030, par rapport à 2012.
L'objectif est de disposer d'un parc immobilier rénové selon des normes « basse consommation » à l'horizon 2050.
La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) du 23 novembre 2018 prévoit l'obligation pour les propriétaires ou les locataires de certains bâtiments ou parties de bâtiments à usage tertiaire de mettre en oeuvre des actions de réduction de la consommation d'énergie pour réduire les consommations d'énergie de l'ensemble de ces bâtiments d'au moins 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, par rapport à 2010.
Les modalités d'application de la loi ELAN ont été précisées par le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « décret tertiaire », qui concerne tous les bâtiments existants et les constructions neuves à usage tertiaire de plus de 1 000 m². Les collectivités territoriales sont donc directement concernées par les objectifs de réduction des consommations énergétiques fixés par cette loi. Elles doivent ainsi mettre en oeuvre des actions pour atteindre ces objectifs par rapport à une année de référence définie entre 2010 et 2019.
Selon une estimation effectuée en 2020, « La majorité des collèges et lycées sont (...) concernés. Environ 40% des écoles sont supérieures à 1 000 m² (6 classes ou plus), et sont soumises à cette obligation d'économies d'énergie »27(*).
Les différentes étapes de réduction de la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires sont illustrées par le schéma ci-après28(*).
2. Des obligations qui s'imposent aux collectivités territoriales
Le cadre juridique rappelé précédemment s'applique au parc immobilier public des collectivités territoriales, et à ce titre au bâti scolaire, qu'il s'agisse du bilan des émissions de gaz à effet de serre, de la réalisation de diagnostics de performance énergétique, de la déclaration des consommations énergétiques ou de la règlementation thermique et environnementale applicable aux constructions et rénovations29(*).
- Le bilan des émissions de GES
La prise en compte, dans le domaine de la construction ou de la rénovation de bâtiments publics, des exigences de réduction des émissions de GES et de stockage du carbone ainsi que la nécessité de veiller au recours à des matériaux issus des ressources renouvelables résultent de la loi ELAN30(*).
- Le diagnostic de performance énergétique (DPE)
Sauf exception, la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique tertiaire31(*) est obligatoire pour les bâtiments neufs ainsi que pour tous les bâtiments d'une surface supérieure à 250 m2 et occupés par les services d'une collectivité publique ou d'un établissement public, qui accueillent un établissement recevant du public.
L'affichage de ce DPE est obligatoire ; il doit être visible pour le public à proximité de l'entrée principale ou du point d'accueil. Sa durée de validité est de dix ans.
En se basant sur les données de la DEEP32(*), on peut estimer que cette réglementation concerne la quasi-totalité des lycées publics d'enseignement général et technologique, et environ 90% des collèges publics et 75% des lycées publics professionnels. Le rapport de M. François Demarcq sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, publié en 2020, estime que 70% des écoles relèvent des catégories concernées et sont donc soumises à cette obligation.
- La déclaration annuelle de la consommation d'énergie des bâtiments soumis au décret tertiaire
Depuis septembre 2022, le décret tertiaire issu de la loi ELAN prescrit aux collectivités territoriales de déclarer sur la plateforme OPERAT (Observation de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire), tous les ans, les consommations énergétiques de leurs bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m2 (soit, comme cela a été indiqué précédemment, 40% des écoles et la plupart des collèges et lycées).
- Les réglementations thermiques et environnementales applicables aux projets de construction et de rénovation
- La réglementation RT 2020, dérivée de la loi ELAN, concerne essentiellement les constructions neuves, mais peut être étendue aux projets de rénovation impliquant une démolition totale/reconstruction ou une extension importante. Elle a succédé à la RT 2012, qui avait pour objectif de limiter la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP/m²/an en moyenne, remplaçant l'exigence BBC (« bâtiment basse consommation ») que prévoit la RT 2012 par l'exigence BEPOS (« bâtiment à énergie positive », avec une production d'énergie supérieure à la consommation).
La RT 2020 s'applique à la construction de bâtiments ou parties de bâtiments depuis le 1er juillet 202233(*).
- La règlementation thermique applicable aux bâtiments existants34(*) à l'occasion de travaux de rénovation, ou RT existant, mise à jour en 2018, se décline en deux versions en fonction de la nature du projet de rénovation : la RT existant « globale » (rénovations globales de bâtiments de plus de 1 000 m2 construits après 1948) et la RT existant « élément par élément » (bâtiments anciens, d'une superficie inférieure à 1 000 m2, projets de rénovation ciblés - remplacement d'un équipement de chauffage, par exemple, les objectifs de performance étant définis par type d'opération). La RT « globale » fixe un objectif de réduction de consommation finale d'énergie primaire de 30%.
En outre, la RT existant « travaux embarqués » peut rendre nécessaire la mise en oeuvre de travaux d'isolation thermique à l'occasion de travaux de rénovation tels que la réfection d'une toiture.
Le schéma ci-après récapitule la réglementation applicable au projet de rénovation d'une collectivité, en fonction de la nature des travaux envisagés, de la date de construction du bâtiment et des caractéristiques de celui-ci35(*) :
3. Une politique publique ambitieuse
Des outils de planification ont été élaborés en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 :
- la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe la feuille de route pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050, selon des objectifs détaillés pour chacun des grands secteurs d'activité émetteurs. Elle repose notamment sur l'amélioration de l'efficacité des bâtiments dans le cadre de règlementations environnementales spécifiques et doit être prise en compte par les décideurs publics. La SNBC, révisée en 2018-2019, prévoit ainsi la décarbonation complète du secteur des bâtiments d'ici 2050, lequel représentait, en 2016, de l'ordre de 30% des émissions annuelles nationales de CO2 ;
- la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) détermine les priorités d'actions des pouvoirs publics dans le domaine de l'énergie afin d'atteindre les objectifs de politique énergétique définis par la loi. Elle prévoit ainsi des mesures de réduction des consommations d'énergie les plus carbonées en vue de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que leur substitution par des énergies renouvelables ou bas-carbone. La PPE s'articule avec différents plans, programmes et stratégies de niveau national qui déclinent de manière opérationnelle ses priorités d'action.
La PPE qui a été adoptée le 21 avril 2020, après plusieurs phases de consultation36(*), couvre deux périodes successives de cinq ans, 2019-2023 et 2024-2028.
Le projet révisé de PPE portant sur la période 2024-2028 fixe un objectif de réduction de la consommation finale d'énergie de 20% à l'échéance de 2030 par rapport à l'année de référence 2012, et en particulier celle d'énergies fossiles. Dans ce cadre, des actions doivent être mises en oeuvre dans le secteur des bâtiments : plans de rénovation énergétique ou dispositifs de certificats d'économies d'énergie.
4. Une déclinaison au niveau opérationnel faisant intervenir différents leviers
Outre le cadre législatif et réglementaire, les principaux leviers de la politique énergétique pour le secteur du bâtiment reposent, s'agissant des bâtiments publics à usage tertiaire, sur :
- le Plan climat, présenté le 6 juillet 2017, vise à accélérer la mise en oeuvre de l'Accord de Paris sur le climat. Il identifie six thématiques autour de la lutte contre le réchauffement climatique, dans l'objectif de réduire la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs les plus consommateurs d'énergie. La rénovation thermique est érigée en tant que « priorité nationale » ;
- le Plan de rénovation énergétique des bâtiments, présenté le 26 avril 2018, propose dans le cadre d'une stratégie globale des outils pour accélérer la rénovation énergétique de tous les bâtiments. Il s'agit de mener une politique d'exemplarité des bâtiments publics en matière d'efficacité énergétique. Ce plan prévoit un ensemble d'outils de financement à hauteur de trois milliards d'euros pour encourager une rénovation massive des bâtiments publics des collectivités par le biais des contrats de performance énergétique. Il prévoit également le déploiement de dispositifs innovants et d'aides à l'ingénierie ;
- le Plan de relance « Rénovation énergétique des bâtiments de l'État et des collectivités », présenté le 3 septembre 2020 et dont il sera question ultérieurement, vise le financement, par des appels à projets, de projets de rénovation énergétique de bâtiments appartenant à l'État, de bâtiments des établissements publics affectés aux missions d'enseignement supérieur, de recherche et aux oeuvres universitaires et scolaires, nécessitant des investissements significatifs à caractère principalement énergétique, et de bâtiments des collectivités territoriales.
France Relance : les projets de rénovation énergétique des bâtiments publics
Le plan de relance consacre quatre milliards d'euros à la rénovation du parc public (État et collectivités) dont :
- une enveloppe dédiée de 300 millions d'euros pour les régions, notamment en vue de la rénovation des lycées ;
- un milliard d'euros destinés aux blocs communal et départemental (via la DSIL pour l'investissement local et la DSID pour l'investissement des départements) ;
- la mobilisation d'une enveloppe complémentaire de 50 millions d'euros venant abonder le budget de l'Agence nationale du sport, destinée à favoriser la transition énergétique des équipements sportifs, en plus des fonds DSIL.
L'objectif est de faire de l'écologie le principal levier de la reprise et de la transformation de notre économie, notamment en réduisant la facture énergétique, en améliorant le confort pour les usagers et les agents, en réduisant l'empreinte énergétique et environnementale des collectivités, et en mobilisant les artisans et les entreprises du secteur du BTP pour redynamiser le tissu des TPE/PME locales.
Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments
- le Programme Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique (ACTÉE), porté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), met à disposition et finance des outils d'aide à la décision pour encourager les collectivités territoriales à développer des projets de rénovation énergétique dans le domaine de la rénovation et de la promotion des énergies renouvelables et bas-carbone.
5. Un effort qui devra s'amplifier avec l'adoption de textes européens traduisant un niveau accru d'exigence
Les objectifs nationaux de réduction des consommations d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) afin d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, qui s'appliquent en particulier au secteur des bâtiments publics, s'inscrivent dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe, présenté le 11 décembre 2019 par la Commission européenne.
Cette stratégie comprend un ensemble de mesures qui doit permettre à l'Union européenne de s'engager sur la voie de la transition écologique et d'atteindre la neutralité climatique à cette même échéance. Dans ce cadre, la Commission européenne a présenté, le 14 octobre 2020, une « Stratégie pour une vague de rénovations des bâtiments »37(*) prévoyant d'améliorer la performance énergétique des bâtiments par des travaux de rénovation d'ampleur. Cette feuille de route vise le doublement du taux annuel de rénovation énergétique des bâtiments à l'échéance de 2030.
Trois domaines d'actions prioritaires ont ainsi été définis : diminuer la précarité énergétique en s'attaquant aux bâtiments les plus énergivores, rénover les bâtiments publics tels que les écoles, les hôpitaux et les bâtiments administratifs, et décarboner les systèmes de chauffage et de refroidissement.
Source : Commission européenne - octobre 2020
La « loi européenne sur le climat »38(*), adoptée le 30 juin 2021, vise l'objectif de neutralité climatique de l'Union européenne à l'horizon 2050.
Pour atteindre plus efficacement cet engagement, elle rehausse de 40% à 55% l'objectif de réduction des gaz à effet de serre dans l'Union européenne d'ici 2030, par rapport à 1990. Cette loi constitue l'élément phare du Pacte vert pour l'Europe, présenté en décembre 2019, qui réaffirme l'ambition de la Commission européenne de faire de l'Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d'ici 2050.
Sa mise en oeuvre se décline dans un ensemble de textes législatifs, présenté le 14 juillet 2021 et complété le 15 décembre 2021, dit paquet « Ajustement à l'objectif 55 », et de stratégies thématiques, dont les conclusions ont été approuvées par les ministres de l'Union européenne au cours de l'année 2021.
Dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 »39(*), plusieurs propositions de révision de la législation européenne ont été présentées, notamment pour renforcer les objectifs de l'Union européenne en matière de rénovation et de réduction de la consommation énergétique des bâtiments publics :
- la proposition de refonte de la directive européenne sur l'efficacité énergétique (DEE)40(*) a fait l'objet d'un accord en trilogue, le 10 mars 2023, selon lequel chaque État membre devra rénover au moins 3% des surfaces de ses bâtiments appartenant à des organismes publics afin de les transformer en bâtiments à consommation d'énergie quasi nulle « nZEB » ou à émissions nulles. Le secteur public devra également réduire sa consommation d'énergie de 1,9% par an. Cet accord soumettra donc les collectivités territoriales à de nouvelles exigences en matière d'exemplarité de la rénovation de leurs bâtiments ;
- la proposition de révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB)41(*) à ce jour en attente des trilogues. Ce texte prévoit que tous les bâtiments publics neufs, dès 2027, devront être à émissions nulles, cette obligation devant être respectée pour tous les bâtiments existants en 2050. Elle intègre aussi des normes minimales de performance énergétique pour les bâtiments existants (résidentiels et non résidentiels) ainsi qu'un objectif de production d'énergie solaire sur les bâtiments publics et non résidentiels existants, avec le déploiement d'installations solaires sur les bâtiments publics ayant une surface utile supérieure à 250 m2, d'ici le 31 décembre 2026 pour le neuf, et à l'échéance du 31 décembre 2027 pour l'existant42(*). Des exemptions sont toutefois prévues pour certains types de bâtiment.
Dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III)43(*), l'accord conclu entre le Conseil et le Parlement, en date du 30 mars 2023, a prévu de fixer un objectif indicatif d'au moins 49% de consommation d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale des bâtiments en 2030.
Ces nouvelles exigences de l'Union devront encore être transposées par les États membres dans leur droit national.
B. UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE
Les enjeux liés à la transition énergétique et climatique mobilisent d'autant plus les élus locaux que depuis la reprise économique consécutive à la pandémie de Covid-19, la France, comme les autres pays européens, connaît une forte hausse des prix de l'énergie, en particulier du gaz et de l'électricité, qui s'est aggravée depuis février 2022 du fait de la guerre en Ukraine et qui a fortement impacté les budgets de fonctionnement des collectivités territoriales au cours de ces derniers mois. La question de la sécurité des approvisionnements énergétiques a aussi suscité de vives inquiétudes et a conduit à engager une réflexion sur les mesures d'efficacité énergétique.
Or le secteur du bâtiment est à l'origine de 44% de l'énergie consommée en France. Les bâtiments représentent à eux seuls 75% des dépenses d'énergie des collectivités territoriales44(*).
Dans ce contexte, le coût de la consommation d'énergie représente un enjeu financier et budgétaire important pour les collectivités territoriales.
1. L'impact de la crise des prix de l'énergie sur les dépenses des collectivités territoriales
a) Une augmentation spectaculaire des factures énergétiques des collectivités territoriales malgré des disparités de situation
De façon générale, les budgets des collectivités territoriales ont été très fortement impactés par les prix de l'énergie, dont la hausse a atteint des proportions considérables au cours de l'année 202245(*), et qui devraient encore rester à des niveaux élevés dans les années à venir. Les collectivités ont ainsi subi une augmentation très importante, comme elles en avaient rarement connu, de leurs dépenses énergétiques au cours de ces derniers mois. Cette évolution pèse d'autant plus fortement sur leurs budgets de fonctionnement et leurs capacités d'investissement qu'elles doivent faire face à un contexte inflationniste et à la hausse des taux d'intérêt.
Selon l'Assemblée des départements de France, les augmentations des prix de l'énergie constatées (à deux ou trois chiffres) connaissent des variations importantes en fonction du mode de chauffage, des établissements et des modalités d'approvisionnement. Elles ont eu des conséquences variables selon les départements sur les dépenses d'énergie : « Les situations sont disparates, les hausses pouvant aller de 0% à 450% »46(*). La facture énergétique du département du Nord est, par exemple, passée de 11 M€ en 2021 à 35 M€ en 2022 (+218%) ; celle des Yvelines de 8 à 20 M€ (+150%).
Cette augmentation est confirmée, en ce qui concerne les communes, par une enquête réalisée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) auprès de ses adhérents, mettant en évidence une hausse des dépenses énergétiques, entre 2021 et 2022, comprise entre 30% et 300%. Selon Intercommunalités de France, la facture énergétique des trois quarts des intercommunalités a au moins doublé, voire quadruplé en un an. Ce constat est corroboré par l'Association des petites villes de France (APVF) qui indique que ces dépenses ont augmenté de plus de 50% dans certaines communes et dans 90% des petites villes.
Les collectivités territoriales ont ainsi été contraintes à mettre en oeuvre en urgence des mesures pour faire face à cette flambée des coûts de l'énergie et, par conséquent, à l'augmentation importante et imprévue de leurs dépenses énergétiques. Ces mesures ont essentiellement été orientées vers la réduction des consommations énergétiques : baisse du chauffage en période hivernale, limitation de l'éclairage, fermeture de certains équipements tels que les gymnases ou les piscines. Des plans de sobriété énergétique ont également été mis en place.
En octobre 2022, la région Auvergne-Rhône-Alpes a ainsi lancé un plan de sobriété énergétique pour les lycées, qui se décline en treize actions à court et moyen termes et concerne toutes les thématiques : la généralisation des contrats assortis de clause de performance, un plan d'actions de sobriété par l'usage, le respect des consignes de températures, le relampage LED, un grand plan massif de solarisation et l'accélération de la mise en place des marchés publics globaux de performance énergétique.
b) La mise en place bienvenue d'un « amortisseur électricité »
Pour contenir la hausse des prix de l'électricité, la France, à l'exemple d'autres pays européens, a mis en place un bouclier tarifaire réservé, dans un premier temps, aux ménages et aux petites collectivités territoriales. En effet, depuis la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, qui a pris acte de la suppression des tarifs réglementés de vente d'électricité pour les collectivités, seules les plus petites d'entre elles, répondant à deux critères cumulatifs (moins de dix employés et moins de deux millions d'euros de recettes), peuvent conserver leurs tarifs bleus (puissance inférieure ou égale à 36 kVA). À ce titre, ces collectivités sont susceptibles de bénéficier du bouclier tarifaire qui limite la hausse des tarifs d'électricité à 4% en moyenne. En revanche, depuis le 1er décembre 2020, elles ne bénéficient plus des tarifs réglementés de vente de gaz naturel.
Cependant, dans le cadre des lois de finances pour 2022 et 2023, et de la loi de finances rectificative d'août 2022, toutes les collectivités territoriales ont été éligibles à la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), mise en oeuvre dans le cadre du bouclier tarifaire, et ont pu bénéficier, à titre exceptionnel pour l'année 2022, de l'augmentation du volume de l'Arenh (Accès régulé à l'énergie nucléaire historique) qui a contribué à réduire de moitié la hausse des prix les concernant.
Puis, à compter du 1er janvier 2023 et jusqu'à la fin de cette année, le Gouvernement a décidé de mettre en place un « amortisseur électricité » pour les collectivités territoriales, qui s'applique notamment à celles qui ont signé un contrat professionnel mais ne sont pas éligibles aux boucliers tarifaires, sans condition de masse salariale ou d'activité économique. L'État prend ainsi en charge une partie de la facture d'électricité dès lors que le tarif souscrit dépasse un certain niveau de prix.
2. La consommation énergétique des bâtiments scolaires
a) Le poids important du bâti scolaire dans les dépenses énergétiques des collectivités
Construits à différentes époques, et souvent mal - ou peu - isolés, les bâtiments scolaires sont de gros consommateurs d'énergie, comme tous les bâtiments publics. Certains d'entre eux sont même considérés comme « énergivores ». Selon l'Association des maires de France :
- « il y a encore un long chemin à parcourir pour améliorer l'efficacité énergétique de la plupart des bâtiments scolaires en France » ;
- « les besoins de réhabilitation sont particulièrement importants dans les écoles construites entre les années 1950 et 1970 » ;
- « Les problèmes les plus courants sont les problèmes d'isolation thermique et phonique, les problèmes de vétusté des équipements et des installations sanitaires, ainsi que les problèmes de sécurité incendie »47(*).
Les consommations énergétiques des bâtiments scolaires constituent ainsi une part importante de celles des collectivités territoriales, même si cette proportion dépend naturellement de la structure même du patrimoine immobilier des différents niveaux de collectivités. Le chauffage et l'eau chaude ainsi que l'éclairage représentent les principaux postes de consommation.
La dernière enquête « Énergie et patrimoine communal », réalisée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)48(*) (désormais dénommée Agence de la transition écologique) et relative aux dépenses énergétiques du « bloc communal », établie à partir d'un état des lieux effectué en 2017, montre que les bâtiments scolaires représentaient alors :
- environ 12% de la consommation d'énergie du secteur public en France ;
- 82% des consommations énergétiques des communes de métropole, alors que leur part dans le patrimoine immobilier communal ne dépassait pas 31% de ce patrimoine.
Cette même étude révélait aussi une consommation unitaire des bâtiments scolaires du même ordre que celle des bâtiments administratifs, soit environ 135 kWh d'énergie finale par m2 et par an.
Quant aux lycées, leur part dans les dépenses d'énergie des régions liées aux bâtiments publics est supérieure à 90%49(*), ce taux devant s'analyser eu égard à la composition du patrimoine immobilier des régions, qui regroupe essentiellement les bâtiments occupés par les lycées.
b) Des établissements scolaires principalement chauffés au gaz et à l'électricité
Toutes les sources d'énergie sont utilisées pour le chauffage des établissements scolaires, mais l'électricité et le gaz dominent. Par conséquent, ces établissements sont aussi responsables d'une part importante des émissions nationales de gaz à effet de serre.
Selon une enquête menée par Régions de France au printemps 202250(*), l'électricité est utilisée pour chauffer près de la moitié des lycées (47,6% de la facture 2021), devant le gaz (45,8%) et le fuel (6,6%). Un nombre plus ou moins important de ces établissements, en fonction des régions, est aussi raccordé aux réseaux de chaleur. Certaines régions sont en mesure de suivre précisément leurs consommations énergétiques. C'est par exemple le cas de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui dispose d'un outil de suivi des consommations avec la plateforme Savee, gérée par une société privée, ce qui permet de disposer de statistiques sur les dépenses de chauffage afin de réaliser des économies de consommation.
Les données publiées par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEEP) du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, à l'occasion de la rentrée scolaire 2018, indiquaient que plus de trois quarts des collèges étaient chauffés au gaz. Le chauffage urbain (9%), le fuel (6%), le bois (4%), l'électricité (3%), la climatisation réversible et les autres modes (biomasse, solaire...) étaient ensuite cités. Cette répartition des différents modes de chauffage n'a sans doute connu pas d'importants bouleversements depuis la publication de cette étude.
Pour les écoles, les modes de chauffage se répartissaient ainsi : gaz 38%, électricité 32%, chauffage urbain 10%, fioul 9% et bois 7%51(*).
c) Les établissements scolaires face au défi de la hausse des prix de l'énergie
Compte tenu de la hausse des prix de l'énergie et de la diversité des modes de chauffage, les dépenses d'énergie liées aux établissements scolaires peuvent connaître des variations plus ou moins importantes selon les collectivités. Toutefois, les informations recueillies par la mission d'information montrent qu'au sein des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, les dépenses d'énergie destinées aux établissements scolaires ont fortement progressé, que ce soit pour les lycées, les collèges ou les écoles.
Les dépenses énergétiques des lycées sont ainsi passées de 271 M€ en 2020 (11 régions métropole hors Île-de-France) à 288 M€ en 2021 et sont estimées à 388 M€ en 2022, soit près de 35% d'augmentation sur une seule année, indépendamment de la hausse attendue en 202352(*).
À titre d'exemple, les données communiquées par la région Auvergne-Rhône-Alpes montrent une hausse très nette des dépenses énergétiques destinées aux lycées entre 2021 et 2022.
Dépenses d'énergie liées aux lycées - région Auvergne-Rhône-Alpes53(*)
(en millions d'euros TTC)
Dans le Grand Est, le budget dédié aux fluides en lien avec la gestion des lycées (235 lycées et plus de 5 millions de m²) a récemment connu l'évolution suivante :
- entre 2021 et 2022, il est passé de 40 M€ à 61,5 M€ (+21,5 M€) ;
- la facture totale devrait largement dépasser 100 M€ en 202356(*).
Dans son enquête réalisée à la rentrée 2022, l'Assemblée des départements de France a constaté des augmentations des coûts des fluides très importantes dans les collèges, avec de fortes variations en fonction notamment du mode de chauffage, des établissements, des modalités d'approvisionnement et des clauses contractuelles négociées. Les dépenses d'électricité ont ainsi progressé jusqu'à 300% au sein de certains établissements et jusqu'à 400% pour le gaz.
L'étude de l'ADEME précédemment citée estimait déjà que la consommation d'énergie dans les bâtiments scolaires pourrait être réduite de 30 à 50% grâce à des mesures d'efficacité énergétique. Dans le même esprit, le rapport Demarcq de 2020 constatait la « rentabilité élevée aux actions de bonne gestion et de pilotage fin du chauffage, portant particulièrement sur l'intermittence de l'utilisation » et appelait à « lancer partout et rapidement » les « actions de bonne gestion du premier type (souvent à temps de retour faible) ».
Il faut noter que certaines mesures ont été mises en place de façon plus ou moins formalisée à l'occasion de cette hausse inédite des prix de l'énergie au cours de l'année 2022. Le contexte actuel ne peut qu'encourager de telles démarches, comme l'ont confirmé les élus rencontrés par la mission d'information.
C. UNE NÉCESSITÉ CLIMATIQUE
1. Des bâtiments inégalement adaptés aux enjeux climatiques
Répondant à la fois aux évolutions législatives dans le domaine scolaire, qu'il s'agisse de l'instruction obligatoire ou du collège unique, et aux évolutions démographiques, les quelque 60 000 écoles et établissements du second degré couvrant le territoire (51 000 s'agissant des établissements de l'enseignement public) ont été construits à des périodes diverses.
Aux écoles de type « Jules Ferry » et aux grands lycées du XIXe siècle, qui présentent aujourd'hui un intérêt patrimonial certain, s'opposent les bâtiments plus récents édifiés dans un tout autre contexte, avec des techniques et des matériaux différents. Il en résulte aujourd'hui des besoins variables en matière de consommation énergétique, d'amélioration de la résilience face au risque de températures extrêmes et plus généralement d'entretien, les bâtiments les plus anciens n'étant d'ailleurs pas les plus inadaptés aux enjeux climatiques actuels57(*).
Ainsi, les années 1960-1970 ont été marquées par la construction d'un nombre important de bâtiments scolaires, portée par la démographie, l'allongement de la scolarité (obligation de scolarité jusque 16 ans, contre 14 ans précédemment) et les modifications du système scolaire (principe du collège unique). La construction d'« un collège par jour » dans la décennie 1960 devait répondre à ces nouvelles priorités : entre 1964 et 1969, 1 150 établissements du second degré ont été construits58(*).
Selon les chiffres du ministère de l'éducation nationale, les deux tiers de la surface-plancher59(*) des cités scolaires et près de la moitié de celle des lycées d'enseignement général et technologique (LEGT) sont antérieurs à 1970.
C'est par des méthodes industrielles qu'il a été possible de répondre aux exigences de l'époque, comme l'a analysé l'historien Antoine Prost, spécialiste de l'éducation : d'où des collèges conçus selon un plan-type, déclinant dans chaque établissement des mesures uniformes, dans une « logique d'ingénieur ».
La construction industrielle des collèges pendant les années 1960 selon Antoine Prost60(*)
« La construction industrielle fonctionnait comme un meccano. Sur la structure en métal ou en béton61(*) - les deux cas sont aussi fréquents - on montait des éléments de plancher et des panneaux de façade, incluant les fenêtres dans leur cadre. De même, les cloisons étaient préfabriquées, avec leurs portes : c'est la technique des cloisons sèches, par opposition aux cloisons enduites de plâtre qu'il fallait laisser sécher. Pour que ces divers éléments s'ajustent, il fallait qu'ils fussent exactement aux mêmes dimensions. »
« Ces procédés constructifs sont mis au service de programmes très rigoureusement normés en fonction des effectifs prévus. Ils fixent le nombre de salles de classes, leurs dimensions et même leur localisation, le nombre de salles spécialisées (physique, chimie, sciences naturelles, dessin et musique au dernier étage à cause du bruit), les permanences (au rez-de-chaussée), les sanitaires (à proximité des escaliers, eux-mêmes situés aux extrémités du bâtiment, ainsi qu'au centre quand il est très long). Des plans-types, affectant à chaque local un nombre de trames, déclinent ce programme, réparti sur quatre niveaux en général (rez-de-chaussée plus trois étages), de part et d'autre d'un couloir central. Les préaux sont réalisés par évidement de plusieurs trames au rez-de-chaussée. Aucun lieu de vie, aucun centre de documentation. Une logique d'ingénieur, au service d'un programme minimum. »
Plus récemment, l'objectif de conduire 80% d'une classe d'âge au baccalauréat, affiché en 1985, a provoqué une forte croissance des lycées. Comme le rappelle l'historien de l'éducation Antoine Prost, « les régions ont dû construire 250 lycées en 15 ans »62(*) ; le tableau ci-dessous montre que 20% des lycées d'enseignement général et technique ont été construits pendant les années 1990.
S'agissant des établissements d'enseignement secondaire, plus de 58% des bâtiments (collèges lycées d'enseignement général, lycées professionnels, cités scolaires) ont été construits avant 1980, et moins de 7% datent de 2010 ou sont plus récents. Si 29% des collèges ont été construits pendant les années 1970, ce sont aussi les bâtiments les plus récents : un collège sur cinq a été construit après l'année 2000 - contre 13% des lycées, comme l'indiquent les statistiques ci-après.
Époques de construction des bâtiments
de l'enseignement secondaire public
en 2021-2022
Période de construction |
Collèges (%) |
Lycées d'enseignement général et technique (%) |
Lycées professionnels |
Cités scolaires |
Ensemble (%) |
Construits avant 1970 |
24 |
46 |
37 |
65 |
37 |
Construits de 1970 à 1979 |
29 |
12 |
22 |
15 |
21 |
Construits de 1980 à 1989 |
11 |
9 |
13 |
4 |
10 |
Construits de 1990 à 1999 |
15 |
20 |
14 |
9 |
16 |
Construits de 2000 à 2009 |
13 |
7 |
8 |
3 |
9 |
Construits depuis 2010 |
8 |
6 |
5 |
4 |
7 |
Source : Repères et références statistiques 2022, MENJ
En conséquence de ces époques de construction diverses, l'état actuel du bâti scolaire varie : certains bâtiments sont des « passoires thermiques » ou des « gouffres énergétiques », de l'aveu même d'élus locaux consultés par la mission d'information63(*) ; d'autres au contraire répondent aux normes des bâtiments basse consommation (BBC).
Dans son rapport de 1995 relatif à la décentralisation et l'enseignement du second degré, la Cour des comptes soulignait qu' « à la date du transfert, le patrimoine était souvent dans un état médiocre »64(*). Les régions ont consacré aux lycées des « budgets incomparativement supérieurs à ceux que l'État acceptait de dégager »65(*). Notre collègue Max Brisson a insisté sur ce point lors de la réunion constitutive de la mission d'information : « Les bâtiments scolaires étaient autrement plus dégradés en 1982 qu'aujourd'hui. Grande a été la chance des établissements du second degré d'être transférés par les lois de décentralisation aux conseils départementaux et régionaux. On sait combien les maires sont attachés à leur école, et les conseils municipaux ne rechignent jamais à y investir ».
La mission d'information tient à souligner l'investissement important de toutes les collectivités en faveur du bâti scolaire depuis que cette compétence leur a été transférée en 1986. S'agissant des collèges, la Cour des comptes note d'ailleurs dans un rapport de 202366(*) que « nombreux sont les départements qui, pour répondre aux attentes des usagers, ont assumé dans la durée un effort de rénovation » du patrimoine des collèges.
Confrontés à une hausse du nombre d'élèves, en raison d'une massification de l'enseignement ou d'une densification de l'habitat à proximité des établissements scolaires, nombre de ceux-ci ont dû augmenter leurs capacités d'accueil, avec parfois des conséquences négatives en termes énergétiques. L'exemple de La Réunion, entendu lors des auditions, est loin d'être anecdotique et cette évolution des cours de récréation est constatée dans de nombreux territoires de métropole.
L'installation d'un inconfort thermique au fils
des ans :
l'exemple d'établissements de La
Réunion67(*)
Si les premières constructions datant de l'époque coloniale et les suivantes, construites pendant les Trente Glorieuses, offraient quelques dispositions architecturales de protection et de confort thermiques, notamment grâce à la forte présence d'arbres dans les cours et autour des écoles et bâtiments scolaires, un vrai tournant s'est opéré dans les dernières décennies.
Une densification urbaine a entraîné des constructions supplémentaires dans les cours, l'abattage d'arbres ayant été induit par la nécessité d'installer des bâtiments provisoires. Cet abattage répondait également aux craintes exprimées par des parents d'élèves quant à la dangerosité des racines des arbres dépassant du sol, ou des feuilles tombant sur celui-ci et impliquant un nettoyage régulier. Du fait d'une bétonnisation ou d'un revêtement d'enrobé, « pour faire propre », ce sol a été rendu imperméable.
L'ensemble de ces actions, ajoutées à la construction massive autour du bâtiment scolaire, a contribué à dégrader très fortement le confort thermique qui était effectif auparavant.
De même, les problèmes d'isolation thermique - hiver comme été - sont récurrents. Selon une enquête du CNESCO de 201768(*), 92% des chefs d'établissement ont déjà été interpellés au sujet de la température des salles (et 55% sur l'isolation phonique). Si la hausse des prix de l'énergie et les craintes d'une rupture d'approvisionnement à l'automne 2022 ont posé avec une actualité nouvelle la question de la température dans les salles de classe, les problèmes de froid ne datent pas de cette année.
Paradoxalement, les périodes hivernales et l'impossibilité d'une régulation thermique du bâtiment sont également propices à la surchauffe de certaines pièces, rendant nécessaire l'ouverture des fenêtres : c'est autant de gaspillage énergétique à combattre.
2. Le risque caniculaire et la nécessaire adaptation des bâtiments scolaires aux vagues de chaleur
Les récentes canicules qui ont touché la quasi-totalité de la France métropolitaine dès le mois de juin posent avec une urgence nouvelle la question de l'adaptation du bâti scolaire aux vagues de chaleur.
Ces vagues de chaleur sont appelées à se répéter et à s'intensifier sur des périodes de l'année scolaire jusqu'alors peu touchées (dès le mois de juin et jusqu'en septembre).
Vers une nette augmentation du nombre de jours de canicule d'ici 2085
Le rapport de novembre 2022 de l'Organisation mondiale météorologique sur l'état du climat en Europe, produit conjointement avec le service Copernicus, montre que les températures en Europe augmentent deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale.
L'augmentation des températures risque d'être plus particulièrement ressentie dans les villes, où le phénomène des îlots de chaleur a jusqu'à une date récente été peu pris en compte par les modèles climatiques. Selon le rapport Paris face au changement climatique, publié en septembre 2021, la température moyenne à Paris, de 13,1°C actuellement, pourrait atteindre 14,5°C en 2085, soit une augmentation de 2,5 par rapport à 1985. Le nombre de jours où la température dépasse 30°C est également en nette augmentation : de 13,6 en 2010, il pourrait s'élever à 19,7 en 2031 et atteindre 34,1 en 2085. De même, le nombre de « nuits tropicales », où la température ne descend pas en-dessous de 20°C, passerait de 5 en 2010, à 17,8 en 2030 puis à 34,8 en 2085.
Vagues de chaleur observées en France
métropolitaine de 1947 à 2017
et projections 2017-2100
En 2019, pour la première fois, un épisode caniculaire a conduit au report des dates d'un examen national : les épreuves du brevet national des collèges ont été décalées de quatre jours, afin de « garantir la sécurité des élèves ». Pour Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'éducation nationale, il était « impensable de laisser les élèves composer dans des salles surchauffées durant plusieurs heures »69(*).
En 2022, une canicule a frappé l'hexagone à la mi-juin, au moment où commençaient les épreuves du baccalauréat pour les lycéens professionnels. Quant au bac de français, cette session s'est déroulée dans des conditions particulièrement difficiles pour les lycéens du sud de la France : la température avoisinait les 39 degrés - avec plus de 35 degrés dans certaines salles d'examen.
De plus, les vagues de chaleur peuvent causer des coupures d'électricité susceptibles d'affecter la capacité des établissements à accueillir les élèves.
Une conséquence des températures
extrêmes : le risque de coupure d'électricité
et
ses conséquences dans les établissements scolaires
Les craintes de tensions sur le réseau électrique cet hiver en raison du conflit en Ukraine, et les plans de « délestage » envisagés à cette occasion, ont mis en lumière les conséquences d'une coupure d'électricité dans les établissements scolaires. Ce risque est réel en cas de très fortes chaleurs : pour rappel, en 2003, 230 000 Parisiens ont été privés d'électricité lors de la canicule, en raison de la défaillance de boîtiers de jonction permettant de relier entre eux les fils électriques.
Or, selon les syndicats des personnels de direction de l'éducation nationale auditionnés par la rapporteure, une coupure de courant de deux heures peut empêcher d'accueillir les enfants toute la journée. Une coupure peut en effet entraîner le déclenchement d'alarmes d'urgence, notamment incendie. L'accueil des élèves ne peut se faire qu'une fois celles-ci réenclenchées - et pas seulement éteintes. Or, il s'agit d'une manipulation qui doit être réalisée par du personnel qualifié. Cette problématique présente une acuité spécifique dans les établissements disposant d'un internat, notamment si la coupure intervient en soirée ou la nuit.
Ces vagues de chaleur ont mis en exergue, de façon brutale, la mauvaise adaptation de nombreux bâtiments scolaires aux fortes chaleurs : absence de volets ou de stores dans les salles de classe, impossibilité d'ouvrir les fenêtres, grandes verrières absorbant la chaleur, absence de préau ou d'espace ombragé dans la cour de récréation, îlot de chaleur créé par le revêtement du sol de la cour, renforçant la hausse des températures - un syndicat enseignant allant jusqu'à évoquer « l'effet four solaire des cours bitumées »70(*). Certains témoignages d'élus locaux consultés par la mission d'information font ainsi état de bâtiments « mal pensés en termes d'orientation - pas de brise-soleil pour l'été, de longs couloirs vitrés au nord... ».
Parmi les bonnes pratiques partagées par les associations d'élus sollicitées par la mission d'information, la région Auvergne-Rhône-Alpes71(*) a indiqué prendre en compte le confort d'été dans la construction de nouveaux lycées, avec la mise en place du « freecooling » (ventilation intelligente) pour renouveler l'air la nuit et calfeutrer le bâtiment en journée pour préserver la fraîcheur, l'installation de brises-soleil, l'utilisation de peinture réflective et la création d'îlots de fraicheur, que ce soit dans les cours ou par des toitures végétalisées.
Dans le même esprit, les travaux de rénovation de l'école Saint Louis Gare72(*) à Marseille, visitée par la mission d'information, ont permis la construction d'une coursive extérieure pour faire circuler l'air et permettre une ventilation naturelle.
Construction d'une coursive le long de l'ancien
bâtiment Jules Ferry
de l'école Saint Louis Gare
(Marseille)
Néanmoins, certains bâtiments scolaires se révèlent peu adaptés au confort d'été malgré une date de construction relativement récente, ce que l'on peut imputer à des préoccupations centrées sur la « beauté du geste architectural, plus que la performance énergétique », ainsi que notre collègue Max Brisson l'a relevé au cours de la réunion constitutive de la mission d'information.
Comme l'a souligné Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire à Marseille, chargé du plan écoles, du bâti, de la construction, de la rénovation et du patrimoine scolaire, lors de l'audition des associations d'élus de l'échelon municipal : des architectes « se font plaisir en dessinant de magnifiques baies vitrées orientées plein sud ! C'est le cas d'une école qui a été construite à Marseille : c'est beau, mais il fait 35 degrés dans les salles de classe dès le mois d'avril ... Il nous faut adapter l'architecture au climat »73(*). Cette remise en cause de la conception de bâtiments récents fait écho à un témoignage d'élu local recueilli sur la plateforme du Sénat : « Les bâtiments les plus énergivores et inconfortables sont généralement ceux d'architectes qui "se sont fait plaisir" ».
Selon l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), au-delà de 30 degrés pour une activité sédentaire - et de 28 degrés pour un travail physique - la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salariés. Celui-ci est particulièrement accru chez les personnes fragiles, notamment les enfants.
Certains élus consultés par la mission d'information expriment une inquiétude bien compréhensible pour la santé des élèves pendant les périodes de forte chaleur : « Les températures extrêmes sont ingérables. Un de nos bâtiments est une vraie passoire thermique, au point que certains élèves saignent du nez ou font des malaises lors des pics de canicules ». Ce risque doit d'autant plus être pris en compte que depuis 2019, la scolarisation est obligatoire dès trois ans : l'année scolaire se finit en juillet - le 8 juillet en 2023 - avec une fréquentation des écoles qui reste forte en primaire jusqu'aux derniers jours de classe.
De fait, le recours à des techniques anciennes de construction, comme les murs épais, fait partie des bonnes pratiques encouragées par la région Auvergne-Rhône-Alpes contre les fortes chaleurs. De même, le maire de Versailles faisait observer lors d'une table ronde organisée par la commission de la culture le 1er février 2023 sur la transition écologique du bâti ancien que « Les murs épais d'un immeuble du XIXe siècle constituent la meilleure climatisation ».
De manière générale, cette mission d'information est l'occasion de mettre en lumière les bonnes pratiques en matière de bâti scolaire conduisant à privilégier des savoir-faire traditionnels dans des territoires soumis à de fortes chaleurs, tant en outre-mer qu'à l'étranger, où des établissements français présentent des exemples intéressants de techniques de construction adaptées à des climats variés74(*). Ainsi, une réflexion est actuellement en cours au lycée français d'Addis-Abeba sur la réutilisation des eaux, notamment l'eau de pluie, pour l'alimentation des sanitaires.
Les solutions élaborées et réalisées par les concepteurs et maîtres d'ouvrage de ces territoires, où la prise en compte de la chaleur est ancienne peuvent servir de références en métropole.
À titre d'exemple, la rénovation récente du Lycée français de Lisbonne relevait un défi immense : une très forte chaleur en été, provoquant des effets de serre et des éblouissements, ainsi qu'un grand froid en hiver.
Le lycée français de Lisbonne : une rénovation ambitieuse sans climatisation75(*)
Les importants travaux de rénovation dont le lycée français Charles Lepierre de Lisbonne a récemment fait l'objet intègrent des enjeux de sobriété énergétique, avec notamment une « conception bioclimatique » et l'absence de climatisation.
La circulation de l'air a été améliorée et l'effet de serre minimisé par l'installation de brise-soleil amovibles qui permettent d'atténuer les effets du soleil et de s'isoler du froid si nécessaire. Des châssis fixes équipés de jalousies amovibles ont été mis en place afin de faire circuler l'air la nuit, lorsque le bâtiment est fermé, ce système permettant d'emmagasiner de l'air frais en été.
Pour éviter de recourir à la climatisation, des ventilateurs au plafond contribuent eux aussi à la circulation de l'air.
Différents matériaux ont été utilisés dans une logique de « circuit court » : le liège pour l'isolation des murs ; la brique, intéressante pour son inertie, pour la maçonnerie ; la pierre locale, qui vient de Lisbonne, plaquée sur les façades extérieures ; le liège également comme revêtement de sol afin d'améliorer la sonorisation des salles de classe. La cour de récréation a été entièrement repensée, pour mieux gérer l'infiltration de l'eau.
Les établissements scolaires construits à Mayotte illustrent également l'intérêt des techniques de construction traditionnelles, privilégiant la ventilation naturelle des bâtiments.
Mayotte : des techniques de construction privilégiant la ventilation naturelle76(*)
La conception des bâtiments scolaires mahorais77(*) intègre le rafraichissement naturel de la majorité des locaux. Ceux-ci sont orientés selon les vents dominants afin d'autoriser la ventilation traversante. Cela impose un principe de coursive plutôt qu'un couloir central. Associé à une bonne gestion du facteur solaire par la mise en oeuvre de brise-soleil, à la végétation environnante et à la mise en oeuvre de brasseurs d'air, le principe de la coursive suffit à obtenir un confort satisfaisant, sans climatisation.
Les pistes en cours de développement sont de « supprimer la façade » et de la remplacer par un simple brise-soleil, afin d'économiser les menuiseries et les parois et, ainsi, de maximiser la ventilation naturelle. Mais ces réflexions se heurtent à certaines normes du code de la construction (acoustique, stabilité au feu, etc.)
Un travail sur les puits dépressionnaires (permettant une circulation de l'air sur le principe de la cheminée) est également en cours. Ces puits permettent une ventilation naturelle quelle que soit l'orientation du bâtiment. Le principe est celui constaté sur le tirage d'une cheminée, à l'échelle d'un bâtiment.
Le principal écueil peut résider dans l'environnement d'un établissement et dans le risque de conflits d'usage : la ventilation naturelle implique un environnement acoustique approprié. Par exemple, un bâtiment scolaire en ventilation naturelle doit être situé suffisamment loin des équipements sportifs.
De même, un certain nombre de territoires sont pionniers dans l'utilisation des panneaux photovoltaïques : à Mayotte, 50% des sites en sont équipés. Les bonnes pratiques en termes de durabilité et de maintenance devraient donc être partagées avec les collectivités territoriales souhaitant se lancer dans ces investissements financiers conséquents.
De manière générale, les auditions des associations d'élus locaux ont mis en lumière leur intérêt pour les bonnes pratiques susceptibles d'être partagées par les établissements d'enseignement français à l'étranger, à bien des égards transposables sur le territoire national. La mission est également convaincue de la nécessité de mieux faire connaître les bonnes pratiques de certaines collectivités ultramarines, dont pourraient s'inspirer nombre de collectivités de l'Hexagone.
La mission d'information recommande donc que les bonnes pratiques des établissements d'enseignement français à l'étranger en matière de rénovation ou de construction de bâtiments scolaires soient diffusées auprès des collectivités territoriales. Elle plaide également, dans le même esprit, pour que le savoir-faire des collectivités ultramarines en matière d'amélioration du confort d'été soit mieux connu des collectivités de l'Hexagone.
3. La question de l'eau
À la problématique des vagues de chaleur s'ajoute celle de l'accès à l'eau que connaissent déjà certains établissements en outre-mer ou du réseau français à l'étranger.
La raréfaction de l'eau est devenue un défi. Les ruptures d'alimentation en eau potable entraînent généralement la fermeture de l'établissement scolaire. Pour faire face à ces coupures d'eau, en Guadeloupe, en lien avec la préfecture, des citernes d'eau « tampons » sont en cours d'installation dans les établissements scolaires, afin de disposer d'une autonomie de quelques heures et éviter la fermeture immédiate de l'établissement.
À Mayotte, la question des coupures d'eau connait une acuité particulière. Elles impactent la scolarisation des enfants puisque les classes sont fermées dès lors que la coupure dure quatre heures. Dans le cycle 1, une coupure d'eau entraîne automatiquement le retour des enfants à la maison. À partir du cycle 2 (CP, CE1, CE2), les élèves sont invités à aller aux toilettes avant de partir pour l'école de manière à ne pas avoir à utiliser les sanitaires sur une demi-journée78(*). Une réflexion est en cours pour l'installation en urgence de cuves permettant a minima de répondre aux besoins essentiels, notamment l'utilisation des sanitaires. Les projets de constructions neuves intègrent des cuves de récupération d'eau de pluie qui permettent d'économiser l'eau potable. Ce système est également en cours de généralisation dans l'ensemble des établissements du second degré. Cette optimisation des ressources doit permettre de réduire la sollicitation des réservoirs de l'île, même si elle ne reste néanmoins qu'une solution partielle, puisqu'en période sèche les cuves demeureront vides.
L'épisode de sécheresse printanière entraînant des coupures d'eau potable dans quatre villages des Pyrénées-Orientales en avril 2023 montre que la réflexion sur une utilisation optimisée de l'eau doit aussi être intégrée lors de la rénovation du bâti scolaire en métropole, comme l'illustre l'exemple du collège Georges Pompidou de Courbevoie, visité par la rapporteure le 18 avril 2023.
L'exemple du collège Georges Pompidou de
Courbevoie :
la récupération de l'eau de pluie pour
l'entretien de la cour végétalisée
Le collège Georges Pompidou de Courbevoie a bénéficié d'un réaménagement d'ampleur de sa cour, dans le cadre du programme « îlots verts » du conseil départemental des Hauts-de-Seine (34 collèges doivent bénéficier d'un « verdissement » de leur cour d'ici 2027). Le projet doit répondre à quatre objectifs : rafraîchir de façon durable l'espace urbain dense, favoriser l'infiltration des eaux pluviales, prendre en compte l'usage spécifique d'une cour de récréation tout en permettant d'autres utilisations de cet espace public, et sensibiliser la communauté éducative aux thématiques du réchauffement climatique.
La cour a fait l'objet de travaux importants entre juin 2022 et avril 2023, d'un montant de deux millions d'euros, pour permettre de gérer et récupérer l'ensemble des eaux pluviales (toitures du bâtiment et espaces extérieurs), notamment pour l'arrosage automatique des végétaux plantés dans le cadre de ce projet. Un bassin d'infiltration de 300 m3 et une cuve de 15 000 litres, enterrés sous le sol de la cour, ont été installés, ainsi qu'un réseau complet de drainage et d'arrosage. En surface, un béton drainant a été installé.
Fosse pour cuve de 15 000 litres enterrée dans le sol pour arroser les plantes de la cour avec les eaux pluviales
De même, dans le collège Simone Veil de Saint-Renan (Finistère), visité par la mission d'information le 25 mai 2023, a été installée une cuve de récupération des eaux de pluie d'une capacité de 30 m3, à destination du bloc sanitaire principal et du système d'arrosage79(*).
4. Un enjeu longtemps sous-estimé : l'aménagement des espaces extérieurs
L'aménagement des espaces extérieurs est longtemps resté le parent pauvre de l'aménagement des bâtiments scolaires. Les cours des écoles et des établissements scolaires répondent traditionnellement à des caractéristiques communes : « présence très massive de l'enrobé et celle de quelques arbres », comme l'ont rappelé lors de leur audition les paysagistes concepteurs : ainsi, « Les cours sont faciles à entretenir et permettent la présence d'un maximum d'enfants »80(*).
Or, comme l'a indiqué le directeur du CAUE (conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) des Pyrénées-Atlantiques, « une cour d'école participe également aux économies d'énergie car l'asphalte en surchauffe provoque des îlots de chaleur urbains qui se répercutent à l'intérieur des bâtiments : végétaliser apporte en revanche de la fraîcheur externe et interne. ». Selon un paysagiste concepteur, « repenser ces cours revient tout d'abord à les "décroûter" : il s'agit de retirer l'enrobé. La revitalisation des sols reste la clef du rafraîchissement de nos villes à travers la rétention des eaux pluviales. Les sols ont aussi la capacité de stocker le carbone. Un autre enjeu est de remettre les enfants au contact de la nature afin de leur permettre de mieux la respecter. La cour d'école est ainsi un lieu d'apprentissage à la biodiversité »81(*).
« Faire des espaces extérieurs de véritables îlots de fraicheur » 82(*)
Le rôle des espaces extérieurs pour lutter contre l'inconfort d'été et les vagues de chaleur est mis en avant dans les guides du ministère de l'éducation nationale. Celui qui est consacré à l'amélioration du confort thermique des bâtiments scolaires pendant les vagues de chaleur souligne la nécessité de limiter la minéralisation des cours de récréation : « les revêtements bitumineux peuvent être remplacés par des revêtements perméables et de couleur claire ou des espaces en pleine terre. La végétalisation des espaces permet également d'éviter que les rayons solaires n'atteignent les surfaces minérales ».
La végétalisation des cours de récréation est une préoccupation croissante des collectivités territoriales, dont témoigne le projet Oasis lancé dans le cadre de la stratégie de résilience, votée par le conseil municipal de Paris en septembre 2017. Il s'articule autour de quatre points : attention particulière au sol (meilleure gestion de l'eau de pluie, éviter l'effet du bitume surchauffé), augmentation des surfaces végétalisées, adaptation du mobilier pour permettre un meilleur partage de l'espace, présence plus forte de l'ombre et de l'eau (fontaine notamment). En outre, ce programme s'inscrit dans une réflexion autour de l'ouverture de cet espace en dehors des heures scolaires et périscolaires : en cas de forte chaleur, les cours peuvent être identifiées comme îlots de fraicheur par le plan canicule de la ville ; certaines cours Oasis sont ouvertes le samedi. Enfin, dans le cadre d'appels à projets, des associations peuvent bénéficier de ces espaces. En 2022, 100 cours parisiennes ont été transformées en cours Oasis.
D'autres collectivités territoriales ont mis en place des démarches similaires, à l'image du département des Hauts-de-Seine, qui a créé un programme pluriannuel « îlots verts » de végétalisation des cours de récréation de 34 collèges.
Trop souvent, les projets de végétalisation sont envisagés une fois les travaux de rénovation du bâtiment scolaire lancés, voire lorsqu'ils sont sur le point d'être finis.
Dans l'idéal, ces aménagements devraient être pensés en amont, en concertation avec les équipes pédagogiques, notamment pour prendre pleinement en compte les spécificités du bâti scolaire, qui se caractérise par des périodes d'inoccupation pendant les vacances scolaires, plus particulièrement les congés d'été (huit semaines), ce qui peut poser des problèmes au regard de l'arrosage des plantes.
Par ailleurs, ces aménagements doivent intégrer, comme le soulignent plusieurs syndicats enseignants, la pratique de l'éducation physique et sportive, à laquelle doit être réservé un espace dédié, ou a minima un large espace dégagé. Le collège Georges Pompidou de Courbevoie, précédemment évoqué, offre un exemple d'un tel aménagement puisqu'il comporte des espaces dédiés à la pratique sportive (terrain de basket, tables de ping-pong).
D. UN INTÉRÊT PÉDAGOGIQUE : FORMER LES JEUNES À LA SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE
1. La contribution de la rénovation écologique à l'éducation à l'environnement et au développement durable
L'éducation à l'environnement et au développement durable est une préoccupation ancienne de l'éducation nationale. Dès 1977, la circulaire n° 77-300 du 29 août 1977 sur l'éducation des élèves en matière d'environnement note « qu'à une époque où la dégradation de son milieu de vie pose à l'homme des problèmes de choix déterminants pour son avenir, une éducation en matière d'environnement s'impose de toute évidence » avec « pour objectif de développer chez l'élève une attitude d'observation, de compréhension et de responsabilité à l'égard de l'environnement ».
Au rythme des sommets internationaux sur le climat (Rio en 1992, Johannesburg en 2004, COP 21 à Paris en 2015), les programmes scolaires se sont enrichis. Leur dernière refonte en matière de développement durable date de 2020. Elle s'est accompagnée d'une généralisation des éco-délégués dans les établissements du secondaire. Par ailleurs, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a élargi à un volet « développement durable » la compétence des comités d'éducation à la citoyenneté et à la santé. Les établissements scolaires sont ainsi un lieu privilégié de sensibilisation des élèves aux éco-gestes et au développement durable, y compris en les rendant acteurs de la sobriété énergétique.
Dans cet esprit, la région Grand Est a pour ambition de « faire de ses lycées les vitrines d'une transition écologique réussie », comme cela a été souligné lors du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle, le 13 avril 2023, l'objectif étant de montrer l'exemple afin d'encourager les jeunes à agir de manière responsable sur le plan écologique83(*).
Au cours de la même table ronde organisée à la préfecture de Meurthe-et-Moselle, le directeur de l'Agence locale de l'énergie et du climat (ALEC) Nancy Grands territoires a souligné l'intérêt d'actions d'animation réalisées dans des écoles pour sensibiliser les élèves à la réduction de la consommation énergétique, ce type d'initiative pouvant faire de la classe « un laboratoire pédagogique de la mise en place de solutions concrètes d'économies d'énergie »84(*).
De manière générale, les travaux de rénovation du bâti scolaire devraient être l'occasion d'une réflexion concertée avec l'ensemble de la communauté éducative, à la fois pour penser l'école de demain, mais aussi pour en faire un moment pédagogique.
Selon le Conseil national de l'Ordre des architectes, ces travaux « sont l'occasion de parler aux enfants du cycle de l'eau, de la transition énergétique, voire du coût que représentent les travaux qui sont engagés dans leur école. Imaginez des jeunes à qui l'on explique comment l'on monte et comment l'on installe une charpente. De vous à moi, ils seront certainement plus intéressés par ce montage et par cette installation que par leur cours de physique-chimie ! »85(*).
La mission d'information tient à le rappeler : le code de l'éducation souligne explicitement la fonction éducative de l'architecture scolaire. Celle-ci constitue même « un élément indispensable de la pédagogie » (art. L. 521-4 du code de l'éducation). L'affirmation du rôle pédagogique du bâti scolaire est ancien : il date de la loi n° 75-620 relative à l'école du 11 juillet 1975, dite loi « Haby ».
2. Le challenge CUBE
La mission d'information a pris connaissance avec intérêt du programme CUBE (« Concours usage bâtiment efficace »), qui vise à encourager les économies d'énergie à partir de compétitions entre usagers de bâtiments, publics ou d'habitation. Décliné dans le milieu scolaire (d'abord dans les collèges et lycées et, depuis 2021, dans les écoles), ce challenge86(*) permet d'éduquer les élèves aux éco-gestes et, à travers eux, leurs parents : pour les promoteurs de ce concours, les effets bénéfiques du programme dépassent les murs de l'école, puisqu'en sensibilisant les parents des élèves, il a pour effet la réduction des factures énergétiques familiales87(*).
Les deux volets du challenge CUBE.S rassemblent aujourd'hui plus de 923 bâtiments de collèges ou lycées, 100 écoles et plus de 65 collectivités. Les écoles s'engagent à réduire leurs consommations d'énergie pendant cinq ans.
Le concours CUBE
Le challenge CUBE s'inscrit dans le cadre du programme des certificats d'économie d'énergie. Il se décline en deux volets : CUBE.S, destiné aux lycées et collèges, en collaboration avec l'institut français pour la performance énergétique ; et CUBE.Ecoles, destiné depuis 2021 aux écoles publiques, en collaboration avec l'IFBEB et le programme ACTÉE.
Le programme CUBE.Ecoles impose la participation d'au moins six écoles, ou d'une commune ou groupement de communes, afin de créer une émulation entre les élèves.
Dans le cadre du programme CUBE.S, les établissements scolaires participent notamment à quatre demi-journées de sensibilisation et d'échanges sur les leviers de performance énergétique dans l'enseignement scolaire. L'accompagnement est prolongé l'année suivant la participation au concours. Les établissements bénéficient de prestations de formation et d'animation ainsi que d'instruments de mesure pour développer des programmes pédagogiques et de sensibilisation autour de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre.
En parallèle de la mise en oeuvre de nouveaux gestes du quotidien et des dispositifs d'économie retenus à l'initiative des usagers, en cohérence avec le profil de l'établissement, la consommation d'énergie des différents établissements participants est collectée sur une plateforme dédiée, puis comparée à leur consommation initiale pour évaluer les progrès accomplis.
Pour l'édition 2021-2022, la remise des prix a eu lieu le 30 mars 2023 à l'Académie du climat, à Paris. Parmi les douze collèges et lycées lauréats, les « Cubes d'or » ont été remis au lycée hôtelier Guillaume Tirel de Paris et au collège Jehan Bodel d'Arras, établissement construit en 1754 et très énergivore : « On a parlé des écogestes et de la régulation du chauffage. Il y avait des aberrations. On a baissé les week-end et les soirs, avec finalement 22% d'économie d'énergie », selon la présentation de la démarche de l'établissement par une professeure de SVT, également en charge des éco-délégués.
L'aspect créatif du challenge Cube doit être souligné : la démarche se veut aussi concrète que ludique. M. Cédric Morel, fondateur du challenge et directeur de l'IFPEB, a cité lors de la cérémonie du 30 mars 2023 les projets suivants : création d'une émission intitulée « Questions pour un éco-champion » (Lycée Ampère de Marseille labellisé E3D), jeu de société, escape game (Collège Jules Ferry de Bourbriac), réalisation d'une « capsule temporelle », à ouvrir en 2050, installée dans le hall de l'établissement (collège Lamartine de Soissons).
Ce programme permet souvent de réaliser des économies d'énergie - de l'ordre de 10 à 20% - à moindre coût, et de mobiliser les acteurs pour des travaux plus importants. On constate en moyenne 12% d'économies d'énergie la première année.
L'un des intérêts majeurs de ce challenge, au-delà de sa forte dimension pédagogique, est de rendre visibles auprès des personnels techniques, des personnels administratifs, des enseignants et des élèves la consommation réelle du bâtiment et les comportements à adopter pour la réduire88(*). Il rejoint en cela une observation du rapport de François Demarcq de 2020 sur la rénovation des bâtiments scolaires : l'importance de « stimuler la participation active de la communauté éducative d'une école à la mise en oeuvre d'un projet de bonne gestion de l'énergie, à travers des comportements conscients et coopératifs ».
Notons toutefois que la participation au concours est payante : les frais d'inscription sont de 950 euros hors taxe par école et de 2 000 euros par collège.89(*)
II. D'AUTRES ENJEUX À PRENDRE EN COMPTE
De nombreuses personnes auditionnées l'ont souligné : l'adaptation du bâti scolaire au changement climatique et les travaux qu'elle rend nécessaires doivent être l'occasion de réflexions plus larges que les questions posées par la transition énergétique.
A. SANTÉ ET BIEN-ÊTRE
1. Qualité de l'air intérieur, surveillance du radon et désamiantage
La crise sanitaire liée au Covid a montré l'importance du renouvellement de l'air. Cette préoccupation est ancienne - dès Jules Ferry qui pose, en 1892, les premières bases de l'architecture scolaire. Comme le souligne Laurent Jeannin, « à l'époque, la norme architecturale devait permettre aux enfants de bien voir, bien respirer, bien se déplacer dans un bâtiment qui devait être garant de leur santé. Par la suite, il y a eu des mouvements hygiénistes, notamment dans le cadre de la lutte contre la tuberculose, avec des espaces plus ouverts, car la qualité de l'air était un élément clé. Il existe encore à Suresnes90(*) une école issue de ce courant hygiéniste, d'ailleurs classée patrimoine mondial de l'UNESCO, qui témoigne de cette architecture »91(*).
Les enfants passent environ 30% de leur temps dans les établissements scolaires : l'enjeu de la qualité de l'air intérieur dans ces bâtiments est donc très important, d'autant que la ventilation contribue à de bonnes conditions de travail. Le décret du 27 décembre 2022 sur la qualité de l'air, précédemment évoqué et entré en vigueur en janvier 2023, renforce les contrôles de la qualité de l'air intérieur. Il prévoit notamment l'intégration de campagnes de mesures réglementaires lors de la réalisation de travaux et la mesure annuelle par lecture directe du dioxyde de carbone.
Certains établissements scolaires sont également confrontés à la présence de radon.
Cartographie du potentiel radon
Une réglementation spécifique, définie aux articles D. 1333-32 et suivants du code de la santé publique, concerne la gestion du radon notamment dans les établissements d'enseignement et les établissements collectifs d'accueil d'enfants de moins de six ans. Un suivi particulier est effectué dans les établissements scolaires situés en « catégorie 3 ». Des mesures doivent notamment être effectuées tous les dix ans et après tout travaux modifiant significativement la ventilation ou l'étanchéité d'un bâtiment.
La question de l'amiante reste également très présente. L'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements scolaires estimait en 2016 à 85% la proportion d'établissements scolaires construits avant 1997, soit avant la date d'interdiction d'utilisation de l'amiante. Les travaux de rénovation thermique impliquent très souvent des interventions de désamiantage, ce qui complique leur réalisation, a fortiori lorsque ces travaux sont effectués pendant l'année scolaire.
2. Bien-être et climat scolaire
La configuration et l'état du bâti scolaire participent au bien-être des élèves et influencent le climat scolaire d'un établissement. C'est notamment le cas de l'isolation thermique et phonique des bâtiments, mais aussi de leur esthétisme, source de fierté pour les élus, les élèves et l'ensemble de la communauté éducative.
De même, les cours végétalisées évoquées précédemment présentent entre autres intérêts celui de permettre aux enfants « de se sentir mieux et d'être plus concentrés en classe »92(*).
L'exemple de l'action menée à l'école Robert Fabre de Villefranche-de-Rouergue est intéressant à cet égard93(*). Accompagnés par le CAUE de l'Aveyron, les élèves se sont appropriés le projet d'aménagement d'un patio, avec des structures murales portant des plantes grimpantes, une terrasse en bois et des bancs. Cet endroit, qui peut accueillir des activités de lecture ou des temps calmes, constitue désormais un lieu privilégié, qui contraste avec la cour de récréation encore minérale.
Le patio transformé de l'école Robert Fabre
de Villefranche-de-Rouergue
(site du CAUE de l'Aveyron) : conception,
réalisation et utilisation
B. L'ÉVOLUTION DES USAGES PÉDAGOGIQUES
Les travaux de rénovation des établissements scolaires devraient dans l'idéal être l'occasion, en lien avec l'équipe pédagogique, de repenser les espaces d'apprentissage, qu'il s'agisse des salles ou des extérieurs.
En effet, l'école du XXIe siècle n'est pas la même que celle de Jules Ferry, ni même que celle du début des années 2000, à un moment où le numérique était encore très majoritairement absent de la pédagogie. À ce titre, les collectivités territoriales ont pris, depuis plusieurs années, leurs responsabilités en matière d'équipement des classes (tableau numérique, fournitures d'ordinateur...).
De plus, les établissements scolaires restent organisés, dans la très grande majorité des cas, autour de salles de classe configurées « en autobus », l'enseignant faisant face aux élèves, alors que les pratiques pédagogiques actuelles, moins verticales, dans une logique de prise en compte des besoins particuliers des élèves, font une large place à l'interactivité qui suppose un autre aménagement de la classe.
Il existe notamment aujourd'hui une demande de travail en petits groupes au sein d'une même classe (« îlots »).
De plus, les travaux de végétalisation des cours menés par le conseil départemental des Hauts-de-Seine témoignent de l'opportunité que peuvent constituer des projets de rénovation des extérieurs. Plusieurs collèges rénovés, notamment le collège Georges Pompidou de Courbevoie, intègrent ainsi la possibilité de faire classe en plein air. Dans cet établissement visité par la rapporteure, une salle de classe extérieure pour 35 élèves a été aménagée, et des tables de pique-nique, qui peuvent également servir de tables de travail, ont été installées sous des voiles d'ombrage. Un espace de travail en plein air pouvant accueillir une demi-classe a également été créé sur l'un des toits.
À Marseille, deux des chantiers d'école visités par la mission d'information le 25 mai 2023 intègrent la possibilité de moduler la taille de certaines classes d'une année sur l'autre en modifiant la disposition des cloisons, de manière à faire varier la dimension des salles de classe de 40 à 80 m2.
Au-delà de l'usage pédagogique se pose de plus en plus la question de la mutualisation des espaces en dehors des heures scolaires.
La nouvelle école Isabelle Autissier à Gouesnou, dans le Finistère, visitée par la mission d'information le 11 mai 2023, intègrera cet enjeu. La cour sera ainsi accessible depuis l'extérieur pour permettre son utilisation hors du temps scolaire, à titre expérimental dans un premier temps. De même, il est prévu une mise à disposition de locaux pour une utilisation à vocation associative, notamment la salle de motricité, ou encore les salles de formation, ainsi que la salle de spectacle et de projection. Afin de garantir la sécurité du bâtiment, le système de badges ouvrira certaines salles, mais pas d'autres.
À Paris, le projet « ville du quart d'heure » prévoit l'ouverture de certaines cours d'école ou de collège le samedi.
À Marseille, le chantier global de rénovation des écoles maternelle et primaire Les Lauriers, visité par la mission d'information le 25 mai 2023, inclut la construction d'un nouveau gymnase accessible de l'extérieur. Cette conception s'inscrit dans le nouveau cadre juridique issu de la loi visant à démocratiser le sport en France, votée en mars 2022, qui impose la création d'un accès indépendant aux équipements sportifs lors de la construction d'un nouvel établissement, ou lorsque celui-ci fait l'objet d'importants travaux de rénovation94(*).
C. LA QUESTION DÉMOGRAPHIQUE : 500 000 ÉLÈVES EN MOINS ENTRE 2022 ET 2027
Alors que l'INSEE enregistrait, entre 2005 et 2014, plus de 800 000 naissances, avec un pic de 832 000 en 2010, ce nombre est en diminution depuis une dizaine d'années. En 2021, on a constaté 727 000 naissances ; un point bas historique a été atteint en 2022 avec 723 000 naissances (683 000 pour la seule métropole).
En 2026, on devrait dénombrer :
- dans le primaire 295 775 élèves de moins qu'en 2022 ;
- dans le secondaire, 109 571 élèves de moins par rapport à 2020.
Pour le seul collège, la perte s'élèvera à 105 650 élèves95(*).
Comme l'a indiqué M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à la commission de la culture du Sénat le 8 novembre 2022, « après une baisse de 300 000 élèves ces cinq dernières années, nous prévoyons une baisse de 500 000 élèves sur la période 2022-2027 ».
Si la tendance démographique globale fait apparaître une diminution du nombre des élèves dans les prochaines années, les tensions démographiques ne sont pas uniformes selon les territoires.
À Mayotte, situation extrême, l'évolution démographique implique d'accueillir plus de 3 500 élèves supplémentaires chaque année dans le premier degré, et plus de 12 000 collégiens et 5 000 lycéens supplémentaires dans la prochaine décennie96(*). En 2021, la maternité de Mamoudzou a enregistré plus de 9 000 naissances, soit l'équivalent d'une classe de 25 élèves par jour, comme cela a été rappelé par nos collègues mahorais lors de l'audition par la rapporteure du recteur de Mayotte. Ces enfants atteindront l'âge de la scolarité obligatoire à la rentrée 2024. Or cette hausse démographique va se poursuivre, voire s'intensifier, si l'augmentation du nombre de naissances constatée en 2021 et 2022 se maintient. Le principal enjeu est donc en premier lieu de procéder à des constructions en masse pour accueillir tous ces élèves : la création de plus de 1 300 salles de classe en 1er degré, 14 collèges neufs et 4 lycées est nécessaire à court terme.
Localement, sur le reste du territoire français, des pressions démographiques peuvent être observées dans certaines communes. La mission d'information l'a constaté lors de son déplacement à Marseille.
Le directeur général de la Société publique locale d'aménagement d'Intérêt national (SPLA-IN) des écoles de Marseille a mentionné le besoin de 5 000 places supplémentaires dans les écoles marseillaises d'ici 2035, inégalement réparties sur le territoire de la ville. La mission d'information a notamment pu remarquer la forte pression de démographie scolaire s'exerçant dans plusieurs écoles des quartiers nord de Marseille qu'elle a visitées. Ainsi, l'école Les Lauriers a accueilli en quelques années dix classes en plus. Comme a pu le souligner l'un des enseignants de cette école, « tout le monde connait les écoles du quartier, et tout le monde sait qu'elles sont toutes saturées ».
Enfin, le dédoublement des classes de grande section au CE1 en REP et REP + peut créer localement des tensions sur le bâti scolaire : faute de locaux disponibles, le dédoublement a pu en réalité se traduire par la présence de deux enseignants devant une classe de 24 élèves.
Les incertitudes sur la pérennité des classes - et parfois des écoles - constituent, de manière compréhensible, un frein aux projets de rénovation du bâti scolaire : ce rapport reviendra ultérieurement sur ce point.
D. UN ENJEU D'ATTRACTIVITÉ ET D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
1. Des établissements qui reflètent l'image d'une collectivité
L'intérêt de l'école en termes de rayonnement d'une commune a été mis en valeur lors du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle, le 13 avril 2023.
La mairie de Richardménil reçoit ainsi des demandes d'inscription de parents d'élèves résidant dans des communes proches, car la nouvelle école plaît beaucoup : un établissement offrant un cadre épanouissant aux élèves et aux enseignants constitue un élément d'attractivité pour un territoire.
De même, la visite du collège Simone Veil de Saint-Renan, dans le Finistère, a mis en évidence les nombreux attraits que présente cet établissement, inauguré en novembre 2021, qu'il s'agisse de la conception des locaux, de la diversité des installations sportives ou de la qualité des espaces communs et des aménagements extérieurs (piste cyclable, arrêts de car, stationnements...).
Le collège Simone Veil de Saint-Renan : une approche environnementale résolue pour un bâtiment modulable, desservant huit communes du Pays de Brest
Le Conseil départemental du Finistère a fait le choix d'une construction neuve de préférence à la réhabilitation de l'ancien collège datant des années 1970.
L'espace est organisé par regroupements thématiques : locaux administratifs, CDI, restaurant scolaire, foyer, pôle vie scolaire et espace santé au rez-de-chaussée, salles de classe au premier étage, salles spécialisées (matières scientifiques et artistiques) au second étage.
Le bâtiment présente les caractéristiques suivantes :
- une démarche HQE (haute qualité environnementale) : il s'agit d'un établissement passif, lumineux, répondant aux normes d'accessibilité et avec de faibles consommations en énergie et en eau ;
- une construction compacte (R+2), ce qui limite la superficie des toitures et des fondations, à l'opposé des bâtiments de plain-pied, en R+1 ou éclatés qui, courants dans les années 1980, généraient des surcoûts ;
- un aménagement intérieur facilement modulable en fonction des besoins, par déplacement, retrait ou ajout de cloisons.
Cet enjeu spécifique a été mis en lumière à propos des établissements d'enseignement français à l'étranger, auxquels la mission d'information s'est intéressée à l'initiative de ses membres représentant les Français établis hors de France. Ces établissements scolarisent des Français, mais aussi des jeunes originaires des pays d'implantation et des élèves de nationalités tierces : ils entrent ainsi en concurrence avec d'autres établissements, internationaux ou locaux.
Selon le directeur général de l'AEFE, « le bâti est en effet un élément de concurrence important »97(*), ce qui implique d'investir non seulement dans la construction de nouveaux établissements, mais aussi dans la rénovation et la complémentarité de l'offre : « Nos lycées participent de l'image de la France à l'étranger ». La qualité environnementale des bâtiments est appréciée des élèves, « très attentifs aux questions environnementales et mobilisés sur ces sujets », même si « les gens sont surtout attentifs à (la) dimension écologique d'un bâtiment lorsque la construction est neuve ».
Pour le directeur général de la Mission laïque française, « la conscientisation de la question environnementale dans les différents pays (...) conditionne les exigences des familles et des élèves dans ce domaine » : la qualité environnementale des établissements peut donc être un élément d'attractivité. Aussi, la dimension environnementale est au coeur du futur projet de construction d'un centre de technologie et d'innovation intégrant un établissement neuf à Séville. Le choix a également été fait de privilégier les circuits courts pour la construction de ce centre, afin de faire face à d'éventuels problèmes d'approvisionnement.
Par ailleurs, la prise en compte du confort d'été est un atout évident pour l'attractivité de ces établissements, comme le montre l'exemple du lycée français de Lisbonne précédemment évoqué.
2. Bâtiments scolaires et aménagement du territoire
Les auditions et déplacements de la mission d'information ont confirmé que les projets de construction ou de rénovation d'établissements scolaires s'accompagnent souvent d'une réflexion sur la place de l'école au sein du quartier : il s'agit ainsi de faire de « l'école la capitale du quartier », pour reprendre l'expression de Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire de Marseille lors de la visite du chantier de l'école des Lauriers.
Dans le même esprit, la construction de l'école Isabelle Autissier à Gouesnou, dans le Finistère, qui ouvrira ses portes en septembre 2023, s'inscrit dans une ambition de dynamisation du centre-bourg et d'un vaste projet de renouvellement urbain.
Un exemple de construction neuve : l'école Isabelle Autissier de Gouesnou (Finistère)
Le projet répond à un double objectif : être exemplaire sur le plan environnemental et énergétique et s'inscrire dans le « coeur de ville », avec certains espaces accessibles aux habitants en dehors des temps scolaires (cour de récréation de l'école élémentaire et salle de spectacle d'une centaine de places).
Le choix d'une construction nouvelle s'est imposé de préférence à la réhabilitation de l'ancienne école dont le bâtiment, datant d'une cinquantaine d'années, comprenait des matériaux polluants dont la dépose aurait été complexe. De plus, l'accroissement démographique imposait un effort en termes de capacités d'accueil. Rénover l'ancien bâtiment aurait impliqué de déplacer les enfants dans d'autres locaux pendant les travaux, ce qui aurait accru la complexité et le coût des travaux.
L'école Isabelle Autissier sera le premier bâtiment en Bretagne à atteindre le niveau E4C1, très élevé, du label E+C- grâce à l'utilisation de matériaux biosourcés pour décarboner le bâtiment et améliorer la qualité de l'air : peintures à base de solvants naturels (amidons de maïs ou algues), revêtements de sol naturels (en linoléum à base de lin), charpente en bois conçue à partir de forêts durables, etc. Les panneaux photovoltaïques disposés sur la toiture permettront à la nouvelle école de Gouesnou de produire de l'électricité dans une logique d'autoconsommation collective locale.
Cette vision se retrouve également dans le projet porté par l'équipe municipale de Rosières-aux-Salines, qui a privilégié la rénovation de l'école existante implantée en centre-ville, dans le cadre d'une politique de revitalisation du coeur de village, plutôt que de procéder à la construction d'un bâtiment neuf excentré - malgré les complexités qu'engendre une rénovation en site occupé.
Un exemple de projet de rénovation globale : l'école maternelle du vieux moulin à Rosières-aux-Salines (Meurthe-et-Moselle)
Les travaux de rénovation énergétique de l'école maternelle du vieux moulin sont l'occasion d'une réhabilitation globale du bâtiment et d'une réflexion pour répondre aux besoins des équipes pédagogiques.
Outre des performances énergétiques faibles, une étude sur la qualité de l'air a démontré que les concentrations de CO2 étaient trois fois supérieures à la norme. Les systèmes électriques et de sécurité incendie nécessitaient des travaux, tout comme la toiture du bâtiment. Ce dernier manquait d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.
L'équipe pédagogique a également fait part d'un manque d'espace ; une étude ergonomique des postes de travail des ATSEM préconisait la mise en place de vestiaires, d'une salle de repos et une manipulation plus ergonomique des lits de siestes des enfants. Enfin, les blocs sanitaires étaient vétustes.
DEUXIÈME PARTIE - LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS SCOLAIRES : DES PROJETS COMPLEXES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PLUS PARTICULIÈREMENT POUR LES COMMUNES
Les collectivités territoriales n'ont pas attendu la crise énergétique actuelle pour agir sur leur patrimoine immobilier public, et plus particulièrement sur leurs bâtiments scolaires. Cet intérêt partagé, à tous les niveaux - régions, départements, échelon communal - a été confirmé lors des auditions des associations d'élus, par les témoignages des élus locaux recueillis sur le site du Sénat et lors des déplacements de terrain.
Le point de vue de Régions de France est à cet égard éclairant : « L'ensemble des régions n'a pas attendu la crise énergétique pour s'atteler à la question de l'état du patrimoine bâti des lycées et des économies d'énergie. Nous y travaillons depuis un certain temps et avons pris pleinement la mesure des enjeux nouveaux. Nous avons ainsi particulièrement avancé sur deux sujets : l'état du bâti et les questions de production, de régulation et de distribution de chaleur. Nous avons commencé ce travail en 2010, et nous avons donné un coup d'accélérateur en 2020 »98(*).
Le sujet n'est pas nouveau pour les collectivités, « néanmoins, la tâche est immense », comme le soulignait la représentante de Régions de France, entendue le 29 mars 2023. Ce constat est naturellement valable pour les départements et les communes.
Le processus de rénovation, de construction ou de réaménagement du bâti scolaire est en effet un long chemin, jalonné de nombreuses étapes qui peuvent être autant d'obstacles, car toutes les collectivités territoriales ne disposent pas de l'expertise technique nécessaire, de l'information, des moyens humains et des ressources financières pour mener jusqu'à leur terme des projets aussi structurants pour leur territoire.
Au cours des auditions qu'elle a menées, la mission d'information s'est plus particulièrement intéressée, à travers les trois étapes-clés de la conduite de projets de rénovation ou construction d'un bâtiment scolaire que sont l'évaluation des besoins et la conception du projet, la recherche des financements et le choix du cadre juridique de la commande, à deux questions majeures : le rôle décisif de l'accès à l'ingénierie, inégal en fonction des collectivités ; et la question cruciale de l'accompagnement des collectivités - plus particulièrement des communes - dans le pilotage de leurs projets.
I. DES PROJETS COMPLEXES, JALONNÉS D'OBSTACLES
La rénovation énergétique des bâtiments scolaires, comme celles des autres bâtiments publics des collectivités, est une démarche complexe qui suppose des moyens en ingénierie (technique, financière, administrative et juridique), ce qui constitue une difficulté pour de nombreuses collectivités, plus particulièrement pour les communes.
