II. L'INGÉNIERIE, UN ENJEU ESSENTIEL À L'HEURE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
Pour les aider dans la réalisation de leurs projets de rénovation ou de construction de bâtiments, les collectivités territoriales peuvent faire appel à différents structures et dispositifs, présents au niveau national ou local.
De nombreux « interlocuteurs potentiels » sont en effet susceptibles d'informer et/ou d'apporter aux élus locaux l'expertise technique et l'ingénierie dont ils ont besoin, comme le soulignait devant la mission d'information le directeur général du CEREMA - climat et territoires de demain122(*).
Certes, cette diversité est une contrepartie de la complexité des questions posées par la rénovation des bâtiments scolaires, comme l'a fait observer à la mission d'information le directeur général du CEREMA. La mission d'information considère cependant que cette dispersion des partenaires potentiels des collectivités peut être source de difficultés pour des élus confrontés à un véritable « maquis » d'offres d'accompagnement. Comprendre « qui fait quoi » demeure trop souvent un vrai défi pour de nombreux élus, même si certains territoires présentent en matière d'ingénierie des exemples d'écosystèmes efficaces.
En outre, cette pluralité de guichets contraste avec de fortes inégalités entre les territoires, malgré des initiatives intéressantes visant la mutualisation des moyens en ingénierie entre collectivités.
A. DES BESOINS QUE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE CONTRIBUE À ACCROÎTRE
Ainsi que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation l'a rappelé dans un rapport récent123(*), le besoin d'ingénierie des élus repose sur :
- l'ingénierie amont, qui « permet de passer de l'idée au projet », « de le mettre en perspective avec les enjeux des territoires, de le repositionner dans un contexte plus global, d'interroger sa dimension financière sur le moyen terme, de travailler à sa faisabilité » ;
- une ingénierie administrative et financière, qui « permet d'avancer le projet au plus près de sa phase de réalisation » et « intègre une dimension de recherche de financements permettant sa réalisation » ;
- l'assistance à maîtrise d'ouvrage afin de « piloter le projet dans sa phase opérationnelle » ;
- la combinaison de ces trois types d'ingénierie en cas de « projets complexes et transversaux ».
Le rapport précité de la délégation aux collectivités territoriales relève également que les besoins en ingénierie sont aujourd'hui « plus élevés que jamais ».
Ce constat tient à des facteurs conjugués.
- Il tient, d'une part, à « la complexification de l'action publique et de la densification de l'environnement réglementaire et technique »124(*).
Ces besoins en ingénierie sont renforcés notamment par le fonctionnement par appels à projets qui caractérise les attributions de subventions : ce point a été mentionné par de nombreux élus rencontrés par la mission, lors de ses auditions et déplacements ainsi que sur la plateforme de consultation du Sénat. Cette pratique présente pour les collectivités territoriales l'inconvénient majeur d'exiger des moyens importants en ingénierie dédiée, or « ces compétences et ces moyens humains peuvent manquer notamment dans les petites collectivités »125(*).
- D'autre part, la transition écologique suscite de nouveaux besoins, comme l'a relevé le directeur général de l'ANCT lors de son audition par la rapporteure.
Ce constat rejoint celui de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales : les projets de transition environnementale appellent en effet, entre autres conséquences, un suivi des investissements réalisés ainsi qu'une évaluation de la performance énergétique qui en résulte. Or ces missions sont caractérisées par un haut niveau de compétence technique. Ainsi, les enjeux de la transition environnementale « ajoutent aux besoins traditionnels d'une ingénierie de premier niveau, des besoins d'une ingénierie de second niveau »126(*).
Le lien entre les besoins d'ingénierie et les exigences de la transition écologique a été documenté par de récents travaux de recherche : selon une estimation concernant l'ensemble des investissements des collectivités territoriales liés au climat127(*), il faudrait au moins 25 000 agents dédiés à la transition climatique dans les collectivités territoriales, ce qui représente une dépense de 1,5 milliard d'euros par an128(*), soit l'équivalent de 2% de la masse salariale des collectivités129(*).
Par ailleurs, les collectivités sont aujourd'hui confrontées à des difficultés de recrutement pour les emplois qui nécessitent des compétences techniques. Elles se trouvent en concurrence notamment avec les bureaux d'étude, lesquels proposent, en général, une rémunération plus attractive. Intercommunalités de France a insisté sur la difficulté que rencontrent les intercommunalités en matière de recrutement d'énergéticiens, de thermiciens et d'économes de flux, qui sont aujourd'hui considérés comme des métiers en tension.
* 122 Compte rendu du 6 avril 2023.
* 123 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 124 Idem.
* 125 Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissements (I4CE, Novembre 2022). Selon le même rapport, « Le calendrier des appels à projets peut par ailleurs ne pas correspondre au cycle de vie des projets ». Par ailleurs, cette méthode peut entrainer du financement de projets par « effets d'aubaine (l'État vient financer des projets qui auraient été conduits sans son soutien) » et peut « décourager des projets qui sortent des calendriers prévus par les financeurs pour des problèmes de concordance des calendriers ».
* 126 Se mettre au diapason des élus locaux !, rapport d'information n° 313 (2022-2023) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par Mme Céline Brulin et M. Charles Guené (février 2023).
* 127 I4CE, Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement (Novembre 2022).
* 128 L'effort à fournir par rapport à la situation actuelle n'est pas évalué, car « le nombre d'agents dédiés à la transition climatique n'est actuellement pas connu ».
* 129 I4CE, Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement (Novembre 2022).