D. DES EXIGENCES PARFOIS INCONCILIABLES : Y A-T-IL DES RÉNOVATIONS DE BÂTIMENTS SCOLAIRES EXEMPTES D'INCONVÉNIENTS ?

La mission d'information a été alertée sur la fréquence d'exigences inconciliables qui illustrent la complexité particulière des opérations de rénovation de bâtiments scolaires. En voici quelques exemples.

- Les conséquences sanitaires de la végétalisation des espaces extérieurs, évoquée précédemment à propos du risque de canicule, doivent être prises en compte. Les enfants ne sont pas toujours conscients de la dangerosité de certains végétaux, dont les fruits peuvent être tentants au premier regard : certaines espèces doivent donc être exclues. Le risque d'allergie doit également être intégré, ce qui souligne l'intérêt d'associer l'équipe pédagogique à la conception des travaux et aménagement.

En Guadeloupe, certains espaces végétalisés ont attiré des rats, conduisant à la fermeture des établissements scolaires pour cause de risque de leptospirose.

En outre, à La Réunion, le Centre d'innovation sur le bâti tropical (CIRBAT) a mis en garde contre l'utilisation de certains végétaux qui attirent les termites. La mission d'information a pris connaissance avec intérêt des recherches réalisées par cet organisme, notamment à l'heure où l'on promeut une décarbonation de la construction et l'utilisation de matériaux biosourcés119(*). Certes, La Réunion abrite des espèces endogènes de termites, et plus généralement une faune et une flore spécifiques, mais ces alertes méritent d'être diffusées pour permettre un partage d'expérience.

- De même, les conséquences de la végétalisation en termes de maintenance et d'entretien doivent être intégrées en amont des projets d'investissement, qu'il s'agisse de l'arrosage des plantes pendant les congés scolaires ou du nettoyage des sols à l'intérieur des locaux. Dans le même esprit, des initiatives telles que la création d'un poulailler, évoquée lors de l'audition des architectes et des paysagistes120(*), peuvent être de fausses bonnes idées si personne n'est en mesure de nourrir les animaux pendant les congés.

- Paradoxalement, les travaux d'isolation thermique de certains bâtiments scolaires, qui disposaient d'un renouvellement naturel de l'air, ont pu conduire à une détérioration de la qualité de celui-ci, en rendant le bâtiment plus hermétique.

- De même, l'installation d'équipement de ventilation, garantie de qualité de l'air intérieur, peut être en contradiction avec l'objectif de maîtrise des dépenses énergétiques. Le cas du collège Simone Veil de Saint-Renan, dans le Finistère, illustre ce constat : la ventilation représente désormais une part importante - 58% - de l'énergie consommée (ses moteurs sont électriques et les volumes à ventiler sont grands) : ce point n'avait pas été anticipé et cette « surprise », de l'aveu des concepteurs du projet, pose aujourd'hui des problèmes en raison de l'évolution des prix de l'énergie malgré son « excellence technique », conduisant à interrompre le renouvellement d'air à certains moments de la semaine pour des raisons d'économie budgétaire.

Ce point a été confirmé par un élu consulté sur la plateforme du Sénat : « Le réchauffeur de la VMC double flux a doublé nos consommations. Ce serait tout à reprendre ».

- Comme l'a relevé notre collègue Marie-Pierre Monier, qualité de l'air intérieur et préservation patrimoniale peuvent également être en concurrence : « Concernant la qualité de l'air (...), je m'interroge sur les diagnostics qui ne tiennent pas compte du bâti ancien et pour lesquels on préconise parfois une isolation extérieure en abîmant les façades et sans tenir compte de l'aération naturelle dans ces bâtiments. Du coup, on est obligé de tenir compte de ces diagnostics, alors même qu'ils conduisent à une rénovation qui va à l'encontre du bâti ancien et de la santé des enfants »121(*).

- La difficulté liée à la contradiction entre les exigences de conservation du patrimoine et la transition écologique n'est pas propre aux établissements scolaires, mais a été relevée de manière récurrente dans le cadre de la consultation en ligne des élus locaux à propos des interventions des architectes des bâtiments de France (ABF) : « Comment faire évoluer les architectes des bâtiments de France ? Le plus urgent est-il des critères esthétiques subjectifs et personnels ou la baisse urgente de l'empreinte carbone ? ».

- Enfin, les projets de rénovation du bâti scolaire sont confrontés à des dérives des coûts, qui peuvent être dues à des exigences patrimoniales : selon un témoignage reçu par la mission d'information, relatif au bâtiment à énergie positive d'une maison France services, la nécessité de poser des panneaux photovoltaïques « rouges comme les tuiles », à la demande de l'ABF, s'est traduite par un surcoût de 30%.


* 119 Ces matériaux contiennent dans de très nombreux cas de la cellulose, élément nutritif recherché par les termites.

* 120 Compte rendu du 4 avril 2023.

* 121 Compte rendu du 15 février 2023.