A. UNE PROGRAMMATION TRÈS LOURDE
1. Un défi en termes d'organisation
Un guide de bonnes pratiques publié par une association d'élus bretons99(*) illustre la complexité - technique, juridique, financière, administrative - de la conduite des projets de rénovation et de construction de bâtiments durables, si l'on en juge par les étapes qu'elle a identifiées à l'attention des collectivités envisageant de telles démarches :
- questionner la pertinence du projet/identifier les besoins, ses objectifs, sa gouvernance, la capacité financière de la collectivité et inscrire ce projet dans une volonté politique et un programme : associer les élus, usagers et personnels, définir un budget ;
- recruter une maîtrise d'oeuvre de conception compétente : marché public ; intégrer les études à faire réaliser et préciser les matériaux requis (paille, chanvre, terre...) ;
- conception du projet : esquisse (enjeux de paysage, d'accès, de biodiversité, de gestion de l'eau...) puis avant-projet sommaire (APS), avant-projet définitif (APD) et phase projet (PRO) : définir les enjeux de circulation, accessibilité, chauffage et éclairage, qualité de l'air, ventilation, isolation... ;
- sélection des entreprises et suivi du chantier ;
- fonctionnement et maintenance.
S'agissant plus particulièrement des écoles, le parcours décrit par le maire de Richardménil lors du déplacement de la mission en Meurthe-et-Moselle à propos du projet de rénovation/construction de l'école primaire de la commune est éclairant de la complexité de cette démarche et de la diversité des étapes que doivent franchir les collectivités, sur plusieurs années :
- définition des objectifs (2016) : regroupement en un site unique des écoles maternelle et élémentaire ainsi que de la cantine, et usage mutualisé des locaux du temps périscolaire (maison des associations, conseil de jeunes de la commune...) ;
- lancement d'une étude de positionnement et d'analyse urbaine (restructuration du coeur de village), puis réflexion sur l'emplacement et la faisabilité du projet ;
- réflexions sur les scénarios possibles (extension des locaux existants/ajout de nouveaux locaux/reconstruction sur un même site des écoles maternelle et élémentaire) ;
- mise en oeuvre du scénario retenu : choix du regroupement sur un même site
. étude financière
. réunion en mairie avec les équipes enseignantes et l'inspecteur de circonscription pour présenter le projet
. mise en forme du programme, estimation des volumes nécessaires (salles de classe, cantine, espaces divers) en fonction des projections démographiques
. désignation d'un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour l'accompagnement technique et administratif du projet
. recrutement d'un maître d'oeuvre (procédure de concours)
. appel à candidatures - envoi de l'avis de publicité et du règlement de consultation
. réunion d'un comité technique avec la présence d'enseignants
. réunion du jury pour sélectionner les 3 offres admises à concourir parmi les 48 candidatures reçues
- décembre 2018 : sélection du lauréat du concours à partir des trois offres proposées puis validation du choix par le conseil municipal ;
- 2019 : préparation des travaux
. janvier-avril : réalisation de l'avant-projet sommaire
. février : réunion des parents d'élèves
. avril : restitution de l'avant-projet sommaire puis réunion publique de présentation des travaux
. mai : phase avant-projet détaillé (APD)
. décembre : choix des entreprises retenues sur les différents lots
- mai 2020 : début des travaux (10 octobre 2020 : pose de la première pierre)
- septembre 2021 : ouverture de l'école.
2. Des besoins de rénovation différents au sein d'un même ensemble bâtimentaire
Le fait que ces ensembles bâtimentaires relèvent parfois de diverses époques de construction, ce qui induit des besoins de rénovation différents, complique la conception des projets de rénovation. L'attention de la mission d'information a été attirée sur ce point par les élus consultés en ligne :
- « Les bâtiments étant de différentes époques, nous avons différents modes de chauffage. Il faudrait investir pour uniformiser le mode de chauffage » ;
- « Le groupe scolaire a la particularité d'avoir deux modes de chauffage : fuel sur l'ancien bâtiment et électrique sur l'extension faite en 1987. Les charges liées à ces deux énergies sont difficiles à gérer (financièrement et techniquement) » ;
- « 6 collèges (deux neufs en 2014), le reste des années 1900 ; 6 lycées (quatre des années 1900, deux des années 1970) ».
B. DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES AU BÂTI SCOLAIRE
Les témoignages recueillis et les chantiers de rénovation visités montrent la complexité de la conception et de la programmation des travaux concernant des bâtiments scolaires.
1. Quel calendrier : pendant les vacances d'été ou au cours de l'année scolaire ?
a) Les travaux pendant les vacances d'été : une course contre la montre
Lorsque les travaux ont lieu pendant les vacances scolaires, ce qui est très fréquent, c'est une véritable course contre la montre qui s'engage pour les finir avant la reprise des cours. Face à cette contrainte, au collège Georges Pompidou de Courbevoie, visité par la rapporteure en avril 2023, deux équipes se relayaient sur les lieux pour une amplitude horaire maximale - créant ainsi des tensions avec les voisins.
Dans le même temps, lorsqu'il s'agit des vacances d'été, les vagues de chaleur, de plus en plus nombreuses, rendent difficiles voire techniquement impossibles la poursuite du chantier certains jours. Outre les risques pour la santé des ouvriers, certains travaux de peinture sont déconseillés au-delà de 25°C. À partir de cette même température, la souplesse du béton est altérée. De plus, un certain nombre d'entreprises du BTP - comme dans de très nombreux autres secteurs - sont fermées pendant plusieurs semaines en août. À cela s'ajoutent la tension sur les approvisionnements en matériaux ainsi que des problèmes liés à la moindre disponibilité des entreprises dans un contexte de forte sollicitation, tant par les particuliers (rénovation des logements) que par les acteurs publics.
La rénovation thermique des bâtiments scolaires connaît d'ailleurs les mêmes tensions d'approvisionnement que les autres chantiers du même type.
Or, ces impératifs de délai se conjuguent parfois mal avec le calendrier des travaux. Certains paysagistes-concepteurs refusent des contrats de travaux devant se dérouler en juillet si leur programmation n'a pas été suffisamment anticipée100(*).
Enfin, la mission d'information rappelle que les écoles sont souvent utilisées comme centres de loisirs pendant les vacances scolaires. Il s'agit alors de trouver d'autres locaux adaptés et répondant aux normes des accueils collectifs de mineurs.
b) Les travaux pendant l'année scolaire : bâtiments provisoires ou « site occupé » ?
Face à l'ampleur des travaux, certaines écoles n'ont d'autre choix que de trouver des locaux provisoires pour accueillir les élèves. C'est notamment le cas de l'école maternelle du Vieux Moulin à Rosière-aux-Salines précédemment évoqué.
Les travaux de rénovation à l'école du Vieux Moulin à Rosière aux Salines en site occupé
De préférence à une construction neuve excentrée, le choix politique s'est porté sur la rénovation du bâtiment datant du XIXe siècle et devenu vétuste, pour participer à la vitalité du centre-ville.
La commune a été confrontée à la difficulté de poursuivre le fonctionnement des quatre classes pendant la durée des travaux (conception en 2022, exécution des travaux en 2023 et 2024), coupant ainsi l'école en deux. Deux classes (moyenne et grande sections) ont été transférées dans l'école primaire située à 250 mètres et deux classes (petite et moyenne sections) ont été conservées sur la partie du bâtiment non concerné en 2023 par les travaux. Deux blocs sanitaires sur chacun des sites ont été installés. Il a également été nécessaire d'aménager la circulation et le stationnement autour de l'école primaire pour gérer le flux supplémentaire de parents et d'enfants. Enfin, le ramassage scolaire a été réorganisé, avec un déplacement de l'arrêt de bus passant à proximité de l'école primaire.
Des difficultés sont apparues initialement dans la cohabitation entre l'équipe pédagogique des deux classes transférées et celle de l'école primaire sur des questions pratiques : partage des espaces (cour, bibliothèque, salle informatique...), promiscuité des classes maternelles et primaires. La participation de l'inspecteur académique aux réunions stratégiques a permis de faciliter le dialogue entre les équipes.
Lorsque les travaux ont lieu en site occupé, un surcroît de sécurisation du chantier est nécessaire au regard du jeune public, qui n'a pas toujours conscience du danger. Comme l'a indiqué le chef de projet de la rénovation de l'école Saint Louis Gare à Marseille, « les entreprises ne savent pas travailler avec des enfants à proximité : les portes sont laissées ouvertes, il y a des vis qui traînent... ». Dans cet établissement, la configuration des lieux permet l'existence d'une clôture totalement étanche, traversant la cour, qui sépare la partie en travaux et la partie utilisée par les écoles. Cela n'est pas sans conséquence sur la surface de la cour de récréation restant disponible.
La difficulté de la cohabitation entre les entreprises et les élèves a également été mise en avant, à propos d'une autre école de Marseille, par l'équipe pédagogique de l'école Malpassé Les Lauriers : « ce n'est pas dans la culture des entreprises de faire des travaux en présence d'enfants. L'acculturation à cette spécificité des travaux en site occupé dans une école est plus difficile que la technique à proprement parler ». Dans cette école, il n'y a pas de frontière étanche entre les travaux et la cour de récréation ; des barrières et des rubans sont installés - parfois par les enseignants - et déplacés en fonction de l'avancée des travaux. Ont été cités, entre autres difficultés, les exemples de l'arrivée des camions au moment de la récréation, ou encore un accès sur la rue depuis la cour de récréation laissé ouvert le temps de charger ou décharger des marchandises. De manière plus anecdotique, certains ouvriers fument pendant leur pause devant les fenêtres des classes101(*).
La mission d'information a été alertée sur l'importance de réunions régulières avec les équipes pédagogiques pendant la phase des travaux en site occupé. Comme l'a expliqué à la délégation lors de son déplacement à Marseille Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire en charge du plan école, du bâti, de la construction, de la rénovation et du patrimoine scolaire, il est indispensable de « traiter les irritants du quotidien » afin de lever des sources de frustration et d'incompréhension vis-à-vis des personnels qui subissent directement les désagréments liés au chantier (bruits, coupures d'électricité, modifications des habitudes de travail...)
Comme l'a rappelé notre collègue Jocelyne Guidez à propos de la construction d'un bâtiment de restauration scolaire, « le bruit occasionné par les travaux est une difficulté parmi d'autres »102(*).
Exemples « d'irritants du quotidien » à éviter en cas de chantiers en site occupé
Les déplacements ainsi que les échanges avec les élus locaux et les équipes pédagogiques ont permis à la mission d'information de prendre connaissance d'un certain nombre d'exemples d'« irritants du quotidien » imputables aux travaux en site occupé :
- cas de cette école maternelle accueillant temporairement des élèves de l'école élémentaire voisine en rénovation : les toilettes supplémentaires installées pendant les vacances étaient adaptées à des enfants de maternelle, sans box fermé (séparation en demi-cloison). Il a fallu trois semaines pour que l'entreprise installe des sanitaires à la bonne taille - celle-ci ne pouvant travailler que le mercredi, en l'absence des enfants, pour des questions de sécurité et à cause des indispensables coupures d'eau. En définitive, la fonctionnalité des sanitaires installés interroge : les cuvettes sont plus grandes, mais la taille des boxes - désormais fermés par une cloison et avec une porte ouvrant vers l'intérieur - étant restée la même, la surface de chaque cabine de toilettes est minuscule ;
- dans les classes, la hauteur des tableaux était adaptée aux élèves de maternelle, mais pas à ceux de l'école élémentaire, ce qui a posé des problèmes de visibilité, surtout aux élèves des derniers rangs. Or les murs contenant de l'amiante, le déplacement des tableaux, qui implique de percer les murs, exige le respect d'un protocole de sécurité spécifique ;
- la salle provisoire des professeurs n'a pas été équipée de prises électriques, empêchant le branchement de tout appareil (machine à café, four à micro-ondes ou réfrigérateur ; à noter que celui-ci, au-delà de la conservation des aliments, permet aussi à l'équipe pédagogique de disposer de poches de glace pour soulager les bosses, risque fréquent dans une école primaire) ;
- certaines classes dédoublées de REP et REP+ ont dû être regroupées faute de salles disponibles ; le maintien de mobilier de rangement le long des murs a empêché de dégager de la place pour que les accompagnants d'élèves en situation de handicap puissent s'assoir ;
- lors de travaux entraînant la suppression temporaire du préau, les enfants doivent en cas d'intempérie passer les récréations dans les salles de classe et les couloirs de l'école : le niveau sonore devient rapidement très élevé et l'ambiance se ressent de l'impossibilité pour les enfants de se dépenser physiquement.
Ces « irritants du quotidien » méritent d'être portés à la connaissance des collectivités envisageant des travaux de rénovation de leurs établissements scolaires, afin d'alerter le maître d'oeuvre, les équipes pédagogiques et les entreprises sur les points de vigilance à observer pour permettre la meilleure cohabitation possible entre travaux et école.
Un échange régulier avec les parents d'élèves est également de nature à les rassurer et à apaiser les tensions : si des travaux de six mois ou un an peuvent sembler relativement brefs à l'échelle de vie d'un bâtiment, leur impact est significatif pour un élève qui ne passe que trois ou quatre années dans le même établissement.
2. La sensibilisation et l'association des usagers des bâtiments scolaires, clé d'une rénovation réussie
Les auditions et les déplacements ont mis en avant la nécessité de faire adhérer l'ensemble de la communauté éducative - enseignants, personnels administratifs et techniques, élèves, parents d'élèves - aux projets de travaux.
En effet, si le bâti scolaire est de la responsabilité des collectivités territoriales, les usagers ont un rôle décisif pour générer les économies d'énergie programmées. Or, comme l'a souligné la représentante de l'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB) lors de la table ronde du 6 avril, « souvent, les chefs d'établissements ne connaissent pas le montant des factures d'énergie de leur collège ou lycée. Il en va de même des enseignants. ». Plus prosaïquement, le payeur n'est pas l'utilisateur. Pour la vice-présidente du conseil départemental des Hauts-de-Seine chargée de l'éducation et du numérique éducatif, il est important « de penser à la communication et à la sensibilisation. Nous devons également parler des démarches comportementales, qui peuvent très rapidement conduire à des baisses de consommation de 20%. [...] Nos agents doivent être formés pour mieux gérer le chauffage, la lumière des bâtiments, notamment avant le week-end ou les vacances scolaires. De petits gestes simples, tant des élèves que des enseignants, peuvent faire baisser la consommation. Il suffit d'initier ces pratiques au quotidien »103(*). Faute de changement de culture de l'utilisateur, les investissements souvent lourds restent inopérants - ou peu opérants.
La mission en est convaincue, la concertation avec les équipes pédagogiques en amont des travaux est l'une des clés d'une rénovation réussie. Les personnels - et les élèves - s'approprieront d'autant mieux les bâtiments que ceux-ci répondent à leurs besoins.
Cette consultation permet d'éviter des conflits d'usage : la transformation de la cour en îlot de fraicheur ne doit pas empêcher toute pratique sportive, notamment les cours d'EPS. De même, les aménagements réalisés ne doivent pas se faire au détriment de la surveillance des élèves. Enfin, plusieurs représentants d'enseignants ont regretté une insuffisante prise en compte de leurs conditions de travail au moment de la rénovation ou de la construction d'un nouvel établissement scolaire.
3. Les pièges de l'entretien et de la maintenance
Dès le début du projet, la question de l'entretien et de la maintenance des nouveaux équipements doit être posée. Il ressort des auditions menées la nécessité de faire le choix de matériaux robustes et faciles d'entretien, afin de limiter les coûts de maintenance à moyen terme. Pour la vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes, les collectivités territoriales doivent privilégier une rénovation « low-tech » : « Nous savons que les bâtiments scolaires, notamment quand ils sont pris en charge par de petites collectivités territoriales, ne disposent pas d'organismes ou d'équipes de maintenance performantes. Il convient donc de privilégier des solutions de robustesse et nécessitant peu de maintenance. [...]Par exemple, nous préconisons d'éviter les systèmes de ventilation à double flux qui impliquent une maintenance exigeante »104(*). Ce constat est partagé par le maître d'oeuvre du chantier de rénovation de l'école Saint Louis Gare à Marseille, rencontré le 25 mai 2023 : « pour les fenêtres par exemple, nous avons fait le choix d'une ouverture mécanique. C'est facile d'utilisation et d'entretien. Dès qu'il y a de l'électronique, cela pose problème ».
Au-delà des coûts de maintenance, c'est même l'adaptation de celle-ci aux nouveaux équipements qui peut poser problème, comme en a témoigné un élu consulté par la mission d'information : « la chaudière, trop complexe pour notre technicien, est impossible à régler »105(*).
De plus, les économies réalisées grâce aux nouveaux équipements sont parfois en deçà de ce qui était attendu. Cette défaillance peut tenir à une mauvaise utilisation du bâtiment rénové. Cette problématique a été mise en avant par le réseau FLAME, qui constate que « de trop nombreuses rénovations n'atteignent les performances souhaitables qu'après au moins deux années en raison de dysfonctionnements d'équipements ou de mauvais réglages »106(*).
4. La rénovation des lycées professionnels : des contraintes spécifiques
À la demande de la rapporteure, Régions de France107(*) a analysé les difficultés spécifiques que présente la rénovation écologique des lycées professionnels :
- leurs locaux nécessitent des aménagements particuliers et « présentent des spécificités propres à leurs enseignements (ateliers difficiles à chauffer) ou encore des process bien particuliers et très énergivores (atelier bois, fabrication de verre, cuisine pédagogique, animalerie...) » ;
- ces investissements impliquent une stabilité des effectifs dans le temps : or les régions constatent des évolutions rapides en matière d'attractivité des formations professionnelles, qui constituent un obstacle en soi. Certaines filières « ferment par manque d'élèves alors que des aménagements récents y ont été réalisés » par les régions.
C. UN DÉFI : DES BUDGETS SUBSTANTIELS, DES CHANTIERS DONT LE COÛT EST DIFFICILE À ANTICIPER
La question des financements est au coeur de la rénovation énergétique des bâtiments publics, en particulier scolaires. En effet, les collectivités territoriales sont appelées à accroître considérablement les investissements consacrés à leur patrimoine immobilier afin de respecter les engagements de la France et de l'Union européenne en matière de neutralité climatique.
Or à la spécificité des projets de rénovation des bâtiments scolaires, précédemment évoquée, répondent des difficultés particulières en matière de financement.
D'une part, quelle que soit l'ampleur des travaux
envisagés
- rénovation lourde, rénovation
énergétique, rénovation globale
« embarquant » d'autres thématiques comme par
exemple l'aménagement des espaces extérieurs ou des mises aux
normes en matière d'accessibilité et de sécurité,
la rénovation écologique des bâtiments publics des
collectivités territoriales suppose que leur soient consacrés des
moyens très importants.
D'autre part, le coût de ces travaux, particulièrement difficile à anticiper, est sujet à des dépassements qui constituent un défi supplémentaire pour le pilotage de ces projets.
1. La rénovation du bâti scolaire : des budgets substantiels
a) Des prix au m² très variables
La question du coût des travaux de rénovation énergétique est bien évidemment centrale. Force est de constater que les estimations varient beaucoup selon les personnes auditionnées, allant de 300 euros à 1 700 euros par m².
Plusieurs raisons expliquent ces écarts aussi significatifs de chiffrage. La première concerne l'objectif d'économies d'énergie que visent les travaux. Des économies de 20 à 30% peuvent être obtenues en agissant sur la promotion des éco-gestes (gestion du chauffage, extinction des lumières...) ainsi que sur des travaux limités comme le changement des fenêtres ou le remplacement des ampoules par des LED. Le coût pour ces travaux est estimé en moyenne, selon l'Observatoire des contrats de performance énergétique, à 50 euros par m².
Pour la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, l'hypothèse de 300 euros par m², sur laquelle s'est basé le rapport Demarcq pour évaluer le coût de la rénovation thermique du bâti scolaire, ne permettrait d'atteindre que le premier jalon du décret tertiaire (-40% de réduction des consommations d'énergie finale), mais pas les objectifs suivants (-50% en 2040 et -60% en 2050). Pour ce dernier objectif ou pour atteindre une rénovation de niveau BBC, le coût est estimé entre 1 100 et 1 700 euros par m²108(*).
Les différentes estimations présentées lors des auditions
Selon la Caisse des dépôts, sur la base des données publiques de DSIL et DSID exceptionnelles attribuées par France Relance pour la rénovation des bâtiments publics (y compris non scolaires), la fourchette est comprise entre 600 et 900 euros par m2, pour un gain énergétique compris entre 40 et 60%.
D'après l'Observatoire BBC (étude sur les bâtiments rénovés à « basse consommation » de 2019), sur 62 projets étudiés, le montant moyen des travaux de rénovation énergétique est de 469 euros HT/m² SRT (surface thermique, soit surface construite totale hors surfaces non aménageables).
La rénovation énergétique des bâtiments d'enseignement, et plus principalement des groupes scolaires primaires, semble plus coûteuse avec un ratio proche de 540 euros HT/m².
Lors de son audition, l'ADEME a présenté une évaluation réalisée par la région Auvergne-Rhône-Alpes, à partir de 20 projets, dont 9 bâtiments scolaires (rénovation énergétique performante). Le coût est de 455 euros HT/m2 ; 491 euros HT/m2 pour les groupes scolaires.
b) Une estimation assise sur des paramètres divers : l'absence de « budget-type »
La mission d'information a tenté d'approcher la question du coût des opérations de rénovation ou de construction à partir des exemples concrets, qui ont été portés à sa connaissance lors d'auditions ou de déplacements. Le panorama qu'elle a pu établir en fonction des types de rénovation ou construction montre un éventail de fourchettes de prix assez variable.
En fonction des données locales, liées notamment à l'implantation des établissements scolaires, et de l'état ainsi que de la qualité du bâti, les élus locaux s'orientent soit vers des opérations de rénovation plus ou moins lourde, soit vers de nouvelles constructions, parfois moins complexes à mettre en oeuvre et plus adaptées aux besoins des populations.
Or les budgets nécessaires à la réalisation de ces projets varient sensiblement en fonction des opérations, qui constituent autant de cas particuliers, et empêchent d'envisager des « budgets-types ».
Selon les informations transmises par la région Auvergne-Rhône-Alpes, l'estimation du coût d'une construction neuve est de l'ordre de 2 800 à 3 200 euros par m². Cette estimation a, entre autres, été confirmée par les visites de terrain effectuées dans le cadre de la mission d'information. Cependant, dans certains cas, cette fourchette peut être largement dépassée par des considérations locales, et approcher 4 000 euros par m², même si la collectivité n'a pas eu besoin de faire l'acquisition du terrain sur lequel elle a bâti le nouvel établissement.
Construction d'une école primaire en
centre-bourg à Richardménil
en Meurthe-et-Moselle (2 300
habitants)
- surface utile : 1 450 m2 ; terrain appartenant à la commune ;
- coût final du projet : 5,4 millions d'euros TTC ;
- dont subventions : 1,3 million d'euros (DETR, DSIL, région, département, CAF) ;
- soit 3 724 euros/m2 TTC.
Construction du collège Simone Veil à Saint-Renan (8 200 habitants)
- surface utile : 5 700 m2 ; surface totale foncière de 13 000 m2
- coût final du projet : 17 millions d'euros TTC (15,67 millions d'euros TTC pour la seule opération)109(*) ;
- dont subventions : État (2,46 millions d'euros
- soit 2 982 euros/m2 TTC (2 647 euros/m2 pour la seule opération)
Construction de nouveaux lycées en région Auvergne-Rhône-Alpes
- Lycée Gergovie de Clermont-Ferrand (normes E4C2) : 4 600 euros/m2 ;
- Lycée Arnaud-Beltrame de Meyzieu (normes E3C1) : 3 050 euros/m2 ;
- Futur lycée de Meximieux : 2 970 euros/m2.
La restructuration lourde d'établissements vise une réfection complète dans une logique patrimoniale, au-delà des seules considérations du coût de l'énergie. Dans ce cas, le retour sur investissement en termes d'économies réalisées sur la facture énergétique n'est pas pris en compte. La maîtrise de l'énergie est « embarquée » dans ces projets, mais n'en constitue pas nécessairement l'objectif premier. La performance énergétique s'aligne alors dans la plupart des cas sur les meilleures techniques de la construction neuve.
Selon certaines données recueillies par la mission d'information, dans le cadre de ces opérations qui impliquent souvent la construction d'extensions, la part consacrée à la rénovation énergétique représente de l'ordre de 450 à 1 050 euros par m², en fonction de l'état initial des bâtiments, le type de bâtiment et la complexité des travaux à réaliser. La région Auvergne-Rhône-Alpes l'estime dans une fourchette comprise entre 550 et 1 000 euros par m².
Toutefois, lors de la table ronde à la sous-préfecture de Brest à laquelle la mission d'information a assisté le 11 mai 2023, le représentant du conseil départemental du Finistère a estimé que le coût de la rénovation d'un collège pouvait atteindre jusqu'à 3 000-3 500 euros par m², estimation à laquelle il faut parfois ajouter les dépenses dues au désamiantage.
Restructuration de l'école maternelle de la
commune de Rosières-aux-Salines
en Meurthe-et-Moselle (2 900
habitants)
- coût final du projet : 2,4 millions d'euros TTC
- dont emprunt : 600 000 euros
- coût : 2 500 euros/m2 (prix du neuf)
Transformation de l'école de Bouvron en Loire-Atlantique (3 100 habitants)110(*)
- coût total : 3,1 millions d'euros
- dont emprunt : 2,09 millions d'euros
- coût : 1 070 euros/m2
Rénovation de l'école maternelle de
Plélan le Grand en Ille-et-Vilaine
(563 m²
rénovés et 266 m² en extension)
- coût final du projet : 720 860 euros HT
- dont subventions : 319 177 euros
- coût : 870 euros/m2 HT.
Les opérations ciblées sur la rénovation thermique représentent un coût inférieur, évalué par la région Auvergne-Rhône-Alpes à 550-1 000 euros par m², en fonction de l'état initial, du type de bâtiment et de la complexité des travaux à réaliser. Ainsi la rénovation thermique du lycée des Canuts de Vaux-en-Velin a coûté 4,5 millions d'euros, soit 405 euros par m², mais ce projet datant de 2013, son coût devrait être actualisé selon l'inflation des prix des matériaux et de l'énergie. Celle du groupe scolaire Pierre Goujon à Châteauneuf-de-Gadagne s'est établie à 765 700 euros HT, soit 478 euros par m², pour un objectif d'économies d'énergie de 32%.
2. Des dépassements fréquents
La question des dépassements de budget doit aussi être prise en compte par les collectivités lorsqu'elles initient des projets de rénovation. Ces dépassements peuvent être liés, par exemple, à une modification du projet initial, à des travaux d'études non prévus, à la consolidation de fondations et, surtout, à l'augmentation du coût des matériaux. La commune de Rosières-les-Salines, en Meurthe-et-Moselle, a ainsi dû faire face à des imprévus qui se sont traduits par un dépassement d'un million d'euros (rachat d'un bâtiment, mise en accessibilité, travaux d'études supplémentaires, augmentation du coût des matériaux), pour un budget initial de 1,4 million d'euros.
a) Des dépassements liés aux spécificités du bâti scolaire
Aux estimations initiales doit être ajouté le coût des autres travaux d'amélioration du bâti, telle que la mise aux normes d'accessibilité ou de sécurité incendie, les travaux de désamiantage, ou encore la rénovation des sanitaires et les améliorations fonctionnelles des locaux.
Ces travaux peuvent représenter 30 à 40% des coûts totaux. Comme l'a résumé le directeur des bâtiments du Conseil départemental du Nord, « la rénovation thermique ne doit pas être dissociée du reste du projet. Les pratiques éducatives et les effectifs des collèges évoluent : cela suppose un minimum d'adaptations fonctionnelles, notamment pour l'accueil des élèves handicapés. C'est pourquoi nos projets reposent rarement sur les seules opérations de rénovation thermique. En moyenne, un budget de réhabilitation importante se décompose ainsi : un tiers pour l'amélioration énergétique du bâtiment, un autre pour les adaptations fonctionnelles et le dernier tiers pour la mise aux normes »111(*).
L'attention de la mission d'information a également été alertée sur le coût de l'aménagement des espaces extérieurs, qui est souvent oublié. Elle juge souhaitable d'inclure, dès le début d'un projet de rénovation, les réflexions sur l'aménagement de ces espaces, en raison des îlots de chaleur que peuvent constituer les cours, et afin de mieux intégrer le coût de ces travaux à la programmation budgétaire du projet.
Un paysagiste-concepteur a ainsi attiré l'attention de la mission d'information sur des « problèmes de surcoûts, notamment en raison de la lourdeur des travaux de désimperméabilisation des sols, qui peuvent représenter jusqu'à 40% de l'enveloppe globale »112(*).
Les coûts sont d'environ 200 euros par m². La transformation de la cour du collège Georges Pompidou à Courbevoie a coûté deux millions d'euros, tandis que celle du collège Jean-Macé à Clichy s'est élevée à 2,5 millions d'euros pour 6 000 m² d'espaces extérieurs (417 euros par m²).
Le choix de faire effectuer les travaux pendant les congés scolaires est également une cause du renchérissement des devis.
Enfin, la saturation des entreprises du BTP entraîne une augmentation des prix. C'est le constat fait à Marseille, où la mairie a du mal à trouver des entreprises acceptant de travailler au prix proposé, imposant au maître d'oeuvre d'anticiper d'éventuels surcoûts.
Le chantier titanesque de la rénovation des écoles marseillaises
Sur les 470 écoles marseillaises, 188 doivent faire l'objet d'une rénovation majeure, prise en charge par la Société publique locale d'aménagement d'intérêt national de Marseille, pour un budget prévisionnel de 845 millions d'euros.
Le calendrier des travaux s'appuie sur le schéma suivant : l'étude la première année, le lancement des travaux la deuxième année et leur achèvement la troisième année.
Un accord-cadre prévoit, sur dix ans, une rénovation en sept vagues (une vague durant trois ans) :
- Vague 1 : 17 chantiers de rénovation d'écoles à lancer ;
- Vague 2 : 29 chantiers de rénovation d'écoles à lancer ;
- Vague 3 : 48 chantiers de rénovation d'écoles à lancer ;
- Vague 4 : 64 chantiers de rénovation d'écoles à lancer ;
- Vague 5 : 23 chantiers de rénovation d'écoles à lancer ;
- Vagues 6 et 7 : 7 chantiers de rénovation d'écoles à lancer.
Au moment du lancement de la troisième vague, on comptera donc simultanément 94 chantiers en léger décalage dans le temps, qui de surcroît se dérouleront sur un territoire réduit. La Société publique des écoles de Marseille souligne le défi que constitue la conduite de front de tant de chantiers, notamment au regard des problèmes posés par la disponibilité des entreprises, qui risquent de tirer les prix vers le haut.
b) Dépassements imputables au contexte économique
L'ensemble de ces estimations ne prennent pas en compte l'augmentation des coûts du fait de l'inflation. Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire de Marseille chargé du plan Écoles, du bâti, de la construction, de la rénovation et du patrimoine scolaire a ainsi indiqué qu'à Marseille, « les surcoûts pour la rénovation des écoles sont de 15% à 25% supérieurs à ce qui avait été fléché il y a un an et demi »113(*). Cette fourchette est comparable à celle annoncée par Mme Delphine Labails, maire de Périgueux et représentante de l'Association des maires de France, qui a évoqué au cours de la même audition une inflation de 20% à 25% sur les travaux de rénovation des écoles.
L'inflation, mais aussi la volatilité des prix de l'énergie rendent difficiles les calculs d'opportunité des travaux. Comme le souligne l'ADEME, « ces chiffres sont évidemment sensibles aux hypothèses prises sur les coûts de rénovation (qui peuvent aussi augmenter avec l'inflation) » ainsi qu'à « l'évolution des prix de l'énergie »114(*).
3. Un retour sur investissement incertain
« Certains travaux d'efficacité énergétique (remplacement des systèmes d'éclairage et de chauffage-climatisation-ventilation) ont une durée de retour sur investissement de quelques années seulement »115(*).
En revanche, les travaux centrés sur la rénovation énergétique (ventilation, isolation, modification du système de chauffage tel que pompe à chaleur...) ont un temps de retour sur investissement nettement plus long ; il était évalué, en 2020, à une durée comprise entre 20 et 30 ans, ce qui peut inciter certains élus à renoncer à leur projet.
De plus, les économies d'énergie générées sur 20 ans par une rénovation globale au standard BBC ne correspondent qu'à 60% du montant initial des travaux : « Ainsi, une rénovation globale ne serait compensée par les économies réalisées que sur la durée de vie anticipée des matériaux (30 à 50 ans pour une isolation de murs et de toiture) » : les auteurs de cette étude en concluent que « L'enjeu financier ne peut pas être l'unique moteur de la décision de rénovation »116(*).
Certes, cette estimation se fonde sur un niveau des prix de l'énergie observés en 2022 qui doit être actualisée. Toutefois, ce point a été relevé par un certain nombre de témoignages adressés en avril 2023 à la mission dans le cadre de sa consultation en ligne des élus locaux, a fortiori parce que l'explosion récente des prix de l'énergie, en amplifiant la contrainte budgétaire pesant sur les collectivités territoriales, semble de nature à décourager la mise en oeuvre de certains projets.
En outre, certaines personnes auditionnées se sont interrogées sur l'opportunité d'investir dans la production d'énergies renouvelables, plutôt que dans des travaux dont « les retours sur investissement sont de l'ordre d'un siècle » : « nous investissons entre 150 et 200 millions d'euros pour un quart de nos collèges : ne vaudrait-il pas mieux diriger ces financements vers de la production locale d'énergie renouvelable, comme la géothermie, quitte à faire des travaux plus modestes sur un patrimoine énergivore ? »117(*).
Vu l'ampleur des moyens qu'implique la rénovation des bâtiments scolaires, la mission d'information a noté, lors de son déplacement à Brest, la remarque du représentant du conseil départemental du Finistère : si les collèges représentent le patrimoine bâti le plus important du département, la contrainte budgétaire actuelle empêche celui-ci de financer la rénovation énergétique de tous les bâtiments qui en auraient besoin, malgré de réelles préoccupations en la matière. Cette remarque lui semble transposable à de très nombreuses collectivités.
Elle observe également, dans le même esprit, que le conseil départemental de la Drôme relève qu'au regard de l'ampleur de la tâche (« il reste beaucoup à faire pour arriver aux objectifs 2030-2040 et 2050 »), des aides seront « nécessaires » pour financer la rénovation des collèges118(*).
D. DES EXIGENCES PARFOIS INCONCILIABLES : Y A-T-IL DES RÉNOVATIONS DE BÂTIMENTS SCOLAIRES EXEMPTES D'INCONVÉNIENTS ?
La mission d'information a été alertée sur la fréquence d'exigences inconciliables qui illustrent la complexité particulière des opérations de rénovation de bâtiments scolaires. En voici quelques exemples.
- Les conséquences sanitaires de la végétalisation des espaces extérieurs, évoquée précédemment à propos du risque de canicule, doivent être prises en compte. Les enfants ne sont pas toujours conscients de la dangerosité de certains végétaux, dont les fruits peuvent être tentants au premier regard : certaines espèces doivent donc être exclues. Le risque d'allergie doit également être intégré, ce qui souligne l'intérêt d'associer l'équipe pédagogique à la conception des travaux et aménagement.
En Guadeloupe, certains espaces végétalisés ont attiré des rats, conduisant à la fermeture des établissements scolaires pour cause de risque de leptospirose.
En outre, à La Réunion, le Centre d'innovation sur le bâti tropical (CIRBAT) a mis en garde contre l'utilisation de certains végétaux qui attirent les termites. La mission d'information a pris connaissance avec intérêt des recherches réalisées par cet organisme, notamment à l'heure où l'on promeut une décarbonation de la construction et l'utilisation de matériaux biosourcés119(*). Certes, La Réunion abrite des espèces endogènes de termites, et plus généralement une faune et une flore spécifiques, mais ces alertes méritent d'être diffusées pour permettre un partage d'expérience.
- De même, les conséquences de la végétalisation en termes de maintenance et d'entretien doivent être intégrées en amont des projets d'investissement, qu'il s'agisse de l'arrosage des plantes pendant les congés scolaires ou du nettoyage des sols à l'intérieur des locaux. Dans le même esprit, des initiatives telles que la création d'un poulailler, évoquée lors de l'audition des architectes et des paysagistes120(*), peuvent être de fausses bonnes idées si personne n'est en mesure de nourrir les animaux pendant les congés.
- Paradoxalement, les travaux d'isolation thermique de certains bâtiments scolaires, qui disposaient d'un renouvellement naturel de l'air, ont pu conduire à une détérioration de la qualité de celui-ci, en rendant le bâtiment plus hermétique.
- De même, l'installation d'équipement de ventilation, garantie de qualité de l'air intérieur, peut être en contradiction avec l'objectif de maîtrise des dépenses énergétiques. Le cas du collège Simone Veil de Saint-Renan, dans le Finistère, illustre ce constat : la ventilation représente désormais une part importante - 58% - de l'énergie consommée (ses moteurs sont électriques et les volumes à ventiler sont grands) : ce point n'avait pas été anticipé et cette « surprise », de l'aveu des concepteurs du projet, pose aujourd'hui des problèmes en raison de l'évolution des prix de l'énergie malgré son « excellence technique », conduisant à interrompre le renouvellement d'air à certains moments de la semaine pour des raisons d'économie budgétaire.
Ce point a été confirmé par un élu consulté sur la plateforme du Sénat : « Le réchauffeur de la VMC double flux a doublé nos consommations. Ce serait tout à reprendre ».
- Comme l'a relevé notre collègue Marie-Pierre Monier, qualité de l'air intérieur et préservation patrimoniale peuvent également être en concurrence : « Concernant la qualité de l'air (...), je m'interroge sur les diagnostics qui ne tiennent pas compte du bâti ancien et pour lesquels on préconise parfois une isolation extérieure en abîmant les façades et sans tenir compte de l'aération naturelle dans ces bâtiments. Du coup, on est obligé de tenir compte de ces diagnostics, alors même qu'ils conduisent à une rénovation qui va à l'encontre du bâti ancien et de la santé des enfants »121(*).
- La difficulté liée à la contradiction entre les exigences de conservation du patrimoine et la transition écologique n'est pas propre aux établissements scolaires, mais a été relevée de manière récurrente dans le cadre de la consultation en ligne des élus locaux à propos des interventions des architectes des bâtiments de France (ABF) : « Comment faire évoluer les architectes des bâtiments de France ? Le plus urgent est-il des critères esthétiques subjectifs et personnels ou la baisse urgente de l'empreinte carbone ? ».
- Enfin, les projets de rénovation du bâti scolaire sont confrontés à des dérives des coûts, qui peuvent être dues à des exigences patrimoniales : selon un témoignage reçu par la mission d'information, relatif au bâtiment à énergie positive d'une maison France services, la nécessité de poser des panneaux photovoltaïques « rouges comme les tuiles », à la demande de l'ABF, s'est traduite par un surcoût de 30%.
II. L'INGÉNIERIE, UN ENJEU ESSENTIEL À L'HEURE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
Pour les aider dans la réalisation de leurs projets de rénovation ou de construction de bâtiments, les collectivités territoriales peuvent faire appel à différents structures et dispositifs, présents au niveau national ou local.
De nombreux « interlocuteurs potentiels » sont en effet susceptibles d'informer et/ou d'apporter aux élus locaux l'expertise technique et l'ingénierie dont ils ont besoin, comme le soulignait devant la mission d'information le directeur général du CEREMA - climat et territoires de demain122(*).
Certes, cette diversité est une contrepartie de la complexité des questions posées par la rénovation des bâtiments scolaires, comme l'a fait observer à la mission d'information le directeur général du CEREMA. La mission d'information considère cependant que cette dispersion des partenaires potentiels des collectivités peut être source de difficultés pour des élus confrontés à un véritable « maquis » d'offres d'accompagnement. Comprendre « qui fait quoi » demeure trop souvent un vrai défi pour de nombreux élus, même si certains territoires présentent en matière d'ingénierie des exemples d'écosystèmes efficaces.
En outre, cette pluralité de guichets contraste avec de fortes inégalités entre les territoires, malgré des initiatives intéressantes visant la mutualisation des moyens en ingénierie entre collectivités.
A. DES BESOINS QUE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE CONTRIBUE À ACCROÎTRE
Ainsi que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation l'a rappelé dans un rapport récent123(*), le besoin d'ingénierie des élus repose sur :
- l'ingénierie amont, qui « permet de passer de l'idée au projet », « de le mettre en perspective avec les enjeux des territoires, de le repositionner dans un contexte plus global, d'interroger sa dimension financière sur le moyen terme, de travailler à sa faisabilité » ;
- une ingénierie administrative et financière, qui « permet d'avancer le projet au plus près de sa phase de réalisation » et « intègre une dimension de recherche de financements permettant sa réalisation » ;
- l'assistance à maîtrise d'ouvrage afin de « piloter le projet dans sa phase opérationnelle » ;
- la combinaison de ces trois types d'ingénierie en cas de « projets complexes et transversaux ».
Le rapport précité de la délégation aux collectivités territoriales relève également que les besoins en ingénierie sont aujourd'hui « plus élevés que jamais ».
Ce constat tient à des facteurs conjugués.
- Il tient, d'une part, à « la complexification de l'action publique et de la densification de l'environnement réglementaire et technique »124(*).
Ces besoins en ingénierie sont renforcés notamment par le fonctionnement par appels à projets qui caractérise les attributions de subventions : ce point a été mentionné par de nombreux élus rencontrés par la mission, lors de ses auditions et déplacements ainsi que sur la plateforme de consultation du Sénat. Cette pratique présente pour les collectivités territoriales l'inconvénient majeur d'exiger des moyens importants en ingénierie dédiée, or « ces compétences et ces moyens humains peuvent manquer notamment dans les petites collectivités »125(*).
- D'autre part, la transition écologique suscite de nouveaux besoins, comme l'a relevé le directeur général de l'ANCT lors de son audition par la rapporteure.
Ce constat rejoint celui de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales : les projets de transition environnementale appellent en effet, entre autres conséquences, un suivi des investissements réalisés ainsi qu'une évaluation de la performance énergétique qui en résulte. Or ces missions sont caractérisées par un haut niveau de compétence technique. Ainsi, les enjeux de la transition environnementale « ajoutent aux besoins traditionnels d'une ingénierie de premier niveau, des besoins d'une ingénierie de second niveau »126(*).
Le lien entre les besoins d'ingénierie et les exigences de la transition écologique a été documenté par de récents travaux de recherche : selon une estimation concernant l'ensemble des investissements des collectivités territoriales liés au climat127(*), il faudrait au moins 25 000 agents dédiés à la transition climatique dans les collectivités territoriales, ce qui représente une dépense de 1,5 milliard d'euros par an128(*), soit l'équivalent de 2% de la masse salariale des collectivités129(*).
Par ailleurs, les collectivités sont aujourd'hui confrontées à des difficultés de recrutement pour les emplois qui nécessitent des compétences techniques. Elles se trouvent en concurrence notamment avec les bureaux d'étude, lesquels proposent, en général, une rémunération plus attractive. Intercommunalités de France a insisté sur la difficulté que rencontrent les intercommunalités en matière de recrutement d'énergéticiens, de thermiciens et d'économes de flux, qui sont aujourd'hui considérés comme des métiers en tension.
B. UNE DIVERSITÉ D'INTERLOCUTEURS POTENTIELS POUR LES COLLECTIVITÉS
1. « Qui fait quoi ? »
a) De nombreux acteurs susceptibles de soutenir les projets des collectivités
Ainsi que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales l'a récemment relevé, l'ingénierie est désormais « portée par une pluralité d'acteurs locaux »130(*) : les départements, les intercommunalités, les régions, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), les agences d'urbanisme, les agences techniques départementales, les parcs naturels régionaux ainsi que des acteurs privés (selon la fédération professionnelle Syntec-Ingénierie, ce secteur concentre quelque 70 000 établissements employant près de 312 000 collaborateurs).
Parallèlement au recours aux services de l'État, dont Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a souligné la disponibilité et l'implication, et au soutien apporté par les autres collectivités territoriales (régions, départements, EPCI), les élus locaux peuvent ainsi s'adresser à des acteurs très divers.
- Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) peut accompagner les acteurs locaux dans leurs projets en termes d'ingénierie et d'expertise technique dans un certain nombre de domaines liés à la transition climatique. Ce dispositif d'accompagnement est proposé aux collectivités adhérentes. Il joue à leur égard un rôle comparable à celui de leurs agences d'urbanisme. Le CEREMA compte aujourd'hui 634 adhérents - 80% des régions, 70% des départements et environ 250 à 350 intercommunalités et collectivités.
- L'Agence de la transition énergétique (ADEME) peut participer au financement d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) qui réalise ensuite les études et missions nécessaires à la mise en oeuvre d'un contrat de performance énergétique. Elle finance aussi à hauteur de 50% la réalisation du schéma directeur immobilier énergétique (SDIE), sur la base d'un cahier des charges rédigé conjointement avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Elle est l'initiatrice du dispositif des conseillers en énergie partagés (CEP) et aide au financement de ces postes pendant les trois premières années avec un objectif de pérennisation.
- Les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) proposent une information aux collectivités territoriales et un partage des bonnes pratiques ainsi que des actions de sensibilisation et de formation à l'attention des décideurs, des usagers et des professionnels. Son réseau est impliqué depuis longtemps, à l'échelle départementale, dans la problématique du bâti scolaire.
Les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE)
Créés par la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977, ils ont pour missions : la qualité du cadre de vie, l'information, la sensibilisation, la formation et le conseil sur les questions d'architecture, d'urbanisme, d'environnement et de paysage. Ces missions sont exercées gratuitement et financées par une partie de la taxe d'aménagement.
Les publics visés sont larges : des élus et des collectivités aux particuliers, en passant par les professionnels et le public scolaire.
Le réseau des CAUE est impliqué de longue date, à l'échelle départementale, sur le sujet du bâti scolaire. C'est en effet une problématique transversale qui concerne à la fois les territoires urbains et ruraux, avec cependant d'importantes différences selon les territoires où le besoin en bâti scolaire varie selon des dynamiques démographiques différentes. Plus précisément, les actions des CAUE portent d'abord sur le bâti existant, avec l'accompagnement à la rénovation et à la réhabilitation, y compris des cours d'école, la question de l'intégration des usages ou encore la préservation de la qualité architecturale à travers la rénovation. Les CAUE interviennent également sur les projets futurs en encourageant des pratiques vertueuses d'architecture bioclimatique, de sobriété énergétique ou de mutualisation.
- L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) intervient essentiellement en matière d'ingénierie amont, plus particulièrement auprès des petites collectivités (communes de moins de 3 500 habitants et EPCI de moins de 15 000 habitants). Comme l'a indiqué le directeur général de l'ANCT lors de son audition par la rapporteure, l'intervention de l'ANCT permet aux collectivités de décliner un plan d'action qui sécurise la conduite de leur projet. Par la suite, les agences techniques départementales peuvent prendre le relais de son expertise.
Selon des témoignages d'élus adressés à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation131(*), le retour d'expérience est favorable :
- « Il apparait que l'opportunité ouverte par l'agence a permis la réalisation de projets qui étaient alors peu formalisés, mal définis, ou bloqués. Ces éléments sont d'autant plus appréciés que la collectivité ne disposait pas de solution locale pour l'ingénierie, notamment lorsque le projet était d'intérêt communal et n'avait pas vocation à être traité au niveau intercommunal » ;
- l'agence prend en charge à des niveaux très élevés le recours à une expertise privée (80 ou 100%), ce qui « permet à la collectivité d'accéder à une prestation qu'elle n'aurait jamais eu les moyens de s'offrir » ;
- la plupart des collectivités estiment que « les procédures ANCT sont assez rapides en comparaison avec d'autres circuits d'aides » : entre le moment de la demande et le résultat de son traitement, il se passe entre 10 et 30 jours » ; « le déclenchement de l'aide intervient dans les semaines qui suivent » ;
- il est exceptionnel qu'un avis soit négatif : « sur l'année 2022, il y a eu 5% d'avis défavorables ».
- La Banque des territoires, dont l'action sera évoquée dans la troisième partie, intervient également, parallèlement aux prêts qu'elle propose aux collectivités, pour apporter soutien à l'ingénierie territoriale et financière.
- Outre ces acteurs, FIN INFRA, mission d'appui au financement des infrastructures, qui dépend de la direction générale du Trésor du ministère de l'économie, a pour mission de conseiller les personnes publiques sur les aspects juridiques et financiers d'un projet d'investissement132(*).
Toutes les personnes publiques, l'État, les collectivités territoriales ainsi que les groupements de collectivités et établissements publics associés, peuvent saisir cette structure, laquelle a développé un partenariat avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
Les collectivités territoriales représentant une part très importante des dossiers traités par la mission. Ainsi, en 2022, 75 projets d'investissement ont été traités par FIN INFRA dont 48 étaient portés par des collectivités territoriales, soit près de 65% des interventions.
Toutefois, seuls les projets de plus de 5 millions d'euros y sont éligibles, ce qui est de nature à limiter la faculté de pouvoir recourir à cet appui.
FIN INFRA n'intervient en effet que sur des projets d'envergure. On peut citer, par exemple :
- la rénovation de 5 écoles pour la ville de Brest en 2018 ;
- le projet de rénovation de 21 lycées en Ile-de-France en 2019 ;
- le plan de rénovation des écoles de Marseille en 2023, qui représente un investissement à hauteur de 845 millions d'euros sur 8 ans, et qui doit permettre de rénover 188 écoles, avec une forte composante de rénovation énergétique. L'État apporte un soutien à hauteur de 400 millions d'euros.
- Le programme « Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique » (ACTÉE) a été mis en place pour appuyer les collectivités, notamment les plus petites, dans la réalisation de leurs projets de rénovation énergétique. Porté par le réseau des syndicats d'énergie et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), il met à disposition et finance des outils d'aide à la décision pour soutenir les collectivités dans leurs projets de rénovation énergétique des bâtiments, notamment les bâtiments scolaires. Il anime le réseau des économes de flux qui ont un rôle d'accompagnement des élus locaux dans leurs opérations de rénovation.
ACTÉE - Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique
Programme porté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), ACTÉE a pour objectif de mettre à disposition des collectivités des outils d'aide à la décision pour les aider à développer des projets de rénovation des bâtiments publics.
Il propose aux collectivités territoriales de :
- financer les projets de rénovation avec des outils concrets et opérationnels pour piloter et optimiser la rénovation énergétique de leurs bâtiments publics : aide aux diagnostics de votre patrimoine immobilier, plan d'actions et stratégies patrimoniales pluriannuelles, création de postes d'économe de flux pour assurer le suivi des travaux... ;
- identifier d'autres territoires porteurs de projets pour les regrouper et inscrire la rénovation énergétique dans le cadre d'une dynamique commune ;
- réduire les coûts en tirant parti de la mutualisation de moyens créée par le regroupement de syndicats d'énergie, de communautés d'agglomération ou de métropoles.
Deux types de projets de rénovation sont ciblés par ce programme : l'efficacité énergétique des bâtiments publics et les systèmes énergétiques efficaces et bas carbone.
- Les Agences locales de l'énergie et du climat (ALEC) sont des associations créées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour conduire des activités d'intérêt général favorisant, au niveau local, la mise en oeuvre de la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elles sont reconnues dans le code de l'énergie, à l'article L. 211-5-1, pour accompagner les collectivités territoriales dans leur politique énergie-climat, dans une démarche neutre et indépendante. Elles jouent essentiellement un rôle d'« agences d'ingénierie mutualisées ».
Les Agences locales de l'énergie et du climat
Les ALEC sont fédérées dans un réseau (FLAME) qui mutualise l'action des agences et couvre ainsi 23 millions d'habitants. Plus de 600 salariés sont au service de 14 métropoles, 50 communautés d'agglomération et 200 communautés de communes.
Elles mettent leur expertise au service de l'intérêt général et possèdent une vision territoriale très étendue, qui leur permet de conjuguer de façon pertinente tous les enjeux de sobriété, d'efficacité énergétique et de développement d'énergies renouvelables, au bénéfice des collectivités territoriales.
Ce sont des agences d'ingénierie territoriale mutualisées qui permettent, selon l'ADEME, d'optimiser au maximum les effectifs de conseillers d'énergie partagés : « Nos agences sont portées par plusieurs niveaux de collectivités : ce sont des outils de proximité qui sont vraiment au service des élus locaux et favorisent l'émergence de projets en réunissant autour de la table tous les acteurs concernés par la rénovation thermique des bâtiments, qui est bien évidemment un élément clé de la transition énergétique que nous appelons de nos voeux.
Les ALEC ont accompagné plus de mille rénovations de bâtiments scolaires, ce qui leur permet d'avoir un retour d'expérience très concret et précis en la matière »133(*).
- Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), établissement public à caractère industriel et commercial fondé en 1947 pour accompagner la reconstruction d'après-guerre et garantir la qualité et la sécurité des bâtiments, contribue aussi à l'accompagnement des collectivités territoriales dans une démarche globale. Il mobilise son expertise en appui aux politiques publiques et en soutien aux acteurs et usagers du bâtiment et de l'environnement urbain. Par exemple, une expérience a été conduite dans le département du Var, avec la réalisation de diagnostics multicritères, de simulations de constructions et de scénarios de rénovation de collèges.
b) Des « écosystèmes » spécifiques à certains territoires
La pluralité des acteurs susceptibles d'accompagner les collectivités dans leur projet de rénovation ou de construction conduit ainsi à une organisation structurellement différente selon les territoires. En fonction des niveaux de collectivité, mais aussi d'un point de vue géographique, les schémas et l'articulation entre les acteurs sont parfois très éloignés les uns des autres, tout en permettant de répondre de manière satisfaisante aux besoins locaux.
Dans certains territoires, les élus font essentiellement appel aux agences locales de l'énergie et du climat (ALEC) ; ailleurs l'ADEME, la région ou un EPCI domine le paysage. Parfois aussi la collectivité choisit de s'engager dans des travaux d'amélioration de la performance énergétique en n'étant accompagnée que par un architecte et un bureau d'étude privé. Ce maillage très spécifique à chaque territoire est souvent identifié par les acteurs locaux et satisfait ceux-ci, comme le montrent certains témoignages recueillis par la mission d'information.
Les élus consultés en ligne par la mission d'information en avril 2023 ont cité les structures suivantes (pour ceux qui ont recouru à un accompagnement), tant publiques que privées : ALEC, ADEME, bureaux d'études, entreprises locales, CAUE, cabinets privés, syndicats départementaux de l'énergie, parcs naturels, agences de l'eau, agences techniques départementales, agences d'ingénierie départementales. L'État n'est pas absent (mention des sous-préfectures). Sont également régulièrement mentionnées les autres collectivités (départements, régions, EPCI, communautés de communes, pays)134(*). Certaines réponses font état du recours à différents partenaires pour le même projet (cabinet d'ingénierie et syndicat départemental de l'énergie ; syndicat départemental de l'énergie et ADEME ; cabinets d'études et ADEME ; CAUE et agence technique départementale ; cabinets d'études, architectes et ALEC, ALEC et conseil départemental...).
c) Une source de perplexité pour certains élus
Selon les témoignages reçus en ligne par la mission d'information, des élus se déclarent décontenancés par la dispersion de ces guichets ; ils témoignent de « difficultés à trouver le bon interlocuteur technique pour être bien conseillé et prioriser les actions » et appellent à une clarification de leurs rôles respectifs.
Si certains élus consultés en ligne par la mission d'information ont un jugement positif sur l'accompagnement dont ils ont bénéficié, cette diversité d'acteurs et la multiplicité des interlocuteurs susceptibles de soutenir leur projet ne sont cependant pas un gage d'efficacité universellement reconnu.
Des témoignages expriment ainsi des doutes sur l'efficacité opérationnelle de ces divers guichets : « Des conseils à foison, des préconisations, des aides pas vraiment » ; « Nous n'aurions pas pu faire ces travaux en faisant intervenir tout ce beau monde qui en général conseille, mais n'assume pas le coût de leurs préconisations ».
Signe de la complexité de la rénovation écologique des bâtiments scolaires, certains acteurs sont diversement appréciés : ainsi l'ADEME est parfois jugée « inaccessible », régie par des « conditions (...) trop contraignantes, (qui) changent tout le temps » ; les ALEC bénéficient de retours positifs, mais font aussi l'objet de critiques, de même que les acteurs privés comme les bureaux d'études, tantôt jugés « efficaces et performants », tantôt considérés comme responsables de dérives des coûts et dénués de « compétence opérationnelle », « dont les propositions ne sont pas applicables dans la réalité ».
d) Un risque de confusion : l'exemple des économes de flux et des conseillers en énergie partagés
La distinction entre les conseillers en énergie partagés et les économes de flux peut sembler déroutante au premier abord.
Le dispositif des CEP a été créé pour soutenir les collectivités territoriales qui ne disposent pas de suffisamment de moyens en ingénierie. Pour reprendre la définition proposée lors de la table ronde sur l'accompagnement des collectivités dans leurs projets de rénovation du bâti scolaire, le 13 avril 2023 à la préfecture de Meurthe-et-Moselle, le CEP est un « facilitateur d'économies d'énergie au sein d'une commune »135(*).
Les missions des conseillers en énergie partagés (CEP)136(*)
« Un CEP est avant tout un thermicien dont le poste est mutualisé pour intervenir dans une vingtaine de petites communes, généralement d'une taille moyenne de 1 000 à 1 500 habitants. Tout d'abord, ils réalisent un bilan-diagnostic pour évaluer l'état de l'ensemble du patrimoine - en particulier des bâtiments communaux, qui sont au nombre d'environ quinze par commune - et les flux en termes de consommation d'énergie, ce qui permet de détecter les erreurs de facturation et de formaliser des préconisations hiérarchisées. Ensuite, ils accompagnent les élus qui prennent l'initiative de réaliser un projet de rénovation : ceux-ci bénéficient alors d'une aide pour la rédaction de cahiers des charges, le choix de la maîtrise d'oeuvre et la recherche des aides mobilisables. Ce n'est pas de l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO), mais c'est tout de même un accompagnement de projet. Enfin, ils assurent le suivi des travaux en cours et évaluent leur impact sur la réduction de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre.
Au-delà de cet accompagnement que je qualifierai de bilatéral, une animation est également amorcée au niveau du territoire - qui peut être un bassin d'emploi, un département ou une communauté de communes - avec des actions groupées comme des achats en commun, la mise en réseau des acteurs, l'information, la sensibilisation et le retour d'expérience. »
Les économes de flux, qui relèvent du programme ACTÉE, porté par la FNCCR, ont pour mission de compléter le maillage territorial des conseillers en énergie partagés et d'apporter « une expertise complémentaire sur le plan du financement, élément essentiel pour favoriser le passage à l'action. D'où l'importance de ce conseil local en flux financiers, qui connait également le mécanisme des certificats d'économie d'énergie, les différentes aides mobilisables sur le terrain, les outils juridiques et financiers, y compris le contrat de performance énergétique (CPE) qui permet d'alimenter la réflexion des élus »137(*).
Le financement des économes de flux - le programme ACTÉE
Doté d'un budget de 220 millions d'euros, le troisième volet du programme ACTÉE comprend un volet financement des postes d'économes de flux avec notamment l'objectif de recruter 500 postes supplémentaires. Il est destiné à des secteurs plus spécifiques, notamment la sobriété dans les écoles. Le bâti scolaire devrait bénéficier de la création de postes dédiés, en partenariat avec la Banque des territoires.
Le programme ACTÉE a connu une montée en charge importante, puisqu'il n'était doté au départ, en 2019, que de 12 millions d'euros. Cependant, il devrait s'achever en décembre 2026. Lors de la première période du programme (2019-2021), 3,8 millions d'euros ont permis de financer (à hauteur de 50%) 56 postes d'économes de flux dans les territoires. Les résultats d'ACTÉE 2 seront connus au début de l'année 2024.
En principe, les missions des CEP sur un territoire ne doivent pas se trouver en concurrence avec les économes de flux et ces deux dispositifs sont supposés agir en complémentarité. Ainsi, en cas de demande d'effectifs supplémentaires d'économes de flux par une collectivité territoriale, la FNCCR s'assure de l'absence de CEP sur le territoire concerné.
En réalité, il ressort des auditions réalisées par la mission d'information que cette complémentarité est théorique :
- les conseillers en énergie partagés et les économes de flux sont des « cousins très proches »138(*), qui disposent d'une formation similaire, dispensée dans les mêmes écoles. À ce titre, ils peuvent alternativement exercer l'une ou l'autre profession et sont en quelque sorte interchangeables ;
- leurs activités varient aussi selon le type de territoire sur lequel elles s'exercent, rural ou urbain. « Par exemple, en territoire urbanisé, le besoin d'ingénierie est majoré et l'économe de flux intervient alors plus en amont et moins sur la maîtrise d'ouvrage. Il en va différemment dans la ruralité, comme en Bretagne, où le réseau des ALEC est plus développé : d'autres types d'acteurs vont alors se mettre en place avec une forme spécifique d'ingénierie. Nous fournissons donc des personnels qui sont, en quelque sorte, le carburant de l'action et il revient aux acteurs locaux de s'approprier ces outils nationaux »139(*).
2. Des inégalités entre les territoires
a) La situation des petites communes
Comme le relevait la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales dans un rapport de 2020 sur l'ingénierie dans les territoires, l'État s'est désengagé de l'ingénierie locale depuis le début des années 2000 pour deux raisons : « le changement de régime juridique des prestations d'assistance technique a fait entrer l'ingénierie traditionnellement fournie par l'État dans le champ concurrentiel et les règles des marchés publics » ; les réformes territoriales successives « ont conduit l'État à abandonner (...) les prestations de maîtrise d'oeuvre ». Pourtant, « le retrait des services de l'État ne s'est pas compensé symétriquement du côté des collectivités locales »140(*), qui ne disposent pas nécessairement de moyens autonomes, adaptés et dimensionnés aux enjeux actuels de l'action des collectivités territoriales.
L'accès à l'ingénierie est inégal en fonction de l'échelon territorial.
Les régions et les départements, comme l'ont souligné les représentants du réseau AMORCE141(*), sont les collectivités les plus en capacité de suivre les dossiers et les projets de rénovation des bâtiments scolaires. Ce constat a été confirmé par les représentants des associations d'élus lors de leurs auditions. Ainsi les régions disposent-elles, selon Régions de France, de services compétents et outillés pour piloter leurs projets de rénovation/construction de lycées142(*).
Dans cette logique, les demandes de soutien en ingénierie émanent essentiellement des communes et des départements ruraux.
Lors de la table ronde organisée à la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 13 avril 2023, la représentante de l'Association des maires ruraux du département a témoigné des « réalités de la ruralité » dans sa mairie, faisant valoir que la présence d'une secrétaire de mairie à raison d'une journée par semaine lui permettait difficilement de faire face à toutes les missions qu'implique l'exercice de son mandat, citant notamment les demandes de devis et de subventions qu'impliquent la plupart des projets.
Cette difficulté spécifique aux petites communes a été relevée à plusieurs reprises lors de l'audition de Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Comme l'a rappelé notre collègue Jocelyne Guidez : « N'oubliez pas que les petites municipalités n'ont plus de secrétaire de mairie. Les maires se retrouvent tout seuls ! »143(*).
À ce titre, l'intercommunalité peut apporter son soutien aux communes dans le cadre d'une mutualisation de l'ingénierie technique et financière. Les EPCI disposent généralement de ressources techniques et humaines, ce qui n'est pas toujours le cas des communes. Ils sont donc, en fonction de leurs dimensions, en mesure de recruter des personnels dédiés à l'étude et à la réalisation de projets de rénovation qui peuvent soutenir d'autres collectivités.
Les départements et les régions mettent également à la disposition des communes des moyens humains.
Lors de son déplacement en Meurthe-et-Moselle, le 13 avril 2023, les initiatives de la région Grand Est pour soutenir les collectivités dans la rénovation énergétique de leur patrimoine ont été présentées à la mission d'information. Ainsi, la région finance les phases de diagnostic ou études de faisabilité à travers le dispositif Climaxion. Pour accompagner ces collectivités dans leurs démarches de rénovation énergétique, la région déploie sur son territoire 12 chargés de mission Transition énergétique basés dans les Maisons de région. Ce dispositif a pour but d'inciter les maîtres d'ouvrage à réaliser des rénovations performantes visant le niveau de performance BBC, au-delà des réglementations thermiques en vigueur144(*).
Toutefois, même le levier régional peut être difficile à solliciter pour des communes isolées et dépourvues d'équipes techniques, comme l'a indiqué le 13 avril à Nancy la présidente de l'Association des maires ruraux de Meurthe-et-Moselle : « Pour nous, la région, c'est déjà très loin ».
b) L'intérêt de dispositifs mutualisés pour les collectivités dépourvues de moyens propres en ingénierie : l'exemple des conseillers en énergie partagés (CEP)
(1) Un réseau de « facilitateurs d'énergie »
Au-delà des questionnements ci-dessus relatifs à la distinction entre CEP et économes de flux, l'attention de la mission d'information a été attirée sur le fait que les CEP145(*) sont souvent, en particulier dans les petites communes, la seule ingénierie présente sur le territoire146(*).
Un poste de conseiller en énergie partagé permet d'accompagner, en général, une vingtaine de petites communes, souvent de 1 000 à 1 500 habitants, dans leurs projets de rénovation thermique et le suivi de leurs consommations d'énergie.
À titre d'exemple, la région Grand Est finance des postes de CEP dans le cadre de son partenariat avec l'ADEME. Ces postes sont mutualisés et proposés aux petites et moyennes collectivités (moins de 10 000 habitants) ne disposant pas de compétences en interne. L'ADEME aide au financement de la création de postes de CEP par les collectivités territoriales pendant les trois premières années, avec un objectif de pérennisation. L'ADEME Grand Est et la région Grand Est animent ainsi un réseau comptant environ trente conseillers pour neuf départements.
L'ALEC du Pays de Brest, Énerg'ence, accompagne quant à elle quelque 70 communes par le dispositif de CEP : d'après les informations recueillies lors de la table ronde à la sous-préfecture de Brest, le 11 mai 2023, son développement va « crescendo »147(*).
Le rôle d'Énerg'ence, ALEC
du Pays de Brest :
70 communes accompagnées par le dispositif
du CEP
Depuis 25 ans, Éner'gence porte un service dédié aux communes de moins de 15 000 habitants : le conseiller en énergie partagé (CEP).
Cette ALEC accompagne ainsi quelque 70 communes (sur les 103 communes que compte le Pays de Brest) et apporte dans ce cadre une expertise sur les projets (rénovation énergétique, bâtiments neufs performants, énergies renouvelables), contribue à l'identification des opportunités de financements (aides spécifiques, dispositifs nationaux et régionaux, CEE, appels à projets), aide les collectivités à assurer le suivi dans le temps des consommations et des contrats d'énergies et propose un accompagnement au long cours des communes vers la transition énergétique, dans la « jungle » des dispositifs financiers et réglementaires.
Éner'gence intervient également pour accompagner le changement de comportements, à travers par exemple des actions pédagogiques à destination des élus et des agents des collectivités.
(2) Un apport favorable en termes d'économie d'énergie
Le bilan de l'action des CEP met en évidence une réduction de la facture énergétique de l'ordre de 3% par an pour les communes concernées. Selon les données recueillies par l'ADEME, cette baisse a atteint environ 15% sur la période 2012/20217, ce qui équivaut à 4 euros par an et par habitant148(*).
Ainsi, dans les territoires d'intervention de l'ALEC Nancy-Grands territoires, « un euro investi dans le CEP a contribué à générer 2,9 euros d'économies d'énergie, 1,7 euro d'aides financières et 9,5 euros d'investissement » depuis 2012. Le cumul des économies qu'il génère est estimé à 2,67 millions d'euros. D'après des données établies en 2020, chaque CEP permettrait de réaliser annuellement 520 000 euros d'économies.
Le coût d'un CEP pour une collectivité est estimé à 100 000 euros par an, dont le tiers peut être pris en charge sur trois ans par l'ADEME, soit une aide totale à hauteur de 100 000 euros. Selon les informations communiquées à la mission d'information, une enveloppe de trois millions d'euros permet de créer trente nouveaux postes de conseillers par an.
L'enjeu est ensuite, à l'issue des trois ans, de pérenniser le poste. Ce dernier doit cependant pouvoir s'autofinancer par les économies d'énergie réalisées par la collectivité qui l'emploie. C'est en partie le cas dans la région Grand Est, où la moitié des postes CEP sont actuellement autofinancés par les économies qu'ils génèrent.
(3) Un maillage territorial à densifier
Malgré le potentiel que présentent les CEP en termes de maillage territorial, le nombre de conseillers en énergie partagés a peu progressé, selon l'ADEME, depuis la publication du rapport Demarcq en 2020. À cette date, on en comptait 321, qui se déployaient dans 8 019 communes. En prenant en compte les communes ayant accès au service, mais qui n'étaient pas adhérentes, 20 000 communes étaient effectivement couvertes par ce dispositif.
Trois ans plus tard, en février 2023, 8 000 communes adhérentes au total - soit le quart des communes de moins de 10 000 habitants - sont aujourd'hui accompagnées par un CEP, selon l'ADEME. 12 000 autres communes ont aussi accès au service, mais ne sont pas adhérentes.
L'effectif des CEP s'élève, au début de l'année 2023, à 363, dont 351 en métropole. Il convient de préciser que lorsque le CEP est porté par un EPCI, les communes ont accès à ses services - ainsi que les communes adhérentes dans le cas d'un syndicat d'énergie.
En dépit d'une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et énergétiques par les acteurs territoriaux, ces chiffres sont relativement stables. Le nombre de CEP n'a progressé que de 13% alors que les besoins en matière d'accompagnement sur les questions d'efficacité, de sobriété et de rénovation énergétique sont devenus particulièrement prégnants.
La répartition des CEP sur le territoire national montre en outre de fortes disparités géographiques. Certaines régions (voir la carte ci-dessous) sont ainsi mieux dotées. C'est le cas de la Bretagne et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui comptent respectivement 57 et 55 conseillers en énergie partagés. Plusieurs régions comptent moins de vingt CEP, comme la région Normandie (17), la région Centre-Val de Loire (14) et la région PACA (13). On peut également relever que l'Ile-de-France, région fortement peuplée, ne dispose que de 23 postes.
Dans une dizaine de départements, comme le Cantal, la Haute-Vienne, l'Oise ou la Saône-et-Loire, matérialisés en rouge ci-dessous, il existe un réel déficit de CEP. Certains territoires métropolitains en sont même totalement dépourvus, à l'exemple de la Corse et du département de l'Oise. Douze CEP sont implantés dans les outre-mer, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie149(*).
Répartition des conseillers en énergie partagés (régions et départements)
C. LE FINANCEMENT DES PROJETS : UNE DIFFICULTÉ PARTAGÉE
1. De nombreux leviers inégalement mobilisés par les collectivités
a) Des subventions et dotations fléchées vers la transition écologique et la rénovation des bâtiments publics des collectivités
Les élus disposent, pour la rénovation de leurs bâtiments scolaires, de différents leviers de financement apportés par l'État : DETR, DSIL, Fonds vert, auxquels se sont ajoutés les moyens dégagés dans le cadre du Plan de relance.
Ces soutiens sont orientés de manière explicite vers les projets liés à la transition écologique, dont fait partie la rénovation des bâtiments publics : l'Instruction ministérielle relative à la composition et aux règles d'emploi des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des territoires en 2023, datée du 8 février 2023, flèche les projets des collectivités « qui renforcent la résilience des territoires face au changement climatique et qui contribuent à l'atteinte des engagements internationaux de la France, notamment à l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon de l'année 2050 ». Sont notamment visées les opérations de rénovation énergétique des bâtiments publics (travaux d'isolation, « modernisation des équipements par des énergies renouvelables », « outils de maîtrise et pilotage de la consommation »), ce qui inclut naturellement celles qui portent sur le bâti scolaire150(*). L'instruction ministérielle permet l'attribution de subventions bonifiées aux « projets de réhabilitation ou de construction de bâtiments allant au-delà de la réglementation en vigueur sur le plan des consommations d'énergie ou de l'empreinte carbone ».
Création, transformation et
rénovation des bâtiments scolaires151(*) :
une dimension importante de la DSIL
« Cette priorité a été ajoutée aux priorités légales en 2018 afin de permettre notamment le financement des travaux nécessaires au dédoublement des classes de CP et de CE1 situées en zone REP+. Les travaux en question peuvent correspondre à la construction d'un bâtiment ou d'une nouvelle salle de classe, mais aussi à des aménagements de moindre ampleur visant à faciliter le travail des professeurs. Cette priorité marque une progression par rapport à 2020 : le montant des crédits alloués à cette thématique passe en effet de 65,6 millions d'euros à 97,9 millions d'euros, de même que le nombre de projets financés, qui passe de 336 à 516 projets (+180). Elle recouvre, à titre d'exemple, 194 projets liés à des travaux de réhabilitation, rénovation ou réaménagement effectués dans des bâtiments scolaires et 91 projets de construction de bâtiments liés au domaine scolaire (classes ; groupes scolaires ; cantines). »
La DSIL est déconcentrée : elle relève, en effet, des préfets de région, les préfets de département pouvant, selon la circulaire précitée, « être utilement associés au recensement et à la présélection des dossiers ».
La DETR est attribuée par les préfets de département, les commissions d'élus ayant préalablement défini les catégories d'opérations prioritaires, les taux de subventions minimaux et maximaux et ayant donné un avis sur les projets de subvention supérieurs à 100 000 euros. La DETR comme la DSIL sont accordées dans le cadre d'appels à projets, les demandes devant respecter un calendrier défini par circulaires préfectorales.
DETR, DSIL
La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est destinée à « soutenir les opérations d'investissement des communes et EPCI à fiscalité propre qui s'inscrivent dans la cadre de priorités locales définies par les commissions départementales d'élus »152(*). En référence à l'article L. 2334-33 du CGCT, l'éligibilité à la DETR des communes et EPCI à fiscalité propre est fondée sur des critères démographiques et de richesse fiscale. Cette dotation est annuelle et son montant global est voté chaque année par le Parlement.
La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), créée en 2016, est inscrite à l'article L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales et s'adresse à toutes les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre souhaitant bénéficier d'une subvention pour la réalisation d'un projet d'investissement s'inscrivant dans des priorités thématiques définies par la loi153(*).
Selon la Direction générale des collectivités territoriales (DGCL), ces dotations sont « amplifiées par les attributions du fonds de compensation de la TVA prévu par les articles L.1615-1 et suivant du code général des collectivités territoriales, à hauteur de 16,404% des dépenses d'investissement éligibles »154(*).
- Le Fonds vert, doté de deux milliards d'euros en 2023 au niveau national155(*), vise à « offrir à toutes les collectivités les ressources pour accélérer leur transition (...) dans le cadre de la planification écologique » ; il doit « être accessible et simple d'usage »156(*). Les enveloppes du Fonds vert sont réparties entre les départements par les préfets de région, « en dialogue avec les préfets de département ».
Le fonds comporte également une enveloppe d'ingénierie de 25 millions d'euros pour « aider les collectivités à faire émerger des projets à forte ambition environnementale ». Répartie par les préfets de région « en tenant compte des ressources initiales de chaque département en matière d'ingénierie », cette enveloppe peut notamment financer des « postes de chargés de mission ou de chefs de projets ». Indépendamment de cette enveloppe dédiée, les prestations d'ingénierie et d'études indispensables à la réalisation de projets sont éligibles, « pour les collectivités qui en ont besoin », au titre du Fonds vert.
DSIL, DETR et Fonds vert : des dotations de droit commun largement mobilisées pour la rénovation du bâti scolaire
Selon Mme Dominique Faure, ministre déléguée aux collectivités territoriales et à la ruralité157(*), grâce à la DSIL et la DETR, qui « totalisent 2 milliards d'euros », « c'est près de 6 500 projets relatifs aux bâtiments scolaires qui ont été soutenus en 2021, pour un soutien de près de 200 millions d'euros ».
« Je précise que la DETR représente environ 1,5 milliard d'euros et la DSIL environ 500 millions d'euros158(*). En dix ans, la DETR a doublé. Elle représente à présent trois quarts de l'investissement public DSIL et DETR combinées. »
« Avec le Fonds vert, la rénovation énergétique, en particulier des écoles, est encore plus au coeur des préoccupations du gouvernement et des élus. Début mai 2023, ce sont 105 projets de rénovation énergétique qui concernaient des écoles, dont 81 qui incluaient des travaux d'isolation et 72 projets de changement de système de chauffage. 20 millions d'euros d'aide du Fonds vert sont mobilisés sur ces 105 premiers projets qui permettent un gain énergétique annuel de 16 millions de kW/h d'énergie finale. »
Selon la DGCL, en 2022 les dotations d'investissement mobilisées pour des projets dans le domaine scolaire (rénovations globales, rénovations énergétiques, renaturation des cours d'école, équipements numériques, mise en accessibilité, extension et/ou restructuration des bâtiments...) ont représenté159(*) :
- 19% des montants de la DETR (188 M€) et 14% des 3 157 projets ainsi financés ;
- 25% des montants de la DSIL (203 M€) et 23% des 1 189 projets ainsi financés.
En ce qui concerne le Fonds vert, les données d'exécution ne sont pas encore disponibles compte tenu de la date de constitution de ce fond, mais au 27 mars 2023, 5 948 dossiers avaient été déposés pour un montant d'aide demandé de 2 160 M€, dont 40% concernaient des projets de rénovation des bâtiments non spécifiquement scolaires.
À la mobilisation de la DSIL, de la DETR et du Fonds vert s'ajoute la DPV (dotation politique de la ville) : 44% des montants (67 M€) et 32% des 300 projets ; et la DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements : 53% des montants (107 M€) et 44% des 128 projets160(*).
Le Fonds vert est cumulable en principe avec les autres dotations de l'État, la DETR et la DSIL161(*). La circulaire préfectorale du 20 février 2023 relative à la Meurthe-et-Moselle précise qu'il est également cumulable avec les dispositifs régionaux et départementaux d'appui financier aux collectivités (comme Climaxion par exemple) et que « seuls les projets scolaires à dimension écologique pourront prétendre à un cumul de subventionnement avec la DETR ou la DSIL », signe de la priorité attachée à ce type de projet.
Focus sur la Meurthe-et-Moselle et le Finistère162(*)
Meurthe-et-Moselle :
Selon les informations recueillies lors d'une table ronde à la préfecture de Nancy, le 13 avril 2023, la transition écologique du bâti scolaire a reçu les soutiens suivants :
- au titre de la DETR, entre 2017 et 2022 : 7,4 millions d'euros de subventions, 22,4 millions d'euros de travaux et 160 projets soutenus pendant ces cinq années ; en fonction des années, le taux moyen de subvention par projet s'est établi entre 39,2% (en 2018) et 24,3% (en 2022) ; le montant moyen des 29 projets accompagnés en 2022 était de 126 000 euros ;
- depuis 2017, dans le cadre de la DSIL : 6,1 millions d'euros de subventions, 20,3 millions d'euros de travaux et 62 projets soutenus ; en fonction des années, le taux moyen de subvention par projet a été compris entre 34,8% (en 2020) et 20% (en 2017) ; le montant moyen des 10 projets accompagnés en 2022 était de 661 000 euros ;
- soit un total de 222 projets soutenus entre 2017 et 2022 : 13,5 millions d'euros de subventions et 42,7 millions d'euros de travaux.
Sur les sept projets accompagnés dans le cadre du Fonds vert au titre de la mesure « rénovation énergétique des bâtiments publics locaux », une opération concerne un établissement scolaire (0,7 million d'euros de subvention sur un coût de 1,8 million d'euros).
Finistère :
Selon les informations recueillies lors d'une table ronde à la sous-préfecture de Brest, le 11 mai 2023, les leviers de financement liés aux subventions de l'État en matière de rénovation du bâti scolaire s'établissement ainsi dans le département :
- en 2023, le département a attribué 1,5 million d'euros de subventions (DETR et Fonds vert) pour un montant d'investissement de l'ordre de 9,5 millions d'euros ;
- depuis 2020, les communes de l'arrondissement de Brest ont bénéficié de 6,1 millions d'euros (toutes subventions confondues : DSIL163(*), DETR et Fonds vert), pour 38 millions d'euros d'investissement total.
- L'enveloppe de 950 millions d'euros ouverte dans le cadre du Plan de relance a aussi permis de financer des opérations de rénovation de bâtiments publics, dont des établissements scolaires, visant à diminuer leur consommation énergétique. Dédiés à la rénovation énergétique, ces financements n'ont pas concerné les constructions de bâtiments neufs, même si ceux-ci répondent à des normes énergétiques exigeantes. Ils ont en revanche fléché explicitement les bâtiments scolaires parmi les projets devant faire l'objet d'un soutien spécifique.
L'importance des bâtiments scolaires dans
les critères d'attribution
des dotations du Plan de
relance
L'Instruction ministérielle du 18 novembre 2020 relative au soutien à la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales, qui a défini « les objectifs, les priorités opérationnelles et les critères à prendre en compte pour l'attribution de la dotation prévue dans le cadre du plan de relance en matière de soutien aux projets de rénovation énergétique du parc de bâtiments existants du bloc communal et des départements », a invité les préfets :
- à porter une attention toute particulière aux bâtiments scolaires du bloc communal et des départements et, plus particulièrement, aux projets « permettant d'éviter l'installation de climatisation (isolation, pare-soleil, végétalisation...) » ;
- à encourager les collectivités soutenues dans le cadre du Plan de relance à mettre en place un suivi des consommations énergétiques des bâtiments rénovés, car pour les établissements scolaires « les marges d'optimisation des consommations en fonction des usages et de l'occupation sont souvent importantes ».
Selon la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, les bâtiments d'enseignement sont, d'ailleurs, les principaux bénéficiaires de ce dispositif :
- 2 440 projets soutenus ;
- 858 millions d'euros de subventions ;
- soit 63% de l'enveloppe globale consacrée par le plan de relance à la rénovation énergétique des collectivités territoriales (respectivement 74% et 90% des enveloppes de la DSID et DRI contre 38% pour la DSIL).
Les montants engagés s'élèvent à 1,7 milliard d'euros de travaux164(*).
La commune de Châteauneuf-de-Gadagne dans le Vaucluse, visitée par le président et la rapporteure le 5 juin 2023, a ainsi bénéficié d'une subvention à hauteur de 80% dans le cadre du Plan de relance pour financer les travaux de rénovation énergétique de son groupe scolaire.
b) L'apport des collectivités territoriales
Pour leurs projets de rénovation ou de construction, les collectivités territoriales peuvent aussi bénéficier de subventions d'investissement versées par d'autres collectivités territoriales, notamment les régions dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER), qui s'ajoutent aux soutiens en ingénierie précédemment évoqués.
Les programmes financés par l'Union européenne FEDER 2021-2027, dont la région est autorité de gestion, peuvent permettre sous conditions à d'autres niveaux de collectivité de bénéficier d'aides européennes pour la rénovation énergétique des collèges et des écoles, qui constitue un objectif prioritaire dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe.
Par ailleurs, les régions et les départements, au travers de dispositifs de subventions, peuvent soutenir financièrement les opérations de rénovation thermique des écoles.
À titre d'exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes, au travers de ses dispositifs de subventions, apporte son soutien financier aux opérations de rénovations thermiques des écoles. Ainsi, plus de 50 opérations de réhabilitation thermique portées par des communes ou des communautés de communes ont bénéficié au cours des dernières années d'un financement de la région165(*).
Toutefois, selon la représentante de la région Centre-Val de Loire, les difficultés à financer la rénovation des lycées pourraient remettre en cause, dans certains territoires, la capacité des régions à soutenir les autres collectivités et les contraindre à se « concentrer sur (leur) seul patrimoine scolaire, au détriment de l'accompagnement des autres collectivités »166(*).
c) Des prêts spécifiques à la disposition des collectivités territoriales peu mobilisés
Le schéma ci-dessous illustre la faiblesse très nette de l'emprunt dans le financement des investissements des collectivités territoriales : ce rapport reviendra ultérieurement sur la réticence des élus à recourir à l'endettement.
Structures de financement des investissements des collectivités locales de 2018 à 2021167(*)
Parallèlement au recours au secteur bancaire, les collectivités peuvent s'adresser à la Banque des territoires qui propose diverses offres de prêt spécifiquement destinées aux collectivités territoriales168(*).
Parmi les différentes formes de prêts proposés par la Banque des territoires (Éduprêt, GPI Ambre...), l'attention de la mission a été attirée sur le mécanisme d'Intracting169(*), avance qui permet de rembourser les dépenses d'investissement par les économies d'énergie réalisées.
L'Intracting constitue aussi une méthode de travail qui s'inscrit dans une logique de priorisation des travaux en fonction des économies d'énergies susceptibles d'être obtenues.
Le remboursement du prêt étant partiellement assis sur les économies attendues des investissements réalisés, le prêteur accepte d'être exposé au risque de non-réalisation de ces économies.
Les échéances de remboursement de l'Intracting sont adaptées en fonction des économies d'énergie prévisionnelles, du calendrier des différentes tranches de travaux et, si besoin, adaptables, en cas de décalage des économies constatées. Les bénéficiaires sont identiques quels que soient les prêts proposés (collectivités, EPCI, syndicats, universités, hôpitaux...), afin que l'avance remboursable Intracting puisse également permettre la contractualisation de prêts de long terme, sur des rénovations plus lourdes ou de manière complémentaire. Le dispositif est piloté par un référent « Énergie », dont le bénéficiaire doit se doter, avec la mise à disposition d'un outil digital. Le taux est fixe et régulièrement actualisé.
Toutefois, ce dispositif n'est pas adapté à tous les projets de rénovation/construction. Il n'est, en effet, pertinent, selon FIN INFRA, que pour les « seuls travaux de performance énergétique qui s'autofinancent, c'est-à-dire qui génèrent suffisamment d'économies d'énergie pour rembourser le prêt sur sa maturité [...] essentiellement pour des travaux à gains rapides ou (...) certains travaux intermédiaires, si le prix de l'énergie reste élevé »170(*). Il est d'ailleurs réservé aux travaux d'un montant compris entre 500 000 euros et 5 millions d'euros.
d) Le tiers financement : un dispositif expérimental qui doit faire ses preuves
La loi du 30 mars 2023 a ouvert officiellement le droit pour l'État et les collectivités d'expérimenter, pendant cinq ans, le tiers financement pour la rénovation de leur bâti. Les collectivités territoriales pourront donc faire appel à un tiers financeur pour initier leurs travaux, sous forme d'un contrat de performance énergétique passé en marché public global de performance. L'expérimentation ouvrira ainsi le paiement différé sur ce type de marché.
Le tiers financement, dérogation explicite au droit de la commande publique, tire notamment les conséquences de l'insuffisante montée en puissance des contrats de performance énergétique (CPE), créés par la loi « Grenelle 1 » pour financer les travaux de rénovation énergétique, sur lesquels ce rapport reviendra ultérieurement.
Les collectivités devront toutefois justifier de l'intérêt d'y recourir en réalisant une étude préalable de soutenabilité budgétaire.
La loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique permet, à titre expérimental pendant une durée cinq ans, aux collectivités publiques soumises au principe de l'interdiction du paiement différé, de déroger à ce principe lorsqu'elles concluent des contrats de performance énergétique sous forme de marché global. La loi autorise ainsi les maîtres d'ouvrage publics à demander aux opérateurs de préfinancer l'opération et à payer les travaux durant la phase d'exploitation ou de maintenance, le paiement étant facilité par la compensation des économies d'énergie réalisées.
Les maîtres d'ouvrage publics disposeront de ce fait d'un outil supplémentaire pour adapter le calendrier de paiement de leurs investissements en fonction de leurs capacités financières, et lisser le coût des travaux dans le temps.
Ce dispositif expérimental vise à permettre une accélération des investissements de rénovation énergétique dans les bâtiments publics, sans recourir au dispositif complexe du marché de partenariat.
Toutefois, afin de garantir la sécurité juridique du dispositif au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les dérogations au « droit commun de la commande publique » et dans un souci de contrôle des dépenses publiques, le législateur a encadré le recours aux marchés globaux de performance énergétique à paiement différé en s'inspirant du régime juridique des marchés de partenariat. Il prévoit notamment la réalisation d'une étude préalable permettant de démontrer que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d'autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique.
Par ailleurs, le texte sécurise l'intervention des syndicats d'énergies et des EPCI dans la réalisation des études et des travaux de rénovation et leur assure de pouvoir regrouper les opérations réalisées pour le compte des collectivités membres et conduire eux-mêmes des missions de tiers financement.
Enfin, la loi assure la cohérence du dispositif avec les modalités de paiement des sous-traitants en précisant que, en cas de recours au paiement différé, il est également dérogé au principe de paiement direct des sous-traitants. Ces derniers sont alors payés par l'entreprise principale, laquelle est tenue de constituer une caution personnelle et solidaire, et bénéficient d'une action directe contrat le maître d'ouvrage en cas de défaut de paiement de l'entrepreneur.
Les associations d'élus entendues par la mission d'information ont relativisé l'intérêt de cette formule et exprimé quelques réserves.
Régions de France estime ainsi que « dans un contexte de forte volatilité des prix l'énergie, des économies d'énergie en GigaWatts heures peuvent ne pas engendrer d'économies financières. Ainsi, gager les investissements d'une collectivité sur les économies financières et des systèmes d'externalisation de préfinancement ne semble pas pertinent »171(*).
Les élus départementaux n'ont pas jugé ce dispositif très prometteur, jugeant notamment qu'« intégrer un acteur supplémentaire complexifierait les choses, les rendrait moins fluides et déposséderait la collectivité de la maîtrise d'ouvrage »172(*).
D'après l'Association des maires de France, le tiers financement ne constitue pas forcément un outil pertinent pour les petites communes, en raison notamment du coût non négligeable des études préalables de soutenabilité financière que suppose le tiers financement, qu'il leur reviendra de financer avant toute réalisation d'un projet.
Par ailleurs, selon France urbaine, ce nouveau levier contractuel ne résout pas la question du financement d'ensemble de la rénovation énergétique. En ce sens, il ne constitue pas une solution globale.
Toutefois, la commission des lois du Sénat a vu dans le tiers financement un nouvel outil juridique susceptible de permettre d'« accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics », en donnant aux contractants publics la possibilité de différer le paiement des travaux, l'investissement financier initial reposant sur un tiers.
Pour la commission des lois du Sénat, le tiers financement constitue ainsi un « dispositif complémentaire bienvenu », même s'il « ne peut représenter l'unique solution pour réussir la transition énergétique du secteur public »173(*).
Selon la DGCL, « Sans méconnaître les surcoûts de financement inclus dans ce type de montage intégré, ils peuvent constituer un outil complémentaire notamment pour des opérations d'une taille significative face à des besoins d'ingénierie importants »174(*).
Pour sa part, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, « personnellement convaincue de son bien-fondé », a jugé le principe de cette nouvelle loi « séduisant ». Son appropriation par les maires pourrait selon elle, compte tenu de la réticence de ces élus à s'endetter, être encouragée par la durée des prêts : « Il conviendra notamment de s'assurer que la durée des financements ne sera pas ramenée par la Caisse des dépôts de 25 ou 20 ans à 13 ou 12 ans, qui sont des durées que toutes les banques peuvent assurer. La Caisse des dépôts doit pouvoir apporter aux élus un accompagnement sur une durée plus longue »175(*).
La mobilisation de cette nouvelle formule par les collectivités est un point de vigilance pour la mission d'information. La loi du 30 mars 2023 s'appuyant sur une expérimentation de cinq ans, le suivi de ce dispositif sera essentiel.
La mission d'information appelle donc le gouvernement, à l'échéance de la fin de 2024, à procéder à un premier bilan de la mise en oeuvre du tiers financement et de son utilisation spécifique dans le cadre d'investissements concernant la transition écologique des bâtiments scolaires, afin de savoir précisément combien de projets ont ainsi été financés et pour quels montants, quels bâtiments (écoles, collèges ou lycées) et quels types d'investissement.
Recommandation : Effectuer dès la fin de l'année 2024 un premier bilan du recours au mécanisme du tiers financement par les collectivités territoriales dans le cadre d'investissements concernant la transition écologique des bâtiments scolaires, afin de savoir précisément combien de projets ont ainsi été financés et pour quels montants, quels bâtiments (écoles, collèges ou lycées) et quels types d'investissement.
e) Les certificats d'économie d'énergie : un mécanisme complexe
La valorisation des certificats d'économies d'énergie (CEE) permet également d'apporter un financement dans le cadre de travaux de rénovation. Les fournisseurs d'énergie sont en effet susceptibles de soutenir financièrement les maîtres d'ouvrage en achetant des certificats d'énergie.
Les collectivités peuvent valoriser les CEE en leur nom propre, ce qui implique une incertitude sur le prix de cession des CEE, ou contractualiser avec un prestataire176(*).
Selon une étude d'Intercommunalités de France sur le financement de la transition écologique et énergétique publiée en septembre 2022, « le changement d'un système de chauffage peu performant dans un bâtiment de 1 000 m² permet d'obtenir une prime de 1 000 euros à 8 000 euros via les CEE obtenus ». La même étude note qu'entre le 1er janvier 2018 et le 31 août 2021, « pour des opérations standardisées et spécifiques (classique et précarité), 7,2% des certificats d'économies d'énergie (CEE) ont concerné le secteur du bâtiment tertiaire ».
D'après l'ADEME, le CEE représente, selon les périodes, entre 30 et 60 millions d'euros. Le taux de financement des travaux par les CEE est en moyenne de 10% pour une rénovation globale.
Toutefois, ce mécanisme s'avère complexe à mettre en oeuvre sur le plan administratif, surtout pour les plus petites collectivités177(*).
Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE)
Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE), créé par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE), constitue l'un des principaux instruments de maîtrise de la politique de maîtrise de la demande énergétique.
Ce dispositif repose sur une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie en CEE (1 CEE = 1 kWh cumac d'énergie finale) imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie (les « obligés »). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l'efficacité énergétique auprès des consommateurs d'énergie : ménages, collectivités territoriales ou professionnels.
Les CEE sont attribués, sous certaines conditions, par les services du ministère chargé de l'énergie, aux acteurs éligibles (obligés, mais aussi d'autres personnes morales non obligées) réalisant des opérations d'économies d'énergie. Ces actions peuvent être menées dans tous les secteurs d'activité (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transport, etc.), sur le patrimoine des éligibles ou auprès de tiers qu'ils ont incités à réaliser des économies d'énergie. Les obligés ont également la possibilité d'acheter des CEE à d'autres acteurs ayant mené des actions d'économies d'énergie, en particulier les éligibles non obligés. Ils peuvent aussi obtenir des certificats en contribuant financièrement à des programmes d'accompagnement.
Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
2. L'accès aux dotations et subventions : un « parcours du combattant » pour toutes les collectivités
L'accès à ces différents dispositifs, par ailleurs relativement nombreux et diversifiés, a été souligné par tous les élus rencontrés par la mission d'information comme un obstacle majeur à la conduite de leurs projets.
Les représentants des collectivités territoriales auditionnés par la mission d'information ont fait part des difficultés que rencontrent les élus locaux lors du montage des dossiers et des demandes de subventions. Dans le même esprit, les élus consultés en ligne soulignent la complexité des démarches et parlent à ce propos de « parcours du combattant », voire d'« usine à gaz », a fortiori parce qu'il faut rédiger un dossier particulier pour chaque demande.
Des difficultés à se repérer dans cette diversité de leviers financiers ont été mises en avant par tous les élus locaux entendus ou rencontrés par la mission d'information : « Aucune collectivité territoriale ne connaît toutes les aides existantes auxquelles elle a droit », ont ainsi affirmé les représentants du réseau AMORCE lors de leur audition par les rapporteurs de la mission d'information.
L'AMF a exprimé le souhait d'une meilleure visibilité des aides : « Les maires sont (...) obligés de chercher des financements possibles dans le cadre des dotations existantes, de partenaires spécifiques (Banque des territoires, Ademe...). Cette absence de visibilité requiert une ingénierie que ne disposent pas toutes les communes, en particulier rurales. Par ailleurs, les aides prévues dans le cadre du Fonds vert manquent aujourd'hui de clarté, ce qui peut freiner les travaux de rénovation »178(*).
Les subventions supposent en outre des délais particulièrement contraints pour le dépôt des dossiers de demande, ce qui pénalise les collectivités ne disposant pas des ressources humaines et des compétences techniques pour y répondre dans les temps impartis. C'est notamment le cas pour le Fonds vert : cette difficulté a été relevée par les associations d'élus, qu'il s'agisse des départements (« les délais de réponse sont très courts : cela pose un problème réel aux petites collectivités territoriales, qui ne disposent pas des moyens techniques et humains suffisants »179(*)) ou de l'échelon communal.
Est également soulignée l'« incompatibilité des délais » entre les réponses du financeur et le calendrier de la collectivité (vote des budgets, dates de dépôt des dossiers, réponses des financeurs et démarrage souhaité des travaux).
De même, la lenteur des réponses est critiquée, car elle « met fortement en péril le financement des projets et, de fait, la trésorerie des collectivités qui sont dépendantes de ces aides ». D'après les témoignages reçus par la mission d'information, cet inconvénient est le fait de l'État, mais aussi des régions et départements lorsqu'elles attribuent des aides à d'autres collectivités.
Au-delà de leur possible fluctuation d'une année sur l'autre, les dotations de l'État reposent sur des appels à projets fonctionnant sur une logique strictement annuelle. Or les projets de rénovation ou de construction initiés par les élus locaux recouvrent une dimension pluriannuelle qui n'est, pour l'instant, pas prise en compte dans le cadre des financements extérieurs. Les collectivités ont, dans la plupart des cas, besoin de prévisibilité et de visibilité en termes de financement, afin de leur permettre d'élaborer une véritable stratégie de rénovation énergétique dans la durée et de sécuriser leurs projets. Un élu en a témoigné sur la plateforme du Sénat : l'imprévisibilité de ces aides et l'impossibilité d'anticiper « la part exacte des aides de l'État » sont dénoncées, car elles empêchent de présenter un plan de financement.
Les élus locaux auditionnés par la mission d'information ont suggéré que l'attribution des subventions et dotations d'investissement versées par l'État puisse se faire dans le cadre d'une programmation pluriannuelle. Comme l'a indiqué la présidente de la commission Éducation, sport et culture de l'ADF, « Les collectivités territoriales ne disposent plus de marge de manoeuvre financière. Des plans pluriannuels s'imposent, eu égard au coût de construction d'un nouveau collège - entre 20 et 25 millions d'euros »180(*).
D. LE CHOIX DU CADRE JURIDIQUE : UNE DÉCISION COMPLEXE
Les questions relatives aux marchés publics n'ont pas été au centre de la réflexion de la mission d'information. Toutefois, cette thématique s'est inscrite dans ses travaux à propos d'évolutions récentes du droit de la commande publique liées notamment à la loi sur le tiers financement, et à travers des questionnements portés à la connaissance de la mission d'information par certains élus.
1. Quels supports juridiques pour les projets de rénovation du bâti scolaire ?
Le rapport Demarcq observait en 2020 que « Dans le parcours qui mène aux projets, une des difficultés consiste, pour une collectivité, à choisir le meilleur cadre contractuel permettant de réaliser les opérations en toute sécurité et en récoltant les bénéfices économiques et écologiques escomptés ». Cette remarque reste d'actualité.
Dans le cadre de la rénovation énergétique de leurs bâtiments, dont les bâtiments scolaires, les collectivités territoriales disposent de plusieurs outils juridiques pour assurer la réalisation de leurs projets.
- Dans le cadre des marchés publics classiques, portant sur la réalisation de travaux, l'achat de fournitures ou la réalisation d'une prestation de services, la collectivité assure elle-même le financement des travaux et la coordination des prestataires. Le maître d'ouvrage « garde une parfaite maîtrise sur chacun des prestataires » et « assume pleinement les risques financiers, juridiques et techniques »181(*). Ce type de marché public est généralement soumis à l'obligation d'allotissement, chaque lot portant sur un certain type de travaux ou de prestation. Il est aussi le plus courant.
- Les marchés globaux de performance permettent de responsabiliser le titulaire du marché sur les économies d'énergie à réaliser. Ces marchés peuvent porter sur la conception et la réalisation de travaux ainsi que sur l'entretien-maintenance des travaux réalisés, sur une certaine durée. Ils permettent de déroger à l'obligation d'allotir. Le cocontractant s'engage sur un certain montant d'économies d'énergie à atteindre ; il est sanctionné par un mécanisme de pénalités si ces objectifs ne sont pas atteints. FIN INFRA observe toutefois des réticences de la part de personnes publiques à recourir à cette formule, notamment en raison de sa complexité182(*).
Qu'il s'agisse de marchés publics classiques ou de marchés globaux de performance, la personne publique acquitte le coût des travaux au fur et à mesure de la réalisation de ceux-ci. Les économies d'énergie ne contribuent pas à ce financement, car elles interviennent après que les travaux ont été payés. Elles peuvent toutefois contribuer à alléger la charge de l'endettement lorsque la collectivité a recours à l'emprunt pour financer ces investissements.
Le rapport Demarcq relayait, à propos des marchés globaux de performance, le souhait de plusieurs personnes consultées de disposer d'un « cahier des clauses administratives générales (CCAG) approuvé par l'administration et applicable aux marchés globaux de performance, ce qui permettrait de sécuriser les élus et responsables aujourd'hui contraints de rédiger des CCAP très volumineux ». Il recommandait ainsi la mise à disposition d'un cahier des clauses administratives générales (CCAG) approuvé par l'administration et applicable aux marchés globaux de performance et la mise à jour du clausier des marchés publics de performance énergétique.
Selon la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'économie, consultée par la rapporteure, « il n'est pas prévu d'élaborer et d'approuver un CCAG spécifique aux marchés globaux. En effet, la logique des CCAG vise à proposer des clauses administratives adaptées à une catégorie de prestations et non à un montage contractuel spécifique dont la caractéristique est de combiner la réalisation de travaux et l'exécution de services ». La DAJ renvoie sur ce point aux documents élaborés par les acteurs du secteur, notamment la FNCCR.
- Le marché de partenariat permet de confier à une personne privée une mission globale de conception, de réalisation, de financement et éventuellement d'entretien-maintenance d'un projet d'investissement. Le titulaire du contrat finance les travaux ; la personne publique le rembourse à compter de la réception des travaux, sous la forme d'une redevance payée en une fois ou sur une certaine durée. Le recours à ce type de contrat, dont FIN INFRA note la complexité et qui suppose de la part de la personne publique un engagement dans la durée, est très encadré : le marché de partenariat est réservé aux projets dépassant un seuil minimal, à savoir deux millions d'euros pour les contrats de performance énergétique. La personne publique doit prouver que le marché répond à un motif d'intérêt général. Plusieurs études préalables sont nécessaires, dont une étude de soutenabilité financière.
Rénovation de cinq écoles à Brest dans le cadre d'un marché de partenariat
Dans le cadre d'un marché de partenariat (marché global de performance énergétique), Brest-Métropole-aménagement (BMa) a procédé à la rénovation thermique de cinq écoles à Brest, impliquant :
- l'isolation thermique par l'extérieur (murs, toiture, sous face de planchers) ;
- le remplacement des menuiseries extérieures ;
- le raccordement au réseau de chaleur urbain ;
- la mise en place de systèmes de ventilation performants (centrale de traitement de l'air double flux...) ;
- l'installation d'éclairages LED ;
- l'installation d'un système de gestion technique centralisée (GTC) ;
- divers autres aménagements (embellissement, restauration, désamiantage, électricité, accessibilité...).
Ce marché de partenariat inclut vingt ans d'exploitation-maintenance après travaux, avec des objectifs de réduction des consommations. De fait, la baisse des consommations s'établit à :
- 37% à l'école Quatre moulins et à l'école Kerargaouyat ;
- 45% à l'école Lucie et Raymond Aubrac et à l'école Langevin ;
- 27% à l'école Hauts de Penfeld.
De manière générale, les contrats à financement privé présentent, selon FIN INFRA, l'inconvénient de générer des surcoûts par rapport aux marchés publics et aux marchés globaux de performance classiques, car lorsque le titulaire du contrat emprunte pour le financer, les conditions de prêt sont moins avantageuses que celles que les prêteurs consentent aux personnes publiques. De plus, les modifications contractuelles en cours d'exécution peuvent être coûteuses.
En revanche, ces contrats peuvent selon FIN INFRA présenter l'intérêt de diminuer l'effort budgétaire annuel en lissant le coût de l'investissement sur une longue période (habituellement 20 à 30 ans). Les projets conduits dans ce cadre peuvent être livrés avec moins de retard et présentent un risque moins élevé de dépassement des coûts que la maîtrise d'ouvrage publique. En définitive, d'après l'analyse de FIN INFRA, il convient de réserver l'usage de ces formules aux opérations de grande ampleur (par exemple la rénovation de plusieurs écoles dans un même contrat), permettant « un transfert important de risques sur les économies d'énergie ».
- Le recours au tiers financement, évoqué précédemment et rappelé ici pour mémoire, est une possibilité ouverte très récemment à titre expérimental par la loi n° 2022-222 du 30 mars 2023, afin de faciliter et d'accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics. Les collectivités sont ainsi autorisées, à titre exceptionnel, à recourir au paiement différé des travaux sous la forme d'un marché global de performance pour la rénovation d'un ou plusieurs de leurs bâtiments. L'investissement financier initial est assuré par un tiers financeur. Ce dispositif doit permettre aux collectivités de financer leurs travaux de rénovation en s'appuyant sur les économies d'énergie qui seront réalisées ultérieurement. Le marché de partenariat de performance énergétique, créé par la loi relative au tiers financement, présente plusieurs différences par rapport à un marché de partenariat : la personne publique reste maître d'ouvrage, aucun seuil minimal n'est prévu et la justification du recours à ce contrat pourra s'appuyer sur des éléments qualitatifs, et non pas seulement sur la dimension financière du projet183(*).
2. La prise en compte des enjeux environnementaux dans le code de la commande publique : quelles perspectives ?
Les auditions de la mission d'information ont fait émerger des interrogations sur le code de la commande publique.
Ainsi, Régions de France estime que ce cadre juridique ne permet pas aux acheteurs publics d'écarter « les matériaux et matériels produits selon des normes environnementales et sociales inférieures à celles de l'Europe ». L'association cite l'exemple de l'achat de luminaires LED ou de panneaux photovoltaïques, « produits dans des conditions sociales très défavorables, avec une électricité produite en grande partie au charbon et transportés par porte-containers ». Régions de France déplore l'impossibilité, pour les acheteurs publics, de « corriger l'avantage concurrentiel du prix par un critère européen ou français relatif aux normes environnementales et sociales »184(*).
Dans un rapport publié le 7 juillet 2022, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) indique que la production de panneaux solaires dépendra presque entièrement de la Chine jusqu'en 2025. Un rapport de la commission des affaires économiques du Sénat faisait observer en 2021 que pour la France, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a évalué la part des lauréats des appels d'offres sur le photovoltaïque dont l'une des étapes de fabrication est française ou européenne à seulement 17% en 2019185(*).
Les règles d'attribution des marchés ne permettent pas d'évaluer les offres selon un critère européen ou français de normes environnementales et sociales, comme l'ont confirmé les informations transmises à la rapporteure par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie. En effet, « la seule circonstance que l'acheteur préfèrerait que le prestataire soit soumis à des obligations sociales et/ou environnementales ne constitue pas un besoin particulier en lien avec l'objet du marché ». L'état actuel du droit n'autorise la prise en compte des considérations environnementales dans le choix de l'attributaire que si elles sont en lien avec l'objet du marché et qu'elles ne portent pas sur la politique générale de l'entreprise (voir l'encadré ci-dessous).
Observations de la direction des affaires
juridiques du ministère de l'économie,
des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique
« En droit français, tel que transposant directement le droit européen, le recours par un acheteur à un critère relatif au mode de production des produits composant l'offre n'est permis que si ce dernier présente un lien avec l'objet du marché et permet de définir les travaux, fournitures ou services qui font l'objet du marché186(*).
Prendre en compte les normes sociales ou environnementales en vigueur dans le pays de production reviendrait à exclure une entreprise en fonction de sa nationalité ou de son lieu de production, et non en fonction des caractéristiques de l'offre. Or, rejeter l'offre d'un pays tiers partie à un accord de libre-échange avec l'Union (comme l'Accord sur les Marchés Publics - AMP de l'OMC) enfreindrait le droit communautaire, qui prévoit que « les pouvoirs adjudicateurs accordent aux travaux, aux fournitures, aux services et aux opérateurs économiques des signataires de ces conventions un traitement non moins favorable que celui accordé aux travaux, aux fournitures, aux services et aux opérateurs économiques de l'Union187(*) ».
De la même manière, il est exclu de rejeter l'offre d'un État membre au motif que le produit, ou les matériaux de construction et les équipements proposés dans le cadre d'offres pour un marché de travaux, a été fabriqué dans un pays tiers ayant des normes sociales et environnementales inférieures aux normes européennes. Il n'est donc pas possible de modifier le code de la commande publique en ce sens puisqu'une telle modification serait inconventionnelle.
Les articles 42, 67 et 70 de la directive 2014/24/UE, respectivement relatifs aux spécifications techniques des besoins, aux critères d'attribution et aux conditions d'exécution, exigent que ceux-ci soient liés à l'objet des marchés et qu'ils ne portent pas sur la politique générale de l'entreprise. Et, comme le rappelle le considérant 97 de la directive 2014/24/UE, « la condition de l'existence d'un lien avec l'objet du marché exclut les critères et conditions relatifs à la politique générale de l'entreprise, qui ne peuvent être considérés comme un élément caractérisant le processus spécifique de production ou de fourniture des travaux, produits ou services achetés. Les pouvoirs adjudicateurs ne devraient dès lors pas être autorisés à exiger des soumissionnaires qu'ils aient mis en place une politique particulière de responsabilité sociale ou environnementale de l'entreprise ».
Il n'est donc pas loisible à l'acheteur de prendre en compte la politique générale de l'entreprise en matière sociale et de gestion de ses ressources humaines (par exemple, le niveau de salaire pratiqué, les questions d'égalité hommes-femmes ou l'attitude de l'entreprise par rapport aux considérations environnementales). Il a été ainsi jugé par la CJUE, le 18 septembre 2014, qu'un salaire minimum ne pouvait, en principe, être imposé au sous-traitant à un marché public établi dans un autre État membre. Les normes sociales d'un pays donné ne sont applicables qu'aux opérateurs économiques exerçant leur activité dans ce pays et les imposer à la fabrication de fournitures importées en provenance d'autres pays pour être utilisées à titre de consommations intermédiaires dans l'exécution de prestations de travaux, de services ou de fournitures constituerait une restriction à la libre prestation de service interdite par l'article 56 du TFUE.
De même, le Conseil d'État a censuré l'utilisation de critères relatifs à la responsabilité sociale des entreprises (décision CE, 25 mai 2018, Nantes métropole, n° 417580).
De fait, les besoins de l'acheteur s'expriment en considération d'une prestation plutôt que d'un prestataire. Au-delà du non-respect de certaines obligations légales ou de la commission de certaines fautes sanctionnées par des interdictions de soumissionner - cela ayant pour finalité d'assurer la fiabilité des opérateurs -, l'acheteur ne peut s'intéresser qu'à la capacité d'une entreprise à réaliser les prestations demandées. Autrement dit, les considérations environnementales ou sociales s'apprécient nécessairement au regard de la prestation, en lien avec l'objet du marché et, in fine, avec le besoin de l'acheteur.
L'acheteur peut ainsi prendre en compte les caractéristiques environnementales - à condition que celles-ci soient liées à l'objet du marché - au moyen, notamment, de critères de sélection des candidatures (en mentionnant, par exemple, la présence d'un label RGE dans l'appel d'offres, les références effectuées dans le cadre d'une démarche HQE...), de critères de sélection des offres (en privilégiant le recours à des matériaux biosourcés...) et de spécifications techniques (qui peuvent être issues, par exemple, de labels nationaux ou européens, ou pour l'application desquelles un certain niveau de performance est exigé, en termes de consommation énergétique, de résistance thermique...) ou de conditions d'exécution. Il est donc parfaitement possible aux acheteurs de prendre en compte de tels critères de notation notamment pour la rénovation thermique des bâtiments publics.
Les acheteurs peuvent aussi exiger, dans les spécifications techniques des cahiers des charges de leurs marchés de travaux, que soient utilisés des composants et matériaux de construction correspondant à un niveau de qualité environnementale supérieur aux normes obligatoires ou, à un moindre degré, prévoir un critère d'attribution qui permette de mieux noter les offres s'engageant à utiliser des composants et matériaux de construction présentant une qualité environnementale supérieure.
C'est d'ailleurs le sens des obligations adoptées dans le cadre de la loi dite « Climat et résilience »188(*) qui imposeront notamment de prendre en compte les caractéristiques environnementales de l'offre (et non du soumissionnaire) dans les critères d'attribution, les spécifications techniques et les conditions d'exécution des marchés publics et des contrats de concession.
La jurisprudence du Conseil d'État, dans sa décision Société Martin Fourquin, a reconnu la possibilité pour un acheteur d'imposer une localisation spécifique dès lors qu'elle était justifiée par l'objet du marché. En outre, le droit de la commande publique établit le droit à un traitement équivalent aux opérateurs économiques issus des États parties à l'AMP ou à un autre accord international équivalent auquel l'Union européenne est partie (article L. 2153-1 du CCP qui transpose l'article 25 de la directive 2014/24/UE).
Une obligation d'implantation géographique peut donc constituer une condition à l'obtention du marché, à condition que cette obligation d'implantation soit justifiée, c'est-à-dire nécessaire et proportionnée, par l'objet particulier du marché (notamment par les délais d'intervention du prestataire au regard du caractère urgent de la prestation à réaliser ou la rapidité et la sécurité des approvisionnements).
Pour que ce critère soit licite, un candidat qui s'engage à s'implanter localement en cas d'attribution du marché doit être considéré comme satisfaisant à cette obligation, au même titre qu'un candidat déjà implanté et ce critère ne doit pas être une discrimination dissimulée.
Toutefois, selon la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des travaux en cours au niveau européen189(*) pourraient peut-être permettre à l'avenir de prendre en compte la sécurité des approvisionnements ainsi que des critères environnementaux pour l'achat de technologies dites « net-zéro », lesquelles comprennent notamment les panneaux photovoltaïques.
Il s'agit là d'un point de vigilance pour la mission d'information, favorable à une telle évolution tout en ayant conscience de l'enjeu budgétaire que constitue le coût de ces équipements et au risque qui résulterait, pour la transition écologique des bâtiments publics, d'un éventuel renchérissement de leur prix.
3. Les contrats de performance énergétique : quelles évolutions ?
a) Une lente montée en puissance des CPE publics
Le cadre juridique d'un CPE peut être un marché public de services ou de fournitures et services, un marché global de performance énergétique, ou un marché de partenariat.
Il prend la forme d'un contrat passé entre une maîtrise d'ouvrage, privée ou publique, qui porte le projet, et des opérateurs spécialisés dans les services énergétiques, les sociétés de services énergétiques ou les sociétés opératrices de tiers investissement (SOTI) qui le réalisent. Il a pour objectif l'amélioration de la performance énergétique d'un bâtiment par la réalisation d'investissements dans des travaux, des fournitures ou des services. Les investissements peuvent être portés, soit par le maître d'ouvrage, soit par un tiers.
À l'heure actuelle, 60% des CPE sont portés par les collectivités territoriales, dont 38,5% par les communes, 10,8% par les départements et 13,9% par les régions, la part des EPCI n'étant que de 6,3%190(*), comme le montre le schéma ci-dessous. De nombreux CPE sont signés par des communes dont la population est comprise entre 10 000 et 50 000 habitants. La progression des départements et des régions au cours des dernières années est, cependant, à souligner : ces collectivités ne représentaient respectivement que 5% et 10% du marché en 2017.
Répartition des CPE publics selon le
bénéficiaire
(Source : Observatoire national
des CPE, rapport 2022)
Toutefois, seuls 380 CPE publics ont été lancés depuis 2007, date de leur création. Leur nombre n'a progressé qu'à partir de 2012, ce qui a correspondu avec l'introduction des marchés de conception, de réalisation et d'exploitation ou de maintenance, puis des marchés globaux de performance dans la commande publique. Ensuite, leur évolution s'est stabilisée autour d'une trentaine de CPE publics signés par an.
On observe, par ailleurs, une grande hétérogénéité de la dimension des CPE : plus d'un tiers (35%) concerne un bâtiment ou un site unique (un site correspond par exemple à un lycée pouvant inclure quelques bâtiments). En revanche, les CPE portant sur plus de cinquante bâtiments ou sites représentent seulement 14% de l'ensemble. Toutefois, dans la majorité des cas, le périmètre d'un CPE englobe plusieurs bâtiments.
31% des CPE relèvent actuellement du secteur de l'enseignement, selon l'Observatoire national des CPE, qui juge cette forme de contractualisation adaptée au patrimoine immobilier public, en particulier scolaire, à l'exemple des écoles de la Ville de Paris ou des lycées en Alsace.
Dans le département des Yvelines, il est prévu dans le cadre des actions menées en faveur de la sobriété énergétique que 24 collèges bénéficient d'un CPE portant sur la rénovation du système de chauffage et de ventilation, pour 35 millions d'euros, ce qui devrait permettre de diminuer la consommation énergétique de 24%. Le département des Hauts-de-Seine a également initié des CPE dans 62 collèges, pour un retour sur investissement très favorable, avec une baisse notable de la consommation énergétique.
b) Une inégale distribution sur le territoire
Le dernier rapport de l'Observatoire des CPE, publié en novembre 2022191(*), constate une inégale distribution des 380 CPE sur le territoire. Ils sont davantage représentés dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui compte 104 CPE, soit plus du quart, et dans une moindre mesure dans la région Ile-de-France, où on en recense 56.
Répartition régionale des CPE publics
(Source : rapport de l'Observatoire des CPE, novembre 2022)
Ce déséquilibre s'explique, selon le dernier rapport de l'Observatoire national des CPE, par une politique volontariste des collectivités territoriales de la région Auvergne-Rhône-Alpes région et par une dynamique de réseaux qui repose sur :
- le soutien d'une association (Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement - AURAEE) en charge de l'animation d'un réseau d'acteurs publics et privés ;
- le soutien financier de l'ADEME régionale aux études préalables, notamment aux assistances à maître d'ouvrage dans le domaine de l'ingénierie) ;
- la création d'une société publique locale, la SPL OSER, qui mutualise les moyens liés à l'ingénierie.
Ainsi, le même rapport observe que « cette dynamique a contribué à créer un écosystème régional et à donner de la visibilité au marché de la rénovation en Auvergne-Rhône-Alpes. En stabilisant un cahier des charges et en ciblant des CPE de petite taille, la SPL a contribué au développement d'un tissu de PME locales compétentes et aptes à gérer des CPE sur plusieurs années. Quant aux collectivités territoriales de taille moyenne, elles ont pris connaissance des offres de la SPL en matière de rénovation et ont su s'appuyer sur cette structure pour mener des rénovations globales ambitieuses dans une logique patrimoniale ».
En conséquence, une politique plus volontariste, menée à l'échelle locale, pourrait probablement contribuer au développement des contrats de performance énergétique qui concernent pour l'instant, dans leur grande majorité (70%), des projets d'une surface supérieure à 10 000 m2.
En effet, les chiffres clés 2022 de l'Observatoire national des CPE montrent que 28% des CPE concernent des bâtiments dont la surface cumulée est comprise entre 10 000 et 50 000 m² et 29% plus de 100 000 m². À l'inverse, 18% des CPE concernent une surface inférieure à 5 000 m² ; dans cette dernière catégorie, les petites communes sont les plus concernées.
Ainsi, s'appuyer sur une structure telle que la SPL OSER, qui permet d'« industrialiser » le processus d'appel d'offres et de diminuer les coûts de transaction liés au montage et au suivi d'un projet de taille modeste semble particulièrement pertinent. Cette faculté a « permis de créer une niche pour les CPE des petites municipalités ».
TROISIÈME
PARTIE - L'URGENCE D'UNE
STRATÉGIE COHÉRENTE POUR CRÉER UNE VÉRITABLE
DYNAMIQUE EN MATIÈRE DE RÉNOVATION DES
ÉCOLES,
COLLÈGES ET LYCÉES
La mission d'information a acquis la conviction au cours de ses travaux de la nécessité d'une stratégie coordonnée pour créer une véritable dynamique en matière de rénovation des écoles, collèges et lycées.
Cet objectif est partiellement pris en compte par le « Plan de rénovation énergétique des écoles - tous mobilisés », dont le lancement a été annoncé le 9 mai 2023 au ministère de la transition écologique.
Ce plan consiste à mobiliser, pour la rénovation thermique des écoles, divers outils de financement : le Fonds chaleur (520 millions d'euros), le Fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, le tiers financement, dont le cadre juridique, expérimental, résulte d'une loi récente, ainsi que des prêts de la Banque des territoires.
La Banque des territoires, acteur central de ce nouveau plan, a pris l'initiative du programme Édurénov, qui vise la rénovation de 10 000 écoles du premier degré public d'ici 2027, de manière à réaliser au moins 40% d'économies d'énergie.
2 milliards d'euros de financements Intracting (« dispositif financier dans le cadre duquel les économies d'énergie réalisées grâce aux travaux sont utilisées pour rembourser l'avance accordée »192(*)) seront ainsi mis à disposition des communes, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros de crédits d'ingénierie sur 5 ans pour accompagner les collectivités territoriales dans leur diagnostic de performance énergétique, puis la préparation de leur programme de travaux193(*).
Le plan s'appuie sur un « parcours d'accompagnement territorialisé », permettant un suivi des projets, des diagnostics préalables au financement, mis en place par la Banque des territoires, qui met également à la disposition des communes une « boîte à idées », sous forme de plateforme accessible sur son site, pour présenter les outils existants, déclinés et adaptés au bâti scolaire, informer sur les dispositifs d'ingénierie mobilisables, les guides techniques à consulter...
Une charte nationale définira les critères attendus des projets de rénovation d'écoles : « La Banque des territoires a choisi d'accompagner 10 000 projets scolaires ayant pour objet commun au moins 40% d'économies d'énergie. Ces 10 000 projets, dénommés par la Banque des territoires projets « totems » (...), seront identifiés par les directions régionales de la Banque des territoires ou via des partenaires locaux ou territoriaux. Une charte définira en fin d'année 2023 les critères attendus pour les projets « EduRénov » (...). Il faudra que le projet « totem » soit exemplaire (au moins 40% d'économies d'énergie), innovant dans les matériaux, les procédés, les usages ou la concertation opérée par les élus locaux et efficace, et conçu autour d'un modèle adapté, concerté et reproductible dans un territoire équivalent »194(*).
Parallèlement à la mise en oeuvre de ce plan, centré sur le premier degré, la mission d'information estime souhaitable, en vue du pilotage de la transition écologique des établissements scolaires, de définir une méthode coordonnée, de simplifier l'accès des collectivités territoriales à l'information et à l'ingénierie et de sécuriser le financement de leurs investissements.
I. MIEUX COORDONNER LA RÉNOVATION ÉCOLOGIQUE DU BÂTI SCOLAIRE
A. UN PILOTAGE À METTRE EN PLACE
1. Le rôle de l'État à préciser
La rénovation des établissements scolaires face aux enjeux de la transition énergétique implique de trouver un équilibre entre :
- d'une part, la nécessité d'une impulsion nationale à amplifier face à l'importance des efforts à accomplir et des obstacles à franchir et aux objectifs ambitieux fixés par la loi ELAN ;
- et, d'autre part, la compétence à l'égard du bâti scolaire, qui relève des collectivités territoriales.
Dans la partie de son rapport annuel de 2023 consacrée aux collèges, la Cour des comptes pose la question de la bonne articulation entre l'État et les départements et juge nécessaire de « coordonner les acteurs publics dont les objectifs peuvent éventuellement diverger ».
a) Le rôle de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale
Le positionnement du ministère de l'éducation nationale sur ces questions traduit la complexité de la définition du rôle de l'État en la matière.
L'existence même de la cellule Bâti scolaire, placée sous la tutelle directe du secrétariat général du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, et constituée près de 40 ans après les lois de décentralisation et le transfert de compétences aux collectivités territoriales, ainsi que la présence d'un référent « bâti scolaire » dans chaque académie, interrogent de nombreux élus.
La cellule Bâti scolaire
Plusieurs raisons expliquent la création de cette cellule, plus de quarante ans après les lois de décentralisation et le transfert de la compétence des bâtiments scolaires aux collectivités territoriales.
Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse est en effet régulièrement interpellé, notamment par les chefs d'établissement, sur certaines problématiques liées aux bâtiments scolaires (présence d'amiante, vétusté, vague de chaleur...). Par ailleurs, il est responsable de la sécurité et des conditions de travail des personnels de l'éducation nationale (responsabilité employeur). Enfin, il est régulièrement sollicité par les communes, plus particulièrement dans les territoires ruraux.
Lors de leur audition, les représentants de la cellule Bâti scolaire ont rappelé que leur rôle est « bien circonscrit et n'a pas pour objectif de remettre en cause le partage de compétences issues de la décentralisation ». La cellule a pour objectif de répondre aux difficultés rencontrées par certaines collectivités territoriales ou par certains personnels de l'éducation nationale et de leur permettre de disposer d'un interlocuteur, au sein du ministère, sur les questions intéressant les bâtiments.
Il ressort des auditions que cette structure est
diversement considérée. Les représentants des
départements et des régions, qui disposent en interne de
l'ingénierie et des compétences suffisantes pour mener à
bien des travaux complexes, ont émis des doutes sur l'apport de cette
cellule
- certains ont d'ailleurs remis en question son existence
même, en raison du transfert de compétences sur le bâti
scolaire. Ces réactions soulignent combien la définition d'une
stratégie de rénovation du bâti scolaire à
l'échelle nationale est délicate. Cette stratégie doit en
effet s'inscrire dans le respect de la libre administration des
collectivités territoriales, corollaire du respect de leur domaine de
compétences, tout en prenant en compte les demandes de certaines
collectivités territoriales en matière d'accompagnement.
Le bloc communal semble accueillir plus favorablement la cellule Bâti scolaire - quand toutefois les élus la connaissent, ce qui est loin d'être le cas pour tous. Ainsi, à Marseille, le cahier des charges rédigé pour la rénovation des écoles à structures métalliques a été partagé avec cette structure.
Il n'en demeure pas moins que le rôle de l'État dans ce domaine est déterminant :
- il s'agit tout d'abord de répondre à la demande de certains élus locaux, qui ressentent le besoin légitime d'être accompagnés dans leurs travaux de rénovation écologique des bâtiments scolaires ;
- il s'agit aussi pour le ministère de l'éducation nationale d'exercer sa responsabilité en tant qu'employeur des quelques 1,2 million de personnels de l'éducation nationale dont le quotidien est directement affecté par l'état des bâtiments scolaires, en termes de sécurité et de bien-être au travail ;
- il s'agit, enfin, pour l'État d'être le garant d'un déploiement homogène du service public de l'éducation nationale, comme le souligne la Cour de comptes : c'est dans ce contexte que s'inscrit le plan « Marseille en grand ».
Le plan « Marseille en grand » : un investissement de 400 millions d'euros de l'État en faveur des écoles marseillaises les plus dégradées
Le 1er février 2016, le journal Libération titrait « Les écoles à Marseille, la honte de la République » : « locaux insalubres, papier toilette réclamé aux parents, cantines sous-dimensionnées, chauffage défectueux... Les établissements maternels et primaires de la cité phocéenne atteignent un état de délabrement ahurissant. Sans que la mairie ne se mobilise ».
Le 2 septembre 2021 au palais de Pharo, le Président de la République a annoncé le plan « Marseille en grand », comportant un volet spécifique dédié au bâti scolaire. Dans ce cadre, la rénovation de 188 écoles (sur les 470 écoles de la ville) a été annoncée. Une structure « ad hoc », la Société publique locale d'aménagement d'intérêt national, détenue à parts égales par l'État et la Ville, a vu le jour : elle est en charge de la rénovation des écoles marseillaises.
Une enveloppe de 845 millions d'euros est prévue, abondée à hauteur de 400 millions d'euros par l'État et 445 millions d'euros par la Ville (fonds propres, emprunt, mais aussi fonds vert, DSIL, fonds européens...).
À cela s'ajoute une enveloppe de 386 millions d'euros de la Ville, sur dix ans, pour la rénovation courante des 290 autres écoles (correspondant à l'investissement moyen annuel nécessaire de 40 millions d'euros pour ces entretiens et améliorations).
Au total, 1,2 milliard d'euros hors taxe seront consacrés en dix ans à la rénovation et à l'amélioration du bâti scolaire marseillais.
Par ailleurs, à Mayotte, où les défis en matière de bâti scolaire sont nombreux, cette compétence relève de l'État.
b) Une nécessité : anticiper les évolutions de la carte scolaire
Dans le contexte de fermetures de classes, notamment dans le primaire, en lien avec la baisse démographique observée depuis dix ans195(*), la question de l'opportunité de lancer des travaux coûteux en l'absence de visibilité sur le maintien des classes à moyen terme se pose régulièrement.
Il s'agit d'une réflexion légitime, à la fois pour la bonne utilisation des deniers publics - les travaux de rénovation coûtent cher -, mais aussi en termes de priorisation face à l'ampleur des travaux à envisager par la collectivité territoriale.
Nombreux ont été les élus locaux à pointer cette difficulté : les incertitudes sur la carte scolaire contraignent incontestablement la programmation de travaux de rénovation de bâtiments scolaires - plus particulièrement d'écoles.
Ainsi, pour l'association Intercommunalités de France, « beaucoup d'écoles dans les départements très ruraux sont menacées de fermeture, car elles sont à moitié vides du fait de la déprise démographique. Ces menaces constituent un frein politique à la rénovation ou à la construction de bâtiments conformes aux normes actuelles, qu'il ne faut pas ignorer »196(*).
Les témoignages d'élus locaux consultés par la mission d'information197(*) confirment ce point. La menace de fermeture de classes est régulièrement mentionnée comme limitant la pertinence des investissements : « Pour nous, petite commune rurale, 600 habitants, l'enjeu est considérable (gouffre énergétique ; occupation très intermittente ; pôle de développement et d'animation du village), mais il est exclu d'investir fortement tant que la pérennité de notre école (maternelle) ne sera pas garantie, sur plusieurs années, ce que la DASEN ne nous assure pas à ce jour - et même loin de là : menace permanente de fermeture, soit au niveau de l'école communale, soit au niveau du regroupement pédagogique intercommunal avec la commune voisine ».
La mission d'information est convaincue de la nécessité, pour les collectivités, d'être en mesure de se projeter dans l'utilisation future des bâtiments pour investir dans leur rénovation, ce qui est impossible lorsque l'on peut craindre des fermetures de classes.
En amont du lancement du Plan France ruralités, le ministre de l'éducation nationale a annoncé, le 6 avril 2023, qu'à partir de l'automne 2023, en milieu rural, les maires, les directeurs académiques de services de l'éducation nationale (DASEN) et les préfets devraient se réunir en vue de l'élaboration d'une carte scolaire pluriannuelle. Il s'agit « par exemple qu'un maire venant de lancer la rénovation de son école ne découvre pas un mois plus tard qu'une ou des classes vont fermer »198(*).
La prévisibilité de la carte scolaire sur trois années, prévue par le Plan France ruralités, constitue donc un véritable progrès et doit être saluée, même si ce délai peut paraître insuffisant pour sécuriser la programmation d'investissements concernant la transition écologique, dont la rentabilité s'étend sur de nombreuses années.
2. Quelle méthode ?
Les travaux de la mission d'information ont mis en évidence la nécessité d'une stratégie coordonnée de rénovation écologique des bâtiments scolaires.
Ils ont aussi permis d'identifier des écueils à éviter dans le cadre de ce pilotage, ce qui souligne les limites d'une approche systématisée de cette politique publique.
a) Définir des priorités par type de bâtiment : un risque en termes d'égalité entre les élèves
Lors de la table ronde du 4 avril 2023, la représentante du Conseil national de l'Ordre des architectes a proposé un plan cohérent pour « donner à toutes les filières une perspective sur le long terme leur permettant de s'organiser dans les meilleures conditions et d'articuler des priorités ».
Selon elle, « il importe de commencer par les chantiers les plus urgents, des années 1970-1980 (je pense par exemple aux façades vitrées plein sud) ».
Un autre critère de priorisation pourrait cibler les établissements soumis au décret tertiaire, d'une surface supérieure à 1 000 m², dont les consommations d'énergie doivent baisser d'au moins 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, par rapport à 2010.
Ces démarches présentent l'intérêt d'une relative simplicité ; elles sont en outre cohérentes en matière d'urgence écologique et sur le plan juridique.
Néanmoins, la mission d'information s'interroge sur les conséquences d'une approche aussi systématique, non seulement en termes d'égalité entre les collectivités territoriales dont les établissements scolaires seraient éligibles à une rénovation rapide et les autres, mais aussi au regard de l'égalité entre élèves.
Par ailleurs, la mission d'information estime que cette méthode pourrait avoir pour conséquence de faire passer les plus petites communes au second rang, soit que leurs écoles datent d'époques plus anciennes (de type Jules Ferry, ou des écoles-mairie), soit que, en raison de leur surface, elles soient en deçà du seuil fixé par le décret tertiaire.
b) Les limites d'une approche standardisée et industrialisée
Face à l'ampleur de la tâche et à son coût élevé, la mission d'information s'est posé la question d'une catégorisation par type de bâtiments scolaires dans un double objectif : d'une part, faciliter le déroulement des travaux et l'adaptation des entreprises en standardisant les méthodes de rénovation et, d'autre part, permettre de réaliser des économies d'échelle dans les coûts de production et de réalisation des travaux.
Lors de son déplacement à Marseille, elle a noté avec intérêt le travail de catégorisation des écoles publiques en fonction des époques et types de construction, réalisé par la Société publique des écoles marseillaises, qui a ainsi identifié des profils d'écoles : maison d'écoles, écoles Jules Ferry, GEEP199(*), Effier200(*), écoles récentes. Il ressort des échanges que des spécificités propres à chaque type de bâti, en termes de rénovation, peuvent être observées.
L'histoire de l'architecture scolaire, marquée par des périodes de construction distinctes, permettrait en effet de regrouper des milliers de bâtiments scolaires présentant des caractéristiques architecturales similaires.
Une brève histoire de l'architecture scolaire
L'évolution du cadre législatif sur la scolarisation obligatoire alliée à des périodes de forte croissance démographique a conduit à la création d'établissements scolaires semblables à des époques différentes.
En voici quelques exemples :
- Jusqu'au XIXe siècle, il n'y a quasiment pas de construction spécifiquement scolaire en France. La Monarchie de Juillet demande aux communes d'entretenir au moins une école primaire élémentaire. Il s'agit parfois de dons ou legs. Ce sont les « maisons écoles », qui du point de vue de la Société publique des écoles marseillaises sont les moins adaptées à un usage scolaire.
- Sous la Troisième République, à la fin du XIXe siècle, l'école de type « Jules Ferry » voit le jour. Elle est reconnaissable à sa façade agrémentée de briques dans l'encadrement des fenêtres. Elle dispose souvent d'un corps central organisé symétriquement en raison de la séparation des sexes (« écoles de filles », « école de garçons »). Le corps central est généralement composé de plusieurs étages.
- Les années 1950 et 1960 sont marquées par des constructions industrialisées face à l'accroissement de la population scolaire. Deux procédés sont utilisés : les poutrelles métalliques (GEEP ou établissement Pailleron) ou la structure en béton. Il est créé, au sein du ministère de l'éducation nationale, la DESUS (direction de l'équipement scolaire, universitaire et sportif), qui édicte des règles rigoureuses entraînant une uniformisation des établissements du second degré : bâtiments souvent sur quatre étages, organisés selon un plan identique.
- Les années 1980-90 sont marquées par le transfert aux collectivités territoriales de la compétence en matière de bâti scolaire. Les établissements construits à cette époque traduisent souvent la volonté de faire de l'établissement une « vitrine » du territoire. Un certain nombre d'établissements relèvent ainsi de « gestes architecturaux ».
Néanmoins, il résulte des travaux de la mission d'information qu'il est difficile de passer d'une approche théorique à des travaux massifiés par époque de construction. En effet, deux écoles dites « Jules Ferry » ou deux établissements du secondaire en structure « béton » ont pu évoluer de manière différente en dépit de structures initiales identiques : certains bâtiments peuvent avoir connu des extensions, d'autres n'ont pas encore été totalement mis aux normes d'accessibilité ou de sécurité, d'autres enfin contiennent de l'amiante en raison de travaux d'isolation réalisés dans les années 1970.
Si toute systématisation en fonction des époques de construction doit être évitée, en revanche il est légitime de se poser la question d'une massification et d'une industrialisation des projets de rénovation, qui permettraient de réaliser les travaux rapidement, pour des coûts maîtrisés.
La Caisse des dépôts évoque ainsi des bâtiments scolaires « qui se prêteraient bien à la rénovation en chantier "hors site" », sur le modèle néerlandais EnergieSprong, car ils sont assez homogènes et très marqués par des méthodes de construction.
Le programme EnergieSprong
Ce programme a été développé aux Pays-Bas au début des années 2010, afin de rénover rapidement et à grande échelle des bâtiments existants - des logements sociaux dans un premier temps.
Le programme garantit sur trente ans aucune consommation nette d'énergie : le bâtiment consomme, après rénovation, autant d'énergie qu'il en produit. Les économies d'énergie réalisées permettent de financer le projet à moyen terme.
EnergieSprong a un double objectif : massifier les opérations de rénovation tout en abaissant les coûts. Pour cela, il repose sur la standardisation et l'industrialisation : une partie des travaux ont lieu hors site par des procédés de préfabrication. La rénovation en site occupé se fait alors en temps limité, permettant de ne pas avoir à reloger temporairement les habitants concernés. En fonction des situations, quelques semaines - voire une seule - suffisent à mener l'opération.
Les travaux reposent sur trois éléments :
- la toiture, via des panneaux 100% préfabriqués intégrant ossature, isolation et couverture, avec des sur-toitures modulaires, qui produisent de l'énergie renouvelable grâce à des panneaux photovoltaïques ;
- la façade isolante : après un scan de la façade d'origine, une nouvelle façade est préfabriquée en usine en intégrant l'ossature, l'isolation, les menuiseries extérieures ainsi que les finitions, pour être ensuite posée contre la façade initiale ;
- le module énergie : un système unique regroupe les équipements de chauffage, d'eau chaude et ventilation, en s'appuyant sur des pompes à chaleur et proposant en majorité de la ventilation double flux.
5 000 logements sociaux ont été ainsi rénovés. Les coûts de rénovation ont baissé de 50% en 5 ans grâce à cette massification et standardisation.
Les travaux sont « autofinancés » par les économies sur les factures d'énergie qu'ils ont permis de dégager.
Si cette approche se heurte à la diversité des bâtiments scolaires, la mission d'information estime intéressante l'élaboration de référentiels prenant en compte les questions techniques propres aux bâtiments scolaires, en termes d'usages et de besoins.
L'intermittence des usages, le confort d'été, la problématique de la sécurité, qui interdit par exemple d'ouvrir en grand une fenêtre dans les étages des écoles primaires, sont autant de points communs partagés par de très nombreux bâtiments.
Pour l'ADEME, « la réalisation de référentiels sur des questions techniques pour les bâtiments d'enseignement est une bonne idée, à orienter pour la cible des prescripteurs (bureaux d'études, architectes, accompagnateurs de projets...) et des services techniques des collectivités. Le référentiel permettrait de guider la maîtrise d'ouvrage dans la phase “amont” (programme) sur les bonnes questions à se poser sur un plan technique, économique, juridique, et les concepteurs-réalisateurs sur les bonnes pratiques, solutions techniques et organisationnelles bien adaptées à la rénovation des écoles et qui soient issues des retours d'expériences »201(*).
c) Le regroupement des maîtres d'oeuvre : une formule complexe
Éviter l'éclatement des projets et générer des économies d'échelle peut passer, sous certaines conditions, par la méthode d'appels à projets groupés.
Cette formule est tentante en théorie lorsque des collectivités ont des patrimoines comparables. Elle peut être pertinente pour des travaux bien délimités, par exemple des opérations groupées d'isolation de toiture.
Néanmoins, elle se heurte aux réalités de terrain. C'est en tout cas le constat dressé par la Caisse des dépôts dans le cadre d'une réflexion menée avec certains territoires, notamment la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Le groupement de commande ne semble envisageable que si deux conditions sont respectées :
- un maître d'ouvrage membre du groupement (et donc acheteur de la commande) accepte d'en être le coordonnateur pour les autres et d'en supporter le montage administratif ;
- le besoin fait consensus entre les adhérents et les actions proposées sont assez homogènes pour justifier des lots communs : ce marché groupé n'aurait aucun sens s'il devait exister un lot spécifique pour chaque bâtiment à rénover.
Or dans le cadre d'opérations de rénovations lourdes, les besoins sont rarement les mêmes entre les différents bâtiments, y compris construits à une même époque : ils peuvent différer en raison de leur entretien et des travaux déjà réalisés.
3. Plan « 10 000 écoles » : le choix de 200 projets « totem » susceptibles d'inspirer d'autres collectivités
Pour Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, l'objectif du programme « 10 000 écoles » est de « permettre l'émergence d'une dynamique territoriale par identification de projets modèles, dans une logique d'émulation et de développement des filières par le terrain ». La démarche s'appuie donc sur 200 projets exemplaires, « identifiés par les directions régionales de la Banque des territoires ou via des partenaires locaux ou territoriaux »202(*) à partir de critères qui seront définis dans le cadre d'une charte attendue pour la fin de 2023.
Ces « totems » seront choisis de manière à constituer une « source d'inspiration » pour d'autres collectivités et à pouvoir être « reproductibles dans un territoire équivalent ».
Au début du mois de juin 2023, comme l'a reconnu la ministre, seul avait été identifié le premier des 200 projets « totem », le pari étant de susciter les initiatives des collectivités.
La mission d'information donne acte au Gouvernement de cette démarche misant sur l'émergence spontanée de projets de rénovation encouragée par l'émulation attendue des projets « totem », qui devra être évaluée en 2024.
Toutefois, elle insiste sur le fait que cette méthode ne saurait permettre de faire l'économie d'une meilleure articulation, à l'attention des élus, de l'information et de l'ingénierie, dont la coordination et la simplification sont indispensables pour encourager les collectivités à rénover leurs établissements scolaires.
Recommandation : Effectuer un bilan, dès la fin de 2024, du plan « 10 000 écoles » (nombre de projets, coût, types de rénovation, financements...)
B. UN PRÉREQUIS : AMÉLIORER L'ACCÈS DES COLLECTIVITÉS À L'INFORMATION ET À L'INGÉNIERIE
1. Des sources d'information à mieux coordonner
L'identification des différents dispositifs d'accompagnement est une des difficultés rencontrées par les élus, notamment à l'échelon communal, comme l'ont confirmé les auditions de la mission d'information.
a) Une dispersion des supports d'information
De nombreux outils d'information sont susceptibles d'aider les élus dans la conception et la conduite de leur projet, mais leur dispersion est un obstacle : l'auteur du rapport Demarcq avait renoncé à établir une liste des différents guides et sites d'information disponibles pour accompagner les élus dans leur démarche de rénovation énergétique.
Les nombreuses documentations et brochures qui ont été mises à la disposition des membres de la mission d'information confirment l'actualité et la pertinence de cette observation.
L'attention de la mission d'information a été attirée par le guide sur la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités locales, publié en ligne en juillet 2020 par la Coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments203(*).
Ce guide a été conçu dans l'esprit d'un « kit opérationnel » et comme l'un des éléments constitutifs d'un parcours usagers pour de « petites collectivités ». Y ont contribué les opérateurs (ADEME, ANCT, CEREMA) et d'autres structures habituelles sur ce sujet (Banque des territoires, équipe du programme CEE ACTÉE porté par la FNCCR). Il comporte un chapitre consacré aux bâtiments scolaires, exemplaire à bien des égards, qui expose clairement les enjeux de la rénovation et propose, à chaque étape d'un projet de rénovation, les outils mobilisables ainsi que les acteurs à solliciter.
La mission d'information souhaite que ce guide soit actualisé pour intégrer en particulier le nouveau programme CEE ACTÉE+ dédié à l'accompagnement des collectivités, lancé fin 2022, et la mesure de soutien à la rénovation des bâtiments des collectivités pour 2023 du Fonds vert.
La mission d'information estime en outre que ce document mériterait aussi d'être largement diffusé.
La mission d'information constate également que les effectifs de la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments sont peu nombreux204(*) au regard d'un champ de compétences particulièrement vaste, qui comprend également le logement privé, et demande que cette structure soit pourvue de moyens humains adaptés à des missions qui ne peuvent manquer de s'amplifier dans les années à venir.
La mission d'information a par ailleurs constaté l'intérêt de diverses initiatives locales permettant aux collectivités de disposer d'informations précieuses telles que des répertoires des acteurs de la transition écologique présents dans le territoire, des listes de contacts, des « fiches-ressources » et des retours d'expérience.
Parmi les divers exemples dont elle a eu connaissance, on peut citer le Guide départemental des ressources d'ingénierie locale en Ardèche, établi par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, le Guide de l'ingénierie publique territoriale de Meurthe-et-Moselle, auquel a contribué le CAUE du département et le Guide de l'ingénierie financière à destination des collectivités territoriales, publié par la préfecture de l'Oise.
Par ailleurs, plusieurs régions et départements ont rédigé leurs propres référentiels de travaux, à l'attention des acteurs de leur territoire.
Dans le même esprit a été créé le site Aides-territoires.beta.gouv.fr205(*), qui recense les principales aides et propose d'informer les décideurs locaux. Ce dispositif semble toutefois destiné davantage à orienter les élus vers des appels à projets que vers des « boîtes à outils ». Les élus et les agents locaux ne se le sont toutefois pas tous appropriés.
Le site Aides-territoires
Aides-territoires est née du constat selon lequel la recherche d'aides est un travail difficile et chronophage pour les acteurs locaux.
L'information est dispersée sur les différents sites des financeurs et accompagnateurs et les dispositifs d'appui sont diffusés au sein de réseaux spécifiques, souvent peu ou pas connus des agents et des élus. Ils ne bénéficient alors qu'à une partie des territoires, ceux qui peuvent consacrer des moyens importants au travail de veille.
Aides-territoires facilite la recherche d'aides par les collectivités territoriales et leurs partenaires locaux (associations, établissements publics, entreprises) en rendant visibles et accessibles tous les dispositifs financiers et d'ingénierie auxquels ils peuvent prétendre.
Aides-territoires a été créé dans le but de faire gagner du temps aux acteurs locaux, de contribuer à une meilleure symétrie dans l'accès aux aides et à l'égalité entre les territoires.
Enfin, les guides de la cellule Bâti scolaire, précédemment évoquée, visent à mettre à la disposition de tous, sur son site, des supports divers206(*), pensés par niveau (maternelle, primaire, collège...) ; il existe également un guide pour améliorer le confort thermique des bâtiments scolaires pendant les vagues de chaleur.
Ces documents constituent une source d'information importante, qui devrait être largement diffusée : la mission a observé que ces guides n'étaient pas connus de tous les élus municipaux. Or, ces documents sont diversement appréciés par les élus locaux et interroge nombre d'entre eux, l'État donnant l'impression de se poser comme éditeur et prescripteur d'attendus techniques et architecturaux. La mission d'information en est convaincue, cette ambiguïté doit être levée.
b) Une nécessité : mettre à la disposition des élus une information claire, accessible et complète dédiée au bâti scolaire, intégrant des retours d'expérience utiles pour mieux concevoir leurs projets
De nombreuses ressources sont donc disponibles, mais leur diversité ne facilite pas l'identification d'un document de référence susceptible de guider la démarche des élus.
L'enjeu est, sans nul doute, de parvenir à rationaliser l'accès aux informations disponibles pour permettre aux élus locaux, en amont de leur projet, avant même d'avoir affiné celui-ci, de disposer facilement de l'information dont ils ont besoin (normes applicables, exemples de budgets, conseils relatifs aux marchés, « personnes-ressources » du territoire...) sans avoir nécessairement à s'identifier ni à renseigner des objectifs précis.
Il s'agit aussi de rassembler de manière accessible les retours d'expérience des élus et de favoriser non seulement le partage de bonnes pratiques, mais aussi - et surtout - les écueils à éviter207(*). La mission d'information pense ainsi à l'exemple donné par notre collègue Jocelyne Guidez, sur une cantine scolaire construite en 2017 en bois et isolation paille : « elle n'a pas besoin d'être chauffée même en plein hiver, mais l'isolation était tellement forte que j'ai dû faire des aménagements pour améliorer la circulation de l'air ! »
Comme l'a souligné Pierre-Marie Ganozzi, maire-adjoint de Marseille, devant la mission d'information : « on ne peut que gagner à mutualiser les bonnes pratiques, dès lors qu'aucune obligation ou coercition intervient »208(*).
Pour sa part, le conseil départemental de la Drôme a jugé pertinent de « massifier (...) les retours d'expérience »209(*).
La mission d'information a pris connaissance avec intérêt d'initiatives telles que :
- le « suivi des performances de 5 écoles déjà rénovées pour optimiser le retour d'expérience et orienter au mieux les choix futurs », dont l'ALEC du Puy-de-Dôme a donné l'exemple210(*) ;
- le recueil de retours d'expériences publiés par l'association bretonne BRUDED211(*) (« Mener son projet de construction durable : les clés de réussite »), qui récapitule pour quelques projets de rénovation bâtimentaire jugés exemplaires les sources de financement, les partenaires mobilisés et les étapes de la construction du projet.
L'attention de la mission d'information a été attirée vers le site Solutionsdelus, cogéré par l'ANCT et destiné au partage de solutions concrètes par des élus dans le domaine de la transition écologique. Ce site a notamment été présenté par Mme Dominique Faure lors de son audition : « Des photographies et des vidéos donnent envie à d'autres élus de reproduire ce qui a bien marché dans votre commune »212(*).
Toutefois, la mission d'information estime que Solutionsdelus, malgré son indéniable intérêt, ne répond pas pleinement aux besoins d'information des élus en matière de bâti scolaire. Elle juge opportun d'aller plus loin dans la diversité des outils mutualisés pour accompagner les élus dans leurs projets.
Elle appelle donc à la création d'une plateforme dédiée à la rénovation des bâtiments scolaires, qui regrouperait non seulement :
- les retours d'expérience pertinents, en croisant catégorie d'établissement et nature des territoires (montagne, métropole, centre-ville, milieu rural...), tout en permettant d'identifier les écueils à éviter, comme par exemple les difficultés rencontrées lors de la conduite de chantiers en cours d'année scolaire ;
- mais aussi toutes les sources d'information susceptibles de contribuer à l'élaboration et à la conduite des projets concernant le bâti scolaire (normes applicables, exemples de budgets, conseils relatifs aux marchés publics, référentiels de travaux élaborés par les collectivités territoriales...) ;
- ainsi qu'un répertoire, par département, des acteurs et « personnes-ressources » qui accompagnent les élus dans leur démarche (CAUE, ALEC, agences départementales d'ingénierie, préfecture...)
Ce répertoire pourrait s'inspirer de l'annuaire des délégués territoriaux de l'ANCT disponible sur le site de celle-ci213(*).
Cette plateforme, où les documents élaborés par la cellule Bâti scolaire auraient leur place, de même que le guide de la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments (une fois actualisé), permettrait également de partager les informations relatives aux établissements d'enseignement français à l'étranger dont l'intérêt a été souligné précédemment.
Le site Solutiondelus pourrait en constituer une préfiguration, les services de l'État dans les départements et les associations d'élus devant être associés à la conception et à la diffusion de cet outil dans tous les territoires, avec l'ensemble des structures d'ingénierie nationales et locales (ANCT, ADEME, CEREMA, Banque des territoires, ALEC, CAUE...)
Recommandation : Créer une plateforme dédiée aux bâtiments scolaires pour regrouper en un site unique et cohérent, principalement à l'attention des élus :
- toutes les informations utiles à l'élaboration et à la conduite des projets de rénovation des bâtiments scolaires (normes applicables, exemples de budgets, conseils relatifs aux marchés publics, guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, référentiels de travaux élaborés par les collectivités territoriales, guide Rénovation énergétique des bâtiments des collectivités locales - comprendre et se lance, élaboré par la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, préalablement mis à jour...) ;
- des répertoires, par département, des acteurs et « personnes-ressources » susceptibles d'accompagner les élus dans leur projet (services de l'État, conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), agences départementales d'ingénierie...) ;
- les retours d'expérience pertinents (bonnes pratiques à partager, écueils à éviter), en intégrant les informations relatives aux établissements d'enseignement français à l'étranger.
2. L'ingénierie : un accès simplifié, dans le respect des écosystèmes locaux ayant fait leurs preuves
La diversité des acteurs de l'ingénierie a inspiré à la mission d'information le même constat qu'en matière d'information : face à des guichets multiples, le besoin d'un accès simplifié s'impose. Les efforts de coordination mis en oeuvre par certains acteurs de l'ingénierie doivent impérativement être poursuivis et un guichet simplifié reste à construire, plus particulièrement pour les collectivités dépourvues de solution d'ingénierie dont la situation a alerté la mission d'information.
a) Des efforts de coordination qui doivent être poursuivis
Le besoin d'une plus étroite coordination des différents réseaux semble faire l'objet d'une prise de conscience récente au niveau des opérateurs de l'État. Des rapprochements ont été initiés afin de rendre complémentaires les différents dispositifs, qui montrent que cet enjeu commence à se concrétiser sur le terrain.
- Par exemple, l'ADEME, qui anime le dispositif des conseillers en énergie partagés, a entrepris de nouer des actions de coopération plus étroite avec la FNCCR (voir l'encadré ci-après), qui déploie le programme ACTÉE relatif aux économes de flux. Ce rapprochement était d'ailleurs appelé de ses voeux par le rapport Demarcq en 2020. En avril 2022, deux actions concrètes ont donc été mises en place dans ce cadre. D'une part, l'organisation d'une rencontre nationale commune et paritaire des conseillers en énergie territoriaux, qui a réuni les conseillers en énergie partagés (CEP) et les économes de flux du programme ACTÉE ; au plan régional, des croisements de réseau se sont aussi déroulés ponctuellement.
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies
Créée en 1934, la FNCCR est une association de collectivités locales entièrement dévolue à l'organisation de services publics (énergie, cycle de l'eau, numérique, déchets). Organisme représentatif et diversifié, elle regroupe à la fois des collectivités qui délèguent les services publics à des entreprises et d'autres qui gèrent elles-mêmes ces services publics (régies, SEM, coopératives d'usagers...).
La FNCCR accompagne ses adhérents dans l'organisation technique, administrative et financière des services publics locaux en réseau et des activités qui leur sont liées (cartographie numérique et gestion des données, mise en commun de moyens, groupements de commandes, etc.).
La FNCCR exprime le point de vue collectif de ses adhérents, notamment lors de la préparation des textes législatifs et réglementaires et dans le cadre de négociations à caractère national avec des entreprises délégataires.
La FNCCR préconise la cohérence nationale et la solidarité territoriale, grâce à des outils de péréquation. Elle appuie la coopération intercommunale à une échelle suffisamment importante pour doter les services publics de moyens humains et matériels adaptés aux besoins des consommateurs.
D'autre part, en septembre 2022, l'ADEME a initié des discussions avec d'autres acteurs, notamment avec les réseaux de thermiciens « bâtiment » dans le secteur de la santé (Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux), ou des universités (Agence de mutualisation des universités et établissements). Il est d'ailleurs prévu d'organiser, à l'automne 2023, une rencontre commune aux quatre réseaux, dénommée CARTE.
La mutualisation des outils à disposition des collectivités territoriales pourrait donc s'amplifier. L'ADEME a ainsi créé une plateforme commune, qui permet d'inviter les membres des autres réseaux à rejoindre l'espace collaboratif des CEP. Cet espace regroupe déjà huit cents contacts, dont deux économes de flux ACTÉE et soixante du réseau santé, en sus des quatre cents CEP. Le développement de synergies en matière de formation est également prévu. Selon l'ADEME, « toutes ces initiatives prises par la communauté CARTE pourraient servir à préfigurer un service français de la rénovation thermique du tertiaire public »214(*). L'agence s'est déjà portée candidate à la mise en place d'un tel service qui pourrait être financé par une fraction du programme ACTÉE.
Ces évolutions rejoignent le besoin, dans les territoires, de réseaux structurés d'acteurs de l'ingénierie locale et d'une « ingénierie locale publique mutualisée et pérenne », comme l'a récemment proposé un rapport de la délégation aux collectivités territoriales215(*) qui appelle à armer les collectivités en ingénierie en leur donnant des moyens solides dans ce domaine.
b) Une réflexion indispensable sur les collectivités « sans solution d'ingénierie »
Les inégalités territoriales dans l'offre d'ingénierie constituent un frein important pour les collectivités concernées.
À titre d'exemple, comme l'a indiqué le directeur général de l'ANCT lors de son audition par la rapporteure, un tiers des départements sont dépourvus d'agence technique départementale.
Par ailleurs, si le réseau des CAUE est étendu, ces structures sont présentes dans 93 départements, dont 92 en métropole, ce qui laisse de côté quatre départements de métropole et trois départements d'outre-mer.
Quant aux agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), selon les données 2021 communiquées par l'ADEME, elles font défaut dans un certain nombre de territoires, comme les Hauts-de-France, la Normandie et de larges portions de la façade atlantique.
Quelque 40 agences sont réparties sur le territoire national, 5 à l'échelle d'une métropole, 15 à l'échelle d'un département, et 20 sur un territoire intermédiaire. Elles fournissent des conseils et une assistance technique aux utilisateurs d'énergie de 6 661 communes sur 14 métropoles, 47 Communautés d'agglomération/EPT et 208 communautés de communes216(*).
Certains élus n'ont donc pas de solution à leur portée, ce qui pose la question des structures susceptibles d'intervenir dans ces « interstices ». Selon le rapport précité de la délégation aux collectivités territoriales, « En cas de défaillance de l'offre locale, l'ANCT propose soit de réorienter les demandes vers ses partenaires (26% des situations), de traiter avec son expertise interne (6% des cas), d'opérer via une subvention (21% des cas) ou enfin de solliciter son marché qui propose de l'ingénierie d'accompagnement via des consultants privés sur un certain nombre de jours (46% des situations) »217(*).
Lors de son audition, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité a présenté le programme Villages d'avenir prévu dans le cadre du Plan France ruralités, qui prévoit le déploiement de 100 chefs de projet, soit un par département, auprès des préfets, afin de permettre aux maires de communes rurales de bénéficier d'un accompagnement pendant quelques jours - le CEREMA prenant le relais si un accompagnement plus long est nécessaire.
Cette initiative répond à une demande forte des maires des petites communes en accompagnement et ingénierie. Elle devra donc faire l'objet d'un suivi attentif, a fortiori parce que cette solution laisse entier le problème du recrutement de ces personnels et du manque d'attractivité de tels emplois, dont témoigne la difficulté à recruter des économes de flux mentionnée lors de l'audition des représentants des associations d'élus de l'échelon municipal.
Recommandation : Effectuer dès la fin de 2024 un bilan du déploiement des 100 chefs de projet prévus dans le cadre du programme Villages d'avenir et de la mobilisation de ce dispositif par les maires des communes rurales en vue de projets de rénovation des écoles.
c) Une conviction de la mission d'information : la nécessité d'un guichet simplifié en matière d'ingénierie
La Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments a souligné le frein que constitue pour les collectivités la « diversité d'offre » en matière d'ingénierie et son « manque de lisibilité dans le parcours des collectivités »218(*).
La mission d'information, souhaitant trouver une solution pour les collectivités qui ne disposent pas de ressources autonomes en ingénierie, a interrogé les élus, à de nombreuses reprises, sur la pertinence d'un « guichet unique » en la matière.
De manière éclairante, les régions et les départements, qui disposent de moyens autonomes en ingénierie, ont décliné cette proposition.
Mais le problème reste entier pour les collectivités dépourvues de moyens en ingénierie et qui peinent à trouver le bon interlocuteur dans leur territoire.
Les réponses des élus locaux consultés en ligne par la mission d'information, qui sont dans leur immense majorité issus de l'échelon municipal, montrent la complexité d'une telle solution. Si cette formule séduit certains (« à quand un grand service public d'aide à la transformation énergétique, simple et rapide ? »), elle pose des problèmes d'acceptabilité à ceux qui craignent la création d'une « couche administrative supplémentaire qui au final va nous compliquer la tâche ou ralentir les processus ». Ainsi, l'Assemblée des départements de France a estimé que « Si "guichet unique" il devait y avoir, il semblerait pertinent qu'il s'agisse d'un opérateur existant, indépendant, et déjà clairement reconnu et identifié par les collectivités locales (ADEME, CEREMA, Banque des territoires...) »219(*).
De plus, la mission d'information a pris conscience, lors de ses déplacements et au vu des témoignages reçus en ligne, de l'existence d'écosystèmes réussis qui, dans certains territoires, offrent des formules d'accompagnement au plus près des collectivités qui donnent satisfaction à celles-ci.
Si elle a écarté la formule d'un « guichet unique », la mission d'information a acquis la conviction de la nécessité d'un guichet simplifié pour certaines communes, sous réserve que cette formule ne remette pas en cause les « écosystèmes » réussis, constitués par exemple autour d'une ALEC ou d'une agence technique départementale, structure qui couvre, comme l'a rappelé le directeur général de l'ANCT lors de son audition par la rapporteure, « tout le spectre de l'ingénierie ».
Ce « guichet simplifié » viserait à aider les élus, et plus particulièrement les maires de petites communes :
- à mieux connaître les acteurs de l'ingénierie de leur territoire et à repérer les structures qui répondent le mieux à leurs besoins ;
- à accéder facilement aux informations et conseils nécessaires à la conception de leur projet.
Sur le premier point, la mission d'information a constaté, lors de son déplacement en Meurthe-et-Moselle, la pertinence d'une formation systématique des élus pour leur faire connaître les dispositifs d'ingénierie die leur territoire, dont la présidente de l'AMF du département a souligné l'intérêt.
La mission d'information appelle donc à l'organisation régulière (au moins une fois par an) de conférences des acteurs locaux de l'ingénierie, à l'échelle du département qui lui semble le niveau le plus approprié pour de telles réunions destinées aux échanges d'informations. Ces conférences devraient être organisées en lien avec les associations d'élus, les conseils départemental et régional, les services de l'État dans le département, l'ANCT et la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments.
Ces conférences pourraient contribuer à la définition de « parcours usagers » simples pour la rénovation énergétique des bâtiments publics des collectivités dont la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments a noté l'intérêt.
S'agissant de l'accès à l'information, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, présentant le Plan 10 000 écoles à la mission d'information le 7 juin 2023, a appelé les maires à se diriger « vers les acteurs du territoire que sont le préfet ou la DDT (en tout cas les services de l'État) » et vers les « structures locales de la Caisse des dépôts, qui ont les connaissances requises ». Notre collègue Monique de Marco a pour sa part suggéré la mise en place d'un « numéro vert », qui permettrait aux maires de recevoir facilement l'information nécessaire à leur projet : « pourquoi ne pas (...) créer un numéro vert, auquel les maires isolés pourraient poser leurs questions et savoir où trouver les renseignements qu'ils cherchent ? ».
La mission d'information estime que le Plan 10 000 écoles, en l'état actuel de sa présentation, ne semble pas répondre à la difficulté ressentie par les maires qui peinent à « trouver le bon interlocuteur quand le problème se pose », comme le rappelait notre collègue Véronique Del Fabro lors de l'audition de Mme Dominique Faure.
Une solution pourrait résider, dans l'esprit du « numéro vert », mais dans une logique plus flexible, dans la création d'une adresse courriel dédiée, qui dans chaque département permettrait aux élus d'obtenir des réponses aux questions suscitées par leurs projets de rénovation de bâtiments scolaires, dans des délais variables en fonction de la complexité des problèmes exposés.
La mission d'information suggère donc la mise à l'étude de cette « boîte aux lettres ». Les services de l'État pourraient, dans chaque département, en lien avec l'ANCT, être chargés de répondre aux messages des élus, à condition de recevoir des moyens adaptés à cette mission.
Recommandations :
- Organiser chaque année dans les départements des conférences des acteurs locaux de l'ingénierie, en lien avec les associations d'élus, les conseils départemental et régional, les services de l'État dans le département, l'ANCT et la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments.
- Mettre à l'étude une adresse courriel générique dédiée, dans chaque département, afin de permettre à tout maire de s'adresser aux services de l'État via cette « boîte aux lettres » pour obtenir les réponses aux questions que pose son projet de rénovation du bâti scolaire en matière d'ingénierie ; dimensionner en conséquence les services de l'État dans les départements ainsi que les moyens de l'ANCT et de la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments.
C. UN POINT DE VIGILANCE : LA DISPONIBILITÉ ET LA FORMATION DES PROFESSIONNELS
Pour répondre à l'objectif de rénovation thermique des bâtiments et assurer un travail de qualité en optimisant la performance énergétique, il est indispensable de disposer d'une main d'oeuvre suffisamment nombreuse au regard de l'ampleur des chantiers actuels et à venir, mais également bien formée aux exigences technologiques et aux évolutions règlementaires. Cette « capacité à faire et à bien faire » est essentielle pour faire face aux défis posés par la transition énergétique et climatique. Or les questions posées par la disponibilité de la main d'oeuvre et par la formation de celle-ci ont été très régulièrement mentionnées, lors des auditions et déplacements de la mission d'information, parmi les freins aux projets de rénovation des collectivités.
1. Des besoins en main d'oeuvre pour relever le défi de la transition énergétique et climatique
Les entreprises du secteur de la rénovation thermique sont aujourd'hui confrontées à un défi majeur, celui du recrutement, alors même que le nombre de projets de rénovation est appelé à croître fortement dans les prochaines années. Cette problématique n'est pas propre au secteur de la rénovation énergétique ; l'enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France, datée d'avril 2023220(*), relevait que plus de la moitié des entreprises françaises déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement, un chiffre en hausse de seize points par rapport à l'année précédente. Ce problème a, d'ailleurs, atteint un niveau historique en 2022 et conserve encore aujourd'hui toute son actualité. Les entreprises du secteur de la construction sont tout particulièrement touchées par ces difficultés, alors qu'elles sont très sollicitées pour des travaux de rénovation à la fois des bâtiments tertiaires, notamment scolaires, et des logements individuels et collectifs.
Ce manque de main d'oeuvre, auquel s'ajoute les tensions liées à la disponibilité des matériaux, qui pourrait compromettre les objectifs de rénovation des bâtiments, a été tout particulièrement souligné par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ainsi que par le représentant de l'ADEME : « en ce qui concerne les travaux, les directions régionales de l'ADEME et les CEP m'indiquent que le secteur du bâtiment est en surchauffe : il aura donc des difficultés à faire face à une multiplication des projets de rénovation. La question est de savoir si les matériaux ou les effectifs pourront être mobilisés en quantité suffisante et si les travaux pourront être facturés à des prix acceptables dans un contexte concurrentiel qui semble assez internationalisé »221(*).
Les entreprises du paysage sont aussi confrontées à de telles difficultés, comme l'ont fait observer leurs représentants lors des auditions menées par la mission d'information. Ce secteur « peine à trouver du personnel et connaît une quasi-pénurie dans certaines compétences»222(*). Ainsi, « 11 600 postes étaient à pourvoir en 2022 » et « près de deux entreprises sur trois déclarent vouloir embaucher sans y parvenir ». La filière du paysage connaît, en effet, une croissance forte et enregistre une progression du nombre d'emplois créés, au cours de ces dernières années. Ainsi sur la période 2019-2020, les effectifs salariés ont augmenté de 18%223(*).
Les entreprises du paysage et la rénovation des bâtiments scolaires224(*)
Les opérations de renaturation des cours d'école concernent toute taille d'entreprise, selon l'ampleur du projet. Elles constituent une opportunité pour les TPE-PME du paysage qui représentent plus de 90% du secteur.
Le secteur du paysage réalise un chiffre d'affaires de 8,21 milliards d'euros. Les marchés publics représentent 25,5% de ce montant, suivi par les marchés privés (25%) et celui des particuliers (49%).
La filière du paysage regrette que « la rénovation du bâti scolaire soit trop souvent perçue que sous le prisme énergétique. La biodiversité doit devenir un élément aussi structurant que le béton dans le bâti. L'Union nationale des entreprises du paysage (Unep) recommande à l'État de promouvoir des approches globales du bâti tout au long du cycle de vie (carbone, biodiversité) et de réaliser un inventaire de la nature existante et de sa préservation. Il s'agit de faire intervenir l'ensemble des professionnels du paysage (paysagistes-concepteurs, entreprises du paysage) dans les projets à chacune des étapes, et plus particulièrement lors des phases initiales. Cette approche globale constitue une réelle plus-value pour garantir la pérennité des projets.
Ces projets ambitieux rassemblent et nécessitent une participation collective, de la création à l'utilisation par les usagers des cours d'école. Les travaux de renaturation des cours d'écoles, réalisés par les entreprises du paysage, se font en coopération avec des entreprises des travaux publics, des bureaux d'études, des paysagistes-concepteurs, et des services techniques de municipalités. Ces travaux sont réalisés dans les écoles maternelles et primaires, les collèges, les lycées ainsi que dans les universités. »
Les difficultés de recrutement dans différents secteurs, qui coexistent pourtant avec un chômage élevé, s'expliquent par plusieurs facteurs. Elles peuvent être liées, d'après les indicateurs proposés par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail225(*), à « des phénomènes tout aussi différents que le manque de main d'oeuvre, l'inadéquation des compétences aux emplois, la localisation géographique, des conditions de travail trop difficiles ou des rémunérations jugées insuffisantes »226(*).
Toutefois, il faut relever que les représentants de la Fédération française du bâtiment (FFB) et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ont estimé, devant la mission d'information, « qu'en termes de volumétrie, de maillage du territoire et de capacité d'intervention sur le bâti scolaire », aucun « problème majeur »227(*) ne se posait. Ils ont fait valoir que le secteur avait déjà réussi à recruter « 100 000 voire 120 000 personnes pour relever le défi de la rénovation énergétique » et qu'il disposait de « marges de manoeuvre »3 en la matière, sans lesquelles il n'aurait pas pu atteindre un taux de croissance en volume de 2,4% pour l'année 2022.
Le très fort ralentissement du marché de l'immobilier neuf pourrait, par ailleurs, conduire à réorienter la main d'oeuvre en activité sur ce segment vers le marché de la rénovation énergétique. Cependant, cette évolution paraît plus complexe pour les métiers de gros oeuvre (tels que la maçonnerie) que pour d'autres activités (menuisiers, chauffagistes, électriciens...), où il est possible de se former à la rénovation énergétique, comme l'a souligné lors de la table ronde à la préfecture de Meurthe-et-Moselle le secrétaire général de la FFB de ce département, qui a également plaidé pour que les projets de rénovation du bâti scolaire s'inscrivent dans une perspective de moyen et long termes, en cohérence avec les autres chantiers concernant le bâtiment, afin de permettre aux professionnels du secteur de s'organiser avec l'État et les collectivités territoriales.
2. Une nécessité : améliorer l'information sur ces métiers afin d'ouvrir ces formations à de nouveaux profils
En dépit des appréciations différentes du marché de l'emploi dans le secteur de la rénovation énergétique, l'enjeu de la formation est essentiel pour l'ensemble des métiers concernés. La montée en compétences des professionnels du bâtiment et du paysage doit permettre de mieux répondre aux évolutions de ces métiers et aux besoins de recrutement dans le cadre de la transition énergétique et écologique. Des personnels bien formés sont, en effet, le gage d'une rénovation énergétique réussie. La nécessité de disposer de personnels qualifiés et de travailler sur un plan de formation à ces métiers a été soulignée, à plusieurs reprises, par les professionnels du secteur, mais aussi par les opérateurs en ingénierie. « Cette montée en compétence constante est indispensable pour accompagner les nouvelles prérogatives des entreprises du paysage : génie écologique, lutte contre les espèces invasives, végétalisation de nouveaux espaces et techniques alternatives aux produits phytopharmaceutiques », comme l'observe l'Unep228(*).
Par ailleurs, les difficultés de recrutement ne sont pas sans impact sur la qualité du travail réalisé. Dans ses réponses à la mission d'information, l'association Régions de France a noté « la baisse du professionnalisme des acteurs, notamment dans l'exécution des travaux ».
L'importance de faire connaître ces métiers en tension, notamment dans le domaine des économies d'énergie, et de s'ouvrir à de nouveaux profils, a été relevé par le représentant de l'ADEME lors de la table ronde sur l'accompagnement des collectivités : « Il faut donc faire connaître ces métiers ; l'urgence est également d'adapter les emplois pour les ouvrir à des profils éloignés de celui de thermicien. Nous sommes tous, en effet, en concurrence pour recruter ces derniers »229(*).
La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, consciente de cet enjeu, a fait observer qu'un travail était entrepris au sein du Gouvernement « pour qu'émergent très rapidement des filières de formation des jeunes à la construction de bâtiments, intégrant la dimension de la transition écologique »230(*).
Cette urgence à former aux métiers de la rénovation énergétique et climatique a aussi été soulignée par le CEREMA lors de la table ronde du 6 avril 2023 : « sur ces sujets énergétiques, je confirme que l'enjeu majeur est celui de la standardisation et de la formation, en particulier dans le monde des diagnostiqueurs, des entreprises et des artisans. »
Dans le domaine de l'ingénierie et du conseil aux collectivités territoriales se pose plus spécifiquement la question du recrutement des conseillers en énergie partagés et des économes de flux, dont le nombre s'avère insuffisant au regard des enjeux actuels. Le manque de personnels compétents pour préparer, organiser et suivre les projets est une difficulté que rencontrent les collectivités territoriales pour mener à bien leurs projets. Selon les informations communiquées par l'ADEME à la mission d'information231(*), leur nombre actuel ne couvre que 20 à 30% des besoins, sachant que le besoin total est évalué entre 2 000 et 3 000 postes. Or ces métiers en tension sont insuffisamment connus des jeunes, des familles et des enseignants, alors même qu'ils pourraient être très attractifs auprès d'une population de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux, comme l'a confirmé le succès rapide d'une nouvelle formation professionnelle dans un lycée de l'Ariège, intitulée « transition écologique et processus industriels » évoqué par Mme Dominique Faure lors de son audition232(*).
Face à un marché de l'emploi très dynamique, et malgré un taux de chômage encore élevé, les économistes de la Banque de France233(*) préconisent la mise en place de politiques structurelles axées sur une refonte du système de formation, orienté vers les compétences les plus recherchées. La prise en compte des besoins actuels et à venir de cette filière dans l'établissement de la carte des formations professionnelles des établissements scolaires, qui sont fixés tous les ans entre les régions et l'État, a été mis en avant par l'adjoint au maire de Marseille, en charge des affaires scolaires de la ville lors de l'audition des associations d'élus communaux et intercommunaux. On peut mentionner le programme de formation aux économies d'énergie dans le bâtiment (FEEBAT), soutenu par les pouvoirs publics et la filière bâtiment, qui propose des formations, à destination des professionnels et futurs professionnels, dans le domaine de la rénovation énergétique.
France 2030 : Soutien du gouvernement et des
régions
à la transformation de la carte des formations
professionnelles234(*)
Chaque année, les régions et l'État fixent ensemble la carte des formations professionnelles des établissements scolaires. Dans le cadre de la réforme des lycées professionnels souhaitée par le président de la République, l'État et les régions ont décidé d'en accélérer l'évolution au bénéfice des nouvelles générations et de la transformation de notre économie.
Pour cela, un nouveau dispositif de soutien de France 2030 est lancé, dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir ». Les objectifs de ce programme sont :
- l'adaptation des plateaux techniques aux besoins actuels et à venir de ces filières ;
- l'accompagnement dans toutes ses dimensions des équipes pédagogiques, pour construire leur adhésion à la dynamique et réunir les conditions d'une transformation réussie de l'offre de formation ;
- l'accueil d'un nombre accru d'élèves dans les formations conduisant vers les secteurs économiques les plus prometteurs en matière d'emploi ;
- la construction d'une vision stratégique pour penser le changement d'une carte de formation sur un cycle plus long de 3 ou 5 ans.
En lien avec les stratégies d'accélération de France 2030, de nombreuses filières sont éligibles, notamment : le bâtiment et la ville durable, la mobilité de demain, la logistique, les énergies (nucléaire, hydrogène décarboné ou énergies renouvelables), la décarbonation de l'industrie, la filière électronique informatique et numérique, l'alimentation saine durable et traçable, la production des contenus culturels et créatifs.
La transition énergétique et climatique qui doit conduire à une plus grande maîtrise des consommations d'énergies dans les bâtiments, en particulier scolaires, met ainsi en lumière la tension sur l'emploi dans ce domaine, la nécessité de faire évoluer les métiers et d'attirer de nouveaux talents. Une part des compétences qu'il s'agit de mobiliser peuvent être intégrées aux métiers traditionnels des secteurs du bâtiment et du paysage, tout en les faisant évoluer.
Dans le domaine du conseil et de l'ingénierie, les besoins en personnels qualifiés sont en plein développement et montrent l'importance de former aux défis de la rénovation énergétique et, plus généralement, de la transition écologique, dans une démarche transversale. L'enjeu porte non seulement sur l'évolution des métiers, mais aussi sur la capacité à attirer les talents vers ces professions.
La mission d'information est convaincue de la nécessité de mieux faire connaître les métiers liés à la transition écologique et de conduire une réflexion avec les ministères compétents (transition écologique, éducation nationale, formation professionnelle et enseignement supérieur) ainsi qu'avec les professionnels du secteur et les acteurs de l'apprentissage, en y associant les collectivités territoriales, pour que les formations dans ce domaine, initiales et continues, soient davantage adaptées aux métiers de demain.
Une campagne d'information sur les métiers de la rénovation énergétique avait été organisée en mars 2022 par le ministère chargé du logement avec FranceRénov et l'ADEME. La mission d'information appelle à poursuivre et amplifier cet effort avec tous les acteurs concernés par la rénovation des bâtiments publics.
II. UNE NÉCESSITÉ : SÉCURISER LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES COLLECTIVITÉS
Dimensionner les moyens nécessaires à la transition écologique des bâtiments scolaires est probablement le principal défi auquel a été confrontée la mission d'information.
À l'incertitude qui caractérise le coût des projets de rénovation, précédemment évoquée, fait écho une inconnue majeure : combien coûtera globalement la transition écologique des écoles, collèges et lycées ?
Par-delà cette difficulté de méthode, la mission d'information a acquis la conviction, cohérente avec ses constats précédents relatifs à l'ingénierie, de la nécessité d'un accès simplifié des collectivités aux différents financements publics mis à la disposition des collectivités.
A. UNE INCONNUE : LE COÛT GLOBAL DE L'EFFORT À ENTREPRENDRE AU COURS DES PROCHAINES ANNÉES
En la matière, la seule certitude est que le coût global de la transition écologique des bâtiments scolaires est significatif.
1. L'anticipation des moyens financiers nécessaires : un exercice incertain
a) Quel budget pour quel bâtiment ?
Pour estimer les investissements nécessaires à la transition écologique des bâtiments des collectivités territoriales, il convient tout d'abord de connaître précisément les besoins en termes de rénovation du parc tertiaire local. Or les études en la matière restent imprécises.
Une étude de l'INET235(*) montre que « le coût de deux opérations de rénovation de même nature et de même niveau peut varier du simple au double » selon :
- l'état initial du bâtiment,
- les matériaux utilisés,
- la nécessité ou non de déplomber ou désamianter, etc.
Ainsi, le bilan d'une vingtaine d'opérations de rénovation conduites au niveau BBC par l'Eurométropole de Strasbourg fait apparaître un coût moyen de 1 000 euros par m2, qui peut s'élever à 1 350 euros en fonction des travaux complémentaires mis en oeuvre.
Selon les réponses adressées à la mission par la Direction de l'immobilier de l'État (DIE), il n'existe pas de réponse unique à la question du coût de la rénovation énergétique d'un bâtiment public pour satisfaire aux différentes obligations réglementaires en matière environnementale.
La DIE n'a pas spécifiquement étudié le coût de la transition environnementale du bâti scolaire, mais ses analyses relatives à l'immobilier de l'État sont éclairantes pour la mission d'information.
La DIE a établi en collaboration avec le CEREMA une méthode de simulation qui s'appuie sur la classification des bâtiments en fonction de leur performance énergétique initiale (des bâtiments « peu performants » assimilables à des passoires thermiques aux bâtiments « très performants » répondant au niveau neerly zero energy building ou NZB prévu par la future directive Efficacité énergétique - DEE). L'estimation du coût au m2 de la rénovation des bâtiments publics qui en résulte dépend de deux paramètres :
- le niveau d'ambition des travaux envisagés (plusieurs scénarios sont envisagés) ;
- et la performance initiale du bâtiment.
Ainsi, le coût au m2 de la rénovation de bureaux s'établit :
- pour une passoire thermique : à 938 euros par m2 pour atteindre le niveau « peu performant », à 1 406 euros par m2 pour atteindre le niveau « performant » et à 3 500 euros par m2 pour atteindre le niveau « très performant » (au niveau de la directive Efficacité énergétique) ;
- pour un bâtiment « peu performant » : à 840 euros par m2 pour atteindre le niveau »performant » et à 1 400 euros par m2 pour atteindre le niveau « très performant » ;
- pour un bâtiment « performant », à 960 euros par m2 pour atteindre le niveau « très performant ».
Les tableaux ci-dessous mettent en évidence des estimations plus élevées pour les bâtiments sanitaires ou sociaux
Estimations des coûts au m2 de la transition environnementale des bâtiments de l'État en fonction de leur nature, de leur état d'origine et des scénarios de rénovation (Source : DIE)
D'où la difficulté d'une évaluation précise du montant des investissements que les collectivités devraient réaliser en matière de transition écologique, qu'il s'agisse des bâtiments scolaires ou des autres éléments de leur parc tertiaire.
b) Le coût global de la rénovation écologique des écoles, collèges et lycées : différentes hypothèses, autant d'incertitudes
Diverses estimations du coût global de la rénovation écologique des bâtiments scolaires ont été portées à l'attention de la mission d'information, mais aucune ne semble totalement convaincante, alors même qu'il s'agit d'une politique publique considérée comme prioritaire.
Le coût global de la rénovation thermique des bâtiments scolaires, en supposant que l'ensemble de ces rénovations consistent en des rénovations globales au niveau Bâtiment basse consommation (BBC), s'élèverait selon certaines estimations à 40 milliards d'euros environ236(*), soit l'hypothèse de travail du rapport Demarcq concernant la « rénovation énergétique au sens strict » pour atteindre en 10 ans l'objectif de réduction de 40% prévu par le décret tertiaire (or cette estimation, antérieure à la crise de l'énergie et à l'inflation, devrait en principe être réévaluée).
L'institut de recherche I4CE, consulté par la rapporteure, a estimé nécessaire de consacrer à la rénovation des bâtiments scolaires au moins 1,5 milliard d'euros par an « dès aujourd'hui et d'ici 2050 », soit quelque 40,5 milliards d'euros en 27 ans, pour atteindre le niveau BBC.
Lors de son audition, M. François Demarcq a considéré que les obstacles financiers n'étaient pas les plus insurmontables : les collectivités territoriales consacrant 8,3 milliards d'euros au bâti scolaire, soit moins de 20% de leurs dépenses annuelles d'investissements (48,3 milliards d'euros), dont un quart seulement à la rénovation énergétique, il existerait selon lui une marge de progression importante. Toutefois, compte tenu du contexte économique et financier, les conditions financières pour réaliser ces opérations ont largement évolué par rapport à février 2020, date de publication de son rapport.
Pour Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, 5,2 milliards d'euros par an sur dix ans (soit 52 milliards d'euros) sont nécessaires à la rénovation énergétique des seules écoles du premier degré public, sans intégrer les collèges et les lycées.
Par ailleurs, l'ADEME estime pour sa part à 100 milliards d'euros le budget nécessaire pour que l'ensemble du parc des collectivités territoriales (dont les bâtiments scolaires) atteigne les objectifs du décret tertiaire237(*).
Selon certaines évaluations, les investissements annuels des collectivités territoriales pour la transition écologique de leurs bâtiments publics devraient doubler pour permettre l'atteinte des objectifs de la SNBC238(*) et parvenir à un niveau annuel de 2,7 milliards d'euros pendant la période 2021-2030. Cette estimation239(*), illustrée par le schéma ci-dessous, part du principe que la SNBC suppose la rénovation de « tous les bâtiments vers le niveau BBC, au rythme de 3% par an »240(*), ce qui est aussi l'objectif visé par la Commission européenne dans sa proposition de directive sur la performance énergétique des bâtiments.
Source : I4CE, Les besoins d'investissement et d'ingénierie des collectivités locales pour la neutralité carbone (2022).
Le schéma ci-dessous montre par ailleurs que cet effort de doublement concernerait aussi d'autres champs de l'investissement des collectivités territoriales : transports, éclairage public...
Les investissements annuels des collectivités
locales entre 2021-2030
en faveur de la transition écologique pour
atteindre les objectifs SNBC : nécessaire doublement selon I4CE
Toutefois, selon les auteurs de cette étude241(*) :
- l'évaluation de 2,7 milliards d'euros par an, propre aux bâtiments publics, n'est qu'indicative ; il s'agit d'« ordres de grandeur » qui « mériteraient d'être affinés » ;
- l'analyse « souffre d'un manque de données sur l'état actuel du parc des bâtiments des collectivités (taille, consommation...), mais également d'un manque de suivi des investissements réalisés par les collectivités pour la rénovation énergétique de leur parc ».
Ces limites méthodologiques sont applicables à la thématique du bâti scolaire : les besoins financiers qu'implique cette politique publique restent incertains.
En revanche, il est clair que la transition écologique du bâti scolaire implique que lui soit consacré un effort d'investissement significatif, si l'on considère :
- que le montant des dépenses du bloc communal en matière de création, rénovation, extension et d'aménagement du bâti scolaire est évalué à près de 1,8 Md€ par an en moyenne sur la période 2019-2021 (ce chiffre est probablement minoré, d'une part en raison des incidences sur cette moyenne de l'année 2020 et parce que certaines dépenses des plus petites communes ne peuvent être identifiées avec précision)242(*) ;
- que les régions et départements ont consacré en 2021 respectivement 1,8 et 1,5 milliard d'euros à des dépenses relevant d'un périmètre comptable équivalent.
2. Des lacunes persistantes : état des lieux du parc scolaire et cartographie des rénovations effectuées
a) L'absence d'état des lieux du parc scolaire : une lacune pour évaluer les budgets nécessaires au niveau global
Il résulte des analyses ci-dessus que le coût d'une rénovation énergétique dépend largement de l'état du bâtiment avant travaux. Disposer d'informations sur l'état du parc permettrait de mieux connaître les besoins de financement en la matière. Selon l'Observatoire BBC, la proportion de bâtiments scolaires répondant aux normes basse consommation était évaluée à 14%243(*), ce qui signifie que 86% environ des écoles, collèges et lycées devraient être rénovés pour atteindre cette exigence en 2050.
Il ne s'agit toutefois que d'une estimation, et il n'existe aucun élément permettant de programmer précisément les financements nécessaires à leur rénovation.
Les associations d'élus ne disposent pas d'information sur l'état des lieux des écoles, collèges et lycées. Comme l'a indiqué d'emblée Départements de France à la mission d'information, l'association « n'est pas un observatoire des stratégies bâtimentaires déployées par les départements, et ne dispose pas de données exhaustives et globalisées sur ces sujets »244(*).
La DGCL ne possède pas non plus « d'élément permettant de disposer d'une vue précise sur les actions en matière de rénovation des écoles collectivité par collectivité »245(*). De même, la Coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments ne dispose pas « d'un outil de suivi en propre du parc tertiaire dans son ensemble, ni de ses composantes »246(*).
La Caisse des dépôts appelait, dans un rapport de mars 2018247(*), à la réalisation d'une « cartographie » complète du parc immobilier éducatif et des actions à mener pour améliorer ses performances énergétiques. Cette demande n'a pas avancé en cinq ans, ce qui est regrettable.
La Coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments a confirmé la dispersion des outils disponibles en la matière (liste des projets soutenus par les dotations exceptionnelles pour la rénovation thermique des bâtiments, recueil des projets de rénovation ayant obtenu le label BBC Rénovation tenu par l'observatoire BBC d'Effinergie, cartographie des lauréats du programme ACTÉE, informations relatives aux projets accompagnés par la Banque des territoires).
Compte tenu du manque d'exhaustivité de ces informations, le pilotage de cette politique publique est encore réduit au tâtonnement, ce que l'on ne peut que regretter.
La mission d'information n'a pas été pleinement convaincue par des outils en cours de constitution qui, selon elle, ne répondent que partiellement au besoin d'un état des lieux du parc scolaire :
- selon les informations transmises à la rapporteure par la Caisse des dépôts, l'outil « Prioréno » lancé en 2022 par la Banque des territoires « offre en ligne aux collectivités une vision cartographique de leur parc de bâtiments publics et des consommations d'électricité et de gaz associées ». Ce service digital gratuit vise à « faciliter la décision publique en identifiant automatiquement les bâtiments les plus consommateurs ». Toutefois, il tarde à monter en puissance : en mars 2023, environ 1 000 collectivités seulement ont rejoint ce dispositif ou ont « manifesté l'intention de le faire »248(*). Rapporté au nombre de collectivités, cet outil est loin de permettre une visualisation fidèle des travaux entrepris ou restant à entreprendre pour satisfaire aux exigences du décret tertiaire ;
- d'autre part, la loi ELAN, qui vise la rénovation des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m², a imposé de déclarer dans OPERAT à la fin de l'année 2022 les surfaces concernées. Là encore, la mission d'information fait le constat d'une information lacunaire sur l'état du parc tertiaire, puisque cet outil, même s'il est utilisable pour les bâtiments de toutes surfaces, concernera, selon la Caisse des dépôts, seulement 41% des écoles249(*) ;
- enfin, les DPE, obligatoires pour tous les bâtiments tertiaires publics (de plus de 250 m²), seraient une source d'information intéressante. Mais l'ensemble ne constitue pas à ce jour une base de données complète.
La mission d'information considère comme un prérequis, en vue du pilotage global de la transition écologique des bâtiments scolaires, la mise en place d'un centre de ressources rassemblant l'ensemble des projets de rénovation des bâtiments scolaires et permettant de connaître l'état des lieux des bâtiments avant et après travaux, le coût de ces derniers, l'estimation des économies d'énergie réalisées, le portage juridique du marché.
Recommandation : Créer, en lien avec les collectivités territoriales et les associations d'élus, un centre de ressources permettant de documenter les projets de rénovation des bâtiments scolaires déjà effectués, de manière à :
- connaître l'état des lieux de ces bâtiments avant et après travaux, le coût de ces derniers ainsi que le portage juridique du marché ;
- estimer les économies d'énergie réalisées grâce à ces investissements ;
- et anticiper les travaux qui restent à effectuer pour atteindre les objectifs de réduction de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre aux échéances 2030, 2040 et 2050.
b) La nécessité d'une meilleure connaissance de leur parc immobilier par les collectivités
Une estimation rigoureuse des besoins en matière de rénovation des bâtiments publics est nécessaire à la programmation de travaux de rénovation énergétique.
Le diagnostic de leur patrimoine bâti permet aux collectivités de mettre en oeuvre une stratégie patrimoniale globale et de planifier un programme de rénovation, et en particulier du bâti scolaire, sur plusieurs années en vue de réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments ainsi que les émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi, le conseil départemental du Finistère, face à une contrainte budgétaire empêchant de dégager des crédits d'investissements à la hauteur des besoins des collèges, a noté de 1 à 5 l'état des bâtiments afin de cibler les plus dégradés et de désigner ceux qui doivent faire l'objet d'interventions prioritaires.
Une telle stratégie n'est pas possible pour toutes les collectivités. Une enquête du CEREMA, réalisée en 2021250(*), à laquelle ont répondu principalement des élus de l'échelon municipal, semble ainsi montrer que malgré un intérêt réel des élus pour la gestion de leur patrimoine, les données sur ce patrimoine et ses usages peuvent être diversement appréhendées en raison de leur caractère parcellaire, dispersé et hétérogène. De même, selon une enquête réalisée en 2019 par l'ADEME, seuls 21% des communes disposaient alors d'outils de suivi des consommations énergétiques, dans lesquels réside pourtant un potentiel de réduction des dépenses énergétiques de l'ordre de 10%251(*).
La mise en place d'un schéma directeur immobilier permet de répondre à cet enjeu : « Ce document stratégique synthétise l'organisation future du parc immobilier, expose les scénarios (rénovation partielle, globale, mutualisation, reconstruction, vente, etc.), hiérarchise et chiffre les actions à mener à court, moyen et long termes. Il définit également les montages financiers et juridiques adéquats selon les opérations retenues »252(*).
Toutefois, en 2021, selon l'enquête précitée réalisée par le CEREMA, cet outil de gestion et de suivi n'avait été formalisé que par 16% des communes répondantes, ce qui ne vaut pas pour les régions et les départements. Cette étude confirme aussi l'importance de disposer de ressources internes, notamment en termes de compétences techniques, pour élaborer des outils de planification : les petites communes sont souvent démunies pour définir et déployer une stratégie patrimoniale adaptée aux enjeux de la transition énergétique et climatique.
La réalisation d'audits énergétiques favorise aussi une meilleure connaissance de l'état du bâti en identifiant les problématiques spécifiques à chaque bâtiment, facilitant la conception de travaux de rénovation énergétique.
Les communes peuvent obtenir des aides au financement d'un audit énergétique, par exemple auprès des intercommunalités, pays ou pôles d'équilibre territorial et rural (PETR), des départements ou des régions ou encore des syndicats d'énergie.
Ainsi, dans le cadre d'un partenariat avec la FNCCR, l'opérateur Brest Métropole Aménagement (BMa) a réalisé, pour huit communes, quarante-deux audits énergétiques dans le Pays de Brest, afin d'encourager la réalisation de travaux à partir d'un état précis des bâtiments. Ces études ont notamment permis de confirmer l'ampleur des besoins en matière de rénovation énergétique. Toutefois, les collectivités se heurtent souvent à des choix difficiles, face aux différents scénarios proposés dans le cadre de ces audits, pour arbitrer entre les options qui émergent de ces études.
La mission d'information a été sensible à l'intérêt de la démarche de l'Andalousie, qui confirme que les évaluations énergétiques constituent le prérequis de toute politique publique cohérente et organisée en matière de transition écologique.
Ainsi, la loi pour l'amélioration des conditions thermiques et environnementales des établissements scolaires andalous, votée en 2020 par la communauté autonome d'Andalousie, prévoit notamment des évaluations ou des audits énergétiques dans l'ensemble des établissements scolaires de la communauté, afin de connaître à la fois les besoins énergétiques de chaque établissement et les mesures correctives nécessaires pour garantir les conditions d'habitabilité, de confort et l'efficacité thermique et énergétique, puis la mise en place chaque année de mesures prioritaires dans la planification des établissements scolaires.
La transition écologique des
bâtiments scolaires
de la communauté autonome
d'Andalousie
La communauté autonome d'Andalousie dispose d'un parc de plus de 4 500 bâtiments scolaires. Après un premier plan en 2017-2020 « de climatisation et d'efficacité énergétique des bâtiments scolaires afin de réduire la consommation d'énergie, mais aussi d'adapter le bâti aux vagues de chaleur et aux températures exceptionnelles », elle a adopté en 2020 la « loi pour l'amélioration des conditions thermiques et environnementales des établissements scolaires andalous grâce à des techniques bioclimatiques et à l'utilisation d'énergies renouvelables »253(*). Ce texte prévoit, entre autres :
- que « dans un délai de six ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, tous les bilans ou audits énergétiques des établissements d'enseignement doivent avoir été réalisés. Cependant, dans un délai de dix-huit mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, des bilans ou audits énergétiques doivent avoir été réalisés dans les établissements scolaires considérés comme prioritaires » (article 3) ;
- l'inclusion chaque année, par le ministère de l'éducation de la communauté, des mesures correctives prioritaires dans la planification des établissements scolaires (article 4) ;
- la conclusion d'accords entre les administrations publiques propriétaires et l'exécutif de la communauté (Junta de Andalucía) sur le financement des travaux d'adaptation énergétique, avec la possibilité d'une prise en charge intégrale par la Junta de Andalucía. Cette dernière s'engage ainsi à « fournir un financement suffisant pour réaliser les évaluations ou audits énergétiques, les mesures correctives recommandées, la formation du personnel et la préparation de guides techniques ».
De plus, elle « encouragera des projets de marchés publics innovants pour disposer d'installations pilotes dans des établissements de référence, utilisant des technologies climatiques innovantes, de préférence financées par des fonds FEDER » (article 5) ;
- la mise en place d'une formation annuelle spécifique en gestion de l'énergie pour la communauté éducative. Est également prévue la création d'une équipe de gestionnaires de l'énergie composée de personnel technique qualifié chargé de conseiller les établissements scolaires sur leur consommation d'énergie (article 6) ;
- la rédaction par le ministère de l'éducation et l'agence andalouse de l'énergie d'un « guide technique pour l'adaptation et la réhabilitation environnementale bioclimatique et l'utilisation des énergies renouvelables dans les centres éducatifs andalous »254(*) (article 7) ;
- l'introduction d'un principe d'adéquation de l'environnement extérieur des établissements scolaires aux objectifs de la loi (développement du confort thermique à l'extérieur, notamment grâce à des arbres et à la végétation) (article 9).
B. DES FINANCEMENTS PUBLICS DONT L'EFFICACITÉ DOIT ÊTRE RENFORCÉE
1. La sous-consommation des dotations et subventions : des causes multiples
Mme Dominique Faure, ministre déléguée aux collectivités territoriales et à la ruralité, a indiqué à la mission d'information, le 7 juin 2023, qu'à ce jour « le Fonds vert et la DSIL (de 2023) ne sont consommés qu'à hauteur de 25% ». Ils « seront bien évidemment consommés à 100% d'ici à la fin de l'année », mais selon la ministre « le problème n'est pas tant l'argent qu'apporte l'État que la disponibilité des projets : consommons déjà les crédits dont nous disposons ! ».
Cette situation tient à différents facteurs.
D'une part, pour que les fonds soient effectivement versés, il faut que les travaux démarrent pendant l'année : cette condition, jointe à la méthode de l'appel à projets, favorise les dossiers déjà aboutis, aux dépens des projets en cours de réflexion.
Selon notre collègue Gilbert Favreau, cette sous-consommation peut également tenir à la concurrence entre le bâti scolaire et le financement d'autres investissements présents dans l'agenda des collectivités.
Jean-Marie Mizzon, président, a pour sa part évoqué :
- la réticence des élus à s'endetter : « les communes savent que le taux d'endettement est un critère qui parle beaucoup aux électeurs » : l'argument de la « dette verte » est sans effet sur ceux-ci. Pourtant, le Plan 10 000 écoles s'appuie sur la Banque des territoires, qui « ne fait pas de subventions. Elle prête. Or les communes ont aussi le souci de ne pas trop s'endetter » ;
- les risques pesant sur l'autofinancement des communes, après « treize années de baisse ou de stagnation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) » ; or les investissements des communes reposent pour une très large part sur l'autofinancement.
Pour le président de la mission d'information, c'est de manière générale « l'insuffisance de moyens » qui freine les projets, davantage que la lenteur de l'élaboration de ceux-ci : « Si les subventions couvraient 90% du coût des projets, les communes parviendraient peut-être à trouver le complément ».
La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité s'est interrogée sur l'intérêt d'un recours accru des maires à l'endettement : « Je sais bien que les maires n'aiment pas s'endetter, mais c'est nécessaire, surtout quand les taux d'intérêt ne sont pas très élevés. Un taux de 3% reste peu cher. Quand la commune le peut, elle doit s'endetter. À l'heure actuelle, les finances des communes sont saines, peu endettées, avec de l'épargne ».
Pourtant, la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments a relevé, parmi les freins à la rénovation énergétique des écoles, le « niveau élevé des taux d'intérêt des produits spécifiques tels que les prêts GPI-Ambre proposés par la Banque des territoires, qui correspond au taux du livret A + 0,4 point »255(*).
De manière générale, le financement des investissements des collectivités territoriales, qui repose sur trois leviers (par ordre d'importance : l'autofinancement, puis les subventions et dotations et, enfin, l'emprunt), s'inscrit aujourd'hui dans un contexte budgétaire et financier très contraint, qui soumet à d'importantes incertitudes leur capacité à financer la transition énergétique et écologique.
Une enquête réalisée par le Réseau national des territoires engagés dans la transition écologique (AMORCE) sur le financement des projets de rénovation énergétique des bâtiments publics des collectivités256(*) soulignait en 2019 l'importance de l'autofinancement (94% des répondants) et, parallèlement à celui-ci, la part élevée des fonds d'État (plus de 60%).
Or la situation économique actuelle, avec l'explosion de la facture énergétique, l'inflation et les pressions à la hausse sur la masse salariale, fait peser des incertitudes sur le développement des capacités d'épargne des collectivités territoriales et sur leur aptitude à autofinancer leurs projets. L'augmentation brutale des taux d'intérêt est de nature à accroître les réticences des élus à s'endetter.
Ces évolutions combinées pourraient compromettre l'appétence des élus pour des projets de rénovation ambitieux, ce qui souligne l'importance des subventions et dotations. Or comme l'a observé l'Association des présidents d'intercommunalités en septembre 2022, « Sans recours à des financements externes, les collectivités sont rapidement limitées dans la mise en oeuvre de projets de rénovation énergétique sur leur patrimoine »257(*).
2. La baisse des taux de subvention et la nécessaire prise en compte de la capacité contributive des collectivités dans l'attribution des aides
Notre collègue Gilbert Favreau a évoqué, lors de l'audition de la ministre déléguée aux collectivités territoriales et à la ruralité, la baisse du taux de subvention de la DETR, qui s'établit désormais à 30% contre 40% par le passé.
Selon Mme Dominique Faure, la baisse du taux de subvention, qui est effectivement passé d'une « moyenne de 40% il y a quelques années à 30% aujourd'hui », doit être mise en relation avec le fait que la DETR, autrefois répartie entre un nombre de communes relativement peu élevé, est désormais nettement plus demandée : « les maires qui étaient habitués à certains montants de DETR chaque année ont l'impression que la DETR se réduit nettement » ; « Bien que le Fonds vert soit venu doubler les montants d'investissement, il est vrai que nous restons malgré tout en moyenne à 30% ».
Il n'en demeure pas moins que, comme l'a souligné Gilbert Favreau, il existe aujourd'hui « un véritable problème d'investissement, précisément dans les communes les plus pauvres ». Pour ces collectivités, le financement du montant de l'investissement non couvert par les subventions et dotations258(*), constitue un frein puissant.
À supposer que les aides représentent 80% du budget d'un investissement, ce qui est souvent théorique, les 20% restants sont hors de portée de nombreuses communes, comme l'ont rappelé les élus consultés en ligne.
Jean-Marie Mizzon, président, faisant valoir que « dans notre système, ce sont les moins pauvres (ou les plus riches) des collectivités qui consomment les subventions, parce qu'elles ont la capacité de financer le reste », s'est déclaré favorable à la prise en compte de la capacité contributive des collectivités dans l'attribution de ces moyens.
Le code général des collectivités territoriales (article L. 1111-10) permet aux préfets d'accorder des dérogations à la règle fixant la participation minimale du maître d'oeuvre à 20% du montant total des financements apportés par des personnes publiques.
Divers investissements sont éligibles à de telles dérogations (ponts et ouvrages d'art, équipements pastoraux, défense contre l'incendie, centres de santé). À titre d'exemples :
- pour les projets d'investissement concernant le patrimoine non protégé, les dérogations sont possibles en cas d'urgence, de nécessité publique ou si « la participation minimale (de 20%) est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage » ;
- pour les projets d'investissement destinés à réparer des dégâts causés par des calamités publiques, les dérogations sont autorisées « au vu de l'importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressées ».
La mission d'information est d'avis que la règle fixant la participation minimale du maître d'ouvrage à 20% du montant total des financements publics doit être assouplie pour tenir compte de la capacité contributive des collectivités.
Elle recommande donc de modifier l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales de manière à permettre au préfet, pour les investissements concernant la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, de fixer la participation minimale du maître d'ouvrage à 10% du montant total des financements apportés par des personnes publiques, en fonction de la capacité financière des collectivités territoriales intéressées.
Recommandation : Afin de tenir compte de la capacité contributive des collectivités dans l'attribution des subventions et dotations, modifier l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales de manière à étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique de bâtiments scolaires la faculté ouverte au préfet, en fonction de la capacité financière des collectivités territoriales, de déroger à la participation minimale du maître d'ouvrage fixée par la loi à 20% du montant total des financements publics ; fixer cette participation minimale à 10% pour les investissements concernant la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, au vu de la situation financière des collectivités intéressées.
3. La simplification du dispositif : une évidence
La mission d'information a été sensible aux difficultés rencontrées par les élus qu'elle a rencontrés au cours de ses travaux, concernant le coût des études préalables exigées pour certaines subventions, les effets pervers de certains critères d'attribution, qui ressemblent à une « prime au mauvais élève », et l'excessive complexité du dispositif d'aides.
a) Le coût des études amont : une dépense excessive pour certaines communes
L'attribution de certaines subventions est subordonnée à des études préalables destinées à garantir l'efficacité du projet d'investissement en termes de consommation d'énergie et/ou d'émission de gaz à effet de serre, ce qui semble légitime au regard des moyens financiers ainsi dédiés à la transition écologique.
Ainsi, par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes conditionne-t-elle l'accès des départements et communes aux programmes financés par l'Union européenne FEDER 2021-2027 aux critères suivants : les projets doivent viser le niveau équivalent BBC Effinergie rénovation, soit 40% d'économie par rapport à la norme de référence hors production d'énergie, et justifier a minima de la classe énergétique C après travaux. La région demande ainsi « une étude thermique selon la méthode Th-CE-ex (qui) devra être fournie avant travaux et post travaux »259(*).
De même, l'accès aux financements au titre du Fonds vert suppose, selon la circulaire ministérielle qui en définit les conditions de déploiement, « que les projets présentés respectent la réglementation environnementale existante ». Les préfets sont donc invités à s'assurer, « à partir des grilles d'analyse qui (leur) seront fournies, que l'instruction des demandes intègre la vérification des impacts environnementaux et permette de retenir en priorité les projets ayant le plus d'impact ». L'attribution d'une subvention au titre du Fonds vert est donc liée à une étude préalable.
Divers retours de terrain reçus via la plateforme de consultation des élus locaux ont attiré l'attention de la mission sur les dépenses imputables aux études qui conditionnent l'attribution de certaines subventions et font « exploser les prix » : « Trop d'argent à dépenser en études et honoraires de cabinets divers et variés avant d'avoir pu donner "le premier coup de pioche"! ».
Dans cet esprit, un témoignage conteste le bilan coût-avantage limité du bilan thermique exigé : « Ainsi, pour changer les lampadaires et les équiper avec des ampoules LED doit-on fournir, entre autres choses, le bilan thermique de la commune. Le coût pour mandater un cabinet d'études qui pourrait l'établir devrait être de 4 000€ pour une subvention espérée, mais hypothétique, de 6 000€ ».
Un élu à qui les services de l'État ont demandé de transformer un dossier de DETR (non soumise à étude préalable) pour la transition énergétique des bâtiments communaux, dont des bâtiments scolaires, en demande de Fonds vert s'interroge : « Nous avons sollicité le Fonds vert pour la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux pour 25 762€ et on nous demande une étude pour compléter notre demande (qui n'était pas nécessaire pour la DETR) qui va nous coûter 8 000€. Les études et les diagnostics représentent des sommes importantes pour les petites communes ».
Un autre élu s'émeut de l'inutilité de cette dépense, puisque le dossier constitué sur la base de l'étude exigée a été refusé : « J'ai fait une étude pour la rénovation et l'extension de mon bâti scolaire en y intégrant les éléments d'amélioration énergétique. Cette étude globale faite par un architecte m'a coûté 17 000€. Je n'ai pas obtenu la validation de mon projet, ce qui se traduit par une absence de subventions alors même que l'État insiste sur la nécessité de l'isolation thermique et un parc immobilier à émission zéro. J'ai donc le sentiment de ne pas être accompagnée sur un sujet présenté comme majeur ».
La mission d'information comprend ces réactions et partage le désarroi de ces élus. Si l'attribution de subventions justifie un certain nombre d'exigences pour garantir l'efficacité de l'argent public ainsi employé, elle appelle néanmoins à une réflexion sur la pertinence et le coût de certaines études, de manière à en borner le périmètre en fonction de la nature des investissements projetés.
b) Le risque d'une « prime au mauvais élève »
La mission d'information a été alertée par des interrogations, exprimées par les élus ayant témoigné en ligne, sur les effets pervers de certains critères d'attribution de subventions, et plus particulièrement le niveau élevé d'exigence de réduction des consommations d'énergie. Selon ces élus, ces niveaux de performance pénalisent les collectivités qui, ayant déjà investi dans ce domaine, peinent à atteindre les niveaux requis : « Cette année, notre projet de réfection-isolation toiture ne semble pas éligible au Fonds vert par non-atteinte de l'objectif de 30% d'économies = les communes "vertueuses" qui ont anticipé et étalé les dépenses se trouvent pénalisées... ».
« Les subventions sont conditionnées à des taux de réduction de consommation trop importants » (30% pour le Fonds vert), ce qui pénalise les communes qui ont régulièrement investi dans la maîtrise de l'énergie : « dans le cadre du Fonds vert, nous ne sommes pas éligibles, car nous n'avons pas 30% d'économie à réaliser... nous sommes vertueux et donc perdants pour continuer à investir ».
En d'autres termes, comme y a insisté Jean-Marie Mizzon, président, lors de l'audition de Mme Dominique Faure : « il est difficile pour les communes qui ont déjà fait un effort par le passé, un passé somme toute assez récent, d'atteindre 40% d'économies supplémentaires. (...) Il sera plus facile pour les communes qui n'ont jamais investi dans la transition écologique d'atteindre 40% d'économies. Je pense qu'il faudrait prendre en compte les précédents investissements effectués par les collectivités concernées ».
La mission d'information est sensible à cet argument : s'il est normal que les subventions supposent un engagement des collectivités en matière d'économies d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'appréciation de ces critères doit intégrer les démarches préalablement effectuées par les collectivités afin que le système ne pénalise pas les « bons élèves » de la transition écologique.
c) Vers un dispositif simplifié et transparent
De plus, les délais sont parfois différents selon les subventions, chaque guichet pouvant fonctionner en fonction d'un calendrier propre.
Ainsi, si les dossiers de demande de DETR et de DSIL comportent sensiblement les mêmes pièces (note explicative, délibération du conseil municipal, plan de financement prévisionnel, échéancier de réalisation des opérations...), en revanche leurs calendriers peuvent différer selon les territoires. Par exemple, dans le Finistère, les dépôts de demandes étaient clos le 31 décembre 2022 pour la DETR et le 31 mars 2023 pour la DSIL, tandis qu'en Meurthe-et-Moselle les dates limite de réception des dossiers relatifs aux deux subventions avaient été harmonisées et fixées au 3 février 2023, ce qui contribue à simplifier les démarches des collectivités.
La région Bretagne a constitué, en 2021, un groupe de travail sur ces questions, notamment celle de la temporalité, qui diffère en fonction de l'échelon d'attribution des subventions (État, région, Europe). Constatant la nécessité de simplifier et d'harmoniser l'accès aux différentes aides financières, ce groupe de travail avait envisagé la possibilité de mettre en place un point d'entrée unique dans les divers leviers de financements susceptibles d'être mobilisés par les collectivités territoriales.
La mission d'information est favorable à un alignement des calendriers des différents leviers de financement afin de simplifier les dossiers exigés des collectivités demandant l'attribution de subventions ou dotations.
Cette orientation rejoint une demande récurrente d'élus consultés sur la plateforme en ligne du Sénat, qui souhaitent la mise en place d'« une seule porte d'entrée, avec des diagnostics gratuits et un état des lieux permettant aux collectivités de faire des choix et de savoir l'investissement nécessaire et les subventions possibles ».
La mission d'information a relevé que l'aspiration à davantage de lisibilité a été exprimée également par les régions, qui pourtant disposent de moyens importants en matière d'ingénierie. L'association Régions de France souligne le besoin d'une porte d'entrée simplifiée, voire d'un « guichet unique », pour l'accès aux financements nécessaires à la rénovation énergétique des bâtiments, en particulier du bâti scolaire, qui « ferait gagner un temps précieux »260(*).
Afin d'améliorer et de sécuriser l'accès des collectivités au financement de leurs investissements, la mission d'information préconise la mise à l'étude, en lien avec les services de l'État dans le département, de la désignation d'un interlocuteur unique pour les collectivités territoriales, afin que leurs projets soient orientés vers les leviers les plus adaptés.
De manière générale, elle estime que la simplification de l'accès aux différents leviers financiers pour la réalisation des projets de rénovation/construction est indispensable.
Dans cet esprit, la mission d'information exprime de l'intérêt pour une suggestion exprimée par l'ALEC du Puy-de-Dôme, tendant à privilégier une logique forfaitaire pour l'attribution des aides, dans une logique de simplicité, de transparence et de prévisibilité : « Par exemple, on pourrait allouer un forfait par mètre carré destiné aux travaux visant à atteindre l'objectif de 40% d'économies d'énergie en 2030 fixé par le décret tertiaire, assorti d'un bonus si le projet anticipe les étapes suivantes (50% ou 60% d'économies d'énergie) ».
L'ALEC du Pays de Brest, Éner'gence, a également plaidé, lors de la table ronde à la sous-préfecture de Brest, le 11 mai 2023, en faveur d'une aide définie de manière forfaitaire, en euro par m², assise sur le niveau de performance énergétique visé par le projet, avec un bonus pour les investissements qui ambitionnent d'emblée les objectifs définis par le décret tertiaire à l'échéance de 2040 et 2050.
La mission d'information appelle à mettre à l'étude cette formule.
En outre, l'absence de prévisibilité sur la pérennité des financements étatiques est un frein pour de nombreux élus. Elle empêche les collectivités territoriales d'inscrire leur stratégie de rénovation énergétique dans la durée : dans les faits, il peut se passer plusieurs années entre le projet de travaux et la réalisation effective du projet. Pour un projet de rénovation énergétique globale, l'ADEME estime ainsi à deux ans environ « le temps que met un projet à se monter et se réaliser, depuis les études préalables, la recherche de financements et l'ingénierie de réalisation »261(*), délai auquel s'ajoute le temps nécessaire à la réalisation des travaux. Cela est encore plus vrai lors de la réalisation d'un schéma directeur immobilier énergétique, qui s'inscrit dans une logique de programmation pluriannuelle des investissements et de phasage des projets. Selon Mme Carole Canette, vice-présidente du conseil régional Centre-Val de Loire, la question de la prévisibilité des cofinancements disponibles, quels qu'ils soient (européen, étatique, ...) est essentielle : « nous avons besoin de programmer nos travaux à une échelle pluriannuelle, nous ne pouvons pas vivre au gré d'appels à projets »262(*).
Recommandations :
- Aligner les calendriers des dotations et subventions, simplifier les dossiers exigés des collectivités et privilégier une logique pluriannuelle dans le déploiement de ces aides, de manière à améliorer leur visibilité et leur prévisibilité ;
- Engager une réflexion sur les études préalables qui conditionnent l'attribution de certaines subventions, afin que les dépenses ainsi exigées des collectivités soient liées à la nature des investissements projetés ;
- Assouplir les critères d'attribution des dotations et subventions impliquant les progrès les plus exigeants en termes de performance énergétique (-40% et -50%), de manière à tenir compte des travaux préalablement effectués par les collectivités ;
- Mettre à l'étude, dans une logique de barème, une formule forfaitaire selon laquelle l'aide serait définie en euro par m² et varierait en fonction du niveau de performance énergétique visé par le projet, un bonus étant attribué aux investissements qui ambitionnent d'emblée les objectifs définis par le décret tertiaire à l'échéance de 2040 et 2050 ;
- Améliorer et sécuriser l'accès des collectivités au financement de leurs investissements en mettant à l'étude, en lien avec les services de l'État dans le département, la désignation d'un interlocuteur unique pour les collectivités territoriales, afin que leurs projets soient orientés vers les leviers les plus adaptés.
III. UNE INDISPENSABLE RÉFLEXION SUR LES NORMES
A. DES NORMES PARFOIS CONTRADICTOIRES
Les auditions menées par la mission d'information ont mis en lumière le poids des normes, parfois contradictoires, voire incohérentes, en matière de rénovation énergétique des bâtiments.
Son attention a aussi été attirée sur ce sujet par des élus consultés sur la plateforme du Sénat, qui soulignent « l'augmentation constante des nouvelles normes ou des obligations impactant les finances des collectivités », des « législations trop mouvantes », des « changements trop rapides ».
La simplification des normes applicables aux collectivités territoriales est en effet une priorité des élus locaux, comme l'a relevé le rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation263(*). Elles représentent un coût pour les collectivités et un frein au développement des territoires : « Non seulement l'inflation normative complexifie les projets locaux, en retarde la réalisation, mais, en outre, elle en augmente significativement le coût, notamment pour les petites communes aux ressources techniques et financières limitées ».
Aux exigences liées à la baisse des émissions de CO2 s'est ajoutée récemment l'obligation de contrôler la qualité de l'air intérieur.
Comme l'a précisé à la mission d'information ATMO Grand Est dans le cadre du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle, le 13 avril 2023 : « Depuis le 1er janvier 2023, la réglementation sur la surveillance de la qualité de l'air intérieur (QAI) dans certains établissements recevant du public (ERP) prévoit notamment l'intégration de campagnes de mesures réglementaires lors de la réalisation de travaux et la mesure annuelle par lecture directe du dioxyde de carbone »264(*). L'installation d'un système de ventilation performant est, en effet, indispensable pour maintenir un apport d'air neuf suffisant aux occupants et évacuer les polluants nocifs pour la santé.
Les associations de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), présentes dans chaque région, accompagnent les collectivités depuis de nombreuses années sur la thématique de la qualité de l'air intérieur. Elles informent et sensibilisent les collectivités sur les obligations réglementaires qui doivent être prises en compte dès la programmation d'un projet de rénovation ou de construction d'un bâti scolaire. ATMO Grand Est peut également mener des campagnes de mesures pour évaluer la qualité de l'air dans les locaux et mettre à disposition une base de connaissances issue de son expertise sur les mesures.
Source : document ATMO Grand Est
Les exigences réglementaires en matière de construction et de rénovation de bâtiments peuvent aussi être perçues comme relativement incohérentes. La vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes a ainsi indiqué à la mission d'information que la réglementation environnementale RE2020, qui s'impose à la filière construction, pour les projets de construction de bâtiments d'enseignement primaire et secondaire depuis le 1er janvier 2022, s'inscrit dans une logique de diminution de l'impact carbone ambitieuse et fixe des exigences de résultats plus élevés en matière de conception du bâtiment, de confort et de consommation d'énergie. Or ces exigences ne s'imposent pas aux bâtiments existants lorsqu'ils font l'objet de travaux de rénovation importants.
La transition énergétique d'un bâtiment illustre par ailleurs la difficulté de concilier des objectifs qui peuvent également paraître contradictoires, comme le montrent les questionnements dont peut faire l'objet l'action des architectes des bâtiments nationaux (ABF).
Les normes de préservation du patrimoine historique sont en effet régulièrement considérées comme un frein à la réalisation des objectifs en matière énergétique et climatique. Deux exemples ont été portés à l'attention de la mission d'information à propos des énergies renouvelables par des élus consultés en ligne :
- la pose de volets roulants fonctionnant à l'énergie solaire, « une avancée, mais cela a été un combat avec l'ABF » ;
- la pose de panneaux photovoltaïques, qui n'est pas admise lorsqu'un bâtiment scolaire est « situé dans le périmètre des ABF ».
S'agissant des panneaux solaires, le directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture faisait observer, lors d'une table ronde sur la rénovation écologique du bâti ancien, le 1er février 2023, que le ministère de la culture avait évolué sur ce point en organisant « l'installation et l'insertion de ces panneaux, de manière intelligente, dans les centres anciens ».
De même, l'isolation par l'extérieur est, à juste titre, exclue sur les bâtiments de caractère à des fins de préservation du patrimoine, ce qui conduit à un renchérissement du coût de leur rénovation parfois mal compris des élus locaux. Or la diminution des dépenses énergétiques nécessite une isolation de l'enveloppe des bâtiments et le choix de matériaux spécifiques.
Compte tenu de ces éléments de complexité, on peut imaginer le désarroi d'élus quand leur projet donne lieu à des avis divergents : « Sur les bâtis très anciens (1930), les experts ne sont pas d'accord sur ce qu'il convient de faire, certains disent d'isoler par l'extérieur, d'autres par l'intérieur, ne font pas la même proposition de matériaux isolants, et de plus les ABF ne sont pas d'accord pour modifier l'aspect extérieur du bâti. Nous sommes très démunis et ne savons pas finalement quelle est la meilleure solution ! »265(*).
B. LA QUESTION DE LA RÉCUPÉRATION DES EAUX DE PLUIE
Dans le même esprit, l'attention de la mission d'information a été attirée sur la question de la récupération de l'eau de pluie, autorisée dans les collèges et lycées (notamment pour l'arrosage et l'eau des sanitaires), mais interdite dans les établissements recevant du public a priori plus sensible, dont font partie les écoles maternelles et élémentaires266(*). En effet, cette eau ne respecte pas les normes de qualité réglementaire applicable à l'eau potable.
Plusieurs élus locaux, dans le cadre de la consultation en ligne, ont appelé à une évolution de cette réglementation, notamment pour pouvoir arroser les végétaux de la cour : « je souhaitais que nous mettions des récupérateurs d'eau pour économiser l'eau et arroser tous les végétaux que nous mettons dans les cours pour les rafraichir, or il est interdit dans une école d'utiliser l'eau de pluie pour arroser... ». De même, l'impossibilité, en application de la réglementation, d'utiliser les eaux de pluie pour les sanitaires n'est pas toujours comprise des élus locaux.
Cet enjeu est, en revanche, pris en compte dans certains établissements français à l'étranger, qui ne sont pas soumis à ces normes nationales.
Alertée par la récurrence d'épisodes de sécheresse et convaincue de la nécessité d'intégrer la problématique de la raréfaction de l'eau à la rénovation des bâtiments scolaires, la mission d'information souhaite que soit mise à l'étude une modification des normes relatives à l'utilisation des eaux de pluie dans les établissements du premier degré.
Il s'agirait d'étendre aux établissements du premier degré la réglementation applicable, dans les établissements du second degré, à la récupération des eaux de pluie et à leur utilisation dans les sanitaires ainsi que l'entretien des espaces extérieurs, à condition toutefois que cette évolution n'affecte pas la sécurité des enfants.
Recommandation :
- Mettre à l'étude l'extension, aux établissements du premier degré, de la réglementation applicable, dans les établissements du second degré, à la récupération des eaux de pluie et à leur utilisation dans les sanitaires ainsi que pour l'entretien des espaces extérieurs.
C. UN PARADOXE : L'ABSENCE DE NORME EN MATIÈRE DE SANITAIRES
La mission d'information relève que l'installation de toilettes dans les établissements scolaires ne fait l'objet d'aucune règlementation, ce qui constitue un véritable paradoxe eu égard :
- à la diversité des normes constatées par ailleurs dans le domaine environnemental et en matière de bâtiment ;
- aux enjeux de santé, de sécurité et de dignité que revêt l'aménagement des sanitaires dans les écoles, collèges et lycées.
La rénovation des sanitaires constitue en effet un point d'alerte depuis de nombreuses années.
En 2007, l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur a tiré la sonnette d'alarme sur l'état des toilettes dans les établissements scolaires. La moitié des élèves de CM1 et CM2 interrogés jugeaient ainsi les toilettes peu accueillantes, et 14,4% des enfants indiquaient déjà avoir eu peur aux toilettes.
Quinze ans après, cette question demeure. Dans son rapport annuel de 2022, la Défenseure des droits des enfants parle de violences et de « zones de non-droit ». Elle soulignait ainsi que « l'école en premier lieu, et au sein des structures de sport et de loisirs, la question des sanitaires - toilettes, douches et vestiaires - est souvent mise de côté alors même qu'elle est centrale pour le respect et le bien-être des enfants. Le mauvais état d'entretien de ces lieux, leur configuration initiale et leur caractère souvent collectif font de ces lieux pourtant essentiels dans le quotidien des enfants de véritables repoussoirs, voire des zones de non-droit où toutes sortes de violences peuvent survenir ».
Huit enfants sur dix se retiendraient d'aller aux toilettes en primaire. Ce constat est inquiétant ; cette situation inadmissible doit impérativement prendre fin.
L'état très dégradé des sanitaires dans les collèges est également évoqué par le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes267(*).
L'absence de réglementation dans ce domaine sensible, où l'on attendrait un minimum de prérequis, ne laisse pas d'interroger alors même que le code du travail prévoit des obligations pour l'employeur afin de garantir l'hygiène des salariés et de bonnes conditions de travail. Il fixe ainsi des règles spécifiques à respecter en matière d'aménagement et de conception des cabinets d'aisance sur le lieu de travail. Dans les entreprises, le nombre de toilettes est défini en fonction du nombre de salariés (article R 4228-10 du code du travail, dans la partie consacrée à la santé et la sécurité au travail).
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a indiqué à la mission d'information268(*) qu'elle se référait aux codes du travail et de la construction et de l'habitation faute de dispositions dédiées aux établissements scolaires. Par exemple, à l'école maternelle du lycée français de Madrid, les sanitaires ont été installés entre deux salles de classe.
Certes, le guide « Bâtir l'école et le collège » de 2022, publié par la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, fait quelques recommandations en la matière, en l'absence d'une législation précise.
La cellule Bâti scolaire a ainsi produit plusieurs fiches techniques relatives aux sanitaires. Elle propose ainsi, pour les écoles maternelles, des sanitaires permettant de respecter l'intimité de chaque enfant (cloisons), répartis en plusieurs îlots au sein de l'école, à proximité des salles de classe, pour permettre aux élèves de s'y rendre à chaque fois qu'ils en ont besoin, et une cabine pour 10 élèves.
L'aménagement des sanitaires, quel que soit le niveau d'enseignement, reste à l'appréciation des collectivités territoriales.
Malgré l'importance de ces questions pour la santé, la sécurité et la dignité des élèves, de la maternelle au lycée, la mission d'information, sensible aux contraintes que constituent les normes pour les collectivités, a écarté la création, dans le code de l'éducation, de dispositions spécifiques aux sanitaires dans les établissements scolaires.
Elle est néanmoins convaincue de la nécessité de diffuser largement les bonnes pratiques qui doivent être portées à la connaissance des élus et des acteurs locaux pour l'aménagement des sanitaires des écoles, collèges et lycées.
Elle recommande donc qu'une attention particulière soit portée aux questions relatives aux sanitaires dans l'identification des documents destinés à concourir à l'information des élus sur la plateforme dont elle recommande la création, où doivent figurer les bonnes pratiques en matière de sanitaires définies par les guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, de l'école maternelle au lycée.
Recommandation :
- Intégrer à la plateforme dédiée aux bâtiments scolaires, créée à l'attention des élus, les bonnes pratiques en matière de sanitaires définies par les guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse à l'attention de chaque type d'établissement, de l'école maternelle au lycée.
IV. LES DOUZE RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D'INFORMATION POUR MIEUX ACCOMPAGNER LES ÉLUS LOCAUX DANS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DES BÂTIMENTS SCOLAIRES
Au terme de ses travaux, la mission d'information formule douze recommandations pour améliorer l'information des élus, faciliter leur accès à l'ingénierie, simplifier leur accès aux dotations et subventions et coordonner le pilotage de la transition écologique de ces bâtiments.
A. AMÉLIORER L'INFORMATION DES ÉLUS
Recommandation n°1. Créer une plateforme dédiée aux bâtiments scolaires afin de regrouper en un site unique et cohérent, principalement à l'attention des élus :
- toutes les informations utiles à l'élaboration et à la conduite des projets de rénovation des bâtiments scolaires (normes applicables, exemples de budgets, conseils relatifs aux marchés publics, guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, référentiels de travaux élaborés par les collectivités territoriales, guide Rénovation énergétique des bâtiments des collectivités locales - comprendre et se lancer élaboré par la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, préalablement mis à jour..) ;
- des répertoires, par département, des acteurs et « personnes-ressources » susceptibles d'accompagner les élus dans leur projet (services de l'État, conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), agences départementales d'ingénierie...) ;
- les retours d'expérience pertinents (bonnes pratiques à partager, écueils à éviter), en intégrant les informations relatives aux établissements d'enseignement français à l'étranger ainsi que les bonnes pratiques en matière de sanitaires définies par les guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse à l'attention de chaque type d'établissement, de l'école maternelle au lycée.
B. FACILITER L'ACCÈS À L'INGÉNIERIE
Recommandation n°2. Organiser chaque année dans les départements des conférences des acteurs locaux de l'ingénierie, en lien avec les associations d'élus, les conseils départemental et régional, l'ANCT et les services de l'État (préfectures et directions départementales), ainsi que la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments.
Recommandation n°3. Mettre à l'étude une adresse courriel générique dédiée, dans chaque département, afin de permettre à tout maire de s'adresser aux services de l'État via cette « boîte aux lettres » pour obtenir les réponses aux questions que pose son projet de rénovation du bâti scolaire en matière d'ingénierie ; dimensionner en conséquence les services des préfectures ainsi que les moyens de l'ANCT et de la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments.
C. SIMPLIFIER L'ACCÈS AUX DOTATIONS ET SUBVENTIONS
Recommandation n°4. Aligner les calendriers des dotations et subventions, simplifier les dossiers exigés des collectivités et privilégier une logique pluriannuelle dans le déploiement de ces aides, de manière à améliorer leur visibilité et leur prévisibilité.
Recommandation n°5. Engager une réflexion sur les études préalables qui conditionnent l'attribution de certaines subventions, afin que les dépenses ainsi exigées des collectivités soient liées à la nature des investissements projetés.
Recommandation n°6. Assouplir les critères d'attribution des dotations et subventions impliquant les progrès les plus exigeants en termes de performance énergétique (-40% et -50%), de manière à tenir compte des travaux préalablement effectués par les collectivités.
Recommandation n°7. Mettre à l'étude, dans une logique de barème, une formule forfaitaire selon laquelle l'aide serait définie en euro par m² et varierait en fonction du niveau de performance énergétique visé par le projet, un bonus étant attribué aux investissements qui ambitionnent d'emblée les objectifs définis par le décret tertiaire à l'échéance de 2040 et 2050.
Recommandation n°8. Améliorer et sécuriser l'accès des collectivités au financement de leurs investissements en mettant à l'étude, en lien avec les services de l'État dans le département, la désignation d'un interlocuteur unique, afin que leurs projets soient orientés vers les leviers les plus adaptés.
Recommandation n°9. Afin de tenir compte de la capacité contributive des collectivités dans l'attribution des subventions et dotations, modifier l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales de manière à étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique de bâtiments scolaires la faculté ouverte au préfet, en fonction de la capacité financière des collectivités territoriales, de déroger à la participation minimale du maître d'ouvrage fixée par la loi à 20% du montant total des financements publics ; fixer cette participation minimale à 10% pour les investissements concernant la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, au vu de la situation financière des collectivités intéressées.
D. COORDONNER LE PILOTAGE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DES BÂTIMENTS SCOLAIRES
Recommandation n°10. Créer, en lien avec les collectivités territoriales et les associations d'élus, un centre de ressources permettant de documenter les projets de rénovation des bâtiments scolaires déjà effectués, de manière à :
- connaître l'état des lieux de ces bâtiments avant et après travaux, le coût de ces derniers ainsi que le portage juridique du marché ;
- estimer les économies d'énergie réalisées grâce à ces investissements ;
- et anticiper les travaux qui restent à effectuer pour atteindre les objectifs de réduction de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effets de serre aux échéances 2030, 2040 et 2050.
Recommandation n°11. Effectuer dès la fin de l'année 2024 un premier bilan :
- du recours au mécanisme du tiers financement par des collectivités territoriales dans le cadre d'investissements concernant la transition écologique des bâtiments scolaires, afin de savoir précisément combien de projets ont ainsi été financés et pour quels montants, quels bâtiments (écoles, collèges ou lycées) et quels types d'investissement ;
- du plan « 10 000 écoles » (nombre de projets, coût, types de rénovation, financements...) ;
- du déploiement des 100 chefs de projet prévus dans le cadre du programme Villages d'avenir et de la mobilisation de ce dispositif par les maires des communes rurales en vue de projets de rénovation des écoles.
Recommandation n°12. Mettre à l'étude l'extension, aux établissements du premier degré, de la réglementation applicable, dans les établissements du second degré, à la récupération des eaux de pluie et à leur utilisation dans les sanitaires ainsi que pour l'entretien des espaces extérieurs.
ANNEXES
I. CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE, ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN
Yan Chantrel, Marie-Pierre Monier, Jean-Yves Leconte, Marie-Arlette Carlotti
Notre groupe recommande de prendre des mesures pour faciliter les opérations immobilières et le financement des investissements dans le bâti des établissements scolaires français à l'étranger, afin de leur permettre, entre autres, de s'adapter à la transition écologique en termes d'accueil et de performance énergétique. Pour cela l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a besoin d'un mécanisme de financement compatible avec les exigences d'un investissement immobilier.
Les établissements scolaires homologués par l'Agence peuvent avoir des statuts juridiques différents, devant tenir compte du droit local qui s'impose aux écoles dans le pays de résidence, mais dont découlent aussi des conséquences fiscales et sociales pour les relations entre l'établissement et l'AEFE.
L'AEFE étant actuellement inscrite sur la liste des organismes divers d'administration centrale (Odac), l'emprunt lui est interdit. Pour cette raison, le développement d'un projet immobilier d'un établissement scolaire du réseau d'enseignement français nécessite parfois la mise en place d'une entité juridique distincte dédiée à ce projet. L'entité en question est liée contractuellement ou statutairement à l'établissement scolaire. Or, dans ce type de situation, l'état actuel de notre droit ne permet pas de solliciter la garantie de l'Etat, alors que celle-ci peut se révéler indispensable pour réaliser le projet immobilier dans des conditions financières raisonnables. Un certain nombre d'établissements qui disposent de moyens pour faire des investissements dans le bâti ou des opérations immobilières, par exemple à travers des fondations, en sont aujourd'hui empêchés, car leur statut ne leur permet pas de financer leurs projets immobiliers.
Nous recommandons donc d'élargir les conditions d'éligibilité des projets pouvant faire appel à la possibilité d'obtention de la garantie de l'État aux entités juridiques de nature privée, liées par contrat ou statutairement à un établissement d'enseignement français à l'étranger - qu'il s'agisse d'un établissement partenaire, conventionné ou en gestion directe - qui développeraient des projets immobiliers pour cet établissement. Ceci n'exonère pas les établissements demandeurs de justifier de l'usage de cette nouvelle option, afin qu'elle ne soit utilisée que lorsqu'elle s'avère indispensable, et après avoir démontré la robustesse de la relation entre l'établissement scolaire et l'entité juridique porteuse du projet immobilier. La nature de cette relation sera examinée par la commission compétente pour examiner les demandes de garanties de l'État.
Cette proposition avait fait l'objet d'un vote favorable transpartisan lors de l'examen du Projet de loi de finances pour 2023, via l'adoption d'un amendement à l'article L. 451-2 du code de l'éducation.
II. TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS
N° de la proposition |
Proposition |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support |
1 |
Créer une plateforme regroupant toutes les informations utiles à l'élaboration et à la conduite des projets de rénovation des bâtiments scolaires, y compris les retours d'expérience (bonnes pratiques et écueils à éviter). |
Ministère de la transition écologique, ministère de l'éducation nationale, collectivités territoriales, préfectures, ANCT, Agence pour l'enseignement français à l'étranger, Mission laïque française. |
2023 |
Instruction ministérielle |
2 |
Organiser chaque année dans les départements des conférences des acteurs locaux de l'ingénierie. |
Ministère de l'intérieur, ANCT, collectivités territoriales, ministère de la transition écologique |
2023 |
Instruction ministérielle |
3 |
Mettre à l'étude, dans chaque département, une adresse courriel générique afin de permettre à tout maire d'obtenir les réponses aux questions que pose son projet de rénovation du bâti scolaire en matière d'ingénierie. |
Ministère de l'intérieur, ANCT |
2023 |
Instruction ministérielle |
4 |
Aligner les calendriers des dotations et subventions, simplifier les dossiers exigés des collectivités et privilégier une logique pluriannuelle dans le déploiement de ces aides. |
Ministère de l'intérieur, Ministère de la transition écologique, collectivités territoriales |
2024 |
Instruction ministérielle, |
5 |
Engager une réflexion sur les études préalables qui conditionnent l'attribution de certaines subventions. |
Ministère de la transition écologique, collectivités territoriales |
2023 |
Instruction ministérielle |
6 |
Tenir compte, dans l'attribution des subventions, des travaux préalablement effectués par les collectivités. |
Ministère de la transition écologique, collectivités territoriales |
2024 |
Instruction ministérielle |
7 |
Mettre à l'étude, dans une logique de barème, une formule forfaitaire pour l'attribution des subventions (en euro par m², en fonction du niveau de performance énergétique visé par le projet). |
Ministère de la transition écologique, ministère de l'intérieur |
2023 |
Instruction ministérielle |
8 |
Mettre à l'étude la désignation d'un interlocuteur unique des collectivités territoriales de manière à orienter leurs projets d'investissement vers les leviers de financement les plus adaptés. |
Ministère de la transition écologique, ministère de l'intérieur |
2023 |
Instruction ministérielle |
9 |
Prendre en compte la capacité contributive des collectivités dans l'attribution des subventions et dotations de manière à fixer cette participation minimale à 10% pour les investissements concernant la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, au vu de la situation financière des collectivités intéressées. |
Parlement |
2023 |
Article L. 1111-10 |
10 |
Créer un centre de ressources permettant de documenter les projets de rénovation des bâtiments scolaires déjà effectués pour connaître l'état des lieux de ces bâtiments avant et après travaux et anticiper les investissements qui restent à effectuer pour atteindre les objectifs de réduction de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effets de serre aux échéances 2030, 2040 et 2050. |
Ministère de la transition écologique, collectivités territoriales, ministère de l'intérieur |
2023 |
Instruction ministérielle |
11 |
Effectuer un bilan, dès la fin de l'année 2024 : du recours au mécanisme du tiers financement par des collectivités territoriales dans le cadre d'investissements concernant la transition écologique des bâtiments scolaires ; du Plan « 10 000 écoles » ; de la mobilisation du programme Village d'avenir pour des projets de rénovation d'écoles par les maires de communes rurales. |
Ministère de la transition écologique, ministère de l'intérieur |
2024 |
Débat parlementaire |
12 |
Mettre à l'étude l'extension, aux établissements du premier degré, de la réglementation applicable, dans les établissements du second degré, à la récupération des eaux de pluie et à leur utilisation dans les sanitaires ainsi que pour l'entretien des espaces extérieurs. |
Ministère de la transition écologique, ministère de la santé et de la prévention, ministère de l'intérieur |
2023 |
Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments (article 2) |
III. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Auditions de la rapporteure
Mercredi 8 février 2023
M. François DEMARCQ, ingénieur général des mines honoraire, auteur du rapport du 26 février 2020 sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.
Mercredi 15 février 2023
- Amorce (Réseau national des territoires engagés dans la transition écologique) : MM. Nicolas GARNIER, délégué général, et Joël RUFFY, responsable du pôle institutionnel.
Jeudi 16 février 2023
- Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports - Cellule Bâti scolaire : Mme Céline KERENFLEC'H, cheffe de service (secrétariat général du ministère), Mme Delphine JOURDIN, responsable du programme Bâtir l'école à la cellule Bâti scolaire, et M. Jean-Michel BILLIOUD, responsable communication/administrateur du site Bâti scolaire.
Mardi 28 février 2023
- Caisse des dépôts et consignations : MM. Gil VAUQUELIN, directeur de la Transition énergétique et écologique (Banque des Territoires), en charge du Plan de relance, Sébastien ILLOUZ, responsable du pôle Efficacité énergétique des bâtiments - Département Transition énergétique et écologique, et Nicolas TURCAT, directeur de programme, Banque des territoires.
Mercredi 1er mars 2023
- Mission de coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments : M. Simon HUFFETEAU, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, coordinateur gouvernemental du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, Mme Mélanie CALVET, cheffe de projet Parc tertiaire public et privé (coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments), et M. Yannick PACHE, chef du bureau de l'économie de la construction et de l'Outre-mer à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires).
Jeudi 2 mars 2023
- ADEME - Agence de la transition écologique : MM. Gilles AYMOZ, directeur adjoint villes et territoires durables, Frédéric ROSENSTEIN, ingénieur du service bâtiment - Direction villes et territoires durables, et Hakim HAMADOU, chargé de mission efficacité énergétique des bâtiments tertiaires.
Mardi 14 mars 2023
- Audition des syndicats des chefs d'établissements
. SNPDEN-UNSA : M. Didier GEORGES, membre de l'exécutif syndical national du SNPDEN-UNSA et de la commission « vie syndicale » ;
. SGEN-CFDT : M. Xavier BUNEL, correspondant académique des personnels de direction pour l'académie de Bordeaux ;
. ID-FO : Mme Agnès PROUTEAU, conseillère technique auprès du secrétaire général.
- Audition des représentants de l'enseignement catholique
. Secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC) : MM. Yann DIRAISON, secrétaire général adjoint en charge du pôle Ressources, et Pierre MARSOLLIER, délégué général ;
. Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL) : M. Gilles DEMARQUET, président national ;
. Fédération nationale des OGEC (FNOGEC) : M. Hervé DE KERDREL, président.
Mercredi 15 mars 2023 - Audition des associations de parents d'élèves de l'enseignement public
. PEEP : Mme Isabelle FERY, secrétaire générale,
. FCPE : M. Grégoire ENSEL, président, Mmes Anne-Charlotte ROSSI, vice-présidente et Florence PRUDHOMME, secrétaire générale.
Mardi 21 mars 2023 - Audition des syndicats d'enseignants
. SE Unsa : M. Yannick KIERVEL, conseiller national - secteur Éducation,
. Snep FSU : M. Sylvain QUIRION, responsable national du bâti sportif
. SGEN-CFDT : M. Vincent LOUSTAU, secrétaire fédéral,
. Snalc : M. Maxime REPPERT, secrétaire national aux conditions de travail et climat scolaire,
. FSU : M. Cyril VERLINGUE, secrétaire national en charge des questions du bâti scolaire, et Mme Aurélie GAGNIER, secrétaire nationale.
Mercredi 5 avril 2023
- académie de Mayotte : MM. Jacques MIKULOVIC, Recteur, Dominique GRATIANETTE, secrétaire général, et Jean BONDU, directeur du Pôle de l'immobilier et de la logistique.
Jeudi 6 avril 2023
- I4CE - Institute for Climate Economics : M. Guillaume DOLQUES, chef de projet Adaptation, et Mme Aurore COLIN, cheffe de projet au sein du programme Territoires.
- Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes : Mme Florence DUBESSY, vice-présidente déléguée à l'éducation et aux lycées, et M. Laurent LESEC, directeur adjoint en charge du pilotage et de la programmation de l'immobilier des lycées.
Mercredi 12 avril 2023
- Le bâti scolaire à La Réunion :
. Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (CIRBAT) : M. Frédéric CHANFIN, directeur.
. Conseil d'architecture, urbanisme et environnement (CAUE) de La Réunion : Mme Catherine MOREL, architecte, directrice.
- L'exemple de la Guadeloupe :
. Académie de Guadeloupe : Mmes Christine GANGLOFF-ZIEGLER, Rectrice, et Corinne POMMIER, responsable de la cellule des achats, des marchés et du patrimoine immobilier, M. Sébastien HASSAN-DIB, inspecteur Hygiène et sécurité au travail,
. Région Guadeloupe : MM. Jean-Louis BOUCARD, directeur général des services, Girard MOUNIGAN, directeur adjoint des lycées et autres bâtiments publics, et Daniel DELOM, directeur de la cellule d'appui aux collectivités.
Mardi 6 juin 2023
M. Stanislas BOURRON, directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Auditions plénières
Mercredi 15 février 2023
M. Laurent JEANNIN, maître de conférences hors classe en sciences de l'éducation à l'Université de Cergy-Pontoise, titulaire de la chaire de recherche sur l'architecture scolaire Transition2 « Des espaces en transition à la transition des espaces » (CY Cergy-Pontoise Université - INSPÉ de l'Académie de Versailles).
Mardi 21 mars 2023
. Fédération française du bâtiment (FFB) : M. Stéphane SAJOUX, président du groupe Performance énergétique, président de la FFB Île-de-France Est ;
. Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) : MM. David MORALES, vice-président en charge des affaires économiques, et Alain CHOUGUIAT, directeur du pôle Affaires économiques ;
. Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) : M. Jean-Marc DELPEYROUX, membre de la commission technique, et Mme Margot MICHAULT, chargée de projets techniques.
Mercredi 22 mars 2023 - Situation des établissements français à l'étranger, en commun avec le Groupe d'études du Sénat « Statut, rôle et place des Français établis hors de France »
. Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : M. Olivier Brochet, directeur général, et Mme Odile HAGENMÜLLER, sous-directrice de l'immobilier ;
. Mission laïque française (MLF) : M. Jean-Marc MERRIAUX, directeur général.
Mardi 28 mars 2023 - Audition des représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF)
- Élus : Mmes Marie-Pierre MOUTON, présidente de la commission « Éducation, culture et sports » de l'Assemblée des départements de France (ADF), présidente du conseil départemental de la Drôme, Marie CIETERS, vice-présidente du conseil départemental du Nord, chargée de l'éducation et des collèges, et Mme Cécile DUMOULIN, vice-présidente du conseil départemental des Yvelines, déléguée aux collèges et au numérique scolaire, M. Éric FERRÈRE, vice-président du conseil départemental de La Réunion, délégué aux travaux bâtimentaires et à la valorisation du patrimoine, et Mme Nathalie LÉANDRI, vice-présidente du conseil départemental des Hauts-de-Seine, en charge de l'éducation et du numérique éducatif ;
- Membres des services départementaux : MM. Philippe BERTOUT, directeur du patrimoine (département du Nord), Pol CREIGNOU, directeur général adjoint chargé de l'éducation, de la maintenance et de la construction (département des Hauts-de-Seine), Benoît GARS, directeur général adjoint chargé de la ville, du patrimoine et de la construction (département des Yvelines), Stéphane MAGNIN, directeur des bâtiments (département de la Drôme), et Patrick PELLEGRINI, directeur des bâtiments (département de La Réunion) ;
- Services de l'ADF : Mme Marion NAHANT, conseillère Éducation.
Mercredi 29 mars 2023 - Audition de Régions de France
- Mme Carole CANETTE, vice-présidente du Conseil régional de Centre-Val de Loire, déléguée aux lycées, à l'éducation, à l'apprentissage, à la jeunesse et à la vie lycéenne.
Jeudi 30 mars 2023 - Audition des associations d'élus - échelon municipal
. Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) : Mme Delphine LABAILS, co-présidente de la commission Éducation, maire de Périgueux ;
. Association des maires ruraux de France (AMRF) : Mme Isabelle DUGELET, membre du conseil d'administration, maire de La Gresle ;
. Intercommunalités de France (IdF) : Mme Inès REGNAULT DE MONTGON, vice-présidente en charge du développement durable de la communauté d'agglomération Ardenne métropole ;
. France Urbaine : MM. Etienne CHAUFOUR, directeur Île-de-France, en charge de l'éducation, des mobilités et des solidarités, et Pierre-Marie GANOZZI, adjoint au maire de Marseille, chargé du plan École, du bâti, de la construction, de la rénovation et du patrimoine scolaire.
Mardi 4 avril 2023 - Table ronde sur le rôle des architectes et des paysagistes dans la rénovation écologique des bâtiments scolaires
. Conseil national de l'Ordre des architectes : Mme Valérie FLICOTEAUX, vice-présidente ;
. Cabinet Seuil architecture : Mme Leslie GONCALVÈS, co-fondatrice ;
. Fédération française du paysage (FFP) : Mme Juliette HUNIN, déléguée générale, M. Dany HERMEL-WIART, Mmes Anne-Cécile JACQUOT et Édith VALLET, paysagistes concepteurs.
Jeudi 6 avril 2023 - Table ronde sur l'accompagnement des collectivités territoriales
. Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) : MM. Guillaume PERRIN, coordinateur national du programme ACTÉE (Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique), et Mathias QUARTERON, chef de projet Bâti scolaire ;
. ADEME (Agence de la transition écologique) : Mme Joëlle COLOSIO, directrice exécutive adjointe des territoires, et M. Christophe LESTAGE, coordinateur Conseil en énergie partagé (service des politiques territoriales) ;
. Fédération des agences locales de l'énergie et du climat (FLAME) : Mme Maryse COMBRES, présidente, MM. Franck SENTIER, délégué général et Rémi CHABRILLAT, président de l'Aduhme (ALEC du Puy-de-Dôme) ;
. CEREMA - climat et territoires de demain : MM. Pascal BERTAUD, directeur général, et Laurent ARNAUD, directeur Bâtiment durable ;
. Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) : Mme Éléonore Chambras LAFUENTE, chargée de mission à la Fédération nationale des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE) et M. Renaud BARRÈS, directeur du CAUE des Pyrénées-Atlantiques ;
. Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) : M. Julien HANS, directeur Énergie environnement, directeur du CSTB Grenoble ;
. Institut français pour la performance énergétique du bâtiment (IFPEB) : M. Christophe RODRIGUEZ, directeur général, et Mme Nathalie LEDERMAN, responsable du projet CUBE.S et CUBE.Écoles.
Mercredi 7 juin 2023
Mme Dominique FAURE, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargée des Collectivités territoriales et auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargée de la Ruralité.
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Direction de l'immobilier de l'État (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)
Direction des affaires juridiques (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)
FININFRA - Mission d'appui au financement des infrastructures (Direction générale du Trésor, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)
Direction générale des collectivités locales DGCL (ministère de l'intérieur)
IV. COMPTES RENDUS DE LA MISSION D'INFORMATION
A. RÉUNION CONSTITUTIVE (MARDI 7 FÉVRIER 2023)
M. Jean-Paul Prince, président d'âge. - Mes chers collègues, l'honneur me revient d'ouvrir la réunion constitutive de la mission d'information sur le thème : « le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique ».
Cette mission d'information a été créée à la demande du groupe RDPI, en application du droit de tirage reconnu aux groupes politiques par l'article 6 bis du Règlement du Sénat.
Les vingt-trois membres de notre mission ont été nommés lors de la séance publique du mercredi 1er février.
C'est tout à l'honneur du Sénat, grâce à l'initiative de notre collègue Nadège Havet, que je salue, d'inscrire à son agenda cette question cruciale qui croise des thématiques chères à notre institution : l'éducation, le développement durable, plus particulièrement la transition énergétique, et les collectivités territoriales.
Nous devons tout d'abord procéder à la désignation du président de la mission d'information.
Pour les fonctions de président, j'ai reçu la candidature de M. Jean-Marie Mizzon, du groupe Union Centriste.
La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Paul Prince, président. - Mon cher collègue, je vous félicite et je vous cède bien volontiers la place.
- Présidence de M. Jean-Marie Mizzon, président -
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Mes chers collègues, je vous remercie de votre confiance.
Je salue moi aussi le thème choisi par le groupe RDPI pour cette mission d'information. Le sujet du bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique intéresse tout particulièrement les collectivités territoriales, et au premier chef l'échelon municipal. En tant que président des maires ruraux de la Moselle, je sais de quoi je parle ! La réflexion dans laquelle nous nous engageons aujourd'hui est donc indispensable ; elle a toute sa place dans l'agenda du Sénat.
Nous poursuivons la constitution du Bureau de la mission d'information.
Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation du rapporteur.
Je vous rappelle que, en application du deuxième alinéa de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, « la fonction de président ou de rapporteur est attribuée au membre d'un groupe minoritaire ou d'opposition, le groupe à l'origine de la demande de création obtenant de droit, s'il le demande, que la fonction de président ou de rapporteur revienne à l'un de ses membres ».
J'ai reçu la candidature de Mme Nadège Havet, du groupe RDPI.
La mission d'information procède à la désignation de sa rapporteure, Mme Nadège Havet.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Nous procédons, dans un second temps, à la désignation des vice-présidents et des secrétaires.
Compte tenu des désignations du président
et du rapporteur qui viennent d'avoir lieu, la répartition des postes de
vice-président et de secrétaire est la suivante : pour le
groupe Les Républicains, deux vice-présidents et un
secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et
Républicain, deux vice-présidents ; pour le groupe Union
Centriste, un secrétaire ; pour le groupe du Rassemblement
Démocratique et Social Européen, un vice-président ;
pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, un
vice-président ; pour le groupe Les Indépendants
-
République et Territoires, un vice-président ; pour le
groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un
vice-président.
Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. Max Brisson et Mme Anne Ventalon ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Mme Marie-Pierre Monier et M. Yan Chantrel ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, M. Bernard Fialaire ; pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, Mme Céline Brulin ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, Mme Colette Mélot ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, Mme Monique de Marco.
Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. Jacques Grosperrin ; pour le groupe Union Centriste, Mme Jocelyne Guidez.
La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son Bureau : M. Max Brisson, Mme Anne Ventalon, Mme Marie-Pierre Monier, M. Yan Chantrel, M. Bernard Fialaire, Mme Céline Brulin, Mme Colette Mélot, Mme Monique de Marco, vice-présidents ; M. Jacques Grosperrin et Mme Jocelyne Guidez, secrétaires.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - La vétusté de nos écoles, collèges et lycées - le cas du lycée d'Aulnay-sous-Bois, largement médiatisé à la fin de l'année dernière, n'est pas isolé -, leur manque de résilience énergétique, leur inadaptation aux pics de canicule imposent un effort en faveur de notre bâti scolaire. Les périodes de forte chaleur que nous connaissons désormais en juin ainsi que l'explosion du coût de l'énergie à laquelle nous sommes actuellement confrontés soulignent l'urgence de cette réflexion.
L'objectif de neutralité carbone en 2050 pour les bâtiments publics de plus de 1 000 mètres carrés implique un effort massif en matière de rénovation énergétique : la presse a récemment qualifié la rénovation thermique des bâtiments publics français de « chantier du siècle ».
Je citerai quelques chiffres pour souligner l'importance des enjeux.
Au sein des bâtiments publics, les écoles, collèges et lycées totalisent environ 140 millions de mètres carrés, soit la moitié du parc tertiaire des collectivités territoriales. Les écoles représentent environ 30 % de la consommation en énergie des bâtiments communaux. Elles semblent être les bâtiments les plus consommateurs d'énergie, avant les équipements sportifs et les bâtiments socioculturels.
J'ai donc souhaité faire porter cette année le droit de tirage de mon groupe sur « le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique ».
L'effort d'adaptation des bâtiments scolaires aux impératifs de rénovation énergétique et à tout ce qu'implique le changement climatique impose des travaux ambitieux en termes d'isolation thermique, d'éclairage, de « confort d'été » - protection solaire des façades, végétalisation des extérieurs, etc. J'ajoute que la crise sanitaire a souligné l'importance de la ventilation des bâtiments scolaires.
Ces chantiers pourraient d'ailleurs, par-delà les impératifs de développement durable, être l'occasion de revoir la conception d'ensemble des bâtiments scolaires dans le sens d'une meilleure adaptation aux innovations pédagogiques ; je pense notamment au numérique, mais aussi à la modularité des espaces scolaires. Les projections démographiques sont probablement une raison supplémentaire d'amplifier cette réflexion.
S'agissant de la seule rénovation énergétique, les enjeux budgétaires sont considérables : 40 milliards d'euros seraient nécessaires pour diminuer de 40 % la consommation d'énergie finale des bâtiments scolaires - et encore, il ne s'agit pas à ce stade de neutralité carbone... Ce sujet n'est pas nouveau. Des rapports publics lui ont été consacrés en 2018 par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), puis en 2020. Une cellule « bâti scolaire » a également été constituée au ministère de l'éducation nationale.
Du fait de la complexité des travaux à entreprendre, l'accès aux financements et aux expertises, autant juridiques que techniques, est un sujet en soi. Se pose donc la question de l'efficacité de l'accompagnement des collectivités territoriales dans ce cheminement qui peut être complexe. Divers programmes proposent soutien et conseils aux collectivités, de nombreux leviers financiers existent, tels que la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) : autant d'interlocuteurs potentiels pour les décideurs. Mais est-il facile pour eux de s'y retrouver ?
De même, on accède en ligne à un certain nombre de guides, « boîtes à outils » et simulateurs. Comment les décideurs locaux sont-ils informés de leur existence ? Quelle est leur efficacité ?
Par ailleurs, quelles sont les bonnes pratiques en matière de rénovation des bâtiments scolaires ? Comment choisir le niveau de rénovation et les financements adaptés aux besoins ?
Pour répondre à ces questions, nous allons mettre en place un programme d'auditions et de déplacements.
Outre les représentants des ministères concernés, nous entendrons naturellement les associations d'élus locaux - nous pourrons consulter les élus à partir de la plateforme du Sénat. Nous rencontrerons la communauté éducative - parents d'élèves, syndicats d'enseignants, de chefs d'établissement, sans oublier l'enseignement privé où la problématique se pose en termes différents - ; des experts ; des professionnels - je pense notamment aux architectes - ; des institutions telles que la Caisse des dépôts.
Enfin, nous essaierons d'organiser une séquence de nos travaux avec nos collègues de la délégation aux outre-mer, territoires où la problématique du bâti scolaire se pose en termes différents.
Je souhaiterais également introduire dans notre réflexion une dimension européenne, non seulement en analysant les bonnes pratiques ayant émergé chez certains de nos voisins, si elles sont transposables en France, mais aussi en inscrivant ce sujet dans un cadre juridique européen. Le Pacte vert pour l'Europe prévoyait dès 2019 de « fournir aux États membres de nouvelles ressources financières pour rendre les bâtiments scolaires et le fonctionnement des écoles plus durables » : un bilan s'impose aujourd'hui, d'autant que l'Europe souhaite accroître les moyens mis en oeuvre pour la transition écologique de ses États membres et alors que nous aborderons bientôt l'examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de l'énergie.
Pour résumer, l'objet de cette mission d'information est d'évaluer les besoins de rénovation du bâti scolaire liés à la transition écologique, de la maternelle au lycée, en prenant en compte les attentes de la communauté éducative ; d'identifier les défis de cette rénovation, notamment pour les collectivités territoriales, plus particulièrement sur les plans juridique et financier ; d'évaluer l'efficacité de l'accompagnement des collectivités territoriales en termes d'accès à l'information et à l'expertise.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Permettez-moi d'évoquer notre agenda.
En ce qui concerne tout d'abord le déroulement de cette mission, celle-ci devra prendre fin en principe avec la présente session. Je pense raisonnable d'envisager, en accord avec notre rapporteure, de terminer nos travaux au plus tard fin juin, ce qui implique la fin de notre programme d'auditions dans la mesure du possible vers la mi-mai.
S'agissant de l'organisation de nos travaux, nous procéderons à des auditions et tables rondes en réunions plénières ou au format rapporteur. Celles-ci seront naturellement ouvertes à l'ensemble des membres de la mission. Elles figureront au calendrier prévisionnel qui vous sera régulièrement adressé.
Nos réunions, quel qu'en soit le format, auront lieu, selon les cas, le mardi à partir de 16 h 30 ; le mercredi après-midi, en dehors des séances de questions d'actualité au Gouvernement ; le jeudi matin. Nous pourrons parfois nous réunir le lundi en fin d'après-midi et, en tant que de besoin, le jeudi après-midi pour certaines auditions rapporteur. Ce format sera naturellement privilégié pour les auditions techniques.
M. Max Brisson. - Au nom des élus de mon groupe, notamment ceux qui siègent au sein de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, j'indique que je partage largement le constat présenté par le rapporteur. La question du bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique est un vrai sujet, et je me félicite que le Sénat s'en saisisse pour formuler un certain nombre de préconisations. Toutefois, j'émettrai deux points de vigilance.
Premièrement, face aux tentations de recentralisation que l'on voit actuellement poindre, ne laissons pas croire à l'opinion publique que le bâti scolaire serait dans une situation dégradée parce qu'il est aux mains des collectivités territoriales. Pour s'en convaincre, il suffit de visiter les bâtiments qui appartiennent à l'État, notamment dans l'enseignement supérieur. Les bâtiments scolaires étaient autrement plus dégradés en 1982 qu'aujourd'hui. Grande a été la chance des établissements du second degré d'être transférés par les lois de décentralisation aux conseils départementaux et régionaux. On sait combien les maires sont attachés à leur école, et les conseils municipaux ne rechignent jamais à y investir. La performance énergétique ne doit pas être un vecteur de reprise en main de l'État.
Deuxièmement, il faut certes accompagner les collectivités, mais le terme « accompagnement » est très souvent synonyme de tutelle dans l'éducation nationale. Aussi devrons-nous définir les formes d'accompagnement que nous voulons mettre en place.
Il faut accepter qu'une compétence décentralisée soit décentralisée ! Elle ne saurait être reprise d'une main après avoir été transférée de l'autre. Or ce danger existe. Certains, rue de Grenelle, souhaitent multiplier normes et contraintes, tout en laissant les collectivités assurer le financement. Restons vigilants !
Mme Marie-Arlette Carlotti. - À Marseille, la situation du bâti scolaire est encore extrêmement dégradée. Je ne parle ni des collèges ni des lycées - pour avoir été élue départementale, je peux témoigner que nos établissements sont beaux, flambants neufs et réhabilités régulièrement. Je parle des écoles maternelles et primaires. Sans vouloir faire de politique politicienne, force est de constater que, à Marseille, le maire n'a pas joué le rôle que l'on attend de lui, pour des tas de raisons. La situation des quelque 450 établissements scolaires de la ville est très grave. La presse s'en est fait l'écho, à la demande de parents d'élèves et sous la houlette de professeurs. Depuis, des collègues socialistes sont venus à Marseille, mais leur travail a porté sur l'école du futur, sujet qui relève plutôt de la pédagogie. Le Sénat n'a pas suffisamment travaillé sur le bâti ; la création de cette mission sera l'occasion de le faire.
Une expérience tout à fait particulière est menée à Marseille, avec un accompagnement du maire par l'État. Une société a été créée spécifiquement pour nous aider à améliorer le bâti, et le maire a accepté de partager une partie de cette compétence avec l'État. Aujourd'hui, plusieurs dizaines d'écoles sont en cours de réhabilitation, et les moyens financiers mobilisés sont très importants.
Transition écologique et réhabilitation du bâti doivent aller de pair. Pour ce qui nous concerne, il nous faut d'abord chasser les rats, faire en sorte que les plafonds ne s'écroulent plus, que les cantines scolaires et les chauffages fonctionnent... J'ignore si la situation est pire que dans les outre-mer... Elle est, à tout le moins, équivalente.
Je vous propose d'auditionner des élus ou le président de la société qui a été mise en place en accord avec le maire et sur l'initiative du Président de la République. Je vous propose même de venir dans notre belle ville pour regarder ce qui s'y passe. Cette expérience tout à fait particulière nous permettrait peut-être de rattraper le retard accumulé depuis plusieurs années.
M. Yan Chantrel. - En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, j'estime que notre mission ne doit pas ignorer nos nombreux établissements situés à l'étranger. L'interdiction faite aux établissements en gestion directe de recourir à l'emprunt pour améliorer le bâti crée des enjeux très spécifiques.
Par ailleurs, nos établissements hors de France sont situés dans des zones où la transition écologique est encore plus importante que dans notre pays. Il est donc impératif de les intégrer dans les réflexions de notre mission.
M. Max Brisson. - Je veux réagir à l'intervention de notre collègue des Bouches-du-Rhône. J'ai pleinement conscience qu'existe, depuis plusieurs années, une problématique particulière à Marseille.
J'ai été le rapporteur du projet de loi pour une école de la confiance. Lors de son examen dans l'hémicycle, nous avions déjà débattu du sujet.
Depuis quelques mois, Marseille est l'épicentre de la totalité des politiques éducatives. Si je suis, par principe, solidaire de son ancien maire, je ne méconnais pas les difficultés particulières du bâti scolaire et de l'école en général à Marseille. Cependant, je ne voudrais pas que l'on tire des plans sur la comète à partir d'une situation très particulière, qui ne peut être généralisée. Malgré le discours de Marseille du Président de la République, les problèmes qui se posent aujourd'hui dans les écoles de cette ville ne sont pas transposables partout. Il convient d'éviter les amalgames.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Cette expérience singulière est liée à un retard particulier.
D'ailleurs, nos collègues ont constaté que, contrairement à ce qu'a affirmé le Président de la République, l'école du futur n'était pas forcément généralisable. Je suis donc absolument d'accord avec vous.
Mme Christine Herzog. - On sait que les écoles du département de la Moselle perdront, à la rentrée prochaine, plus de 1 000 élèves. Cette épée de Damoclès entraîne une espèce de « course à l'échalote » et des bagarres perpétuelles entre maires.
Alors que les maires réalisent d'importants investissements de long terme, on leur annonce des fermetures de classes, voire d'écoles. J'espère que cette mission, qui vient à point nommé, leur apportera des solutions et leur donnera un peu d'espoir.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Merci à tous pour vos contributions.
Il est évident que, dans mon esprit, l'accompagnement n'est pas une tutelle : c'est plutôt une aide.
Je suis complètement d'accord, il ne s'agit pas du tout d'accabler les collectivités territoriales sur le bâti scolaire. L'énergie qu'elles déploient quand une classe ou une école menace de fermer montre bien que c'est une préoccupation première des élus municipaux.
L'objet de la mission est véritablement de faire des propositions pour leur donner des outils et leur faciliter les choses. Nous verrons si nous pourrons nous rendre à Marseille, où l'expérimentation en cours n'existe nulle part ailleurs.
Effectivement, il ne faut pas oublier nos établissements situés à l'étranger, un peu partout dans le monde.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Comme l'a dit Max Brisson, il ne faut pas laisser croire une seule seconde que l'état des lycées et collèges serait dégradé. Je crois qu'aucun proviseur, aucun principal ne s'est jamais plaint de l'acte de transfert.
Je rappelle cependant que les bâtiments dont les conseils départementaux et régionaux ont hérité sont des passoires thermiques - les préoccupations du moment n'étaient pas celles d'aujourd'hui... Il faudra absolument faire comprendre que c'est sous cet angle que se place notre réflexion.
M. Max Brisson. - On peut même aller plus loin : ont été construits, depuis la décentralisation, quelques bâtiments pour lesquels la préoccupation première était la beauté du geste architectural, plus que la performance énergétique. Les temps ont changé !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - On peut allier les deux préoccupations.
Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous dès demain, mercredi 8 février, à 14 heures, pour entendre en audition rapporteur M. François Demarcq, ingénieur général des mines honoraire, auteur, en 2020, d'un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, commandé par les ministres de la transition écologique, de l'économie et des finances, de l'éducation nationale et de la cohésion des territoires. Cette réunion se déroulera en visioconférence. Le lien vous sera communiqué par courriel dès cet après-midi.
Mercredi 15 février, nous entendrons : de 16 h 30 à 17 h 30, toujours au format rapporteur, le Réseau national des territoires engagés dans la transition écologique (Amorce) ; puis, à 17 h 30, en plénière, M. Laurent Jeannin, universitaire, qui situera notre réflexion dans une perspective historique et nous éclairera sur les aspects prospectifs de la conception des bâtiments scolaires, en lien notamment avec l'évolution des pratiques pédagogiques et les enjeux environnementaux.
Nous aurons ultérieurement une réunion de travail avec la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale. Eh oui, cher collègue, cela existe encore...
M. Max Brisson. - Encore trente ans après la décentralisation du bâti scolaire ! Et cette cellule est dupliquée dans tous les rectorats... Il n'y a qu'en France que l'on voit cela.
B. ÉCHANGE DE VUES (MERCREDI 10 MAI 2023)
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Trois mois après le début de notre mission d'information, il est temps de procéder entre nous à un échange de vues sur les principales orientations du rapport qui vous sera soumis dans les derniers jours de juin.
Je vais tout d'abord vous présenter rapidement le bilan de nos travaux, sur les plans statistique et méthodologique. Puis notre rapporteure, Nadège Havet, vous exposera les quelques axes de recommandations issus des auditions et déplacements auxquels nous avons procédé à un rythme soutenu depuis le début de février.
Au cours de 8 auditions en réunion plénière, dont 5 tables rondes, nous avons reçu quelque 48 personnes - représentants d'associations d'élus, professionnels (architectes, paysagistes, entreprises du bâtiment), hauts fonctionnaires, experts et universitaires, représentants des organismes contribuant à l'accompagnement des collectivités territoriales (ADEME, CEREMA, agences locales de l'énergie-climat - ALEC, conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement - CAUE...).
Lors de 14 réunions au format rapporteur, plus de 35 personnes ont été entendues (hauts fonctionnaires, recteurs (de Mayotte et de la Guadeloupe), représentants des syndicats d'enseignants et de chefs d'établissements, d'associations de parents d'élèves, chercheurs, représentants de la Caisse des dépôts-Banque des territoires...).
Je tiens à souligner les séquences particulièrement intéressantes qui ont réuni à nos côtés des collègues issues d'autres structures du Sénat :
- avec la délégation aux outre-mer, nous avons rencontré à distance les recteurs des académies de Mayotte et de Guadeloupe, un élu de la région Guadeloupe ainsi que des représentants du Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (CIRBAT) et du CAUE de La Réunion ;
- le groupe d'études « Statut, rôle et place des Français établis hors de France » nous a permis de prendre connaissance de l'expérience de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger et de la Mission laïque française.
Le 13 avril, nous avons bénéficié de l'expertise des 14 experts réunis à la préfecture de Nancy, auxquels s'ajoutent les maires, architectes et élus rencontrés lors des deux visites d'écoles qui ont complété ce programme.
Il faut ajouter à tous ces interlocuteurs les quelque 1 379 élus qui nous ont adressé des témoignages de grande qualité via la consultation que nous avons mise en ligne à la fin du mois de mars, et qui est close depuis le 28 avril. Ces témoignages et suggestions feront l'objet d'une synthèse qui, annexée à notre rapport, enrichira considérablement celui-ci et complètera utilement les trois tables rondes dédiées aux associations d'élus.
Depuis le mois d'avril, nous avons commencé un cycle de déplacements qui nous a conduits en Meurthe-et-Moselle, puis à Courbevoie. Nous partons tout à l'heure dans le Finistère où nous attend une nouvelle fois un riche programme d'échanges et de visites de terrain. D'autres déplacements sont prévus, à Marseille les 24 et 25 mai, puis le 5 juin dans le Vaucluse.
Je donne la parole à Nadège Havet pour nous faire part des premiers constats et recommandations auxquels elle est parvenue à ce stade de nos travaux.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Avant de vous présenter les principales orientations du rapport, je voudrais rappeler que la transition écologique des bâtiments scolaires s'inscrit dans la thématique globale de l'adaptation des bâtiments tertiaires aux enjeux climatiques et énergétiques actuels.
Au sein de cette thématique, la spécificité de la transition écologique des bâtiments scolaires tient à cinq facteurs.
Tout d'abord, l'importance centrale des écoles, collèges et lycées dans la vie des collectivités : « l'école est le poumon du village », nous dit joliment l'un des élus ayant répondu à notre consultation en ligne.
Ensuite, le temps qu'y passent nos millions d'élèves, pendant le temps scolaire mais aussi périscolaire, voire pour certains pendant les vacances scolaires.
Troisième facteur : l'intérêt pédagogique que présente l'exemplarité de nos écoles, collèges et lycées en matière de transition écologique, afin de contribuer à former à l'éco-responsabilité les citoyens de demain.
Quatrième facteur : l'attractivité qu'exercent aujourd'hui les bâtiments scolaires répondant à des normes environnementales exigeantes. L'audition des responsables de l'enseignement français à l'étranger nous l'a montré à l'échelle internationale ; les maires qui ont construit des écoles aux normes environnementales les plus modernes nous l'ont confirmé à l'échelle locale.
Dernière spécificité : si la transition écologique des bâtiments scolaires est rendue obligatoire par des normes européennes et par notre cadre juridique national, c'est une politique publique décentralisée, et son succès dépend en tout premier lieu de l'engagement des collectivités concernées et de leur capacité à financer et mettre en oeuvre ces mesures de transition énergétique. Sa réussite dépend ensuite bien entendu de l'implication des usagers des écoles, collèges et lycées (enseignants, chefs d'établissement, élèves et parents d'élèves) dont le comportement commande l'efficacité des mesures de transition énergétique prises et financées par les collectivités.
Hier, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, a d'ailleurs présenté son plan de rénovation énergétique des écoles avec l'objectif de mobiliser tous les acteurs aux côtés des communes afin de relever ce défi titanesque.
Je vais vous présenter maintenant les premiers résultats de la consultation des élus locaux sur la plate-forme du Sénat, qui a permis de rassembler en un mois un peu plus de 1 300 témoignages, principalement d'élus de l'échelon municipal et plus particulièrement de maires.
Ces témoignages confirment ce que nous avons entendu en audition, ce qui est bon signe !
L'importance centrale de l'école dans la vie des communes est confirmée par cette consultation, même si l'on note quelques interrogations sur la pertinence du maintien d'une école dans chaque commune.
Les constats sont unanimes et sans surprise : les collectivités font face à une explosion des dépenses d'énergie qui mettent à mal leurs budgets. Paradoxalement, cette charge accrue contraindrait même certains maires à reporter des investissements de rénovation énergétique qui avaient été programmés...
Si l'on met de côté les quelques descriptions (d'ailleurs enthousiastes) de bâtiments récents, construits aux normes BBC où les dépenses énergétiques sont très optimisées, l'état des bâtiments est régulièrement qualifié de « vétuste » : les termes de « passoires thermiques », de « gouffres énergétiques » et de « gouffres financiers » reviennent régulièrement.
Je rappelle que la plupart des élus locaux ayant répondu à ce questionnaire sont des maires, qui peuvent ne pas avoir les services dédiés pour prendre en charge cette problématique et peuvent se sentir démunis face à l'ampleur du défi à relever.
Dans ce contexte, l'intérêt pour la rénovation énergétique semble largement partagé. Les élus n'ont pas attendu les échéances fixées par le décret tertiaire pour prendre des initiatives en la matière. Parmi les travaux déjà effectués reviennent souvent l'isolation, les changements d'huisserie et de vitrage, l'installation de pompes à chaleur ou de nouvelles chaudières, parfois assorties d'un système de contrôle à distance...
Les préoccupations suscitées par les vagues de chaleur sont largement partagées également et des initiatives concernant la végétalisation des espaces extérieurs sont souvent mentionnées, de même que l'intérêt des élus pour les « cours oasis ». Toutefois dans les territoires où le réchauffement ne semble pas à l'ordre du jour, comme le notent des élus bretons, normands ou montagnards, ces aménagements ne sont pas une priorité.
Un certain nombre de témoignages reviennent sur des difficultés de compréhension entre élus et communauté pédagogique. Les usagers des bâtiments scolaires seraient parfois éloignés des préoccupations financières des élus. Ce point démontre combien il est compliqué d'optimiser la consommation énergétique des écoles, collèges et lycées, puisque l'efficacité des mesures d'économie dépend du comportement des usagers.
De nombreuses réponses portent sur les obstacles auxquels se heurtent les élus pour mener à bien leurs projets de rénovation ou de construction neuve.
Ces difficultés sont plus particulièrement ressenties par les communes dont les services techniques sont moins développés, et qui sont moins bien outillées pour répondre aux appels à projets que supposent désormais la plupart des demandes de subventions. Sur ce point les départements, les régions et les métropoles se trouvent dans une situation plus favorable.
Les freins aux travaux exprimés sur la plate-forme de consultation sont sans surprise :
- tout d'abord leur coût, considéré comme « hors de portée » des petites communes (de fait, le rapport présentera divers scénarios de coût au mètre carré en fonction de la nature des travaux réalisés ; les opérations ciblées de rénovation thermique coûtent environ 550 à 1 000 euros par mètre carré ; il faut compter entre 2 800 et 3 200 euros par mètre carré pour une construction neuve, mais nous avons connaissance de chantiers plus coûteux : 3 700 euros par mètre carré). Encore ces estimations ne comprennent-elles pas la végétalisation des espaces extérieurs rendue souhaitable par les vagues de chaleur, et qui s'ajoute à ces devis ;
- les contraintes liées au calendrier scolaire ;
- la faiblesse des moyens en matière d'ingénierie, plus particulièrement dans les petites communes, et le prix des études préalables qui s'ajoutent à celui du chantier ;
- les incertitudes sur d'éventuelles fermetures de classes ou d'écoles ;
- le poids des normes, qui parfois se juxtaposent (qualité de l'air et isolation, par exemple), voire dans certains cas se contredisent (je pense notamment à la difficulté de poser des panneaux solaires dans les zones sous contrôle de l'architecte des bâtiments de France (ABF), régulièrement mentionnée). Les variations fréquentes auxquelles sont sujettes les normes sont une complication supplémentaire ;
- et enfin une certaine défiance à l'égard des professionnels - entreprises du bâtiment, bureaux d'études ou architectes - dont les prestations peuvent dans certains cas ne pas être à la hauteur des attentes des collectivités.
Les témoignages concernant l'accompagnement des collectivités dans leurs projets de rénovation ou de construction soulèvent le problème de la diversité de structures et organismes susceptibles d'assurer cet accompagnement.
Même si nous avons reçu des témoignages positifs sur les articulations mises en place dans certains territoires et sur le rôle des autres collectivités (départements, intercommunalités et régions) ainsi que de structures telles que les agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), les agences départementales de l'énergie ou les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), certains élus déclarent pourtant se sentir « isolés » face à cette diversité d'acteurs et avoir du mal à trouver le bon interlocuteur : ils appellent à clarifier le rôle de chacun.
Certains élus ironisent d'ailleurs sur le contraste entre la diversité des structures d'accompagnement et l'insuffisance des financements : « des conseils et des préconisations à foison, des aides pas vraiment ».
On note aussi des appréciations différentes du rôle de l'État : certains revendiquent des préfectures ou sous-préfectures « mieux équipées » pour accompagner les collectivités, d'autres se prononcent en faveur de « bureaux d'études privés, efficaces et performants »
La complexité des démarches à entreprendre pour obtenir des subventions est régulièrement déplorée, illustrée par les termes d'« usine à gaz » ou de « parcours du combattant ».
Les aides sont critiquées :
- pour leur insuffisance par rapport au prix des travaux, ce qui confirme ce que nous ont dit les associations d'élus ;
- pour des critères d'attribution jugés peu clairs, ainsi les critères d'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et du Fonds vert sont jugés « interchangeables », en dépit de différences sensibles dans les démarches à effectuer ;
- pour les difficultés liées aux appels à projets, dont la temporalité est en outre régulièrement critiquée ;
- et enfin pour les incertitudes sur le montant des subventions. Ce constat rejoint les remarques que nous ont faites les associations d'élus, qui demandent plus de visibilité pour mieux anticiper et appellent à une attribution des subventions dans une logique pluriannuelle.
En effet, ces incertitudes sur l'attribution des aides et sur leur montant contraint les collectivités à procéder par « petits pas » alors qu'une approche globale serait plus rationnelle et probablement moins coûteuse à long terme.
Par ailleurs, quelques réponses s'interrogent sur les effets pervers de ces aides, qui favorisent les « mauvais élèves de la transition écologique » : leurs critères d'attribution pénalisent en effet les collectivités qui ont déjà pris des mesures de rénovation énergétique et qui de ce fait, peinent à satisfaire l'objectif de 30 % d'économie conditionnant leur éligibilité à ces subventions.
J'en viens à quelques orientations qui pourraient donner lieu à des recommandations.
Je pense tout d'abord à l'information des élus, qui doit impérativement être améliorée. De nombreux acteurs, dans les territoires, peuvent accompagner nos collectivités dans la conduite de leurs projets. Certains territoires offrent des exemples d'organisation et de coordination réussie ; la consultation que nous avons menée le confirme.
Toutefois cette diversité n'est pas partout un gage d'efficacité :
- ainsi l'auteur du rapport Demarcq avait renoncé à établir un inventaire de tous les guides censés aider les collectivités dans la mise en oeuvre de leurs projets,
- l'information des élus municipaux semble perfectible dans ce domaine, comme cela a été relevé lors de notre déplacement à Nancy.
Des séances de formation pourraient être proposées, avec le soutien des associations d'élus, de manière à aider les collectivités, et plus particulièrement les petites communes, à identifier un interlocuteur susceptible d'accompagner leurs projets.
Nous pourrions aussi inviter tous les acteurs contribuant à accompagner les collectivités (ALEC, agences départementales de l'énergie, ADEME, CEREMA...) à mettre en commun leurs ressources pour créer un centre de documentation et d'information coordonnée et fusionnée sur la rénovation des bâtiments scolaires.
Les guides publiés par la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale devraient y figurer. Bien qu'ils soient diversement appréciés par les associations d'élus, ils n'en constituent pas moins des sources d'information utiles et gagneraient à être mieux diffusés auprès des élus municipaux.
Un deuxième axe de recommandations pourrait avoir pour objectif le partage des bonnes pratiques et des erreurs à éviter lorsqu'une collectivité conduit un projet de rénovation ou de construction de bâtiment scolaire.
Une base de données pourrait être mise en place pour que les collectivités mettent en commun leurs retours d'expérience. À quel type d'acteur confier la création et le suivi de cet outil ? Ce point reste posé.
Nos établissements français à l'étranger mériteraient de figurer en bonne place dans cette base de données, au chapitre des bonnes pratiques en matière de lutte contre les fortes chaleurs. Les associations d'élus que nous avons auditionnées ont d'ailleurs exprimé beaucoup d'intérêt pour ces exemples.
Un troisième axe pourrait concerner l'accès aux subventions.
Tous nos interlocuteurs demandent de manière unanime la création d'un guichet simplifié : la mission d'information pourrait recommander la mise en place d'un point d'entrée unique dans les demandes de subventions, permettant la mise en contact des collectivités avec leurs financeurs potentiels.
Une autre amélioration consisterait à rapprocher le calendrier des dépôts de candidature aux aides de l'État et le calendrier des aides régionales : les préfectures et les régions pourraient travailler ensemble à cette mise en cohérence des calendriers.
Enfin, nous devons appeler à assurer la prévisibilité du montant des aides.
Une proposition de simplification a été faite lors de la table ronde du 6 avril, consistant à établir le montant des aides sur une base forfaitaire (une somme donnée par mètre carré, qui varierait selon le niveau de performance énergétique prévu : moins 30%, moins 40% ou moins 50%).
Cette formule me semble mériter d'être débattue, tout en sachant que la capacité contributive de chaque commune devrait aussi être nécessairement prise en compte, comme nous l'avons noté avec notre président, Jean-Marie Mizzon. Cela pourrait être une autre porte d'entrée.
Par ailleurs, nous devons essayer de trouver une solution pour sécuriser les décisions des élus et limiter l'aléa que représente la menace de fermeture de classe ou d'école qui contraignent fortement la mise en oeuvre de travaux de rénovation.
Lors de notre déplacement à Nancy, la présidente de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) du département a relevé l'amélioration qu'a constituée l'association du directeur académique des services de l'éducation nationale à l'étude des dossiers concernant le bâti scolaire candidats à la DETR, assurant une meilleure cohérence entre les projets des maires et les éventuelles perspectives de fermeture de classes ou d'écoles.
Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé mi-avril devant le Sénat son Plan ruralité, qui inclut une réflexion sur une meilleure prévisibilité sur les fermetures de classes en milieu rural. Je pense que nous devons avoir un échange à ce sujet. Je m'interroge notamment pour savoir si un délai de trois ans suffit pour sécuriser des travaux dont la rentabilité s'étend sur de nombreuses années.
Enfin, l'ampleur des travaux de rénovation énergétique à entreprendre au cours des années à venir, tant dans le parc public que dans le parc privé, impose la définition d'une stratégie globale de rénovation du bâti scolaire à l'échelle du pays, afin de prioriser les travaux, par exemple en fonction de la période de construction des bâtiments, comme le suggérait l'Ordre des architectes, et de coordonner ceux-ci avec les autres rénovations à programmer en dehors du parc scolaire.
Une telle organisation présenterait l'avantage de permettre aux entreprises de s'organiser et de limiter les difficultés liées à leur disponibilité. Cette proposition nous a d'ailleurs été suggérée, à Nancy, par le représentant de la Fédération française du bâtiment (FFB).
Cette stratégie, que nous devrions recommander, concrétiserait un engagement affirmé de l'État en faveur de la rénovation du bâti scolaire. Elle devrait aller de pair avec un financement assurant une meilleure visibilité des subventions, dans la logique pluriannuelle demandée par es élus.
Mme Monique de Marco. - Je voudrais revenir sur la table ronde du 6 avril relative à l'accompagnement des collectivités territoriales. Ces échanges ont été trop brefs, à mon avis. Cette question aurait mérité d'autres auditions, car ces acteurs sont très actifs dans les territoires et mériteraient d'être entendus plus en détail. J'aimerais que nous puissions les rencontrer de nouveau, car ils ont peut-être de nouvelles propositions à formuler.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Parallèlement à cette table ronde, ils ont répondu au questionnaire écrit que je leur ai adressé ; certains de ces organismes étaient également représentés lors des déplacements.
Mme Monique de Marco. - Parallèlement à nos travaux se déroule la commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments. Il serait bien, à mon avis, de croiser nos regards sur le sujet. Il me semblerait utile de faire un point avec nos collègues, notamment pour s'inspirer des conclusions auxquelles ils envisagent aboutir.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Les travaux de la commission d'enquête sont surtout orientés vers la question des aides à la rénovation énergétique des logements.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - La mission commune d'information a une fin ! Il est prévu que nous approuvions le rapport à la fin du mois de juin.
Mme Monique de Marco. - Il me semble que des travaux sur le même sujet sont également en cours à l'Assemblée nationale.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - La mission d'information de l'Assemblée est plus large ; elle intègre la prise en compte des enjeux climatiques dans les programmes scolaires et la formation des enseignants, par exemple. Elle devrait remettre son rapport à l'automne.
Je fais régulièrement lors des auditions la promotion des établissements français d'enseignement à l'étranger. Les exemples de rénovation qui nous ont été exposés sont extrêmement intéressants, notamment en termes d'ouverture sur la ville et d'adaptation aux fortes chaleurs. Il serait utile de communiquer davantage sur leurs bonnes pratiques.
M. Yan Chantrel. - Ces établissements sont souvent implantés dans des pays qui sont soumis à des températures élevées. Le rythme des horaires d'enseignement s'adapte aussi à ces contraintes climatiques. Je tiens à souligner également que les établissements français d'enseignement à l'étranger en gestion directe ne peuvent plus avoir recours à l'emprunt. Il me semble important de leur permettre à nouveau de pouvoir disposer de cette faculté.
Mme Céline Brulin. - Dans un entretien au Parisien, le Président de la République a fait des annonces sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. De tels travaux nécessitent, semble-t-il, une enveloppe de 40 milliards d'euros. Prévoyons-nous d'en rester aux financements actuels, ou envisageons-nous d'en suggérer de nouveaux, comme par exemple un fonds spécial ? Je pense qu'il y a unanimité sur le fait que ce chantier est un immense défi à prendre en compte. Il me semble qu'il faut plaider pour que l'État fasse plus qu'aujourd'hui. Je pense que des mesures supplémentaires sont attendues par les élus locaux.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, accompagné de quatre autres ministres, a lancé, le 9 mai dernier, un programme de rénovation du bâti scolaire. À cette fin, 10 000 projets totems seront accompagnés dans les territoires. Le fonds EduRénov sera doté d'une enveloppe de 2 milliards d'euros sur quatre ans. Le ministre a également annoncé la pérennisation du Fonds vert, sans toutefois indiquer de chiffrage précis. Nous demanderons des précisions sur ce point lors de notre audition ministérielle.
Mme Véronique Del Fabro. - J'ai assisté à ce lancement, qui m'a semblé plutôt imprécis. De nombreux interlocuteurs étaient présents. Cette audition est, en effet, nécessaire pour disposer de plus d'informations.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je partage votre réflexion. Nous avons besoin d'une clarification. Des annonces de dépenses supplémentaires ont été faites dans des domaines divers. Il y a la rénovation énergétique, mais aussi la loi de programmation militaire. Je m'interroge sur ces annonces au regard de la volonté affichée de baisser le niveau de la dépense publique...
Je voudrais soulever le problème des objectifs de diminution des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre (-30%, -40%, -50%). Il est d'autant plus facile à une collectivité d'atteindre ces objectifs, qui conditionnent l'accès aux subventions, qu'elle n'a rien fait pour s'en rapprocher. C'est plus difficile pour les collectivités qui, déjà vertueuses, ont investi dans ce domaine. Il est important que tous les acteurs locaux puissent bénéficier des aides, quelles que soient les opérations déjà réalisées. Je pense qu'il faut trouver un système moins injuste.
Est-il nécessaire d'aider toutes les communes de la même manière ? Il me semble qu'il faut prendre en compte la capacité contributive de chaque commune. C'est d'ailleurs une observation qui peut être faite dans d'autres domaines. Les critères d'attribution des subventions au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), par exemple, ne prennent pas en compte cette singularité. Le système actuel nourrit l'injustice. Paradoxalement, les collectivités qui « consomment » le plus de subventions sont celles qui ont déjà des moyens importants. Nous pourrions faire une recommandation qui consisterait à tenir compte de la capacité contributive des communes.
M. Jean-Paul Prince. - Il faut distinguer celles qui n'ont rien fait pour se rapprocher des objectifs du décret tertiaire de celles qui ne disposent pas de moyens pour conduire des projets de rénovation. S'agissant de la DETR, il est important de faire partie de la commission d'élus et de demander dans ce cadre des taux de subvention plus importants.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Il faut mentionner les difficultés rencontrées cette année sur l'attribution des subventions au titre du fonds vert. Les élus, en effet, n'ont pas été informés des nouvelles procédures. Il est important d'avoir une pratique harmonisée dans toutes les commissions. Par ailleurs, certaines subventions sont subordonnées à des études préalables, qui ont pour effet d'alourdir le coût des projets de rénovation. Or l'impact de certains travaux en termes de performance énergétique - je pense à l'installation d'ampoules LED - relève du bon sens.
Mme Anne Ventalon. - Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard. Quels sont les résultats de la consultation des élus locaux lancée sur le site du Sénat ? Peut-être en avez-vous déjà parlé ?
Mme Nadège Havet, rapporteure. - La consultation a recueilli 1 370 réponses, qui émanent pour l'essentiel de maires. C'est une bonne participation. Sa synthèse sera annexée au rapport.
Mme Céline Brulin. - Les maires devraient pouvoir disposer de plus de visibilité, dans la durée, sur la répartition et l'affectation des postes d'enseignants. Je plaide depuis longtemps en ce sens. Il faudrait, en effet, s'assurer de la stabilité de la carte scolaire sur trois ans. Pourquoi trois ans ? C'est l'âge de l'entrée des enfants à l'école maternelle, mais peut-être que cette perspective n'est pas suffisante.
M. Jean-Paul Prince. - Il me difficile d'aller au-delà.
Mme Céline Brulin. - Il faudrait sans doute prendre aussi en compte les projets de construction de logements.
Mme Véronique Del Fabro. - On dit souvent : un parpaing ne fait pas un bambin ! La plupart du temps les ménages qui font construire leur maison ont déjà des enfants. Il est difficile d'anticiper en la matière...
M. Jean-Paul Prince. - ans une commune voisine de la mienne, la construction de logements n'a fait venir que des primo-accédant et des jeunes ménages, tandis que dans une autre, seuls des retraités se sont installés. Je constate ainsi que dans la première commune, le nombre d'élèves scolarisés s'accroît tandis que dans la seconde, le nombre de classes diminue, passant de six à trois, en quelques années. Les choix d'installation sont différents d'une commune à l'autre, ils sont aléatoires et l'on ne peut en connaître vraiment les raisons.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'idéal serait, en matière de carte scolaire, de disposer d'une pluriannualité sur cinq ans, du cours préparatoire à la fin de l'école primaire, mais c'est encore plus compliqué !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Cela fait sens si on parle d'école primaire. J'ai une autre remarque qui concerne les bureaux d'études, les agences techniques et autres structures d'ingénierie. C'est une véritable nébuleuse ! Elles ont été créées de façon empirique, suite à diverses initiatives. Toutes ces structures sont compétentes dans les services rendus aux collectivités, mais c'est un maquis pour les élus.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Il existe des spécificités locales très marquées en fonction des départements ou régions. Les territoires ne font pas appel aux mêmes acteurs.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il serait pertinent qu'en matière d'ingénierie il y ait un chef de file à l'échelle des territoires. Quel organisme choisir pour une telle mission de coordination ? L'Agence de la transition écologique (ADEME) ? Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), présents dans de nombreux départements ? Ce sont des structures anciennes, financées en partie par la taxe d'aménagement, et qui ont une bonne connaissance du terrain.
M. Jean-Paul Prince. - Il y a souvent des divergences d'appréciation entre les CAUE et les architectes, notamment en termes d'estimation du coût des travaux.
Mme Céline Brulin. - J'ai été co-rapporteure, avec mon collègue Charles Guené, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, d'un récent rapport sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Nous avions relevé que selon les départements, il existe un maquis de bureaux d'études, publics et privés. Dans une première approche, nous souhaitions rendre plus lisible la répartition des compétences entre ces structures. Or elles sont souvent le fruit d'une histoire et de besoins très spécifiques. Il nous semblait donc plus pertinent que le préfet, qui est le représentant de l'ANCT dans chaque département, soit pilote pour organiser et faire connaître les différents outils d'ingénierie existants à la disposition des collectivités. Il faut fédérer et organiser les acteurs locaux, mais aussi donner un peu plus de moyens aux préfets pour assurer ce rôle, ainsi qu'aux sous-préfets.
Mme Monique de Marco. - S'agissant des recommandations, je voudrais attirer votre attention sur la loi récemment votée concernant le tiers financement, qui semble compliqué à mettre en oeuvre. Je crois que la Banque des territoires devrait accompagner ce dispositif.
Mme Véronique Del Fabro. - Ce sujet a été abordé hier, lors de la présentation du plan du gouvernement. Ce mécanisme me semble, en effet, assez compliqué à actionner. Il nécessite d'attirer des financeurs, ce qui est plus difficile pour les petites communes rurales. Il est suggéré que les petites communes se regroupent afin d'attirer des tiers financeurs, ce qui suppose des besoins identiques au même moment. Il est également envisagé de développer le rôle des intercommunalités dans cette logique. J'ai l'impression que le tiers financement est un beau projet, mais qu'il va se révéler difficile à mettre en oeuvre, notamment pour les territoires ruraux, alors qu'il leur est destiné. On en revient toujours à la dissociation entre le rural et l'urbain !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Le ministre a reconnu lui-même qu'il ne fallait pas prêter trop de vertu au tiers financement ! Ce système est conçu pour attirer des projets d'envergure susceptibles de générer d'importantes économies et, rappelons-le, son expérimentation est prévue sur cinq ans.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Ce dispositif est accueilli avec quelques réserves, d'après les témoignages que nous avons entendus. Il devra faire ses preuves.
C. EXAMEN DU RAPPORT (MERCREDI 28 JUIN 2023)
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de notre mission d'information qui s'est mise en place le 7 février 2023, à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI).
Le rapport d'information provisoire a été mis à votre disposition le 23 juin dernier afin que vous puissiez en prendre connaissance avant cette réunion. Ce rapport s'appuie sur des bases très riches : au total, neuf auditions, dont cinq tables rondes, ont été organisées, auxquelles se sont ajoutées 15 auditions de la rapporteure, ouvertes à l'ensemble de la mission d'information. Notre programme d'auditions s'est terminé avec Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Au total, si l'on ajoute à cela les tables rondes organisées lors de nos déplacements, plus particulièrement à la préfecture de Meurthe-et-Moselle, à la sous-préfecture de Brest et à la mairie de Marseille, une centaine de spécialistes ont été entendus.
Nos cinq déplacements - à Nancy, à Courbevoie, dans le Finistère, à Marseille et dans le Vaucluse - nous ont permis d'enrichir notre réflexion au contact des acteurs de terrain. Je remercie nos collègues qui ont pris l'initiative de ces déplacements et qui ont activement contribué à leur réussite.
En outre, les élus locaux consultés sur la plateforme en ligne du Sénat ont été 1 379 à nous adresser leurs témoignages et leurs suggestions. Ils ont eu une contribution importante au rapport d'information, qui les cite à de multiples reprises. Une annexe présente la synthèse de leurs réponses. La mission d'information les remercie chaleureusement, en avant-propos du rapport, d'avoir pris le temps de partager avec nous leur expérience.
Je me réjouis que certaines de nos réunions aient pu associer la délégation sénatoriale aux outre-mer ainsi que le groupe d'études « Statut, rôle et place des Français établis hors de France ». Il est toujours valorisant de créer des synergies avec d'autres structures du Sénat sur des thématiques communes. Merci, une nouvelle fois, aux collègues qui ont proposé d'élargir notre réflexion à ces sujets.
Je précise pour finir que les groupes pourront adresser au secrétariat leurs éventuelles contributions écrites destinées à faire état, le cas échéant, de positions spécifiques. Ces contributions seront, conformément aux usages, annexées au rapport d'information. Le délai limite de l'envoi au secrétariat, par les groupes, de ces documents est fixé au vendredi 30 juin 2023 à 10 h 30.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Mes chers collègues, je pensais que notre mission d'information porterait sur un sujet bien ciblé, essentiellement technique. Or nos auditions et déplacements l'ont confirmé, dans ce domaine comme dans d'autres, il n'y a pas de « petit sujet ». La transition écologique des écoles, des collèges et des lycées croise en effet des problématiques diverses, qui ont émergé de nos auditions et déplacements et des nombreux témoignages que nous ont adressés les élus locaux via la plateforme en ligne.
Au-delà de son apparence technique, ce sujet suppose d'aborder des thématiques telles que l'histoire de l'architecture des écoles, des collèges et des lycées, les perspectives d'évolution des pratiques pédagogiques et les projections démographiques.
Je commence par un point de méthode. L'une des difficultés de notre sujet est qu'il implique de rappeler des éléments qui concernent tous les bâtiments publics des collectivités territoriales, sans que la rénovation des écoles, des collèges et des lycées présente sur ces points de véritable spécificité. Il s'agit du cadre juridique, national et européen, relatif aux émissions de gaz à effet de serre et à la consommation d'énergie, rappelé dans la première partie ; des interrogations concernant l'accès aux financements, communes à d'autres investissements des collectivités territoriales ; et enfin des besoins en ingénierie et des difficultés auxquelles se heurtent un certain nombre de communes, non seulement pour accéder facilement à l'information nécessaire à l'élaboration de leur projet de rénovation, mais aussi pour identifier la structure qui peut les aider à porter ce projet. Ces thèmes importants de nos travaux sont développés dans la deuxième partie, qui se réfère régulièrement aux analyses de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je pense plus particulièrement au rapport cosigné par Céline Brulin, publié en février dernier et dont je salue la qualité.
La première partie du rapport d'information situe les enjeux multiples de notre sujet.
J'ai déjà parlé des enjeux juridiques. La transition énergétique des bâtiments scolaires, comme celle des autres bâtiments publics, est une obligation, qui se traduit par des exigences en matière de baisse des consommations d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre et, plus récemment, d'amélioration de la qualité de l'air.
Les enjeux économiques se déduisent de l'importance du parc scolaire - environ 51 000 écoles, collèges et lycées, soit une surface de 140 millions de mètres carrés environ et 45 % du patrimoine des collectivités territoriales -, et de la crise actuelle des prix de l'énergie. Toutefois, les collectivités territoriales n'ont pas attendu cette crise pour s'atteler à la rénovation énergétique de leurs bâtiments, comme cela nous a été rappelé à de nombreuses reprises.
Concernant les enjeux climatiques, nous avons entendu parler d'« îlots de chaleur » dans des cours encore très minérales. Nous avons abordé la question de l'eau. Dans ce domaine, la situation de Mayotte nous a beaucoup marqués, mais cette problématique est présente en métropole également. Tous ces constats ont confirmé que l'adaptation des bâtiments scolaires dépassait largement la problématique de la rénovation énergétique, et que notre approche, conformément d'ailleurs à l'intitulé de notre mission d'information, devait s'étendre à la protection contre le risque de canicule, par exemple par la végétalisation des espaces extérieurs, et à la lutte contre les fortes chaleurs. Sur ce point, j'ai été impressionnée par l'exemple des établissements d'enseignement français à l'étranger, dont certaines bonnes pratiques en matière de lutte contre la canicule gagneraient à être largement partagées. Nous y avons d'ailleurs régulièrement fait référence lors de nos échanges avec les collectivités.
En ce qui concerne les enjeux pédagogiques, adapter les bâtiments scolaires à la transition écologique, c'est aussi former à la sobriété énergétique des millions d'élèves, et sensibiliser avec eux parents et enseignants. Quand la classe devient « un laboratoire pédagogique de la mise en place de solutions concrètes d'économies d'énergie », comme cela nous a été dit à Nancy à propos de la région Grand Est, cela revient à accompagner l'avenir. De bons gestes peuvent aider à réduire les consommations d'énergie.
Enfin, nos travaux nous ont rappelé combien les écoles, collèges et lycées s'inscrivent dans un projet politique d'aménagement du territoire et contribuent à l'attractivité d'un territoire, comme l'ont rappelé à maintes reprises les élus que nous avons rencontrés. Je rappelle à cet égard ce témoignage recueilli sur la plateforme : « l'école est le poumon du village. »
La seconde partie du rapport d'information montre combien les projets de rénovation énergétique des bâtiments scolaires sont complexes et requièrent une véritable expertise technique, juridique et financière.
La programmation de ces investissements est lourde, tant sont nombreux les défis qui jalonnent la route des élus, plus particulièrement des maires, dont les services techniques ne sont pas toujours dimensionnés à la hauteur de la tâche.
Quel que soit le calendrier des travaux, pendant les vacances d'été ou durant l'année scolaire, les contraintes sont au rendez-vous. Nous pouvons citer, par exemple, le surcoût entraîné par des travaux menés au pas de charge en moins de deux mois. En cas de travaux réalisés en site occupé, il faut également réussir à concilier les exigences d'un chantier bruyant et potentiellement dangereux avec le quotidien des classes.
Outre ces difficultés d'organisation, la conception des projets est rendue plus complexe par des besoins de rénovation énergétique qui peuvent être différents au sein d'un même établissement scolaire, quand des bâtiments construits à des époques différentes ont chacun son mode de chauffage et ses propres problèmes d'isolation ou de ventilation.
Cependant, de toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les élus, la principale est certainement le budget.
Non seulement les budgets de rénovation sont élevés, mais ils sont difficiles à programmer. Il n'y a pas de budget type, et le prix des travaux au mètre carré peut être compris entre 300 et 1 700 euros.
Une récente étude de l'Institut national des études territoriales (Inet) montre que « le coût de deux opérations de même nature et de même niveau peut varier du simple au double » selon l'état initial du bâtiment, les matériaux utilisés et la nécessité de travaux liés à la présence d'amiante ou de plomb.
Il semble acquis que l'enveloppe de 300 euros au mètre carré, sur laquelle se fondait en 2020 le rapport Demarcq sur la transition énergétique des bâtiments scolaires pour respecter les échéances de 2030, est désormais dépassée. Le budget d'une rénovation est compris entre 1 100 et 1 700 euros par mètre carré si l'on vise les cibles du décret tertiaire pour 2040 et 2050.
Une autre difficulté s'observe sur le plan de la programmation budgétaire : les dépassements sont fréquents par rapport aux estimations initiales. Ainsi, un dépassement de 1 million d'euros a été relevé dans une école que nous avons visitée, qui tenait à la réalisation de travaux d'études supplémentaires et au coût des matériaux.
De plus, en bonne logique, un projet de rénovation énergétique devrait s'étendre à d'autres dimensions, par exemple la mise aux normes des bâtiments en matière de sécurité ou d'accessibilité. Les élus sont bien conscients de l'intérêt d'une démarche de travaux globale, mais la contrainte budgétaire peut les obliger à recourir à une stratégie des petits pas qui s'avère en définitive plus coûteuse.
Si l'on ajoute à ces incertitudes un retour sur investissement parfois incertain - vingt ou trente ans, voire plus pour une rénovation aux standards « basse consommation » -, on comprend les réticences de certaines collectivités à se lancer dans de tels projets, a fortiori si l'on tient compte du risque de fermeture de classe. Dans ce domaine, l'engagement de prévisibilité de la carte scolaire sur trois ans inscrit dans le récent Plan France ruralités du Gouvernement est un progrès, même si ce délai peut paraître insuffisant pour sécuriser la programmation d'investissements dont la rentabilité s'étend plusieurs années.
Enfin, de nombreux élus nous ont alertés sur l'impossibilité du « zéro défaut » en matière de rénovation de bâtiments scolaires, en raison d'exigences difficiles à concilier. Ainsi, l'isolation thermique peut affecter la qualité de la ventilation, la ventilation peut entraîner une forte augmentation des dépenses énergétiques, et les exigences de préservation du patrimoine peuvent entrer en contradiction avec l'efficacité énergétique - dans le cas des panneaux solaires en zone protégée, par exemple -, voire se traduire par des coûts plus élevés, comme en témoigne le débat entre l'isolation par l'extérieur et l'isolation par l'intérieur.
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a travaillé, au cours de la session, sur le patrimoine et la transition écologique. Le rapport d'information renvoie sur ce point à une table ronde très éclairante organisée sur ce sujet le 1er février 2023.
J'en viens à l'ingénierie, qui est au coeur de notre sujet.
Le rapport d'information rappelle la diversité des interlocuteurs potentiels des collectivités : grandes agences comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ou l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), agences départementales d'ingénierie, agences de l'eau, agences locales de l'énergie et du climat (Alec), structures privées - bureaux d'études et architectes -, conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), auxquels s'ajoutent naturellement les services de l'État dans le département et les autres collectivités. Cela fait beaucoup !
Les constats sont les suivants : les départements et régions disposent généralement de l'expertise nécessaire pour conduire leurs projets, avec des services techniques dont nous avons pu mesurer la compétence lors des auditions. Mais il existe des territoires dépourvus de solution locale d'ingénierie : ces inégalités pèsent plus particulièrement sur les communes rurales. À l'inverse, la diversité de ces guichets et leur absence de coordination suscitent la perplexité de certains maires. C'est l'éternelle question du « qui fait quoi ? », même s'il existe localement, fort heureusement, des exemples d'écosystèmes efficaces, structurés par exemple autour d'une Alec ou de l'agence départementale d'ingénierie.
L'ingénierie financière est une autre difficulté majeure pour les collectivités. En effet, le financement de ces projets ne va pas de soi. Les élus que nous avons consultés parlent d'« usines à gaz » et de « parcours du combattant ».
Différentes formules de prêts existent, qu'il s'agisse du secteur bancaire classique ou de la Banque des territoires, mais les maires sont réticents à emprunter, pour des raisons bien compréhensibles que je ne rappellerai pas.
Les investissements relatifs aux bâtiments scolaires reposent donc surtout sur l'autofinancement et les financements publics. Diverses subventions et dotations peuvent être mobilisées, comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et le Fonds vert, qui ne sont pas spécifiques aux bâtiments scolaires, mais flèchent très clairement la rénovation énergétique de ces bâtiments parmi les critères d'éligibilité. Le rapport d'information décrit ces différents leviers, auxquels s'ajoutent les subventions des départements et régions ainsi que les fonds européens.
Or l'accès à ces financements est particulièrement complexe. Je citerai sur ce point une maire de commune rurale : « DSIL, DETR, Fonds vert, fonds européens : c'est compliqué à l'échelle des communes rurales de s'y retrouver ! » Je partage ce constat.
La sous-consommation de la DSIL et du Fonds vert, constatée le 7 juin par la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, montre que le système est perfectible.
J'en viens à la troisième partie du rapport, qui concerne le pilotage de la transition écologique des écoles, collèges et lycées. L'échéance de 2030 fixée par le décret tertiaire est pour demain, celles de 2040 et 2050 sont pour après-demain : elles doivent être anticipées dès maintenant.
De plus, en matière de bâti scolaire, la dynamique à impulser pour relever les défis de la transition écologique repose sur les collectivités territoriales qui en ont la compétence. Un accompagnement renforcé des élus, sur les plans financier, technique et juridique, s'avère nécessaire. C'est le fil conducteur des 12 recommandations que je vous propose.
Améliorer l'accès des élus à l'ingénierie est un prérequis, qui concerne plus particulièrement les maires. Cela passe en premier lieu par une information claire, complète et accessible, nécessaire en amont pour élaborer tout projet de rénovation du bâti scolaire.
Or les constats établis en 2020 par le rapport Demarcq restent valables : cette information est dispersée - le rapport Demarcq avait d'ailleurs renoncé à en établir un inventaire -, de qualité inégale et parfois dépassée. Je pense, par exemple, au guide de la Coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments, consacré à la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités locales, qu'il serait très utile de mettre à jour. De plus, des annuaires des acteurs locaux de l'ingénierie ont été publiés dans certains départements à l'initiative des CAUE ou de l'ANCT, mais ces démarches, qu'il faut saluer, ne sont ni systématiques ni générales.
En outre, la complexité des investissements de rénovation énergétique rend nécessaires les échanges de retours d'expériences entre collectivités, afin de partager les bonnes pratiques dont d'autres élus pourraient s'inspirer et, à l'inverse, les écueils à éviter. Une association d'élus bretons a publié un tel recueil, qui comprend quelques exemples relatifs à des écoles. Toutefois, il s'agit d'une initiative isolée, qui n'est pas centrée sur le bâti scolaire.
La recommandation n° 1 vise donc à créer une plateforme dédie aux bâtiments scolaires, qui regrouperait toutes les informations nécessaires aux élus pour programmer et conduire leurs projets de rénovation : normes applicables, référentiels de travaux élaborés par certaines collectivités territoriales, exemples de budgets, conseils relatifs aux marchés publics, guides de la cellule Bâti scolaire, etc.
Cette plateforme comprendrait aussi des répertoires, par département, des structures d'ingénierie et des personnes ressources ainsi que des retours d'expérience pertinents. Les établissements d'enseignement français à l'étranger y auraient toute leur place.
Il s'agit ensuite de faciliter l'accès à l'ingénierie. La recommandation n° 2 prévoit d'organiser chaque année dans les départements des conférences ou des rendez-vous des acteurs locaux de l'ingénierie, avec les préfectures, les associations d'élus, les collectivités territoriales et l'ANCT.
La recommandation n° 3 tire les conséquences d'échanges que nous avons eus lors de l'audition de la ministre déléguée aux collectivités territoriales et à la ruralité. Notre collègue Monique de Marco a suggéré à juste titre la création d'un « numéro vert » dédié à l'accès à l'ingénierie locale, pour que les élus, et plus particulièrement les maires, obtiennent facilement les réponses à leurs questions. Se pose toutefois le problème de l'organisation d'une telle structure et, entre autres questions, de sa disponibilité. Je suggère, dans le même esprit, la mise à l'étude d'une adresse courriel spécifique par département, à laquelle tout maire pourrait adresser ses questions. Ces questions seraient, en fonction de la complexité des problèmes posés, transmises ensuite au bon interlocuteur.
Il s'agit enfin de sécuriser le financement des investissements en renforçant l'efficacité des financements publics. La méthode des appels à projets est une contrainte forte pour certaines collectivités. Elle favorise les dossiers tout prêts qui bénéficient ainsi d'une sorte d'effet d'aubaine. Les différents guichets de subventions fonctionnent avec des calendriers différents, ce qui se traduit par un coût administratif non négligeable pour certaines collectivités. De manière générale, les collectivités demandent plus de prévisibilité et de simplicité pour sécuriser des investissements qui s'inscrivent dans une logique pluriannuelle. La recommandation n° 4 vise donc à aligner les calendriers, simplifier les dossiers et privilégier une logique pluriannuelle dans le déploiement de ces aides.
Certaines subventions comme le Fonds vert ou des aides régionales sont subordonnées à des études préalables coûteuses. Or ces études ne garantissent pas qu'un projet soit retenu. Certains élus s'interrogent sur la justification de telles études quand les économies d'énergie attendues d'un projet d'investissement sont évidentes : je pense à l'équipement de luminaires en ampoules LED. La recommandation n° 5 vise donc à engager une réflexion sur les études préalables, pour qu'elles prennent en compte la nature des investissements.
De manière paradoxale, les exigences de performance énergétique qui conditionnent l'accès à certaines aides risquent de favoriser les « mauvais élèves » de la transition énergétique, aux dépens des collectivités qui, ayant déjà investi, ont atteint des objectifs difficiles à dépasser. La recommandation n° 6 a pour objet de tenir compte, dans l'attribution des aides, des investissements déjà effectués par les collectivités.
Pour plus de clarté et de prévisibilité, certains de nos interlocuteurs ont ainsi suggéré d'asseoir ces subventions sur une logique forfaitaire, ou de barème, en euros par mètre carré en fonction des investissements réalisés, avec un bonus variable en fonction de l'ambition des projets par rapport aux échéances du décret tertiaire. La recommandation n° 7 vise à mettre cette formule à l'étude.
Toutes les collectivités ont insisté sur la difficulté liée à la diversité des leviers de financement, y compris les régions, ce qui est significatif. La demande d'un guichet unique en matière d'accès aux subventions et dotations a été récurrente dans nos travaux.
La recommandation n° 8 a pour objet la mise à l'étude de la désignation d'un interlocuteur unique, en lien avec les services de l'État dans le département, afin que les projets d'investissement soient orientés vers les leviers de financement les plus adaptés, de manière, par exemple, à éviter à une collectivité de faire réaliser une étude préalable coûteuse si son projet peut être financé grâce à un dispositif qui ne pose pas cette condition.
Le taux de subvention a diminué au fil du temps : il est aujourd'hui de 30 %, contre 40 % par le passé. De plus, la participation minimale du maître d'oeuvre, fixée à 20 %, constitue une véritable barrière pour certaines communes, qui se retrouvent avec un « reste à charge » parfois hors de portée. Le rappel de ces difficultés a été récurrent au cours de nos travaux. La recommandation n° 9 vise à tenir compte de la capacité contributive des communes en modifiant l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales pour étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires la faculté reconnue au préfet de déroger au seuil de participation minimale du maître de l'ouvrage et de fixer cette participation minimale à 10 % en fonction de la situation financière de la collectivité concernée.
Parallèlement aux prêts et aux dotations publiques, une autre solution a été mise en place, à titre expérimental, par une loi récente : le tiers financement. Si ce dispositif suscite quelques réticences de la part des associations d'élus, un bilan devra être effectué dans quelques mois : c'est la recommandation n° 11.
J'en viens au pilotage de la stratégie de rénovation des écoles, collèges et lycées : comment définir le rôle de l'État face à une politique publique décentralisée ? Comment trouver un équilibre entre la nécessité d'une impulsion nationale à amplifier pour relever les défis de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, et les compétences des collectivités territoriales ?
Les réserves que suscite pour certaines collectivités territoriales l'existence même d'une cellule dédiée au bâti scolaire au sein du ministère de l'éducation nationale, malgré l'intérêt que présentent ses guides, traduisent la complexité de cet exercice.
Au-delà de cette difficulté de principe, mettre en oeuvre un pilotage coordonné de la rénovation des écoles, des collèges et des lycées semble compliqué tant que l'on ignore l'ampleur du budget nécessaire pour que les bâtiments scolaires atteignent les objectifs fixés par les lois françaises et européennes. C'est une vraie limite méthodologique.
Je rappelle que le rapport Demarcq tablait sur un budget de 40 milliards d'euros en matière de rénovation énergétique au sens strict pour atteindre en dix ans l'objectif de réduction de 40 % prévu par le décret tertiaire. Cette estimation doit être réévaluée à l'aune de l'évolution des prix.
Un institut de recherche que nous avons auditionné estime qu'une évaluation du coût global de la rénovation des bâtiments publics ne peut constituer qu'un ordre de grandeur, faute de données sur l'état actuel du parc et compte tenu de l'absence de suivi des investissements réalisés par les collectivités pour la rénovation énergétique de leurs bâtiments.
Pour sa part, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité a parlé de 5,2 milliards d'euros par an sur dix ans, soit 52 milliards d'euros, pour la rénovation énergétique des seules écoles du premier degré public.
Afin de fonder la transition écologique des bâtiments scolaires sur des bases solides, la recommandation n° 10 vise à créer un centre de ressources, en lien avec les collectivités territoriales et les associations d'élus, pour connaître l'état des lieux des bâtiments scolaires avant et après travaux, estimer les économies d'énergie ainsi réalisées et anticiper les travaux qui restent à effectuer pour atteindre les objectifs de réduction des consommations d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre aux échéances de 2030, 2040 et 2050.
Par ailleurs, le Plan de rénovation des écoles que Mme Dominique Faure nous a présenté le 7 juin est centré, comme son nom l'indique, sur le premier degré. Il mise sur des projets « totems » pour encourager l'émergence de projets dans d'autres communes, dans une logique d'émulation par l'exemple. Il s'appuie sur des prêts de la Banque des territoires pour financer ces investissements, sans que des moyens nouveaux soient injectés dans le système.
De même, le Plan France ruralités annoncé récemment par le Gouvernement comporte un programme de soutien à l'ingénierie des communes rurales, dénommé « Villages d'avenir », fondé sur le déploiement de 100 chefs de projets, mutualisés au niveau du département.
Il faut saluer ces initiatives, même si elles n'apportent pas toutes les réponses aux questions soulevées par notre mission d'information. Il faut donc que nous en demandions une évaluation précise dès 2024. Je vous propose d'étendre au plan de rénovation des écoles et au programme Villages d'avenir le bilan prévu par la recommandation n° 11.
Enfin, de nombreux élus ont attiré notre attention sur les difficultés posées par certaines normes, qui semblent inadaptées aux enjeux de la transition écologique. Je veux parler de l'impossibilité, dans les écoles du premier degré, de récupérer les eaux de pluie pour des usages tels que les sanitaires ou l'arrosage, pour des raisons liées à la protection de la santé des jeunes enfants. Dans les collèges et lycées en revanche, cette récupération est permise. Face aux pénuries d'eau qui menacent de plus en plus tôt dans l'année de nombreux territoires de notre pays, je propose, par la recommandation n° 12, de demander la mise à l'étude d'une évolution de la réglementation sur ce point.
M. Jean-Marie Mizzon. - Qui souhaite intervenir ?
M. Max Brisson. - Je salue l'importance et la qualité des travaux présentés par Mme Havet. Je n'ai pas pu suivre les travaux de la mission d'information comme je l'aurais souhaité, car je suis par ailleurs rapporteur d'une mission d'information de la commission de l'éducation, mais j'ai lu le rapport avec attention, et je voudrais dire quelques mots à titre personnel ainsi qu'au nom du groupe Les Républicains.
Tout d'abord, je veux le dire haut et fort : que les bâtiments publics des collectivités, et donc les bâtiments scolaires, doivent relever les défis de la transition énergétique, les élus locaux le savent, et ils n'ont besoin de personne pour le leur rappeler ! On ressent parfois une forme d'absence de confiance envers les élus locaux, mais les collectivités territoriales agissent déjà fortement dans ce domaine. On pourrait d'ailleurs établir des comparaisons avec la manière dont l'État agit pour les bâtiments publics dont il a la charge, et comparer l'état des bâtiments scolaires avec celui des commissariats de police, des palais de justice ou des préfectures.
Je rappelle que l'histoire est têtue : si les collectivités n'avaient pas pris en charge les écoles depuis 1881, les collèges et lycées depuis 1982, le bâti scolaire serait dans un autre état ! Dans cette maison, il est nécessaire de rappeler qu'il faut commencer par faire confiance aux élus locaux, comme le fait le rapport.
Depuis trente ou quarante ans, les collectivités ont fait face avec succès à d'autres défis, par exemple celui du numérique. Alors qu'ils auraient pu batailler pendant longtemps pour savoir si ce domaine relevait du champ de compétences de l'État ou de celui des collectivités, je ne connais pas un maire, un président de conseil général ou régional qui ne se soit pas engagé pour l'équipement numérique des lycées, des collèges et des écoles, alors que dans les premiers temps du numérique ce domaine semblait clairement relever des compétences de l'État, et de dotations pédagogiques. Heureusement que les collectivités locales se sont saisies de la question : si l'on avait attendu les dotations de l'État pour assurer la transition numérique des établissements scolaires, on en serait encore aux balbutiements du minitel ! Je ne vois donc pas pourquoi les collectivités ne seraient pas capables de réaliser seules la transition énergétique, puisqu'elles ont mené seules la transition numérique. On pourrait multiplier les exemples : restauration, circuits courts, bio dans les cantines scolaires...
Qu'en est-il en matière de transition énergétique ? Le rapport le relève, les collectivités investissent beaucoup. Ce n'est pas une question de volontarisme : les collectivités agissent et financent. Cependant, il y a certainement des questions d'ingénierie, d'accompagnement, des questions opérationnelles et de financement, que le rapport analyse.
Certaines recommandations paraissent fort intéressantes ; toutes sont légitimes. Je trouve très intéressante la possibilité de remonter le plafond de subventions de 80 % à 90 %, ou encore les réflexions sur les études préalables, souvent mal subventionnées, et qui constituent un premier obstacle à lever. Ce sont d'excellentes recommandations.
J'ai un peu plus de doutes concernant la recommandation n° 7 et la formule forfaitaire des aides, en euros par mètre carré, en fonction de la performance énergétique. Je comprends son bien-fondé, mais il ne faudrait pas que des mesures très contraignantes limitent les capacités d'agir et d'innover de la maîtrise d'ouvrage d'une part, et l'ingéniosité de la maîtrise d'oeuvre d'autre part. En matière de transition énergétique, nous sommes à l'orée d'une révolution technologique, et des mesures trop coercitives, contraignantes et pilotées par le haut risquent de trop encadrer l'ingéniosité de la maîtrise d'oeuvre.
Mon interrogation se fait plus critique au sujet de l'interlocuteur unique prévu par la recommandation n° 8 : je ne vois pas en quoi le conseil départemental ou le conseil régional voudraient que leur possibilité d'accorder des subventions à la rénovation des bâtiments scolaires soit soumise à je ne sais quel interlocuteur unique décidé par l'État.
Je suis encore plus critique à propos d'autres recommandations, qui me semblent répondre à cette volonté très française d'uniformisation, de critérisation et de pilotage. D'avance, les élus sont méfiants envers toutes les conférences où la technocratie prend le pas sur les élus, où les fonctionnaires arrivent bardés de leurs certitudes et finissent par enserrer les libertés locales. Certaines recommandations du rapport me semblent aller dans le sens d'un déploiement de techniciens ; or je le dis avec force, la technocratie, ce n'est pas la démocratie ! Dans notre pays, depuis Bonaparte, selon une vieille tradition, on rend un service pour peu que le service soit rendu. Mais selon la tradition républicaine, le service doit toujours être rendu sous le contrôle des élus. Sans faire de procès, quelques recommandations du rapport n'échappent pas à cette inquiétante règle d'une technocratisation, souvent sous couvert de conférences départementales, qui perdent bien davantage les élus des petites communes que le dédale éventuel du choix des modes de subvention et de financement possibles. Je ne connais aucun maire qui se pose beaucoup de questions pour connaître les subventions du département, de la DETR ou du Fonds vert qu'il peut demander pour la rénovation de son école ; en revanche, je connais l'allergie des maires face aux commissions départementales, qui développent des discours qu'ils ne comprennent pas, et qui participent pour beaucoup à leur malaise.
Je suis désolé pour ma collègue de Nouvelle-Aquitaine à l'origine de cette recommandation, mais je ne suis pas sûr qu'un rapport sénatorial soit utile pour demander la création d'une boîte mail unique.
Je le disais ce matin, lors de la réunion de la commission de la culture et de l'éducation à l'occasion de la remise du rapport d'information de Sabine Drexler : l'essentiel, c'est que la transition énergétique ne doit pas être l'occasion pour l'État de remettre en place un système planifié et centralisé. Il y a là un danger : la planification énergétique et écologique ne peut pas être le faux-nez ou le prétexte d'un retour à la centralisation et à la planification. Comme ce rapport émane du Sénat, j'aurais aimé qu'il indique clairement que les collectivités, citoyennes, sont tout à fait en mesure de porter la transition énergétique. La transition écologique ne peut pas être le vecteur d'une méfiance de plus en plus manifeste de la haute fonction publique envers les élus, selon laquelle ces derniers auraient fauté : ici, on ne peut pas accepter ce discours, et il faut le repousser avec force.
Ce rapport bute sur les limites de l'organisation de la décentralisation en matière scolaire. La transition écologique, la révolution pédagogique autour du numérique, les nouvelles formes de restauration, ces différents sujets doivent nous conduire à nous interroger sur la loi de 1982 et l'étanchéité que celle-ci a créée. Interrogeons-nous sur la loi de décentralisation et la place des collectivités en matière scolaire.
Dernier point : si l'État a cette volonté d'animation et de pilotage des collectivités territoriales, pour les conduire vers une transition énergétique et écologique du bâti scolaire fixée comme une priorité, il manque une recommandation : des fonds dédiés sont nécessaires. Les élus le comprendront très vite, et il n'y aurait pas besoin de multiples systèmes d'ingénierie. La DETR, la DSIL, le Fonds vert existent déjà, mais ils ont d'autres vocations. S'il s'agit bien d'une priorité de l'État, il faut un fonds dédié pour aider les communes à assurer la transition écologique et énergétique de leur bâti scolaire.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souligne l'ampleur du travail mené par la mission d'information, nourri depuis plusieurs mois par de très nombreuses auditions et déplacements. L'enjeu, de taille, concerne l'avenir de 51 000 bâtiments scolaires, fréquentés par plus de 10 millions d'élèves et plus de 700 000 enseignants. La rénovation énergétique du bâti scolaire est un sujet transversal où plusieurs thématiques se croisent : impératif climatique et coût de l'énergie bien sûr, mais aussi évolution des usages pédagogiques et bien-être des usagers - ces derniers points sont très importants pour l'ancienne professeure de mathématiques que je suis.
Ce sujet nous a permis de retracer la longue histoire de l'enseignement scolaire obligatoire en France, marquée par différentes phases qui ont chacune leur pendant architectural. Je me réjouis que le rapport mentionne l'intérêt patrimonial des écoles de style « Jules Ferry », pour lesquelles une approche de rénovation spécifique doit être retenue. Ce matin, comme l'indiquait Max Brisson, la commission de la culture et de l'éducation a examiné un rapport d'information de Sabine Drexler sur le patrimoine et la transition écologique, riche de propositions concrètes sur le sujet ; je vous invite à en prendre connaissance.
Votre rapport d'information met en lumière la complexité de la conduite des projets, qui regroupent de nombreux interlocuteurs. Je garde en mémoire le terme de « maquis », tellement l'offre est complexe. Il faut une ingénierie poussée. Si nous avons été frappés de l'ampleur de la tâche, nous ne pouvons qu'imaginer ce qu'elle représente pour les petites ou très petites communes.
J'accorde un intérêt tout particulier aux recommandations visant à améliorer l'information des élus : pour ma part, je rencontre des élus qui tâtonnent encore pour demander toutes les subventions et toutes les aides dont ils ont besoin. Si la création d'une plateforme regroupant toutes les informations utiles relatives à ces projets est une piste pertinente, l'accompagnement humain est aussi important, notamment pour les communes rurales. Cela implique des effectifs, et donc un investissement de l'État à la hauteur. Au regard du coût de ces projets, encore aggravé par l'inflation, l'accompagnement financier des communes est fondamental.
Le rapport soulève ce qui ressemble à un paradoxe : les collectivités demandent plus de moyens, pourtant les dotations et les subventions sont sous-consommées. Les raisons sont en réalité nombreuses : nécessité d'avoir des projets déjà très avancés, concurrence entre les projets d'investissement, réticence des élus à s'endetter, risques pesant sur l'autofinancement des communes. Ces deux derniers points sont d'autant plus compréhensibles que les communes ont énormément perdu en autonomie budgétaire depuis 2017.
Je salue par conséquent tout particulièrement la recommandation n° 9, qui vise à modifier le code général des collectivités territoriales de manière à étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires la faculté ouverte au préfet de déroger au seuil de participation minimale du maître d'ouvrage, et de le fixer non à 20 %, mais à 10 %. J'espère que cette évolution particulièrement salutaire pour les petites communes trouvera rapidement une traduction législative. À ce sujet, vous nous avez transmis un document indiquant comment et à quelle date ces recommandations pouvaient être réalisées. Les élus consultés en ligne nous l'ont rappelé, ceux que je croise au quotidien me le rappellent aussi : 20 % restant à la charge des communes, c'est trop. D'un point de vue législatif, nous pourrions peut-être rendre possible cette dérogation non seulement pour la transition, mais aussi pour les communes dont les capacités financières sont limitées.
Pour conclure, si nous espérons réellement une massification de l'effort de rénovation énergétique dans les bâtiments scolaires, l'État doit jouer un rôle important en matière d'impulsion et de coordination, en appui des collectivités territoriales compétentes en ce domaine. Je ne citerai qu'un exemple : les fortes lacunes concernant l'état actuel du parc scolaire, pour lequel nous ne disposons pas de cartographie complète. Comment alors adopter une réelle approche stratégique ? Même si ces bâtiments n'appartiennent pas à l'État, il faudrait savoir où en est la situation. Ne pourrait-on pas intégrer la cellule bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse à la démarche visant à documenter les projets de rénovation des bâtiments scolaires déjà effectués, en partenariat avec le centre de ressources dont la mission d'information appelle de ses voeux la création ?
Mme Céline Brulin. - Je remercie la rapporteure de son travail : nous voyons l'étendue des sujets, et cette question ne constitue pas la dernière tarte à la crème d'un verdissement sans cap et sous effet de mode, si je me permets d'interpréter allègrement, quitte à les déformer, les propos de Max Brisson. Dans un certain nombre d'établissements, il a été difficile de faire cours en raison de la chaleur ; sans voir l'avenir en noir, ces situations peuvent se reproduire plus fréquemment qu'on ne le croit.
Je partage les recommandations sur le rôle de l'ANCT et les problèmes d'ingénierie technique : les maires, notamment dans les petites communes, ne trouvent pas toujours les techniciens qui vont les aider efficacement, et je ne parle pas d'un bureau d'études qui vous prend 15 000 euros pour copier-coller une autre étude. Il y a également un problème d'ingénierie financière : il faut être accompagné pour se retrouver dans le dédale des fonds.
Il serait aussi intéressant d'actualiser les coûts en jeu : les besoins ont été identifiés à hauteur de 40 milliards d'euros en 2020, mais cette évaluation tend à croître de manière exponentielle.
Je partage beaucoup de recommandations, mais je note que nombre d'entre elles relèvent d'instructions ministérielles. Cela correspond-il à une volonté de recentralisation ? Si le Président de la République, à plusieurs reprises, s'engage à prendre le sujet à bras-le-corps, cela ne peut pas se faire sans fonds dédiés, je rejoins Max Brisson sur ce point ! Le cap est fixé, mais les subventions seront prélevées sur la DETR, la DSIL et le Fonds vert, donc sur des crédits que les collectivités envisageaient d'utiliser pour d'autres projets.
Alors qu'on somme les collectivités de réduire leurs dépenses, nous avons un débat sur le niveau d'endettement du pays. Si nous défendons la dépense publique, c'est que nous considérons que les investissements d'aujourd'hui vont permettre les économies de demain, notamment en matière énergétique. D'un côté, le Président de la République ne peut pas dire qu'il faut un grand chantier, et, de l'autre, le ministre de l'économie qu'il faut raboter ou écrêter les dépenses des collectivités : ce sont des injonctions contradictoires. De même, il est contradictoire que des communes qui lancent des travaux se voient contraintes de fermer une classe l'année suivante. On entend depuis deux jours qu'il va peut-être falloir dédoubler les classes en petite section de maternelle. Cela aurait des implications sur les bâtiments, tout comme des horaires de 8 heures à 18 heures au collège ! Si le Gouvernement et le chef de l'État disent que cette question est un grand chantier, alors il faut des moyens et un programme d'investissements cohérent avec les annonces sur l'éducation.
Je me pose une question : la France sera-t-elle en capacité d'atteindre les objectifs du décret tertiaire ? On est en droit d'en douter. Les objectifs sont trop souvent inatteignables, ce qui nuit à la crédibilité de la parole publique.
M. Yan Chantrel. - Je m'associe aux félicitations de mes collègues : le travail de la rapporteure est solide, d'autant plus que le sujet, complexe, représente une sorte de maquis.
Sans répéter les propos de mes collègues sur la nécessité de moyens pour répondre à la volonté politique affichée, je voudrais insister sur les spécificités de nos établissements français à l'étranger, qui connaissent également des enjeux de rénovation du bâti, et sont parfois encore plus fortement que nous exposés au réchauffement climatique. Je transmettrai une contribution en annexe du rapport afin de préciser que nos établissements en gestion directe, qui n'ont pas la possibilité d'accéder aux crédits en raison d'une disposition récente, sont entravés pour rénover leur bâti souvent vieillissant.
Mme Monique de Marco. - Je salue à mon tour ce travail colossal, mené après de nombreuses auditions et visites sur le terrain. Ce rapport, intéressant, constitue une bonne base pour poursuivre.
Comment le bâti scolaire peut-il répondre aux enjeux du changement climatique et aux enjeux énergétiques ? Il y a presque tout dans le rapport : au-delà des questions de financement, vous avez même abordé la qualité de l'air ou les cours oasis, et le rapport est très détaillé.
En revanche, pour répondre à Max Brisson, il faudrait différencier les écoles d'un côté, et les lycées et les collèges de l'autre, car les problématiques d'ingénierie sont très différentes. J'avais soumis à la ministre l'idée d'un numéro vert dédié à l'ingénierie locale, qui a été transformée en cette proposition d'adresse électronique. Lors des auditions, les maires, surtout en milieu rural, ont indiqué être perdus par rapport à la masse d'informations. Il faut donc les accompagner. Différencions : la question de la rénovation du bâti scolaire ne se pose pas de la même manière pour un maire en milieu rural, une communauté de communes ou à l'échelon du département ou de la région. Ces suggestions ne sont que des pistes de réflexion.
La recommandation n° 9, envisageant de baisser le taux de participation minimale des maîtres d'oeuvre de 20 % à 10 %, nous semble intéressante, notamment pour les petites collectivités. J'avais déjà souligné la difficulté, pour les collectivités et les petites communes, de trouver des entreprises et des artisans. Des mesures pour favoriser la formation auraient pu être ajoutées à ce rapport.
Le tableau de suivi des recommandations du rapport se réfère régulièrement, s'agissant du calendrier de mise en oeuvre, à l'année 2023 : c'est demain ! Pourriez-vous en dire plus ?
Par ailleurs, le rapport sur la commission d'enquête sur la rénovation énergétique sera examiné demain. Il faudrait faire en sorte que ces deux sujets se complètent.
M. Gilbert Favreau. - Comme les orateurs qui m'ont précédé, je félicite ceux qui ont contribué à l'élaboration de cet intéressant rapport. Je cantonnerai mes observations au sujet du financement, mais je rejoins tout d'abord Max Brisson : ce rapport d'information est frappé du sceau de la centralisation et des défauts de financement des collectivités, notamment des communes.
Autrefois, les communes bénéficiaient d'une ingénierie locale, les subdivisionnaires de l'équipement étaient les confidents des maires, et cela se passait très bien. L'État a progressivement remplacé ces subdivisionnaires, créant une forme d'ingénierie réduite, puis ne s'est plus occupé du sujet avant de reprendre totalement les choses en main, en recentralisant l'ingénierie comme les financements. Actuellement, les lignes de crédit pour ces travaux sont ouvertes à la DETR, la DSIL ou au Fonds vert, dont l'État se gargarise alors qu'il s'élève à 2 milliards d'euros par an, ce qui n'est pas considérable. Les collectivités et les communes ne peuvent pas, pour la plupart, financer de gros projets de réfection des écoles. Dans ma région, une école s'est écroulée, dans une communauté de communes ayant fait l'erreur de prendre non seulement la compétence relative au fonctionnement du scolaire, mais également celle de la prise en charge des bâtiments ; si cela se produit sur une autre école de cette communauté de communes, comment s'en sortira-t-elle ?
Les problèmes sont accentués par le lien que font les services des sous-préfectures ou des préfectures entre l'obtention des subventions d'État et l'ingénierie. Par exemple, le Fonds vert peut financer l'ingénierie, mais il faudra alors s'adresser au Cerema ou à d'autres ingénieries d'État, qui ne sont pas d'une clarté totale. Il me semble qu'on a « recyclé » un certain nombre de fonctionnaires dans ces structures, qui ne connaissent pas nécessairement bien le sujet... Personnellement, je préférerais faire appel à une ingénierie privée, ou m'adresser à l'ingénierie des collectivités et des conseils départementaux.
Je suis d'accord, il faut distinguer les régions et les départements, aux subventions d'équipement tout à fait différentes des recettes et des indemnités des communes. Pour ces dernières, ce qui est présenté par l'État ne correspond pas à une réalité uniforme, car c'est une circulaire préfectorale qui liste, dans chaque département, les travaux pouvant bénéficier des aides de la DETR. Dans mon département, la préfecture a décidé que, puisque les communautés de communes ne peuvent pas accéder à la DETR, on leur attribue tous les fonds de la DSIL.
Au-delà du Fonds vert, surexploité dans le discours, on parle beaucoup des plans de relance. Mais ces plans sont soit épuisés, soit recyclés dans le Fonds vert ou dans d'autres subventions. Aujourd'hui, il est très difficile pour les communes de financer leurs travaux. Le véritable problème me semble être celui de la fiscalité locale : on a ôté aux communes la taxe d'habitation et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; on a attribué aux intercommunalités des ressources fiscales dont les communes, peu ou prou, bénéficiaient auparavant. Aujourd'hui, beaucoup de communes sont sur la paille, et d'abord les plus petites ! De leur côté, les départements et les régions bénéficient de subventions d'équipement qui leur permettent, si les affaires sont bien gérées, de financer les travaux.
Enfin, vous avez dit que les communes ne peuvent pas bénéficier de crédits d'impôt pour ces travaux. Une loi a été récemment votée sur le tiers investissement, pour permettre à un tiers prenant à sa charge une partie du financement des travaux de rembourser les échéances de son emprunt à l'aide du montant des économies d'énergie réalisées. La Banque des territoires, bras armé de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), permet ce financement : c'est peut-être une manière de toucher des fonds extérieurs.
M. Max Brisson. - Je connais les besoins d'ingénierie des petites communes, et je suis plutôt d'accord avec Gilbert Favreau. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, accorde la compétence de solidarité territoriale aux départements. À force d'empiler des lois sans les appliquer... Beaucoup de départements ont créé des sociétés publiques locales (SPL), qui offrent de l'ingénierie aux communes ; les maisons des communes, les associations des maires, ont également souvent créé des structures offrant de l'ingénierie. Pourquoi systématiquement remonter vers l'État, alors qu'il n'est peut-être pas le mieux structuré ?
Je comprends que les maires des petites communes rurales hésitent à se lancer dans des travaux de rénovation, alors qu'ils craignent que leur école ne disparaisse. J'en ai parlé à plusieurs reprises avec le ministre : il est nécessaire de s'inscrire dans une logique contractuelle pluriannuelle sur l'avenir des petites écoles, pour que les maires y voient clair, qu'ils aient quelques assurances, et ne vivent plus au rythme stressant annuel d'une carte scolaire totalement dépassée. Le groupe LR votera le rapport et les recommandations.
M. Jean-Marie Mizzon. - Le groupe LR souhaite-t-il présenter une contribution, qui sera annexée au rapport ?
M. Max Brisson. - Ce n'est pas le cas. Je viens d'exposer ma position.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Les recommandations n° 7 et n° 8, préconisant l'étude d'une logique de barémisation et de la désignation d'un interlocuteur unique, correspondent à des demandes faites par les élus lors de nos auditions. Par écrit, Régions de France a demandé la création d'un interlocuteur unique. Nous avons posé ces questions à l'occasion de nos auditions avec les représentants de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), et à nos autres interlocuteurs.
M. Max Brisson. - Cet interlocuteur unique serait donc un fonctionnaire de l'État, qui indiquerait comment obtenir les subventions de la région ?
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Non : cet interlocuteur aiguillerait, indiquerait à qui s'adresser pour que les projets soient accompagnés, en tenant compte de l'organisation différente selon les départements.
M. Max Brisson. - Il serait donc en préfecture ?
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Il pourrait être en préfecture, ou rattaché à la Banque des territoires, ou encore à l'ANCT. Différentes formules peuvent être envisagées. Tout le monde exprime le regret de ne pas trouver, dans les services de l'État et en préfecture, quelqu'un capable de répondre simplement aux questions.
M. Gilbert Favreau. - Dans mon département, sur trois communes rencontrant des problèmes d'écoles, deux avaient de jeunes élus qui ignoraient que les attributions de la DETR, de la DSIL et du Fonds vert se décident au niveau de la sous-préfecture ou de la préfecture. Il faut indiquer le circuit, par le biais des services de la préfecture, qui malheureusement font leur jeu en matière d'ingénierie. Il faudrait aussi peut-être évoquer d'autres circuits. En Nouvelle-Aquitaine, le Centre régional des énergies renouvelables (CRER) donne des conseils au sujet des énergies renouvelables. C'est une approche intéressante.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - On le voit, les solutions ne sont pas les mêmes partout. Un rendez-vous annuel comme celui qui est préconisé par la recommandation n° 2 permettrait de faire se rencontrer tous les acteurs, le CAUE, les Alec, les agences départementales d'ingénierie ou encore les conseillers en énergie, afin que les élus portant un projet sachent à qui s'adresser. Aujourd'hui il y a moins de moyens dans les préfectures. Comment faire en sorte que les élus s'en sortent ?
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Ce rapport s'appuie sur les propos que nous avons entendus sur le terrain. De très nombreux maires, par souci de simplification, aimeraient disposer d'un numéro unique. Nous proposons simplement de mettre à l'étude la pertinence d'un tel interlocuteur unique.
M. Max Brisson. - Si cela concerne les subventions de l'État, je n'ai pas de problème. Mais en revanche, si cela concerne les subventions du conseil départemental...
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Cela concerne non seulement les subventions, mais aussi l'ensemble des problèmes rencontrés, y compris en matière d'ingénierie.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - La barémisation des subventions selon un forfait au mètre carré était également suggérée. Certains maires se lancent dans un projet sans savoir à quelles subventions ils auront réellement droit. Il s'agit de rendre les subventions prévisibles.
Concernant la recommandation n° 9 et les dates indiquées dans le tableau de suivi, il n'y a pas de raison de ne pas s'atteler dès 2023 à la réflexion sur ces sujets. Pour la proposition de loi, la balle est dans le camp des auteurs ; il s'agira aussi, le moment venu, de son inscription à l'ordre du jour...
Jean-Marie Mizzon et moi-même avons appris, lors de notre dernier déplacement près d'Avignon, que lors d'une assemblée générale de Petites Villes de demain, Christophe Béchu avait annoncé que le Gouvernement attendait les conclusions de notre mission d'information. J'espère que c'est un signe du fait que les instructions ministérielles auxquelles nous nous référons seront prises rapidement.
Il n'y a absolument pas de volonté de recentraliser quoi que ce soit : le but est de répondre aux maires, notamment des petites communes, pour qu'ils puissent savoir à qui s'adresser pour monter leurs projets d'investissement.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Madame Monier, selon vous, l'accompagnement humain fait défaut. Le rapport indique que 312 000 personnes travaillent dans l'ingénierie : la ressource existe, mais elle n'est pas connue dans le maquis des offres. Il faut que les acteurs départementaux agissant dans le domaine de la transition énergétique se rencontrent : il faut des contacts humains. C'est l'objet des rendez-vous annuels de l'ingénierie proposés par le rapport. Il faut aussi faciliter les mises en contact numériques des différents acteurs de l'ingénierie, et tel est l'objet de la plateforme destinée à améliorer l'information des élus. Il faut gagner du temps, car l'échéance de 2030 arrive très vite !
Les collectivités manquent de moyens depuis 2017, avez-vous indiqué. Selon moi, c'était même avant...
Mme Marie-Pierre Monier. - La DSIL a été créée à ce moment-là...
M. Jean-Marie Mizzon, président. - J'ai connu un temps où la dotation globale de fonctionnement (DGF) s'élevait à plus de 42 milliards d'euros, contre 28,6 milliards d'euros aujourd'hui... La chute a été vertigineuse ! Au sujet du redéploiement de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale, celui-ci considère que, dans les écoles, des membres du personnel de l'éducation nationale peuvent effectuer ce genre de travaux...
M. Max Brisson. - Si cela n'est pas de la recentralisation ! Des compétences départementales sont transférées à l'État, c'est insupportable ! Je vais regretter avoir dit que le groupe LR voterait ce rapport d'information et toutes ses recommandations !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - On ne peut pas reprocher au ministère de s'intéresser aussi à ce sujet. Il s'agit de compétences partagées.
M. Max Brisson. - Non, le bâti scolaire relève de compétences transférées depuis la loi de 1982 ! Si on se laisse marcher sur les pieds, c'est la fin de la décentralisation !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il s'agit d'une compétence partagée au sens où les murs relèvent des collectivités, mais le personnel enseignant de l'État.
M. Max Brisson. - La loi s'applique à tous ! Et les fonctionnaires des collectivités territoriales alors ? Ils ne seraient pas capables d'appliquer la loi ?
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il y a presque un million d'agents dans l'éducation nationale, ce n'est pas anodin...
M. Max Brisson. - Un modèle de ressources humaines !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - La cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale comporte cinq personnes. Ce n'est pas elle qui modifiera l'écosystème, ou alors très marginalement... Par ailleurs nous n'avons pas parlé du sujet des toilettes. J'ai appris que 8 enfants sur 10 se retiennent d'aller aux toilettes à l'école. Je reviens sur l'idée de fonds dédiés à la rénovation du bâti scolaire précédemment évoquée. Bien évidemment, si l'on voulait rendre ce rapport banal, on indiquerait que les moyens sont insuffisants. C'est l'éternelle remarque : il n'y a jamais assez de moyens. Nous verrons bien lors de la prochaine loi de finances ! J'ai posé la question à la ministre, qui nous a dit que cela se ferait à moyens constants.
Mme Céline Brulin. - Là est le problème !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je pressens qu'on ne pourra pas atteindre l'objectif, si des moyens complémentaires ne sont pas alloués. Pour l'instant, le calibrage de la DSIL, de la DETR et du Fonds vert sera au même niveau qu'avant le Plan de relance : moins de 2 milliards d'euros.
Cela dit, le rapport indique que les projets sont en général autofinancés, à hauteur de 50 % ou 60 %, parfois à plus de 70 %. Il est vrai que les maires hésitent à emprunter. Mais si l'État ne fait pas un effort, les communes ne réussiront pas.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - À notre surprise, les représentants des professionnels du bâtiment ont indiqué lors des auditions que la formation professionnelle ne constituait pas un problème, et que du personnel serait trouvé pour mener les différents chantiers. Nous n'avons pas intégré cette question dans le rapport. Elle est abordée par la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
M. Jean-Marie Mizzon. - Quel titre proposez-vous pour ce rapport, Madame la rapporteure ?
Mme Nadège Havet. - Je vous propose l'une des trois formules suivantes : « Bâti scolaire : mieux accompagner les élus dans la transition écologique » ; « Transition écologique des écoles collèges lycées, mieux accompagner les élus locaux » ; ou « Transition écologique du bâti scolaire : mieux accompagner les élus locaux. »
M. Gilbert Favreau. - L'avantage de ce dernier titre, c'est qu'il insiste sur la transition écologique, qui va flécher tous les financements intéressants.
Mme Monique de Marco. - Comme vous le dites, il insiste sur le fil conducteur de la transition écologique.
Mme Véronique Del Fabro. - Nous sommes d'accord.
Les recommandations sont adoptées à l'unanimité et la mission d'information autorise la publication du rapport.
M. Jean-Marie Mizzon. - Le rapport étant adopté, je vous rappelle que la conférence de presse aura lieu demain à 9 heures.
V. SYNTHÈSE DE LA CONSULTATION DES ÉLUS LOCAUX
A. DES CONSTATS LARGEMENT PARTAGÉS SUR LA PERTINENCE DE TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE 229
1. Une inquiétude générale sur les conséquences de la hausse des dépenses d'énergie 229
2. L'état des bâtiments en question 230
3. Une difficulté : des sources d'énergie différentes selon l'époque de construction 231
4. L'intérêt des élus pour la rénovation du bâti scolaire 232
5. Le choix de la reconstruction des bâtiments 233
6. Des témoignages généralement positifs sur les travaux entrepris 233
7. Une interrogation sur les suites des travaux : maintenance et surcoûts en énergie liés à certains équipements 234
8. Quelques questionnements sur le temps scolaire 234
B. UN THÈME RÉCURRENT : DES DIFFICULTÉS DE COMPRÉHENSION ENTRE ÉLUS ET COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE (ENSEIGNANTS ET PARENTS D'ÉLÈVES) 235
C. LA COMPLEXITÉ DES INVESTISSEMENTS À RÉALISER POUR MODERNISER LE BÂTI SCOLAIRE 236
1. Divers freins à la mise en oeuvre de travaux 236
2. Le poids de normes parfois concurrentes 237
3. La mise en cause des professionnels 238
D. LA QUESTION DU COÛT DES TRAVAUX 238
1. Des budgets hors de portée 238
2. Le coût des études amont 240
3. La situation des écoles rurales 241
4. Des retours sur investissement trop éloignés pour justifier de telles dépenses 241
E. MESURES PRISES CONTRE LA CANICULE 242
1. Une préoccupation partagée 242
2. L'obstacle du coût de ces investissements et un questionnement sur leur maintenance 242
F. L'ACCOMPAGNEMENT DES COLLECTIVITÉS 243
1. Des témoignages positifs 243
2. Les structures d'accompagnement fréquemment citées 244
3. L'organisation de l'accompagnement en question : trop de guichets, beaucoup de conseils, des exigences opérationnelles parfois insuffisantes 246
4. Des critiques partagées sur l'accompagnement financier et l'attribution des subventions 247
5. Des démarches trop complexes pour accéder aux subventions : « parcours du combattant », « usine à gaz » 248
6. Un appel à simplifier ces démarches 249
7. Les effets pervers des aides 249
8. Le rôle de l'État diversement apprécié 250
La consultation mise en ligne par la mission d'information du 27 mars au 28 avril 2023 a recueilli en tout 1 379 réponses, émanant pour la plupart (95,8%) d'élus de l'échelon municipal (59,3% de maires et 27% d'adjoints au maire).
L'analyse ci-après présente une synthèse des réponses « libres » au questionnaire mis en ligne par la mission d'information ; cette consultation ne saurait être apparentée à un sondage effectué à partir d'une méthode d'échantillonnage scientifique.
Les messages adressés aux sénateurs ont été anonymisés et les noms des communes, lorsqu'ils ont été indiqués, ne figurent pas dans le document ci-dessous.
Ces témoignages confirment l'importance attachée par les élus de l'échelon municipal à l'école : « L'école est le premier poumon du village ».
Ils confirment aussi, malgré l'intérêt des élus pour les travaux liés à la transition écologique des bâtiments scolaires, le « découragement » de certains face à des normes exigeantes, changeantes et parfois contradictoires, et dans un contexte financier rendu encore plus contraignant par la crise de l'énergie.
Ils appellent tous à simplifier le parcours des élus dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets de rénovation, à mettre en place des structures d'accompagnement efficaces et proches du terrain et à sécuriser le financement de leurs investissements. Certains vont jusqu'à souhaiter « un grand service public d'aide à la transformation énergétique, simple et rapide ».
A. DES CONSTATS LARGEMENT PARTAGÉS SUR LA PERTINENCE DE TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
1. Une inquiétude générale sur les conséquences de la hausse des dépenses d'énergie
Les constats sont unanimes (sauf pour certaines collectivités faisant état d'investissements réussis tels que la pose de panneaux solaires) sur l'explosion du prix du gaz (même pour le chauffage urbain, dont l'augmentation est qualifiée de « maîtrisée, mais néanmoins conséquente ») et du fioul ainsi que l'augmentation très nette des dépenses d'électricité en 2023, auxquelles s'ajoute la hausse récente du prix des granulés de bois (attribuée à une « spéculation sur ce combustible ») : « Les charges liées à l'énergie sont très conséquentes, les granulés ont vu leur prix s'envoler, nous sommes en région montagneuse et le climat est plutôt rigoureux l'hiver dans les Alpes de Haute-Provence ».
Un témoignage qualifie de « confiscatoire » le montant des factures : « C'est autant d'investissements en moins, donc autant de chiffre d'affaire en moins pour les entreprises locales ».
La hausse très sensible des chargées liées au prix de l'énergie a causé des arbitrages budgétaires aux dépens d'autres dépenses : « L'évolution des charges est en forte hausse et nous avons dû diminuer d'autres charges telles que les fournitures scolaires allouées aux enfants pour compenser » ; « L'augmentation massive du coût de l'énergie en début d'année scolaire nous a contraints à prendre des mesures drastiques et parfois désolantes (arrêt du chauffage et de certaines lumières dans le gymnase) ».
Selon un témoignage spontané, les dépenses liées à l'énergie bloquent les investissements de rénovation énergétique initialement programmés faute de moyens disponibles pour les financer.
Ces augmentations annulent le gain lié à un usage économe (« surveillance quotidienne des thermostats »), voire le gain attendu d'investissements antérieurs : « Nous venons de bénéficier d'un plan de relance pour le passage du chauffage fioul aux granulés bois et le changement de menuiseries. Cet investissement ne nous permet pas, aujourd'hui, de faire des économies, mais simplement de compenser la flambée des coûts de l'énergie. Au niveau du budget, il ne s'agit pas d'une économie, mais d'une dépense permettant le maintien de celui-ci » ; « Vu l'augmentation du coût de fuel, nous avons équipé les classes de thermostats. Nous sommes passés de 22°C à 19/20°C dans les classes. Cela a maintenu les factures à un niveau raisonnable. Il faut prendre en compte que l'hiver a été doux ».
Outre les préoccupations relatives aux dépenses de fonctionnement imputables à la crise de l'énergie, de nombreuses réponses citent le surcoût « exorbitant » lié à la ventilation pendant la pandémie (l'augmentation des charges a déjà été observée pendant la crise sanitaire « lorsque les enseignants avaient la consigne d'aérer en grand leur clase sans prendre la précaution d'éteindre les radiateurs ») ; « à cause du COVID et des protocoles d'aération, nous avons explosé nos factures. Il est nécessaire d'aérer trop souvent, d'où une perte de chaleur ».
2. L'état des bâtiments en question
En ce qui concerne la nécessité de travaux de rénovation énergétique, les témoignages l'attribuent le plus souvent aux causes suivantes : inadaptation des bâtiments aux besoins actuels en raison de leur date de construction (« mal pensés en termes d'orientation - pas de brise-soleil pour l'été, de longs couloirs vitrés au nord... » ; « bâtiments historiques qui ne correspondent en rien aux exigences actuelles »), choix de sources d'énergie désormais dépassées (fioul, gaz, électricité), vétusté du système de chauffage et absence d'isolation.
« La vétusté de nos bâtiments, le mode de chauffage (chaudières gaz anciennes), le manque de moyens (notre DGF est passée de 140 000 € en 2013 à 3 500 € en 2022) ne permettent pas une régulation satisfaisante et entrainent des coûts annuels énormes. »
« La mauvaise qualité : 1. de l'isolation des bâtiments, 2. de la chaudière + bruleur fuel entraîne une consommation extraordinaire de fuel (environ 30 000 litres de fuel / an) » ; « Cela fait maintenant plusieurs années que nous menons des actions visant à contrôler/réduire la facture énergétique fuel : actions technique : mise en place d'une régulation de chauffage avec contrôle et entretien régulier ; actions de sensibilisation auprès des occupants (enseignants et élèves). »
« Nous avons des bâtiments en préfabriqué donc une consommation énergétique qui explose malgré l'installation d'une pompe à chaleur air/air, qui est réversible pour faire redescendre la température qui a atteint plus de 38° par le passé. »
« Nous avons une école élémentaire qui a plus de 50 ans d'âge. Les conditions d'économie d'énergie sont catastrophiques (étanchéité, vitrage, chauffage électrique non adapté, isolation presque inexistante...). Le coût de l'énergie électrique a augmenté de plus 25 %. »
« Nos bâtis scolaires anciens sont très énergivores et les changements d'huisseries sur un bâtiment Troisième République impactent un peu ; sur une extension fin 1990 mal isolée c'est un pis allé. Sans parler des préfabriqués avec toit fibrociment que nous avons abandonnés (stockage). »
« Bâtiment des années 70, blocs de béton assemblés. Chauffage électrique par dalles chauffantes au plafond et convecteurs. Toit plat. Seul point un peu positif : le double vitrage. Sinon c'est un gouffre énergétique qui avec l'évolution des charges devient très compliqué à gérer ».
Certains témoignages mettent en cause l'action d'architectes, qu'il s'agisse de la conception des bâtiments (« Les bâtiments les plus énergivores et inconfortables sont généralement ceux d'architectes qui "se sont fait plaisir" ») ou de la réalisation de travaux dont auraient dû résulter des effets positifs sur la facture d'énergie (« Mise en place à l'époque d'une pompe à chaleur qui était surdimensionnée et qui a donc duré très peu longtemps. Merci l'architecte »).
3. Une complication pour la conception des travaux : des sources d'énergie différentes selon l'époque de construction
En fonction de la date de construction des diverses parties des bâtiments scolaires, la source d'énergie est différente :
- « Notre complexe scolaire (écoles maternelle et élémentaire) a été construit en 1978 (partie chauffée au fioul), avec une extension en 1984 (chauffage électrique) et une dernière extension en 2010 (chauffage électrique avec isolation performante et isolation des combles de l'ensemble des bâtiments). Un projet de rénovation totale est en cours avec une première phase pendant l'année 2023/2024 et une deuxième phase en 2024/2025 » ;
- « Deux modes de chauffage : - Gaz sur les bâtiments des classes maternelles, - Fuel sur les classes élémentaires. Augmentation considérable du coût de ces énergies et vétusté des chaudières qui nous amènent à faire des réparations fréquentes ».
Selon les bâtiments, les conséquences de la crise actuelle sont donc plus ou moins sensibles : « école élémentaire : bâtiment passif récent (réhabilité en 2019) chauffé au gaz. Impact faible, car consommations réduites ; école maternelle : bâtiment de 2007 chauffé à l'électricité. Gouffre énergétique. Réflexion pour isolation complémentaire et pose de panneaux photovoltaïque en autoconsommation pour atténuer la facture ».
Des élus font état des difficultés de gestion liées à cette diversité de sources d'énergie :
- « Les bâtiments étant de différentes époques269(*), nous avons différents modes de chauffage. Il faudrait investir pour uniformiser le mode de chauffage et en choisir un économe et respectueux de l'environnement » ;
« Le groupe scolaire a la particularité d'avoir deux mode de chauffage : fuel sur l'ancien bâtiment et électrique sur l'extension faite en 1987. Les charges liées à ces deux énergies sont difficiles à gérer (financièrement et techniquement) ».
4. L'intérêt des élus pour la rénovation du bâti scolaire
L'intérêt pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires est largement partagé par les auteurs des réponses270(*). Les élus témoignent de la diversité de leurs souhaits d'investissement et de leurs ambitions en la matière, qu'il s'agisse de rénovation énergétique stricto sensu, d'aménagement des espaces extérieurs (avec le projet de les « ouvrir librement aux riverains le soir ou le week-end, notamment en période de canicule »), de rénovation des espaces dédiés au temps périscolaire (reconstruction d'une cuisine centrale, l'objectif étant « d'en faire un lieu de pédagogie à destination des élèves », avec dans son voisinage immédiat un jardin maraîcher), de lutte contre la canicule (exemple de l'installation d'équipements tels que pompes à chaleur, système de free cooling « permettant une température intérieure de 27°quand il fait 40° dehors »).
S'agissant des motivations des travaux de rénovation, les réponses renvoient à la notion de « gouffre énergétique », de « passoire thermique » (« froid en hiver chaud en été »), de bâtiments vétustes dont l'absence d'entretien « depuis des décennies en font un gouffre financier », de bâtiments « plutôt récent (...) construits à faible coût que l'on paie maintenant ».
« Nous avons engagé un bilan énergétique de l'ensemble du patrimoine communal. Le résultat est sans appel. Tous les bâtiments sont énergivores, en particulier le bâtiment du périscolaire et l'école élémentaire. Des audits et des études d'opportunités ont été engagés pour permettre la mise en place d'un schéma directeur. Notre priorité est l'école élémentaire, car elle tombe dans le périmètre du décret tertiaire (1 070m²) ».
5. Le choix de la reconstruction des bâtiments
Certains élus notent que leur démarche cumule travaux de rénovation et de construction : « Les deux types de travaux sont en cours. Le bâtiment construit est une extension de l'ancien (trop petit). Des rénovations sont en cours dans d'autres établissements scolaires ».
Le choix de procéder à la reconstruction de bâtiments scolaires plutôt qu'à des travaux de réhabilitation répond quant à lui à divers motifs : l'inadaptation des anciens bâtiments (préfabriqués, travaux d'accessibilité et de sécurité à entreprendre, impossibilité pour les structures anciennes de « satisfaire aux normes en vigueur »), la croissance démographique et l'augmentation des effectifs du périscolaire (cantine, garderie), le souhait de regrouper le scolaire et le périscolaire sur un seul site, le déménagement de l'ancienne école devenue « complètement obsolète », décidé dans le cadre d'un syndicat intercommunal, la volonté d'accueillir sur le même site la cantine, les services de médecine et de psychologie scolaire (« mais les postes sont peu ou pas pourvus ») et les classes Ulis.
Un élu constate que le coût de rénovation est « assez proche de celui de la démolition/reconstruction ; il vaut donc mieux investir un peu plus et avoir une école aux dernières normes ».
Des témoignages évoquent ainsi des bâtiments basse consommation (BBC), voire des écoles bioclimatiques à énergie positive, des toitures végétalisées, des bâtiments en bois avec isolation paille, des « murs en briques de terre compressées jouant sur la régulation thermique et l'hygrométrie »...
6. Des témoignages généralement positifs sur les travaux entrepris
Parmi les travaux de rénovation entrepris, les élus mentionnent régulièrement l'isolation, les changements d'huisserie, de vitrage, de chaudière, la mise en place d'un système de contrôle à distance des chaudières et de programmation du chauffage en fonction des occupations (mercredi, vacances, soirées...), la modification de la source d'énergie, la végétalisation des espaces extérieurs, le recours à une pompe à chaleur (réversible pour assurer le confort d'été).
Toutefois, selon un témoignage, l'installation d'une « pompe à chaleur nouvelle génération » ne serait « pas performante pour les économies d'énergie ».
Certains mentionnent l'installation de panneaux photovoltaïques :
« Rénovation réalisée en 2022 et 2023. Première installation photovoltaïque d'autoconsommation collective du Val de Marne. Pose de 254 m² de panneaux solaires pour une puissance de crête de 52,8 KW. En cas de non consommation par l'école l'énergie est redistribuée sur les bâtiments communaux à proximité. Installation couplée avec une pompe à chaleur réversible et une ventilation double flux permettant le chauffage ou le refroidissement de toutes les classes ainsi que le renouvellement constant de l'air présent ».
« Pour l'école élémentaire : installation photovoltaïque couplée avec une pompe à chaleur réversible et une ventilation double flux permettant le chauffage ou le refroidissement de toutes les classes ainsi que le renouvellement constant de l'air présent ».
7. Une interrogation sur les suites des travaux : maintenance et surcoûts en énergie liés à certains équipements
Des témoignages, en cohérence avec d'autres retours d'expérience entendus par la mission (notamment lors de ses déplacements), évoquent les difficultés aux suites des travaux.
S'agissant du contrôle de la performance énergétique, un élu fait observer que « les petites communes n'ont pas les moyens (ingénierie, agent qualifié) pour concevoir, vérifier la bonne réalisation des travaux, monitoring des consommations : tout repose sur une relation de confiance avec des architectes/maîtres d'oeuvre pas toujours efficace dans le suivi des travaux ».
La complexité de certains équipements peut également poser des problèmes de maintenance : « L'accueil périscolaire est plus récent, mais la chaudière, trop complexe pour notre technicien, est impossible à régler ».
Ces remarques rejoignent donc l'enjeu de la formation des personnels techniques des collectivités.
Par ailleurs, certains témoignages abordent la question de l'augmentation des consommations d'énergie induite par des investissements liés aux normes environnementales : « Il faut aussi prendre en compte les consommations des systèmes installés ». Ce point est soulevé par un élu à propos des systèmes de ventilation dont l'installation est rendue nécessaire par la réglementation relative à la qualité de l'air : « Le réchauffeur de la VMC double flux a doublé nos consommations. Ce serait tout à reprendre ».
8. Quelques questionnements sur le temps scolaire
Certains élus soulèvent par ailleurs la question du temps scolaire, jugé « inadapté au problème énergétique » : « Ce qui parait bizarre c'est de faire des vacances scolaires en avril alors que il n'y a pas besoin de chauffage et qu'il n'y a pas besoin d'éclairage pendant ce mois, et encore moins de climatisation. Le temps scolaire est inadapté au problème énergétique : en janvier, vous chauffez les classes le mardi et le lundi : le mercredi baisse de température et rechauffage le jeudi et le vendredi. Ces variations entrainent un excès de consommation ».
« Est-ce la faute des collectivités si le temps scolaire est inadapté aux excès de température ? En période de canicule, beaucoup d'entreprises travaillant à l'extérieur adoptent le temps de travail méditerranéen (6h00/12h00) ».
On note par ailleurs une interrogation sur la pertinence du maintien d'écoles dans chaque commune au regard des conséquences de la transition écologique : « Les modèles SIVOS avec des classes dans chaque commune deviennent une aberration économique (transport du midi, chauffage) et écologique (canicules, bâtiments vétustes, pollution due aux transports matin midi soir) ».
B. UN THÈME RÉCURRENT : DES DIFFICULTÉS DE COMPRÉHENSION ENTRE ÉLUS ET COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE (ENSEIGNANTS ET PARENTS D'ÉLÈVES)
On relève tout d'abord des remarques sur un comportement jugé insuffisamment économe des enseignants par rapport à des dépenses d'énergie en forte augmentation : « Les enseignants ont été peu sensibles jusques là aux dépenses d'énergie. L'annonce de la température des classe à 19° a failli provoquer un "clash" » ; « Nous lançons des campagnes de sensibilisation à la sobriété énergétique, mais ce public ne semble pas très réceptif » ; « En deux ans les factures ont doublés, malgré une baisse des consommations. Le kWh est devenu très cher. Le personnel éducatif n'est parfois pas totalement volontariste pour réduire les consommations ».
Un témoignage éclairant illustre la difficile conciliation du point de vue des enseignants et des élus : « Je suis personnel de l'Éducation Nationale depuis 25 ans (...) et élue (municipale + communautaire) : 1- Du point de vue de l'éducation nationale : des bâtiments non adaptés (très forte chaleur en été dans les salles jusqu'à 40° et températures très basses en hiver jusqu'à 15°), qui offrent des conditions d'enseignement-apprentissage difficiles. Les bâtiments anciens sont peu, voire pas isolés, mal pensés en terme d'orientation (pas de brise-soleil pour l'été, de longs couloirs vitrés au nord...). 2- Du point de vue de l'élue : au vu des budgets dont dispose l'EPCI, comment procéder, définir les priorités, trouver les fonds pour rénover ? L'envie et la volonté sont là, mais... »
Si certaines réponses font état de l'adhésion des enseignants à l'égard des projets de travaux de rénovation énergétique, d'autres se plaignent de leur éloignement des préoccupations financières des élus : « Beaucoup de critiques de la part du corps enseignant, qui pense que nous pourrions faire des travaux pour améliorer leur quotidien plutôt que des travaux de rénovation énergétique, mais ils sont moins intéressés par les économies engendrées, puisqu'ils ne paient pas les charges de fonctionnement. Malgré de la pédagogie et la répétition de nos objectifs, ils sont frustrés, car ils pensent que nous ne les écoutons pas (nous avons dû en effet refuser certaines de leurs demandes, car le budget n'est pas extensible, et nous avons dû prioriser les travaux "énergie") » ; « Les enseignants sont de plus en plus exigeants envers les communes, qui ne peuvent pas répondre à toutes les demandes et nous avons l'impression que cela va se compliquer ».
Divers témoignages relèvent les plaintes exprimées par des parents concernant la « mise du chauffage tardive » au cours de l'hiver 2022-2023.
Ces relations problématiques ne sont toutefois pas sans solution. Parmi les bonnes pratiques partagées par les répondants, on peut citer la mise en place d'une « charte avec les enseignants pour une meilleure utilisation des locaux afin d'économiser sur les fluides (éclairage, chauffage, aération des locaux etc.) ».
C. LA COMPLEXITÉ DES INVESTISSEMENTS À RÉALISER POUR MODERNISER LE BÂTI SCOLAIRE
1. Divers freins à la mise en oeuvre de travaux
- Sans surprise, le calendrier scolaire est mentionné parmi les difficultés compliquant l'organisation des travaux : « Les coûts sont considérables pour les collectivités et les périodes de travaux sont de plus en plus réduites (sortie des classes vers le 8 juillet, centre de loisirs souvent dans les établissements scolaires) ».
- La menace de fermeture de classes et l'absence de transparence en matière de carte scolaire sont, elles aussi, mentionnées régulièrement comme limitant la pertinence des investissements : « Pour nous, petite commune rurale, 600 habitants, l'enjeu est considérable (gouffre énergétique ; occupation très intermittente ; pôle de développement et d'animation du village), mais il est exclu d'investir fortement tant que la pérennité de notre école (maternelle) ne sera pas garantie, sur plusieurs années, ce que la DASEN ne nous assure pas à ce jour - et même loin de là : menace permanente de fermeture, soit au niveau de l'école communale, soit au niveau du RPI avec la commune voisine » ; « Les charges d'entretien sont très élevés et il est difficile de discuter avec l'éducation nationale qui propose une carte scolaire (avec ouverture et fermeture de classe) sans concertation préalable en lien avec les bâtiments ».
- Le manque de moyens en matière d'ingénierie constitue un autre obstacle, très fréquemment cité, plus particulièrement par des élus de petites communes :
« La rénovation des bâtiments coûtent très cher. Il faut avant tout passer par une phase d'étude thermique de l'existant, réaliser les diagnostics. Ensuite, il faut à la fois réaliser les travaux sur l'enveloppe des bâtiments et en même temps prévoir des systèmes de chauffage plus vertueux (Géothermie...). Il faut également prévoir le bon fonctionnement de l'école durant toute la durée du chantier. »
« Je dois faire le choix entre rénover notre école (qui date de 1866) ou construire une nouvelle école répondant aux nouvelles normes. J'ai donc besoin de soutien en ingénierie pour mener cette étude et d'assistance à maîtrise d'oeuvre. »
« C'est très chronophage et assez compliqué : je ne suis pas spécialiste, et personne ne l'est dans mon conseil. La secrétaire de mairie n'a ni le temps ni la compétence pour gérer les demandes de subventions, et autres marchés publics. Cette tâche est assez stressante, car cela engage beaucoup d'argent (...) et j'ai peur de faire des erreurs. »
« Les projets dans une commune sont nombreux et complexes à mener. Il faut nous aider. Une expertise de nos écoles, des recommandations, le montage d'un dossier comprenant un cahier des charges, un plan de financement, une identification des entreprises capables de réaliser les travaux, serait la solution pour que les communes s'engagent plus facilement dans ces projets de transition écologique et de sobriété énergétique. »
- Les marchés publics sont considérés, sans surprise, comme une contrainte importante pour les petites communes : « Pour les communes qui ne sont pas dotées des services ad hoc, le montage du marché public reste un parcours du combattant ainsi que le montage financier ».
2. Le poids de normes parfois concurrentes
Nombre de réponses soulignent l'« augmentation constante de nouvelles normes ou des obligations impactant les finances des collectivités », des « législations trop mouvantes », des « changements trop rapides » (« On dit tout et son contraire. Ce qui était vrai il y a deux ans ne l'est plus maintenant »).
D'autres déplorent « l'absurdité de certaines réglementations qui se contredisent même parfois ! Par exemple, je souhaitais que nous mettions des récupérateurs d'eau pour économiser l'eau et arroser tous les végétaux que nous mettons dans les cours pour les rafraichir, or il est interdit dans une école d'utiliser l'eau de pluie pour arroser... »
De même est mal comprise l'impossibilité d'utiliser les eaux de pluie pour les sanitaires dans les écoles.
Selon un autre témoignage, les contrôles techniques font obstacle au recours à certains matériaux biosourcés : « L'utilisation de matériaux biosourcés est très compliquée, car les contrôles techniques ne sont pas capables d'estimer correctement ces matériaux, le CNTB n'ayant pas validé leur résistance au feu, leur pouvoir d'isolation... Exemple récent : + 10 000 euros d'alarme incendie suite à l'utilisation du Cottonwool, à base de jeans recyclés... »
Dans une logique similaire, ces contrôles semblent exclure l'utilisation de panneaux photovoltaïques d'occasion, ce qui accroit le coût de l'énergie solaire : « Il est aussi impossible de mettre des panneaux photovoltaïques d'occasion sur les bâtiments publics, car les contrôles techniques refusent d'associer du neuf et du vieux : une nouvelle structure => il faut des nouveaux panneaux... C'est bien dommage, alors que nous avons l'usine de recyclage de panneaux sur notre commune, nous ne pouvons pas produire d'énergie avec eux, qui sont 3 à 4 fois moins chers que les neufs ! ».
Enfin, des élus s'interrogent sur la compatibilité entre les normes de préservation du patrimoine historique et les normes environnementales : « Comment faire évoluer les architectes des bâtiments de France ? Le plus urgent est-il des critères esthétiques subjectifs et personnels ou la baisse urgente de l'empreinte carbone ? ».
Les difficultés liées à l'intervention des architectes des bâtiments nationaux reviennent du reste régulièrement :
- « La pose de volet roulant fonctionnant au solaire est une avancée, mais cela a été un combat avec l'ABF » ;
- l'isolation peut s'effectuer à moindre coût par l'extérieur, mais elle est exclue sur les bâtiments de caractère : les exigences de préservation du patrimoine historique conduisent donc à un renchérissement des coûts parfois mal compris ;
- la pose de panneaux photovoltaïques n'est pas admise lorsqu'un bâtiment scolaire est « situé dans le périmètre des ABF ». À cet égard un élu évoque, à propos du bâtiment à énergie positive d'une maison France service, la nécessité de poser des panneaux photovoltaïques « rouges comme les tuiles : surcoût de 30% ! ».
3. La mise en cause des professionnels
Diverses réponses expriment une certaine défiance à l'égard des professionnels : « Nous sommes confrontés à de multiples problèmes liés au chantier, aux malfaçons, aux manquements de notre architecte, c'est pourquoi nous hésiterons à relancer des travaux importants sur notre commune ». Sont relevés notamment les prix élevés pratiqués par les professionnels du bâtiment, les entreprises ne respectant pas leurs contrats (appel d'offres « non honorés »), voire des « travaux réalisés avec malfaçons sur plusieurs bâtiments, procès en cours depuis plusieurs années ».
Dans une école de haute qualité environnementale (HQE) de dix ans seulement, un élu relève de « gros problèmes de pièces à changer, cartes électroniques, fuites de pression d'eau, sondes en panne, moteur à changer, etc. »
D. LA QUESTION DU COÛT DES TRAVAUX
1. Des budgets hors de portée
« Le bâtiment d'après la première guerre mondiale présente une large salle, haute, munie de grandes fenêtres. La chaudière sans régulation moderne consomme comme tous les modèles d'il y a 30 ans et le prix des factures a augmenté de 50 % en quelques années. Le préau, fermé il y a 20 ans, a une isolation modeste, et son chauffage - radiants électriques - n'est que très ponctuel, car insuffisant, ce qui limite l'utilisation de ce grand local pour les activités scolaires. Une rénovation énergétique efficace serait un investissement hors de proportion avec les moyens disponibles, en regard des charges et emprunts en cours. »
De plus, la concurrence exercée par d'autres investissements prioritaires (désamiantage, accessibilité, sécurité) est régulièrement citée parmi les freins aux travaux de rénovation énergétique en raison de l'impossibilité de financer tous ces investissements.
Par ailleurs, des témoignages alertent sur la dérive des coûts liée à des dépenses imprévues : « Dans la rénovation prévoir toujours une part de "surprises" qui entraînent des coûts supplémentaires ».
Un certain nombre de réponses attirent l'attention de la mission d'information sur l'impossibilité dans laquelle se trouvent les petites collectivités, pour des raisons budgétaires, de procéder à une rénovation globale, ce qui les contraint à procéder au coup par coup, alors même que cette méthode ne constitue pas la formule la plus satisfaisante ni la plus économe in fine :
- « Nous avons (avec assez de difficultés) réussi à supprimer 3 chaudières fuel hors d'âge qui chauffaient les bâtiments des écoles par une chaudière à bois déchiqueté et gaz en 2020. (...) Nous avons pu isoler une partie des classes grâce au plan de relance. La difficulté pour nos petites collectivités c'est de lancer un plan de rénovation global. Nous faisons au coup par coup, car nous n'avons pas les moyens de lancer autant de travaux, même si cela serait plus rentable énergétiquement et financièrement ; nous devons travailler par tranches, car nous n'avons pas les moyens autrement » ;
- « Ne pas faire des petits pas, car la performance finale est moins bonne, reconstruire tout d'un coup est bien plus efficace. Ce bon choix se heurte frontalement au problème des financements nettement insuffisants » ;
- « Nous avons déjà entrepris une première tranche de rénovation énergétique (isolation de la face nord du bâtiment principal et pose de panneaux photovoltaïques en toiture), il nous reste à terminer les travaux d'isolation et à changer le mode de chauffage, puis à réaliser une petite extension pour regrouper tous les classes sur un même site. L'importance de cet investissement (près de 2M€) nous aura contraints à réaliser l'opération en trois tranches et sur une durée supérieure à 5 ans pour pouvoir mobiliser les financements nécessaires (le département, la Région, la DETR, la DSIL et le fonds Vert en 2023 !) et ne pas surendetter la commune ».
L'impossibilité de mettre en oeuvre une démarche globale est imputée également à l'absence de financements mobilisables sur une longue période :
- « Une rénovation globale des bâtiments serait nécessaire, mais la commune n'a pas les moyens financiers suffisants pour l'envisager » ;
- « Il faut aujourd'hui, faute de moyens, rester terre à terre et essayer de rénover petit à petit, ce qui dans le cadre actuel des subventions potentiellement mobilisables s'apparente à un parcours du combattant. Il n'y a pas de dispositif qui couvre des dépenses au-delà de 4 ans, ce qui est d'une incohérence absurde au regard des enjeux financiers sur ce type de rénovation de complexe scolaire ».
Des préoccupations d'égalité entre les écoles, et donc entre élèves selon le territoire où ils vivent, contribuent, dans ce contexte financier tendu, à répartir les financements entre différentes écoles et à privilégier, en raison de ce saupoudrage, des démarches de rénovations partielles : « Certes il est plus pertinent de rénover tout en une seule fois, mais ça coûte très cher et cela induit que certaines écoles n'auront pas de travaux avant des années. Bref laissez aux villes le choix, nous connaissons notre bâti et ses contraintes et que l'État nous fasse confiance, il ne peut pas être mieux placé que nous pour décider que faire dans tel ou tel bâtiment ».
Un témoignage souligne l'importance du reste à charge pour les communes, en dépit des subventions, ainsi que la nécessité d'assurer la rénovation énergétique d'autres bâtiments communaux : « Même s'il y a des subventions, le reste à charge est conséquent et d'autres bâtiments communaux sont malheureusement dans un plus triste état ! » ; « Les subventions n'étant pas forcément garanties, il est difficile de prévoir le réel reste à charge de la commune sur un projet à engager. C'est aussi un frein non négligeable dans les prises de décisions ».
2. Le coût des études amont
Nombre d'élus attirent l'attention de la mission sur les dépenses imputables aux études préalables, qui font « exploser les prix », et mettent en doute l'intérêt de celles-ci :
- « En 2023 nous avons tout juste de quoi faire une étude de sol, par manque de moyens en matière d'ingénierie et besoin d'accompagnement dans ce domaine » ;
- « J'ai fait une étude pour la rénovation et l'extension de mon bâti scolaire en y intégrant les éléments d'amélioration énergétique. Cette étude globale faite par un architecte m'a coûté 17 000€. Je n'ai pas obtenu la validation de mon projet, ce qui se traduit par une absence de subventions alors même que l'État insiste sur la nécessité de l'isolation thermique et un parc immobilier à émission zéro. J'ai donc le sentiment de ne pas être accompagnée sur un sujet présenté comme majeur. » ;
- « Trop d'argent à dépenser en études et honoraires de cabinets divers et variés avant d'avoir pu donner "le premier coup de pioche"! ».
D'autres réponses appellent à un allègement des études amont : « simplifier les démarches, en n'exigeant pas un monceau d'études préalables ».
Quant au recours à une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO), son coût n'est pas à la portée de toutes les collectivités : un élu note, à propos d'un projet de changement de chaudière et de protection de baies vitrées, que « même 50 000 euros sont impossibles pour nous ».
Un élu propose ainsi de « Partager les constats afin de centraliser les besoins et de proposer des études gratuites pour les diagnostics dans un premier temps. Puis, ensuite disposer de subventions afin de modifier les bâtiments scolaires en termes d'économies énergétiques ».
3. La situation des écoles rurales
L'attention de la mission d'information est attirée sur le cas spécifique des écoles en milieu rural :
« Un des problèmes des petites écoles rurales est que la commune n'a pas le budget pour mettre un système de chauffage plus performant, mieux isoler nos vieux bâtiments ou mettre des panneaux solaires sur les bâtiments publics, rendre nos vieilles écoles plus confortables et pratiques au quotidien. Ce problème est aussi lié à la réalité de la scolarisation en milieu rural : nous avons peu d'enfants, peu de budget, un risque de fermeture de classe régulier, et les bâtis non rénovés sont peu attractifs aussi bien pour les familles que les enseignants. Cela pénalise la commune dans son développement, car nous savons à quel point l'école est le premier poumon du village ».
Un autre répondant aspire à la mise en place d'une dotation spécifique destinée aux territoires ruraux « en fonction des ressources réelles de la commune ».
4. Des retours sur investissement trop éloignés pour justifier de telles dépenses
Selon d'autres témoignages, le retour sur investissement est trop faible pour justifier ces dépenses de rénovation :
- « Le changement complet d'énergie et d'isolation sera très couteux. Si le gain environnemental est indéniable, il en est tout autre d'un point du vue économique. Les projections réalisées par ALT69 (Agence locale pour la transition énergétique du Rhône) montrent qu'au bout de 20 ans le coût économique sera identique (avec les données connues aujourd'hui). Notre budget communal n'a pas la capacité d'engager de tels travaux si aucune économie n'est attendue » ;
- « L'impact du coût de l'énergie est à l'identique des autres communes. Pour les réduire au maximum nous avons travaillé avec les professeurs et élève pour les sensibiliser, effectué des travaux de régulation et de calfeutrage de base travaux avec un taux de rentabilité interne (TRI) inférieur à3 ans, mais pas abordé les travaux d'isolation, car le TRI est supérieur à 30 ans, ce qui implique que nous chargerions notre budget, aussi bien de fonctionnement que d'investissement : juste l'inverse de ce que nous voulons réaliser avec cette augmentation extraordinaire des coûts de l'énergie. Notre problème c'est l'asphyxie de notre budget de fonctionnement » ;
- « D'autres projets ont été étudiés, il y a de ça 3 ans, à savoir couvrir le toit de l'école par des panneaux photovoltaïques, pour cela il faudrait toucher à la structure du bâtiment ; retour sur investissement 17 ans : pas intéressant pour la commune ».
E. MESURES PRISES CONTRE LA CANICULE
1. Une préoccupation partagée
La plupart des réponses témoignent d'une véritable préoccupation pour cette question271(*), notamment en raison d'inquiétudes pour la santé des élèves : « Les températures extrêmes sont ingérables. Un de nos bâtiments est une vraie passoire thermique, au point que certains élèves saignent du nez ou font des malaises lors des pics de canicules ».
Parmi les mesures couramment citées contre les fortes chaleurs : isolation des combles, pose de rideaux opaques, de stores, de volets, de filtres anti UV, « films anti-chaleur sur les vitres », installation de « casquettes solaires » en aplomb des ouvertures, pompe à chaleur réversible.
D'autres réponses évoquent la ventilation (« VMC double flux ») avec système de free cooling, « pour essayer de rafraîchir les locaux de manière naturelle », l'achat de solutions telles que ventilateurs et brumisateurs, parfois même la climatisation d'une salle, plus particulièrement pour les maternelles.
De nombreux témoignages confirment l'importance attachée aux aménagements extérieurs, fréquemment cités par les élus : plantation d'arbres, pergolas, tonnelles végétalisées, végétalisation des toits, désartificialisation des sols, aménagement d'une classe en plein air...
S'agissant de la climatisation, un répondant s'interroge : « Qui ne prendra pas la climatisation lors de l'achat de son prochain véhicule ? Est-ce pour se donner bonne conscience qu'on prive nos enfants de ce "confort moderne" ? N'oublie-t-on pas que nous parlons bien souvent de classes surchargées, d'équipements ayant pour la plupart plus d'une dizaine, pour ne pas dire plusieurs dizaines d'années. Il devient délicat de pouvoir répondre à l'attente des parents d'élèves ».
2. L'obstacle du coût de ces investissements et un questionnement sur leur maintenance
Sans surprise, ici encore, le coût des dépenses à engager semble à certains hors de portée : « Il nous faudrait installer des stores sur nos baies vitrées, mais c'est trop coûteux. Alors on ouvrira les portes de secours, sachant que ces dernières donnent sur l'espace public et que nous ne serons pas dans les recommandations du plan Vigipirate » ; « Par le passé, il est arrivé au maire de fermer l'école élémentaire quelques jours en fin juin, faute de pouvoir abaisser les températures ».
Un élu témoigne : ne pouvant financer la pose d'une protection sur la baie vitrée du restaurant scolaire, où l'été il est insupportable de se tenir tant pour le personnel que pour les élèves, « Nous organisons le plus souvent possible la prise de repas en pique-nique dans le parc arboré qui est à proximité de l'école ».
Enfin, une réponse alerte sur la difficulté d'entretenir les espaces végétalisés pendant l'été : « Il n'y a pas d'élèves en juillet et août, mais de la végétation à entretenir et à faire survivre: problème de consommation d'eau ».
3. Le cas de Mayotte
« La Ville de Mamoudzou a mis en place un certain nombre d'actions qui visent à réduire la consommation énergétique des bâtiments. Il s'agit des travaux d'isolation des sous-toitures des bâtiments et des travaux de confort thermiques dans certains sites, réalisé par des sociétés rémunérés par des primes CEE, ce qui a amélioré confortablement la qualité hygrothermique et la satisfaction des occupants (équipe pédagogique) de certains établissements. »
Les auteurs de la réponse regrettent que la réglementation RTAA DOM ne soit pas applicable à Mayotte à ce jour ; ils demandent un bilan et un retour d'expérience de la charte « Mayénergie plus » de 2013 afin d'évaluer les bâtiments construits selon cette charte, et aspirent à « une règlementation à la hauteur des enjeux contemporains dans ce domaine, avec les aides et financement qui vont avec ».
F. L'ACCOMPAGNEMENT DES COLLECTIVITÉS
1. Des témoignages positifs sur certaines structures locales
La mission d'information a reçu des témoignages encourageants sur la qualité de l'accompagnement dont ont bénéficié certaines collectivités dans leur démarche de rénovation, confirmant l'intérêt de structures mises en place au niveau local :
- « L'ensemble de nos bâtiments scolaires ont été rénovés en 2017 et 2018. Nous avons bénéficié d'un accompagnement financier important grâce aux soutiens techniques apportés à la fois par l'Agence Technique Départementale 71, le Parc du Morvan et la Sous-Préfecture. Grâce à ces appuis, nous avons bénéficié de précieux conseils également sur la partie technique pour la rénovation de nos bâtiments et notamment pour tout ce qui concerne l'isolation, l'eau chaude sanitaire solaire... » ;
- « Le Syndicat des énergies de la région lyonnaise a mis en place un dispositif de préfinancement ainsi qu'un dispositif pour aider à l'obtention des subventions. » ;
- « Le Sdec (syndicat départemental des énergies) dans le département de la Creuse joue parfaitement le rôle d'accompagnateur des collectivités : réalisation des diagnostics, appui administratif (marchés publics, demandes de financements...), appui technique (analyses des besoins, des offres...), appui financier (subventions) » ;
- « Nous avons été très bien conseillés par le CEP de notre EPCI, qui a pris du temps pour nous donner les informations nécessaires. C'est une très bonne aide. Les communes voisines partagent mon avis. » ;
- « Sur la Métropole grenobloise, c'est l'ALEC, l'outil mis à disposition des communes. Nous en sommes très satisfaits, leurs diagnostics sont pertinents. »
2. Les structures d'accompagnement fréquemment citées
Un certain nombre de réponses font état de travaux entrepris par la commune elle-même, notamment lorsque des compétences existent au sein du conseil municipal : « tout seuls comme des grands », « aucun accompagnement »...
Lorsque des structures sont citées, il s'agit le plus souvent des institutions suivantes : ALEC, ADEME, bureaux d'études, « entreprises locales », CAUE, cabinets privés (« AMO spécialisé dans les écoles qui travaille dans la région et a de bonnes références »).
Certains témoignages mentionnent aussi le soutien de la sous-préfecture.
En ce qui concerne les structures locales citées de manière positive (entre autres exemples : « Les bonnes pratiques à ma connaissance, c'est l'accompagnement du SDEC - syndicat départemental de l'énergie pour le département du Calvados »), on note la mention récurrente des syndicats départementaux de l'énergie (Calvados, Allier, Côte d'or, Creuse, Oise, Savoie...) ; des parcs naturels (Parc naturel de l'Avesnois ; Parc naturel régional du Luberon ; Parc du Morvan) ; des agences de l'eau, d'agences techniques départementales, d'agences d'ingénierie départementales (Corrèze ingénierie, ADICA - Agence départementale d'ingénierie pour les collectivités de l'Aisne-, FIA - Finistère ingénierie assistance...) et, enfin, des autres collectivités (départements, régions, EPCI, communautés de communes, pays).
On note la rareté des réponses (deux seulement) mentionnant le recours à la Caisse des dépôts et la Banque des territoires (« Nous avons été fortement intéressés par le projet 1 000 écoles de la Banque des territoires, mais a priori il n'y a pas de réelles aides ») ou à un CEE ; la même remarque vaut pour le CEREMA et l'ANCT.
Lorsque les collectivités recourent à plusieurs structures d'accompagnement, les formules suivantes sont citées :
Cabinet d'ingénierie et SDE
CEP et architecte
CEP et région
Cabinet d'architectes et bureau d'études
Syndicat départemental de l'énergie + ADEME
ALEC, ADEME et CEP
CEP, architecte et bureau d'études thermiques
ADEME + CEP + Cabinet d'étude
CEP et économe de flux avec la participation de l'ADEME
Cabinets d'études + ADEME
« Cabinet d'architecte, bureau d'études spécialisé, service environnement de la commune, société d'économie mixte de la ville »
CAUE et agence technique départementale
Économes de flux, CEP, cabinets d'études, architectes, ALEC
ADHUME du Puy-de-Dôme et Conseil départemental
Agence départementale d'ingénierie territoriale du Puy-de-Dôme et ADHUME
France rénov, ADEME et FNCCR
CEP puis audit dans un accord-cadre avec la FNCCR
S'agissant des CEP, une réponse souline la nécessité de « consolider » leur rôle et d'« assurer leur portage financier », rappelant qu'ils sont « financés par l'ADEME jusqu'en 2023 ».
L'ADEME est diversement appréciée : « difficulté à identifier un interlocuteur, avons fini par abandonner à force d'être réorientés continuellement vers de nouveaux interlocuteurs » ; « L'ADEME est inaccessible, seule l'EPCI a pu nous aider avec notre MO » ; « Les conditions des organismes comme l'ADEME sont trop contraignantes, changent tout le temps. Ces organismes ont leurs règles et ne sont pas à l'écoute de nos besoins ».
La même remarque vaut, dans une moindre mesure, pour :
- les ALEC : « Nous en sommes satisfaits, leurs diagnostics sont pertinents » ; « Bon : économes de flux mutualisés avec l'EPCI ; mauvais : tous les acteurs externes, et notamment les ALEC et autres conseillers en rénovation énergétique » ;
- et les bureaux d'études, dont la compétence est parfois mise en cause par des témoignages évoquant « des projets de plus en plus coûteux, avec des chargés d'étude et des maîtres d'oeuvre dont la seule préoccupation est d'ordre financière, sans aucun accompagnement correct des élus » et attirant l'attention de la mission d'information sur « les études de faisabilité dans le domaine thermique des bâtiments, bien souvent réalisée par des bureaux d'études qui ont peu de compétence opérationnelles et dont les propositions ne sont pas applicables dans la réalité ». À l'inverse un autre témoignage appelle les communes à s'appuyer sur des « bureaux d'études privés efficaces et performants ».
Divers témoignages soulignent au titre des bonnes pratiques la mutualisation avec les intercommunalités : « S'appuyer sur les syndicats de l'énergie et les intercommunalités : autrement dit là où il y a de l'expertise et de des compétences techniques, à même d'accompagner les collectivités, notamment petites, dans leur transition énergétique ».
Une collectivité appelle en matière de bâtiments scolaires à l'édition d'un « guide de bonnes pratiques, notamment pour l'utilisation des matériaux impactant la qualité de l'air ».
Enfin, de rares réponses regrettent que l'éducation nationale ne soit pas aux côtés des communes pour conduire ces travaux : « L'intervention d'un spécialiste de l'éducation nationale serait de bon conseil » ; « Peu de moyens engagés par l'éducation nationale pour informer et aider les communes à la mise en oeuvre des recommandations qui varient d'un secteur du rectorat à un autre » ; « difficultés pour prendre contact avec l'éducation nationale ».
3. L'organisation de l'accompagnement en question : trop de guichets, beaucoup de conseils, des exigences opérationnelles parfois insuffisantes
Certaines réponses soulignent le nombre trop important de guichets disponibles : « On se trouve isolé devant les multiples guichets, interlocuteurs et financeurs (subventions et prêts) » ; « Il y a suffisamment d'interlocuteurs » ; « trop d'interlocuteurs et pas assez de financements » ; « difficultés à trouver le bon interlocuteur technique pour être bien conseillé et prioriser les actions ».
Des élus mettent en cause l'efficacité de ces trop nombreux interlocuteurs : « Des conseils à foisons, des préconisations, des aides pas vraiment » ; « Nous n'aurions pas pu faire ces travaux en faisant intervenir tout ce beau monde qui en général conseille mais n'assume pas le coût de leurs préconisations ».
Dans cet esprit, certains insistent sur la difficulté de prendre une décision face à des avis différents et contradictoires : « Sur les bâtis très anciens (1930) les experts ne sont pas d'accord sur ce qu'il convient de faire, certains disent d'isoler par l'extérieur, d'autres par l'intérieur, ne font pas la même proposition de matériaux isolants, et de plus les ABF ne sont pas d'accord pour modifier l'aspect extérieur du bâti. Nous sommes très démunis et ne savons pas finalement quelle est la meilleure solution ! Sans compter le prix, près de 1 millions d'euros pour un bâtiment comportant six classes ! ».
D'autres élus, appelant à une clarification du rôle des interlocuteurs, concluent à la pertinence d'un guichet unique.
4. Des critiques partagées sur l'accompagnement financier et l'attribution des subventions
De nombreuses réponses sont négatives à l'égard des aides et des démarches nécessaires pour en bénéficier, soulignant d'importantes difficultés en matière de pilotage budgétaire des projets de rénovation.
Parmi les critiques les plus fréquentes, on peut citer :
- la difficulté de respecter les critères de performance énergétique auxquelles sont subordonnées ces aides et appellent à arrêter « de demander des chiffrages sur les gains de performance énergétique précis attendus, ce qui rallonge encore les dossiers et est très compliqué à calculer quand c'est une rénovation partielle » ;
- le coût que représente la part des travaux autofinancés pour les communes : « financer rien que 20% des travaux pour une rénovation complète revient très cher pour une petite commune » ;
- l'insuffisance des aides : « aide de l'État ridicule par rapport au montant des travaux entrepris » ;
- les incertitudes sur le montant des subventions : « les subventions n'étant pas forcément garanties, il est difficile de prévoir le réel reste à charge de la commune sur un projet à engager. C'est aussi un frein non négligeable dans les prises de décision » ;
- l'opacité des critères d'attribution de ces subventions : « Avant nous avions un pourcentage précis sur l'intervention de l'État dans chaque domaine, aujourd'hui on nous indique sur la DETR des pourcentages de 20 à 60 % au bon vouloir du préfet sans plus de précisions sur quelle base sont calculées ces aides » ;
- l'impossibilité d'anticiper « la part exacte des aides de l'État », ce qui empêche de présenter un plan de financement ;
- une certaine perplexité sur les critères de la DETR et du fonds vert : « Nous avons déposé une DETR pour la transition énergétique des bâtiments communaux (dont les bâtiments scolaires) et du stade municipal. Les services de l'état nous ont demandé de basculer cette demande en demande de FONDS VERT. Nous avons sollicité le FONDS VERT pour la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux pour 25 762€ et on nous demande une étude pour compléter notre demande (qui n'était pas nécessaire pour la DETR) qui va nous coûter 8 000€. Les études et les diagnostics représentent des sommes importantes pour les petites communes » ;
- les difficultés à « coordonner les aides (DETR, CD19, Fonds verts) avec les possibilités budgétaires de la collectivité » ;
- les contraintes liées aux délais : « les délais imposés par l'UE (sont) impossibles à tenir » pour bénéficier d'aides européennes ;
- la temporalité liée aux appels à projets : « (Il faudrait) surtout aller plus vite en donnant des réponses aux demandes au moins quatre fois par an et non une fois par an » ; « arrêter les appels à projets (...) qui mobilisent beaucoup de monde pour des résultats longs à obtenir (...) inaccessibles à la plupart des petites collectivités » ;
- l'« incompatibilité des délais entre le vote des budgets, les dates de dépôt des dossiers, les réponses des financeurs et le démarrage souhaité des travaux, les travaux n'étant possibles que pendant les vacances scolaires (juillet/août) ! ».
Des élus demandent ainsi régulièrement une meilleure information sur les aides mobilisables, condition de l'amélioration du dispositif d'accompagnement des collectivités territoriales, ainsi qu'une prise en compte, dans le traitement des dossiers, des contraintes de calendrier des collectivités : « dépendant des subventions en situation professionnelle tendue, nous aimerions obtenir des réponses des institutionnels plus rapides (région surtout, département) » ; La lenteur du traitement des dossiers de subventions par la région « met fortement en péril le financement des projets et, de fait, la trésorerie des collectivités qui sont dépendantes de ces aides ». On notera que cette critique n'est pas réservée aux subventions de l'État, mais concerne aussi les régions.
5. Des démarches trop complexes pour accéder aux subventions : « parcours du combattant », « usine à gaz »
De nombreux élus critiquent la complexité du parcours des collectivités souhaitant bénéficier d'une subvention pour rénover leur bâti scolaire.
Les subventions recherchées sont diverses : DETR, DSIL, Fonds verts, auxquels s'ajoutent les financements mis en place par les départements et régions.
Or la complexité des démarches à entreprendre pour accéder à ces subventions est régulièrement mentionnée : « Le Fonds vert est d'une complexité extraordinaire » ; « Des subventions sont proposées par l'État, la Région et le département, mais les dossiers à établir sont un véritable parcours du combattant ! Et il faut rédiger un dossier particulier pour chaque demande ! Ainsi, pour changer les lampadaires et les équiper avec des ampoules LED doit-on fournir, entre autres choses, le bilan thermique de la commune. Le coût pour mandater un cabinet d'études qui pourrait l'établir devrait être de 4 000€ pour une subvention espérée, mais hypothétique, de 6 000€ ».
« Tout est trop long : études, architecte, permis, subventions, calcul du reste à charge, appel d'offres, chantier, surcoût lors de la rénovation, révision de prix... Il faudrait dès le début avoir la certitude du reste à charge, mais en terme de rénovation c'est rarement possible. Il faudrait que les subventions soient versées rapidement et facilement pour ne pas impacter la trésorerie de la commune ».
6. Un appel à simplifier ces démarches
Certaines réponses suggèrent l'allègement des démarches (« il faudrait un cahier des charges unique pour les subventions ») ; l'amélioration de l'information des élus par l'élaboration de « fiches claires et détaillées de quelle subvention pour quel type de travaux et indiquer l'interlocuteur, les taux accordés, si cumulable avec d'autres financements pour permettre aux petites collectivités de s'y retrouver pour préparer un éventuel projet, et non s'engager à tort dans un projet pour lequel, finalement, elles n'auront pas d'aides financières de l'État ».
Une logique de guichet unique ou de guichet d'entrée simplifié est régulièrement mentionnée pour améliorer le dispositif : « Nous nous débrouillons seuls, sans approche globale et concertée : à quand un grand service public d'aide à la transformation énergétique, simple et rapide ? » ; « J'avais espoir que le CRTE (contrat de relance et de transition écologique) puisse, à terme, faire office de guichet unique. Espoir déçu... »
Certains élus expriment toutefois des réticences si cette formule doit revenir à « limiter les aides » ou à « créer une couche administrative supplémentaire qui au final va nous compliquer la tâche ou ralentir les processus ».
Une collectivité appelle à la mise en place d'« une seule porte d'entrée, avec des diagnostics gratuits et un état des lieux permettant aux collectivités de faire des choix et de savoir l'investissement nécessaire et les subventions possibles » ; une autre estime « judicieux que l'on puisse identifier un interlocuteur (institution) unique pour la mise à niveau de nos établissement scolaires, qui puisse nous orienter sur les accompagnements accessibles en fonction des projets ».
Un autre témoignage suggère, plutôt que de créer un guichet unique, de « simplifier toutes les procédures (exigences quant aux diagnostics préalables, dossiers de demande de financement, etc...). Le lancement du Fonds Vert est un exemple d'actualité : la communication a été large et bien faite, mais que de complexité et d'exigences pour le montage des dossiers... »
7. Les effets pervers des aides
Certaines réponses font état d'interrogations sur les critères d'attribution de certaines aides : « Cette année, notre projet de réfection-isolation toiture ne semble pas éligible au Fonds Vert par non-atteinte de l'objectif de 30 % d'économies = les communes "vertueuses" qui ont anticipé et étalé les dépenses se trouvent pénalisées... »
Dans le même esprit, un témoignage salue l'effort effectué en faveur de Marseille, tout en notant que celui-ci est rendu nécessaire par « un choix politique de sous-investissement chronique » dans une ville « qui n'a rien fait pour ses écoles pendant des années », alors que les « villes vertueuses (...) qui investissent massivement (...) ne sont pas encouragées »272(*). Dans cette logique, l'auteur de la réponse suggère que l'État verse une part du budget d'investissement des villes en faveur du bâti scolaire : cet abondement serait « fléché sur la rénovation énergétique des écoles » « avec un contrat clair et simple », ce qui garantirait une « prime » aux villes qui ont fait le choix d'investir dans leurs écoles et constituerait une « forme de justice pour éviter ce sentiment que seuls les "mauvais élèves" sont aidés massivement ».
« Les subventions sont conditionnées à des taux de réduction de consommation trop importants » (30 % pour le fonds vert), ce qui pénalise les communes qui ont régulièrement investi dans la maîtrise de l'énergie : « dans le cadre du fonds vert, nous ne sommes pas éligibles, car nous n'avons pas 30 % d'économie à réaliser... nous sommes vertueux et donc perdants pour continuer à investir ».
En outre, les aides sont difficiles à obtenir pour du bâti neuf, ce qui ne semble pas compréhensible : « Les subventions sont orientées en grande majorité vers les rénovations. Mais quand ces dernières sont impossibles à réaliser, difficile de trouver des aides suffisantes pour un bâtiment neuf, même si ce dernier est éco-responsable » ; « Aujourd'hui, la majorité des financements (fonds verts, DETR, ...) sont orientés sur la rénovation de l'existant et difficiles d'accès pour de la construction neuve. Sauf qu'avec 180 élèves dans 8 classes, dans un bâtiment où il est nécessaire de refaire l'isolation, le chauffage, l'électricité, le désamiantage..., il serait plus intelligent au titre des finances publiques de réaliser un bâtiment neuf. Or les fonds verts sont refusés sur ce type d'opération ! ».
8. Le rôle de l'État diversement apprécié
Certaines réponses témoignent d'une demande d'implication plus affirmée de l'État et appellent à une mobilisation plus importante de celui-ci en faveur de la rénovation des écoles : « Face aux besoins de toutes les communes (en matière de rénovation énergétique des écoles), il faudrait que ces actions soient réalisées en coordination avec l'État, plutôt que commune par commune ».
Certains appellent à la mise en place d'un grand plan ambitieux assorti de financements adéquats.
L'engagement auquel des élus aspirent est d'ordre économique (« On doit atteindre les 80 % de financement systématiquement »), administratif (on rejoint la question de l'accompagnement : « Mieux équiper les préfectures et sous-préfectures en personnes pouvant nous accompagner directement dans l'élaboration de nos projets sans passer par des structures tierces ») et s'inscrire dans une stratégie globale ambitieuse (« Ces dossiers traînent, nous rénovons par petites touches, mais la France doit se doter d'écoles modernes, bien isolées, avec des cours végétalisées garantissant un cadre agréable aux enfants. Mettons l'argent dans ces politiques plutôt que dans des tablettes numériques qui sont caduques au bout de 3 ans. Je pense donc qu'il faut un plan : GUICHET UNIQUE + POLITIQUE DE RENOVATION AMBITIEUSE + SUBVENTIONS ET AVANCE DE TRESORERIE »).
Plus rarement, certains élus, s'interrogeant sur les compétences des collectivités territoriales en matière de bâti scolaire, estimeraient souhaitable de confier à l'État les responsabilités que la décentralisation a transférées aux communes : « Franchement, pourquoi c'est aux collectivités locales de supporter les frais des bâtiments scolaires et pas au ministère de l'éducation nationale ? Pourquoi doit-on acheter les fournitures pour les professeurs et pas l'éducation nationale ? Finalement c'est plus facile de ne pas avoir d'école dans sa commune ! ».
Dans un esprit similaire, un élu commente les conséquences, en termes d'inégalités, des compétences attribuées aux collectivités territoriales en matière de bâti scolaire : « Il est urgent de mettre nos écoles aux normes pour garantir l'éducation de nos élèves. Le ministère de l'éducation est en retard sur tout (lycée, collège, école). Cette compétence nous a été attribuée, mais cela prend trop de temps et surtout de grandes inégalités existent ».
Cette aspiration à un engagement plus fort de l'État n'est toutefois pas unanimement partagée : « Si l'État savait faire, ça se saurait ! ». Dans cet esprit, l'aspiration à un guichet unique en matière d'accompagnement des communes ne serait pas le bienvenu si cette organisation était confiée à l'État « ou à un organisme de l'État ».
VI. COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS
Déplacement
en Meurthe-et-Moselle
Jeudi 13 avril 2023
Programme :
- table ronde à la préfecture de Meurthe-et-Moselle sur l'accompagnement des projets de rénovation du bâti scolaire
- visite de l'école primaire de Richardménil
- visite du chantier de l'école maternelle du Vieux-Moulin (Rosières-aux-Salines)
I. COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE À LA PRÉFECTURE273(*)
M. Arnaud Cochet, Préfet de Meurthe-et-Moselle, a rappelé la priorité que constituent les bâtiments scolaires pour l'État et la nécessité de mettre en place des leviers de financements cohérents.
M. Jean-Marie Mizzon, président et Mme Nadège Havet, rapporteure, ont exposé les méthodes de travail de la mission d'information et les questions posées aux intervenants : quelles sont très concrètement les différentes étapes du parcours d'un maire conduisant un projet de rénovation d'école ? Compte tenu de la multiplicité des acteurs et des leviers financiers, comment les élus sont-ils accompagnés dans leurs projets de rénovation ou de construction du bâti scolaire, qu'il s'agisse de l'expertise technique ou des aspects financiers ? Comment tous les acteurs, dans leur diversité, travaillent-ils ensemble pour coordonner et articuler les dispositifs d'accompagnement technique et les leviers de financement susceptibles d'être mobilisés par les collectivités territoriales ?
M. Jean-François Husson, sénateur et conseiller régional, est intervenu au nom de M. Franck Leroy, président de la région Grand Est, pour présenter l'engagement de la région dans la performance énergétique des bâtiments scolaires.
M. Husson a, tout d'abord, souligné l'importance de l'immobilier : « la première mission donnée historiquement dans le cadre de la décentralisation est celle de la gestion de l'immobilier » : pour le Conseil régional, ce sont 235 lycées publics à gérer sur les 354 que compte le territoire, et « plus de 5 millions de m2 à entretenir, sécuriser, rénover ».
La région subit donc de plein fouet les conséquences de la crise énergétique : le budget dédié aux fluides, pour les seuls lycées, est ainsi passé de 40 millions d'euros en 2021 à 61,5 millions en 2022, la facture devant largement dépasser 100 millions d'euros en 2023.
L'ambition de la région Grand Est est ainsi de « faire de ses lycées les vitrines d'une transition écologique réussie », afin d'encourager les jeunes à agir de manière responsable sur le plan écologique.
Indépendamment de cet enjeu d'exemplarité, l'action de la région répond aux objectifs suivants :
- réduire la facture énergétique pour conserver une capacité à investir dans les établissements et à soutenir les projets pédagogiques, car « les économies d'aujourd'hui sont les moyens des établissements de demain » ;
- accompagner la transition écologique, qui constitue « la priorité de toutes les politiques de la région Grand Est » : « la première des économies, c'est l'écologie ! ».
L'action de la région vise aussi à respecter ses obligations juridiques :
- rénovation thermique de tous les bâtiments existants au niveau BBC (« Bâtiment Basse Consommation ») à l'échéance 2050 (loi Transition énergétique pour la croissance verte) ;
- réduction de 60 % des consommations énergétiques (en énergie finale) à échéance de 2050, avec un premier objectif de réduction fixé à 40 % avant 2030 (loi ELAN portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique).
Après un premier plan « Lycées verts » doté de plus de 93 M€ qui a débuté en 2021, de nouvelles orientations ont été votées, en juin 2022, à hauteur de 450 M€, dont :
- 250 M€ pour accélérer le plan « Lycées verts », avec notamment la rénovation en priorité des toitures destinées à accueillir les installations Solar'Est ;
- 135 M€ pour engager le programme Solar'Est, qui couvrira les toits de plus de 200 lycées avec 1,5 million de m2 de panneaux photovoltaïques, dont la production permettra d'arriver à zéro consommation d'énergie nette ;
- 43 M€ pour le plan Néolux afin de transformer, d'ici 5 ans, l'intégralité des lampes des lycées en éclairages LED, afin de réaliser 50 % d'économie des consommations liées à l'éclairage ;
- 12 M€ pour poursuivre le raccordement des établissements aux réseaux de chaleur collectifs ;
- 10 M€ pour déployer des régulateurs de tension et diminuer la consommation d'électricité globale des lycées.
Enfin, dans le récent rapport « Réseau des Lycées », voté le 23 mars dernier en séance plénière, la région a engagé 227 M€ pour la modernisation des lycées accueillant de nouvelles formations.
La région investit donc pour des lycées plus sobres. M. Husson a cité, à titre d'exemple, 18 M€ destinés au Lycée Ernest Cuvelette à Freyming-Merlebach : outre 500 m² de nouveaux plateaux techniques, l'établissement sera rénové et des panneaux solaires installés.
Enfin, il a développé le soutien attribué par la région aux autres blocs de collectivités territoriales dans la transformation et l'adaptation du bâti scolaire, au travers des dispositifs « Cohésion des Territoires » et « Rénovation énergétique ».
Au titre de la politique de résorption des friches, M. Husson a mentionné l'exemple de la création d'un complexe scolaire et périscolaire dans une ancienne caserne militaire, subventionnée par la région à hauteur de 300 000 € (votée en CP du 24 juin 2022), les autres partenaires fonciers étant l'État (856 290 €) ; le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle (300 000 €) ; la CAF (220 000 €) ; le syndicat départemental de l'électricité de Meurthe-et-Moselle (15 364 €) et Climaxion (50 000 €).
Au titre de son partenariat dans le cadre du Pacte Bois-Construction, qui s'inscrit pleinement dans les objectifs et ambitions bas carbone que la région porte, la région s'engage ainsi, en tant que maître d'ouvrage, à appliquer ce pacte sur son propre parc immobilier, principalement les lycées.
À travers le dispositif Climaxion, la région soutient les collectivités et les associations dans la rénovation énergétique de leur patrimoine, en finançant les phases de diagnostic ou études de faisabilité :
- pour accompagner les publics cibles des dispositifs Climaxion dans leurs démarches de rénovation énergétique, la région déploie sur son territoire 12 chargés de mission Transition énergétique, basés dans les Maisons de région ;
- ce dispositif a pour but d'inciter les maîtres d'ouvrage à réaliser des rénovations performantes visant le niveau de performance BBC, au-delà des réglementations thermiques en vigueur qui fixent un seuil minimal ;
- dans le cadre de son partenariat avec l'ADEME, la région finance des postes de CEP (conseillers en énergie partagés), postes mutualisés proposés aux petites et moyennes collectivités (moins de 10 000 habitants) ne disposant pas de compétences en interne. L'ADEME Grand Est et la région Grand Est animent ainsi un réseau Grand Est comptant environ 30 CEP pour 9 départements.
Enfin, en tant qu'autorité de gestion des Fonds européens, la région permet le déploiement d'aides supplémentaires : le programme REACT-EU (Plan de relance FEDER) peut également financer des projets de rénovation de bâtiments publics (critère BBC ou BBC par étapes), les aides REACT-EU et Climaxion étant cumulables sur ces projets.
Les interventions suivantes ont concerné l'accompagnement des projets de rénovation énergétique des collectivités en matière d'ingénierie technique et financière.
Le rôle des conseillers en énergie partagés (CEP) a été développé à partir du témoignage de M. Étienne Maire, conseiller en énergie partagé du Pays du Lunévillois, accompagné de M. Jacques Lavoil, vice-président au Pays du Lunévillois en charge de la transition énergétique.
M. Maire a, tout d'abord, fait observer que l'accompagnement des collectivités fonctionnait différemment en fonction du territoire et de la structure porteuse (grosses agglomérations/milieu rural, syndicat d'énergie/ALEC), chaque territoire ayant sa propre dynamique en la matière.
M. Maire a relevé que l'entrée dans le système des CEP était souvent inspirée par des questions financières. L'échange avec un CEP vise à envisager les besoins de la collectivité et à apporter des réponses à ses interrogations, en essayant d'élargir la « commande » à d'autres problématiques, une consultation portant sur le chauffage pouvant par exemple déboucher sur des préconisations en matière de renouvellement de l'air. Sur ce point, M. Maire a noté une ignorance fréquente des obligations réglementaires en matière de qualité de l'air intérieur et l'importance du travail à accomplir en la matière dans de nombreux bâtiments pour assurer un bon renouvellement de l'air, les systèmes de VMC décentralisée double flux pouvant constituer selon lui une solution pertinente pour assurer une bonne qualité de l'air dans une classe.
M. Maire a insisté sur la nécessité, en matière de rénovation des bâtiments, d'une démarche globale intégrant aux projets non seulement les bâtiments, mais aussi les aménagements extérieurs, en posant non seulement la question des consommations énergétiques, mais aussi de production d'énergie renouvelable, de gestion intégrée et durable de l'eau ainsi que d'accessibilité. Cette méthode permet, en effet, selon M. Maire, un coût global réduit et une optimisation des leviers de financement mobilisables aux niveaux départemental, régional et national.
Ainsi, en trois ans (depuis mars 2020), un travail de fond, qui a démarré avec les nouvelles équipes municipales, a été accompli dans 26 communes.
M. Guillaume Lavier, directeur de l'Agence locale de l'énergie et du climat de Nancy-Grands territoires, a ensuite présenté le statut et le rôle des ALEC, « associations à but non lucratif, créées à l'initiative des collectivités territoriales en partenariat avec les acteurs locaux de l'énergie et du bâtiment et de la qualité environnementale de l'habitat ». Elles sont financées par fonds publics (ADEME, régions, autres collectivités territoriales et leurs groupements) et constituent des « outils de conseil et d'expertise neutre et indépendant pour aider tous les consommateurs à maîtriser et réduire leur consommation énergétique ».
L'ALEC de Nancy-Grands territoires agit sur trois intercommunalités dans des territoires divers (urbain, périurbain et rural). Deux conseillers en énergie partagés (CEP), déployés sur le territoire depuis 2010, couvrent 71 collectivités adhérentes (69 communes et deux communautés de communes : l'équivalent de 120 000 habitants), dont la contribution est fixée à un euro par an et par habitant. Les CEP exercent une « compétence "énergie" mutualisée » qui permet aux communes ne disposant pas de services ou de personnels qualifiés d'accéder à l'expertise dont elles ont besoin dans le domaine de l'énergie.
La mission des CEP est de faciliter les économies d'énergie :
- en interne, par des actions de formation, de sensibilisation et de conseil (l'ALEC peut ainsi signaler aux services comptables des factures manquantes, des erreurs de facturation et des dérives de consommation) ;
- à l'égard des partenaires de la collectivité, en aidant à négocier et optimiser les contrats de fourniture d'énergie, à mieux cibler les commandes passées aux bureaux d'études et aux entreprises et à définir un cahier des charges précis pour les assistants à maîtrise d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre.
M. Lavier a exposé les chiffres clé de l'ALEC de Nancy-Grands territoires :
- 261 000 m2 de bâtiments communaux suivis, dont 70 bâtiments scolaires ;
- travaux réalisés sur 83 bâtiments publics, dont 33 équipements scolaires ;
- 1 513 compteurs (et 38,5 GWh d'énergie finale) ;
- 102 655 m3 d'eau potable pour 336 000 euros ;
- 3,1 millions d'euros de fluides ;
- émissions de GES : l'équivalent, selon M. Lavier, des émissions de 1 150 logements chauffés au fioul, de 1 900 logements chauffés au gaz, de 8 500 logements chauffés à l'électricité, de 25 000 logements chauffés au bois.
L'intervention des CEP se répartit entre des actions « de base », qui sont identiques pour toutes les communes, et des actions « à la carte », personnalisées, selon les attentes de chaque commune.
En d'autres termes, a noté M. Lavier, le CEP est un « facilitateur d'économies d'énergie au sein d'une commune ».
Fournissant des exemples concrets d'intervention des CEP, M. Lavier a cité des actions de sensibilisation des usagers, qui s'adressent à des agents communaux et à des utilisateurs réguliers ou occasionnels des bâtiments et visent à leur faire prendre conscience de l'importance des dépenses d'énergie dans le budget de la commune et à cibler les « éco-gestes ». « Lorsqu'on présente la facture d'énergie à des personnes qui ne la paient pas, on peut obtenir des résultats qui ne sont pas anecdotiques sur le montant de ces dépenses, en inspirant par exemple des comportements plus économes en termes de chauffage », a estimé M. Lavier. Il a également mentionné des actions d'animation réalisées dans trois écoles, en partenariat avec le CPIE (Centre permanent d'initiatives pour l'environnement) Nancy Champenoux, pour essayer de réduire d'au moins 8 % la consommation énergétique en faisant de la classe « un laboratoire pédagogique de la mise en place de solutions concrètes d'économies d'énergie ».
S'agissant d'interventions plus techniques, M. Lavier a cité des exemples d'actions relevant de la fourniture d'énergie (optimisation tarifaire, la mise en concurrence de fournisseurs de gaz et d'électricité), de la performance énergétique (remplacement de chaudières, de menuiseries, optimisation de l'éclairage...) ou de l'exploitation (enregistreurs de température...). « En prenant le temps de regarder et contrôlant les factures, on peut rectifier des erreurs parfois importantes et récupérer des sommes non négligeables », a estimé M. Lavier.
Il a, par ailleurs, commenté l'appui des CEP au montage de dossiers d'aides financières (certificats d'économie d'énergie, DETR, DSIL, Climaxion, contrat territoire solidaire).
Selon M. Lavier, le bilan du CEP est favorable :
- depuis 2012, « un euro investi dans le CEP a contribué à générer 2,9 euros d'économie d'énergie ; 1,7 euro d'aides financières et 9,5 euros d'investissement » ; « le cumul des économies engendrées est de 2,67 millions d'euros » ; le CEP a contribué à rassembler 1,55 million d'aides et de subventions pour 8,73 millions d'euros d'investissement local dans les économies d'énergie ;
- chaque année, les CEP permettent environ 520 000 euros d'économie (chiffres 2020).
En conclusion, M. Lavier a estimé que si les bâtiments scolaires occupent une place importante et symbolique dans le patrimoine des communes, ils ne sont pas les plus grands consommateurs d'énergie du fait d'un taux d'utilisation relativement faible (de 8 heures à 18 heures quatre jours par semaine, pas d'utilisation les fins de semaine ni pendant les congés scolaires), une priorité pour générer des économies pouvant être selon lui d'agir sur l'éclairage public.
S'agissant de la difficulté des élus à trouver la structure d'ingénierie susceptible de les aider à mener à bien leurs projets de rénovation du bâti scolaire, M. Lavier a fait valoir que les différents acteurs de cet accompagnement étaient en mesure de travailler ensemble (l'ALEC intervenant ainsi avec le CAUE et Atmo Grand Est) et qu'il y avait trop de travail pour qu'ils agissent comme des concurrents. M. Lavier a plaidé pour un « guichet unifié, simple d'accès », fonctionnant comme une « boîte à outils pour les communes », plutôt que pour un guichet unique.
Mme Maud Guyot, chargée de mission Transition énergétique à la région Grand Est, en charge de l'animation et du suivi du réseau des conseillers en énergie partagés, est ensuite revenue sur le réseau des CEP, notant qu'un poste de conseiller peut accompagner 25 à 30 communes, ce service mutualisé présentant donc un « fort potentiel ». La région Grand Est, en coordination avec l'ADEME régionale, accompagne donc les structures qui souhaitent créer un poste de CEP, l'enjeu étant la pérennisation de celui-ci, chaque CEP étant supposé s'autofinancer au terme d'un délai de trois ans. Le nombre de CEP reste inférieur aux demandes et l'on constate en la matière des files d'attente.
Mme Guyot a précisé que les économes de flux, relevant du réseau Action des Collectivités Territoriales pour l'efficacité énergétique (ACTÉE), relevant de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies ( FNCCR), présentent le même profil de thermicien que les CEP, les uns comme les autres étant difficiles à recruter. Elle a souligné la complémentarité des missions des économes de flux et des CEP : lorsque les CEP et les économes de flux sont déjà présents sur le même territoire, les CEP interviennent lors des phases de repérage, de conseil et de diagnostic, les économes de flux ACTÉE prenant en charge le développement de l'ingénierie financière, l'accompagnement des collectivités dans la réalisation des travaux ainsi que le suivi après travaux, jouant également un rôle dans le suivi de la maîtrise d'oeuvre et les aspects juridiques du projet. Toutefois, dans les territoires où seuls sont présents les CEP, ceux-ci assurent les deux niveaux de conseil et d'accompagnement.
S'agissant de la coordination des dispositifs d'aide au niveau régional, Mme Guyot a présenté l'exemple de la Meuse, où les différents financeurs (préfecture, région, département et EDF) ont fait des efforts de coordination pour améliorer la cohérence des différents dispositifs d'aide. Dans cet esprit, les différents financeurs s'appuient sur le même référentiel technique que Climaxion : les élus « entendent le même discours », quel que soit le guichet.
M. Lavier est alors revenu sur les économes de flux et les CEP, insistant sur les différences liées au financement de ces réseaux (ADEME et régions pour les CEP, ACTÉE et contrats de performance énergétique pour les économes de flux), M. Lavoil insistant sur la nécessité de pérenniser les emplois de CEP. Selon M. Husson, un poste de CEP doit s'autofinancer par les économies d'énergie réalisées. Mme Guyot a rappelé à cet égard que la moitié des 30 CEP exerçant leur mission dans le Grand Est s'autofinançaient désormais. Des territoires demandaient un second poste, signe de leur satisfaction et de l'efficacité du travail effectué par les conseillers, mais « la pénurie de candidats constitue un frein au recrutement : un effort de formation doit donc être mis en oeuvre dans ce domaine », a-t-elle conclu.
M. Olivier Becker, directeur des collectivités territoriales et de la citoyenneté, a ensuite présenté les différents leviers financiers mobilisables auprès de la préfecture : DETR, DSIL et Fonds vert.
Il a relevé l'importance des projets concernant des établissements scolaires au sein des projets bénéficiaires de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), cumulable avec la DSIL.
De 2017 à 2022, 160 projets ont bénéficié de la DETR dans le département, soit 7,4 M€ de subventions ayant contribué à financer 22,4 M€ de travaux.
Depuis 2022, le taux d'accompagnement est établi à 30%, sans plafond de subvention (de 2019 à 2022, le taux de subvention pour des travaux de construction et de rénovation scolaire et périscolaires était de 30 à 40% avec un plafonnement de 250 000 euros de dotation).
La commission départementale des élus devant donner un avis sur les projets retenus dont le montant de la subvention est supérieur à 100 000 € s'est réunie le lendemain de la table ronde274(*).
La DSIL accompagne, dans le domaine scolaire, les investissements concernant deux thématiques : la rénovation thermique, la transition écologique et le développement des énergies renouvelables d'une part, et, d'autre part, la création, transformation et rénovation de bâtiments scolaires.
La DSIL a contribué au financement de 62 projets depuis 2017, pour un coût total de 6,1 M€ de subventions et 20,3 M€ de travaux. À partir de 2019, le montant moyen des projets accompagnés a augmenté, jusqu'à atteindre 661 018 € en 2022, ce qui permet de favoriser les projets les plus structurants pour le territoire. En 2021, les crédits exceptionnels attribués au titre de la Relance ont permis de soutenir un grand nombre d'opérations de bâti scolaire (19 projets). Malgré la fin des crédits Relance, le niveau des soutiens des opérations (de l'ordre de deux millions d'euros par an) a été maintenu en 2021 et 2022, illustrant la priorité attachée aux travaux de transition écologique du bâti scolaire, parallèlement à une hausse du taux moyen d'accompagnement de ce type de projet.
Le Fonds vert mis en place en décembre 2022 est attribué selon un taux uniforme de 40% (identique au taux de DSIL). Il a pour objectif de contribuer à multiplier les projets d'investissement. Il est cumulable avec la DSIL et la DETR pour les projets concernant la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Actuellement, sur les 7 projets de rénovation énergétique accompagnés au titre du Fonds vert, pour un montant total de 13,8 M€ de subventions, un seul concerne un bâtiment scolaire (Fonds vert attribué : 725 000 euros pour un projet de 1,8 M€).
Selon M. Becker, afin de rationaliser les démarches exigées des collectivités en vue d'obtenir des financements et d'aider les porteurs de projets, un travail est mené entre la préfecture, le département et la région afin d'établir un même ensemble de pièces à fournir à l'appui du dossier de demande de subvention, ce qui doit constituer une simplification. Il est toutefois convenu de difficultés liées à la temporalité : la DETR et la DSIL fonctionnent selon la méthode de l'appel à projets, avec une même date limite fixée au 3 avril, le Fonds vert relevant quant à lui d'une instruction « au fil de l'eau ». « Toutes les dates ne sont pas alignées », a-t-il fait observer, notant que d'autres butoirs encore avaient été prévus pour les aides attribuées par la région. Un travail de terrain était donc à mener, d'après M. Becker, pour améliorer la cohérence des différents calendriers.
M. Fréderic Deruy, responsable du pôle Développement économique, habitat, mobilités à la Communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois, est revenu sur les difficultés auxquelles se heurtent les communes dans la conduite de leurs projets d'investissements, plus particulièrement les communes rurales confrontées à un « manque cruel d'ingénierie ». Ces difficultés tiennent notamment à la multiplicité d'acteurs susceptibles d'épauler les collectivités territoriales et à la diversité des dispositifs de financement.
Insistant sur la situation des « maires isolés », M. Deruy a plus particulièrement noté le manque d'information des communes sur l'existence de certains de ces acteurs, l'insuffisante coordination des dispositifs existants, la diversité des leviers et programmes actuellement mis en oeuvre dans les domaines intéressant les besoins d'investissement des communes, ainsi que la nécessité de simplifier les plates-formes dématérialisées et d'adapter la temporalité des appels à projets aux contraintes des communes.
Témoignant de son expérience au sein de la Communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois, territoire périurbain « satellite » de la métropole du Grand Nancy, qui compte quelque 30 000 habitants, M. Deruy a confirmé que l'aide dispensée aux communes par la Communauté de communes, qu'il s'agisse de la recherche de solutions de financement ou de l'accompagnement technique et administratif, correspondait à un véritable besoin.
Dans une logique de mutualisation destinée à « soulager les finances des communes », il a cité l'adhésion de la Communauté à l'ALEC, qui permet aux communes membres de bénéficier de l'accès aux services de l'agence au titre de la Communauté. Il a donc plaidé pour la création de cellules de coordination et de mutualisation pour mieux accompagner les maires dans leurs projets, dont le niveau territorial devait être précisé.
Mme Rose-Marie Falque, présidente de l'Association des maires de Meurthe-et-Moselle, a présenté le bâti scolaire du département, datant en majorité de l'après-guerre de 1914-1918 (« première reconstruction ») ou de la fin de la Seconde Guerre mondiale (« seconde reconstruction »). Un maire refait en moyenne une classe par an (plafond, peinture, électricité, fenêtres), a-t-elle estimé, notant que le coût du chauffage augmentait considérablement dans les « gouffres thermiques », en lien avec le triplement du prix du gaz constaté en janvier 2023.
Les besoins en investissements dépassent toutefois largement le seul cadre du bâti scolaire, a précisé Mme Falque, citant les dépenses engagées tout récemment pour la mise hors gel d'une église. « On arrive tout doucement à isoler les combles, les anciens appartements des enseignants... », a-t-elle relevé, indiquant que le département comptait peu d'écoles neuves, même si quelques regroupements sont prévus. À cet égard, elle a évoqué les réticences de certains élus à fusionner leurs écoles malgré un nombre parfois très limité de classes, soulignant que « l'école reste la priorité dans nos communes, avant même la voirie ». Elle a relevé les avancées permises par la participation du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) à l'étude des dossiers concernant le bâti scolaire candidats à la DETR, assurant une meilleure cohérence entre les projets des maires et les éventuelles perspectives de fermeture de classes ou d'écoles. En effet, les incertitudes sur l'avenir de leur école contraignent les décisions des maires en matière de rénovation énergétique.
En conclusion, Mme Falque a insisté sur le besoin des maires dans les domaines de l'ingénierie technique et de l'accès aux financements. Elle a posé la question de l'information des maires sur les dispositifs existants (tels que l'ALEC, le CAUE ou les CEP), insistant sur l'importance d'actions de formation des élus destinées à leur faire connaître ces divers leviers.
Mme Véronique Del Fabro, sénatrice, s'est réjouie que cette réunion permette de mettre en évidence l'apport de structures telles que l'ALEC et a estimé que l'amélioration de la formation des élus constituerait une illustration pratique de l'intérêt des rencontres favorisées par la mission d'information.
Mme Florence Picard, présidente de l'Association des maires ruraux de Meurthe-et-Moselle, est revenue sur les regroupements scolaires, en lien avec les évolutions démographiques, estimant que le bien-être de l'élève devait dominer en la matière, qu'il s'agisse des écoles ou du périscolaire.
Maire d'une commune de 150 habitants, elle a témoigné des « réalités de la ruralité », qualifiant les maires ruraux de « rois de la débrouille ». Elle a fait valoir que l'aide d'une secrétaire de mairie à raison d'une journée par semaine lui permettait difficilement de faire face aux exigences des demandes de subventions, aux demandes de devis et aux autres missions de son mandat. « Pour nous, la région, c'est déjà très loin », a-t-elle souligné, indiquant que la connaissance des opportunités offertes aux communes par la Région Grand Est pour mener à bien leurs projets d'investissement n'avait rien d'évident, et appelant à une meilleure coordination entre les dispositifs. « DSIL, DETR, Fonds verts, Fonds européens : c'est compliqué à l'échelle des communes rurales de s'y retrouver ».
M. Stéphane Rozzi, secrétaire général de la Fédération française du bâtiment de Meurthe-et-Moselle, a alors présenté le point de vue des professionnels du bâtiment.
S'inscrivant dans le sillage des annonces du Président de la République en novembre 2022, M. Rozzi a présenté la formation et le recrutement comme des enjeux majeurs des prochaines années, compte tenu des ambitions du plan de rénovation des écoles en cours de finalisation, dont la rénovation énergétique sera un axe majeur. Tant la FFB que la CAPEB sont attentives à la montée en compétence de leurs salariés et à leur qualification, indispensables pour que les entreprises garantissent la qualité des travaux.
M. Rozzi a toutefois estimé que la crise du logement neuf constituait un problème majeur, avec des conséquences importantes sur l'organisation de l'emploi dans le secteur. Compte tenu des perspectives ouvertes par la rénovation énergétique et la construction aux normes BBC, il faut selon lui « reprofiler les entreprises pour les faire passer du marché du neuf au marché de la rénovation énergétique », ce qui constitue un défi pour les petites entreprises. Selon le secrétaire général de la FFB 54, une telle évolution semble plus facile dans certains métiers (menuisiers, chauffagistes, électriciens), où il est possible de se former à la rénovation énergétique. La bascule est, en revanche, plus complexe pour les métiers de gros oeuvre tels que la maçonnerie.
Du fait des nombreux défis auxquels est confronté le secteur du bâtiment, la rénovation des bâtiments scolaires ne constituant qu'un aspect d'une problématique qui concerne également des secteurs tels que l'hôpital ou la justice, M. Rozzi a plaidé pour que la rénovation du bâti scolaire s'inscrive dans une perspective de moyen et long termes et soit coordonnée avec les autres projets impactant le bâtiment.
Il a appelé à la définition de priorités à l'échéance de 10, 15 et 30 ans et à l'élaboration d'une méthode de travail coordonnée entre l'État, les collectivités territoriales et les entreprises, afin d'éviter les difficultés liées à des chantiers désordonnés.
M. Cyril Pallares, responsable de la Direction opérationnelle de l'Association agréée de surveillance de la qualité de l'air (ATMO) Grand Est et Mme Bérénice Jenneson, responsable Unité surveillance et études réglementaires, ont précisé les enjeux du contrôle de la qualité de l'air intérieur dans le cadre scolaire.
Alors que l'on passe plus de 85 % de son temps dans des milieux clos, l'air intérieur est plus pollué que l'air extérieur. Les enfants passent environ 30 % de leur temps dans les établissements scolaires : l'enjeu de la qualité de l'air intérieur dans ces bâtiments est donc très important. Lors de travaux, le choix des matériaux illustre le risque de pollution intérieure.
M. Pallarès et Mme Jenneson ont souligné l'importance de la mesure de la qualité de l'air intérieur des écoles, révélée au moment de la pandémie de Covid 19. Les mesures de la qualité de l'air intérieur (QAI), nécessaires pour objectiver les constats et rendues possibles par des capteurs, doivent être intégrées lors de la planification de travaux.
Depuis le 1er janvier 2023, la réglementation sur la surveillance de la QAI dans certains établissements recevant du public (ERP) prévoit notamment l'intégration de campagnes de mesures lors de la réalisation de travaux et une mesure annuelle par lecture directe du dioxyde de carbone.
M. Pallarès et Mme Jenneson ont insisté sur la nécessité de prendre en compte la qualité de l'air intérieur dans la transition énergétique du bâti scolaire, précisant que la transition énergétique dans le bâtiment passe par la conciliation d'objectifs qui peuvent paraître opposés : maîtriser les dépenses énergétiques tout en assurant une bonne qualité de l'air intérieur.
En effet, la diminution de la consommation énergétique passe principalement par l'isolation de l'enveloppe des bâtiments et le choix de matériaux spécifiques. En parallèle, l'installation d'un système de ventilation performant est indispensable pour maintenir un apport d'air neuf et évacuer les polluants nocifs. Or le choix d'un système de ventilation est souvent le « parent pauvre d'un projet », alors même que le renouvellement de l'air est nécessaire à la santé. Ce système doit donc être intégré, selon M. Pallarès et Mme Jenneson, au budget de tout projet de rénovation énergétique.
Un bâtiment sain pour ses occupants se planifie, en effet, dès la phase de conception, à travers le choix des matériaux, des systèmes d'isolation thermique et de ventilation bien dimensionnés, mais aussi par rapport à l'intégration du bâtiment dans son environnement : M. Pallarès et Mme Jenneson ont fait observer que les ATMO mettaient à la disposition des élus et des acteurs des cartes stratégiques « air » permettant de prendre en compte les niveaux des polluants extérieurs pour l'implantation d'un bâtiment (par exemple, la proximité d'une route passante...)
M. Pallarès et Mme Jenneson ont enfin plaidé en faveur d'une anticipation des effets du changement climatique sur la qualité de l'air intérieur des bâtiments scolaires.
En effet, avec l'augmentation des températures dans les prochaines années, en lien avec les changements climatiques, le confort d'été doit faire l'objet d'une attention accrue. De plus, les émissions de polluants volatils des matériaux et produits de construction ou d'ameublement risquent d'être plus importantes.
En outre, les aléas climatiques (canicules) obligeront probablement les habitants à rester plus longtemps enfermés. En conséquence, ils seront exposés plus longuement à un air encore plus pollué. Peu de connaissances et de solutions d'adaptation existent à ce jour. Or, il est nécessaire d'agir aujourd'hui pour anticiper cette adaptation et protéger la santé des habitants.
En conclusion, M. Pallarès et Mme Jenneson ont évoqué les perspectives ouvertes au niveau européen en matière de qualité de l'air, dans le cadre d'un consortium transfrontalier intégrant ATMO Grand Est et des organismes tels que l'ENSA de Nancy ou Envirobat Grand Est au sein d'un ensemble comprenant la partie lorraine du Grand Est, La Sarre, la Rhénanie-Palatinat, la Wallonie et le Luxembourg.
Mme Samia Henry (EDF) et M. Benoît Dujardin, directeur régional Dalkia Grand Est, ont présenté l'intérêt des contrats de performance énergétique pour les collectivités. Comprenant les préoccupations des maires isolés, M. Dujardin est convenu de la relative complexité des contrats de performance énergétique (CPE) pour certaines collectivités. Retraçant les différentes étapes préalables à la conclusion d'un tel contrat, il a évoqué :
- l'audit énergétique, qui établit une situation de référence (en lien avec un CEP ou un bureau d'études) ;
- la définition d'objectifs d'amélioration des performances (avec la contribution d'un bureau d'études ou d'un économe de flux) ;
- l'établissement d'un plan de mesures ;
- la conclusion du contrat ;
- le suivi et le contrôle des performances.
M. Dujardin a qualifié le CPE de « très engageant pour nous », rappelant que l'on pouvait financer certains travaux d'optimisation énergétique dans le cadre d'un contrat d'exploitation.
Les « petits travaux » (changement de chaudière, isolation des combles, télégestion du chauffage...), dont le coût est compris entre 100 et 350 euros par m2,, génèrent selon lui des économies à échéance de trois à sept ans, le coût des rénovations « lourdes » s'établissant à 350 euros au moins par m2. Quant aux marchés de performance énergétique, ils conduisent à des économies d'énergie pouvant atteindre 50 % selon le type de bâtiment, les travaux étant payés par la collectivité une fois terminés. Par exemple, les travaux liés, dans le cadre d'un CPE, à la mise en place d'un système de télégestion ont permis 9% d'économies d'énergie ; 25% d'économies grâce au changement des chaudières. Dans d'autres sites, les économies constatées ont été de 17% et 27%.
M. Mizzon, président, ayant fait observer que ces économies restaient très inférieures aux critères d'attribution de certaines subventions (30% d'économies d'énergie), M. Dujardin a objecté le coût réduit de certains investissements, comme la télégestion, ainsi que leur retour rapide (un an), soulignant que l'exigence de 30% d'économies d'énergie était plus facile à atteindre pour les collectivités qui n'ont pas encore investi dans ce domaine.
Pour M. Husson, les retards constatés en la matière justifient la définition de critères d'économies d'énergie élevés : « il est impératif d'amorcer le mouvement ; nous partons de trop loin », a-t-il estimé.
Revenant sur le coût des travaux des collectivités territoriales en matière de rénovation énergétique des bâtiments scolaires ou pour construire de nouveaux bâtiments répondant aux niveaux d'exigence les plus élevés, M. Maire a estimé le coût de ces travaux à environ 1 800 euros par m2 pour des bâtiments BBC et à 2 000 euros par m2 pour des bâtiments passifs, même s'il existe des exemples de projets qualitatifs à moins de 500 euros. Selon lui, malgré ces rares exemples, dans la plupart des cas les travaux dont le coût s'établit à 350-400 euros par m2 n'offrent pas de véritables garanties de performances.
Il a ensuite engagé les collectivités :
- à intégrer, lors de la conception de leurs investissements, l'ensemble des problématiques bâtimentaires (accessibilité, qualité de l'air, économies d'énergie) dans une démarche globale ;
- à ne pas raisonner, en matière d'énergie, en valeur relative (moins 15% de consommation, moins 20%...) et à viser d'emblée un niveau de performance BBC en affichant directement des objectifs ambitieux ;
- à planifier et prioriser les travaux à l'échelle de la commune en fonction du niveau des consommations et de la nature du bâtiment, dans l'hypothèse où il ne serait pas possible de viser directement le meilleur niveau.
M. Dujardin a pour sa part plaidé pour une stratégie pragmatique : il ne sera pas possible, selon lui, de tout rénover, l'important étant d'avancer ensemble et de « faire ce qui est possible ».
Pour M. Husson, face aux très nombreuses dépenses qui pèsent sur leur budget, les communes doivent avant tout disposer d'un état des lieux de leur parc immobilier afin d'être en mesure d'établir des priorités en matière de travaux de performance énergétique. Revenant sur les difficultés liées à la diversité des acteurs et des financements et sur le besoin d'un dispositif d'accompagnement coordonné et mutualisé, il s'est interrogé sur le niveau territorial approprié pour la mise en place d'un tel levier.
II. VISITE DE L'ÉCOLE PRIMAIRE DE RICHARDMÉNIL
1. Le projet de la commune : construire une école primaire en centre-bourg, dans un contexte de baisse des effectifs scolaires.
Ce projet a été envisagé à la suite de la fermeture de classes dans les deux écoles, maternelle et élémentaire, lesquelles étaient situées sur deux sites différents (l'école élémentaire au Vert Village et l'école maternelle au centre du village). Par ailleurs, la cantine était située dans un local qui nécessitait des temps de trajet à l'heure du déjeuner.
2. La conduite du projet s'est déroulée en trois temps.
La réflexion sur le projet de construction/rénovation des deux groupes scolaires a commencé à l'automne 2016 :
- lancement d'une étude de positionnement, d'analyse et de restructuration de coeur de village ;
- réflexions sur l'emplacement et la faisabilité du projet (regroupement sur un même secteur).
Une deuxième étude a été réalisée en 2017 sur les conditions et modalités de regroupement du pôle scolaire et associatif, avec un architecte programmiste, parallèlement à une étude financière qui constituait l'aspect le plus compliqué.
Cette étude s'appuyait sur des projections démographiques et proposait la réalisation de dix classes (soit une réserve de trois classes par rapport aux effectifs de 2017).
La mairie a été accompagnée dans sa démarche par une agence d'urbanisme.
En 2018, lancement du projet :
- accompagnement technique et administratif du projet (assistance à maîtrise d'ouvrage) ;
- 1er juin : envoi de l'avis de publicité et du règlement de consultation phase candidature d'architectes ;
- 20 juillet : réunion d'un jury pour avis sur les 48 candidatures reçues et proposition d'un classement qui sélectionnera 3 candidats admis à participer au concours.
En décembre 2018, le jury (comprenant des enseignants) se réunit et choisit trois cabinets d'architectes. Puis le pouvoir adjudicateur désigne le lauréat retenu pour le marché public de services.
En janvier 2019, le marché de maîtrise d'oeuvre est notifié et débutent les études avec l'agence d'architecte sélectionnée.
Le projet est présenté aux parents d'élèves en février 2019, notamment le volet énergétique.
Les travaux débutent en mai 2020, pour une mise en service prévue en septembre 2021.
3. Retour d'expérience
Partenaires financiers : État, Région, département de Meurthe-et-Moselle, CAF, Agence France Locale.
Description du projet :
- terrain de 5 500 m2 ;
- sur un seul site regroupant les écoles maternelle et élémentaire, le périscolaire, la restauration ;
- surface utile 1 450 m2 ;
- 3 classes maternelles et 5 classes élémentaires ;
- En dehors des temps scolaires, les locaux sont utilisés par les activités périscolaires ;
- mutualisation du bâtiment : créer du lien / de la communication ;
- coût du projet : 5,4 millions d'euros TTC dont subventions : 1,3 million d'euros (DETR, DSIL, Région, département, CAF).
Évolution des effectifs :
- à la rentrée 2021, ouverture d'une 8e classe ;
- à la rentrée 2022, ouverture d'une 9e classe ;
- à noter : le coût d'aménagement d'une salle de classe est de 50 000 euros.
Problèmes rencontrés :
- incertitudes sur les aides financières pouvant être mobilisées et donc sur le plan de financement ;
- l'importance de l'autofinancement dans le cadre de ce type de projet ;
- la rigidité des règles d'attribution des subventions DETR ;
- l'absence de modèle pluriannuel de financement.
Les interlocuteurs de la mission d'information ont souligné l'intérêt d'un guichet unique à l'attention des communes pour leur permettre de connaître l'éventail des financements à la disposition des collectivités.
III. VISITE DU CHANTIER DE L'ÉCOLE MATERNELLE DU VIEUX MOULIN (ROSIÈRES-AUX-SALINES)
1. Le projet de la commune : restructuration de l'école maternelle.
Contexte : depuis plusieurs années, la commune tente de maintenir son niveau de population à travers différents projets (réalisation de lotissements, développement d'une zone industrielle, développement des haras nationaux et amélioration du cadre de vie).
En raison de la situation géographique de l'école maternelle, implantée en centre-ville, le choix de la commune s'est porté sur la rénovation du bâtiment existant et non sur une construction neuve excentrée, afin notamment de conserver l'attractivité commerciale du bourg.
Cette réhabilitation représente un projet structurant : une école destinée au territoire, ouverte à tous. Le projet s'insère dans les axes prioritaires définis par l'équipe municipale, la qualité de l'accueil des jeunes enfants, la transition écologique. Parallèlement, il est prévu de rénover la crèche en activité et d'augmenter le nombre d'enfants accueillis. L'objectif est de construire un maillage territorial propice à l'accueil de familles avec des enfants en bas âge et d'éviter ainsi les éventuelles fermetures de classes.
2. Conduite du projet : différentes étapes
a) Création d'un groupe de travail qui a permis de répertorier un certain nombre de constats :
- diagnostic énergétique : les bâtiments n'étaient plus aux normes ;
- mauvaise qualité de l'air : concentration en CO2 trois fois supérieure à la norme ;
- étude ergonomique ;
- obsolescence du système électrique et de la sécurité incendie ;
- vétusté des blocs sanitaires ;
- état des toitures nécessitant des travaux urgents ;
- problème d'accessibilité PMR ;
- manque d'espaces destinés à l'équipe pédagogique.
b) Concertation avec la communauté éducative :
- participation de l'inspecteur académique ;
- réunion avec les parents d'élèves.
c) Synthèse des besoins techniques et d'usage du projet :
- utilisation de matériaux haute performance énergétique ;
- qualité de l'air par la mise en place d'une centrale double flux ;
- remise aux normes du système électrique ; éclairage par LED ;
- mise en accessibilité du bâtiment ;
- mise aux normes sécurité et incendie ;
- amélioration du bien-être des enfants, des conditions de travail des enseignants, des ATSEM et du dialogue avec les parents d'élèves ;
- aménagement paysager des deux cours ;
- végétalisation des toitures.
3. Difficultés rencontrées dans la conduite du projet :
- nécessité de poursuivre le fonctionnement des classes pendant les travaux, ce qui a obligé à séparer l'école en deux (nuisances dues aux travaux) ;
- aménagement de blocs sanitaires sur les deux sites ;
- adaptation de la circulation autour de l'école primaire et réorganisation du ramassage scolaire.
La participation de l'inspecteur d'académie aux réunions stratégiques constitue une bonne pratique ayant émergé de la conduite du projet. Elle a permis de faciliter le dialogue entre les deux classes transférées et le corps enseignant de l'école élémentaire.
4. Défis juridiques et financiers :
a. sur le plan financier :
- budget prévisionnel : 1,4 million d'euros TTC ;
- Non prévus : rachat d'un bâtiment 250 000 euros ; travaux d'études 70 000 euros ; mise en accessibilité 50 000 euros ; consolidation des fondations 100 000 euros ; augmentation du coût des matériaux 530 000 euros (+40 %) ;
- enveloppe finale : 2,4 millions d'euros TTC dont emprunt : 600 000 euros ; le coût du projet a quasiment doublé ;
- contexte : baisse de la DGF depuis 2014, de 334 000 euros à 108 000 euros.
Dossiers de subventions
- DETR 2021 ; 40 % sollicités ? obtenus
418 368 euros ;
- DSIL 2021 ; 40 % sollicités ?
obtenus 480 000 euros ;
- Région Grand Est ;
-
SEQUOIA ;
- Agence de l'eau ;
- FCTVA : 336 000
euros.
Remarques concernant les subventions :
S'agissant du calendrier d'obtention DETR et DSIL : la connaissance très tardive de la circulaire (en décembre pour envoi début février) inspire aux interlocuteurs de la mission le souhait de rendre possible d'envoyer le dossier de demande de subventions au fil de l'année pour obtenir un accusé réception complet et être autorisé à commencer les travaux.
Est également demandée une visibilité pluriannuelle des aides de l'État.
b. sur le plan juridique :
Compte tenu des règles des marchés publics, il est fait état de difficultés pour les petites entreprises à répondre aux marchés dématérialisés et de la complexité de ces dossiers.
5. Présentation du projet par l'architecte :
L'objectif était de conserver les spécificités et le caractère architectural d'origine du bâtiment :
- valoriser le bâti ancien ;
- juxtaposer
locaux traditionnels et contemporains.
Sur le plan technique :
- gestion de l'eau : toitures-terrasses ;
- gestion de l'air : centrale de traitement d'air, élément technique important ;
- gestion des calories : murs épais, mais non isolants, inertie des murs, isolation par l'intérieur des bâtiments anciens et par l'extérieur des bâtiments neufs, contrôle de l'ensoleillement par des brise-soleil par rapport à l'orientation du bâtiment.
Le financement du projet s'est heurté aux surcoûts liés aux travaux en site occupé et à la complexité du passage de certains engins de chantier. En définitive, le budget s'établit à quelque 2 500 euros/m2, ce qui n'est pas éloigné du prix du neuf.
Déplacement
dans le Finistère
Jeudi 11 mai 2023
Programme :
- table ronde à la sous-préfecture de Brest sur l'accompagnement des projets de rénovation du bâti scolaire
- visite du chantier de l'école Isabelle Autissier (Gouesnou)
- visite du collège Simone Veil (Saint-Renan)
I. TABLE RONDE À LA SOUS-PRÉFECTURE DE BREST275(*)
Le point de vue de l'AMF :
La problématique de la rénovation écologique du bâti scolaire s'inscrit dans le contexte suivant :
- des difficultés financières liées à l'évolution des prix de l'énergie : bien que les communes soient convaincues de la nécessité de réhabiliter ces bâtiments, la contrainte budgétaire est devenue telle que « sans financement public ces projets (seraient) difficiles à mener », a fortiori parce que les collectivités doivent aussi continuer à investir dans d'autres domaines, comme par exemple le patrimoine ;
- une évolution démographique conduisant certaines communes à se poser la question du maintien de leur école.
À Plouguin (2 300 habitants), le nombre d'élèves des deux écoles (privées et publiques) reste toutefois en légère hausse et il a fallu agrandir l'école communale deux fois (en 2008, puis en 2019). Cette école compte aujourd'hui huit classes et 208 élèves. En 2019, l'agrandissement a porté sur 500 m2 (deux classes, une salle de motricité, espace périscolaire, une salle de sieste). Grâce au recours aux matériaux actuels (notamment le bois) et à une isolation efficace, cette seconde rénovation a favorisé la diminution de la consommation d'énergie, désormais pratiquement limitée à l'éclairage.
Le projet a bénéficié d'aides financières du département, de l'État et de la région. La proportion des subventions (38 %) serait probablement inférieure aujourd'hui. La commune a dû supporter un « reste à charge » de 530 000 euros.
M. Talarmain a posé la question du sous-dimensionnement de l'école privée, jugeant nécessaire d'assurer à tous les élèves, quel que soit le statut de leur école, les mêmes conditions d'études. Il a considéré que le débat privé-public « n'(avait) plus sa place aujourd'hui et (était) dépassé ». Dans cet esprit, la commune a créé une garderie municipale ouverte à tous les enfants.
Le point de vue du Département :
M. Franck Pichon a souligné que les collèges (276 bâtiments dans le Finistère) représentaient le patrimoine bâti le plus important du département et que leur rénovation thermique était devenue un sujet de préoccupation très prégnant, même si le contexte économique empêche d'augmenter les moyens qui lui sont consacrés. Face à l'explosion des prix de l'énergie (+300%) et à des budgets de fonctionnement « intenables », le plan de sobriété, adopté par le département, a permis quelques économies. L'analyse des consommations énergétiques des différents collèges (environ 100-120 KWh par an et par m2) a mis en évidence le besoin de « sous-compteurs » afin de mesurer de manière plus fine les consommations par secteurs (classes, restaurant, administration, Segpa...)
Avec un budget qui reste fixé à 30-40 millions d'euros, la rénovation énergétique des collèges ne peut concerner tous les bâtiments qui en ont besoin : la définition de priorités est donc indispensable pour cibler les bâtiments les plus dégradés. Dans cette perspective, l'état des bâtiments a été noté de 1 à 5 afin de désigner ceux qui doivent faire l'objet d'interventions prioritaires. Compte tenu de la contrainte budgétaire, le schéma de rénovation auquel travaille le Département relève essentiellement d'une « démarche curative » : M. Pichon a cité le cas d'un restaurant où du ruban adhésif « empêche l'air de passer ». Il a insisté sur le coût des opérations de rénovation, qui peut atteindre 3 000 à 3 500 euros par m2, auquel s'ajoutent les dépenses liées au désamiantage (500 000 euros supplémentaires pour la réhabilitation d'un restaurant) et, dans certains cas, au relogement provisoire des bâtiments en cours de rénovation.
Parmi les difficultés auxquelles se heurtent ces projets, M. Pichon a mentionné l'intervention de l'ABF, citant les exemples de l'isolation thermique par l'extérieur et de la pose de panneaux photovoltaïques. Ainsi le coût de la rénovation d'un préau, auquel le département aurait souhaité consacrer 500 euros par m2, s'est-il établi à 1 000 euros du fait des préconisations de l'ABF.
Dans le même esprit, citant notamment l'exemple de « passerelles à 4 000 euros par m2 », M. Pichon a jugé nécessaire de « contingenter les appétits des architectes », dont les « ambitions parfois exubérantes », en contradiction avec le besoin de « sobriété » du Département, contraint trop souvent celui-ci au rôle d'« empêcheur ». Il a attiré l'attention de la mission d'information sur les difficultés d'entretien causées par certains gestes architecturaux, qui peuvent se traduire par une maintenance plus complexe.
S'agissant en revanche de l'ingénierie, M. Pichon a jugé « satisfaisants » les moyens du Département, ce qui lui permet d'accompagner les communes dont les moyens en personnel technique ne permettent pas la conduite de tels projets. Sur ce point, M. Pichon a insisté sur l'effort mis en place en termes de simplification des procédures administratives, les demandes de subvention adressées au département devant tenir sur une « feuille recto verso ». Le département peut, sur la base de l'acte d'engagement signé par la commune, verser jusqu'à la moitié de la subvention attribuée.
Abordant ensuite la question de la démographie scolaire, M. Pichon a relevé que les 61 collèges publics et les 46 collèges privés (dont deux collèges Diwan), comptant en 2022 respectivement 22 400 et 18 000 élèves, étaient confrontés à une baisse sensible des effectifs (1 000 élèves en moins entre 2012 et 2022). Le représentant de l'AMF ayant fait état de projections concernant l'enseignement primaire qui font apparaître une baisse de 1 000 élèves par an à partir de 2024, M. Pichon a confirmé que les effectifs du secondaire étaient également appelés à chuter entre 2024 et 2034, ce constat compliquant la mise en oeuvre de la rénovation des bâtiments. M. Gilbert Favreau a confirmé que la fermeture d'un collège constituait une « révolution locale » en milieu rural.
Le rôle de Brest-Métropole-aménagement (BMa) :
M. Philippe Cou a présenté Brest-métropole-aménagement (BMa), constituée de deux entreprises publiques locales, une société d'économie mixte créée par décision du conseil communautaire de Brest métropole en 2006, et d'une société publique locale créée par Brest métropole et la Ville de Brest en 2017, ces deux structures ayant en commun les mêmes compétences et expertises. Initialement tournée vers l'aménagement et la réalisation de projets urbains pour le compte des collectivités et acteurs publics de la région brestoise, BMa a étendu son action en 2017 à la rénovation énergétique des bâtiments. Dans ce domaine, les axes d'intervention de BMa sont l'AMO, les études diagnostics, les mandats de travaux et les marchés de partenariat. Sur ce dernier point, la collectivité transfère à BMa, par le tiers investissement ou le marché de partenariat passé entre la collectivité et la SPL, le financement, la conception-réalisation et l'entretien-maintenance des ouvrages réalisés, BMa s'engageant sur la performance. Le financement est étalé sur une période longue et payé sous forme de loyers. Le marché inclut un volet entretien-maintenance et peut comprendre la fourniture d'énergie.
M. Cou a rappelé que le code de la commande publique a fixé à deux millions d'euros (hors taxes) le seuil à partir duquel les acheteurs peuvent recourir à un marché de partenariat lorsque le contrat comporte des objectifs de performance énergétique276(*), ce qui suppose une certaine dimension.
Ainsi, dans le cadre d'un marché de partenariat (marché global de performance énergétique), BMa a procédé à la rénovation thermique de cinq écoles à Brest, impliquant :
- l'isolation thermique par l'extérieur (murs, toiture, sous face de planchers) ;
- le remplacement des menuiseries extérieures ;
- le raccordement au réseau de chaleur urbain ;
- la mise en place de systèmes de ventilation performants (centrale de traitement de l'air double flux...) ;
- l'installation d'éclairages LED ;
- l'installation d'un système de gestion technique centralisée (GTC) ;
- divers autres aménagements (embellissement, restauration, désamiantage, électricité, accessibilité...).
Ce marché de partenariat inclut vingt ans d'exploitation-maintenance après travaux, avec des objectifs de réduction des consommations. De fait, la baisse des consommations s'établit à :
- 37% à l'école Quatre moulins et à l'école Kerargaouyat ;
- 45% à l'école Lucie et Raymond Aubrac et à l'école Langevin ;
- 27% à l'école Hauts de Penfeld.
Au total, le budget de ces travaux s'est élevé à 13,7 M€ HT ; leur calendrier s'est échelonné comme suit :
- cadrage du programme des 5 écoles avec la Ville de Brest : premier semestre 2018 ;
- lancement de la consultation d'un marché public global sur performance : juillet 2018 ;
- signature du marché de partenariat et du MPGP : février 2019 ;
- début des travaux de deux écoles : juillet 2019 ;
- fin des travaux des cinq écoles : juillet 2022.
Cette opération s'est appuyée sur un cadre commun aux cinq écoles, tout en permettant un certain « cousu main » en fonction des besoins spécifiques à chaque bâtiment. Elle a impliqué d'importants travaux de désamiantage et une mise aux normes en matière d'accessibilité. En outre, la priorité étant la rénovation énergétique, les bâtiments n'ont pas été refaits en profondeur, comme le montrent les photos ci-dessus, la partie architecturale ayant de ce fait été quelque peu « rabaissée » par rapport à d'autres projets. En réponse à une question de M. Gilbert Favreau, M. Cou a précisé que cette réalisation s'était appuyée sur un marché de partenariat classique, conclu entre partenaires publics : une collectivité et une SPL.
Dans le cadre d'un partenariat avec la FNCCR (programme ACTEE2), BMa a, par ailleurs, pour le compte de huit communes, réalisé 42 audits énergétiques dans le pays de Brest, afin de favoriser le passage aux travaux à partir d'un état détaillé des bâtiments. Ces analyses ont confirmé à la fois l'importance des besoins en matière de rénovation énergétique et les difficultés de financement auxquelles sont confrontées les collectivités.
Le retour d'expérience du marché de partenariat adossé à un marché public global de performance énergétique met en évidence les constats suivants :
- cet outil complète, mais n'a pas vocation à se substituer aux montages classiques, car c'est un mécanisme lourd à mettre en place (pour M. Cou, BMa est en mesure de « suivre deux marchés de partenariat tous les deux-trois ans ») ;
- l'intérêt de la formule du marché public global de performance est subordonné à la massification des interventions, ce qui suppose un certain volume de travaux et/ou un ensemble de bâtiments cohérents et des objectifs de rénovation semblables ;
- la formule du marché de partenariat adossé à un marché public global de performance énergétique se justifie à partir d'un seuil que BMa estime à 7 M€ (HT), en deçà duquel les schémas de marché plus classiques semblent davantage pertinents ;
- des faiblesses persistent en matière d'ingénierie, compte tenu notamment du manque d'ingénieurs thermiciens et, de ce fait, d'une expertise insuffisante en matière de comportement thermique des bâtiments ;
- l'exploitation-maintenance doit « monter en compétence », avec des outils d'exploitation performants (gestion technique spécialisée) et les techniciens pour les piloter, faute de quoi le suivi de l'exploitation, et par conséquent le respect des performances, resteront insuffisants ; inversement les architectes doivent « changer de monde » et « accepter de ne plus nécessairement piloter les projets » ;
- on observe que les PME s'organisent actuellement pour être en mesure de répondre à des marchés globaux, en concurrence avec les grands groupes.
Le rôle de Finistère ingénierie assistance (FIA) :
Établissement public d'ingénierie locale créé en 2014 à l'initiative du conseil départemental afin de répondre à un enjeu de solidarité envers les territoires finistériens, FIA met à disposition des collectivités un appui technique et méthodologique dans la conduite de leurs projets relevant des thématiques suivantes : déplacements et usages de la voirie et des espaces publics ; bâtiments et équipements ; aménagement de l'espace et habitat ; dynamisation des centres-bourgs ; eau et assainissement. Les opérations de rénovation, extension et construction d'équipements publics font partie des domaines d'intervention de FIA, dès lors que la maîtrise d'ouvrage est assurée par une commune ou un EPCI.
L'intervention de FIA s'effectue en phase pré-opérationnelle, dès le lancement d'une réflexion autour d'un projet, et permet au maître d'ouvrage de bénéficier d'un accompagnement pour vérifier l'opportunité et la faisabilité de son projet. FIA est également chargé de mobiliser, le cas échéant, d'autres structures partenaires (notamment le CAUE), afin d'apporter à ses adhérents une complémentarité des expertises disponibles.
Au 9 mai 2023, on compte 160 communes adhérentes, dont le nombre d'habitants est compris entre 180 et 8 000.
Depuis 2020, sur les 115 opérations concernant des bâtiments inscrites au bilan d'activité de FIA, les projets de rénovation ou d'extension- rénovation d'écoles publiques ne représentent que 14 demandes d'assistance originaires de communes277(*), soit moins de 10 % des projets. Cette proportion souligne que les écoles ne constituent pas la seule priorité des élus : de nombreuses demandes visent, en effet, les secteurs du logement, du commerce ou des services publics ainsi que les équipements sportifs ou associatifs.
Lorsque l'intervention d'un conseiller en énergie partagé (CEP) est souhaitable, cette prestation est assurée par les ALEC ou par le Syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère (DSEF). Selon la directrice de FIA, certaines collectivités sont parfois réticentes à solliciter d'autres acteurs (CAUE, ALEC, DSEF...) de peur de compliquer la prise de décision « en mettant trop de monde autour de la table ».
Pour la directrice de FIA, les principales difficultés auxquelles se heurtent les collectivités pour « passer à l'opérationnel » sont :
- la diversité des enjeux et thématiques qu'implique un projet de rénovation énergétique d'une école (mises aux normes, qualité de l'air intérieur, réflexion sur les évolutions des usages des bâtiments scolaires, questions éventuelles de regroupement scolaire...) ;
- la difficulté de trancher entre les divers scénarios auxquels peuvent conduire les audits énergétiques et l'absence de véritables conseils pour faire des choix (questionnements sur les panneaux photovoltaïques, sur l'opportunité de changer une chaudière au fioul relativement récente...) ;
- le financement (niveau inattendu des dépenses à engager, absence de prévisibilité des subventions, bilan coût-avantages d'une rénovation partielle...)
Le rôle d'Éner'gence :
ALEC du Pays de Brest (qui compte 103 communes et 7 EPCI, soit un total de 420 000 habitants), Éner'gence est l'une des plus importantes ALEC de la Fédération FLAME, qui regroupe une quarantaine d'agences. Elle emploie quelque 42 salariés, dont neuf spécialistes de l'énergie dans les collectivités. 70 communes y ont adhéré sur une centaine de communes éligibles, son développement allant « crescendo », un premier rendez-vous avec un conseiller suffisant en général à faire comprendre à une commune son intérêt à adhérer. De plus, la sous-préfecture oriente vers Éner'gence les communes ayant besoin d'un diagnostic.
Depuis 25 ans, Éner'gence porte un service dédié aux communes de moins de 15 000 habitants : le conseiller en énergie partagé (CEP), qui intervient en complémentarité d'autres acteurs de l'énergie et de l'ingénierie territoriale. Elle accompagne ainsi quelque 70 communes et apporte dans ce cadre une expertise sur les projets (rénovation énergétique, bâtiments neufs performants, énergies renouvelables), contribue à l'identification des opportunités de financements (aides spécifiques, dispositifs nationaux et régionaux, CEE, appels à projets), aide les collectivités à assurer le suivi dans le temps des consommations et des contrats d'énergies et propose un accompagnement au long cours des communes vers la transition énergétique, dans la « jungle » des dispositifs financiers et réglementaires. Éner'gence intervient également pour accompagner le changement de comportements, à travers par exemple des actions pédagogiques à destination des élus et des agents des collectivités.
Les responsables d'Éner'gence ont présenté les spécificités techniques du bâti scolaire du Pays de Brest :
- les écoles existent même dans les plus petites communes et sont de ce fait les bâtiments les plus représentés ;
- ces bâtiments présentent les plus grandes surfaces : souvent supérieures à 1000 m², elles sont soumises au décret tertiaire ;
- il s'agit de ce fait des bâtiments les plus consommateurs du Pays de Brest (près de 40 % des consommations énergétiques des communes adhérentes au CEP) ; leur consommation est toutefois en moyenne de 88 kWh/m² (en raison de conditions climatiques plus favorables, ce niveau est sans doute inférieur à la moyenne nationale -l'objectif en valeur absolue fixé par le décret tertiaire est de 80 kWh/m² pour 2030, et/ou -40 %) ;
- ils ont été construits dans les années 1970/1980, avec souvent des extensions par la suite, ce qui en fait des bâtiments à l'architecture complexe, comportant de nombreuses surfaces vitrées, dont la rénovation globale est coûteuse et complexe, avec des risques sur le confort d'été, en dépit du climat local) ;
- des problèmes de ventilation et de qualité de l'air intérieur se posent.
Le président a insisté sur les difficultés liées à la maintenance, du fait de l'absence de réglages et à l'existence d'un compteur unique pour tous les bâtiments de la commune, au manque de suivi des sociétés d'exploitations et à l'insuffisante formation des services techniques (souvent le CEP se rend compte de mauvais réglages).
S'agissant des autres particularités des bâtiments scolaires, les responsables d'Éner'gence ont évoqué les incertitudes sur le maintien des classes pour les plus petites communes et l'hypothèse de changements d'affectation de ces bâtiments, qui ne favorisent pas la mise à l'étude de projets de rénovation. Ils ont également mentionné : les contraintes liées au calendrier scolaire, qui encouragent des interventions a minima ou par étapes, moins efficaces et plus coûteuses ; la « forte valeur symbolique » des écoles, bâtiments auxquels les habitants et les élus sont très attachés, et dont la rénovation constitue souvent l'unique projet du mandat dans les petites communes ; le potentiel des écoles en matière d'énergie photovoltaïque et l'intérêt du développement de l'autoconsommation collective du fait de l'inoccupation des bâtiments pendant l'été.
Le bilan des projets de rénovation du bâti scolaire dans le Pays de Brest fait apparaître les constats suivants :
- on observe peu de rénovations globales sur ce type de bâti, a fortiori parce que des actions de rénovation ponctuelles ont compromis les capacités à atteindre de nouveaux progrès et en quelque sorte « tué le gisement » des performances énergétiques ;
- beaucoup de rénovations n'atteignent pas les performances pour cause de dysfonctionnement d'équipements à la réception des travaux ou de mauvais réglages ; ce point souligne un véritable besoin de compétences techniques pour la réception des travaux et le suivi des contrats de maintenance : il faut parfois deux ans pour atteindre les performances attendues ;
- les coûts de la rénovation énergétique observés sont très variés et peuvent « passer du simple au double selon les projets et leur complexité » : ces coûts sont estimés dans le Pays de Brest à 400-500 € par m² pour atteindre 40 % à 50 % d'économies d'énergie, hors travaux induits (désamiantage, par exemple). Certains projets s'établissent à 300 € par m2, mais ce niveau n'est pas suffisant en termes de performance énergétique.
Le retour d'expérience d'Éner'gence met par ailleurs en évidence deux difficultés :
1. le manque d'ingénierie :
- le CEP est souvent la seule ingénierie présente auprès des élus des petites communes ;
- les acteurs de l'ingénierie territoriale (ALEC, SDE, CAUE, FIA, BMa, CEREMA...) présents sont complémentaires, mais il reste difficile pour les élus et agents de distinguer les rôles et compétences de chacun. Il est donc important d'améliorer leur visibilité. Ainsi, le programme ACTÉE, porté par la FNCCR, apporte une intervention ponctuelle et vise la réalisation d'audits. ALEC et CEP interviennent pour leur part en amont des projets (définition, besoins, cahiers des charges, mobilisation des aides financières), puis en aval (suivi consommations et dysfonctionnement, sensibilisation des usagers).
La directrice générale d'Éner'gence a donc insisté sur la nécessité de « renforcer la coopération entre les différents acteurs de terrain pour des rénovations réussies ».
2. la complexité des aides financières :
La multiplicité des aides (DSIL, DETR, Fonds vert, Fonds de concours locaux, CEE...) rend leur accès compliqué ; leur imprévisibilité contraint l'élaboration des projets ; leur manque de pérennité amplifie ces difficultés.
Ces constats ont conduit Éner'gence à plaider :
- en faveur d'un financement public de l'ingénierie territoriale locale, de sorte que les projets de rénovation soient performants et efficaces ;
- pour une simplification des dispositifs d'aides, à partir de l'élaboration d'un cadre commun, destiné à tous les dispositifs visant la performance énergétique, et pour la pérennisation de ces aides ;
- comme le réseau FLAME, en faveur d'une aide définie en €/m2, selon le niveau de performance énergétique atteint (-40 % pour 2030, avec un bonus pour les projets visant -50 % ou -60 %, ainsi que le prévoit le décret tertiaire à l'échéance de 2040 et 2050).
Le point de vue de la Région Bretagne :
Le retour d'expérience de la rénovation énergétique des lycées fait apparaître des constats similaires à ceux du département à l'égard des collèges : les projections démographiques mettent en évidence une baisse du nombre d'élèves ; l'explosion des consommations d'énergie des 100 lycées de la région (dont 29 dans le Finistère) ; les besoins sont tels en raison du caractère « extrêmement dégradé » de ce patrimoine que la rénovation des lycées est un « puits sans fond » ; des « investissements massifs » seraient nécessaires si l'on faisait abstraction de la contrainte financière.
Certains établissements ont été regroupés et il existe des cités scolaires, fortes de 4 000 élèves environ, qui constituent en quelque sorte une « ville dans la ville ».
Entre 2022 et 2024, 400 millions d'euros ont été investis dans la rénovation des lycées. De plus, la région accompagne les autres porteurs de projets, mais ce soutien est conditionné par un niveau exigeant de performance énergétique. Ainsi, le montant financier de certains projets a pu conduire des collectivités à revoir leurs ambitions et, par exemple, à renoncer à des matériaux biosourcés pour pouvoir entrer dans le budget prévu, ce qui leur a fait perdre le soutien de la région.
La diversité des leviers de financement et la complexité administrative qui en résulte pour les collectivités soulignent le besoin en ingénierie financière.
Un groupe de travail a été mis en place il y a deux ans pour réfléchir à ces questions. Compte tenu de la difficulté qui résulte, entre autres obstacles, des différences de temporalité en fonction de l'échelon attribuant la subvention (État, région, Europe), ce groupe a constaté la nécessité de simplifier et d'harmoniser l'accès aux aides financières. La mise en place d'un point d'entrée unique fait partie des options envisagées, mais la réflexion n'a pas franchi sur ce point de véritable avancée.
L'avenir du bâti scolaire s'inscrit aussi dans la problématique de la ZAN (zéro artificialisation nette), qui suppose une réflexion sur la sobriété foncière et sa déclinaison sur le territoire.
Intervention de M. Jean-Philippe Setbon, sous-préfet
Les opérations de rénovation des bâtiments scolaires font l'objet d'une attention particulière du département du Finistère dans l'attribution des subventions278(*). Ces projets de rénovation sont largement soutenus par l'État279(*) et les autres échelons territoriaux (régions, départements).
Ce soutien est nécessaire, car la plupart des projets de rénovation du bâti scolaire comportent une part non négligeable de rénovation thermique, ce qui contribue à en alourdir les coûts. Il s'agit en outre d'investissements d'avenir dont la rentabilité peut tarder à se manifester.
La part de l'État dans le financement de ces projets s'établit à 15-20 % en moyenne du coût des projets.
Concernant la rénovation du bâti scolaire :
- en 2023, le département du Finistère a attribué 1,5 million d'euros de subventions (DETR et Fonds vert) pour un montant d'investissement de l'ordre de 9,5 millions d'euros ;
- depuis 2020, les communes de l'arrondissement de Brest ont bénéficié de 6,1 millions d'euros (toutes subventions confondues : DSIL, DETR et Fonds vert), pour 38 millions d'euros d'investissement total.
En 2023, le Finistère a pu contribuer au financement, dans le cadre du Fond vert280(*), de quelque 43 millions d'euros de travaux281(*) (concernant toutes les thématiques « Fonds vert » et non pas seulement la rénovation du bâti scolaire). Dans le cadre de cette nouvelle subvention, une quote-part de 4,5 millions d'euros est attribuée au Finistère sur la mesure « rénovation énergétique » (l'enveloppe régionale s'élevant à 18,5 M€).
Par ailleurs, les exigences d'ordre administratif constituent un obstacle pour certaines collectivités, a fortiori parce qu'un calendrier différent régit chaque levier de financement (État, région, département)282(*) et que chaque demande de subvention fait l'objet d'un dossier spécifique : une commune non éligible à une subvention doit donc redéposer une nouvelle demande.
II. VISITE DU CHANTIER DE L'ÉCOLE ISABELLE AUTISSIER (COMMUNE DE GOUESNOU)
· L'école Isabelle Autissier de Gouesnou : une approche globale du bâti scolaire
Le jeudi 11 mai 2023, la mission d'information a visité le chantier de la future école primaire Isabelle Autissier, à Gouesnou, commune de 6 300 habitants relevant de Brest Métropole, en présence du maire et du responsable du projet. L'équipement, qui ouvrira ses portes en septembre 2023, répond à un double objectif : être exemplaire sur le plan environnemental et énergétique et s'inscrire dans le « coeur de ville », avec certains espaces accessibles aux habitants en dehors des temps scolaires (cour de récréation de l'école élémentaire et salle de spectacle d'une centaine de places).
L'inauguration se fera en présence de la navigatrice française, pionnière du tour du monde à la voile en solitaire et actuelle présidente d'honneur de WWF-France, ce qui fait écho à l'engagement écologique qui a présidé à la réalisation de ce projet.
· Le choix d'une construction nouvelle
Le choix d'une construction nouvelle s'est imposé.
La réhabilitation de l'école du Château d'eau a été écartée pour plusieurs raisons. Construite il y a près de 50 ans, la structure était conçue à partir de matériaux polluants et leur dépose aurait été complexe. En outre, la commune connaît un accroissement démographique : l'ancienne école n'aurait pas pu offrir les capacités d'accueil suffisantes. Il aurait aussi fallu déplacer les enfants dans d'autres locaux pendant les travaux, ce qui aurait rendu le chantier plus lourd et difficile et, de toute évidence, plus onéreux.
Enfin, dans le contexte du projet politique de dynamisation du centre-bourg, avec un soutien à l'offre de commerces et de services, l'option d'une nouvelle implantation, sur une zone de 3 hectares située derrière la mairie, a été retenue dans le cadre d'un vaste projet de renouvellement urbain.
· Des espaces mutualisables et pédagogiques
Le marché a été voté le 30 septembre 2020 en conseil municipal, au début du second mandat du maire. Le projet, d'un montant de 11,25 M€ HT, porte sur la réalisation du nouveau groupe scolaire public du Château-d'Eau d'une superficie totale de 5 180 m2, en R+1 à R+2, pouvant accueillir 15 classes, 450 élèves et disposant d'un espace périscolaire.
Une partie importante de l'ensemble est mutualisable. Aux côtés des bâtiments des écoles maternelle et élémentaire, de la garderie et de la salle de restauration, ont été conçus : une cour qui sera accessible depuis l'extérieur hors temps scolaire (sous forme expérimentale dans les premiers temps) ; des locaux à vocation associative ; des salles de formation ; la salle de spectacle et de projection évoquée précédemment, avec des critères énergétiques très performants.
Pour des raisons de sécurité, l'accès aux locaux dépend de badges différents selon les espaces.
L'aspect pédagogique n'a pas été oublié, avec la conception d'une unité d'enseignement et des salles dédiées pour la filière bilingue, par exemple.
· Un projet à très haut niveau d'exigence environnementale
L'école Isabelle Autissier sera le premier bâtiment en Bretagne à atteindre le niveau E4C1, très élevé, du label E+C-, avec un niveau d'énergie positive (évalué par l'indicateur « BEPOS ») et un indicateur « carbone » ambitieux. Cela est rendu possible par l'utilisation de matériaux biosourcés pour décarboner le bâtiment et améliorer la qualité de l'air (peintures à base de solvants naturels, revêtements de sol en linoléum à base de lin, charpente en bois conçue à partir de forêts durables, etc.)
Un ensemble de panneaux photovoltaïques est disposé sur la toiture. La nouvelle école de Gouesnou produira en effet de l'électricité qui ne sera pas directement réinjectée dans le réseau public, mais sera redistribuée en faveur de l'école ou à destination de sites municipaux de consommation, dont la mairie. Il s'agit d'un système d'autoconsommation collective locale, que la mission a jugé particulièrement pertinent alors que la centrale photovoltaïque de l'école de Gouesnou produira environ 71 500 kWh par an, principalement en été, lorsque l'école sera fermée.
Est donc prévue une baisse de la facture des dépenses énergétiques de la commune, le producteur étant aussi le consommateur, ce qui, dans le contexte actuel prend tout son sens.
· Deux marchés conclus concomitamment
Pour ce nouveau bâti qui remplacera celui du Château-d'Eau, la ville a eu recours à un marché de partenariat passé avec Brest Métropole aménagement (BMa) - Société publique locale (SPL). Ce type de marché public prévoit un paiement public différé sous forme de loyer, qui sera versé par la collectivité sur une période fixée entre les parties, à partir de la mise à disposition de l'ouvrage. Dans ce cas précis, BMa prend à sa charge 80% des investissements par emprunt, en lieu et place de la ville, qui remboursera sur 20 ans. La rémunération dépend de critères de performances déterminés dans le contrat pour chaque étape.
Ce marché de partenariat est un contrat global qui porte sur le pilotage des études, la conception et la construction sous maitrise d'ouvrage BMa, les équipements nécessaires au service public, le financement de ces opérations en « tiers investissement » et la maintenance. Cela avait été indiqué lors de la table ronde du matin à la sous-préfecture283(*).
BMa s'engage sur des gains de performance qui ont préalablement été évalués : gains énergétiques, durée de dépannage, gros entretien, etc. Les personnels et les usagers sont pour leur part formés aux « bons gestes ».
Dans le cas où les objectifs de performance ne seraient pas atteints, BMa s'engage à compenser le manque à gagner, avec le cas échéant un risque de pénalité.
De nombreux calculs et des simulations de vie du bâtiment ont été réalisés afin de comprendre avec précision les apports en énergie interne et de déterminer les besoins en chauffage ou encore en air froid.
Pour ce faire, BMa a eu recours à un marché public global de performance (MPGP), ce qui en fait le deuxième en construction neuve de la région, en même temps que le marché de partenariat. Un groupement d'entreprises s'engage ainsi à réaliser, pour son compte, les différentes prestations.
Ce cadre donne de la visibilité, car il permet de déterminer très en amont les loyers qui seront à payer par l'acheteur.
· Le choix du « BIM » ou « Modélisation des informations du bâtiment »
Le chantier s'est conclu le 20 mars 2023. Il a été souligné que la crise sanitaire n'avait pas occasionné de retard dans les travaux. La principale difficulté a tenu à la disponibilité des matières premières, mais ce point avait été anticipé.
Il a été rappelé au début de la visite que la conception du projet s'est faite par modélisation du bâtiment en maquette numérique, ou « méthode BIM », qui permet d'obtenir des visuels en trois dimensions dès la première phase et ainsi de visualiser très en amont le bâtiment dans son ensemble.
Cette méthode rend nécessaire l'élaboration d'une base de données qui permet de connaître parfaitement le bâtiment dans toutes ses composantes, incluant murs, structures et fluides. Elle facilitera d'éventuelles interventions ultérieures sur le bâti.
III. VISITE DU COLLÈGE SIMONE VEIL (SAINT-RENAN)
· Le choix d'une construction neuve
Les membres de la mission se sont ensuite rendus au collège public Simone Veil de Saint-Renan, commune membre de la Communauté de communes du Pays d'Iroise relevant du pôle métropolitain du Pays de Brest284(*).
L'établissement, qui a été inauguré le 20 novembre 2021, peut accueillir jusqu'à 700 collégiens résidant dans les huit communes de rattachement.
Les bâtiments de l'ancien collège, construits dans les années 1970, étaient devenus vétustes. Le coût d'une réhabilitation avait été estimé à près de 12 millions d'euros. Son emplacement, au regard de la carte scolaire, de même que la persistance d'une émanation de radon, posaient également des problèmes. En outre, alors que les effectifs d'élèves inscrits dans les enseignements publics et privés étaient, jusqu'en 2016, à peu près équivalents, des projections effectuées à l'horizon de 2021 ont mis en avant un risque fort de déséquilibre au profit du privé, rendant nécessaire un rééquilibrage des effectifs. Le choix d'une construction neuve a donc été privilégié.
La première pierre a été posée à la rentrée de 2019. Sur un montant total d'un peu plus de 17 millions d'euros, le conseil départemental du Finistère a financé plus de 80% du projet (14,03 millions d'euros). La contribution de l'État s'est élevée à 2,46 millions d'euros ; la commune de St Renan a apporté 410 000 euros pour certains aménagements extérieurs (notamment la réalisation des voies d'accès, dont des pistes cyclables, et l'aménagement des espaces verts). La Région a également contribué au financement du projet au titre des arrêts de car (98 000 euros).
Si l'on fait abstraction des coûts liés à l'acquisition foncière (508 253 €TTC) et à l'aménagement extérieur du collège (voirie, stationnements, arrêts de cars, piste cyclable, parvis : 870 000 €TTC), l'opération a coûté 15 671 747 €TTC pour 5 902 m² de bâtiment, soit un ratio de 2 647 € TTC par m².
· Le dimensionnement de l'établissement
Le bâtiment principal, de 5 700 m2, est implanté sur une surface totale foncière de 13 000 m2. La surface foncière aménagée extérieure au collège est quant à elle de 8 500m2.
Le bâtiment s'organise en différents espaces, avec des regroupements thématiques.
· Au rez-de-chaussée : les locaux administratifs, les pôles « sante' » et « vie scolaire », les casiers, le centre de documentation et d'information (CDI), le foyer, ainsi que l'espace restauration de près de 850 m2 ;
· Au premier niveau : 20 salles de classe pour les enseignements généraux, avec une superficie moyenne de 60m2 par classe (au lieu de 50 m2 dans l'ancien collège) ;
· Au deuxième niveau : 9 salles spécialisées, destinées aux cours de sciences, de technologie et aux enseignements artistiques.
La conception du collège s'est appuyée sur le référentiel technique mis en place par le conseil départemental ; elle a fait l'objet d'une concertation avec l'équipe pédagogique.
Le collège dispose également de nombreuses installations sportives : gymnase, terrains de handball et basket, piste d'athlétisme.
La mission d'information a pu apprécier la qualité de la conception des locaux, des installations techniques, des espaces communs et de la salle des professeurs.
· Une approche environnementale résolue
Afin d'optimiser la performance énergétique du bâtiment, la surface au sol a été réduite (les trois quarts de la surface sont répartis sur trois niveaux et seulement 25% se trouvent de plain-pied), de manière à limiter autant que possible les surfaces déperditives ainsi que deux éléments générateurs de coûts : les fondations et les toitures.
La conception du collège Simone Veil, à l'opposé d'autres collèges conçus dans les années 1980 dont des photographies aériennes ont été montrées à la mission d'information (de plain-pied, en R+1 ou éclatés, c'est-à-dire répartis sur plusieurs bâtiments), souligne l'intérêt d'un bâtiment compact.
En effet, ce modèle présente, parallèlement aux économies qu'il permet, l'avantage d'être plus facile à restructurer en fonction des besoins. Le bâtiment se veut en effet modulable et capable de s'adapter aux évolutions, notamment pédagogiques : ses espaces rectangulaires et ses volumes simples peuvent être facilement redimensionnés, par déplacement, retrait ou ajout de cloisons. Par exemple, deux salles de permanence peuvent être réunies pour constituer un espace polyvalent.
En contre-point, il a été présenté à la mission d'autres réalisations, plus anciennes, qui rendent impossibles une telle adaptabilité : le contraste est saisissant.
Sur l'ensemble des travaux, le conseil départemental s'est inscrit dans une démarche HQE (haute qualité' environnementale). L'objectif est de limiter au maximum l'impact de la structure, tout en préservant le confort ainsi que la qualité de vie des élèves et de l'ensemble des personnels. Il s'agit d'un établissement passif, lumineux, répondant aux normes d'accessibilité et avec de faibles consommations en énergie et en eau.
L'établissement a par ailleurs obtenu le niveau 2 de la labellisation « E3D » (établissement en démarche de développement durable) qui reconnaît une démarche globale, comprenant la mise en oeuvre de solutions concrètes pour répondre aux objectifs de développement durable (ODD) de l'Agenda 2030, tant dans le cadre des projets pédagogiques développés au sein du collège que dans la gestion de l'établissement. Cela passe par des gestes simples liés aux économies d'énergie, par la valorisation des déchets (compostage) et par leur réduction, grâce à des actions de sensibilisation mises en place dans le cadre de la restauration scolaire.
À cet égard, l'organisation du restaurant en self-service responsabilise les élèves dès la composition de leur plateau, ce qui permet de réduire fortement le gaspillage alimentaire (estimé à 120-160 grammes par convive en self traditionnel, il est limité à 20-50 grammes par convive en self participatif comme celui du collège Simone Veil). Les économies ainsi réalisées permettent l'achat de produits de meilleure qualité. La mission d'information a noté, par ailleurs, une bonne pratique consistant à attribuer aux élèves une seule assiette pour l'entrée et le plat de résistance, ce qui permet également de réduire les consommations de produits de lavage et d'eau.
S'agissant du traitement de l'eau de pluie, une cuve de récupération des eaux pluviales, d'une capacité de 30m3, a été prévue à destination du bloc sanitaire principal et du système d'arrosage. Trois ouvrages de régulation, deux aériens et un en sous-sol, dédiés à l'infiltration et au stockage, ont été créés.
Enfin, la réglementation thermique RT2012, applicable au bâtiment à la date de sa construction (antérieure à l'entrée en vigueur de la RT2020), prévoit à la fois des exigences de résultats - en matière de besoins bioclimatiques du bâti, de consommation d'énergie primaire et de confort en été - et des obligations de moyens (affichage des consommations d'énergie, des surfaces vitrées installées et de l'étanchéité du bâti). Des panneaux photovoltaïques pourront être ajoutés par la suite.
La qualité de l'isolation est bonne : les espaces de circulation n'ont pas à être chauffés ; le test d'étanchéité a` l'air est probant. La chaufferie et la ventilation sont programmables et pilotables a` distance.
La ventilation, malgré une récupération de plus de 85 % des calories entre l'air entrant et sortant, représente une part importante - 58 % - de l'énergie consommée (ses moteurs sont électriques et les volumes à ventiler sont grands) : ce point n'avait pas été anticipé et cette « surprise », de l'aveu des concepteurs du projet, pose aujourd'hui des problèmes en raison de l'évolution des prix de l'énergie malgré son « excellence technique ». Le renouvellement d'air est donc interrompu à certains moments de la semaine pour des raisons d'économie.
Déplacement à Marseille285(*)
Mercredi 24 et Jeudi 25 mai 2023
À l'initiative de Mme Marie-Arlette Carlotti, la mission d'information s'est rendue à Marseille, qui bénéficie d'une aide exceptionnelle de l'État pour la réhabilitation de ses écoles.
La ville dispose de 470 écoles primaires. Une rénovation urgente est nécessaire pour 188 d'entre elles.
La mission d'information a été accueillie à l'école Saint Louis Gare par M. Nicolas Leseigneur, directeur de l'école. En présence de M. Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire en charge du Plan école, du bâti, de la construction, de la rénovation et du patrimoine scolaire (qui a accompagné les sénateurs toute la journée) et de la cheffe de projet, Mme Julie Lohrie, la mission a visité ce chantier. Il s'agit à la fois d'une réhabilitation d'une ancienne école de type Jules Ferry et de son extension par la construction d'un bâtiment neuf. Le quartier a en effet connu une importante hausse de population en raison de nombreuses constructions sur d'anciennes friches industrielles. La localisation de l'école a d'ailleurs entraîné une étude supplémentaire, et un gel des travaux pendant trois mois, afin de s'assurer de la non-pollution des sols.
Le nouveau bâtiment a été construit pour permettre une modularité des salles. Une ventilation au plafond a été installée, tout comme des brise-soleil, afin de lutter contre la chaleur.
Mme Lohrie a mis en avant les spécificités de travaux dans une école : la nécessité d'une étanchéité constante entre l'école et le chantier. Les entreprises n'ont en effet pas la culture de travailler dans un environnement avec des enfants (porte laissée ouverte, vis qui traînent...).
La mission d'information s'est ensuite rendue dans le groupe scolaire Malpassé. Elle a pu échanger avec l'équipe pédagogique (enseignants et les deux directeurs de l'école maternelle et primaire, Mme Perrier et M. Flory), ainsi qu'avec Mme Léa Martinoviæ, en charge de la question de l'éducation au cabinet du maire de Marseille, avec M. Jérôme Deltour, référent des directeurs des Bouches-du-Rhône et ancien directeur de l'école, avec le directeur d'établissement ainsi qu'avec M. Jean-Philippe Bonnin, directeur du Pôle entretien travaux écoles et crèches (PETEC) de la ville de Marseille.
Il s'agit de bâtiments datant des années 1960 (mandat de Gaston Deferre), construits sur la base de poutrelles métalliques (type GEEP, dit aussi Pailleron) mal isolées phoniquement et thermiquement et contenant de l'amiante. La société publique des écoles de Marseille est chargée du chantier qui consiste dans la rénovation du bâtiment de l'école élémentaire et la destruction/reconstruction de l'école maternelle, qui a plus mal vieilli que l'autre bâtiment. Un gymnase, ouvert sur le quartier, doit notamment voir le jour sur le lieu de l'école maternelle. La future école a l'ambition de devenir la « capitale du quartier ».
Lors de cette visite, la mission d'information a constaté que, pour des chantiers d'une telle ampleur, le coût de la rénovation est quasiment équivalent à celui d'une destruction/reconstruction. Le chantier de rénovation de cette école est en effet de 16 millions d'euros.
Cette visite et les échanges avec l'équipe pédagogique ont permis à la mission d'information de constater les « irritants du quotidien », susceptibles de créer des tensions lors des travaux : sanitaires du bâtiment de maternelle non adaptés à la taille des élèves de l'école élémentaire, regroupement des classes dédoublées par manque de place, tableaux fixés à la mauvaise hauteur compte tenu de l'âge des élèves, absence de cour de récréation lorsqu'il pleut (celle-ci a alors lieu dans les couloirs et le hall de l'école), salle des enseignants non finie (absence notamment de prise électrique empêchant de disposer d'un réfrigérateur pour avoir des compresses froides face aux petites blessures du quotidien). Cette visite a également été l'occasion de constater la tension démographique pesant sur les écoles des quartiers nord de Marseille. En l'espace de quelques années, 10 classes ont ouvert dans cette école. Les équipes pédagogiques ont indiqué que l'ensemble des écoles aux alentours étaient saturées.
La mission d'information a ensuite visité l'école Les Lauriers en présence de M. Pierre Huguet, adjoint au maire en charge de l'éducation et des cantines scolaires, du soutien scolaire et des cités éducatives. Elle a pu constater les difficultés de travaux de rénovation en site occupé. Les enseignants sécurisent les abords du chantier (déplacement des barrières). Le manque d'habitude des entreprises de travailler avec des enfants a également été souligné. Pour l'équipe pédagogique, l'acculturation des entrepreneurs est presque plus difficile que la technique à proprement parler (par exemple, les ouvriers fument pendant leur pause devant les fenêtres des salles de classe, ou encore, les camions arrivent pour décharger du matériel au moment de la récréation ; des portails donnant sur la rue restent ouverts le temps du déchargement).
Puis la mission d'information a eu un échange avec le directeur général de la Société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN) des écoles de Marseille (Société publique des écoles marseillaises), M. Vincent Bourjaillat conjointement avec le directeur du PETEC (Pôle entretien travaux écoles et crèches) de Marseille, M. Jean-Philippe Bonnin. Les modalités de création et de fonctionnement de la SPLA-IN ont été expliquées. 188 écoles doivent être réhabilitées par la SPLA-IN. 845 millions d'euros sont prévus (400 millions d'euros de l'État et 445 millions de la ville) pour 188 écoles, auxquels s'ajoutent 400 millions d'euros pour la réhabilitation habituelle des 290 autres écoles (40 millions d'euros sur 10 ans). En ce qui concerne la rénovation des 188 écoles, celle-ci doit se faire en sept vagues. Chaque vague de rénovation dure trois ans (étude la première année, lancement des travaux la deuxième année et finition de ceux-ci la dernière année). Le directeur de la société a alerté sur le risque d'augmentation des prix et de saturation des entreprises si un nombre important de chantiers est lancé au même moment.
Enfin, la mission d'information a échangé avec le cabinet de M. Benoît Payan, maire de Marseille.
Déplacement dans le Vaucluse286(*) -
Lundi 5 juin
2023
Visite du Groupe scolaire Pierre Goujon à Châteauneuf-de-Gadagne
À l'initiative de M. Jean-Baptiste Blanc, la mission d'information a visité le groupe scolaire Pierre Goujon, situé dans la commune de Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse), le 5 juin 2023. Ce groupe scolaire, construit en 1979, a fait l'objet d'une extension en 1992. Il accueille aujourd'hui 300 élèves, répartis entre 4 classes maternelles et 8 classes élémentaires.
En décembre 2020, un audit énergétique du bâtiment a été réalisé et a déterminé les axes d'amélioration pour favoriser les économies d'énergie et améliorer le confort des usagers.
L'équipe municipale a confié la réalisation des travaux de rénovation énergétique à un architecte qui avait déjà travaillé pour la commune et à un bureau d'étude recommandé par le CAUE. Un questionnaire « confort » a été adressé à l'ensemble des personnels du groupe scolaire afin qu'ils identifient les points faibles du bâtiment en termes de confort thermique.
Les élus ont souhaité conserver l'architecture du bâtiment et, par conséquent, ont opté pour des travaux d'isolation par l'extérieur.
Le plancher chauffant d'origine a été conservé, mais ce système de chauffage a été complété par l'installation d'une pompe à chaleur et de ventilo-convecteurs qui sont mis en fonctionnement à la mi-saison.
Des brise-soleil orientables ont été installés pour se protéger de la chaleur et contrôler la luminosité.
Des vitrages réfléchissants ont remplacé les fenêtres de toit à simple vitrage. Les luminaires d'origine ont été remplacés par des ampoules « leds ».
Les travaux ont notamment permis de mieux conserver la chaleur à l'intérieur des bâtiments et de faire baisser l'utilisation du chauffage en hiver. Enfin, des actions de sensibilisation aux économies d'énergies ont été conduites auprès des enseignants et des élèves.
En outre, dans le cadre de l'amélioration du confort d'été, des travaux ont été réalisés dans les cours de récréation : le sable clapissette a été choisi pour remplacer le bitume dans un objectif de désimperméabilisation des sols afin d'éviter les remontées de chaleurs.
Les travaux ont été effectués pendant la période scolaire pour les classes élémentaires, le BDI ayant servi de « classe tampon », et pendant les vacances d'été pour les classes maternelles. Ils ont duré environ cinq mois.
Le projet de rénovation thermique a bénéficié des crédits ouverts au titre du Plan de relance à hauteur de 80 %. La réflexion de la commune sur ce projet était déjà très engagée lorsque les modalités de ce plan ont été annoncées aux collectivités territoriales, ce qui a permis à l'équipe municipale de réagir très rapidement et de déposer son dossier dans le délai imparti.
Des économies assez importantes ont été réalisées, même si les données de consommation énergétique se situaient dans la moyenne, selon les chiffres de l'ADEME. Hors période de chauffe, la consommation a été réduite jusqu'à près de 40 % (octobre 2022/octobre 2021) ; force est de noter que compte tenu de l'augmentation des tarifs d'électricité (+ 187 %), cette baisse n'a pas eu d'effet sur le montant des factures. Entre les mois de novembre-décembre 2021 et 2022, la consommation a baissé de 23 %.
Le bureau d'études a fait observer que la bonne entente entre les équipes municipale et enseignante était aussi gage d'économies d'énergie.
Les locaux scolaires sont couverts par un contrat global de performance énergétique pour la fourniture de gaz ainsi que la maintenance des installations. Cela permet notamment de bénéficier d'un suivi précis des consommations énergétiques.
La mairie de Châteauneuf-de-Gadagne souhaite poursuivre la mutualisation du bâtiment scolaire (les associations sont déjà autorisées à occuper les locaux après la classe), afin que « le village réintègre l'école », et aussi dans un objectif d'économie d'énergie.
VII. NOTES
A. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UNE CONTRIBUTION ESSENTIELLE AU FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT
1. Rappel : la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales dans le domaine de l'enseignement
Le partage des compétences entre les communes et l'État en matière d'enseignement date des lois de Jules Ferry sur l'école obligatoire.
La loi déléguant la gestion des aspects matériels des écoles aux communes date du 28 juin 1833, l'État ayant conservé la responsabilité de la formation des maîtres. La loi Goblet du 30 octobre 1886 mettait à la charge des municipalités l'établissement des écoles communales, l'entretien des bâtiments et du mobilier ainsi que le logement des maîtres.
Ce partage a été confirmé par la loi du 22 juillet 1983, modifiée et complétée par celle du 25 janvier 1985.
En 1980 - avant les lois de décentralisation - les communes assumaient déjà 14,5 % des dépenses totales d'éducation, en fournissant différents moyens aux établissements d'enseignement : locaux, personnels de service, crédits de fonctionnement, activités périscolaires.
L'échelon municipal est donc responsable de la construction, de l'équipement, de l'entretien et du fonctionnement des écoles du premier degré, et de la rémunération des personnels municipaux intervenant dans les écoles : ATSEM, agents de service chargés de l'entretien, gardiens, cuisiniers, agents de salles de restauration, agents territoriaux d'animation et intervenants divers en langues, musique ou sport. À ces dépenses s'ajoute la restauration scolaire, dont les communes assurent elles-mêmes le service ou le délèguent à des sociétés de restauration privées. Les communes participent en outre à l'organisation des transports scolaires à l'intérieur du périmètre de transports urbains. Depuis 2012, les dépenses de personnels ont augmenté, en lien avec les revalorisations salariales et la mise en place des différents temps scolaires.
S'agissant des départements, les lois de 1983 et 1985 ont instauré un partage des compétences à l'égard des collèges selon les principes suivants : l'État assure la responsabilité de l'enseignement, les départements la prise en charge des conditions matérielles de son organisation (bâtiments, équipements, dépenses de fonctionnement) ainsi que la gestion des personnels correspondants.
Depuis le 1er janvier 1986, la gestion des bâtiments des collèges, devenus établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), relève des conseils départementaux. Ceux-ci assurent les dépenses de construction et de grosses réparations ainsi que les dépenses de fonctionnement correspondantes. Le conseil départemental prend en charge l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique. Depuis 2017, les départements ne s'occupent plus des transports scolaires, mais sont restés responsables du transport des élèves en situation de handicap.
L'organisation est la même pour les régions, qui financent la construction et l'équipement ainsi que l'entretien et le fonctionnement des lycées. Depuis la loi NOTRe, les régions sont responsables du transport scolaire.
Départements et régions sont responsables du recrutement et de la gestion (incluant la rémunération) des personnels techniques (Attée), l'État prenant en charge les enseignants, les personnels administratifs de l'éducation nationale et l'encadrement.
Comme l'a observé la Cour des comptes en 1995 dans un rapport établissant un bilan de la décentralisation de l'enseignement secondaire, cette réforme a, dans les années 1980, transposé « la répartition de compétences effectuée un siècle auparavant s'agissant de l'enseignement primaire » en tirant les leçons de « l'expérience réussie de l'implication des communes dans l'équipement et l'entretien des écoles primaires depuis Guizot, puis Jules Ferry »287(*).
2. La contribution des collectivités territoriales au financement de l'enseignement : une part décisive
Les dépenses d'enseignement des collectivités territoriales dans le domaine de l'enseignement se sont élevées en 2021 à 29 835 M€288(*) (+8 % par rapport à 2020).
Au sein des dépenses d'enseignement des collectivités territoriales, la part des communes289(*) (38 %) est sensiblement égale à celle des régions (38,4 %) et supérieure à celle des départements (19,8 %).
Toutefois, la part des dépenses d'enseignement représente une part plus importante de leur budget (32,7 %) que pour les communes (15,9 %) et les départements (8,6 %), comme l'indique le tableau ci-après.
Les dépenses des collectivités territoriales dans le domaine de l'enseignement
Dépenses 2021 des collectivités - enseignement, formation et apprentissage
Source : Rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) - annexe 2F - dépenses ventilées par fonction - en millions d'euros
Communes de 3 500 habitants ou plus290(*) |
Départements |
Régions et collectivités territoriales uniques (CTU) |
Total291(*) |
|
Dépenses en millions d'euros |
11 434 |
5 930 |
11 509 |
29 835 |
Investissements |
2 312 |
2 546 |
3 392 |
8 598 |
Fonctionnement |
9 122 |
3 384 |
8 118 |
21 237 |
Évolution 2021-2020 (fonctionnement + investissement) |
+7,3 % |
+9,9 % |
+7,8 % |
+8 % |
Part de l'échelon territorial dans les dépenses d'enseignement des collectivités territoriales |
38 % |
19,8 % |
38,6 % |
- |
Part de l'enseignement dans le budget total |
15,9 % |
8,6 % |
32,7 % |
14 % |
Cet effort financier se reflète dans la contribution des collectivités à la dépense intérieure d'éducation (DIE), donnée qui agrège toutes les contributions à l'éducation : État, collectivités, autres administrations publiques, ménages et entreprises, qu'il s'agisse de l'enseignement du premier et du second degré, de l'enseignement supérieur ou de la formation continue et de l'extrascolaire. La DIE s'est élevée en 2021 à 168 839 M€ courants.
Les collectivités en sont les deuxièmes financeurs après l'État292(*), comme l'illustre le schéma ci-dessus.
Les communes sont les collectivités dont la participation à la DIE est la plus forte (12,1%), avant celles des régions (7%) et des départements (3,8%).
De manière logique, les enseignements du premier et du second degré représentent des parts importantes de la DIE, supérieures à celles de la formation continue et de l'enseignement supérieur.
B. LA DÉMOGRAPHIE SCOLAIRE - SITUATION EN 2022-2023 - PROJECTIONS À L'ÉCHÉANCE DE 2030
Les générations nées en 2015 sont entrées à l'école en 2018 ; elles feront leur entrée au collège en 2026, au lycée en 2030.
Après une baisse de 300 000 élèves ces cinq dernières années, une baisse de 500 000 élèves est prévue sur la période 2022-2027.
I) Évolution générale de la démographie scolaire
Alors que l'INSEE comptabilisait en France, entre 2005 et 2014, plus de 800 000 naissances, avec un pic de 832 000 naissances en 2010, ce nombre est en diminution depuis une dizaine d'années293(*).
En 2015, le nombre de naissances est passé sous le seuil de 800 000 par an (790 000 naissances, hors Mayotte), et continue depuis à baisser. En 2021 ont été comptabilisées 727 000 naissances ; un point bas historique a été atteint en 2022 avec 723 000 naissances (683 000 pour la seule métropole).
Ainsi la baisse du nombre d'enfants de trois à cinq ans, constatée entre 2021 et 2023, devrait-elle progressivement s'atténuer jusqu'à la rentrée 2026 où le nombre d'enfants de trois à cinq ans devrait repartir à la hausse (+ 6 600 enfants par rapport à la rentrée 2025). La population des enfants de 6 à 10 ans, en grande partie scolarisés dans le premier degré, devrait elle aussi diminuer nettement entre 2023 à 2026.
Cette évolution se répercute sur les projections de démographie scolaire, tant dans le premier degré que dans le secondaire.
a) Dans le premier degré :
Prévision des effectifs d'élèves dans le premier degré pour les rentrées 2022 à 2026
Champ : France métropolitaine + DOM (y compris Mayotte, St-Martin et St-Barthélemy).
Secteurs public et privé sous et hors contrat.
Sources : constats et démographie Insee-Depp 2022.
effectifs 2022 |
Prévision 2023 |
Évolution 2022/2023 |
Prévisions 2024 |
Évolution 2023/2024 |
Prévisions 2025 |
Évolution 2024/2025 |
Prévision 2026 |
Évolution 2025/2026 |
|
Préélémentaire |
2 333 903 |
2 304 344 |
- 29 559 |
2 287 360 |
- 16 984 |
2 281 595 |
- 5 765 |
2 288 742 |
+ 7147 |
Dont les 2 ans |
72 318 |
72 585 |
+ 267 |
73 267 |
+ 682 |
72 968 |
- 299 |
72 685 |
- 283 |
Élémentaire |
4 072 763 |
4 009 969 |
- 62 794 |
3 949 290 |
- 60 679 |
3 882 332 |
- 66 958 |
3 817 569 |
- 64 763 |
Total 1er degré |
6 461 995 |
6 370 753 |
- 91 242 |
6 294 223 |
- 76 530 |
6 222 656 |
- 71 567 |
6 166 220 |
- 56 436 |
En 2026, on devrait donc dénombrer 2 95 775 élèves de moins dans le primaire par rapport à l'année 2022, soit une baisse de 4,58 %.
Évolution 2022-2026 des effectifs du primaire
Effectifs 2022 |
Prévision 2026 |
Évolution 2022-2026 |
Évolution 2022-2026(%) |
|
Préélémentaire |
2 333 903 |
2 288 742 |
- 45 161 |
- 1,93 % |
Dont les 2 ans |
72 318 |
72 685 |
+ 367 |
+ 0,51 % |
Élémentaires |
4 072 763 |
3 817 569 |
-255 194 |
- 6,27 % |
Total 1er degré |
6 461 995 |
6 166 220 |
- 295 775 |
- 4,58 % |
b) Dans le second degré :
Dans le second degré, les effectifs devraient également diminuer. En effet, les générations qui vont entrer en sixième à partir de 2024 sont moins nombreuses que les générations sortantes du lycée.
La baisse des effectifs de collégiens constatée depuis 2021 devrait se poursuivre dans les années à venir.
À la rentrée 2023, les effectifs de collégiens pourraient diminuer de 17 000 élèves, baisse en partie liée à l'entrée au collège de la génération 2012, génération moins nombreuse que celle qui le quittera.
Au lycée, les effectifs étaient en hausse aux rentrées 2022 et 2023 - avec des conséquences en termes de pression immobilière. En 2022, avec 15 000 élèves de plus, le lycée comptait plus d'élèves que le niveau maximum observé jusqu'à présent (rentrée 2017). La baisse du nombre de lycéens, relativement discrète en 2023/2024, sera nettement plus forte en 2025/2026.
Prévision des effectifs d'élèves dans le premier degré pour les rentrées 2022 à 2026
Effectifs 2020 |
2021 |
Évolution 2020/2021 |
Évolution 2021/2022 |
Évolution 2022/2023 |
Évolution 2023/2024 |
Évolution 2024/2025 |
Prévision 2025/2026 |
|
Collège |
3 414 747 |
3 406 888 |
- 6 859 |
- 7 200 |
- 17 400 |
- 20 200 |
-26 200 |
- 27 800 |
Formation pro |
637 805 |
626 175 |
- 11 630 |
- 5 000 |
2 100 |
- 100 |
100 |
- 4 000 |
Lycée général et technique |
1 604 092 |
1 620 372 |
16 280 |
15 000 |
10 400 |
- 2 800 |
2 300 |
-10 200 |
Post-bac |
320 823 |
310 761 |
- 10 062 |
- 7 900 |
200 |
900 |
300 |
200 |
Total |
5 976 467 |
5 964 196 |
- 12 271 |
- 5 100 |
- 4 700 |
- 22 200 |
- 23 500 |
- 41 800 |
À la rentrée 2026, on devrait dénombrer 109 571 élèves en moins dans le secondaire par rapport à 2020 (baisse de 1,8 %).
Pour le seul collège, la perte s'élèvera à 105 650 élèves (- 3,1 %).
Comme l'a rappelé Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale, devant la commission de la culture du Sénat le 8 novembre dernier, « après une baisse de 300 000 élèves ces cinq dernières années, nous prévoyons une baisse de 500 000 élèves sur la période 2022-2027 ».
II) Focus sur la situation en outre-mer
La démographie est très contrastée d'une académie ultramarine à l'autre. Comme le souligne la communication de la Cour des comptes sur le système éducatif dans les académies ultramarines294(*), le nombre d'élèves est en diminution aux Antilles. En 1977, la Martinique comptait 110 00° élèves. 45 ans plus tard, il n'était plus que 66 000, soit une baisse de 40 % des effectifs scolarisés. Entre 2009 et 2018, la Martinique a perdu 19 000 élèves et la Guadeloupe 18 000 (21 % des effectifs).
Selon la commission des finances du Sénat295(*), cette baisse frappe fortement l'enseignement public. En revanche, la part des élèves scolarisés dans l'enseignement privé est dans les Antilles en constante augmentation : + 7,5 % en Guadeloupe et + 17,5 % en Martinique.
La situation à Mayotte et en Guyane est tout autre : le nombre d'enfants à scolariser y est en très forte augmentation. Selon la Cour des comptes296(*), en Guyane, la croissance annuelle des effectifs scolaires a été de 3,3 % entre 2001 et 2011, avant de ralentir un peu puis de retrouver ce même rythme au cours des dernières années. À Mayotte, on comptait 3 000 élèves en 1975, 58 720 en 2003, 86 021 en 2012 et près de 100 000 à la rentrée 2018.
La mission interministérielle sur Mayotte de 2018297(*) a identifié la nécessité de construire 11 collèges et 5 lycées et de réhabiliter 16 établissements scolaires. Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'éducation nationale, a informé la commission de la culture, le 13 novembre 2019, de l'ouverture à Mayotte de 800 nouvelles classes dans le premier degré entre 2019 et 2022.
C. CADRE LÉGISLATIF EUROPÉEN EN MATIÈRE DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS PUBLICS
· En matière de rénovation énergétique des bâtiments publics, le droit européen repose essentiellement sur des objectifs de réduction des gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie.
La « loi européenne sur le climat »298(*), adoptée le 30 juin 2021, inscrit dans la législation un objectif de neutralité climatique de l'Union européenne à l'horizon 2050. Pour atteindre plus efficacement cet engagement, elle rehausse de 40 à 55 % l'objectif de réduction des gaz à effet de serre dans l'Union européenne d'ici 2030, par rapport à 1990. Cette loi constitue l'élément phare du Pacte vert pour l'Europe, présenté en décembre 2019, qui réaffirme l'ambition de la Commission européenne de faire de l'Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d'ici 2050. Sa mise en oeuvre se décline dans un ensemble de textes législatifs, présentés le 14 juillet 2021 et complétés le 15 décembre 2021, dit paquet « Ajustement à l'objectif 55 », et de stratégies thématiques, dont les conclusions ont été approuvées par les ministres de l'UE au cours de l'année 2021.
Vue d'ensemble du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », présenté le 14 juillet 2021
Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » propose de réviser et d'actualiser la législation de l'Union en matière de climat ainsi que de mettre en place de nouvelles initiatives pour assurer la conformité des politiques de l'Union avec les ambitions du Pacte vert. Il comprend treize propositions législatives et de nouvelles initiatives interdépendantes relatives au climat, à l'énergie et aux transports. Un accord a déjà été conclu entre les négociateurs du Parlement européen et du Conseil sur les textes qui relèvent du volet climat299(*), le 18 décembre dernier. Les négociations se poursuivent sur les textes relatifs à l'énergie, et notamment les propositions de directives qui concernent la rénovation énergétique des bâtiments publics. La décarbonation du secteur des bâtiments doit, en effet, contribuer à l'atteinte des objectifs climatiques fixés à l'échelle européenne.
Dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe, la Commission européenne a aussi publié, le 14 octobre 2020, une stratégie pour une « vague de rénovations », qui décline les objectifs de l'Union en matière de rénovation des bâtiments. Ses conclusions ont été approuvées par le Conseil de l'UE le 11 juin 2021.
« Une vague de rénovations pour
l'Europe :
verdir nos bâtiments, créer des emplois,
améliorer la qualité de vie »
La stratégie pour une vague de rénovations des bâtiments vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments en incitant les États membres à entreprendre des travaux de rénovation de grande ampleur pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050. Selon les estimations de la Commission européenne, plus de 220 millions de bâtiments ont été édifiés avant 2001, ce qui représente 85 % du parc immobilier de l'UE. Les bâtiments sont responsables d'environ 40 % de la consommation énergétique de l'UE et de 36 % de ses émissions de gaz à effet de serre provenant de l'énergie. Or seul 1 % par an des bâtiments font l'objet d'une rénovation selon des critères d'efficacité énergétique.
L'objectif de cette stratégie est d'au moins doubler le taux annuel de rénovation énergétique des bâtiments résidentiels et non résidentiels d'ici 2030, et de stimuler les rénovations énergétiques lourdes, contribuant ainsi de façon significative à la réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre. Il est prévu de rénover 35 millions d'unités de bâtiments d'ici à 2030. La politique européenne de rénovation énergétique concerne non seulement les habitations résidentielles, mais aussi les bâtiments du secteur privé et public (hôpitaux, écoles, administrations publiques...). L'instrument de relance de l'UE Next Generation EU met à disposition des États membres des ressources destinées notamment à la rénovation en vue de la reprise, de la résilience et d'une meilleure inclusion sociale.
La Commission européenne a identifié trois domaines prioritaires : la lutte contre la précarité énergétique, la rénovation des bâtiments publics (établissements administratifs, scolaires et de soins de santé) et la décarbonation des équipements de chauffage et de refroidissement.
La stratégie de rénovation
énergétique de l'UE repose sur sept principes
clés :
- la primauté de
l'efficacité énergétique, qui doit
prévaloir dans la gouvernance européenne en matière de
climat et d'énergie ;
- l'accessibilité des bâtiments durables et économes en énergie, notamment aux personnes et zones vulnérables ;
- la décarbonation et l'utilisation d'énergies renouvelables de sources locales dans la rénovation des bâtiments ;
- la circularité et la mise en place d'une réflexion sur le cycle de vie afin de minimiser l'empreinte carbone des bâtiments ;
- l'exigence de normes élevées en matière de santé et d'environnement ;
- l'intégration simultanée des transitions verte et numérique dans le cadre de la rénovation des bâtiments ;
- le respect de l'esthétique des bâtiments et de leur qualité architecturale.
Plusieurs actions majeures destinées à encourager une rénovation d'ampleur des bâtiments ont été identifiées :
- réviser et renforcer le cadre législatif de la rénovation des bâtiments ;
- garantir un financement suffisant, accessible et mieux ciblé ;
- renforcer les capacités et l'assistance technique apportée aux acteurs régionaux et locaux ;
- adapter l'écosystème du secteur de la construction à la rénovation durable ;
- promouvoir des interventions de rénovation globales et intégrées, en favorisant l'utilisation de matériaux de construction durables ;
- promouvoir une approche participative
centrée sur le voisinage pour les communautés
locales ;
- lancer un nouveau Bauhaus européen
pour concilier esthétique et durabilité.
· Le droit européen comprend deux instruments clés pour encourager les États membres de l'Union européenne à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés à l'échelle européenne, les directives relatives à la performance énergétique des bâtiments et à l'efficacité énergétique, modifiées en 2018 et actuellement en cours de révision.
Le cadre législatif européen en matière de rénovation énergétique des bâtiments publics a une portée limitée. Il repose pour l'essentiel sur trois directives300(*), qui ont été révisées en 2018, et qui font l'objet d'une refonte dans le cadre du paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 ». Deux des textes ont déjà fait l'objet d'un accord en trilogue. L'année 2023 sera déterminante pour faire aboutir la révision de la législation européenne sur ce sujet, le mandat de la Commission européenne s'achevant au premier semestre 2024. Ces textes devront ensuite être transposés par les États membres dans leur droit national.
Outre les habitations, les bâtiments publics doivent également être rénovés, pour utiliser davantage d'énergies renouvelables et être plus économes en énergie.
La Commission propose d'obliger les États membres à rénover tous les ans au moins 3 % de la surface au sol totale de tous les bâtiments publics ; de fixer une valeur de référence de 49 % d'énergies renouvelables dans les bâtiments d'ici à 2030 ; d'obliger les États membres à accroître l'utilisation des énergies renouvelables dans le chauffage et le refroidissement de 1,1 point de pourcentage d'ici à 2030.
Ø La directive 2012/27/UE sur l'efficacité énergétique, révisée en 2018
Cette directive, révisée par la directive (UE) 2018/2002, établit un cadre commun de mesures visant à promouvoir l'efficacité énergétique dans l'Union qui vise notamment à la réalisation des objectifs suivants :
- l'amélioration de l'efficacité énergétique à l'échelle de l'Union européenne de 20 % d'ici à 2020 et d'au moins 32,5 % d'ici à 2030 ;
- la détermination par les États membres de leur propre contribution nationale pour 2020 et 2030 ;
- l'élaboration d'un plan national intégré en matière d'énergie et de climat (PNEC) pour la période 2021-2030 ;
- la rénovation annuelle de 3 % de la surface au sol totale des bâtiments publics appartenant au gouvernement central ou occupés par celui-ci ;
- la constitution et la mise à disposition du public d'un inventaire des bâtiments des administrations centrales répertoriant la surface et des indications sur la performance énergétique de chaque bâtiment ;
- l'introduction du critère de haute efficacité énergétique dans les marchés publics.
Pour parvenir à l'objectif fixé dans le plan cible climatique à l'horizon 2030, les économies d'énergie sont jugées prioritaires. Or les efforts déployés par l'Union européenne jusqu'à présent, dans le cadre de la mise en oeuvre de cette directive, s'avèrent insuffisants pour atteindre des objectifs accrus d'efficacité énergétique. Ces lacunes ont conduit la Commission européenne à proposer de réévaluer le niveau d'ambition des obligations à l'échelle européenne et nationale. Plusieurs secteurs dont celui des bâtiments sont particulièrement ciblés en raison de leur poids dans la consommation finale d'énergie et des possibilités d'économies réalisables.
La Commission européenne a proposé, le 14 juillet 2021, des modifications relatives à la rénovation énergétique des bâtiments publics dans le cadre de la révision de cette directive301(*). Le Conseil a adopté une position sur ce texte le 27 juin 2022 et le Parlement européen le 14 septembre 2022. Cette révision a ensuite fait l'objet d'un accord en trilogue, le 10 mars 2023, qui prévoit :
- l'obligation pour chaque État membre de garantir une baisse des consommations d'énergie finale de 1,9 % par an dans le secteur public ;
- l'obligation de rénovation, tous les ans, d'au moins 3 % de la surface au sol totale de tous les bâtiments publics de chaque État membre, et non plus des seuls bâtiments ministériels, afin de les transformer en bâtiments à consommation d'énergie quasi nulle « nZEB » ou à émissions nulles.
Ø Directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments, révisée en 2018
La présente directive fixe des exigences minimales en matière de performance énergétique des bâtiments, neufs et existants, en vue de parvenir à des niveaux optimaux en fonction des coûts. Les États membres doivent veiller également à ce que les travaux de rénovation importants satisfassent à des exigences minimales en matière de performance énergétique, sous réserve de certaines exceptions. Dans ce cadre, elle promeut l'exemplarité du secteur public en la matière.
Ainsi, tous les nouveaux bâtiments devaient être à consommation d'énergie quasi nulle d'ici au 31 décembre 2020, cette obligation devant être remplie au 31 décembre 2018 pour les nouveaux bâtiments occupés et possédés par les autorités publiques. Les États membres sont aussi encouragés à stimuler la rénovation des bâtiments dans une optique de consommation d'énergie quasi nulle.
Chaque État membre est tenu de publier, tous les trois ans, une stratégie nationale à long terme qui comprend une vue d'ensemble du parc des bâtiments publics et privés, l'identification des approches efficaces et rentables pour la rénovation, les politiques et mesures en place pour stimuler la rénovation, des perspectives de long terme pour guider les décisions d'investissement et une estimation des gains d'énergie attendus. La directive impose aussi une obligation de délivrance d'un certificat de performance énergétique pour tous les bâtiments d'une surface supérieure à 250 m2 occupés par une autorité publique et fréquemment visités par le public.
Afin de se mettre en conformité avec les objectifs du Pacte vert et la stratégie pour une vague de rénovations, et ainsi atteindre un parc immobilier à zéro émission d'ici à 2050, la Commission européenne a proposé, le 15 décembre 2021, une révision de cette directive302(*), et une nouvelle modification, le 15 juin 2022, dans le cadre du plan RePower EU303(*) :
- l'obligation, dès 2027, pour tous les bâtiments publics neufs d'être à émissions nulles ;
- la fixation de nouvelles normes minimales en matière de performance énergétique des bâtiments qui exigent que les 15 % les moins performants du parc immobilier de chaque État membre soient modernisés pour passer de la classe d'efficacité énergétique G au moins à la classe F en 2027, et à la classe E en 2030, en ce qui concerne les bâtiments publics ;
- l'interdiction des chaudières et des systèmes de refroidissement à base de combustibles fossiles d'ici 2040 au plus tard ;
- l'obligation de délivrance de certificat de performance énergétique étendue à tous les bâtiments publics ;
- l'obligation d'installation de dispositifs de surveillance et de régulation de la qualité de l'air dans les bâtiments à émission nulle ;
- le déploiement d'installations solaires sur les bâtiments publics et commerciaux ayant une surface utile supérieure à 250 m2, d'ici le 31 décembre 2026 pour le neuf et d'ici le 31 décembre 2027 pour l'existant, des exemptions étant envisageables pour certains types de bâtiments. Cette disposition a été proposée, le 18 mai 2022, dans le cadre d'une nouvelle modification de la proposition de directive afin de réduire la dépendance de l'Union européenne aux énergies fossiles et de développer l'intégration de l'énergie solaire dans les bâtiments.
Le Conseil a adopté une orientation générale sur ce texte le 21 octobre 2022 et la position du Parlement européen a été votée en séance plénière le 14 mars 2023. Les trilogues n'ont pas encore commencé.
Ø Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables
Cette directive prévoit l'introduction dans la législation et la réglementation des États membres de mesures appropriées permettant d'augmenter la part des énergies renouvelables dans le secteur de la construction. Par ailleurs, les nouveaux bâtiments publics et les bâtiments publics existants faisant l'objet de travaux de rénovation importants doivent jouer un rôle exemplaire.
La Commission européenne a proposé, le 21 juillet 2021, de nouvelles dispositions pour le secteur des bâtiments dans le cadre de la refonte de cette directive304(*). Le Conseil a adopté une position sur ce texte le 27 juin 2022 et le Parlement européen le 14 septembre 2022. Cette révision a ensuite fait l'objet d'un accord en trilogue, le 30 mars 2023, qui prévoit notamment :
- un nouvel objectif pour l'Union européenne d'une part minimale de 49 % d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale d'énergie des bâtiments en 2030.
* 1 Financement de la transition écologique et énergétique - Enjeux, recommandations et propositions des intercommunalité, ADCF, septembre 2022.
* 2 Source : L'éducation nationale en chiffres-2022, DEPP, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, 2022. Chiffres relatifs à l'année scolaire 2021-2022.
* 3 12 millions d'élèves si l'on intègre l'enseignement privé sous contrat.
* 4 Plus de 850 000 si l'on tient compte de l'enseignement privé sous contrat.
* 5 Source : projet de loi de finances pour 2023, Projet annuel de performances - Enseignement scolaire, p. 45.
* 6 Donnée qui agrège toutes les contributions à l'éducation : État, collectivités, autres administrations publiques, ménages et entreprises (enseignement du premier et du second degré, enseignement supérieur, formation continue et extrascolaire).
* 7 « 169 milliards d'euros consacrés à l'éducation en 2021 : 6,8% du PIB », note d'information de la DEPP - n° 22.34, novembre 2022.
* 8 Mission confiée à M. Demarcq par les ministères de la transition écologique et solidaire, de l'économie et des finances, de l'éducation nationale et de la jeunesse, de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
* 9 Les comptes rendus des auditions sont disponibles à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/mi-bati-scolaire.html
* 10 Mmes Véronique Del Fabro pour la Meurthe-et-Moselle, Nadège Havet pour le Finistère, Marie-Arlette Carlotti pour Marseille et M. Jean-Baptiste Blanc pour le Vaucluse.
* 11 France Stratégie, Les incidences économiques de l'action pour le climat, mai 2023.
* 12 La rénovation énergétique des bâtiments, rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques par M. Philippe Henriet, député, et M. Gérard Longuet, sénateur (Sénat, n° 129, 2022-2023).
* 13 Rapport fait au nom de la commission de la culture par Mme Sabine Drexler (n° 794, 2022-2023).
* 14 Proposition de loi présentée par Mme Aurore Bergé, Assemblée nationale, XVIe Législ., n° 574.
* 15 Ce texte expérimental a pour objectif de lever les freins aux investissements des collectivités territoriales en matière de rénovation énergétique en leur permettant de différer le paiement de leurs travaux, par dérogation au droit de la commande publique, en s'appuyant sur les économies d'énergie attendues de ces investissements dans le cadre d'un contrat de performance énergétique.
* 16 Il s'agit du groupe scolaire de Chavenay (Yvelines), village de 1 700 habitants ; les travaux concernent la rénovation du groupe scolaire (un peu plus de 200 enfants) et de la cantine. Le projet sera financé à hauteur de 835 000 €.
* 17 Source : ministère de la transition écologique.
* 18 Financement de la transition écologique et énergétique - Enjeux, recommandations et propositions des intercommunalité, ADCF, septembre 2022.
* 19 Source : rapport Demarcq, 2020. Il s'agit de la surface de plancher, qui correspond à la somme des surfaces de tous les niveaux construits, clos et couverts, dont la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80 m. Elle ne comprend ni les combles non aménageables pour l'habitation ni les surfaces intérieures aménagées pour le stationnement des véhicules.
* 20 Établissements du second degré - Collèges, lycées et établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA) relevant du ministère chargé de l'Éducation nationale. Hors cités scolaires : 6 927 établissement ; 781 établissements en cités scolaires.
* 21 Hors cités scolaires : 5 040.
* 22 Hors cités scolaires : 1 242.
* 23 Hors cités scolaires : 645.
* 24 Surface de plancher. Source : DEPP (ministère de l'éducation nationale).
* 25 Voir en annexe la note relative au cadre législatif et réglementaire national en matière de performance et de rénovation énergétique des bâtiments publics.
* 26 Voir en annexe la note relative au cadre juridique européen de la rénovation énergétique des bâtiments publics.
* 27 La rénovation énergétique des bâtiments scolaires, rapport de M. François Demarcq, mars 2020.
* 28 Source : document fourni par I4CE (audition par la rapporteure le 6 avril 2023).
* 29 Les normes relatives à la mesure de la qualité de l'air intérieur sont évoquées ultérieurement.
* 30 En application de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants doivent réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre de leurs activités ainsi qu'un plan de transition de réduction de ces émissions. Ces deux documents sont rendus publics et actualisés tous les trois ans. Le bilan porte sur le patrimoine et les compétences des collectivités territoriales.
* 31 Article R. 126-18 du code de la construction et de l'habitation.
* 32 Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.
* 33 Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine.
* 34 Articles L. 111-10 et R.131-25 à R.131-28-11 du code de la construction et de l'habitation.
* 35 Source : Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ? ; INET, CNFPT, AFL, mars 2023.
* 36 Cette PPE a révisé la première programmation qui portait sur les années 2016-2018 et 2019-2023.
* 37 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Une vague de rénovations pour l'Europe: verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie » - COM/2020/662 final.
* 38 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999, dit « Loi européenne sur le climat ».
* 39 Ensemble de propositions visant à réviser la législation relative au climat, à l'énergie et aux transports ainsi qu'à mettre en place de nouvelles initiatives législatives afin d'aligner la législation de l'UE sur les objectifs climatiques de l'Union.
* 40 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'efficacité énergétique (refonte), COM(2021) 558 final.
* 41 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments (refonte), COM(2021) 802 final.
* 42 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique, COM(2022) 222 final.
* 43 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 218/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil, COM(2021) 557 final.
* 44 Financement de la transition écologique et énergétique - Enjeux, recommandations et propositions des intercommunalité, ADCF, septembre 2022.
* 45 En juillet 2022, l'Association des petites villes de France (APVF) considérait que dans certaines de ses communes membres les dépenses énergétiques avaient bondi de 50%, ces hausses oscillant entre 30% et 300% pour l'Association des maires de France (AMF) et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Dans une étude réalisée auprès des intercommunalités en janvier 2022, Intercommunalités de France a mis en lumière un doublement ou plus du montant de la facture énergétique pour les trois quarts des intercommunalités, une intercommunalité sur deux rapportant un impact supérieur à 5% sur ses charges de fonctionnement (Source : Les collectivités territoriales face à la hausse du coût de l'énergie, rapport d'information fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme François Gatel, n° 836, 2021-2022).
* 46 Compte rendu du 28 mars 2023.
* 47 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 48 ADEME, Caisse des dépôts, FNCCR, AITF et « Conseil en énergie partagé » - Dépenses énergétiques des collectivités locales - État des lieux en 2017 - sept. 2019.
* 49 Source : réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la rapporteure.
* 50 11 régions métropolitaines ont participé à cette enquête.
* 51 Source : étude du Commissariat général au développement durable de 2018 citée par les réponses écrites de l'AMF au questionnaire de la rapporteure.
* 52 Source : réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la rapporteure.
* 53 Source : audition de Régions de France.
* 54 Montant estimé pour l'année 2022.
* 55 Montant estimé pour l'année 2023.
* 56 Voir en annexe le compte rendu du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle (intervention de M. Jean-François Husson au nom du Conseil régional de Grand Est).
* 57 Comme le faisait observer le maire de Versailles lors d'une table ronde organisée le 1er février 2023 par la commission de la culture sur la transition écologique du bâti ancien, « de nombreux bâtiments anciens sont construits intelligemment par rapport au climat ».
* 58 Entre l'année scolaire 1958-1959 et l'année scolaire 1973-74, les effectifs des collégiens et des lycéens ont presque triplé, passant respectivement de 1,174 million à 3,901 millions et 340 000 à 939 000 élèves, tandis que ceux des établissements secondaires doublaient, passant de 322 000 à 683 000 élèves. Ce sont ainsi plus de 2,8 millions d'élèves supplémentaires qui ont été accueillis en quinze ans.
* 59 La surface de plancher correspond à la somme des surfaces de tous les niveaux construits, clos et couverts, dont la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80m. Elle ne comprend ni les combles non aménageables pour l'habitation ni les surfaces intérieures aménagées pour le stationnement des véhicules. C'est à cette donnée que se réfère ce rapport.
* 60 Antoine Prost, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, Institut national de recherche pédagogique, 2005.
* 61 Pour les établissements à structure métallique, il s'agit des établissements désignés sous la terminologie GEEP - groupement d'études et d'entreprises parisiennes - plus connus sous le nom d'établissement « Pailleron », du nom du collège du 19e arrondissement de Paris dont l'incendie tragique, en 1973, causa la mort de 20 personnes, dont 16 élèves ; la terminologie Effier renvoie aux établissements à structure en béton.
* 62 Antoine Prost, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, Institut national de recherche pédagogique, 2005.
* 63 Voir en annexe la synthèse de cette consultation.
* 64 Cour des Comptes, La décentralisation et l'enseignement du second degré, Rapport public particulier, février 1995.
* 65 Antoine Prost, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, Institut national de recherche pédagogique, 2005.
* 66 Cour des comptes, « La construction, la rénovation et l'entretien des collèges : mieux articuler les actions de l'Éducation nationale et des départements », Rapport public annuel, mars 2023.
* 67
Source : audition par la rapporteure du CIRBAT et du CAUE de La Réunion.
* 68 CNESCO, Enquête sur la restauration et l'architecture scolaires, 2017. Dans la moitié des cas, cette interpellation est du fait des personnels.
* 69 Communiqué de presse du 24 juin 2019.
* 70 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 71 Idem.
* 72 Les travaux comportent à la fois un volet rénovation de l'ancienne école Jules Ferry, mais aussi une extension avec la création d'un bâtiment neuf de l'autre côté de la cour. En effet, plus de 1 000 logements se sont construits autour de l'école sur une ancienne friche industrielle.
* 73 Compte rendu du 30 mars 2023.
* 74 S'agissant des établissements relevant de la Mission laïque française, le lycée français international André Malraux de Rabat répond à la norme Haute qualité environnementale (HQE), de même que l'établissement d'Alexandrie dont la reconstruction est programmée.
* 75 Compte rendu du 22 mars 2023.
* 76 Réponses écrites du rectorat de Mayotte au questionnaire de la rapporteure.
* 77 Les constructions et rénovation des écoles relèvent des communes et du département, mais ils bénéficient d'un financement prélevé sur le budget du ministère de l'outre-mer. Les établissements du second degré de Mayotte sont restés à la charge de l'état, de même que ceux de Saint Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna, soit 46 établissements.
* 78 Actuellement, l'eau est coupée dans le territoire à raison de deux nuits par semaine (de 18h à 7h), mais le contexte pourrait conduire à quatre nuits de fermeture, le choix de couper l'eau la nuit s'expliquant par la volonté de limiter l'incidence des coupures sur les activités (éléments recueillis lors de l'audition du recteur de l'académie de Mayotte par la rapporteure).
* 79 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.
* 80 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 81 Idem.
* 82 Guide du ministère de l'éducation nationale : améliorer le confort thermique des bâtiments scolaires pendant les vagues de chaleur.
* 83 Voir en annexe le compte rendu du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle (intervention de M. Jean-François Husson).
* 84 Voir en annexe le compte rendu du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle.
* 85 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 86 Le programme CUBE est co-organisé par l'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB) et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), en partenariat avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).
* 87 Pour Mme Nathalie Lederman, responsable Projet CUBE.S et CUBE. Écoles à l'IFBEB : « Nous avons conduit une étude avec Harris Interactive, à laquelle ont participé des sociologues et des psycho-sociologues : les résultats démontrent que 91% des élèves ayant participé aux programmes CUBE dans le cadre scolaire transmettent leurs nouveaux savoirs chez eux. [...] Les parents ont affirmé que, dans 87% des cas, ces transferts avaient eu un impact sur leur comportement à la maison, grâce au "kit ambassadeur" et aux guides que nous fournissons sur les économies d'énergie et les rénovations. En demandant aux familles un accès à leurs factures d'énergie, nous avons constaté une réduction de 11% de leur consommation d'énergie, avant même la mise en place du plan gouvernemental de sobriété » (compte rendu du 6 avril 2022).
* 88 Le 16 mai 2023 a été lancé le nouveau concours Cube.Ville auprès des agents municipaux. L'objectif pour les communes, en travaillant sur les usages et en effectuant des réglages sur l'exploitation, sera de réaliser, en un an, un minimum de 10% d'économies d'énergie dans les bâtiments communaux tertiaires retenus, sans engager de travaux conséquents. Cette opération, qui se conclura comme pour les challenges scolaires par une remise de prix, est financée par le programme de certificats d'économies d'énergie (CEE) ACTÉE+.
* 89 Au sujet du montant des frais d'inscription, Mme Nathalie Lederman a indiqué que « les collèges ont, par exemple, beaucoup à y gagner, car 10% d'économies d'énergie représentent pour eux en moyenne un avantage de 5 600 euros, en se basant sur les prix de l'énergie d'il y a deux ans. Payer 2 000 euros avec le nouveau programme CUBE ne représente donc pas un montant considérable » (compte rendu du 6 avril 2023).
* 90 Il s'agit de l'École de Plein Air, achevée en 1935. Elle dispose sur une face de panneaux de verre coulissants. Les huit pavillons des classes s'ouvraient sur trois côtés par des parois vitrées donnant vers le sud. Enfin, les toits des classes pouvaient être utilisés comme solarium. Aujourd'hui, le bâtiment abrite l'institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés.
* 91 Compte rendu du 15 février 2023.
* 92 Compte rendu du 6 avril 2023 (CAUE des Pyrénées-Atlantiques).
* 93 Il s'agit de l'un des exemples cités par la Fédération nationale des CAUE dans les documents transmis à la rapporteure à la suite de la table ronde du 6 avril 2023.
* 94 Article 10 de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.
* 95 Voir en annexe la note relative à la démographie scolaire.
* 96 Source : réponses écrites du rectorat au questionnaire de la rapporteure.
* 97 Compte rendu du 22 mars 2023.
* 98 Mme Carole Canette, vice-présidente du conseil régional Centre-Val de Loire, déléguée aux lycées, à l'éducation, à l'apprentissage, à la jeunesse et à la vie lycéenne (compte rendu du 29 mars 2023).
* 99 « Retours d'expériences pour des bâtiments publics durables et sains » ; 22 retours d'expériences pour des bâtiments publics durables et sains - BRUDED (Bretagne rurale et rurbaine pour un développement durable), association qui rassemble quelque 250 communes et intercommunalités.
* 100 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 101 L'école Malpassé Les Lauriers présente la spécificité d'être construite en étoile, avec un accès de toutes les salles de classe du rez-de-chaussée sur la cour de récréation.
* 102 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 103 Compte rendu du 28 mars 2023.
* 104 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 105 Voir en annexe la synthèse de la consultation des élus locaux par la mission d'information.
* 106 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 107 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 108 L'hypothèse (jugée basse) de 1 100 euros par m² est fondée sur le retour d'expérience sur 15 écoles de la SPL OSER dont la région Auvergne-Rhône-Alpes est actionnaire majoritaire. L'hypothèse haute de 1 700 euros par m² repose sur un retour d'expérience de la Direction de l'immobilier de l'État.
* 109 Hors acquisition foncière et aménagements extérieurs du collège (voirie, stationnement, arrêts de cars, piste cyclable, parvis).
* 110 Source : BRUDED, « Retours d'expériences pour des bâtiments publics durables et sains » ; 22 retours d'expériences pour des bâtiments publics durables et sains - BRUDED.
* 111 Compte rendu du 28 mars 2023.
* 112 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 113 Compte rendu du 30 mars 2023.
* 114 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 115 INET, Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ?, 2023.
* 116 Idem.
* 117 Compte rendu du 28 mars 2023 (audition des représentants de l'Assemblée des départements de France).
* 118 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 119 Ces matériaux contiennent dans de très nombreux cas de la cellulose, élément nutritif recherché par les termites.
* 120 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 121 Compte rendu du 15 février 2023.
* 122 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 123 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 124 Idem.
* 125 Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissements (I4CE, Novembre 2022). Selon le même rapport, « Le calendrier des appels à projets peut par ailleurs ne pas correspondre au cycle de vie des projets ». Par ailleurs, cette méthode peut entrainer du financement de projets par « effets d'aubaine (l'État vient financer des projets qui auraient été conduits sans son soutien) » et peut « décourager des projets qui sortent des calendriers prévus par les financeurs pour des problèmes de concordance des calendriers ».
* 126 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 127 I4CE, Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement (Novembre 2022).
* 128 L'effort à fournir par rapport à la situation actuelle n'est pas évalué, car « le nombre d'agents dédiés à la transition climatique n'est actuellement pas connu ».
* 129 I4CE, Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement (Novembre 2022).
* 130 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 131 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 132 Source : communication écrite de FIN INFRA à la rapporteure.
* 133 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 134 Voir en annexe la synthèse de ces témoignages.
* 135 Voir en annexe le compte rendu du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle, le 13 avril 2023.
* 136 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 137 Présentation de la FNCCR lors de la table ronde du 6 avril 2023.
* 138 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 139 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 140 Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires, rapport d'information n° 591 (juillet 2020) fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par Mme Josiane Costes et M. Charles Guéné. On note, parmi les conclusions de ce rapport, une recommandation invitant à favoriser l'émergence d'une offre d'ingénierie publique locale.
* 141 Audition par la rapporteure - 16 février 2023.
* 142 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 143 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 144 Voir en annexe le compte rendu du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle.
* 145 « Le CEP est né d'une initiative territoriale en Bretagne visant à accompagner les petites communes qui ne pouvaient pas se permettre de recruter des conseillers énergétiques à temps plein. Dans le prolongement d'une évaluation nationale, ces initiatives ont été étendues au territoire national, donnant ainsi naissance au CEP il y a une dizaine d'années » (source : compte rendu du 6 avril 2023).
* 146 Voir en annexe le compte rendu du déplacement en Meurthe-et-Moselle.
* 147 Voir en annexe le compte rendu du déplacement dans le Finistère.
* 148 Enquête conduite en 2005/2019 par l'ADEME dans 42 communes du Pays de Fougères.
* 149 Source : réponses écrites de l'ADEME au questionnaire de la rapporteure.
* 150 Parmi les autres priorités sont mentionnés les équipements sportifs ainsi que la mise en valeur du patrimoine naturel ou culturel.
* 151 Source : DGCL, Bilan de l'utilisation de la DSIL en 2021 - Synthèse globale.
* 152 Circulaire ministérielle du 8 février 2023.
* 153 Développement écologique des territoires, qualité du cadre de vie, rénovation énergétique et développement des énergies renouvelables ; mise aux normes et la sécurisation des équipements publics ; développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou en faveur de la construction de logements ; développement du numérique et de la téléphonie mobile ; création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires ; réalisation d'hébergement et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants.
* 154 Source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure.
* 155 À titre d'exemple, 86,39 millions d'euros pour la région Bretagne.
* 156 Circulaire ministérielle relative au Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires (« fonds vert »).
* 157 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 158 570 millions d'euros au niveau national pour 2023.
* 159
En 2022, la DSIL a fait l'objet d'un abondement exceptionnel de 303 M€. En 2021, 123 M€ de DSIL avaient été attribués à 829 projets d'investissement dans le domaine scolaire, soit 23% des montants et 22% des projets (source : DGCL, réponses écrites au questionnaire de la rapporteure).
* 160
Selon la DGCL, « le FCTVA constituant un soutien global à l'investissement des collectivités locales, il ne permet pas d'isoler par projet le montant de FCTVA obtenu. Toutefois la réforme de l'automatisation ayant conduit à définir un périmètre comptable d'éligibilité, il sera possible d'obtenir, dans le cadre du bilan de la réforme le montant d'attributions de FCTVA accordées suite à des dépenses en faveur des travaux de construction et d'entretien des bâtiments publics, qui représente plus de 30% des attributions de FCTVA, s'étant élevées à près de 6,5 Md€ en 2022 ».
* 161 La circulaire préfectorale du 1er décembre 2022 relative à la DSIL dans le département de Meurthe-et-Moselle demande aux collectivités « de ne pas cumuler DSIL et DETR pour une même opération, » sauf pour les « projets de construction/extension de bâtiments scolaires et périscolaires qui conduisent à regrouper plusieurs écoles ».
* 162 Voir en annexe les comptes rendus de ces déplacements.
* 163
Au titre de la DSIL, la quote-part des quatre départements bretons s'établit à 34 millions d'euros.
* 164 Source : Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 165 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la rapporteure.
* 166 Compte rendu du 29 mars 2023.
* 167 Source : Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement, I4CE, novembre 2022.
* 168 Prêts d'une durée de 15 à 40 ans, avec des formules à taux fixe ou adossées au livret A (la réalisation d'un objectif de 30% d'efficacité énergétique est nécessaire pour obtenir le meilleur taux) ; prêts en fonds propres ou quasi fonds propres, avec la possibilité d'intervenir en partenariat avec d'autres acteurs privés et publics, locaux ou nationaux ; en complément des offres de prêts, dans le cadre de la gestion de dispositifs de financement innovants.
* 169 L'Intracting permet de financer tous les travaux de rénovation et d'optimisation énergétique des acteurs publics locaux de manière à dégager des économies d'énergie à court terme, sur une durée maximale de treize ans (changement des équipements, chauffage, production d'eau chaude, ventilation, éclairage ou régulation, etc.)
* 170 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 171 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 172 Compte rendu du 28 mars 2023.
* 173 Rapport sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, fait par Mme Jacqueline Eustache-Brinio au nom de la commission des lois (Sénat, n° 321, 2022-2023).
* 174 Source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure.
* 175 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 176 Selon la DGCL, les collectivités sont éligibles aux bonification induite par l'extension du « coup de pouce Chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires » par l'arrêté du l'arrêté du 12 juillet 2022 modifiant l'arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d'application du dispositif des certificats d'économies d'énergie et l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie (source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure).
* 177 À titre d'exemple, le conseil départemental de la Drôme a fait observer à la mission d'information que, « pour les passages en LED, les certificats d'économie d'énergie ne sont pas réellement utilisables du fait de la complexité des études à mettre en oeuvre pour permettre de les justifier » (Source : réponses écrites d'ADF au questionnaire de la rapporteure).
* 178 Réponses écrites de l'AMF au questionnaire de la rapporteure.
* 179 Compte rendu du 28 mars 2023 (audition des représentants de l'Assemblée des départements de France).
* 180 Compte rendu du 28 mars 2023 (audition de l'Assemblée des départements de France).
* 181 INET, AFL, Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ? mars 2023.
* 182 Source : communication écrite à la rapporteure.
* 183 Source : communication écrite de FIN INFRA à la rapporteure.
* 184 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la rapporteure.
* 185 Où en est l'application de la loi « Énergie-Climat » ? Où en est l'objectif de « neutralité carbone » ?, rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques par Daniel Gremillet (n° 553, 2021-2021), p. 48.
* 186 Article R.2152-7 du code de la commande publique.
* 187 Article 25 de la directive 2014/25.
* 188 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 189 Le projet de règlement « net zero industry act » comporte notamment un article 19 sur la sécurité des approvisionnements dans les marchés publics : https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/net-zero-industry-act_en
* 190 Organismes HLM : 13,9% ; Centres hospitaliers 5% ; État 6,3% ; Universités- écoles supérieures : 4,2%.
* 191 Chiffres clés - Observatoire nationale des contrats de performance énergétique - Novembre 2022.
* 192 « Un plan national de rénovation des écoles sans vrai financement », La Gazette des communes, 9 mai 2023.
* 193 « Rénovation énergétique du bâti scolaire : le plan est lancé », Banque des territoires, Localtis, 10 mai 2023.
* 194 Compte rendu du 7 juin 2023 (audition de Mme Dominique Faure).
* 195 Voir en annexe la note sur la démographie scolaire.
* 196 Compte rendu du 23 mars 2023 (audition des associations des élus de l'échelon municipal).
* 197 Voir en annexe la synthèse de ces témoignages.
* 198 Entretien de Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale à la Gazette des communes du 6 avril 2023.
* 199 Groupement d'études et d'entreprises parisiennes, dénomination des établissements dits « Pailleron » ; désigne les bâtiments à structures métalliques.
* 200 Désigne les bâtiments à structure en béton.
* 201 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 202 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 203 Rénovation énergétique des bâtiments des collectivités locales - comprendre et se lancer, Coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments, juillet 2020.
* 204 Cinq agents en tout, en comptant le directeur de projet.
* 205 Aides-territoires est une startup d'État portée par la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) avec le soutien de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et de la Direction générale des infrastructures de transport et de la mer (DGITM).
* 206 « Bâtir l'école maternelle », « Bâtir l'école élémentaire », « Bâtir le collège », « Bâtir le lycée général et technologique », « Bâtir le lycée professionnel »...
* 207 À titre d'exemple, l'architecte en charge du projet d'aménagement des espaces extérieurs du collège Georges Pompidou de Courbevoie a indiqué l'importance de la transmission des expériences, pour une pleine réussite des futurs projets (en l'occurrence la protection des platebandes de fleurs et des arbres au moyen de potelets, pour leur laisser le temps de pousser et apporter le rafraichissement escompté).
* 208 Compte rendu du 30 mars 2023.
* 209 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 210 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 211 Bretagne rurale et rurbaine pour un développement durable.
* 212 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 213 Annuaire des délégués territoriaux de l'ANCT (anct-carto.github.io)
* 214 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 215 « Se mettre au diapason des élus locaux ! », rapport d'information) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené, n° 313 (2022-2023), février 2023.
* 216 Source : L'observ'ALEC - Flame (federation-flame.org)
* 217 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 218 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 219 Idem.
* 220 « À quelles difficultés de recrutement les entreprises françaises sont-elles confrontées » - Bulletin de la Banque de France n° 245 - avril 2023.
* 221 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 222 Compte rendu du 21 mars 2023.
* 223 Chiffres clés 2020 de la branche du paysage - Données disponibles tous les deux ans.
* 224 Source : réponses écrites de l'Union nationale des entreprises du paysage au questionnaire de la rapporteure.
* 225 « Comment mesurer les tensions sur le marché du travail ? », Document d'études, n° 252, Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du Travail, septembre 2021.
* 226 « À quelles difficultés de recrutement les entreprises françaises sont-elles confrontées » - Bulletin de la Banque de France n° 245 - avril 2023.
* 227 Compte rendu du 21 mars 2023.
* 228 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 229 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 230 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 231 Réponses écrites au questionnaire de rapporteure.
* 232 Compte rendu du 7 juin 2023.
* 233 « À quelles difficultés de recrutement les entreprises françaises sont-elles confrontées » - Bulletin de la Banque de France n° 245 - avril 2023.
* 234 Source : Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.
* 235 Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ? INET, 2023.
* 236 Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ? INET, 2023. Selon cette étude, « l'ordre de grandeur obtenu s'établit à 90 milliards d'euros sur l'ensemble du patrimoine des collectivités ».
* 237 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 238 I4CE, Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement (Novembre 2022).
* 239 I4CE, Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement ; Les besoins d'investissement et d'ingénierie des collectivités locales pour la neutralité carbone (2022).
* 240 I4CE, Les besoins d'investissement et d'ingénierie des collectivités locales pour la neutralité carbone (2022).
* 241 I4CE, Les besoins d'investissement et d'ingénierie des collectivités locales pour la neutralité carbone (2022).
* 242 Source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure.
* 243 Rapport de l'Observatoire BBC (Bâtiments Basse Consommation) publié en 2021.
* 244 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 245 Idem.
* 246 Idem.
* 247 Caisse des dépôts, Rapport du groupe de travail Rénovation énergétique des bâtiments éducatifs, mars 2018.
* 248 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 249 Idem.
* 250 Cette enquête s'est toutefois limitée à quelque 200 réponses, principalement de communes (71%) et d'EPCI (16%).
* 251 Citée par Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ? (INET, AFL, mars 2023).
* 252 Comment financer la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales ? (INET, AFL, mars 2023).
* 253 Ley 1/2020, de 13 de julio, para la mejora de las condiciones térmicas y ambientales de los centros educativos andaluces mediante técnicas bioclimáticas y uso de energías renovables.
* 254 Normalement, élaboration de ce guide dans un délai de 18 mois, mais les recherches sur le site de l'agence andalouse de l'énergie n'ont pas permis de le trouver.
* 255 Source : réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 256 Amorce, Comment les collectivités financent l'amélioration énergétique de leur parc bâti ?, 2019.
* 257 Financement de la transition écologique et énergétique - Enjeux, recommandations et propositions des intercommunalité, ADCF, septembre 2022.
* 258 « La participation minimale du maître d'ouvrage est de 20% du montant total des financements apportés par les personnes publiques à ce projet » (article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales).
* 259 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la rapporteure.
* 260 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 261 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 262 Compte rendu du 29 mars 2023.
* 263 Rapport d'information intitulé « Normes applicables aux collectivités territoriales : face à l'addiction, osons une thérapie de choc ! » n° 289 (2022-2023) - 26 janvier 2023 - de Mme Françoise Gatel et M. Rémy Pointereau, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, relatif à la simplification des normes imposées aux collectivités territoriales.
* 264 Note de l'ATMO Grand-Est - avril 23.
* 265 Témoignage d'un élu sur la plateforme du Sénat.
* 266 Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments. Cette interdiction concerne également les établissements de santé, les établissements d'hébergement des personnes âgées, les cabinets médicaux, des cabinets dentaires, les crèches, les laboratoires d'analyses de biologie médicale et les établissements de transfusion sanguine.
* 267 « La construction, la rénovation et l'entretien des collèges : mieux articuler les actions de l'Éducation nationale et des départements », Rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes - mars 2023 - page 359.
* 268 Compte rendu du 22 mars 2023.
* 269 Un autre témoignage relève un « groupe scolaire principalement des années 1900, seulement deux groupes scolaires neufs » (2015 et 2022) ; « 6 collèges (deux neufs en 2014), le reste des années 1900 » ; « 6 lycées (4 des années 1900, deux des années 1970) ».
* 270 Toutefois : « Arrêtons de tourner autour du pot, c'est de la qualité de l'éducation qu'il faudrait parler plutôt des conditions de travail des bâtiments. Peu importe le contenant pourvu qu'on ait la transmission des savoirs ».
* 271 Certains élus se déclarent toutefois peu motivés par la lutte contre la canicule en raison du climat local (breton, normand ou montagnard), d'autres font état de constructions aux murs épais protégeant naturellement contre la chaleur excessive, d'autres encore évoquent des solutions telles que l'ouverture des fenêtres tôt le matin « pour faire entrer la fraîcheur » et la proximité de salles climatisées (cantine, salle des fêtes...) où les enfants peuvent trouver refuge en cas de forte chaleur, voire la nécessité de laisser les enfants « s'habituer aux chaleurs » sans qu'il paraisse souhaitable d'investir dans ce domaine.
* 272 Cette réponse fait le lien entre le financement de la rénovation du bâti scolaire et l'aide aux repas à un euro à la cantine ou la scolarisation précoce : « les villes qui le font déjà n'ont pas été aidées ».
* 273 Participants :
- membres de la mission d'information : M. Jean-Marie Mizzon président, Mme Nadège Havet, rapporteure, Mme Véronique Del Fabro,
- M. Jean-François Husson, sénateur, conseiller régional ;
- M. Arnaud Cochet, préfet de Meurthe-et-Moselle ;
- Mme Rose-Marie Falque, présidente de l'Association des maires de Meurthe-et-Moselle ;
- Mme Florence Picard, présidente de l'Association des maires ruraux de Meurthe-et-Moselle ;
- M. Étienne Maire, conseiller en énergie partagé (CEP) du Pays du Lunévillois et M. Jacques Lavoil, vice-président du Pays du Lunévillois, en charge de la transition énergétique ;
- M. Guillaume Lavier, directeur de l'Agence locale de l'énergie et du climat Nancy Grands territoires ;
- Mme Maud Guyot, chargée de mission Transition énergétique à la région Grand Est ;
- M. Fréderic Deruy, responsable du pôle Développement économique, habitat, mobilités - Communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois ;
- M. Stéphane Rozzi, secrétaire général de la FFB 54 ;
- Mme Bérénice Jenneson, responsable Unité surveillance et études réglementaires et M. Cyril Pallares, directeur, direction opérationnelle (ATMO Grand Est) ;
- Mme Samia Henry (EDF) ; M. Benoît Dujardin, directeur régional (Dalkia Grand Est) ;
- M. Olivier Becker, directeur des collectivités territoriales et de la citoyenneté (préfecture de Meurthe-et-Moselle).
* 274 En Meurthe-et-Moselle, les porteurs de projets suivants sont éligibles : communes de - 2 000 habitants ;- communes entre 2000 et 20 000 habitants, à l'exclusion de celles dont le potentiel financier par habitant excède le plafond défini chaque année (en 2023 et pour le département de Meurthe-et-Moselle il s'agit des communes de Blénod-les-Pont-à-Mousson, Custines, Champigneulles, Houdemont, Ludres et Pagny-sur-Moselle) ; EPCI à fiscalité propre de - 75 000 habitants ; syndicats mixtes et syndicats de communes. Source : La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) - La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) - Concours financiers - Collectivités locales - Actions de l'État - Les services de l'État en Meurthe-et-Moselle.
* 275 Participants :
- Membres de la mission d'information : M. Jean-Marie Mizzon, président ; Mme Nadège Havet, rapporteure ; Mme Véronique Del Fabro ; M. Gilbert Favreau ;
- M. Jean-Philippe Setbon, sous-préfet ;
- M. Roger Talarmain, maire de Plouguin (AMF du Finistère) ;
- M. Franck Pichon, conseiller départemental, délégué aux collèges, et M. Gérard Pichon, direction des bâtiments et services du conseil départemental, responsable de l'unité des études préalables (Conseil départemental) ;
- M. Philippe Cou, directeur opérationnel, et M. Christophe Brillant, responsable opérationnel de l'opération Isabelle Autissier à Gouesnou (Brest-Métropole-aménagement - BMa) ;
- Mme Séverine Fossey, directrice de Finistère Ingénierie assistance (FIA) ;
- M. Glen Dissaux, président, et Mme Gladys Douilly, directrice générale d'Énerg'ence ;
- Mme Sophie Auvray, directrice de l'espace territorial Brest-Morlaix (Région Bretagne).
* 276 Article R. 2211-1 du code de la commande publique.
* 277 Il s'agit de communes rurales (nombre d'habitants compris entre 460 et 3 700).
* 278 La circulaire préfectorale du 21 octobre 2022 relative à la DETR a classé les « constructions, rénovation des bâtiments scolaires du premier degré et des infrastructures périscolaires » au premier rang des opérations relevant d'une priorité n° 1.
La circulaire a plafonné à 400 000 euros le montant des subventions par opération, le taux d'intervention étant compris dans une fourchette de 20 à 50 % du coût HT de l'opération et tenant compte des aides publiques inscrites au plan de financement de celle-ci. Pour être recevables, les projets doivent démarrer dans un délai de deux ans à compter de la notification de la subvention et l'opération doit être achevée dans un délai maximum de quatre ans à partir du début de l'exécution de l'opération.
* 279 On note que selon l'édition 2023 du Cahier d'accompagnement des chantiers de rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, publié dans le cadre du Fonds vert par le ministère de la transition écologique, « Une attention particulière pourra en outre être portée aux projets : portés par des petites communes rurales ; portant sur des bâtiments scolaires qui constituent une part importante des consommations d'énergie des collectivités ».
* 280 En 2023, la dotation des quatre départements bretons était de 34 millions d'euros sur une enveloppe nationale de 570 millions d'euros. Selon la circulaire préfectorale du 16 février 2023, le montant des subventions est compris entre 20 000 et 500 000 euros, le taux de subvention étant de 80% maximum ; les opérations devant démarrer dans le courant de l'année 2023 étant privilégiées.
* 281 Selon la circulaire préfectorale du 20 février 2023, les quatre départements bretons disposent pour 2023 de 86,39 millions d'euros au titre du Fonds vert (sur une enveloppe de 2 milliards d'euros au niveau national). Le taux de subvention est de 80% au maximum, comme pour la DSIL. Les opérations prévoyant un démarrage des travaux dans le courant de l'année 2023 seront privilégiées, le lancement des travaux devant intervenir dans un délai de deux ans maximum à compter de la notification de la subvention.
* 282 31 décembre 2022 pour la DETR, 31 mars 2023 pour la DSIL, instruction des dossiers chaque fin de mois jusqu'au 31 octobre 2023 pour le Fonds vert.
* 283 Les responsables de l'ALEC Éner'gence ont indiqué que l'école Isabelle Autissier, nouveau nom du groupe scolaire du Château d'eau, construit en 1973 et étendu en 1982, rasé puis reconstruit. Sa surface est d'environ 3 300 m², sa consommation de 2021 est d'environ 300 000 kWh, soit 89 kWh/m². Un autre projet de rénovation concerne le groupe scolaire du Moulin, construit en 1986. Sa surface est d'environ 1 900 m², sa consommation de 2021 représente environ 160 000 kWh, soit 81 kWh/m². Le coût de sa rénovation globale est d'environ 370 €/m². Le directeur opérationnel de BMa a précisé que l'école de Gouesnou constituait un exemple de réalisation suivant le montage marché de Partenariat/MPGP, pour un projet neuf, en raison de sa dimension (environ 11 M€ HT en conception et réalisation) et d'un engagement de performance important (E4C1), sur 20 années. En outre, ce projet comporte, du fait de l'installation de panneaux photovoltaïques, une dimension de production d'énergie et d'autoconsommation ; or du fait du taux d'occupation faible d'une école (environ 30 % du temps ; peu en été), l'énergie produite en surplus pourra être redirigée vers d'autres bâtiments communaux (mairie, médiathèque, foyer...) voire ultérieurement vers des établissements privés. Le projet de Gouesnou présente également l'intérêt d'une mutualisation des espaces entre activités scolaires et d'autres activités de la collectivité (salle de spectacle notamment ; ouverture de la cour au public en dehors du temps scolaire).
* 284 Assistaient à la visite M. Gilles Mounier, maire, vice-président du conseil départemental, président de la commission du développement durable et des territoires ; Mme Véronique Bourbigot, vice-présidente du conseil départemental, présidente de la commission de l'enfance, de la jeunesse, de la culture, des sports et des associations ; MM. Franck Pichon, conseiller départemental, Gérard Pichon, chargé d'opérations collèges au conseil départemental, le conseiller principal d'éducation et Roger Talarmain, maire de Plouguin, représentant l'AMF 29.
* 285 Participants : M. Jean-Marie Mizzon, président ; Mme Nadège Havet, rapporteure ; Mme Véronique Del Fabro.
* 286 Participants : M. Jean-Marie Mizzon, président ; Mme Nadège Havet, rapporteure ; M. Jean-Baptiste Blanc.
* 287 La décentralisation et l'enseignement du second degré, Cour des comptes, Rapport public particulier, février 1995.
* 288 Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) - Les finances des collectivités locales en 2022, présentation fonctionnelle des comptes des collectivités territoriales.
* 289 Le tableau ci-dessus ne prend toutefois en compte que les dépenses des communes de plus de 3 500 habitants, celles de moins de 3 500 habitants n'étant pas incluses faute de présentation fonctionnelle du budget.
* 290 Article L. 2312-3 du code général des collectivités territoriales : « Le budget (...) comporte pour les communes de 3 500 habitants et plus une présentation fonctionnelle. »
* 291 Total 2021 : 210 837 millions -Source : Rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) - annexe 2F - dépenses ventilées par fonction.
* 292 « 169 milliards d'euros consacrés à l'éducation en 2021 : 6,8 % du PIB », note d'information de la DEPP - n° 22.34, novembre 2022.
* 293 Si l'on fait exception d'un léger rebond en 2021, dans un contexte marqué par les conséquences de la pandémie.
* 294 Le système éducatif dans les académies ultramarines, juillet 2020, communication à la commission des finances.
* 295 L'enseignement scolaire en outre-mer : des moyens à mieux adapter à la réalité des territoires, M. Gérard Longuet, décembre 2020, rapport n° 224, session 2020-2021.
* 296 Idem.
* 297 Plan de développement pour l'avenir de Mayotte.
* 298 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999, dit « Loi européenne sur le climat ».
* 299 La réforme du marché carbone EU ETS, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'UE et le Fonds social pour le climat.
* 300 Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique et directive (UE) 2018/2002 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique ;
Directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments et directive (UE) 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments ;
Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte).
* 301 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 sur l'efficacité énergétique (refonte), COM(2021) 558 final.
* 302 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte), COM(2021) 802 final.
* 303 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 15 juin 2022 modifiant la directive (UE) 2018/2001 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique, COM(2022) 222 final.
* 304 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil, COM/2021/557 final.